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Rapport d’observation d’élection | Doc. 14392 | 04 septembre 2017

Observation des élections législatives en Albanie (25 juin 2017)

Auteur(s) : Commission ad hoc du Bureau

Rapporteur : M. Paolo CORSINI, Italie, SOC

1. Introduction

1. Le 5 décembre 2016, M. Bujar Nishani, Président de l’Albanie, a convoqué les élections législatives pour le 18 juin 2017. Au cours de sa réunion des 9 et 10 mars 2017, le Bureau de l’Assemblée a décidé, sous réserve de la réception d’une invitation, d’observer ces élections et de constituer une commission ad hoc composée de 30 membres selon le système D’Hondt (PPE/DC: 11, SOC: 10, ADLE: 4, CE: 4, GUE: 1) et des deux corapporteurs de la commission de suivi. Il a également autorisé une mission préélectorale. Le 14 avril 2017, M. Ilir Meta, Président du Parlement albanais, a envoyé une lettre d’invitation officielle à l’Assemblée parlementaire. Le Bureau a approuvé la composition de la commission ad hoc et a désigné M. Paolo Corsini (Italie, SOC) comme chef de la délégation au cours de sa réunion du 28 avril 2017. La liste des membres se trouve à l’annexe 1. Suite à un accord politique, dont nous verrons le détail dans la section suivante, la date des élections a été reportée au 25 juin 2017.
2. Conformément à l'accord de coopération signé entre l'Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) le 4 octobre 2004, un représentant de la Commission de Venise a été invité à se joindre à la commission ad hoc en qualité de conseiller.
3. Une délégation préélectorale s’est rendue à Tirana les 1er et 2 juin 2017 afin d’évaluer la situation politique, le cadre juridique électoral, la campagne électorale, l’organisation du scrutin et le travail de l’administration électorale. Dans une déclaration publiée à la fin de la visite, la délégation s’est félicitée de l’accord politique conclu le 18 mai entre les chefs des deux grands partis politiques albanais, permettant la tenue des élections législatives avec la participation des principaux partis d’opposition. La délégation a également invité l’ensemble des acteurs du processus électoral à œuvrer de bonne foi pour assurer et renforcer l’indépendance de la supervision électorale et des organes de contrôle, le respect des procédures légales et l’égalité de situation de l’ensemble des intervenants tout au long du processus électoral (le programme des réunions et le texte de la déclaration se trouvent aux annexes 2 et 3).
4. La commission ad hoc s’est rendue en Albanie du 22 au 26 juin 2017 pour l’observation des élections législatives du 25 juin. La commission ad hoc a opéré dans le cadre d’une mission internationale d’observation électorale (MIOE) aux côtés des délégations de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE-AP), du Parlement européen et de la mission d’observation électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) de l’OSCE présente dans le pays depuis le 9 mai 2017. Le programme des réunions de la délégation se trouve à l’annexe 4.
5. Le jour du scrutin, la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’est scindée en 12 équipes qui ont observé les élections à Tirana et dans les environs, ainsi que dans les régions et communes suivantes: Kruje, Durres, Fier, Shkodra, Kavaja, Elbasan, Vorë et Gjirokastra.
6. La commission ad hoc de l’Assemblée a conclu que les candidats ont pu mener leur campagne librement et les droits fondamentaux comme la liberté de réunion et la liberté d’expression ont été respectés. La politisation persistante des organes et institutions électoraux ainsi que les nombreuses allégations d’achats de voix et de pressions sur les électeurs ont affecté la confiance des électeurs dans le processus électoral. Le chef de la délégation de l’Assemblée a également salué l’accord conclu entre les chefs des deux principaux partis politiques qui a rendu possible ce scrutin en soulignant qu’il était temps que l’Albanie progresse vers une démocratie authentique respectueuse des règles de l’État de droit. Le communiqué de presse de la MIOE se trouve à l’annexe 5.
7. La commission ad hoc de l’Assemblée tient à remercier le Parlement albanais et le Bureau du Conseil de l’Europe à Tirana pour le soutien apporté à la délégation, ainsi que les chefs et membres des délégations parlementaires de l’OSCE-AP, du Parlement européen et de la mission d’observation de l’OSCE/BIDDH, pour leur excellente coopération.

2. Contexte politique

8. Les élections législatives du 25 juin ont été les dixièmes élections observées par l’Assemblée parlementaire en Albanie depuis 1991. Lors des précédentes élections, les principaux problèmes relevés par les observateurs de l’Assemblée étaient, entre autres: l’inexactitude des listes électorales, des erreurs dans le dépouillement des bulletins et la saisie des résultats, des abus de ressources administratives, des carences dans la formation des membres des commissions électorales, des allégations d’achat de votes et de pressions exercées sur les employés du service public.
9. Cependant, la principale difficulté dénoncée de manière récurrente lors des précédentes élections a été l’extrême polarisation du climat politique et la politisation des institutions d’État 
			(1) 
			Voir également la Résolution 2018 (2014) de l’Assemblée parlementaire ainsi que la note
d’information des corapporteurs de la commission de suivi sur leur
visite du 27 février au 1er mars 2017., à tous les niveaux de l’administration électorale; s’ajoutent à cela une défiance de longue date entre les principaux partis et leaders politiques qui s’invectivent et s’accusent régulièrement. Ces tensions politiques ont plusieurs fois entraîné des manifestations importantes 
			(2) 
			Manifestation
du 30 avril 2010 du Parti socialiste (alors dans l’opposition; manifestation
du 21 janvier 2011 du Parti socialiste qui a dégénéré lorsque plusieurs
manifestants ont tenté de forcer les barricades érigées par la police
devant les bureaux du Premier ministre: 4 manifestants sont décédés;
manifestation du 13 mai 2017 organisée par le Parti démocratique. et le boycott du parlement par le parti alors minoritaire. Cette situation, qui perdure depuis de nombreuses années, entrave les travaux du parlement dans le processus de réformes indispensables pour l’indépendance de la justice, la lutte contre la corruption et le crime organisé, ainsi que la réforme électorale qui est actuellement au point mort. La délégation de l’Assemblée a constaté que cette question a une fois encore constitué le problème majeur de ces élections en impactant l’ensemble du processus électoral.
10. Depuis l’effondrement en 1991 du régime communiste la vie politique en Albanie est dominée par deux partis politiques: le Parti démocratique (PD) et le Parti socialiste (PS). Une troisième force politique a vu le jour en 2004: le Mouvement socialiste pour l’intégration (MSI) fondé par des dissidents du PS et dirigé depuis sa création par M. Ilir Meta qui a été élu Président de la République le 28 avril 2017.
11. Malgré l’hostilité et l’animosité bien ancrées, le gouvernement et l’opposition sont parvenus à faire adopter par le parlement la loi de décriminalisation en décembre 2015, et se sont entendus sur les principes de la réforme judiciaire en faisant adopter à l’unanimité des amendements constitutionnels le 21 juillet 2016, donnant ainsi au parlement la possibilité d’engager une réforme globale.
12. En janvier 2017, le PD et 22 partis d’opposition ont déclaré que ces élections ne pourraient être démocratiques que si plusieurs conditions étaient remplies: la mise en place d’un gouvernement technique jusqu’aux élections; l’identification biométrique des électeurs ainsi que le vote et le comptage électronique; la «décriminalisation» du processus électoral; la réduction des coûts liés à la campagne et le renforcement des sanctions pour les infractions liées aux élections; l’interdiction d’utilisation des ressources administratives; et l’équité de la couverture médiatique.
13. Dès le mois de février 2017, les partis de l’opposition ont organisé plusieurs manifestations. Le PD a boycotté le parlement et a déclaré qu’il boycotterait également les élections législatives, prévues initialement pour le 18 juin, si ses demandes n’étaient pas satisfaites, en exigeant également la démission du Premier ministre. Cette impasse a mis les discussions sur la réforme électorale au point mort et a sérieusement compromis la tenue des élections d’autant que l’opposition n’a enregistré aucun candidat auprès de la CEC avant la date limite du 9 avril 2017 prévue par la loi.
14. Au cours des mois d’avril et mai, une intense médiation internationale a encore eu lieu. L’Union européenne et les Etats-Unis ont tenté de mettre fin au blocage politique. Le 18 mai, un accord politique a été conclu entre les leaders des deux principaux partis politiques, le PD et PS, qui a surpris beaucoup d’observateurs.
15. L’accord du 18 mai a établi les conditions suivantes:
  • la mise en place d’un gouvernement technique avec sept postes ministériels pour l’opposition;
  • la nomination de membres de l’opposition à la tête de cinq importantes agences d’état ainsi que la présidence de la Commission électorale centrale et le Médiateur contrairement à la loi qui stipule que ces deux derniers doivent être nommés par le parlement sur la base de candidatures;
  • le report de la date des élections au 25 juin et la modification de la date limite pour le dépôt des candidatures auprès de la CEC au 26 mai 2017 
			(3) 
			La
date prévue par la loi était le 9 avril 2017. pour les partis, mais non pas pour les coalitions électorales qui ne pouvaient donc plus s’enregistrer;
  • des modifications au Code pénal dans le but de renforcer les sanctions liées aux infractions électorales, ainsi qu’à la loi sur les partis politiques afin de limiter les dépenses de campagne;
  • la poursuite de la réforme judiciaire et électorale.
16. La délégation préélectorale de l’Assemblée s’est félicitée de l’accord politique conclu le 18 mai entre les chefs des deux grands partis politiques albanais, permettant la tenue des élections législatives avec la participation des principaux partis d’opposition, ce qui permettrait aux électeurs d’avoir le choix entre un nombre significatif de candidats. Dans le même temps, la délégation préélectorale a noté avec préoccupation que la mise en œuvre de l’accord se heurtait à des problèmes liés à l’indépendance des institutions et au processus électoral dans son ensemble. Ses interlocuteurs ont exprimé des observations critiques sur les procédures suivies par le parlement et la Commission électorale centrale (CEC) à savoir la désignation du nouveau président de la CEC, le médiateur et l’enregistrement tardif de certains partis politiques.

