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Avis de commission | Doc. 14348 | 22 juin 2017

Les migrations, une chance à saisir pour le développement européen

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Petra De SUTTER, Belgique, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13974, Renvoi 4196 du 22 avril 2016. Commission saisie du rapport: commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Voir Doc. 14335. Avis approuvé par la commission le 1er juin 2017. 2017 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable salue le rapport rédigé sur le thème «Les migrations, une chance à saisir pour le développement européen» par M. Andrea Rigoni et approuvé à l'unanimité par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées le 27 avril 2017. Elle partage les inquiétudes exprimées quant à la tendance récente à représenter les migrants comme une menace et souscrit à la nécessité de mettre en œuvre en Europe de nouvelles politiques migratoires réalistes, fondées sur des données factuelles et porteuses d'avenir.
2. Tout en s'associant au message encourageant sur les migrants et les migrations, la commission des questions sociales souhaite souligner leurs répercussions sociales sur les pays d'origine comme de destination. Elle propose également plusieurs amendements au projet de résolution dans le but de faciliter l'intégration de l'ensemble des migrants et de veiller au plein respect de leurs droits fondamentaux.

B. Amendements proposés

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Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 5, après les mots «fondées sur des données factuelles», insérer «réalistes et porteuses d'avenir».

Note explicative:

Afin de tirer parti de la migration, les États membres doivent adopter une approche stratégique de la réglementation des flux migratoires.

Amendement B (au projet de résolution)

Dans le paragraphe 7, après les mots «voies légales», insérer le mot «et sûres».

Note explicative:

Les voies migratoires doivent être sûres, plus sûres que les «hotspots» actuels.

Amendement C (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 9.1.2, insérer les mots suivants:

«ainsi qu’en offrant des perspectives d'emploi et en mettant en œuvre des mesures d'intégration visant spécialement les migrants peu instruits et peu qualifiés».

Note explicative:

La présence de migrants peu instruits et peu qualifiés peut aussi se révéler très profitable à l'Europe, si tant est qu'ils bénéficient d'un soutien adapté sous la forme de perspectives d'emploi et de mesures d'intégration.

Amendement D (au projet de résolution)

Après le paragraphe 9.3.6, insérer le paragraphe suivant:

«en garantissant l'accès à des services de santé adaptés et abordables à l'ensemble des migrants, quel que soit leur statut juridique;»

Note explicative:

Outre l'accès à l'éducation et à la nationalité, l'accès à la santé est primordial pour promouvoir des sociétés cohésives, notamment en permettant aux migrants de participer pleinement et activement. Le rapport 2016 du Réseau des bases factuelles en santé (HEN) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) démontre que la diversité des définitions employées pour différents groupes de migrants dans des domaines variés est préjudiciable à l'accès aux soins de santé. Le statut juridique s'est révélé être l'un des principaux facteurs qui déterminent si les migrants peuvent ou non avoir accès à des services de soins de santé adaptés et abordables.

