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| Doc. 14392
| 04 septembre 2017
Observation des élections législatives en Albanie (25 juin 2017)
Auteur(s) : Commission ad hoc du Bureau
Rapporteur : M. Paolo CORSINI,
Italie, SOC
1. Introduction
1. Le 5 décembre 2016, M. Bujar
Nishani, Président de l’Albanie, a convoqué les élections législatives
pour le 18 juin 2017. Au cours de sa réunion des 9 et 10 mars 2017,
le Bureau de l’Assemblée a décidé, sous réserve de la réception
d’une invitation, d’observer ces élections et de constituer une
commission ad hoc composée de 30 membres selon le système D’Hondt
(PPE/DC: 11, SOC: 10, ADLE: 4, CE: 4, GUE: 1) et des deux corapporteurs
de la commission de suivi. Il a également autorisé une mission préélectorale.
Le 14 avril 2017, M. Ilir Meta, Président du Parlement albanais,
a envoyé une lettre d’invitation officielle à l’Assemblée parlementaire.
Le Bureau a approuvé la composition de la commission ad hoc et a
désigné M. Paolo Corsini (Italie, SOC) comme chef de la délégation
au cours de sa réunion du 28 avril 2017. La liste des membres se trouve
à l’annexe 1. Suite à un accord politique, dont nous verrons le
détail dans la section suivante, la date des élections a été reportée
au 25 juin 2017.
2. Conformément à l'accord de coopération signé entre l'Assemblée
parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par
le droit (Commission de Venise) le 4 octobre 2004, un représentant
de la Commission de Venise a été invité à se joindre à la commission
ad hoc en qualité de conseiller.
3. Une délégation préélectorale s’est rendue à Tirana les 1er et
2 juin 2017 afin d’évaluer la situation politique, le cadre juridique
électoral, la campagne électorale, l’organisation du scrutin et
le travail de l’administration électorale. Dans une déclaration
publiée à la fin de la visite, la délégation s’est félicitée de l’accord
politique conclu le 18 mai entre les chefs des deux grands partis
politiques albanais, permettant la tenue des élections législatives
avec la participation des principaux partis d’opposition. La délégation
a également invité l’ensemble des acteurs du processus électoral
à œuvrer de bonne foi pour assurer et renforcer l’indépendance de
la supervision électorale et des organes de contrôle, le respect
des procédures légales et l’égalité de situation de l’ensemble des
intervenants tout au long du processus électoral (le programme des
réunions et le texte de la déclaration se trouvent aux annexes 2
et 3).
4. La commission ad hoc s’est rendue en Albanie du 22 au 26 juin
2017 pour l’observation des élections législatives du 25 juin. La
commission ad hoc a opéré dans le cadre d’une mission internationale
d’observation électorale (MIOE) aux côtés des délégations de l’Assemblée
parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE-AP), du Parlement européen et de la mission d’observation
électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits
de l'homme (BIDDH) de l’OSCE présente dans le pays depuis le 9 mai
2017. Le programme des réunions de la délégation se trouve à l’annexe 4.
5. Le jour du scrutin, la délégation de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe s’est scindée en 12 équipes qui ont observé
les élections à Tirana et dans les environs, ainsi que dans les
régions et communes suivantes: Kruje, Durres, Fier, Shkodra, Kavaja,
Elbasan, Vorë et Gjirokastra.
6. La commission ad hoc de l’Assemblée a conclu que les candidats
ont pu mener leur campagne librement et les droits fondamentaux
comme la liberté de réunion et la liberté d’expression ont été respectés. La
politisation persistante des organes et institutions électoraux
ainsi que les nombreuses allégations d’achats de voix et de pressions
sur les électeurs ont affecté la confiance des électeurs dans le
processus électoral. Le chef de la délégation de l’Assemblée a également
salué l’accord conclu entre les chefs des deux principaux partis
politiques qui a rendu possible ce scrutin en soulignant qu’il était
temps que l’Albanie progresse vers une démocratie authentique respectueuse
des règles de l’État de droit. Le communiqué de presse de la MIOE
se trouve à l’annexe 5.
7. La commission ad hoc de l’Assemblée tient à remercier le Parlement
albanais et le Bureau du Conseil de l’Europe à Tirana pour le soutien
apporté à la délégation, ainsi que les chefs et membres des délégations parlementaires
de l’OSCE-AP, du Parlement européen et de la mission d’observation
de l’OSCE/BIDDH, pour leur excellente coopération.
2. Contexte politique
8. Les élections législatives
du 25 juin ont été les dixièmes élections observées par l’Assemblée parlementaire
en Albanie depuis 1991. Lors des précédentes élections, les principaux
problèmes relevés par les observateurs de l’Assemblée étaient, entre
autres: l’inexactitude des listes électorales, des erreurs dans
le dépouillement des bulletins et la saisie des résultats, des abus
de ressources administratives, des carences dans la formation des
membres des commissions électorales, des allégations d’achat de
votes et de pressions exercées sur les employés du service public.
9. Cependant, la principale difficulté dénoncée de manière récurrente
lors des précédentes élections a été l’extrême polarisation du climat
politique et la politisation des institutions d’État
,
à tous les niveaux de l’administration électorale; s’ajoutent à
cela une défiance de longue date entre les principaux partis et
leaders politiques qui s’invectivent et s’accusent régulièrement.
Ces tensions politiques ont plusieurs fois entraîné des manifestations
importantes
et
le boycott du parlement par le parti alors minoritaire. Cette situation,
qui perdure depuis de nombreuses années, entrave les travaux du
parlement dans le processus de réformes indispensables pour l’indépendance
de la justice, la lutte contre la corruption et le crime organisé,
ainsi que la réforme électorale qui est actuellement au point mort.
La délégation de l’Assemblée a constaté que cette question a une
fois encore constitué le problème majeur de ces élections en impactant
l’ensemble du processus électoral.
10. Depuis l’effondrement en 1991 du régime communiste la vie
politique en Albanie est dominée par deux partis politiques: le
Parti démocratique (PD) et le Parti socialiste (PS). Une troisième
force politique a vu le jour en 2004: le Mouvement socialiste pour
l’intégration (MSI) fondé par des dissidents du PS et dirigé depuis
sa création par M. Ilir Meta qui a été élu Président de la République
le 28 avril 2017.
11. Malgré l’hostilité et l’animosité bien ancrées, le gouvernement
et l’opposition sont parvenus à faire adopter par le parlement la
loi de décriminalisation en décembre 2015, et se sont entendus sur
les principes de la réforme judiciaire en faisant adopter à l’unanimité
des amendements constitutionnels le 21 juillet 2016, donnant ainsi
au parlement la possibilité d’engager une réforme globale.
12. En janvier 2017, le PD et 22 partis d’opposition ont déclaré
que ces élections ne pourraient être démocratiques que si plusieurs
conditions étaient remplies: la mise en place d’un gouvernement
technique jusqu’aux élections; l’identification biométrique des
électeurs ainsi que le vote et le comptage électronique; la «décriminalisation»
du processus électoral; la réduction des coûts liés à la campagne
et le renforcement des sanctions pour les infractions liées aux
élections; l’interdiction d’utilisation des ressources administratives;
et l’équité de la couverture médiatique.
13. Dès le mois de février 2017, les partis de l’opposition ont
organisé plusieurs manifestations. Le PD a boycotté le parlement
et a déclaré qu’il boycotterait également les élections législatives,
prévues initialement pour le 18 juin, si ses demandes n’étaient
pas satisfaites, en exigeant également la démission du Premier ministre.
Cette impasse a mis les discussions sur la réforme électorale au
point mort et a sérieusement compromis la tenue des élections d’autant
que l’opposition n’a enregistré aucun candidat auprès de la CEC avant
la date limite du 9 avril 2017 prévue par la loi.
