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Avis de commission | Doc. 14359 | 27 juin 2017

Répercussions sur les droits de l’homme de la réponse européenne aux migrations de transit en Méditerranée

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteure : Mme Tineke STRIK, Pays-Bas, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14168, Renvoi 4252 du 10 mars 2017. Commission chargée du rapport: Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Voir Doc. 14341. Avis approuvé par la commission le 27 juin 2017. 2017 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission se félicite du rapport du rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, M. Miltiadis Varvitsiotis (Grèce, PPE/DC), qui survient à point nommé sur cette question dont l’importance politique ne se dément pas et qui demeure une source constante de préoccupation sur le plan du respect des droits fondamentaux des réfugiés et des migrants.
2. La commission se félicite tout particulièrement des initiatives prises par le rapporteur pour évaluer les évolutions survenues depuis le rapport de l’Assemblée de 2016 sur une série d’aspects pris en compte par l’intitulé du rapport. La commission propose certains amendements en vue de garantir, d’une part, que la résolution reflète indéniablement les dernières informations disponibles auprès de sources indépendantes faisant autorité sur des éléments factuels pertinents et, d’autre part, que les recommandations qu’elle adresse prennent en compte l’ensemble des principales sources de préoccupation.

B. Amendements proposés

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 2, replacer la première phrase par la phrase suivante:

«Depuis la dernière fois où l’Assemblée a examiné la question il y a un an, la situation en Grèce a connu une certaine amélioration bien que la Grèce soit devenu un pays de destination où la quasi-totalité des réfugiés et des migrants récemment arrivés demandent l’asile.»

Amendement B (au projet de résolution)

Au paragraphe 2, biffer la troisième phrase.

Amendement C (au projet de résolution)

Au paragraphe 3, remplacer la première phrase par la phrase suivante:

«L’Assemblée note que les craintes concernant les éventuels renvois de réfugiés syriens en Turquie en tant que «premier pays d’asile» ou «pays tiers sûr» dans le cadre de l’Accord UE-Turquie ne se sont pas concrétisées: à ce jour, aucun demandeur d’asile syrien (ou d’une autre nationalité) n’a été renvoyé sur cette base en Turquie.»

Amendement D (au projet de résolution)

Au paragraphe 3, biffer la phrase finale.

Amendement E (au projet de résolution)

Remplacer le paragraphe 4 par le paragraphe suivant:

«En outre, l’Assemblée note que les craintes concernant la rétention systématique des demandeurs d’asile dans les centres de crise («hotspots») sont restées vaines étant donné la pratique qui a suivi: une fois enregistrés, les demandeurs d’asile peuvent désormais entrer et sortir librement des centres, bien qu’en raison de l’absence d’autres possibilités d’hébergement, la plupart, hormis certaines personnes appartenant à des groupes vulnérables, n’ont d’autre choix que d’y résider alors que les conditions de vie soient loin d’être satisfaisantes.»

Amendement F (au projet de résolution)

Après le paragraphe 4, insérer le paragraphe suivant:

«Il subsiste de graves préoccupations dans un grand nombre de domaines dont les délais d’enregistrement et de traitement des demandes d’asile en dépit des efforts significatifs consentis par le Service grec de l’asile; la «rétention de protection» des mineurs non accompagnés dans les commissariats de police, même pour de brefs laps de temps; les procédures inappropriées d’évaluation de l’âge; l’absence de système de tutelle efficace pour les mineurs non accompagnés; la violence de nature sexuelle et fondée sur le genre dans les centres d’accueil; l’accès insuffisant à l’éducation et à la santé; et le caractère peu satisfaisant des mesures d’intégration en dépit d’un plan d’action pour l’intégration mis en œuvre par les autorités grecques. L’Assemblée prend également note tant des lacunes du cadre législatif et administratif grec que de l’absence de coordination de l’action en ce qui concerne la satisfaction des besoins fondamentaux des réfugiés et des migrants, notamment l’incapacité d’absorber et d’utiliser à bon escient les financements internationaux disponibles.»

Amendement G (au projet de résolution)

Au paragraphe 7, après la première phrase, insérer la phrase suivante:

«Les nouveaux arrivants, notamment les mineurs non accompagnés, restent souvent pendant une durée excessive dans les centres de crise, qui ne sont ni destinés, ni adaptés à cette fin et la plupart d’entre eux sont alors hébergés dans des centres de premier accueil exceptionnels et provisoires, qui sont dépourvus des installations et des services essentiels.»