3. Cadre juridique et système électoral

17. Le Parlement albanais compte 140 membres qui sont élus pour un mandat de quatre ans. L’élection des membres du parlement se fait selon un système de listes bloquées, au scrutin proportionnel, dans les 12 circonscriptions plurinominales qui correspondent aux 12 régions administratives du pays. Seuls les partis enregistrés dans leurs circonscriptions respectives qui ont obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés, ainsi que les coalitions qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, peuvent se voir attribuer des sièges. Une coalition est constituée de partis politiques enregistrés auprès de la CEC. La répartition des sièges entre les coalitions et les partis qui concourent séparément suit la méthode de la plus forte moyenne (méthode D’Hondt) 
			(4) 
			Article 162 du Code
électoral.. Dans un second temps, les sièges sont attribués à chaque parti au sein de chaque coalition en utilisant la méthode de Sainte-Lagüe. 
			(5) 
			Article
163 du Code électoral.
18. Les élections législatives sont principalement régies par le Code électoral, adopté en décembre 2008 et modifié en juillet 2012 et avril 2015; et la Constitution de 1998. Parmi les autres textes applicables figurent les instructions et décisions de la CEC, les articles pertinents du Code pénal et les lois suivantes: Loi sur les partis politiques (2000), Loi sur les manifestations (2001), Loi sur l’égalité des genres dans la société (2008), Loi sur les médias audiovisuels (2013) et la Loi sur la décriminalisation (2015).
19. Selon l’Avis conjoint de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe et de l’OSCE/BIDDH sur la législation électorale 
			(6) 
			CDL(2011)042., ce Code électoral offre une solide base technique pour l’organisation d’élections démocratiques, à condition d’être appliqué convenablement, dans son intégralité, et avec la volonté politique de respecter la lettre et l’esprit de la loi.
20. Le Code électoral a été rédigé par une commission bipartite et confère aux deux principaux partis politiques (actuellement le PD et le PS) d’importantes responsabilités à toutes les étapes du processus électoral, y compris pour l’administration des élections. Comme l’indique l’Avis conjoint, ce choix a conduit à la rédaction d’un Code «excessivement détaillé et comprend de nombreux freins et contrepoids pouvant rendre difficile l’administration des élections et pousser les représentants des deux principaux partis à faire éventuellement de l’obstruction» 
			(7) 
			Ibid., paragraphe 9..
21. Le Code électoral a été profondément amendé en juillet 2012 en tenant compte de nombreuses recommandations de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH formulées dans l’Avis conjoint. Les amendements concernaient la modification de la procédure de sélection de l’administration électorale, y compris du président de la CEC, la révision de la procédure de constitution des listes électorales, la simplification des dispositions applicables à l’inscription des candidats et l’alourdissement des sanctions infligées en cas d’infraction en matière électorale.
22. En février 2016, suite aux élections locales de 2015, le parlement a créé une commission ad hoc coprésidée par un représentant de la majorité (PS) et un représentant du principal parti d’opposition (PD), ayant pour but de proposer des amendements au Code électoral afin de mettre en œuvre les recommandations de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH restées en suspens et d’éliminer les dysfonctionnements du système électoral. Malgré un mandat technique, le travail de cette commission a souvent été entravé et bloqué pour être finalement boycotté par le PD. Ce processus de réforme électorale est aujourd’hui toujours au point mort.
23. Suite à l’accord du 18 mai, le parlement a adopté le 22 mai les amendements à la loi sur les partis politiques, au Code pénal et à la loi concernant les médias audiovisuels. La plupart des interlocuteurs de la délégation de l’Assemblée ont salué ces amendements dont certains répondaient aux recommandations antérieures du Conseil de l’Europe, en particulier s’agissant de la transparence et de la responsabilisation du financement des campagnes électorales, ainsi que des mesures visant à lutter contre la corruption et les pressions exercées sur les employés de la fonction publique.
24. Néanmoins, certaines recommandations essentielles de la Commission de Venise n’ont pas été prises en compte, notamment:
  • la dépolitisation de l’administration électorale à tous les niveaux afin de renforcer son indépendance et son impartialité;
  • le renforcement des droits des candidats indépendants;
  • le renforcement du quota par sexe 
			(8) 
			Un quota par sexe s’applique
à chaque liste qui requiert au moins un homme et une femme parmi
les trois premiers noms et au moins 30 % d’hommes ou de femmes dans
l’ensemble de la liste. En cas de non-respect de ces dispositions, la
CEC ne peut qu’imposer des amendes (article175 du Code électoral),
mais ne peut invalider la liste. ;
  • le renforcement de la transparence du financement des campagnes électorales;
  • la clarification des responsabilités et les procédures pour le règlement effectif des contentieux électoraux.
25. La délégation de l’Assemblée tient à souligner qu’un tel accord, et les changements législatifs qui s’en sont suivis à peine un peu plus d’un mois avant la tenue du scrutin, sont contraires aux recommandations de la Commission de Venise 
			(9) 
			CDL(2002)023rev:
Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de
Venise, qui recommande qu’aucun changement important ne soit effectué
moins d’un an avant une échéance électorale.. De plus, le Code électoral n’ayant pas été amendé, les amendements aux lois précitées ont créé des incohérences dans le cadre juridique. La majorité des interlocuteurs de la délégation de l’Assemblée ont dénoncé cette primauté des intérêts des deux principaux partis politiques, à savoir le PS et le PD, sur le respect des principes de l’État de droit qui doit prévaloir en démocratie.