14. Au cours des mois d’avril et mai, une intense médiation internationale
a encore eu lieu. L’Union européenne et les Etats-Unis ont tenté
de mettre fin au blocage politique. Le 18 mai, un accord politique
a été conclu entre les leaders des deux principaux partis politiques,
le PD et PS, qui a surpris beaucoup d’observateurs.
15. L’accord du 18 mai a établi les conditions suivantes:
- la mise en place d’un gouvernement
technique avec sept postes ministériels pour l’opposition;
- la nomination de membres de l’opposition à la tête de
cinq importantes agences d’état ainsi que la présidence de la Commission
électorale centrale et le Médiateur contrairement à la loi qui stipule
que ces deux derniers doivent être nommés par le parlement sur la
base de candidatures;
- le report de la date des élections au 25 juin et la modification
de la date limite pour le dépôt des candidatures auprès de la CEC
au 26 mai 2017 pour
les partis, mais non pas pour les coalitions électorales qui ne
pouvaient donc plus s’enregistrer;
- des modifications au Code pénal dans le but de renforcer
les sanctions liées aux infractions électorales, ainsi qu’à la loi
sur les partis politiques afin de limiter les dépenses de campagne;
- la poursuite de la réforme judiciaire et électorale.
16. La délégation préélectorale de l’Assemblée s’est félicitée
de l’accord politique conclu le 18 mai entre les chefs des deux
grands partis politiques albanais, permettant la tenue des élections
législatives avec la participation des principaux partis d’opposition,
ce qui permettrait aux électeurs d’avoir le choix entre un nombre
significatif de candidats. Dans le même temps, la délégation préélectorale
a noté avec préoccupation que la mise en œuvre de l’accord se heurtait
à des problèmes liés à l’indépendance des institutions et au processus
électoral dans son ensemble. Ses interlocuteurs ont exprimé des
observations critiques sur les procédures suivies par le parlement
et la Commission électorale centrale (CEC) à savoir la désignation
du nouveau président de la CEC, le médiateur et l’enregistrement
tardif de certains partis politiques.
3. Cadre
juridique et système électoral
17. Le Parlement albanais compte
140 membres qui sont élus pour un mandat de quatre ans. L’élection
des membres du parlement se fait selon un système de listes bloquées,
au scrutin proportionnel, dans les 12 circonscriptions plurinominales
qui correspondent aux 12 régions administratives du pays. Seuls
les partis enregistrés dans leurs circonscriptions respectives qui
ont obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés, ainsi que les coalitions
qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, peuvent se voir
attribuer des sièges. Une coalition est constituée de partis politiques
enregistrés auprès de la CEC. La répartition des sièges entre les
coalitions et les partis qui concourent séparément suit la méthode
de la plus forte moyenne (méthode D’Hondt)
. Dans un second temps, les sièges
sont attribués à chaque parti au sein de chaque coalition en utilisant
la méthode de Sainte-Lagüe.
18. Les élections législatives sont principalement régies par
le Code électoral, adopté en décembre 2008 et modifié en juillet
2012 et avril 2015; et la Constitution de 1998. Parmi les autres
textes applicables figurent les instructions et décisions de la
CEC, les articles pertinents du Code pénal et les lois suivantes:
Loi sur les partis politiques (2000), Loi sur les manifestations
(2001), Loi sur l’égalité des genres dans la société (2008), Loi
sur les médias audiovisuels (2013) et la Loi sur la décriminalisation
(2015).
19. Selon l’Avis conjoint de la Commission de Venise du Conseil
de l’Europe et de l’OSCE/BIDDH sur la législation électorale
,
ce Code électoral offre une solide base technique pour l’organisation
d’élections démocratiques, à condition d’être appliqué convenablement,
dans son intégralité, et avec la volonté politique de respecter
la lettre et l’esprit de la loi.
20. Le Code électoral a été rédigé par une commission bipartite
et confère aux deux principaux partis politiques (actuellement le
PD et le PS) d’importantes responsabilités à toutes les étapes du
processus électoral, y compris pour l’administration des élections.
Comme l’indique l’Avis conjoint, ce choix a conduit à la rédaction
d’un Code «excessivement détaillé et comprend de nombreux freins
et contrepoids pouvant rendre difficile l’administration des élections
et pousser les représentants des deux principaux partis à faire éventuellement
de l’obstruction»
.
21. Le Code électoral a été profondément amendé en juillet 2012
en tenant compte de nombreuses recommandations de la Commission
de Venise et de l’OSCE/BIDDH formulées dans l’Avis conjoint. Les amendements
concernaient la modification de la procédure de sélection de l’administration
électorale, y compris du président de la CEC, la révision de la
procédure de constitution des listes électorales, la simplification
des dispositions applicables à l’inscription des candidats et l’alourdissement
des sanctions infligées en cas d’infraction en matière électorale.
22. En février 2016, suite aux élections locales de 2015, le parlement
a créé une commission ad hoc coprésidée par un représentant de la
majorité (PS) et un représentant du principal parti d’opposition
(PD), ayant pour but de proposer des amendements au Code électoral
afin de mettre en œuvre les recommandations de la Commission de
Venise et de l’OSCE/BIDDH restées en suspens et d’éliminer les dysfonctionnements
du système électoral. Malgré un mandat technique, le travail de
cette commission a souvent été entravé et bloqué pour être finalement
boycotté par le PD. Ce processus de réforme électorale est aujourd’hui
toujours au point mort.
23. Suite à l’accord du 18 mai, le parlement a adopté le 22 mai
les amendements à la loi sur les partis politiques, au Code pénal
et à la loi concernant les médias audiovisuels. La plupart des interlocuteurs
de la délégation de l’Assemblée ont salué ces amendements dont certains
répondaient aux recommandations antérieures du Conseil de l’Europe,
en particulier s’agissant de la transparence et de la responsabilisation
du financement des campagnes électorales, ainsi que des mesures
visant à lutter contre la corruption et les pressions exercées sur
les employés de la fonction publique.
24. Néanmoins, certaines recommandations essentielles de la Commission
de Venise n’ont pas été prises en compte, notamment:
- la dépolitisation de l’administration
électorale à tous les niveaux afin de renforcer son indépendance
et son impartialité;
- le renforcement des droits des candidats indépendants;
- le renforcement du quota par sexe ;
- le renforcement de la transparence du financement des
campagnes électorales;
- la clarification des responsabilités et les procédures
pour le règlement effectif des contentieux électoraux.
25. La délégation de l’Assemblée tient à souligner qu’un tel accord,
et les changements législatifs qui s’en sont suivis à peine un peu
plus d’un mois avant la tenue du scrutin, sont contraires aux recommandations
de la Commission de Venise
.
De plus, le Code électoral n’ayant pas été amendé, les amendements
aux lois précitées ont créé des incohérences dans le cadre juridique.
La majorité des interlocuteurs de la délégation de l’Assemblée ont
dénoncé cette primauté des intérêts des deux principaux partis politiques,
à savoir le PS et le PD, sur le respect des principes de l’État
de droit qui doit prévaloir en démocratie.
4. Administration
électorale
26. Les élections sont administrées
par un système à trois niveaux composé par la Commission électorale centrale
(CEC), 90 commissions de zones d’administration électorale (CZAE)
et 5 362 commissions de bureaux de vote (CBV). Chacune de ces commissions
est composée de sept membres nommés par les partis politiques de
la majorité et de l’opposition.
27. En Albanie, le dépouillement des bulletins de vote ne s’effectue
pas dans les bureaux de vote, mais dans 90 centres de dépouillement
des votes (CDV) correspondant aux 90 zones d’administration électorale.
Cette particularité est une des conséquences du manque de confiance
généralisé entre les différents acteurs y compris au sein d’une
même famille politique.
28. La CEC est une institution permanente en charge de l’administration
des élections et referenda. Elle est composée de sept membres comme
suit: deux membres sont proposés par le parti majoritaire au parlement, deux
par le principal parti d’opposition au parlement, deux autres membres
sont nommés par les deux partis suivants de la majorité et de l’opposition.
