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Avis de commission | Doc. 14347 | 20 juin 2017
L’intégration des réfugiés en période de fortes pressions: enseignements à tirer de l’expérience récente et exemples de bonnes pratiques
Commission sur l'égalité et la non-discrimination
A. Conclusions de la commission
(open)1. La commission sur l’égalité
et la non-discrimination se félicite du rapport de la commission
des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées et félicite
sa rapporteure, Mme Susanna Huovinen,
de son exposé des motifs bien documenté qui fournit divers exemples
de la façon dont les États membres du Conseil de l’Europe traitent
de la question complexe de l’intégration des réfugiés. Ces exemples
stimulants témoignent des multiples possibilités d’absorber «des
effectifs même très importants de réfugiés et de demandeurs d’asile d’une
manière qui profite à la fois aux nouveaux arrivants et aux sociétés
d’accueil dès lors qu’il existe une volonté politique claire, une
communication efficace au sujet des politiques ainsi qu’une mobilisation
et une coordination effectives de ressources administratives et
sociales» .
2. La commission approuve la définition éloquente de l’intégration
que donne le projet de résolution, à savoir que, tout en requérant
le respect des valeurs fondamentales de la société d’accueil, l’intégration
ne doit pas être conçue comme une «assimilation selon laquelle les
nouveaux arrivants adoptent la culture, les valeurs et les traditions
du pays hôte en lieu et place des leurs». Elle ne doit pas non plus
être apparentée au «multiculturalisme, avec des communautés autochtones
et de réfugiés ou migrants menant des existences séparées, dictées
par leurs cultures, valeurs et traditions d’origine». La commission
se réjouit, en outre, que le projet de résolution recommande de
dispenser des formations linguistiques et professionnelles ainsi
qu’une éducation civique qui fournisse des orientations utiles pour
la vie quotidienne dans le pays et de donner accès à des services
de garderie pour les enfants; elle apprécie également l’accent qui
est mis sur l’importance du regroupement familial. Il s’agit là
d’éléments importants pour assurer une intégration effective, lesquels
ont été promus à maintes reprises dans les rapports pertinents de
la commission et dans les textes de l’Assemblée parlementaire qui
en découlent .
3. La commission sur l’égalité et la non-discrimination souhaite
proposer six amendements afin de renforcer le projet de résolution
sous l’angle de la non-discrimination et des droits des femmes,
conformément à son mandat et aux textes pertinents de l’Assemblée.
B. Amendements proposés
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Après le paragraphe 6.2, insérer le paragraphe suivant:
«à condamner et sanctionner fermement toute forme de discrimination, de racisme, de xénophobie et de violence contre les réfugiés et les migrants;»
Amendement B (au projet de résolution)
Au paragraphe 6.6.5, après les mots «mettre en place divers éléments», insérer les mots suivants:
«, dont une approche sensible au genre,»
Amendement C (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 6.6.5, ajouter les mots suivants:
«et la mise à disposition de femmes agents responsables des demandes d’asile et d’interprètes femmes»
Amendement D (au projet de résolution)
Après le paragraphe 6.7.3, insérer le paragraphe suivant:
«à pleinement reconnaître le rôle clé des femmes dans une intégration réussie des familles migrantes et à veiller à ce que les besoins particuliers des femmes migrantes soient dûment pris en compte en termes d’accès à la santé sexuelle et reproductive, de formation professionnelle et linguistique, et d’accès indépendant à l’éducation, tout en fournissant les ressources et le personnel pédagogique nécessaires;»
Amendement E (au projet de résolution)
Après le paragraphe 6.7.4, insérer le paragraphe suivant:
«à accorder un statut juridique individuel aux femmes migrantes qui rejoignent leur conjoint au titre du regroupement familial, si possible dans l’année qui suit leur arrivée;»
Amendement F (au projet de résolution)
Au paragraphe 6.7.5, après le mot «comme», insérer les mots «les femmes et»:
C. Exposé des motifs, par Mme Elena Centemero, rapporteure pour avis
(open)1. L’exposé des motifs souligne
que «[l]es responsables politiques ne doivent pas verser dans les
discours de haine à l’égard des réfugiés, [et que] [l]a législation
et la politique nationales devraient prévoir des mesures appropriées
contre de tels propos haineux, quel qu’en soit le contexte, y compris
les déclarations dans les médias». ll fait également référence aux
travaux en la matière de la Commission européenne contre le racisme et
l’intolérance et aux initiatives de l’Assemblée parlementaire dans
ce contexte . Toutefois, il n’y
a pas de recommandation correspondante dans le projet de résolution.