4. Administration électorale

26. Les élections sont administrées par un système à trois niveaux composé par la Commission électorale centrale (CEC), 90 commissions de zones d’administration électorale (CZAE) et 5 362 commissions de bureaux de vote (CBV). Chacune de ces commissions est composée de sept membres nommés par les partis politiques de la majorité et de l’opposition.
27. En Albanie, le dépouillement des bulletins de vote ne s’effectue pas dans les bureaux de vote, mais dans 90 centres de dépouillement des votes (CDV) correspondant aux 90 zones d’administration électorale. Cette particularité est une des conséquences du manque de confiance généralisé entre les différents acteurs y compris au sein d’une même famille politique.
28. La CEC est une institution permanente en charge de l’administration des élections et referenda. Elle est composée de sept membres comme suit: deux membres sont proposés par le parti majoritaire au parlement, deux par le principal parti d’opposition au parlement, deux autres membres sont nommés par les deux partis suivants de la majorité et de l’opposition. Le septième membre, à savoir le ou la Présidente de la CEC, est nommé par le parlement. La commission actuelle compte deux femmes sur les sept membres qui la composent.
29. Selon les termes de l’accord du 18 mai, la présidence de la CEC devait revenir à un membre de l’opposition. En application de cet accord le président de la CEC a été démise de ses fonctions 35 jours avant le scrutin, au profit d’un autre membre issu de l’opposition. Cette décision était contraire aux dispositions légales définies dans le Code électoral 
			(10) 
			Article
15 du Code électoral. . L’ancien président est devenu vice-président de la CEC.
30. Les 90 CZAE sont chacune composées de sept membres 
			(11) 
			Article 29 du Code
électoral – A noter qu’au moins 30 % des membres nommés par le plus
grand parti de la majorité et par celui de l’opposition au sein
des CZAE doivent être du sexe sous-représenté.: deux sont nommés par le PS, deux par le PD, le MSI et le Parti républicain (PR) ayant chacun un représentant. Le septième membre est nommé par le plus grand parti de la majorité (le PS) pour 45 des 90 CZAE et par le plus grand parti d’opposition (le PD) pour l’autre moitié. Suite à sa décision de boycotter les élections, l’opposition n’a pas désigné ses représentants dans les délais prévus. La CEC a donc pris la décision de faire appel aux citoyens répondant aux critères d’éligibilité pour remplir les sièges laissés vacants par l’opposition. Le 3 avril, les CZAE ont été formés par la CEC sans qu’il y ait des représentants de l’opposition. Le 31 mai, la CEC a dû démettre de leurs fonctions de nombreux membres qu’elle avait préalablement désignés au sein des CZAE, pour les remplacer par des représentants de l’opposition.
31. Les CBV sont également composées de sept membres qui doivent être nommés 20 jours avant la date du scrutin selon la même formule que les CZAE 
			(12) 
			Article
36 du Code électoral.. Une CBV, qui compte entre 200 et 1 000 électeurs inscrits, est chargé d’organiser le scrutin ainsi que d’emballer et de transporter les bulletins et autre matériel électoral jusqu’à l’un des 90 CDV auquel le bureau est rattaché.
32. Les équipes de dépouillement qui opèrent au sein des 90 CDV doivent être établis par les 90 CZAE dix jours avant le scrutin. La nomination des quatre membres qui la composent se fait sur une base politique 
			(13) 
			Articles
95 et 96 du Code électoral..
33. Suite à l’accord du 18 mai et aux amendements adoptés par le parlement, la CEC s’est retrouvée dans une situation particulièrement compliquée sur les plans juridique, financier, administratif et institutionnel, à commencer par le remplacement de son Président. Malgré cette situation exceptionnelle, la CEC a pu s’acquitter de ces principales tâches et a réussi à prendre toutes les décisions nécessaires dans les délais 
			(14) 
			Lors
de notre rencontre, le 24 juin, le Président de la CEC a avancé
le chiffre de 427 décisions prises par la CEC dont 75 concernaient
les élections locales à Kavaja qui se tenaient le même jour. . Elle a opéré de manière transparente, avec des séances publiques en présence d’observateurs, de représentants des médias et des partis, et a régulièrement diffusé les informations nécessaires. Par contre, elle n’a pas pris toutes les mesures pour clarifier les incohérences engendrées par des amendements adoptés par le parlement le 22 mai. Ainsi, certaines de ces décisions manquaient de bases légales ou de cohérence.
34. L’importance des équipes de dépouillement qui opèrent au sein des 90 CDV a été soulignée par la quasi-totalité des interlocuteurs. Le dépouillement des voix dans des centres dédiés est une particularité de l’Albanie. Le Président de la CEC a expliqué à la délégation que, par le passé, le dépouillement s’effectuait directement dans les bureaux de vote. Mais par crainte de manipulations, des pressions qui pourraient être exercées sur les membres des commissions, et d’un manque de confiance entre les différents partis, il a été décidé que le dépouillement se ferait ainsi, même si cela conduit à des retards et des délais dans la publication des résultats 
			(15) 
			En Albanie, les résultats
des élections ont souvent été serrés. Par exemple, lors des élections
locales de 2011, seulement 81 voix séparaient MM. Basha et Rama
(124 786 contre 124 705) pour la mairie de Tirana.. Les représentants des plus petits partis ont fait part de leurs grandes inquiétudes s’agissant du dépouillement étant donné qu’ils ne disposaient pas de représentants au sein des équipes de dépouillement.
35. L’établissement et la formation des CBV et des équipes de dépouillement ont été problématiques. Tout d’abord, la CEC a été confrontée à certains amendements adoptés le 22 mai qui visaient à prévenir les risques d’abus de ressources administratives tant sur le plan logistique que des ressources humaines en introduisant des sanctions sévères aux employés de la fonction publique qui pourraient être impliqués dans la campagne. En effet, un grand nombre des quelques 37 000 personnes désignées pour former ces commissions et équipes de dépouillement étaient des agents de la fonction publique qui ont fait part de leurs inquiétudes suite aux instructions publiées par leurs ministres de tutelles du fait de ces amendements. Pour les rassurer sur ce point, la CEC a publié, le 27 mai, un communiqué de presse qui s’est révélé insuffisant. Le 10 juin, la CEC a demandé aux institutions publiques de libérer les fonctionnaires concernés afin qu’ils puissent former les commissions et commencer leurs formations sans tarder.
36. Parallèlement, les partis politiques ont tardé à désigner leurs représentants au sein des différentes commissions électorales. Aucune des 90 CZAE n’a été en mesure d’établir la totalité des CBV et des équipes de dépouillement dans les délais légaux. Le 23 juin, 720 CBV devaient encore être établies. Le Président de la CEC, lors de la rencontre avec la délégation la veille du scrutin, s’est plaint que la CEC a été placée dans des situations compliquées par les partis politiques qui abusaient de leur droit s’agissant des nominations des membres des commissions. A cela se sont ajoutés de très nombreux remplacements de membres des commissions, effectués majoritairement à la demande des partis qui les avaient nommés 
			(16) 
			Au 24 juin, 118 des
720 membres et secrétaires des CZAE avaient été remplacés. Ceci
va à l’encontre du Code de bonne conduite en matière électorale
de la Commission de Venise. 
			(16) 
			Concernant les CBV, les
retards sont notamment dus au fait que le Code électoral ne permet
pas, contrairement aux CZAE, le remplacement des membres déjà nommés. .
37. Selon certains interlocuteurs de la délégation, la raison principale pour ces retards dans la désignation des membres des commissions et des équipes de dépouillement ainsi que pour le remplacement de membres déjà nommés était la crainte de possible corruption de ses membres par les partis adverses. Ceci démontre une fois de plus le manque de confiance extrême, jusque dans ses propres rangs, des partis politiques et la faiblesse d’une administration électorale fortement polarisée et politisée.