Amendement H (au projet de résolution)

Au paragraphe 7, après la deuxième phrase, insérer la phrase suivante:

«On constate aussi des lacunes en matière de réglementation des centres de crise, y compris la base de la rétention dans ces centres et le recours à la force pour contraindre les nouveaux arrivants à donner leurs empreintes digitales, étant donné les informations faisant état d’un recours excessif à la force, voire à la torture dans ce contexte. Il y a aussi les graves retards dont souffrent l’enregistrement et le traitement des demandes d’asile, les préoccupations au sujet de l’efficacité de la voie de recours contre le rejet des demandes d’asile et les insuffisances du système de tutelle applicable aux mineurs non accompagnés.»

Amendement I (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 8, ajouter la phrase suivante:

«Toute coopération avec les autorités libyennes doit être fondée sur le respect effectif par les deux parties des dispositions essentielles du droit international lié aux droits de l’homme, y compris le droit de quitter un pays, le droit de demander l’asile et d’en bénéficier et l’interdiction du refoulement.»

Amendement J (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 11.1.3, ajouter les mots suivants:

«à condition qu’il soit possible de vérifier que les gardes-côtes libyens s’attachent à respecter les droits fondamentaux des réfugiés et des migrants, notamment en s’abstenant d’exposer ceux-ci à des situations où ils risquent de subir des mauvais traitements»

Amendement K (au projet de résolution)

Au paragraphe 11.1.4., après le mot «assurer», insérer les mots suivants: «la cessation des violations graves et étendues des droits des réfugiés et des migrants et»

Amendement L (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 11.2.2, ajouter les mots suivants: «lorsqu’elles ont prouvé leur capacité de faire un usage plus efficient et efficace de ces financements que d’autres acteurs»

Amendement M (au projet de résolution)

Après le paragraphe 11.3.4, insérer le paragraphe suivant:

«à veiller à ce que les États membres de l’Union européenne se conforment immédiatement à leurs engagements en matière de relocalisation émanant de décisions du Conseil européen et du Conseil de l'Europe, et à prendre toutes les mesures nécessaires à l’égard des États membres qui ne respecteraient pas leurs engagements;»

Amendement N (au projet de résolution)

Après le paragraphe 11.3.7, insérer le paragraphe suivant:

«à veiller à une pleine mise en œuvre du regroupement familial à partir de la Grèce et de l’Italie dans le respect du droit communautaire et international, dont le règlement de Dublin et la Directive sur le regroupement familial;»

Amendement O (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 12.2.1, ajouter les mots suivants: «et à renoncer à leur politique consistant à dénier l’accès aux programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration (AVRR) de l’OIM à ceux qui contestent les décisions négatives»

Amendement P (au projet de résolution)

Après le paragraphe 12.3, insérer le paragraphe suivant:

«à mettre en œuvre une politique d’intégration effective des personnes auxquelles le statut de réfugié est reconnu et à envisager d’englober dans son champ d’application les demandeurs d’asile dont la nationalité laisse penser que le statut de réfugié leur sera très probablement accordé;»

Amendement Q (au projet de résolution)

Après le paragraphe 13.1.1, insérer le paragraphe suivant:

«à veiller à ce que les demandeurs d’asile ne soient pas retenus dans les «hotspots» au-delà de la durée légale, à augmenter le nombre de places disponibles dans les centres d’accueil permanents et à éviter l’utilisation d’installations provisoires et exceptionnelles pour l’hébergement de longue durée;»

Amendement R (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 13.2.1, ajouter les mots suivants: «et à veiller à ce que les voies de recours respectent les exigences procédurales d’un recours effectif»

Amendement S (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 14.2, ajouter les mots suivants: «, d’accès à l’asile et d’interdiction du refoulement»

C. Exposé des motifs, par Mme Tineke Strik, rapporteure pour avis

(open)
1. Je me félicite du rapport consacré par M. Varvitsiotis à cette question, qui reste, d’une part, politiquement importante et sensible et, d’autre part, encore sujette à de graves préoccupations du point de vue du respect des droits fondamentaux des réfugiés et des migrants. Je me réjouis que l’Assemblée parlementaire ait ainsi l’occasion de faire le bilan des évolutions survenues depuis l’été dernier et de déterminer si les nombreuses recommandations techniques qu’elle avait formulées à cette époque pour assurer la protection de ces droits demeurent pertinentes et nécessaires. J’ai donc soigneusement examiné les derniers documents établis par des acteurs indépendants qui font autorité sur la question, en vue de clarifier la situation et de proposer les rectifications à apporter aux omissions ou aux malentendus éventuels du projet de résolution.