2. Notre engagement, en tant que parlementaires, devrait aller
bien au-delà de l’attitude consistant simplement à «ne pas verser
dans les discours de haine». Nous devrions nous élever contre la
discrimination et la stigmatisation des réfugiés et des demandeurs
d’asile et des migrants en général. C’est aussi le sens de l’appel
lancé par l’Assemblée dans sa Résolution 2069 (2015) «Reconnaître et prévenir le néoracisme» et dans sa Résolution 2159 (2017) «Protéger les femmes et les filles réfugiées de la violence
fondée sur le genre». L’Assemblée a également demandé aux États
membres de lutter contre la discrimination à l’égard des réfugiés
et des demandeurs d’asile en condamnant et sanctionnant toute forme
de discrimination et de violence à leur égard. Cette recommandation
est d’autant plus pertinente pour l’actuel projet de résolution
que la discrimination, le racisme et la xénophobie sont d’importants
obstacles à une intégration effective. (Amendement A)
3. L’exposé des motifs reconnaît que les réfugiés arrivent en
Europe au terme d’un voyage difficile et peuvent être fortement
traumatisés par les épreuves dues au conflit et au fait de fuir
leur domicile et de quitter leur famille. Dans ce contexte, il souligne
l’importance de disposer de personnels et d’établissements médicaux et
sociaux pour détecter les problèmes psychologiques à un stade précoce,
faisant observer que l’incapacité de résoudre ces problèmes peut
avoir des conséquences très vastes, par exemple sur l’emploi, l’apprentissage des
langues, l’éducation et l’interaction avec les autorités . Le projet de résolution recommande,
par conséquent, de mettre en place divers éléments visant à faciliter
l’intégration aux premiers stades de la procédure de détermination
du droit d’asile, y compris un soutien concernant les traumatismes psychologiques.
4. Je propose d’ajouter, dans la recommandation précitée, une
référence à une «approche sensible au genre» et la mise à disposition
d’agents responsables des demandes d’asile et d’interprètes femmes.
En fait, de nos jours, les femmes, ainsi que les enfants, représentent
la majorité des migrants qui arrivent en Europe. Ces femmes sont
souvent exposées à des violences fondées sur le genre dans leurs
pays d’origine, pendant leur voyage, ainsi que dans les pays de
transit et de destination. «[A]ssurer une protection contre la violence fondée
sur le genre à toutes les femmes, quel que soit leur statut, doit
être une priorité, conformément aux dispositions de la Convention
du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210,
Convention d’Istanbul). La responsabilité d’aider et de protéger
les demandeuses d’asile et les réfugiées ne se limite pas aux cas
de violence perpétrée dans les pays de destination. Ces femmes devraient
recevoir une assistance adéquate pour surmonter le traumatisme qu’elles
ont subi dans leur pays d’origine ou dans les pays de transit .»
C’est aussi la première étape pour garantir une intégration réussie
qui, à son tour, sera, à long terme, la réponse la plus efficace
à la violence fondée sur le genre. Pour les mêmes raisons, je propose
d’ajouter «les femmes» au paragraphe 6.7.5 où sont mentionnés les
groupes particulièrement vulnérables qui méritent protection et
assistance. (Amendements B, C et F)
5. Les femmes sont au cœur même du processus d’intégration car,
dans la plupart des familles migrantes, elles jouent un rôle majeur
dans l’éducation des enfants. Il est donc essentiel de garantir
l’intégration économique et sociale des femmes réfugiées et migrantes
car une telle démarche aura un effet multiplicateur sur l’intégration
des familles migrantes.
