Imprimer
Autres documents liés

Avis de commission | Doc. 14354 | 27 juin 2017

L’intégration des réfugiés en période de fortes pressions: enseignements à tirer de l’expérience récente et exemples de bonnes pratiques

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : M. Pierre-Yves LE BORGN', France, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13903, Renvoi 4169 du 25 janvier 2016. Commission chargée du rapport: Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Voir Doc. 14329. Avis approuvé par la commission le 27 juin 2017. 2017 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias accueille avec satisfaction le rapport de Mme Susanna Huovinen (Finlande, SOC) au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, qui recense les meilleures pratiques d'intégration des réfugiés dans les sociétés européennes et présente sa proposition de projet de résolution. En effet, l'Europe affronte aujourd'hui une crise des réfugiés d'une ampleur sans précédent. Nombre des personnes ayant demandé l'asile en Europe ces deux dernières années ont obtenu ou vont obtenir le statut de réfugié. Selon les données du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour l'année 2016, la durée moyenne passée par les réfugiés en exil est d’environ 20 ans. Voici qui soulève une question pressante: comment les pays européens peuvent-ils assurer l'intégration des réfugiés au sein de leurs sociétés?
2. Le rapporteur montre qu'en dépit du climat d’anxiété et d’hostilité entretenu par certains milieux politiques, de nombreux pays ont déployé des efforts impressionnants pour faire face au problème. Divers exemples témoignent de la capacité des États à absorber des effectifs même très importants de réfugiés et de demandeurs d’asile dès lors qu’il existe une volonté politique claire, une bonne communication des politiques, ainsi qu’une mobilisation et une coordination effectives des ressources administratives et sociales.
3. Comme le rapporteur le souligne à juste titre dans l'exposé des motifs, les mécanismes fondamentaux de partage des responsabilités, tels les programmes de relocalisation et de réinstallation, se sont révélés insatisfaisants et la solidarité européenne a été mise à très rude épreuve. Aussi la commission estime-t-elle que le projet de résolution doit comporter un signal politique plus fort pour inciter les 47 États membres du Conseil de l'Europe à témoigner leur solidarité envers les pays qui reçoivent le plus grand nombre de demandeurs d'asile et de migrants. Des messages forts et des lignes d'action politique claires sont nécessaires à la mise en place de solutions efficaces et durables pour une intégration réussie des réfugiés à travers toute l'Europe, en particulier dans un monde confronté à la montée du racisme, de la xénophobie et de l'extrémisme.
4. L'accès au marché du travail, y compris grâce à la reconnaissance des diplômes et à la formation, ainsi que d'une part à un enseignement de qualité dispensé aux enfants et adolescents réfugiés et d'autre part à l'intégration dans des activités sociales, culturelles et sportives, constitue le meilleur trait d'union entre réfugiés et communautés d'accueil. La commission approuve les recommandations proposées mais souhaite formuler quelques propositions dans le but de renforcer le projet de résolution.

B. Amendements proposés

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 2, ajouter la phrase suivante:

«L’Assemblée estime que la solidarité et le partage de responsabilité doivent être une préoccupation commune au-delà des frontières de l'Union européenne et appelle pour ce faire l'ensemble des États membres à faire preuve de courage politique pour trouver des solutions durables à l'intégration des réfugiés dans leurs sociétés.»

Amendement B (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.6.1, insérer le paragraphe suivant:

«à désigner un point de contact central pour les réfugiés, ayant la couverture géographique nécessaire, et où pourraient être coordonnées et canalisées toutes les informations et services clés liés à l'intégration;»

Amendement C (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 6.7.1, remplacer les mots «des besoins des migrants concernés et leur situation familiale» par les mots:

«des besoins sociaux et communautaires des réfugiés concernés, de la possibilité de pratiquer leur religion et leur culture, ainsi que de leur situation familiale»

Amendement D (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.7.2, insérer le paragraphe suivant:

«à créer autant que possible des conditions permettant de faire valider les diplômes et les qualifications professionnelles en appliquant les bonnes pratiques de pays européens; à introduire des méthodes spéciales d'évaluation et de reconnaissance des diplômes et qualifications professionnelles des réfugiés qui ne sont pas en mesure d’en fournir des preuves documentaires, en s’appuyant par exemple sur le Passeport européen de qualifications pour les réfugiés, un projet piloté par le Conseil de l’Europe et les autorités grecques;

Amendement E (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 6.7.3, ajouter les mots suivants:

«à donner la possibilité aux enfants réfugiés de poursuivre leurs études même lorsque des familles relogées décident de se réinstaller ailleurs qu'initialement prévu;»

Amendement F (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.7.3, insérer le paragraphe suivant:

«à renforcer la capacité des établissements scolaires et des enseignants à accueillir et à intégrer les enfants réfugiés sans restriction aucune, que ce soit dans l'enseignement ou la vie et l'environnement sociaux de l'école, y compris par la conception de modules relatifs aux droits de l'homme, à la lutte contre la discrimination et au droit d'asile dans le cadre du programme de formation des enseignants;»

Amendement G (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.7.3, insérer le paragraphe suivant:

«fournir aux jeunes migrants non accompagnés un soutien pour leur intégration, par une implication sociale et un accès à l’éducation, et les accompagner en même temps dans leur transition vers l’âge adulte, compte tenu du vide juridique qui existe lorsqu’on atteint l'âge de 18 ans;»

Amendement H (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.7.6, insérer le paragraphe suivant:

«à étudier les moyens de soutenir l'intégration culturelle des réfugiés, au-delà de la phase initiale d'adaptation et jusqu'à l’acquisition de la nationalité;»

Amendement I (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.7.6, insérer le paragraphe suivant:

«à mobiliser les associations des diasporas pour élaborer et mettre en œuvre des politiques relatives à divers aspects du processus d'intégration, dont l'intégration scolaire, culturelle et sociale; à encourager la mise en place d'initiatives conjointes, dont des plateformes de médias sociaux et d'information, et à apporter une aide financière suffisante à ces programmes de soutien;»

Amendement J (au projet de résolution)

Dans le paragraphe 6.7.7, après le mot «comme», insérer les mots suivants:

«le réseau parlementaire européen sur les politiques relatives aux diasporas, la plateforme de l'intégration des migrants par le sport du Conseil de l'Europe et»

C. Exposé des motifs, par M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur pour avis

(open)