1. Éclaircissements sur la situation en Grèce

2. En avril 2017, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a remis ses «Recommandations pour la Grèce en 2017», assorties d’un exposé des motifs, au Comité des Ministres dans le cadre de la surveillance par ce dernier de l’exécution des arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l’homme 
			(1) 
			DH-DD(2017)435
et DH-DD(2017)84 respectivement.. Ces documents font état des préoccupations actuelles du HCR dans les domaines suivants:
  • L’enregistrement et le traitement des demandes d’asile. «Six mois après leur arrivée dans les îles grecques, de nombreux demandeurs d’asile attendent toujours la finalisation de l’enregistrement et du traitement de leur demande d’asile. (…) Sur le continent, le prononcé des décisions de première instance pour les demandes préenregistrées au cours de l’été 2016 prendra approximativement deux ans. Les autorités doivent remédier à l’insuffisance de leurs capacités de finalisation du traitement des demandes d’asile dans un délai raisonnable.» «L’accès à l’asile des personnes vulnérables, y compris des mineurs non accompagnés et séparés, demeure difficile. (…) Au vu de la situation actuelle, les exigences du droit de l’UE et de la législation nationale, qui imposent le “dépôt” officiel d’une demande immédiatement ou dès que possible après qu’elle a été “adressée”, ne sont pas respectées (…). L’absence de système national de tutelle et les défaillances de la représentation en justice des mineurs non accompagnés et séparés qui déposent une demande de protection internationale, surtout pour ceux qui sont âgés de moins de 15 ans, génèrent des difficultés supplémentaires. (…) L’activité des commissions de recours indépendantes est limitée par le fait que les juges doivent, en plus de leurs fonctions au sein de la commission, exercer leurs fonctions judiciaires habituelles au sein des juridictions, ainsi que par le manque d’experts susceptibles de les assister pour déterminer le pays d’origine des intéressés. Fin 2016, 6193 affaires étaient pendantes devant les commissions de recours indépendantes, [qui] ne sont pas encore parvenues à installer un rythme d’examen stable des dossiers et ont rendu un petit nombre de décisions. Le délai actuel d’examen d’une affaire dépasse largement le délai légal de trois mois. Le doublement du nombre des commissions de recours depuis février 2017 reste insuffisant par rapport au nombre d’affaires à traiter.»
  • Les graves problèmes rencontrés sur les îles. C’est le cas notamment du «maintien des personnes sur des îles surpeuplées et dans des conditions inadaptées et peu sûres, qui est inhumain et ne doit plus se prolonger». «Les conditions d’accueil restent extrêmement insuffisantes et les personnes présentes sur les îles font en fait l’objet d’une restriction géographique [qui les empêche de circuler sur le continent] depuis près d’un an» 
			(2) 
			Plusieurs îles grecques
continuent à accueillir un nombre de demandeurs d'asile largement
supérieur à leur capacité d'accueil: Chios, dont la capacité est
de 1 309 places, accueille 3 982 personnes; Samos, dont la capacité
est de 986 places, accueille 2 218 personnes; Kos, dont la capacité
est de 1 170 places, accueille 2 466 personnes; enfin, Rhodes, dont
la capacité est de 50 places, accueille 654 personnes, HCR, «Weekly
map indicating capacity and occupancy (Governmental figures)», 6
juin 2017..
  • Le système d’accueil mis en place sur le continent. «Les conditions des centres d’accueil varient de l’un à l’autre et demeurent parfois nettement inférieures aux normes fixées par l’Union européenne et la législation nationale. La plupart des installations mises en place d’urgence sont dépourvues de conditions d’hébergement satisfaisantes (…). C’est le cas des installations qui ne sont pas faites pour être habitées, comme les derniers entrepôts [quatre sur huit] encore en activité au centre de la Macédoine et les derniers sites informels présents en Attique, qui devraient être fermés immédiatement. L’une des principales difficultés auxquelles se heurte l’accueil des réfugiés est le manque de structures de coordination claires et organisées (…) pour le compte des autorités grecques. (…) Bien que les chiffres officiels indiquent une capacité d’environ 30 000 places inoccupées, le HCR (…) estime la capacité réelle des places disponibles à la mi-mars 2017 inférieure à ce chiffre, puisque, par exemple, certaines places ne se situent pas dans des abris adaptés, sont dépourvues d’électricité ou d’autres branchements ou doivent faire l’objet de travaux importants.» Le HCR observe que les autorités grecques doivent mettre en place un projet à plus long terme et s’acheminer vers un système d’accueil durable.
