1. L'intégration des économies
nationales en Europe, ainsi que la mondialisation et l'évolution démographique,
mais aussi les conflits armés, les catastrophes environnementales
et la quête de plus de bien-être ont amplifié les flux migratoires
à l'intérieur et à destination de l'Europe – et en particulier des
pays riches
. Cette réalité nouvelle est exploitée
par les partis populistes et extrémistes, de même que par certains
médias, qui cherchent à attiser les craintes des populations locales
en s'appuyant souvent sur des faits exagérés ou déformés. Afin de
rassurer le public et d'offrir aux migrants un soutien digne de
ce nom, il faut que les autorités nationales d'Europe adaptent leurs
politiques migratoires de manière à optimiser les répercussions
de la migration à la fois sur les pays d'origine et sur les pays
de destination, en respectant pleinement les droits humains et les
valeurs européennes. On ne peut plus ignorer qu'il est devenu indispensable
de s'adapter au phénomène d'une migration croissante.
2. Étant donné les stéréotypes négatifs largement répandus sur
les conséquences de la migration, le point de vue positif exprimé
dans le rapport de M. Rigoni est un message fort de même qu'une
orientation à suivre. Il répond en effet de manière concrète aux
préoccupations de l'Assemblée parlementaire suscitées par l'approche
négative prédominante de la migration. Les menaces perçues pourraient
se transformer en opportunités de développement et, de ce fait,
se traduire par une prospérité accrue tant pour la population locale
que pour les migrants. Ceci requiert néanmoins une approche stratégique
de la part des autorités nationales.
3. Qu'elle soit intra-européenne ou en provenance de pays extérieurs
au continent, la migration assure la mobilité des talents, des compétences
et des capacités. Compte tenu des pénuries actuelles de main-d'œuvre en
Europe, tous les migrants devraient avoir une chance raisonnable
d'accéder au marché du travail, indépendamment de leurs compétences,
de leur niveau d'études ou de leur état de santé. Si cet accès ne
peut être garanti, il est à craindre que les migrants soient incités
à se tourner vers l'économie informelle, avec pour conséquence une
diminution de leur couverture sociale, des pertes pour le budget
de l'État dues à des cotisations sociales non perçues, voire l'exploitation
des migrants dans les milieux clandestins ou de la délinquance
.
4. La présence de migrants faiblement qualifiés et peu instruits
mais en bonne santé peut également être profitable à l'Europe si
les politiques ciblées requises sont mises en œuvre. Il nous faut
pour cela fournir des informations plus complètes sur les emplois
disponibles et davantage de possibilités de formation et adopter des
mesures d'intégration adaptées s'adressant spécifiquement à cette
catégorie de migrants. De plus, l'État doit garantir que tous les
migrants perçoivent un salaire décent correspondant à leurs compétences
et qui contribue à empêcher le dumping social.
5. Il ne faut pas sous-estimer les effets de la «fuite des cerveaux»
provoquée par la migration sur les pays d'origine (dont nombre d'États
membres du Conseil de l'Europe). Alors qu'il est manifeste que les
pays de destination tirent avantage de cette «arrivée de cerveaux»
grâce à l'afflux de migrants hautement qualifiés à la recherche
de revenus supérieurs, les pays d'origine voient réduit à néant
leur investissement dans l'éducation des émigrés – à moins qu'ils
définissent des stratégies d'incitation au retour ou compensent
les départs en intégrant des migrants qualifiés originaires d'autres
pays.
6. La réalité de la migration irrégulière est que seule une fraction
des migrants sera autorisée à rester dans le pays de destination.
Il serait donc judicieux de mettre en place pour eux des programmes
nationaux de régularisation ciblés, et de garantir à ceux qui ne
peuvent rester un traitement humain et le plein respect de leurs
droits fondamentaux. Il nous faut également accorder l'attention
requise aux besoins des familles par le biais de mesures sociales
visant à s'assurer qu'aucun enfant ne sera laissé pour compte, que
ce soit dans les pays sources ou de destination. Le Commissaire
aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a souligné à maintes
reprises que les enfants migrants figurent parmi les catégories
de population les plus vulnérables d'Europe, qu’ils se voient souvent
refuser l'accès aux soins de santé de base et à l'éducation et courent
le risque d'être exploités par des trafiquants d'êtres humains ou
des passeurs. C'est pourquoi, comme le souligne le projet de résolution
présenté par la commission des migrations, nous devons accorder
toute notre attention et notre entier soutien à un appel à l'action
pour promouvoir des sociétés inclusives.
7. Il existe d'ores et déjà des lignes directrices et normes
humanitaires internationales. Il ne s'agit donc pas de chercher
à en établir de nouvelles, mais d'appliquer efficacement celles
en vigueur. Pour ce faire, il importe d'en rappeler l'existence
et d'aider les États membres à adapter leurs politiques en vue de
leur mise en œuvre. Enfin, bien que la gouvernance mondiale des
flux migratoires soit pour le moment très restreinte, il est du devoir
de l'Assemblée de rappeler également aux États membres les engagements
en matière de migration qui leur incombent au titre des Objectifs
de développement durable. Ces engagements pourront être tenus en faisant
bon usage des instruments du Conseil de l'Europe et en particulier
le système de traités de la Charte sociale européenne.