1. Introduction

1. La crise des réfugiés que traverse l'Europe a mis en lumière l’urgence de leur intégration ainsi que de celle des migrants et l’a mise en bonne place sur l’agenda politique. Certains États européens, dont en particulier les pays nordiques, en ont fait l'une des grandes priorités politiques des années à venir et ont adopté des mesures destinées à renforcer non seulement l'intégration économique, mais aussi culturelle et sociale des réfugiés. Ils ont également reconnu dans des documents politiques et plans d'action qu’apporter une aide aux réfugiés dès leur arrivée contribuait à augmenter leurs chances d'intégration.
2. Ces pays 
			(1) 
			Dont
notamment le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède. méritent d'être félicités pour avoir élaboré des modèles d'intégration holistique exemplaires s'appliquant à la fois à la législation, au financement et aux structures institutionnelles permettant aux migrants et aux réfugiés d'accéder aux services destinés à l'ensemble de la population, à l'aide sociale et à l'éducation après obtention du statut, comme tous les autres citoyens. Les réfugiés y bénéficient en outre d'un soutien ciblé post-reconnaissance à l'intégration pendant une période de transition, qui les aide concrètement à avoir accès aux services et aux droits accordés à tout un chacun, démarche souvent difficile à leur arrivée. En effet, ils ne connaissent alors pas la langue du pays et ne possèdent pas les connaissances requises sur leur société d'accueil. Ce sont là des exemples dont il convient de s'inspirer.
3. Par ailleurs, de nombreux autres pays ont des difficultés à accueillir demandeurs d'asile et migrants. Les réponses apportées par l'Union européenne à la crise des réfugiés sont aussi confuses que conflictuelles. Les querelles se déchaînent quant au partage des responsabilités et à la fermeture de frontières en chaîne et des boucs émissaires sont désignés. Plusieurs pays de l'Union européenne s'efforcent avant tout d'empêcher les arrivées et d’en rejeter la responsabilité sur les pays voisins 
			(2) 
			Selon le communiqué
de presse de la Commission européenne intitulé «Des députés exhortent
les pays de l’UE à accélérer le transfert de réfugiés depuis l’Italie
et la Grèce» (Bruxelles, 15 mai 2017), à la date du 11 mai 2017,
seules 18 418 relocalisations (11 %) sur les 160 000 prévues avaient
été effectuées au total, dont 5 711 depuis l’Italie et 12 707 depuis
la Grèce. La Finlande et Malte sont les seuls États en bonne voie
pour atteindre leurs objectifs. La Pologne et la Hongrie n’ont accepté
aucun réfugié. Les réinstallations depuis la Turquie, la Jordanie,
le Liban, etc. se sont poursuivies à un rythme plus soutenu, 16 163
réinstallations sur les 22 504 décidées dans le cadre des programmes
de réinstallation de l’Union européenne ayant été effectuées.. D'autres font en sorte de retarder la relocalisation ou décident de n'accepter que très peu de demandeurs d'asile, au motif qu'ils ne sont pas en mesure d'en absorber et d’en intégrer un nombre même très limité. Il me semble évident, alors que le HCR estime que 84 % de l'ensemble des demandeurs d'asile sont fondés à prétendre au statut de réfugié pour cause de guerre ou d'autres circonstances, qu’une solidarité devrait s'exprimer non seulement entre États membres de l'Union européenne, mais aussi dans l'ensemble des pays européens.