  • La prise en charge des mineurs qui sont «exposés aux dangers actuels, notamment à l’exploitation et aux abus sexuels, en raison d’une sécurité insuffisante, de sites d’accueil qui ne satisfont pas aux normes et sont surpeuplés, de l’absence de services spécifiques et d’un accès insuffisant à une éducation formelle ou non formelle, ainsi que de la durée des procédures d’asile qui permettent le rapprochement familial, ce qui a également de graves conséquences sur leur bien-être psychologique. La capacité nationale d’accueil des mineurs non accompagnés et séparés reste très inférieure aux besoins: à peu près la moitié des quelque 2400 mineurs non accompagnés et séparés de Grèce ne bénéficient pas à l’heure actuelle d’une prise en charge adéquate ou appropriée (…). Les mineurs accompagnés et non accompagnés sont dans certains cas retenus dans des centres d’accueil fermés ou détenus dans des centres de la police, parfois en compagnie d’adultes.» «La présence et la prise en charge adéquates des services de protection de l’enfance font défaut dans l’ensemble de la Grèce (…), ce qui a pour conséquence que les mineurs ont peu accès aux services de protection de l’enfance (santé, aide psychologique, aide juridictionnelle, recherche des familles, autres prises en charge, éducation, solutions durables). (…) La détention des mineurs non accompagnés et séparés dans les commissariats de police est totalement inadaptée. En outre, la législation ne fixe aucune durée ou limite maximale à cette détention. (…) Le HCR est également préoccupé par le fait que, en raison des défaillances de la procédure de détermination de l’âge des mineurs 
			(3) 
			Notons que les autorités
grecques utilisent une méthode pour déterminer l'âge des mineurs
que l'Assemblée a critiquée dans son rapport «Harmoniser la protection
des mineurs non accompagnés en Europe»: voir Doc. 14142, paragraphe 47., les mineurs non accompagnés et séparés peuvent être enregistrés et retenus en qualité d’adultes.» Le 4 mai 2017, 168 mineurs non accompagnés et séparés se trouvaient dans les «hotspots», soit un chiffre proche de la moyenne des deux mois précédents, tandis que 53 autres étaient placés en «détention protégée», ce qui représente un chiffre largement supérieur à la moyenne des neuf mois précédents; les centres d’hébergement pour mineurs non accompagnés et séparés comptaient 1302 places et une liste d’attente de 996 personnes, aucun de ces chiffres n’ayant beaucoup changé depuis les trois mois précédents 
			(4) 
			«État actuel de la
situation: les mineurs non accompagnés en Grèce», Centre national
de solidarité sociale, 4 mai 2017..
  • Les violences sexuelles et fondées sur le genre: «Les conditions d’hébergement d’un certain nombre de sites en Grèce, et notamment l’absence de conditions de sécurité satisfaisantes, exposent les femmes, les hommes, les garçons et les filles à l’exploitation, aux violences et aux abus sexuels, ainsi qu’à la violence domestique. Les moyens de subsistance limités amplifient encore le risque d’exploitation sexuelle, de traite, de prostitution de survie et de mariages forcés précoces.» «Les mesures destinées à atténuer les risques de violences sexuelles et fondées sur le genre n’ont pas toujours été prises en compte dans la conception des centres d’accueil d’urgence aménagés sous forme de camps et la mise en œuvre des activités, ce qui augmente le risque de violences sexuelles et fondées sur le genre et la vulnérabilité à l’égard de celles-ci. (…) L’isolement de certains centres et l’absence de services de police ou d’autres dispositifs de sécurité pendant la nuit contribuent au sentiment d’insécurité et au risque de violences sexuelles et fondées sur le genre.»
  • La coordination insuffisante et la définition précise des attributions: le HCR appelle le Gouvernement grec «et le ministère de la Politique migratoire en particulier, à définir clairement les structures de coordination de l’ensemble des parties prenantes humanitaires, afin de garantir une réponse cohérente et efficace qui comble les lacunes, évite les chevauchements de compétences, optimise l’emploi des ressources et assure l’élaboration en temps utile d’un dispositif d’intervention et d’une procédure opérationnelle normalisée pour faire face aux situations difficiles. Cela permettrait au HCR et aux autres acteurs humanitaires de ne plus avoir à réagir de manière ad hoc, comme cela a été le cas pour faire face aux conditions hivernales, et aux donneurs d’avoir davantage confiance dans le traitement humanitaire de cette situation par la Grèce.»