5. Listes électorales et inscription des candidats

38. L’inscription sur les listes électorales est passive et se fait à partir du registre national d’état civil du ministère de l’intérieur pour tout citoyen albanais de 18 ans révolus le jour de l’élection. Selon la CEC, au 24 juin il y avait un total de 3 452 260 électeurs inscrits. Ce chiffre peut paraître surprenant au regard des chiffres de recensement de la population publiés sur le site de l’Institut albanais des statistiques pour 2017 (2 876 591 habitants, auxquels il faudrait soustraire les personnes de moins de 18 ans) 
			(17) 
			<a href='http://www.instat.gov.al/en/themes/population.aspx'>www.instat.gov.al/en/themes/population.aspx.</a>. Cette différence peut s’expliquer par le fait que de nombreux albanais qui ont quitté le pays sont toujours inscrits sur les listes. Ceci relativise aussi le taux de participation de 46,77 % qui pourrait de ce fait être beaucoup plus élevé en réalité.
39. Les électeurs sont inscrits sur la liste du bureau de vote selon leur lieu de résidence. Ils ne peuvent voter qu’en personne. Il n’existe pas de dispositions pour voter à l’étranger, par courrier ou à l’aide d’urnes mobiles pour les personnes malades ou à mobilité réduite.
40. Les électeurs âgés de 100 ans et plus ont été systématiquement retirés des listes électorales, ce qui n’est pas conforme aux standards internationaux 
			(18) 
			Article
26 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques.. Cela concernait 1 480 électeurs qui avaient la possibilité de demander leur réinscription au moment de la publication des listes. Suite au report des élections, les listes qui avaient été imprimées et publiées devant les bureaux de votes ont dû être remplacées par de nouvelles listes qui ont été publiées tardivement, voire pas du tout. Ces délais ont limité les possibilités de contrôle et de modifications par les électeurs.
41. Tout citoyen âgé de 18 ans peut se présenter aux élections à l’exception de ceux concernés par la loi dite de «décriminalisation» et ceux dont les fonctions sont incompatibles 
			(19) 
			Article 45 de la Constitution. La CEC a enregistré 15 partis politiques dans les délais légaux. Suite à l’accord politique du 18 mai, trois autres partis politiques ont été enregistrés (le PD, le RP et le Parti albanais d’union chrétien-démocrate). Alors que l’accord prévoyait de reporter le délai pour l’enregistrement au 26 mai 2017, la CEC a décidé, le 29 mai, de donner au PD jusqu’au matin du 30 mai pour lui faire parvenir la liste complète de leurs candidats. La CEC a immédiatement approuvé la liste des candidats soumise par le PD, alors que dans le même temps elle rejetait, le 26 mai, la candidature d’un candidat indépendant (soumise le 25 mai) au motif que celle-ci lui était parvenue après le délai prévu par le Code électoral. Cette application sélective et non systématique de la loi, fondée sur des accords politiques plutôt que sur le droit, a entaché le processus d’enregistrement des candidats. Au total, 18 partis et 2 666 candidats ont été enregistrés par la CEC (contre 66 partis et 7 149 candidats en 2013). La CEC a immédiatement procédé au tirage au sort de l’ordre d’apparition des partis sur le bulletin et a approuvé les résultats.
42. Un quota par sexe s’applique à chaque liste de candidats qui requiert au moins un homme et une femme parmi les trois premiers noms et au moins 30 % d’hommes ou de femmes dans l’ensemble de la liste. Malgré d’importants progrès réalisés dans ce domaine, la participation et la représentation des femmes dans la vie politique restent limitées 
			(20) 
			Les
femmes occupaient 32 des 140 sièges du parlement sortant (soit 23 %,
plaçant l’Albanie à la 78ème place sur 193 pays),
neuf des 21 postes ministériels et seulement neuf postes de maires
sur 61. . Bien que les femmes représentent 40 % des candidats (38,5 % en 2013), tous les leaders des partis politiques enregistrés dans ces élections ont été des hommes. De plus, les grands partis n’ont pas toujours respecté le quota par sexe.
43. La CEC a imposé une sanction financière s’élevant à 1 million de leke (environ € 7 400) à chacune des listes du MSI (district de Tirana) et du PS (district de Berat) pour ne pas avoir respecté ces quotas. Par contre, elle n’a pas sanctionné le PD qui n’a pas respecté ce quota dans la totalité des 12 districts. Par ailleurs, la loi ne prévoit pas de refus d’enregistrement d’une liste si le quota par sexe n’est pas respecté. Les femmes étaient sous-représentées dans l’administration électorale, et notamment aux postes décisionnels (par exemple seulement deux femmes sur les sept membres qui composent la CEC).
44. La Constitution albanaise garantit tous les droits civils, sociaux et politiques aux minorités, et le Code électoral leur permet de prendre pleine part aux élections comme électeurs et comme candidats, y compris dans leur langue maternelle.
45. Si l’accord politique a repoussé la date limite de l’enregistrement des listes des candidats pour les partis politiques, il n’en est pas de même pour les coalitions électorales. Les représentants des petits partis rencontrés ont vivement critiqué cette approche partiale sélective basée principalement, selon eux, sur les intérêts des grands partis au détriment des petits partis.