4. Les récentes attaques terroristes ont fait naître une nouvelle peur. Ceux qui cherchent à obtenir le refoulement des réfugiés en faisant appel aux préjugés et en faisant souffler un vent de panique exploitent cette peur. L'image négative donnée des migrants et des demandeurs d'asile par les médias et certains personnages publics fait un tort considérable à la grande majorité des nouveaux arrivants et nuit au principe d'une société inclusive. Les partis d'extrême droite et anti-immigration ne sont pas les seuls à déformer la réalité pour exploiter les craintes de la population. Les déclarations xénophobes et islamophobes de personnes en situation de pouvoir risquent d'entretenir un climat d'intolérance dans une région où les minorités – y compris musulmanes – et les demandeurs d'asile font déjà l'objet de nombreux crimes de haine et discriminations. Si un discours raisonnable, ainsi que des mesures de lutte contre la discrimination et une obligation de rendre des comptes pour des crimes de haine ne viennent pas fermement y mettre le holà, ce climat compromettra fondamentalement l’intégration des nouveaux arrivants dans les sociétés européennes 
			(3) 
			Sunderland J., For
Europe, Integrating Refugees Is the Next Big Challenge, World Politics Review, 13 janvier
2016..
5. Les réfugiés ne voyagent pas au hasard et ne se satisfont pas non plus simplement de parvenir aux frontières sûres de l’Union européenne. Les réseaux de réfugiés diffusent des informations sur les pays d’arrivée et de transit ainsi que sur les règles en matière d’asile et d’aide sociale qui y sont en vigueur; et ces informations circulent rapidement via des articles en ligne, les réseaux sociaux et la téléphonie mobile. Le périple d’un réfugié ne s’arrête par ailleurs pas à la frontière. Les grandes villes européennes sont à la fois des points d’accueil et de transit pour les nouveaux arrivants, et aussi fréquemment une destination finale pour les réfugiés. Ce sont au bout du compte ces collectivités, et non les gouvernements nationaux, qui doivent s’occuper de l’hébergement et de l’insertion des nouveaux arrivants. Les responsabilités qui pèsent sur ces grandes villes et autres communes sont énormes, en particulier dans la période de fort malaise social que nous vivons du fait des récents attentats terroristes, des tensions croissantes autour des différences culturelles et religieuses, et de l’instabilité grandissante de la situation politique aux niveaux local, régional et national. À bien des égards cet environnement complexe et tendu exige que l’on s’attache davantage au rôle des villes dans la conception et la mise en œuvre de politiques d’intégration utiles 
			(4) 
			Katz
B et al., Cities and refugees:
the German Experience, 18 septembre 2016, <a href='https://www.brookings.edu/research/cities-and-refugees-the-german-experience/'>https://www.brookings.edu/research/cities-and-refugees-the-german-experience/.</a>.
6. Le 23 mai 2017, la commission a pu avoir un échange de vues avec M. Andreas Wolter, maire-adjoint de Cologne. Cette ville allemande d’un peu plus d’un million d’habitants, dont 40 % d’origine immigrée, a accueilli plus de 14 000 réfugiés ces deux dernières années et met en œuvre avec succès des politiques d’intégration déclinées en différents volets – logement, éducation et formation, développement de la main-d’œuvre, santé, cours de langue, sécurité publique et activités extrascolaires telles que le sport, les arts et les manifestations culturelles.