C. Exposé des motifs, par Mme Petra De Sutter, rapporteure pour avis

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1. L'intégration des économies nationales en Europe, ainsi que la mondialisation et l'évolution démographique, mais aussi les conflits armés, les catastrophes environnementales et la quête de plus de bien-être ont amplifié les flux migratoires à l'intérieur et à destination de l'Europe – et en particulier des pays riches 
			(1) 
			«Perspectives
du développement mondial 2017, Les migrations dans un monde en mutation»,
OCDE (2016).. Cette réalité nouvelle est exploitée par les partis populistes et extrémistes, de même que par certains médias, qui cherchent à attiser les craintes des populations locales en s'appuyant souvent sur des faits exagérés ou déformés. Afin de rassurer le public et d'offrir aux migrants un soutien digne de ce nom, il faut que les autorités nationales d'Europe adaptent leurs politiques migratoires de manière à optimiser les répercussions de la migration à la fois sur les pays d'origine et sur les pays de destination, en respectant pleinement les droits humains et les valeurs européennes. On ne peut plus ignorer qu'il est devenu indispensable de s'adapter au phénomène d'une migration croissante.
2. Étant donné les stéréotypes négatifs largement répandus sur les conséquences de la migration, le point de vue positif exprimé dans le rapport de M. Rigoni est un message fort de même qu'une orientation à suivre. Il répond en effet de manière concrète aux préoccupations de l'Assemblée parlementaire suscitées par l'approche négative prédominante de la migration. Les menaces perçues pourraient se transformer en opportunités de développement et, de ce fait, se traduire par une prospérité accrue tant pour la population locale que pour les migrants. Ceci requiert néanmoins une approche stratégique de la part des autorités nationales.
3. Qu'elle soit intra-européenne ou en provenance de pays extérieurs au continent, la migration assure la mobilité des talents, des compétences et des capacités. Compte tenu des pénuries actuelles de main-d'œuvre en Europe, tous les migrants devraient avoir une chance raisonnable d'accéder au marché du travail, indépendamment de leurs compétences, de leur niveau d'études ou de leur état de santé. Si cet accès ne peut être garanti, il est à craindre que les migrants soient incités à se tourner vers l'économie informelle, avec pour conséquence une diminution de leur couverture sociale, des pertes pour le budget de l'État dues à des cotisations sociales non perçues, voire l'exploitation des migrants dans les milieux clandestins ou de la délinquance 
			(2) 
			Voir par exemple l'arrêt
de la Cour européenne des droits de l’homme rendu dans l’affaire Chowdury et autres c. Grèce le 30
mars 2017 (article 4.2 de la Convention européenne des droits de
l’homme (STE no 5)) où la Cour a jugé
que l'État avait manqué à ses obligations d'empêcher la traite d'êtres
humains et le travail forcé concernant 42 ressortissants bangladais..
4. La présence de migrants faiblement qualifiés et peu instruits mais en bonne santé peut également être profitable à l'Europe si les politiques ciblées requises sont mises en œuvre. Il nous faut pour cela fournir des informations plus complètes sur les emplois disponibles et davantage de possibilités de formation et adopter des mesures d'intégration adaptées s'adressant spécifiquement à cette catégorie de migrants. De plus, l'État doit garantir que tous les migrants perçoivent un salaire décent correspondant à leurs compétences et qui contribue à empêcher le dumping social.
5. Il ne faut pas sous-estimer les effets de la «fuite des cerveaux» provoquée par la migration sur les pays d'origine (dont nombre d'États membres du Conseil de l'Europe). Alors qu'il est manifeste que les pays de destination tirent avantage de cette «arrivée de cerveaux» grâce à l'afflux de migrants hautement qualifiés à la recherche de revenus supérieurs, les pays d'origine voient réduit à néant leur investissement dans l'éducation des émigrés – à moins qu'ils définissent des stratégies d'incitation au retour ou compensent les départs en intégrant des migrants qualifiés originaires d'autres pays.
6. La réalité de la migration irrégulière est que seule une fraction des migrants sera autorisée à rester dans le pays de destination. Il serait donc judicieux de mettre en place pour eux des programmes nationaux de régularisation ciblés, et de garantir à ceux qui ne peuvent rester un traitement humain et le plein respect de leurs droits fondamentaux. Il nous faut également accorder l'attention requise aux besoins des familles par le biais de mesures sociales visant à s'assurer qu'aucun enfant ne sera laissé pour compte, que ce soit dans les pays sources ou de destination. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a souligné à maintes reprises que les enfants migrants figurent parmi les catégories de population les plus vulnérables d'Europe, qu’ils se voient souvent refuser l'accès aux soins de santé de base et à l'éducation et courent le risque d'être exploités par des trafiquants d'êtres humains ou des passeurs. C'est pourquoi, comme le souligne le projet de résolution présenté par la commission des migrations, nous devons accorder toute notre attention et notre entier soutien à un appel à l'action pour promouvoir des sociétés inclusives.
7. Il existe d'ores et déjà des lignes directrices et normes humanitaires internationales. Il ne s'agit donc pas de chercher à en établir de nouvelles, mais d'appliquer efficacement celles en vigueur. Pour ce faire, il importe d'en rappeler l'existence et d'aider les États membres à adapter leurs politiques en vue de leur mise en œuvre. Enfin, bien que la gouvernance mondiale des flux migratoires soit pour le moment très restreinte, il est du devoir de l'Assemblée de rappeler également aux États membres les engagements en matière de migration qui leur incombent au titre des Objectifs de développement durable. Ces engagements pourront être tenus en faisant bon usage des instruments du Conseil de l'Europe et en particulier le système de traités de la Charte sociale européenne.