  • L’autonomie et l’intégration: «il est indispensable d’investir des fonds (…) pour aider les réfugiés qui resteront en Grèce à parvenir à une autonomie constructive et à s’intégrer dans leur collectivité d’accueil. Il faut pour cela investir dans la promotion d’un accès effectif aux services de protection sociale, au cours de langue et d’orientation déjà en place, à la formation professionnelle et aux programmes d’insertion professionnelle (…). Il faut également consacrer d’autres investissements à aider les collectivités d’accueil à renforcer les relations positives avec les réfugiés (…). Il est indispensable de prendre des mesures pour prolonger et amplifier la participation positive des collectivités et l’aide de la société civile et des volontaires grecs».
  • L’accès aux services de santé: «En pratique, les demandeurs d’asile n’ont pas accès aux services de santé, car ils doivent être titulaires d’une carte d’assurance-maladie pour les étrangers, dont la délivrance n’est pas encore mise en œuvre par le ministère de la Santé. De plus, les obstacles bureaucratiques ne permettent pas toujours aux demandeurs d’asile d’être titulaires d’un numéro de sécurité sociale susceptible de leur offrir un autre moyen d’accès aux soins de santé ou retardent l’obtention de ce numéro.»
  • L’éducation: «En vertu du cadre légal national, les enfants de migrants ou de réfugiés sont «soumis, comme les ressortissants grecs, à un enseignement obligatoire (…). Pourtant, peu d’enfants ont été inscrits et assistent aux cours du matin en compagnie des élèves grecs (…). L’enseignement scolaire a débuté progressivement depuis le mois d’octobre 2016, mais malgré les dispositions prises en ce sens par le ministère, les enfants de réfugiés ne suivent pas tous les cours officiels d’enseignement primaire et secondaire.»
  • La rétention: «la durée maximale de rétention est concrètement prise en compte à partir du dépôt de la demande d’asile; le temps passé en rétention avant le dépôt de cette demande n’est pas pris en considération. Les demandeurs d’asile peuvent donc être retenus pendant une période totale supérieure à [la limite des trois mois]. En outre, (…) Les demandeurs d’asile n’ont aucun accès effectif à un [contrôle juridictionnel de plein droit de leur ordonnance de rétention], en raison d’une insuffisance de services d’interprète et d’avocat et des capacités limitées des juridictions administratives.»
3. Les décisions prises ultérieurement par le Comité des Ministres au sujet des arrêts rendus sur cette question contre la Grèce indiquent clairement qu’il partage les préoccupations les plus pertinentes du HCR 
			(5) 
			CM/Del/Dec(2017)1288/H46-15,
7 juin 2017.. Le Comité a invité les autorités grecques «à élaborer (…) un plan pour l’enregistrement et le traitement des demandes d’asile, afin que celles-ci soient traitées dans un délai raisonnable»; «à mettre au point une stratégie garantissant la pleine protection des mineurs non accompagnés sur la base d’un système effectif de tutelle»; «à améliorer les conditions de détention dans tous les lieux de rétention qui accueillent des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile, notamment en leur donnant accès à des services de santé adaptés»; et «à garantir, à titre prioritaire, que des mesures de substitution au placement en rétention des mineurs soient trouvées et qu’en en cas de placement en rétention à titre exceptionnel, les mineurs soient séparés des adultes et bénéficient de conditions adaptées à leur nature vulnérable».
4. Par ailleurs, en avril 2017, le médiateur grec a publié un rapport détaillé accablant, intitulé «Flux migratoire et protection des réfugiés: difficultés administratives et questions relatives aux droits de l’homme». Ce rapport, qui reflète la situation jusqu’à la date de sa publication, réaffirme toutes les préoccupations du HCR et parfois les accentue, par exemple au sujet des conditions peu satisfaisantes des «hotspots» insulaires et des autres centres d’hébergement; de l’insuffisance des repas et des soins de santé fournis aux demandeurs d’asile; de l’accès non effectif à l’éducation; et, plus longuement, au sujet de la coordination et de la planification administratives insuffisantes, des défaillances du cadre législatif et réglementaire et de l’incapacité de l’État grec à absorber le financement mis à sa disposition par l’Union européenne. Le rapport du médiateur fait également état d’une «insouciance à l’égard des droits de l’homme, qui se traduit par l’absence du respect dû aux droits de l’homme dans la mise en œuvre du cadre législatif» en matière, par exemple, de détention, y compris pour les mineurs non accompagnés et séparés, de retour forcé, de conditions de vie, de détermination de l’âge des mineurs et d’accès à l’éducation.