2. Priorités à suivre pour la réussite de l’intégration

7. La condition d’une intégration réussie est d’entamer le processus dès le départ. Nombre d’études relatives à l'intégration révèlent une forte interdépendance entre divers domaines des politiques d'intégration et celui de l'emploi. Il s’agit là d’un facteur essentiel au succès de l'intégration. Dans le même temps, des paramètres tels que le niveau de langue, l’éducation et la formation, la santé et le logement ont une incidence sur les possibilités d'accès à l'emploi et à l'indépendance financière des réfugiés.
8. Il nous faut impérativement garder à l'esprit que les réfugiés ne peuvent être traités comme un groupe homogène, même s'ils sont originaires du même pays. À leur arrivée dans un pays étranger, ils se heurtent aux mêmes obstacles culturels, mais leur parcours individuel, leur sexe, leur âge, leur personnalité, leur niveau d’éducation et leurs compétences psychosociales et professionnelles, ainsi que leur histoire et leur fuite, les traumatismes subis et de nombreux autres facteurs influent sur leur résilience et leur état de préparation pour relever les défis que constituent la rencontre d'une autre culture, l'apprentissage d'une nouvelle langue et le commencement d'une nouvelle vie dans un pays inconnu. C'est pourquoi les programmes d'intégration doivent tenir compte de la personnalité de chacun et, si possible, élaborer des plans d'intégration personnalisés.
9. Cependant, comme en témoignent certains cas de relocalisation et de réinstallation dans l'Union européenne, même lorsque les États font des efforts considérables pour répondre aux besoins en matière d’emploi, d’apprentissage des langues, d’éducation, de logement et autres besoins sociaux des familles de réfugiés, le succès de leur intégration n’en est pas pour autant assuré. Le taux de réussite de l’intégration dépend en grande partie de la présence du réseau communautaire de la diaspora sur place. Ainsi les réfugiés en Allemagne, par exemple, ont-ils généralement le souhait de s’intégrer dans le pays car ils voient que leurs projets à long terme peuvent s’y concrétiser. Il en va tout autrement dans d’autres pays, en particulier ceux qui sont traditionnellement des pays de transit, comme par exemple les États baltes. En Estonie, 31 des 142 réfugiés relocalisés depuis la Grèce en 2016 
			(5) 
			Baker
A., When Home Isn’t Where the Heart Is, <a href='http://time.com/4793913/finding-home-estonia-where-the-heart-is/?iid=sr-link3'>http://time.com/4793913/finding-home-estonia-where-the-heart-is/?iid=sr-link3.</a> ont quitté le pays (essentiellement pour se rendre en Allemagne afin de «rendre visite à des proches»), car alors même que les conditions les plus favorables avaient été mises en place, ils se sont sentis exclus et ont préféré se rendre là où se trouvaient leurs réseaux sociaux et leur famille.
10. Dans ce contexte, je m'inquiète particulièrement pour les enfants réfugiés qui, relocalisés dans un pays d'accueil dont leur famille finira par repartir, se retrouveront en situation irrégulière et n'auront plus accès à l'éducation. Ces cas ne sont pas si nombreux qu'ils ne puissent être réglés par les pays concernés. Ce qu'il faut éviter à tout prix, c'est de créer de nouvelles situations dans lesquelles ces enfants devront une nouvelle fois interrompre leur scolarité, s'exposant ainsi aux mariages forcés ou à l'esclavage.