6. Campagne électorale, financements et médias

46. Suite à l’accord politique du 18 mai, la campagne électorale a officiellement débuté le 26 mai. Les amendements adoptés concernant la loi sur les partis politiques ont été dans l’ensemble bien accueillis par la majorité des interlocuteurs de la délégation, étant donné qu’ils ont permis une réduction importante des dépenses de campagne. La clause interdisant l’affichage de posters électoraux à plus de 5 mètres d’un siège de campagne a grandement limité l’usage habituellement massif de grands posters, drapeaux et autres matériels de propagande. La campagne a été dynamique dans tout le pays et les libertés fondamentales de droit de réunion et d’expression ont été respectées.
47. Au cours de la campagne, les partis politiques ont très peu abordé leurs programmes sur les thématiques telles que l’économie, l’emploi, la lutte contre la criminalité, les questions de sécurité, l’éducation, les questions sociales ou l’adhésion à l’Union européenne qui auraient permis aux électeurs de comparer les programmes afin de faire un choix éclairé le jour du scrutin. Les principaux partis se contentaient de déclarations très générales, promettaient de meilleures conditions de vie et une intensification de la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée. A contrario, les partis politiques ont largement mentionné les questions d’achat de vote, de pressions exercées sur les électeurs et notamment sur les employés de la fonction publique, ainsi que l’abus de ressources administratives, qui ont encore plus diminué la confiance des électeurs.
48. Ces accusations mutuelles, souvent ad hominem, ont été régulièrement alimentées par les leaders des principaux partis qui ont également fait part de leurs inquiétudes quant à l’implication de réseaux criminels, notamment ceux liés au trafic de drogue, dans le processus électoral et le rôle qu’ils pourraient jouer après les élections 
			(21) 
			Voir également la note
d’information des corapporteurs de la commission de suivi: <a href='https://pace.coe.int/documents/19887/3136217/AS-MON-2017-07-FR.pdf/cd3d1f2a-9054-4f98-ac63-351a4267a533'>https://pace.coe.int/documents/19887/3136217/AS-MON-2017-07-FR.pdf.</a>.
49. Une task force destinée à contrôler et prévenir les risques d’abus de ressources administratives a été mise en place le 2 juin. Elle était dirigée par le vice-Premier ministre et composée de quatre ministres techniques de l’opposition ainsi que quatre ministres du PS. Dans ce cadre, plusieurs agences gouvernementales, principalement dirigées par l’opposition suite à l’accord politique, ont suspendu ou démis plusieurs fonctionnaires de leurs fonctions. Dans certains cas, ces procédures sembleraient moins en rapport avec les élections que motivées politiquement.
50. La couverture médiatique des élections est réglementée par le Code électoral et le Code de radio et télédiffusion, y compris pour le temps d’antenne gratuit et les publicités payantes. Pendant la campagne électorale, la radio et la télévision publique ont fourni aux partis politiques enregistrés pour les élections du temps d’antenne gratuit avec la diffusion de spots entièrement préparés et soumis par les partis, tout en interdisant aux partis de payer pour la diffusion de spots électoraux.
51. Le 25 mai, 10 chaînes de télévision ont officiellement écrit à la CEC pour rejeter les amendements de la Loi sur les partis politiques, ainsi que ceux visant à obliger les médias à diffuser les spots préparés. Ils ont mis en avant les incohérences entre les amendements et le Code électoral en estimant que le Code électoral, en tant que loi organique, adoptée avec une majorité qualifiée, prévalait sur les amendements. La CEC n’a pas pris de mesures pour clarifier le cadre juridique et plusieurs télévisions privées ont diffusé des spots payants pour cinq partis politiques.
52. L’environnement médiatique en Albanie est très dynamique et largement saturé avec plus de 100 chaînes de télévision hertziennes pour un pays d’environ 3 millions d’habitants, auxquels s’ajoutent une large variété de journaux et magazines. Certains interlocuteurs ont indiqué que si les médias étaient libres en Albanie, il n’en était pas de même avec les journalistes et les rédacteurs en chef dont les lignes éditoriales seraient largement influencées en fonction des intérêts économiques et politiques des propriétaires de ces médias. Ainsi, si les médias ont offert aux électeurs une bonne couverture de la campagne et ont présenté un éventail des visions politiques, les analyses proposées étaient toutefois limitées. Les candidats avaient la possibilité de participer à des débats, pourtant aucun débat n’a été organisé entre les chefs des principaux partis politiques.
53. Le Conseil de surveillance des médias a supervisé les médias et envoyé ses rapports hebdomadaires à la CEC, dans certains cas avec des recommandations de sanctions. La CEC a demandé à 27 diffuseurs de remédier, dans les 48 heures, au déséquilibre de couverture médiatique constaté. Les médias se sont largement conformés à ces demandes.
54. Tous les partis qui participent aux élections sont éligibles au financement public de la campagne: 95 % des fonds sont distribués aux partis politiques enregistrés comme sujets électoraux, qui ont obtenu au moins 0,5 % des votes valables lors des élections précédentes, proportionnellement au nombre de votes valables obtenus. Les 5 % des fonds restants sont distribués aux partis politiques enregistrés comme sujets électoraux qui ont obtenu moins de 0,5 % des voix et aux partis qui n’ont pas participé aux précédentes élections. Le budget total alloué au financement de la campagne était de 65 millions de leke qui ont été distribués par la CEC aux différents partis le 31 mai.
55. Les candidats pouvaient aussi recevoir des dons de personnes physiques ou morales, emprunter de l’argent ou utiliser leurs propres fonds 
			(22) 
			Article
87/1 du Code électoral.. Cependant, le montant que chaque personne pouvait donner à un sujet électoral ne pouvait pas dépasser un million de leke (environ € 7 400) ou une valeur équivalente en nature ou en services. Les dépenses totales réalisées par un parti politique pour une campagne électorale, y compris ses candidats, ne doivent pas dépasser 10 fois la somme la plus importante qu’un sujet électoral a reçu en fonds publics.
56. Contrairement au Code électoral, les amendements du 22 mai à la loi sur les partis politiques autorisaient la CEC à déterminer un plafond des dépenses pour chaque campagne, ce qui n’a pas été fait par la CEC. Par contre, conformément aux amendements, la CEC a désigné des experts financiers chargés de superviser les dépenses de campagne de chaque parti.
57. Le Code électoral permet aux sujets électoraux de faire appel des décisions de la CEC devant le collège électoral de la Cour d’appel de Tirana; les décisions de la CZAE ne peuvent être contestées auprès de la CEC que par les partis, coalitions et les candidats indépendants qui se présentent aux élections. Le collège électoral est composé de huit juges issus de tribunaux d’appel choisis par tirage au sort réalisé par le Conseil supérieur de la justice. Néanmoins, les maigres possibilités de contester les décisions de la CEC peuvent priver de recours les parties concernées. Peu de réclamations ont été déposées avant les élections, les partis ayant indiqué qu’ils préféraient faire état de leur réclamation publiquement et dans les médias plutôt que de déposer des réclamations qui ont peu de chance d’aboutir.

7. Scrutin et dépouillement

58. Le jour du scrutin s’est généralement bien déroulé sans aucun incident sérieux, malgré quelques cas isolés de violences. L’atmosphère d’accusations mutuelles d’achat de votes et de pressions sur les électeurs a perduré tout au long du jour du scrutin avec des incidents rapportés et amplifiés par les médias. Des tensions ou de l’agitation ont été observées dans 4 % des centres. Les bureaux de vote étaient ouverts de 7h à 19h, mais dix minutes avant la fermeture des bureaux de vote, la CEC a décidé de reporter la fermeture à 20h, espérant ainsi augmenter une participation relativement faible. Cette mesure n’a pas été très utile d’autant que certains bureaux de vote ont reçu l’information alors qu’ils avaient déjà fermé leurs portes et que très peu d’électeurs ont été vus dans les bureaux de vote restés ouverts.
59. Les observateurs de l’Assemblée parlementaire, déployés à travers l’ensemble du territoire, ont pu observer l’ouverture des bureaux de vote, le scrutin, la fermeture et le transport des urnes aux centres de dépouillement des votes ainsi qu’une partie du dépouillement. Ils ont majoritairement été bien accueillis par les membres des commissions électorales qui se sont montrés coopératifs et leur ont permis de suivre l’ensemble du processus sans restrictions.
60. Selon les statistiques de l’OSCE/BIDDH, l’ouverture a été évaluée positivement dans 84 % des bureaux de vote visités; le scrutin a été évalué positivement dans 93% des bureaux de vote visités; les irrégularités suivantes ont été observées tout au long de la journée:
  • des cas de non-respect des procédures du scrutin, notamment s’agissant de la vérification de traces d’encre sur un des doigts des électeurs entrant dans les bureaux de vote;
  • des tentatives d’influencer les électeurs pour voter pour un parti donné dans 5 % des cas, ainsi que l’ingérence dans le processus par des personnes non autorisées;
  • une présence nombreuse de groupes d’activistes devant les centres de vote (parfois dans les halls), qui semblaient souvent indiquer aux électeurs pour qui ils devraient voter;
  • de nombreux bureaux de vote n’étaient pas accessibles aux personnes à mobilité réduite, ceci étant d’autant plus problématique qu’il n’existe pas de disposition pour permettre aux électeurs concernés de voter à domicile à l’aide d’une urne mobile;
  • dans certains cas, la taille des locaux et leur disposition ne garantissait pas le secret du vote;
  • les procédures de fermeture des bureaux n’ont pas toujours été correctement suivies;
  • dans certains cas le dépouillement a pris du retard et n’a pas toujours commencé tout de suite après la réception de l’ensemble des urnes et du matériel.
61. Le 26 juillet 2017, la Commission électorale centrale a approuvé à l’unanimité les résultats définitifs des élections dont le taux de participation s’est élevé à 46,77 %. La répartition des 140 sièges se détaille comme suit: Parti socialiste (PS): 74 sièges (48,34 %); Parti démocrate (PD): 43 sièges (28,85 %); Mouvement socialiste pour l’intégration (MSI): 19 sièges (14,34 %); Parti pour la justice, l’intégration et l’unité (PJIU): 3 sièges (4,81 %); Parti social-démocrate (PSD): 1 siège (0,95 %). Le nombre de votes valides a été de 1 580 778, avec 32 309 votes nuls (environ 2 %).