Le septième membre, à savoir le ou la Présidente de la CEC, est nommé
par le parlement. La commission actuelle compte deux femmes sur
les sept membres qui la composent.
29. Selon les termes de l’accord du 18 mai, la présidence de la
CEC devait revenir à un membre de l’opposition. En application de
cet accord le président de la CEC a été démise de ses fonctions
35 jours avant le scrutin, au profit d’un autre membre issu de l’opposition.
Cette décision était contraire aux dispositions légales définies
dans le Code électoral
. L’ancien président est
devenu vice-président de la CEC.
30. Les 90 CZAE sont chacune composées de sept membres
:
deux sont nommés par le PS, deux par le PD, le MSI et le Parti républicain
(PR) ayant chacun un représentant. Le septième membre est nommé
par le plus grand parti de la majorité (le PS) pour 45 des 90 CZAE
et par le plus grand parti d’opposition (le PD) pour l’autre moitié.
Suite à sa décision de boycotter les élections, l’opposition n’a
pas désigné ses représentants dans les délais prévus. La CEC a donc
pris la décision de faire appel aux citoyens répondant aux critères d’éligibilité
pour remplir les sièges laissés vacants par l’opposition. Le 3 avril,
les CZAE ont été formés par la CEC sans qu’il y ait des représentants
de l’opposition. Le 31 mai, la CEC a dû démettre de leurs fonctions
de nombreux membres qu’elle avait préalablement désignés au sein
des CZAE, pour les remplacer par des représentants de l’opposition.
31. Les CBV sont également composées de sept membres qui doivent
être nommés 20 jours avant la date du scrutin selon la même formule
que les CZAE
. Une CBV, qui compte entre
200 et 1 000 électeurs inscrits, est chargé d’organiser le scrutin
ainsi que d’emballer et de transporter les bulletins et autre matériel
électoral jusqu’à l’un des 90 CDV auquel le bureau est rattaché.
32. Les équipes de dépouillement qui opèrent au sein des 90 CDV
doivent être établis par les 90 CZAE dix jours avant le scrutin.
La nomination des quatre membres qui la composent se fait sur une
base politique
.
33. Suite à l’accord du 18 mai et aux amendements adoptés par
le parlement, la CEC s’est retrouvée dans une situation particulièrement
compliquée sur les plans juridique, financier, administratif et
institutionnel, à commencer par le remplacement de son Président.
Malgré cette situation exceptionnelle, la CEC a pu s’acquitter de
ces principales tâches et a réussi à prendre toutes les décisions
nécessaires dans les délais
. Elle
a opéré de manière transparente, avec des séances publiques en présence
d’observateurs, de représentants des médias et des partis, et a
régulièrement diffusé les informations nécessaires. Par contre, elle
n’a pas pris toutes les mesures pour clarifier les incohérences
engendrées par des amendements adoptés par le parlement le 22 mai.
Ainsi, certaines de ces décisions manquaient de bases légales ou
de cohérence.
34. L’importance des équipes de dépouillement qui opèrent au sein
des 90 CDV a été soulignée par la quasi-totalité des interlocuteurs.
Le dépouillement des voix dans des centres dédiés est une particularité
de l’Albanie. Le Président de la CEC a expliqué à la délégation
que, par le passé, le dépouillement s’effectuait directement dans
les bureaux de vote. Mais par crainte de manipulations, des pressions
qui pourraient être exercées sur les membres des commissions, et
d’un manque de confiance entre les différents partis, il a été décidé
que le dépouillement se ferait ainsi, même si cela conduit à des
retards et des délais dans la publication des résultats
.
Les représentants des plus petits partis ont fait part de leurs
grandes inquiétudes s’agissant du dépouillement étant donné qu’ils
ne disposaient pas de représentants au sein des équipes de dépouillement.
35. L’établissement et la formation des CBV et des équipes de
dépouillement ont été problématiques. Tout d’abord, la CEC a été
confrontée à certains amendements adoptés le 22 mai qui visaient
à prévenir les risques d’abus de ressources administratives tant
sur le plan logistique que des ressources humaines en introduisant des
sanctions sévères aux employés de la fonction publique qui pourraient
être impliqués dans la campagne. En effet, un grand nombre des quelques
37 000 personnes désignées pour former ces commissions et équipes de
dépouillement étaient des agents de la fonction publique qui ont
fait part de leurs inquiétudes suite aux instructions publiées par
leurs ministres de tutelles du fait de ces amendements. Pour les
rassurer sur ce point, la CEC a publié, le 27 mai, un communiqué
de presse qui s’est révélé insuffisant. Le 10 juin, la CEC a demandé aux
institutions publiques de libérer les fonctionnaires concernés afin
qu’ils puissent former les commissions et commencer leurs formations
sans tarder.
36. Parallèlement, les partis politiques ont tardé à désigner
leurs représentants au sein des différentes commissions électorales.
Aucune des 90 CZAE n’a été en mesure d’établir la totalité des CBV
et des équipes de dépouillement dans les délais légaux. Le 23 juin,
720 CBV devaient encore être établies. Le Président de la CEC, lors
de la rencontre avec la délégation la veille du scrutin, s’est plaint
que la CEC a été placée dans des situations compliquées par les
partis politiques qui abusaient de leur droit s’agissant des nominations
des membres des commissions. A cela se sont ajoutés de très nombreux
remplacements de membres des commissions, effectués majoritairement
à la demande des partis qui les avaient nommés
.
37. Selon certains interlocuteurs de la délégation, la raison
principale pour ces retards dans la désignation des membres des
commissions et des équipes de dépouillement ainsi que pour le remplacement
de membres déjà nommés était la crainte de possible corruption de
ses membres par les partis adverses. Ceci démontre une fois de plus
le manque de confiance extrême, jusque dans ses propres rangs, des
partis politiques et la faiblesse d’une administration électorale
fortement polarisée et politisée.
5. Listes
électorales et inscription des candidats
38. L’inscription sur les listes
électorales est passive et se fait à partir du registre national
d’état civil du ministère de l’intérieur pour tout citoyen albanais
de 18 ans révolus le jour de l’élection. Selon la CEC, au 24 juin
il y avait un total de 3 452 260 électeurs inscrits. Ce chiffre
peut paraître surprenant au regard des chiffres de recensement de
la population publiés sur le site de l’Institut albanais des statistiques
pour 2017 (2 876 591 habitants, auxquels il faudrait soustraire
les personnes de moins de 18 ans)
. Cette différence peut s’expliquer
par le fait que de nombreux albanais qui ont quitté le pays sont
toujours inscrits sur les listes. Ceci relativise aussi le taux
de participation de 46,77 % qui pourrait de ce fait être beaucoup
plus élevé en réalité.
39. Les électeurs sont inscrits sur la liste du bureau de vote
selon leur lieu de résidence. Ils ne peuvent voter qu’en personne.
Il n’existe pas de dispositions pour voter à l’étranger, par courrier
ou à l’aide d’urnes mobiles pour les personnes malades ou à mobilité
réduite.
40. Les électeurs âgés de 100 ans et plus ont été systématiquement
retirés des listes électorales, ce qui n’est pas conforme aux standards
internationaux
.
Cela concernait 1 480 électeurs qui avaient la possibilité de demander
leur réinscription au moment de la publication des listes. Suite
au report des élections, les listes qui avaient été imprimées et
publiées devant les bureaux de votes ont dû être remplacées par
de nouvelles listes qui ont été publiées tardivement, voire pas
du tout. Ces délais ont limité les possibilités de contrôle et de modifications
par les électeurs.
41. Tout citoyen âgé de 18 ans peut se présenter aux élections
à l’exception de ceux concernés par la loi dite de «décriminalisation»
et ceux dont les fonctions sont incompatibles
.
La CEC a enregistré 15 partis politiques dans les délais légaux.