3. Accès à l’éducation

11. L’accès à l’éducation, un droit de l’homme fondamental consacré par la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 et la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, devient en cas de déplacement un élément capital. L’éducation permet en effet de favoriser la cohésion sociale, d’accéder à des informations vitales, de répondre aux besoins psychosociaux et d’offrir un environnement sûr et stable à ceux qui en ont le plus besoin. Elle aide également les réfugiés et les demandeurs d’asile à reconstruire leur communauté et à mener une existence productive et constructive. Une génération entière pourrait être menacée si elle était privée de la possibilité d’étudier.
12. En octobre 2016, le HCR a publié un rapport intitulé «Missing Out: Refugee Education in Crisis», qui révèle que plus de la moitié – 3,7 millions – des 6 millions d’enfants en âge d’être scolarisés qui relèvent de son mandat n’avaient aucun établissement scolaire où étudier. Quelque 1,75 millions d’enfants réfugiés ne fréquentaient pas l’école primaire et 1,95 millions d’adolescents ne suivaient pas d’enseignement secondaire. Seuls 50 % des enfants réfugiés ont accès à l’enseignement primaire, contre une moyenne mondiale de plus de 90 %. À mesure que les enfants grandissent, cet écart devient abyssal: seuls 22 % des adolescents réfugiés suivent un enseignement secondaire, contre 84 % en moyenne dans le monde. Au niveau de l’enseignement supérieur, à peine 1 % des réfugiés étudient à l’université, contre 34 % en moyenne dans le monde. Les chiffres pourraient être légèrement meilleurs en Europe mais, étant donné qu’un réfugié passe en moyenne près de 20 ans en exil, soit plus que la durée toute une enfance, et une grande partie de la vie professionnelle productive, l’éducation des réfugiés doit être prise très au sérieux.
13. Le rapport de M. Gvozden Srećko Flego intitulé «L’accès à l’école et à l’éducation pour tous les enfants 
			(6) 
			Doc. 13934.» indique clairement que bien que les enfants soient les principaux bénéficiaires de l’aide humanitaire, le financement de secteurs les visant spécifiquement, tels que la protection de l’enfance et l’éducation, est nettement insuffisant au niveau mondial. Au cours des dix dernières années, l’éducation a été le secteur de l’aide humanitaire le moins financé: presque deux tiers des besoins n’ont pas reçu le moindre financement et le secteur n’a bénéficié que de 3 % de l’aide humanitaire globale.
14. En dépit des efforts colossaux consentis par les gouvernements et les donateurs pour fournir une éducation aux enfants réfugiés, le principal problème est celui du nombre d’enfants, qui a considérablement augmenté ces dernières années: 600 000 enfants et adolescents par an en moyenne depuis 2011. À ce rythme, le HCR estime qu’il faudra au minimum, en moyenne, 12 000 classes et 20 000 enseignants supplémentaires par an.
15. Dans la seule ville de Cologne, 5 300 enfants sont arrivés depuis 2015. Les autorités locales ont créé pour eux 180 classes et deux écoles spécifiques, et cela s’avère insuffisant. Une centaine d’enfants sont toujours sur liste d’attente.
16. Bien qu’un enseignement puisse aussi être dispensé dans les centres d’accueil, les bonnes pratiques imposent d’intégrer les enfants dans les systèmes scolaires nationaux ordinaires, en les faisant passer par des classes préparatoires pour les aider à apprendre la langue du pays hôte et à s’adapter à un tout nouveau système. Selon M. Wolter, l’expérience de Cologne montre que la plupart des enfants réfugiés maîtrisent l’allemand en neuf mois et peuvent être intégrés dans des écoles ordinaires. Un grand nombre d’enfants réfugiés syriens ont de bons acquis scolaires, malgré la guerre, et n’ont pas de problème pour rattraper le niveau des élèves allemands. Le comportement autoritaire des jeunes garçons adolescents, en particulier vis-à-vis du personnel enseignant féminin, pose un problème plus délicat. Il est par conséquent important d’intégrer à leur cursus des discussions sur les règles et les valeurs.
17. Par ailleurs, la présence de nombres importants d’enfants d’horizons scolaires et culturels différents soulève naturellement des difficultés pour les enseignants et l’ensemble de la communauté éducative. C’est pourquoi il est non seulement important d’investir dans des formations et aides appropriées pour tous les professionnels, mais aussi d’ouvrir davantage de classes où s’enseignent les droits de l’homme, la tolérance, la justice sociale, la lutte contre la discrimination et les questions liées aux réfugiés. Je souhaiterais ajouter que, dans la pratique, un tel investissement devrait profiter non seulement aux enfants réfugiés, mais aussi à l’ensemble de la communauté scolaire.
18. L'apprentissage de la langue locale est également une étape essentielle sur la voie de l'intégration des adultes. Dans l'idéal, les demandeurs d'asile ont accès dès le début du processus à des cours de langue souvent assurés par des organisations bénévoles. Il conviendrait également que les États membres envisagent de mettre en œuvre des activités et programmes combinés de langue et de formation à l'emploi.
19. Dans son exposé des motifs (paragraphe 43), Mme Huovinen souligne à juste titre qu’«assurer l’accès des réfugiés et des demandeurs d’asile au marché du travail nécessite d’évaluer leurs compétences et qualifications. La plupart des réfugiés ont fui leur pays sans emporter de documents attestant de leur niveau d’éducation, de leurs qualifications ou de leur expérience professionnelle, aussi incombe-t-il aux autorités de faire montre de flexibilité et de tolérance en acceptant d’autres formes de preuves». À cet égard, je souhaite saluer le projet pilote du Conseil de l’Europe «Passeport européen de qualifications pour les réfugiés». Proposé à l’origine par l’agence norvégienne NOKUT et l’agence britannique UK NARIC, il est actuellement testé par le Conseil de l’Europe et le ministère grec de l’Éducation, de la Recherche et des Cultes, en collaboration avec le HCR et les centres ENIC-NARIC de la Grèce, de l’Italie, de la Norvège et du Royaume-Uni. L’objectif de ce projet est de créer un cadre multinational pour l’élaboration et la mise en place d’une procédure rapide permettant d’évaluer le niveau d’éducation et de formation des réfugiés sans pour autant entraver leur mobilité en Europe. Dans une perspective de long terme, cette méthode peut réduire les coûts pour les pays d’accueil en facilitant et en accélérant le processus de reconnaissance des qualifications de personnes ne disposant pas de documents ou d’autres éléments en attestant, dans toute l’Europe et potentiellement au-delà des frontières européennes. Les premiers documents ont été émis à Athènes en mars 2017.