8. Conclusions et recommandations

62. La délégation de l’Assemblée parlementaire a conclu que, lors des élections législatives du 25 juin 2017 en Albanie, les candidats ont pu mener leur campagne librement, et que les droits fondamentaux comme la liberté de réunion et la liberté d’expression ont été respectés. Le jour du scrutin s’est généralement bien déroulé sans aucun incident sérieux, malgré quelques cas isolés de violences.
63. La campagne électorale a été marquée par un climat de défiance extrême entre les principaux partis politiques qui entame profondément la confiance des électeurs dans le processus électoral. Elle a été influencée par la crise politique qui a débuté dès la fin de l’année 2016, suivie du boycott du parlement par l’opposition et ses menaces de boycott des élections. La délégation de l’Assemblée parlementaire considère que les principaux responsables politiques du pays devraient privilégier la culture du dialogue et des compromis au lieu des confrontations. A cet égard elle s’est félicitée de l’accord politique conclu le 18 mai entre les chefs des deux grands partis politiques, permettant la tenue d’élections législatives avec la participation des principaux partis d’opposition, ce qui a offert aux électeurs albanais le choix entre un nombre significatif de candidats de différentes sensibilités politiques.
64. Concernant le cadre juridique électoral, selon la Commission de Venise, il offre une base solide pour l’organisation d’élections démocratiques à condition d’être appliqué convenablement, dans son intégralité, et avec la volonté politique de respecter la lettre et l’esprit de la loi. Toutefois, la délégation de l’Assemblée parlementaire a souligné que l’amélioration significative du déroulement des élections démocratiques en Albanie ne peut reposer uniquement sur la législation électorale, mais surtout sur son application et sur le changement d’attitude et des pratiques des principaux responsables politiques. Malgré plusieurs amendements, de nombreuses recommandations de la Commission de Venise n’ont pas encore été prises en compte.
65. La délégation de l’Assemblée parlementaire a été informée par différents interlocuteurs, y compris par les représentants des partis politiques, des problèmes récurrents identifiés lors de la campagne électorale, notamment les questions d’achat de vote, de pressions exercées sur les électeurs, en particulier sur les employés de la fonction publique, ainsi que l’abus de ressources administratives. La délégation de l’Assemblée condamne fermement ce genre de pratiques et invite les autorités compétentes de l’Albanie à prendre toute les mesures nécessaires afin de mettre terme à ces irrégularités et de renforcer la confiance des électeurs dans le processus démocratique.
66. La couverture médiatique des élections a été très dynamique lors de la campagne électorale, les médias ont offert aux électeurs une bonne couverture de la campagne et ont présenté un éventail des visions politiques. Toutefois les analyses proposées étaient limitées, les lignes éditoriales auraient été largement influencées par des intérêts économiques et politiques des propriétaires de ces médias.
67. Le fonctionnement de la Commission électorale centrale a été transparent. Suite à l’accord politique et aux amendements adoptés par le parlement, la CEC a été confrontée à de nombreux défis sur les plans juridique, financier, administratif et institutionnel. Malgré tout, la CEC a pu s’acquitter de ses principales tâches et a réussi à prendre toutes les décisions nécessaires dans les délais. Par contre, elle n’a pas pris toutes les mesures pour clarifier les incohérences engendrées par la nouvelle législation modifiée. Ainsi, certaines de ces décisions manquaient de bases légales ou de cohérence.
68. L’Assemblée parlementaire, dans ses rapports précédents, s’est montrée très critique et vivement préoccupée par la politisation de l’administration électorale. Cette influence extrêmement importante des partis politiques sur une administration électorale qui devrait être institutionnellement indépendante, a été l’un des principaux problèmes relevés lors de ces élections.
69. La délégation de l’Assemblée a observé et identifié un certain nombre d’irrégularités et de lacunes tout au long du processus électoral en Albanie, y compris lors du dépouillement. L’Albanie doit par conséquent améliorer son cadre juridique électoral ainsi que certaines pratiques électorales, en tenant compte des enseignements tirés de ce scrutin, afin de renforcer la confiance des citoyens dans les élections démocratiques. Ce travail devrait être accompli en étroite coopération avec la Commission de Venise et dans le cadre de la procédure de suivi de l’Assemblée parlementaire. L’Assemblée se tient à la disposition du parlement et des autres autorités albanaises concernées pour des actions de coopération dans le domaine électoral.

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

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Sur la base des propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme suit:

Président: Paolo CORSINI, Italie (SOC)

Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)

  • Ionuţ-Marian STROE, Roumanie
  • Attila TILKI, Hongrie

Groupe Socialistes, démocrates et verts (SOC)

  • Paolo CORSINI, Italie*
  • Joseph DEBONO-GRECH, Malte
  • Mirolsav NENUTIL, République tchèque
  • Luis Alberto ORELLANA, Italie
  • Stefan SCHENNACH, Autriche
  • Predrag SEKULIC, Monténégro
  • Idália SERRÃO, Portugal
  • Jan ŠKOBERNE, Slovénie

Groupe des conservateurs européens (CE)

  • Ingebjørg GODSKESEN, Norvège*
  • Serhii KIRAL, Ukraine
  • Jaroslaw OBREMSKI, Pologne

Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)

  • Reina BRUIJN-WEZEMAN, Pays-Bas
  • Fernando MAURA, Espagne
  • Andrea RIGONI, Italie
  • Mart van de VEN, Pays-Bas

Groupe pour la gauche unitaire européenne (GUE)

  • Marco NICOLINI, Saint-Marin*

Corapporteur de la commission de suivi (ex officio)

  • Joseph O’REILLY, Irlande

Commission de Venise

  • Nikolai VULCHANOV, Expert
  • Mesut BEDIRHANOGLU, Administrateur

Secrétariat

  • Bogdan TORCĂTORIU, Administrateur, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
  • Franck DAESCHLER, Assistant administratif principal
  • Anne GODFREY, Assistante

Annexe 2 – Programme de la mission préélectorale (1-2 juin 2017)

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Jeudi 1er juin 2017

10h00-11h00 Réunion de la délégation avec la participation de M. Claus Neukirch, Chef du Bureau du Conseil de l’Europe à Tirana

11h00-12h30 Réunion avec Mme Polyna Lemos, Chef-adjointe de la Mission d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH en Albanie, et les membres de l’équipe de coordination

12h30-13h30 Réunion avec les membres du corps diplomatique à Tirana:

  • Allemagne: Mme Anke Holstein, Chargée d’Affaires
  • Italie: Ambassadeur Alberto Cutillo
  • Mission de l’OSCE en Albanie: Ambassadeur Bernd Borchardt
  • Délégation de l’Union européenne: M. Jan Rudolf, Chef de la section politique, économique et information

14h30-15h30 Réunion avec des représentants de la société civile:

  • Association pour la culture démocratique: Mme Gerta Meta
  • Comité albanais d’Helsinki: Mme Erida Skendaj et M. Andi Muratej
  • Coalition pour des élections justes et équitables: Mme Mirela Arqimandriti

15h30-16h30 Réunion avec des représentants des médias:

  • M. Gert Selenica, Rédacteur en chef, Télévision publique albanaise
  • M. Remzi Lani, Directeur exécutif, Institut albanais des Média
  • M. Blendi Sala, Conseil albanais des Média
  • M. Besart Likmeta, Réseau d’investigation des Balkans (BIRN)

16h45-17h30 Réunion avec M. Gentian Salaj, Chef de l’Autorité des médias audiovisuels (AMA)

Vendredi 2 juin 2017

09h15-10h00 Réunion avec M. Ilir Meta, Président du parlement, avec la participation de la délégation nationale de l’Albanie auprès de l’APCE

10h00-12h30 Réunions successives avec des leaders et représentants des principaux groupes parlementaires:

  • Parti socialiste: M. Eduard Shalsi
  • Parti démocrate: M. Oerd Bylykbashi, M. Aldo Bumci et Mme Jorida Tabaku
  • Mouvement socialiste pour l’intégration: M. Luan Rama et M. Gaetano Doci
  • Parti républicain: M. Fatmir Mediu et M. Arjan Madhi
  • Parti pour la justice, l’intégration et l’unité: Mme Mesila Dode, M. Halil Hyseni et M. Erion Manohasa

14h00-15h30 Réunion avec des leaders et représentants des principaux partis politiques non-représentés au parlement:

  • Défi pour l’Albanie: M. Gjergj Bojaxhi et Mme Besa Xhumari
  • Parti social-démocrate: M. Skender Gjinushi
  • LIBRA: M. Ben Blushi et Mme Mimoza Hafizi

15h30-16h30 Réunion avec M. Klement Zguri, Président de la Commission électorale centrale

16h45-17h45 Réunion de la délégation (préparation de la déclaration)

Annexe 3 – Communiqué de presse de la mission préélectorale

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Visite pré-électorale en Albanie: la délégation de l’APCE se félicite d’un large éventail de candidats pour les élections du 25 juin, mais reste préoccupée par les dysfonctionnements du processus électoral

Strasbourg, 02.06.2017 – Une délégation de l’APCE présidée par Paolo Corsini (Italie, SOC) s’est rendue les 1er et 2 juin en visite pré-électorale en Albanie pour évaluer la campagne électorale et le climat politique avant les élections législatives du 25 juin 2017.