Suite à l’accord politique du 18 mai, trois autres partis politiques
ont été enregistrés (le PD, le RP et le Parti albanais d’union chrétien-démocrate).
Alors que l’accord prévoyait de reporter le délai pour l’enregistrement
au 26 mai 2017, la CEC a décidé, le 29 mai, de donner au PD jusqu’au matin
du 30 mai pour lui faire parvenir la liste complète de leurs candidats.
La CEC a immédiatement approuvé la liste des candidats soumise par
le PD, alors que dans le même temps elle rejetait, le 26 mai, la
candidature d’un candidat indépendant (soumise le 25 mai) au motif
que celle-ci lui était parvenue après le délai prévu par le Code
électoral. Cette application sélective et non systématique de la
loi, fondée sur des accords politiques plutôt que sur le droit,
a entaché le processus d’enregistrement des candidats. Au total,
18 partis et 2 666 candidats ont été enregistrés par la CEC (contre
66 partis et 7 149 candidats en 2013). La CEC a immédiatement procédé
au tirage au sort de l’ordre d’apparition des partis sur le bulletin
et a approuvé les résultats.
42. Un quota par sexe s’applique à chaque liste de candidats qui
requiert au moins un homme et une femme parmi les trois premiers
noms et au moins 30 % d’hommes ou de femmes dans l’ensemble de la
liste. Malgré d’importants progrès réalisés dans ce domaine, la
participation et la représentation des femmes dans la vie politique
restent limitées
. Bien que les femmes représentent 40 %
des candidats (38,5 % en 2013), tous les leaders des partis politiques
enregistrés dans ces élections ont été des hommes. De plus, les
grands partis n’ont pas toujours respecté le quota par sexe.
43. La CEC a imposé une sanction financière s’élevant à 1 million
de leke (environ € 7 400) à chacune des listes du MSI (district
de Tirana) et du PS (district de Berat) pour ne pas avoir respecté
ces quotas. Par contre, elle n’a pas sanctionné le PD qui n’a pas
respecté ce quota dans la totalité des 12 districts. Par ailleurs,
la loi ne prévoit pas de refus d’enregistrement d’une liste si le
quota par sexe n’est pas respecté. Les femmes étaient sous-représentées
dans l’administration électorale, et notamment aux postes décisionnels
(par exemple seulement deux femmes sur les sept membres qui composent
la CEC).
44. La Constitution albanaise garantit tous les droits civils,
sociaux et politiques aux minorités, et le Code électoral leur permet
de prendre pleine part aux élections comme électeurs et comme candidats,
y compris dans leur langue maternelle.
45. Si l’accord politique a repoussé la date limite de l’enregistrement
des listes des candidats pour les partis politiques, il n’en est
pas de même pour les coalitions électorales. Les représentants des
petits partis rencontrés ont vivement critiqué cette approche partiale
sélective basée principalement, selon eux, sur les intérêts des
grands partis au détriment des petits partis.
6. Campagne
électorale, financements et médias
46. Suite à l’accord politique
du 18 mai, la campagne électorale a officiellement débuté le 26
mai. Les amendements adoptés concernant la loi sur les partis politiques
ont été dans l’ensemble bien accueillis par la majorité des interlocuteurs
de la délégation, étant donné qu’ils ont permis une réduction importante
des dépenses de campagne. La clause interdisant l’affichage de posters
électoraux à plus de 5 mètres d’un siège de campagne a grandement
limité l’usage habituellement massif de grands posters, drapeaux
et autres matériels de propagande. La campagne a été dynamique dans
tout le pays et les libertés fondamentales de droit de réunion et
d’expression ont été respectées.
47. Au cours de la campagne, les partis politiques ont très peu
abordé leurs programmes sur les thématiques telles que l’économie,
l’emploi, la lutte contre la criminalité, les questions de sécurité,
l’éducation, les questions sociales ou l’adhésion à l’Union européenne
qui auraient permis aux électeurs de comparer les programmes afin
de faire un choix éclairé le jour du scrutin. Les principaux partis
se contentaient de déclarations très générales, promettaient de
meilleures conditions de vie et une intensification de la lutte
contre le trafic de drogue et la criminalité organisée. A contrario, les partis politiques
ont largement mentionné les questions d’achat de vote, de pressions
exercées sur les électeurs et notamment sur les employés de la fonction
publique, ainsi que l’abus de ressources administratives, qui ont
encore plus diminué la confiance des électeurs.
48. Ces accusations mutuelles, souvent
ad
hominem, ont été régulièrement alimentées par les leaders
des principaux partis qui ont également fait part de leurs inquiétudes
quant à l’implication de réseaux criminels, notamment ceux liés
au trafic de drogue, dans le processus électoral et le rôle qu’ils
pourraient jouer après les élections
.
49. Une task force destinée à contrôler et prévenir les risques
d’abus de ressources administratives a été mise en place le 2 juin.
Elle était dirigée par le vice-Premier ministre et composée de quatre
ministres techniques de l’opposition ainsi que quatre ministres
du PS. Dans ce cadre, plusieurs agences gouvernementales, principalement
dirigées par l’opposition suite à l’accord politique, ont suspendu
ou démis plusieurs fonctionnaires de leurs fonctions. Dans certains
cas, ces procédures sembleraient moins en rapport avec les élections
que motivées politiquement.
50. La couverture médiatique des élections est réglementée par
le Code électoral et le Code de radio et télédiffusion, y compris
pour le temps d’antenne gratuit et les publicités payantes. Pendant
la campagne électorale, la radio et la télévision publique ont fourni
aux partis politiques enregistrés pour les élections du temps d’antenne
gratuit avec la diffusion de spots entièrement préparés et soumis
par les partis, tout en interdisant aux partis de payer pour la
diffusion de spots électoraux.
51. Le 25 mai, 10 chaînes de télévision ont officiellement écrit
à la CEC pour rejeter les amendements de la Loi sur les partis politiques,
ainsi que ceux visant à obliger les médias à diffuser les spots
préparés. Ils ont mis en avant les incohérences entre les amendements
et le Code électoral en estimant que le Code électoral, en tant
que loi organique, adoptée avec une majorité qualifiée, prévalait
sur les amendements. La CEC n’a pas pris de mesures pour clarifier
le cadre juridique et plusieurs télévisions privées ont diffusé
des spots payants pour cinq partis politiques.
52. L’environnement médiatique en Albanie est très dynamique et
largement saturé avec plus de 100 chaînes de télévision hertziennes
pour un pays d’environ 3 millions d’habitants, auxquels s’ajoutent
une large variété de journaux et magazines. Certains interlocuteurs
ont indiqué que si les médias étaient libres en Albanie, il n’en
était pas de même avec les journalistes et les rédacteurs en chef
dont les lignes éditoriales seraient largement influencées en fonction
des intérêts économiques et politiques des propriétaires de ces médias.
Ainsi, si les médias ont offert aux électeurs une bonne couverture
de la campagne et ont présenté un éventail des visions politiques,
les analyses proposées étaient toutefois limitées. Les candidats
avaient la possibilité de participer à des débats, pourtant aucun
débat n’a été organisé entre les chefs des principaux partis politiques.
53. Le Conseil de surveillance des médias a supervisé les médias
et envoyé ses rapports hebdomadaires à la CEC, dans certains cas
avec des recommandations de sanctions. La CEC a demandé à 27 diffuseurs
de remédier, dans les 48 heures, au déséquilibre de couverture médiatique
constaté. Les médias se sont largement conformés à ces demandes.
54. Tous les partis qui participent aux élections sont éligibles
au financement public de la campagne: 95 % des fonds sont distribués
aux partis politiques enregistrés comme sujets électoraux, qui ont
obtenu au moins 0,5 % des votes valables lors des élections précédentes,
proportionnellement au nombre de votes valables obtenus. Les 5 %
des fonds restants sont distribués aux partis politiques enregistrés
comme sujets électoraux qui ont obtenu moins de 0,5 % des voix et
aux partis qui n’ont pas participé aux précédentes élections. Le budget
total alloué au financement de la campagne était de 65 millions
de leke qui ont été distribués par la CEC aux différents partis
le 31 mai.