4. Le rôle des communautés des diasporas comme vecteur d'intégration

20. En juin 2016, l'Assemblée a adopté la Résolution 2124 (2016) sur les réseaux éducatifs et culturels des communautés de migrants et des diasporas dans laquelle elle reconnaît le rôle majeur des réseaux éducatifs et culturels dans la cohésion sociale, grâce au renforcement du pluralisme et de la démocratie. Il est aussi demandé aux États membres de mettre en place des plateformes nationales permettant aux différents ministères et institutions spécialisées de travailler de manière transversale avec les associations des diasporas, d’encourager la création de plateformes analogues au niveau local et de proposer des programmes d’aide financière adéquats pour aider ces associations à professionnaliser leurs activités, à développer et à consolider leurs réseaux et à mener des actions conjointes.
21. J'estime que dans la situation actuelle, le rôle des communautés des diasporas pourrait être exploré bien plus avant. Du fait de leur structure informelle, les organisations associatives sont d’un abord plus facile pour les nouveaux arrivants que les ambassades et les consulats et servent souvent de point de contact initial. Elles peuvent non seulement contribuer à préserver des liens avec les pays d'origine, mais aussi aider aux démarches administratives et à la scolarisation des enfants et offrir des services dans la langue maternelle des réfugiés (médecins, etc.).
22. En revanche, les États ne doivent pas compter sur une aide spontanée des diasporas. Il leur faut en effet s'engager activement auprès d’associations de diasporas pour les associer aux diverses étapes de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques d'intégration des réfugiés. Ils doivent également encourager et appuyer financièrement des projets communs visant à la création de plateformes de médias sociaux et de médias et de diffusion de l'information (gazettes locales, «stations de radio de bienvenue» dans les différentes langues parlées par les communautés de migrants).

5. Le sport comme facteur d'intégration

23. Le sport jouit du pouvoir unique de rassembler les gens, quels que soient leur origine, leur sexe, leur culture ou leur foi. Les Jeux Olympiques de 2016 qui se sont déroulés à Rio ont rappelé à tous cette force unificatrice du sport. Le meilleur exemple en a été la participation de la toute première équipe olympique de réfugiés. En effet, des athlètes réfugiés ont participé aux Jeux aux côtés de 11 000 autres athlètes du monde entier, sélectionnés par les 206 comités olympiques nationaux. Ils ont concouru non pas en tant que réfugiés mais qu’athlètes olympiques, comme toute autre équipe olympique.
24. La création de l’Équipe olympique des réfugiés a envoyé un message fort d’espoir et d’inclusion aux millions de réfugiés dans le monde. Leur participation a prouvé que – à l’instar de tous les autres êtres humains – les réfugiés sont source d’enrichissement pour nos sociétés tout comme pour la famille olympique.
25. Comme l’a souligné M. Rigoni dans son rapport sur le thème «Les migrations, une chance à saisir pour le développement européen», le secteur sportif peut largement contribuer à encourager la participation des migrants et des réfugiés. En Allemagne, par exemple, le club de football Bayern de Munich a créé pour les jeunes réfugiés un «camp d’entraînement» qui leur offre des repas, des cours d’allemand et des équipements de foot. De plus, en février 2016, ce club a levé 1 million d’euros en organisant un match amical pour soutenir des projets d’intégration en Allemagne 
			(7) 
			<a href='https://www.devex.com/news/the-role-of-the-private-sector-in-alleviating-the-refugee-crisis-87901'>https://www.devex.com/news/the-role-of-the-private-sector-in-alleviating-the-refugee-crisis-87901</a>/, Participation du secteur privé..
26. L’Accord partiel élargi sur le sport (APES) du Conseil de l'Europe a récemment mis sur pied une «plateforme de l’intégration des migrants par le sport» destinée à recenser et à partager les connaissances concernant les bonnes pratiques appliquées au niveau pan-européen, les activités en cours et les projets futurs relatifs aux migrants nouvellement arrivés et à leur intégration via le sport. Cette initiative a pour objectif de réunir diverses parties prenantes et de mettre la plateforme à leur disposition pour qu’ils puissent partager leur expérience en la matière.
27. Je dirai pour conclure que l’on ne saurait trop insister sur l’importance du succès des procédures d’intégration. Prendre dès maintenant des mesures décisives pourrait contribuer à éviter à l’avenir une situation encore plus difficile. Il reste cependant aux réfugiés bien des obstacles à surmonter et leur intégration au sein des sociétés européennes demeurera un enjeu de taille – voire l’un des plus grands auxquels l’Europe ait jamais eu à faire face.