La délégation* s’est félicitée de voir qu’à la suite d’un accord politique conclu le 18 mai entre les chefs des deux grands partis politiques albanais, les élections législatives se tiendront avec la participation des principaux partis d’opposition, ce qui permettra aux électeurs d’avoir le choix entre un nombre significatif de candidats.

Dans le même temps, la délégation a noté avec préoccupation que la mise en œuvre de l’accord se heurte à des problèmes liés à l’indépendance des institutions et au processus électoral dans son ensemble. Ses interlocuteurs ont exprimé des observations critiques sur les procédures suivies par le parlement et la Commission électorale centrale (CEC) à savoir la désignation du nouveau président de la CEC, le médiateur et l’enregistrement tardif de certains partis politiques.

Parmi les autres questions portées à l’attention de la délégation figurent le délai extrêmement court pour la mise en œuvre de la nouvelle réglementation sur le financement de la campagne et le contrôle de celui-ci, ainsi que l’obligation faite aux médias publics et privés de diffuser gratuitement la publicité électorale des partis politiques.

Celle-ci a également constaté que les préoccupations concernant l’usage abusif de ressources publiques, l’achat de voix organisé et les pressions exercées sur les électeurs restaient d’actualité. En outre, beaucoup d’interlocuteurs ont souligné la nécessité d’une mise en œuvre globale et vérifiée de la législation sur la dépénalisation en ce qui concerne les candidats aux élections. Elle a aussi noté que les médias étaient largement considérés en Albanie comme un outil de propagande.

Elle regrette qu’aucune mesure n’ait été prise pour permettre aux Albanais vivant à l’étranger de participer au processus électoral sans devoir rentrer dans leur pays.

La délégation invite l’ensemble des acteurs du processus électoral à œuvrer de bonne foi pour assurer et renforcer l’indépendance de la supervision électorale et des organes de contrôle, le respect des procédures légales et l’égalité de situation de l’ensemble des intervenants tout au long du processus électoral.

Dans le rapport qu’elle avait élaboré à la suite des élections législatives de 2013, l’APCE avait appelé les autorités albanaises à prendre un certain nombre de mesures pour restaurer et pour renforcer la confiance de la population dans le processus électoral. La délégation rappelle à cet égard la nécessité de distinguer clairement les activités des partis politiques et des institutions étatiques, de garantir le fonctionnement impartial et neutre de l’administration électorale à tous les niveaux en garantissant une véritable indépendance institutionnelle, et la recommandation d’évaluer et d’améliorer le cadre électoral. Elle encourage vivement le nouveau Parlement albanais à poursuivre la réforme électorale après les élections dans un esprit constructif et pragmatique afin de la mener à bonne fin bien avant les élections locales de 2019.

La délégation espère que la réforme de la législation sur les élections et les partis politiques se poursuivra et contribuera à combler le fossé entre les milieux politiques et la population albanaise et à renforcer la démocratie interne des partis, la transparence et la régularité de la procédure pour favoriser une société véritablement démocratique.

La délégation était invitée à Tirana par le Président de l’Assemblée nationale albanaise. Elle a rencontré le Président de l’Assemblée nationale, le président de la Commission électorale centrale, des responsables et des représentants des principaux partis politiques représentés ou non au parlement, le chef de l’autorité des médias audiovisuels, des représentants d’ONG et de médias, l’adjoint au chef de la mission d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH, des représentants d’organisations internationales et des membres du corps diplomatique à Tirana.

Une équipe complète d’observateurs de l’APCE se rendra à Tirana pour observer le scrutin du 25 juin.

*Délégation: Paolo Corsini (Italie, SOC), Chef de la délégation, Ingebjørg Godskesen (Norvège, CE), Marco Nicolini (Saint-Marin, GUE).

Annexe 4 – Programme de la Mission internationale d’observation des élections (MIOE) (23-26 juin 2017)

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Vendredi 23 juin 2017

10h00-11h00 Briefing interne de la commission ad hoc:

  • Ouverture par M. Paolo Corsini, Chef de délégation
  • Briefing par les membres de la mission préélectorale
  • Briefing par la Commission de Venise sur les questions juridiques
  • Briefing par le Secrétariat sur les questions opérationnelles

Briefing parlementaire conjoint

11h00-11h30 Remarques d’ouverture:

  • M. Roberto Battelli, Coordinateur spécial, chef des observateurs à court terme de la mission de l’OSCE/BIDDH
  • M. Paolo Corsini, Chef de la délégation de l’APCE
  • Mme Marietta Tidei, Chef de la délégation de l’OSCE-PA
  • M. Eduard Kukan, Chef de la délégation du Parlement européen

11:30-12:15 Briefing par la communauté internationale présente à Tirana:

  • Ambassadeur Bernd Borchardt, Chef de la Mission de l’OSCE en Albanie
  • M. Claus Neukirch, Chef du Bureau du Conseil de l’Europe à Tirana
  • Ambassadeur Romana Vlahutin, Chef de la délégation de l’Union européenne en Albanie

13h15-14h30 Briefing par la Mission de l’OSCE/BIDDH en Albanie – Partie I:

  • Ambassadeur Peter Tejler, Chef de mission
  • Mme Polyna Lemos, Chef de mission adjointe
  • M. Wolfgang Sporrer, Expert politique
  • M. Vasil Vashchanka, Expert juridique
  • M. Kakha Inaishvili, Expert électoral
  • M. Andrea Malnati, Expert médias

15h00-18h00 Réunions avec les représentants des partis politiques:

  • Parti socialiste – Mme Blerina Gjylameti, Secrétaire pour la coordination électorale
  • Parti démocrate – M. Ivi Kaso, Secrétaire électorale et M. Akil Kraja, Directeur exécutif de la fondation DP
  • Mouvement socialiste pour l’intégration – M. Luan Rama, Vice-président
  • Parti républicain – M. Fatmir Mediu, Président
  • Parti LIBRA-Equal List – Mme Mimoza Hafizi, Vice-présidente
  • Parti pour la justice, l’intégration, et l’unité – M. Shpëtim Idrizi, Président
  • Parti social-démocrate – M. Skendër Gjinushi, Président
  • Parti Défi pour l’Albanie (SFIDA) – M. Hektor Ruci, Président
  • Parti de l’Union pour les droits de l’homme – Mme Olijana Ifti, Présidente du Forum des femmes pour les droits de l’homme

Samedi 24 juin 2017

10h00-11h00 Réunion avec des représentants de la société civile/ONG:

  • Institut albanais d’études politiques – M. Afrim Krasniqi, Directeur
  • Coalition des observateurs locaux – Mme Gerta Meta (Association pour la culture démocratique) et M. Panto Gogo (Association Kriik)
  • Coalition pour les élections libres et équitables – Mme Mirela Arqimandriti (Centre pour le développement de l’alliance des genres)

11h00-12h00 Réunion avec des représentants des médias:

  • TV publique albanaise (RTSH) – M. Bledar Zaganjori
  • Conseil des média albanais – M. Blendi Salaj
  • Réseau d’investigation des Balkans (BIRN) – M. Besart Likmeta
  • Union des journalistes – M. Aleksander Çipa

12h00-13h00 Administration électorale:

  • Commission électorale centrale – M. Klement Zguri, Président

13h45-14h45 Briefing par la Mission de l’OSCE/BIDDH en Albanie – Partie II (observation, formulaires et procédures de scrutin):

  • Mme Polyna Lemos, Chef de mission adjointe
  • M. Kakha Inaishvili, Expert élections
  • M. Robert Bystricky, Expert statistiques
  • M. László Belágyi, Expert sécurité

14h45-15h15 Briefing régional par les observateurs à long terme de l’OSCE/BIDDH

15h15 Réunion avec les interprètes et chauffeurs

Dimanche 25 juin 2017

Observation de l’ouverture, du vote, de la fermeture des bureaux et du dépouillement des votes

Lundi 26 juin 2017

08h00 -9h00 Débriefing Interne de la commission ad hoc

14h30 Conférence de presse conjointe

Annexe 5 – Communiqué de presse de la Mission internationale d’observation des élections (MIOE)

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En Albanie, une campagne électorale menée librement et dans le respect des libertés fondamentales, mais la polarisation politique de l’administration électorale a entamé la confiance dans le processus, déclarent les observateurs internationaux

Strasbourg, 26.06.2017 – En Albanie, des élections législatives ont pu être organisées le 25 juin suite à l’accord politique intervenu entre les dirigeants du parti socialiste (PS) et ceux du parti démocratique (PD), qui a permis d’obtenir la participation de l’opposition. Les candidats ont pu mener leur campagne librement et les droits fondamentaux comme la liberté de réunion et la liberté d’expression ont été respectés. La mise en œuvre de l’accord politique par l’administration électorale s’est toutefois avérée laborieuse, ce qui s’est traduit par une application sélective et incohérente de la loi, d’après les conclusions présentées par les observateurs internationaux dans une déclaration publiée aujourd’hui.