55. Les candidats pouvaient aussi recevoir des dons de personnes
physiques ou morales, emprunter de l’argent ou utiliser leurs propres
fonds
. Cependant, le montant
que chaque personne pouvait donner à un sujet électoral ne pouvait
pas dépasser un million de leke (environ € 7 400) ou une valeur
équivalente en nature ou en services. Les dépenses totales réalisées
par un parti politique pour une campagne électorale, y compris ses
candidats, ne doivent pas dépasser 10 fois la somme la plus importante
qu’un sujet électoral a reçu en fonds publics.
56. Contrairement au Code électoral, les amendements du 22 mai
à la loi sur les partis politiques autorisaient la CEC à déterminer
un plafond des dépenses pour chaque campagne, ce qui n’a pas été
fait par la CEC. Par contre, conformément aux amendements, la CEC
a désigné des experts financiers chargés de superviser les dépenses
de campagne de chaque parti.
57. Le Code électoral permet aux sujets électoraux de faire appel
des décisions de la CEC devant le collège électoral de la Cour d’appel
de Tirana; les décisions de la CZAE ne peuvent être contestées auprès
de la CEC que par les partis, coalitions et les candidats indépendants
qui se présentent aux élections. Le collège électoral est composé
de huit juges issus de tribunaux d’appel choisis par tirage au sort
réalisé par le Conseil supérieur de la justice. Néanmoins, les maigres
possibilités de contester les décisions de la CEC peuvent priver
de recours les parties concernées. Peu de réclamations ont été déposées
avant les élections, les partis ayant indiqué qu’ils préféraient
faire état de leur réclamation publiquement et dans les médias plutôt
que de déposer des réclamations qui ont peu de chance d’aboutir.
7. Scrutin
et dépouillement
58. Le jour du scrutin s’est généralement
bien déroulé sans aucun incident sérieux, malgré quelques cas isolés
de violences. L’atmosphère d’accusations mutuelles d’achat de votes
et de pressions sur les électeurs a perduré tout au long du jour
du scrutin avec des incidents rapportés et amplifiés par les médias.
Des tensions ou de l’agitation ont été observées dans 4 % des centres.
Les bureaux de vote étaient ouverts de 7h à 19h, mais dix minutes
avant la fermeture des bureaux de vote, la CEC a décidé de reporter
la fermeture à 20h, espérant ainsi augmenter une participation relativement
faible. Cette mesure n’a pas été très utile d’autant que certains
bureaux de vote ont reçu l’information alors qu’ils avaient déjà
fermé leurs portes et que très peu d’électeurs ont été vus dans
les bureaux de vote restés ouverts.
59. Les observateurs de l’Assemblée parlementaire, déployés à
travers l’ensemble du territoire, ont pu observer l’ouverture des
bureaux de vote, le scrutin, la fermeture et le transport des urnes
aux centres de dépouillement des votes ainsi qu’une partie du dépouillement.
Ils ont majoritairement été bien accueillis par les membres des
commissions électorales qui se sont montrés coopératifs et leur
ont permis de suivre l’ensemble du processus sans restrictions.
60. Selon les statistiques de l’OSCE/BIDDH, l’ouverture a été
évaluée positivement dans 84 % des bureaux de vote visités; le scrutin
a été évalué positivement dans 93% des bureaux de vote visités;
les irrégularités suivantes ont été observées tout au long de la
journée:
- des cas de non-respect
des procédures du scrutin, notamment s’agissant de la vérification
de traces d’encre sur un des doigts des électeurs entrant dans les
bureaux de vote;
- des tentatives d’influencer les électeurs pour voter pour
un parti donné dans 5 % des cas, ainsi que l’ingérence dans le processus
par des personnes non autorisées;
- une présence nombreuse de groupes d’activistes devant
les centres de vote (parfois dans les halls), qui semblaient souvent
indiquer aux électeurs pour qui ils devraient voter;
- de nombreux bureaux de vote n’étaient pas accessibles
aux personnes à mobilité réduite, ceci étant d’autant plus problématique
qu’il n’existe pas de disposition pour permettre aux électeurs concernés
de voter à domicile à l’aide d’une urne mobile;
- dans certains cas, la taille des locaux et leur disposition
ne garantissait pas le secret du vote;
- les procédures de fermeture des bureaux n’ont pas toujours
été correctement suivies;
- dans certains cas le dépouillement a pris du retard et
n’a pas toujours commencé tout de suite après la réception de l’ensemble
des urnes et du matériel.
61. Le 26 juillet 2017, la Commission électorale centrale a approuvé
à l’unanimité les résultats définitifs des élections dont le taux
de participation s’est élevé à 46,77 %. La répartition des 140 sièges
se détaille comme suit: Parti socialiste (PS): 74 sièges (48,34 %);
Parti démocrate (PD): 43 sièges (28,85 %); Mouvement socialiste
pour l’intégration (MSI): 19 sièges (14,34 %); Parti pour la justice,
l’intégration et l’unité (PJIU): 3 sièges (4,81 %); Parti social-démocrate
(PSD): 1 siège (0,95 %). Le nombre de votes valides a été de 1 580 778,
avec 32 309 votes nuls (environ 2 %).
8. Conclusions
et recommandations
62. La délégation de l’Assemblée
parlementaire a conclu que, lors des élections législatives du 25
juin 2017 en Albanie, les candidats ont pu mener leur campagne librement,
et que les droits fondamentaux comme la liberté de réunion et la
liberté d’expression ont été respectés. Le jour du scrutin s’est
généralement bien déroulé sans aucun incident sérieux, malgré quelques
cas isolés de violences.
63. La campagne électorale a été marquée par un climat de défiance
extrême entre les principaux partis politiques qui entame profondément
la confiance des électeurs dans le processus électoral. Elle a été influencée
par la crise politique qui a débuté dès la fin de l’année 2016,
suivie du boycott du parlement par l’opposition et ses menaces de
boycott des élections. La délégation de l’Assemblée parlementaire
considère que les principaux responsables politiques du pays devraient
privilégier la culture du dialogue et des compromis au lieu des
confrontations. A cet égard elle s’est félicitée de l’accord politique
conclu le 18 mai entre les chefs des deux grands partis politiques,
permettant la tenue d’élections législatives avec la participation des
principaux partis d’opposition, ce qui a offert aux électeurs albanais
le choix entre un nombre significatif de candidats de différentes
sensibilités politiques.
64. Concernant le cadre juridique électoral, selon la Commission
de Venise, il offre une base solide pour l’organisation d’élections
démocratiques à condition d’être appliqué convenablement, dans son
intégralité, et avec la volonté politique de respecter la lettre
et l’esprit de la loi. Toutefois, la délégation de l’Assemblée parlementaire
a souligné que l’amélioration significative du déroulement des élections
démocratiques en Albanie ne peut reposer uniquement sur la législation
électorale, mais surtout sur son application et sur le changement
d’attitude et des pratiques des principaux responsables politiques.
Malgré plusieurs amendements, de nombreuses recommandations de la
Commission de Venise n’ont pas encore été prises en compte.
65. La délégation de l’Assemblée parlementaire a été informée
par différents interlocuteurs, y compris par les représentants des
partis politiques, des problèmes récurrents identifiés lors de la
campagne électorale, notamment les questions d’achat de vote, de
pressions exercées sur les électeurs, en particulier sur les employés
de la fonction publique, ainsi que l’abus de ressources administratives.
La délégation de l’Assemblée condamne fermement ce genre de pratiques
et invite les autorités compétentes de l’Albanie à prendre toute
les mesures nécessaires afin de mettre terme à ces irrégularités
et de renforcer la confiance des électeurs dans le processus démocratique.