6. L’Assemblée a souligné à maintes reprises la nécessité de
promouvoir l’intégration des femmes immigrées et proposé des mesures
à cet effet. Dans sa Résolution 1478 (2006) «Intégration des femmes immigrées en Europe», l’Assemblée
a souligné que les mesures favorisant l’accès des femmes immigrées
à l’éducation, à la formation, à l’emploi, aux droits sociaux et
culturels et aux services de santé contribue au renforcement de
la cohésion sociale des pays d’accueil. Elle a donc recommandé,
entre autres, d’assurer aux femmes immigrées une formation professionnelle
adéquate visant à ne pas les confiner dans des emplois subalternes
et à leur permettre de choisir des métiers dans des secteurs d’activité
autres que ceux qui leur sont traditionnellement réservés (services,
santé, restauration, par exemple) et à organiser à leur intention
des cours de langue sur mesure, pratiques, axés sur les principaux
centres d’intérêt de leur vie et gratuits dans la mesure du possible.
7. L’Assemblée a également condamné à maintes reprises les pratiques
traditionnelles néfastes comme les mutilations génitales féminines
qui constituent des actes de violence à l’égard des femmes et des
enfants et une flagrante violation de leurs droits humains. Elle
a recommandé de nombreuses mesures pour combattre ces pratiques,
dont la formation des professionnels de la santé pour qu’ils soient
en mesure de diagnostiquer les mutilations génitales féminines et
la prestation de soins appropriés aux femmes et aux filles qui souffrent des
conséquences de ces mutilations .
L’Assemblée a également appelé à procurer, dans les centres de transit
et d’accueil, aux victimes de violence fondée sur le genre dans
leur pays d’origine et dans les pays de transit ou de destination
des services de conseil, une aide psychologique et des soins médicaux,
y compris des soins de santé sexuelle et reproductive et des soins
spécifiques en cas de viol .
8. Compte tenu de ces éléments, je voudrais ajouter une recommandation
spécifique sur le rôle clé des femmes dans une intégration réussie
et sur leurs besoins particuliers en termes de formation linguistique
et professionnelle ainsi que d’accès à la santé sexuelle et reproductive. (Amendement D)
9. Ces vingt dernières années, l’Assemblée n’a cessé de recommander
d’accorder aux femmes migrantes un droit autonome de résidence,
c'est-à-dire qui ne soit pas lié au statut de résidence de leur
époux .
Dans sa résolution sur l’intégration des femmes immigrées en Europe
mentionnée ci-dessus, l’Assemblée a insisté sur la nécessité d’accorder,
le plus tôt possible, un statut indépendant à l’épouse et aux enfants
du regroupant afin de garantir et de protéger pleinement leurs droits,
de faciliter leur intégration sociale et d’éviter de les confiner à
la sphère domestique. Cette recommandation a été reprise dans des
résolutions et recommandations successives et
devrait être répétée une nouvelle fois. (Amendement
E)
10. Pour conclure, je tiens à réaffirmer que l’arrivée de demandeurs
d’asile en Europe devrait aussi être perçue comme une chance de
promouvoir et de défendre des valeurs telles que la tolérance, la
diversité, l’ouverture ainsi que d’adopter une position ferme contre
les formes multiples de discrimination .
Comme l’a affirmé avec justesse ma collègue Mme Gisela
Wurm dans son rapport sur la protection des femmes réfugiées contre
la violence fondée sur le genre ,
«[L]’Europe peut apprendre et a beaucoup à gagner de l’expérience des
réfugiés et (…) ne fait que mettre en pratique et respecter ses
valeurs fondamentales lorsqu’elle les accueille pour les protéger
des atrocités de la guerre. Favoriser l’intégration sociale des
réfugiés est donc essentiel pour vaincre les préjugés et assurer
un “vivre ensemble” harmonieux».
11. La commission sur l’égalité et la non-discrimination continuera
de s’intéresser à l’intégration des migrants à travers un nouveau
rapport sur «Les migrations sous l’angle de l’égalité entre les
femmes et les hommes: donner aux femmes les moyens d’être des actrices
essentielles de l’intégration» que Mme Gabriela Heinrich
(Allemagne, SOC) élabore actuellement.