La politisation persistante des organes et institutions électoraux ainsi que les nombreuses allégations d’achat de voix et de pressions sur les électeurs ont affecté la confiance du public dans le processus électoral, ajoute la déclaration.

«Sur le plan positif, les élections ont pu se tenir et le gouvernement a promis d’améliorer les éléments du dispositif électoral qui ont naguère engendré tant de méfiance dans le fonctionnement de cet élément essentiel d’un système démocratique», a déclaré Roberto Battelli, Coordinateur spécial et Chef de la mission d’observation de courte durée de l’OSCE. «Dès lors, il est décevant de constater à quel point les dysfonctionnements observés ont perpétué les pratiques du passé – et notamment les pressions sur les électeurs, créant une mauvaise ambiance. J’espère que le nouveau gouvernement s’efforcera d’améliorer cet aspect essentiel des élections libres et équitables.»

«L’accord entre les chefs des deux principaux partis politiques qui a rendu possible ce scrutin mérite d’être salué. Ce même accord a toutefois provoqué des perturbations dans le processus électoral», estime Paolo Corsini (Italie, SOC), chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. «Il est temps que l’Albanie progresse vers une démocratie authentique respectueuse des règles de l’État de droit.»

D’après les observateurs, les élections se sont déroulées dans le contexte d’une longue et profonde division entre le PS, de la coalition au pouvoir et le parti d’opposition PD, mais aussi d’un déficit de confiance du public dans le processus électoral. Heureusement, l’accord politique intervenu le 18 mai entre les dirigeants des deux partis, grâce à la médiation internationale, a mis un terme à trois mois de blocage et permis au PD d’obtenir plusieurs postes-clés dans des ministères.

«J’ai pu constater le vif désir de surmonter une fois pour toutes l’impasse politique qui freine l’Albanie depuis trop longtemps», a affirmé Marietta Tidei, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. «J’espère sincèrement que l’élan donné par l’accord politique sera pleinement mis à profit dans l’intérêt de nos amis albanais, afin de combler leurs ambitions nationales et d’intégration dans l’Union européenne. Nous continuerons de soutenir l’Albanie.»

«Nous espérons que ces élections créeront un climat politique positif grâce auquel le gouvernement pourra avancer dans la mise en œuvre des réformes nécessaires pour progresser sur la voie d’une adhésion à l’UE», a ajouté Eduard Kukan, chef de la délégation du Parlement européen.

La campagne a présenté des options politiques très diverses et a été dynamique partout dans le pays, même si de nombreuses allégations d’achat de vote, des soupçons de détournement des moyens publics et des pressions exercées sur les électeurs sur leur lieu de travail ont contribué à entamer la confiance du public. Près de 40 % des candidats étaient des femmes, et les femmes ont été actives dans la campagne. Plusieurs initiatives organisées dans le cadre de la campagne s’adressaient spécifiquement aux électrices.

Les médias ont offert à l’électorat une bonne couverture de campagne et présenté un éventail de visions politiques, mais avec une analyse limitée. La surveillance des médias a révélé que toutes les stations de télévision ont essentiellement concentré leur attention sur les activités des trois plus grands partis. Les télédiffuseurs du secteur public ont respecté leur obligation légale d’accorder une part proportionnelle de temps d’antenne gratuit aux divers partis.

Le jour du scrutin s’est déroulé dans l’ordre, mais d’importantes irrégularités et omissions ont été observées, y compris un manque de cohérence dans la vérification de l’encrage, des cas de vote de groupe et par procuration et l’ingérence de militants politiques non autorisés. Des préoccupations ont été exprimées concernant les risques d’intimidation par des groupes de militants de partis à l’intérieur et aux abords des bureaux de vote, ajoute la déclaration. Les procédures pour le dépouillement n’ont pas toujours été respectées, et la transparence n’a pas été garantie.

La Commission électorale centrale (CEC) a enregistré 15 partis politiques dans les délais légaux, plus trois en vertu de l’accord politique – après la date limite. Parallèlement, l’inscription de deux candidats potentiels a été refusée pour désignation tardive. Ainsi, la déclaration conclut à un processus d’enregistrement des candidats assez ouvert, mais entaché d’une application sélective et non systématique de la loi.

Le fonctionnement de la CEC a été transparent, avec des sessions publiques régulières; elle a réussi à mener à bien l’essentiel de son travail malgré la complexité des défis juridiques, institutionnels, financiers et administratifs résultant de l’accord politique. Par contre, elle n’a pas pris de mesures pour clarifier les incohérences engendrées par la nouvelle législation modifiée, et certaines de ses décisions n’étaient ni cohérentes, ni légalement fondées. La formation des commissions électorales de niveau inférieur s’est achevée bien après les échéances légales parce que les partis ont tardé à nommer les agents électoraux. A cela se sont ajoutés de très nombreux remplacements, ce qui a empêché beaucoup d’agents des bureaux de vote de se former. Tous ces facteurs se sont conjugués pour nuire à l’efficacité de la conduite des élections.

Le cadre juridique offre un fondement adéquat à la tenue d’élections démocratiques, même si de nombreuses recommandations antérieures de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise du Conseil de l'Europe n’ont pas été suivies, comme la nécessité de dépolitiser d’importants aspects de l’administration des élections. Les changements apportés à la législation suite à l’accord politique visaient à garantir un meilleur contrôle du financement des campagnes ainsi qu’un temps d’antenne gratuit dans tous les médias audiovisuels. Cependant, la manière dont ces dispositions ont été mises en œuvre démontre que les intérêts politiques ont primé sur le respect de l’État de droit. L’introduction tardive des amendements et l’absence de véritable consultation du public ont engendré une incertitude juridique et affecté la gestion de plusieurs aspects du processus électoral.

«Un aspect important a été le respect des libertés fondamentales dans un processus où les candidats ont librement pu mener campagne», a dit M. l'Ambassadeur Peter Tejler, chef de la Mission d’observation électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE. «Malheureusement, la politisation persistante des institutions et des organes responsables de la gestion des élections a entamé la confiance du public dans le processus électoral. Il faut remédier aux lacunes persistantes pour retrouver la confiance publique.»

Les amendements à la législation ont contribué à la transparence et à la responsabilisation du financement des campagnes, répondant ainsi à diverses recommandations antérieures de l’OSCE/BIDDH et du Conseil de l’Europe. De nouvelles mesures pour réduire le coût de la campagne ont été saluées par la plupart des interlocuteurs de la mission. La transparence a souffert de l’absence d’obligation de déclaration avant le jour du scrutin.

La loi prévoit une observation internationale et par la société civile à tous les stades des élections. Autre évolution positive, la CEC a exigé la publication des procès-verbaux de dépouillement par les commissions de niveau inférieur, améliorant ainsi la transparence. L’accréditation des observateurs s’est déroulée sans discrimination et tous les candidats ont pu participer à l’observation du scrutin, du dépouillement et de la présentation des résultats.