2. Éclaircissements sur la situation en Turquie

5. Le Comité des Ministres a également reçu une communication d’Amnesty international, qui donne davantage de précisions sur le fait que «les demandeurs d’asile risquent d’être renvoyés en Turquie alors qu’ils n’ont pas accès dans ce pays à une protection effective» 
			(6) 
			DH-DD(2017)307.. Cette communication fait suite à la publication par Amnesty d’un rapport spécialement consacré à l’accord UE-Turquie, qui comporte des informations complètes et précises sur une série de questions, notamment sur les graves défaillances du système de droit d’asile en Turquie et sur le risque de refoulement des demandeurs d’asile renvoyés en Turquie 
			(7) 
			Amnesty
International, «A Blueprint for Despair: Human Rights Impact of
the EU-Turkey Deal», février 2017. Voir également «Greece: A Year
of Suffering for Asylum Seekers», Human Rights Watch, 15 mars 2017..

3. Éclaircissements sur la situation en Italie

6. L’Italie est elle aussi confrontée à de nombreux problèmes, qui ne transparaissent pas tous dans le rapport de M. Varvitsiotis; il s’agit notamment des questions suivantes 
			(8) 
			Pour de plus amples
précisions, voir par exemple le «Rapport de la visite d’information
en Italie de l’ambassadeur Tomáš Boček, Représentant spécial du
Secrétaire Général pour les migrations et les réfugiés», SG/Inf(2017)8,
2 mars 2017; «Background information for the LIBE Delegation on
Migration and Asylum in Italy», Parlement européen, mars 2017; et
«Hotspot Italy: How EU’s Flagship Approach Leads to Violations of
Refugee and Migrant Rights», Amnesty International, octobre 2016.:
  • Le droit interne ne règle pas en détail les «hotspots» et les fondements légaux de la Procédure opérationnelle normalisée du ministère de l’Intérieur pour les «hotspots» sont imprécis, alors même que l’action des autorités dans les «hotspots», notamment la rétention des réfugiés et des migrants, peut porter atteinte aux droits de l’homme.
  • Le droit interne ne prévoit pas de recours à la force, en dehors d’un recours à la force minimal, pour procéder à la prise d’empreintes digitales. Amnesty International a néanmoins fait état de nombreuses allégations de recours excessif à la force, voire d’actes de torture, lors de la prise d’empreintes digitales des personnes à leur arrivée.
  • Les nouveaux arrivants, qui sont souvent épuisés, dans un état de confusion et de stress et privés d’informations, sont presque immédiatement interrogés par les fonctionnaires de police au sujet des raisons de leur venue en Italie, mais pas au sujet de leur intention de demander l’asile. Or, le fait qu’ils n’indiquent pas à ce stade leur intention de demander l’asile peut entraîner leur placement dans des centres de rétention avant renvoi, même s’ils déposent par la suite une demande. Ils sont parfois interrogés sur leur intention de travailler en Italie; s’ils répondent par l’affirmative, ils peuvent être classés dans la catégorie des «migrants économiques», même s’ils ont également l’intention de demander l’asile, ce qui peut là encore entraîner leur placement dans des centres de rétention avant renvoi.
  • Les procédures de détermination de l’âge des mineurs non accompagnés et séparés (autres que les victimes de traite) ne sont pas clairement définies par la loi, même si la procédure opérationnelle normalisée des «hotspots» semble adopter une démarche positive, en laissant le bénéfice du doute à l’auteur de la demande en cas d’incertitude.
  • Les «hotspots» ne sont ni conçus ni équipés pour un hébergement prolongé; d’après les informations obtenues, les migrants y seraient pourtant retenus pendant des semaines, voire des mois pour les mineurs non accompagnés et séparés, faute d’hébergement spécialisé suffisant. La surpopulation qui en découle exacerbe les problèmes, notamment le manque d’eau courante, l’état déplorable des sanitaires, la séparation peu satisfaisante des hommes et des femmes et le manque général d’espace.
  • La très grande majorité de la capacité d’accueil est assurée par des centres provisoires exceptionnels, souvent situés dans des banlieues isolées ou des zones rurales où les services sont rares lorsqu’ils existent. Comme le traitement des demandes peut prendre des années, la pression sur la capacité d’accueil s’accentue à chaque nouvelle arrivée. Les demandeurs d’asile devraient pouvoir passer rapidement des premiers centres d’accueil à d’autres centres, dont les conditions, les installations et les services (notamment les services liés à l’intégration) sont plus satisfaisants, mais le manque de capacité d’accueil y fait obstacle.
  • Le système de tutelle des mineurs non accompagnés et séparés souffre de dysfonctionnements, faute de tuteurs qualifiés; les «tuteurs institutionnels» sont par conséquent extrêmement surchargés. Parmi les tuteurs institutionnels peuvent figurer des directeurs de centres d’accueil, ce qui risque d’entraîner des conflits d’intérêts. Sans tuteur, les mineurs non accompagnés et séparés ne peuvent demander le regroupement familial.
  • Le système de l’asile est fortement sous pression, ce qui retarde bien souvent de plusieurs mois le dépôt d’une demande et l’octroi officiel du statut de demandeur d’asile et des droits qui lui sont associés.
  • Le taux d’octroi de l’asile varie énormément entre les différentes commissions territoriales, puisqu’il va de 75-80 % à seulement 15 %.
  • Depuis 2014, plus de 53 000 décisions négatives ont fait l’objet d’un recours et 81 % d’entre eux étaient toujours pendants en janvier 2017. Le droit de recours contre le rejet d’une demande d’asile a récemment été considérablement restreint, ce qui exclut toute véritable possibilité de procédure contradictoire et limite les recours ultérieurs à l’examen de points de droit par la Cour de Cassation; celle-ci risque par conséquent de connaître une surcharge d’affaires dont le traitement entraînera des retards.