66. La couverture médiatique des élections a été très dynamique
lors de la campagne électorale, les médias ont offert aux électeurs
une bonne couverture de la campagne et ont présenté un éventail
des visions politiques. Toutefois les analyses proposées étaient
limitées, les lignes éditoriales auraient été largement influencées
par des intérêts économiques et politiques des propriétaires de
ces médias.
67. Le fonctionnement de la Commission électorale centrale a été
transparent. Suite à l’accord politique et aux amendements adoptés
par le parlement, la CEC a été confrontée à de nombreux défis sur
les plans juridique, financier, administratif et institutionnel.
Malgré tout, la CEC a pu s’acquitter de ses principales tâches et
a réussi à prendre toutes les décisions nécessaires dans les délais.
Par contre, elle n’a pas pris toutes les mesures pour clarifier
les incohérences engendrées par la nouvelle législation modifiée.
Ainsi, certaines de ces décisions manquaient de bases légales ou
de cohérence.
68. L’Assemblée parlementaire, dans ses rapports précédents, s’est
montrée très critique et vivement préoccupée par la politisation
de l’administration électorale. Cette influence extrêmement importante
des partis politiques sur une administration électorale qui devrait
être institutionnellement indépendante, a été l’un des principaux
problèmes relevés lors de ces élections.
69. La délégation de l’Assemblée a observé et identifié un certain
nombre d’irrégularités et de lacunes tout au long du processus électoral
en Albanie, y compris lors du dépouillement. L’Albanie doit par
conséquent améliorer son cadre juridique électoral ainsi que certaines
pratiques électorales, en tenant compte des enseignements tirés
de ce scrutin, afin de renforcer la confiance des citoyens dans
les élections démocratiques. Ce travail devrait être accompli en
étroite coopération avec la Commission de Venise et dans le cadre
de la procédure de suivi de l’Assemblée parlementaire. L’Assemblée
se tient à la disposition du parlement et des autres autorités albanaises
concernées pour des actions de coopération dans le domaine électoral.
Annexe 1 – Composition
de la commission ad hoc
(open)
Sur la base des propositions des groupes
politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme
suit:
Président: Paolo CORSINI, Italie (SOC)
Groupe du Parti populaire
européen (PPE/DC)
- Ionuţ-Marian STROE,
Roumanie
- Attila TILKI, Hongrie
Groupe Socialistes,
démocrates et verts (SOC)
- Paolo CORSINI, Italie*
- Joseph DEBONO-GRECH, Malte
- Mirolsav NENUTIL, République tchèque
- Luis Alberto ORELLANA, Italie
- Stefan SCHENNACH, Autriche
- Predrag SEKULIC, Monténégro
- Idália SERRÃO, Portugal
- Jan ŠKOBERNE, Slovénie
Groupe des conservateurs
européens (CE)
- Ingebjørg GODSKESEN,
Norvège*
- Serhii KIRAL, Ukraine
- Jaroslaw OBREMSKI, Pologne
Alliance des démocrates
et des libéraux pour l’Europe (ADLE)
- Reina BRUIJN-WEZEMAN,
Pays-Bas
- Fernando MAURA, Espagne
- Andrea RIGONI, Italie
- Mart van de VEN, Pays-Bas
Groupe pour la gauche
unitaire européenne (GUE)
- Marco NICOLINI, Saint-Marin*
Corapporteur de la
commission de suivi (ex officio)
Commission de Venise
- Nikolai VULCHANOV, Expert
- Mesut BEDIRHANOGLU, Administrateur
Secrétariat
- Bogdan TORCĂTORIU, Administrateur,
Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
- Franck DAESCHLER, Assistant administratif principal
- Anne GODFREY, Assistante
Annexe 2 – Programme
de la mission préélectorale (1-2 juin 2017)
(open)
Jeudi 1er juin
2017
10h00-11h00 Réunion de la délégation avec la participation
de M. Claus Neukirch, Chef du Bureau du Conseil de l’Europe à Tirana
11h00-12h30 Réunion avec Mme Polyna
Lemos, Chef-adjointe de la Mission d’observation des élections de
l’OSCE/BIDDH en Albanie, et les membres de l’équipe de coordination
12h30-13h30 Réunion avec les membres du corps diplomatique
à Tirana:
- Allemagne: Mme Anke
Holstein, Chargée d’Affaires
- Italie: Ambassadeur Alberto Cutillo
- Mission de l’OSCE en Albanie: Ambassadeur Bernd Borchardt
- Délégation de l’Union européenne: M. Jan Rudolf, Chef
de la section politique, économique et information
14h30-15h30 Réunion avec des représentants de la société civile:
- Association pour la culture
démocratique: Mme Gerta Meta
- Comité albanais d’Helsinki: Mme Erida
Skendaj et M. Andi Muratej
- Coalition pour des élections justes et équitables: Mme Mirela
Arqimandriti
15h30-16h30 Réunion avec des représentants des médias:
- M. Gert Selenica, Rédacteur
en chef, Télévision publique albanaise
- M. Remzi Lani, Directeur exécutif, Institut albanais des
Média
- M. Blendi Sala, Conseil albanais des Média
- M. Besart Likmeta, Réseau d’investigation des Balkans
(BIRN)
16h45-17h30 Réunion avec M. Gentian Salaj, Chef de l’Autorité
des médias audiovisuels (AMA)
Vendredi 2 juin 2017
09h15-10h00 Réunion avec M. Ilir Meta, Président
du parlement, avec la participation de la délégation nationale de
l’Albanie auprès de l’APCE
10h00-12h30 Réunions successives avec des leaders et représentants
des principaux groupes parlementaires:
- Parti socialiste: M. Eduard Shalsi
- Parti démocrate: M. Oerd Bylykbashi, M. Aldo Bumci et
Mme Jorida Tabaku
- Mouvement socialiste pour l’intégration: M. Luan Rama
et M. Gaetano Doci
- Parti républicain: M. Fatmir Mediu et M. Arjan Madhi
- Parti pour la justice, l’intégration et l’unité: Mme Mesila
Dode, M. Halil Hyseni et M. Erion Manohasa
14h00-15h30 Réunion avec des leaders et représentants des
principaux partis politiques non-représentés au parlement:
- Défi pour l’Albanie: M. Gjergj
Bojaxhi et Mme Besa Xhumari
- Parti social-démocrate: M. Skender Gjinushi
- LIBRA: M. Ben Blushi et Mme Mimoza
Hafizi
15h30-16h30 Réunion avec M. Klement Zguri, Président de la
Commission électorale centrale
16h45-17h45 Réunion de la délégation (préparation de la déclaration)
Annexe 3 – Communiqué de
presse de la mission préélectorale
(open)
Visite pré-électorale
en Albanie: la délégation de l’APCE se félicite d’un large éventail
de candidats pour les élections du 25 juin, mais reste préoccupée
par les dysfonctionnements du processus électoral
Strasbourg, 02.06.2017 – Une délégation de l’APCE présidée
par Paolo Corsini (Italie, SOC) s’est rendue les 1er et
2 juin en visite pré-électorale en Albanie pour évaluer la campagne
électorale et le climat politique avant les élections législatives
du 25 juin 2017.
La délégation* s’est félicitée de voir qu’à la suite d’un
accord politique conclu le 18 mai entre les chefs des deux grands
partis politiques albanais, les élections législatives se tiendront
avec la participation des principaux partis d’opposition, ce qui
permettra aux électeurs d’avoir le choix entre un nombre significatif
de candidats.
Dans le même temps, la délégation a noté avec préoccupation
que la mise en œuvre de l’accord se heurte à des problèmes liés
à l’indépendance des institutions et au processus électoral dans
son ensemble. Ses interlocuteurs ont exprimé des observations critiques
sur les procédures suivies par le parlement et la Commission électorale
centrale (CEC) à savoir la désignation du nouveau président de la
CEC, le médiateur et l’enregistrement tardif de certains partis
politiques.
Parmi les autres questions portées à l’attention de la délégation
figurent le délai extrêmement court pour la mise en œuvre de la
nouvelle réglementation sur le financement de la campagne et le
contrôle de celui-ci, ainsi que l’obligation faite aux médias publics
et privés de diffuser gratuitement la publicité électorale des partis politiques.
Celle-ci a également constaté que les préoccupations concernant
l’usage abusif de ressources publiques, l’achat de voix organisé
et les pressions exercées sur les électeurs restaient d’actualité.
En outre, beaucoup d’interlocuteurs ont souligné la nécessité d’une
mise en œuvre globale et vérifiée de la législation sur la dépénalisation
en ce qui concerne les candidats aux élections. Elle a aussi noté
que les médias étaient largement considérés en Albanie comme un
outil de propagande.
Elle regrette qu’aucune mesure n’ait été prise pour permettre
aux Albanais vivant à l’étranger de participer au processus électoral
sans devoir rentrer dans leur pays.
La délégation invite l’ensemble des acteurs du processus électoral
à œuvrer de bonne foi pour assurer et renforcer l’indépendance de
la supervision électorale et des organes de contrôle, le respect
des procédures légales et l’égalité de situation de l’ensemble des
intervenants tout au long du processus électoral.
Dans le rapport qu’elle avait élaboré à la suite des élections
législatives de 2013, l’APCE avait appelé les autorités albanaises
à prendre un certain nombre de mesures pour restaurer et pour renforcer
la confiance de la population dans le processus électoral. La délégation
rappelle à cet égard la nécessité de distinguer clairement les activités
des partis politiques et des institutions étatiques, de garantir
le fonctionnement impartial et neutre de l’administration électorale
à tous les niveaux en garantissant une véritable indépendance institutionnelle,
et la recommandation d’évaluer et d’améliorer le cadre électoral.
Elle encourage vivement le nouveau Parlement albanais à poursuivre
la réforme électorale après les élections dans un esprit constructif et
pragmatique afin de la mener à bonne fin bien avant les élections
locales de 2019.
La délégation espère que la réforme de la législation sur
les élections et les partis politiques se poursuivra et contribuera
à combler le fossé entre les milieux politiques et la population
albanaise et à renforcer la démocratie interne des partis, la transparence
et la régularité de la procédure pour favoriser une société véritablement
démocratique.
La délégation était invitée à Tirana par le Président de l’Assemblée
nationale albanaise. Elle a rencontré le Président de l’Assemblée
nationale, le président de la Commission électorale centrale, des
responsables et des représentants des principaux partis politiques
représentés ou non au parlement, le chef de l’autorité des médias
audiovisuels, des représentants d’ONG et de médias, l’adjoint au
chef de la mission d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH,
des représentants d’organisations internationales et des membres
du corps diplomatique à Tirana.
Une équipe complète d’observateurs de l’APCE se rendra à Tirana
pour observer le scrutin du 25 juin.
*Délégation: Paolo Corsini (Italie, SOC), Chef de la délégation,
Ingebjørg Godskesen (Norvège, CE), Marco Nicolini (Saint-Marin,
GUE).
Annexe 4 – Programme
de la Mission internationale d’observation des élections (MIOE)
(23-26 juin 2017)
(open)
Vendredi 23 juin 2017
10h00-11h00 Briefing interne de la commission ad
hoc:
- Ouverture par M. Paolo
Corsini, Chef de délégation
- Briefing par les membres de la mission préélectorale
- Briefing par la Commission de Venise sur les questions
juridiques
- Briefing par le Secrétariat sur les questions opérationnelles
Briefing parlementaire
conjoint
11h00-11h30 Remarques d’ouverture:
- M. Roberto Battelli, Coordinateur
spécial, chef des observateurs à court terme de la mission de l’OSCE/BIDDH
- M. Paolo Corsini, Chef de la délégation de l’APCE
- Mme Marietta Tidei, Chef de
la délégation de l’OSCE-PA
- M. Eduard Kukan, Chef de la délégation du Parlement européen
11:30-12:15 Briefing par la communauté internationale présente
à Tirana:
- Ambassadeur Bernd
Borchardt, Chef de la Mission de l’OSCE en Albanie
- M. Claus Neukirch, Chef du Bureau du Conseil de l’Europe
à Tirana
- Ambassadeur Romana Vlahutin, Chef de la délégation de
l’Union européenne en Albanie
13h15-14h30 Briefing par la Mission de l’OSCE/BIDDH en Albanie
– Partie I:
- Ambassadeur Peter Tejler, Chef
de mission
- Mme Polyna Lemos, Chef de mission
adjointe
- M. Wolfgang Sporrer, Expert politique
- M. Vasil Vashchanka, Expert juridique
- M. Kakha Inaishvili, Expert électoral
- M. Andrea Malnati, Expert médias
15h00-18h00 Réunions avec les représentants des partis politiques:
- Parti socialiste – Mme Blerina
Gjylameti, Secrétaire pour la coordination électorale
- Parti démocrate – M. Ivi Kaso, Secrétaire électorale et
M. Akil Kraja, Directeur exécutif de la fondation DP
- Mouvement socialiste pour l’intégration – M. Luan Rama,
Vice-président
- Parti républicain – M. Fatmir Mediu, Président
- Parti LIBRA-Equal List – Mme Mimoza
Hafizi, Vice-présidente
- Parti pour la justice, l’intégration, et l’unité – M.
Shpëtim Idrizi, Président
- Parti social-démocrate – M. Skendër Gjinushi, Président
- Parti Défi pour l’Albanie (SFIDA) – M. Hektor Ruci, Président
- Parti de l’Union pour les droits de l’homme – Mme Olijana
Ifti, Présidente du Forum des femmes pour les droits de l’homme
Samedi 24 juin 2017
10h00-11h00 Réunion avec des représentants de la
société civile/ONG:
- Institut
albanais d’études politiques – M. Afrim Krasniqi, Directeur
- Coalition des observateurs locaux – Mme Gerta
Meta (Association pour la culture démocratique) et M. Panto Gogo
(Association Kriik)
- Coalition pour les élections libres et équitables – Mme Mirela
Arqimandriti (Centre pour le développement de l’alliance des genres)
11h00-12h00 Réunion avec des représentants des médias:
- TV publique albanaise (RTSH)
– M. Bledar Zaganjori
- Conseil des média albanais – M. Blendi Salaj
- Réseau d’investigation des Balkans (BIRN) – M. Besart
Likmeta
- Union des journalistes – M. Aleksander Çipa
12h00-13h00 Administration électorale:
- Commission électorale centrale – M. Klement Zguri, Président
13h45-14h45 Briefing par la Mission de l’OSCE/BIDDH en Albanie
– Partie II (observation, formulaires et procédures de scrutin):
- Mme Polyna
Lemos, Chef de mission adjointe
- M. Kakha Inaishvili, Expert élections
- M. Robert Bystricky, Expert statistiques
- M. László Belágyi, Expert sécurité
14h45-15h15 Briefing régional par les observateurs à long
terme de l’OSCE/BIDDH
15h15 Réunion avec les interprètes et chauffeurs
Dimanche 25 juin 2017
Observation de l’ouverture, du vote, de la fermeture des bureaux
et du dépouillement des votes
Lundi 26 juin 2017
08h00 -9h00 Débriefing Interne de la commission
ad hoc
14h30 Conférence de presse conjointe
Annexe 5 – Communiqué
de presse de la Mission internationale d’observation des élections
(MIOE)
(open)
En Albanie, une campagne
électorale menée librement et dans le respect des libertés fondamentales, mais
la polarisation politique de l’administration électorale a entamé
la confiance dans le processus, déclarent les observateurs internationaux
Strasbourg, 26.06.2017 – En Albanie, des élections législatives
ont pu être organisées le 25 juin suite à l’accord politique intervenu
entre les dirigeants du parti socialiste (PS) et ceux du parti démocratique
(PD), qui a permis d’obtenir la participation de l’opposition. Les
candidats ont pu mener leur campagne librement et les droits fondamentaux
comme la liberté de réunion et la liberté d’expression ont été respectés.