4. Éclaircissements sur la situation en Libye

7. Le rapport de M. Varvitsiotis mentionne plusieurs fois la Libye, sans toutefois décrire la situation des réfugiés et des migrants dans ce pays. Refugees International a publié tout récemment un rapport important, intitulé «L’enfer sur terre: les violences subies par les réfugiés et les migrants qui tentent de rejoindre l’Europe depuis la Libye». Ce rapport donne des informations détaillées, qui sont en partie fournies et corroborées par des organisations internationales comme le HCR ou l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), sur les violations atroces dont sont victimes les réfugiées et les migrants en Libye. Ils sont notamment assassinés, torturés, victimes de violences physiques et sexuelles, de détentions illégales par les trafiquants, les milices et des groupes indéfinis, de détentions arbitraires par les autorités, dans des conditions inhumaines dans les deux cas, ainsi que de traite des êtres humains, de travail forcé et de réduction en esclavage. De fait, ces allégations sont si graves et les faits signalés sont si crédibles et si étayés par des éléments, que le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) envisage d’ouvrir une enquête sur cette situation 
			(9) 
			«Treizième
Rapport du Procureur de la CPI au Conseil de sécurité des Nations
Unies», 8 mai 2017..
8. Tout renforcement de la coopération avec les autorités libyennes doit passer par une appréciation satisfaisante de la situation exécrable qui règne en Libye. Il convient de rappeler que le HCR a exhorté les États à «s’abstenir de renvoyer en Libye tout ressortissant de pays tiers intercepté en mer et à veiller à ce que les personnes qui ont besoin de protection internationale puissent avoir accès à une procédure d’asile équitable et effective après leur débarquement» 
			(10) 
			«UNHCR Position on
Returns to Libya, Update I», octobre 2015 (toujours en vigueur).. Rappelons également la déclaration faite par un groupe d’experts des droits de l’homme des Nations Unies, qui ont indiqué être «extrêmement préoccupés par le fait que l’accord passé avec la Libye, qui prévoit de renvoyer les migrants qui tentent de fuir les violations des droits de l’homme à cette même situation, porte atteinte au principe de non-refoulement (…). Le fait de limiter les départs depuis les côtes libyennes signifie tout simplement accepter et légitimer la souffrance humaine qui règne en Libye et renvoyer les migrants à des situations dans lesquelles ils sont victimes [de graves violations]» 
			(11) 
			«Malta Summit: “Is
Libya the right disembarking point for migrants?” – UN rights experts»,
François Crépeau (rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits
de l’homme des migrants), Nils Melzer (rapporteur spécial des Nations
Unies sur la torture), Urmila Bhoola (rapporteure spécial des Nations
Unies sur l'esclavage) et Setondji Roland Adjovi (président du Groupe
de travail sur la détention arbitraire), 3 février 2017.. Il convient également de noter que le droit international des droits de l’homme garantit le droit de quitter un pays, y compris le sien, et le droit de demander et d’obtenir l’asile.
9. Ces considérations ne semblent pas avoir été prises en compte dans le rapport de M. Varvitsiotis. Ses conclusions et recommandations sur la coopération avec les autorités libyennes doivent par conséquent être traitées avec la plus grande prudence.

5. Explication des amendements

Amendement A

Le fait de laisser entendre que la situation en Grèce s’est améliorée «en conséquence» de l’Accord UE-Turquie est trompeur puisque, au contraire, cet accord, auquel s’ajoutent la fermeture de la route des Balkans occidentaux et l’échec du programme de réinstallation de l’Union européenne, a fortement contribué à créer les difficultés auxquelles la Grèce reste confrontée. L’amendement vise à refléter de manière plus exacte cette situation.