La mise en œuvre de l’accord politique par l’administration électorale
s’est toutefois avérée laborieuse, ce qui s’est traduit par une application
sélective et incohérente de la loi, d’après les conclusions présentées
par les observateurs internationaux dans une déclaration publiée
aujourd’hui.
La politisation persistante des organes et institutions électoraux
ainsi que les nombreuses allégations d’achat de voix et de pressions
sur les électeurs ont affecté la confiance du public dans le processus
électoral, ajoute la déclaration.
«Sur le plan positif, les élections ont pu se tenir et le
gouvernement a promis d’améliorer les éléments du dispositif électoral
qui ont naguère engendré tant de méfiance dans le fonctionnement
de cet élément essentiel d’un système démocratique», a déclaré Roberto
Battelli, Coordinateur spécial et Chef de la mission d’observation
de courte durée de l’OSCE. «Dès lors, il est décevant de constater
à quel point les dysfonctionnements observés ont perpétué les pratiques
du passé – et notamment les pressions sur les électeurs, créant
une mauvaise ambiance. J’espère que le nouveau gouvernement s’efforcera
d’améliorer cet aspect essentiel des élections libres et équitables.»
«L’accord entre les chefs des deux principaux partis politiques
qui a rendu possible ce scrutin mérite d’être salué. Ce même accord
a toutefois provoqué des perturbations dans le processus électoral»,
estime Paolo Corsini (Italie, SOC), chef de la délégation de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe. «Il est temps que l’Albanie
progresse vers une démocratie authentique respectueuse des règles
de l’État de droit.»
D’après les observateurs, les élections se sont déroulées
dans le contexte d’une longue et profonde division entre le PS,
de la coalition au pouvoir et le parti d’opposition PD, mais aussi
d’un déficit de confiance du public dans le processus électoral.
Heureusement, l’accord politique intervenu le 18 mai entre les dirigeants
des deux partis, grâce à la médiation internationale, a mis un terme
à trois mois de blocage et permis au PD d’obtenir plusieurs postes-clés
dans des ministères.
«J’ai pu constater le vif désir de surmonter une fois pour
toutes l’impasse politique qui freine l’Albanie depuis trop longtemps»,
a affirmé Marietta Tidei, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire
de l’OSCE. «J’espère sincèrement que l’élan donné par l’accord politique
sera pleinement mis à profit dans l’intérêt de nos amis albanais,
afin de combler leurs ambitions nationales et d’intégration dans
l’Union européenne. Nous continuerons de soutenir l’Albanie.»
«Nous espérons que ces élections créeront un climat politique
positif grâce auquel le gouvernement pourra avancer dans la mise
en œuvre des réformes nécessaires pour progresser sur la voie d’une
adhésion à l’UE», a ajouté Eduard Kukan, chef de la délégation du Parlement
européen.
La campagne a présenté des options politiques très diverses
et a été dynamique partout dans le pays, même si de nombreuses allégations
d’achat de vote, des soupçons de détournement des moyens publics
et des pressions exercées sur les électeurs sur leur lieu de travail
ont contribué à entamer la confiance du public. Près de 40 % des
candidats étaient des femmes, et les femmes ont été actives dans
la campagne. Plusieurs initiatives organisées dans le cadre de la
campagne s’adressaient spécifiquement aux électrices.
Les médias ont offert à l’électorat une bonne couverture de
campagne et présenté un éventail de visions politiques, mais avec
une analyse limitée. La surveillance des médias a révélé que toutes
les stations de télévision ont essentiellement concentré leur attention
sur les activités des trois plus grands partis. Les télédiffuseurs
du secteur public ont respecté leur obligation légale d’accorder
une part proportionnelle de temps d’antenne gratuit aux divers partis.
Le jour du scrutin s’est déroulé dans l’ordre, mais d’importantes
irrégularités et omissions ont été observées, y compris un manque
de cohérence dans la vérification de l’encrage, des cas de vote
de groupe et par procuration et l’ingérence de militants politiques
non autorisés. Des préoccupations ont été exprimées concernant les
risques d’intimidation par des groupes de militants de partis à
l’intérieur et aux abords des bureaux de vote, ajoute la déclaration.
Les procédures pour le dépouillement n’ont pas toujours été respectées, et
la transparence n’a pas été garantie.
La Commission électorale centrale (CEC) a enregistré 15 partis
politiques dans les délais légaux, plus trois en vertu de l’accord
politique – après la date limite. Parallèlement, l’inscription de
deux candidats potentiels a été refusée pour désignation tardive.
Ainsi, la déclaration conclut à un processus d’enregistrement des
candidats assez ouvert, mais entaché d’une application sélective
et non systématique de la loi.
Le fonctionnement de la CEC a été transparent, avec des sessions
publiques régulières; elle a réussi à mener à bien l’essentiel de
son travail malgré la complexité des défis juridiques, institutionnels,
financiers et administratifs résultant de l’accord politique. Par
contre, elle n’a pas pris de mesures pour clarifier les incohérences
engendrées par la nouvelle législation modifiée, et certaines de
ses décisions n’étaient ni cohérentes, ni légalement fondées. La
formation des commissions électorales de niveau inférieur s’est achevée
bien après les échéances légales parce que les partis ont tardé
à nommer les agents électoraux. A cela se sont ajoutés de très nombreux
remplacements, ce qui a empêché beaucoup d’agents des bureaux de vote
de se former. Tous ces facteurs se sont conjugués pour nuire à l’efficacité
de la conduite des élections.
Le cadre juridique offre un fondement adéquat à la tenue d’élections
démocratiques, même si de nombreuses recommandations antérieures
de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise du Conseil de l'Europe
n’ont pas été suivies, comme la nécessité de dépolitiser d’importants
aspects de l’administration des élections. Les changements apportés
à la législation suite à l’accord politique visaient à garantir
un meilleur contrôle du financement des campagnes ainsi qu’un temps
d’antenne gratuit dans tous les médias audiovisuels. Cependant,
la manière dont ces dispositions ont été mises en œuvre démontre
que les intérêts politiques ont primé sur le respect de l’État de
droit. L’introduction tardive des amendements et l’absence de véritable consultation
du public ont engendré une incertitude juridique et affecté la gestion
de plusieurs aspects du processus électoral.
«Un aspect important a été le respect des libertés fondamentales
dans un processus où les candidats ont librement pu mener campagne»,
a dit M. l'Ambassadeur Peter Tejler, chef de la Mission d’observation électorale
du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme
de l’OSCE. «Malheureusement, la politisation persistante des institutions
et des organes responsables de la gestion des élections a entamé
la confiance du public dans le processus électoral. Il faut remédier
aux lacunes persistantes pour retrouver la confiance publique.»
Les amendements à la législation ont contribué à la transparence
et à la responsabilisation du financement des campagnes, répondant
ainsi à diverses recommandations antérieures de l’OSCE/BIDDH et
du Conseil de l’Europe. De nouvelles mesures pour réduire le coût
de la campagne ont été saluées par la plupart des interlocuteurs
de la mission. La transparence a souffert de l’absence d’obligation
de déclaration avant le jour du scrutin.
La loi prévoit une observation internationale et par la société
civile à tous les stades des élections. Autre évolution positive,
la CEC a exigé la publication des procès-verbaux de dépouillement
par les commissions de niveau inférieur, améliorant ainsi la transparence.
L’accréditation des observateurs s’est déroulée sans discrimination
et tous les candidats ont pu participer à l’observation du scrutin,
du dépouillement et de la présentation des résultats.