Amendement B

On ne peut se contenter de dire que l’enregistrement et le traitement des demandes d’asile ont énormément gagné en efficacité: de fait, ils continuent à susciter de vives préoccupations, comme le montrent les récents documents du HCR et les décisions du Comité des Ministres.

Amendement C

Le libellé actuel est trompeur. En réalité, bon nombre des personnes renvoyées n’ont pas vu leur demande examinée sur le fond, soit parce qu’elles n’en avaient pas déposé, soit parce qu’elles l’avaient par la suite retirée. Mais il est vrai qu’aucun demandeur d’asile dont la demande a été jugée irrecevable au motif que la Turquie était un pays ou un refuge sûr n’y a été renvoyé.

Amendement D

Le libellé actuel est trompeur. En réalité, la plupart des demandes n’ont toujours pas été examinées; les décisions de rejet ont principalement été prises pour irrecevabilité, sans examen sur le fond; enfin, la position de la commission de recours grecque a manqué de cohérence, puisqu’elle a considérablement changé après la réforme de la composition de cette instance.

Amendement E

Le libellé actuel est trompeur: les inquiétudes de l’Assemblée au sujet de la rétention dans les «hotspots» étaient fondées à l’époque, mais les autorités grecques semblent depuis avoir limité la privation de liberté, bien que de nombreux demandeurs d’asile n’aient pas d’autre choix que de vivre dans ces «hotspots». Cet amendement vise à refléter de manière plus exacte cette situation.

Amendement F

Par souci d’objectivité et d’exhaustivité, et afin que les recommandations suivantes reposent sur des faits, il est indispensable de mentionner certaines préoccupations toujours d’actualité, dont ont fait part notamment le HCR, le médiateur grec et le Comité des Ministres.

Amendement G

Par souci d’objectivité et d’exhaustivité, et afin que les recommandations suivantes reposent sur des faits, il est indispensable de mentionner certains autres sujets de préoccupation, dont ont fait part notamment le Représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations et les réfugiés et Amnesty International.

Amendement H

Cet amendement s’impose par souci d’objectivité et pour fournir les éléments factuels indispensables.

Amendement I

La question de la coopération avec les autorités libyennes doit être traitée avec la plus grande prudence, compte tenu de la situation politique, sécuritaire et des droits de l’homme dans le pays. Il faut, à tout le moins, veiller à ce qu’elle s’inscrive dans le respect scrupuleux des dispositions fondamentales du droit international des droits de l’homme.

Amendement J

Cet amendement est lié au précédent et concerne un domaine particulièrement sensible et préoccupant au regard des droits des réfugiés et des migrants.

Amendement K

Cet amendement est également lié à l’amendement I; il vise à promouvoir l’action de l’Union européenne à l’égard de la situation plus générale des violations extrêmement graves que subissent les réfugiés et les migrants en Libye.

Amendement L

Une série d’instances, notamment le médiateur grec et le HCR, ont fait part de leur profonde préoccupation au sujet des capacités administratives des autorités. Il serait donc irresponsable d’encourager l’Union européenne à remettre davantage de financement aux autorités grecques, sauf si elles sont en mesure de démontrer leur capacité à le dépenser de manière plus efficiente et efficace que d’autres destinataires possibles. Dans le cas contraire, l’impact de ce financement sur la situation de ceux auxquels il est destiné serait réduit.

Amendement O

Il importe que l’Assemblée dissuade nettement un État membre de pénaliser l’exercice par une personne de son droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Amendement P

Compte tenu de leur nationalité, de la situation de bon nombre de leurs pays d’origine et de l’échec du plan de réinstallation de l’Union européenne, il est très probable qu’un nombre important de réfugiés restent très longtemps en Grèce. Les autorités grecques doivent se faire à cette idée et commencer à intégrer ces personnes dans la société grecque.

Amendement Q

Le projet de résolution doit mentionner brièvement ces problèmes pour que les recommandations suivantes reposent sur des éléments factuels.

Amendement R

La réforme récente du mécanisme de recours italien contre les décisions de refus du droit d’asile a fait l’objet d’un certain nombre de critiques. Les autorités italiennes doivent veiller à ce qu’il existe un recours effectif, qui représente un élément essentiel de la protection contre le refoulement, comme l’exige la Convention européenne des droits de l’homme.

Amendement S

Le système du droit d’asile en Turquie n’est toujours pas pleinement opérationnel et de nombreux cas de renvoi et d’autres formes de refoulement du territoire turc de réfugiés et de demandeurs d’asile ont été signalés.