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Avis de commission | Doc. 14418 | 11 octobre 2017
Poursuivre et punir les crimes contre l'humanité voire l'éventuel génocide commis par Daech
Commission des questions politiques et de la démocratie
A. Conclusions de la commission
(open)1. La commission des questions
politiques et de la démocratie se félicite du rapport établi par
la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
intitulé «Poursuivre et punir les crimes contre l’humanité voire
le possible génocide commis par Daech». Celui-ci est extrêmement
clair, précis et propose des solutions réalistes.
2. La commission des questions politiques et de la démocratie
souhaite compléter l’approche du rapporteur principal, M. Pieter
Omtzigt, de manière factuelle sur les dernières évolutions en matière
de recueil de preuves, tant en Syrie qu’en Irak. Elle insiste également
sur la nécessité de voir les juridictions nationales, à travers
l’exercice de leur compétence universelle, poursuivre tout acte
de génocide en même temps qu’elles font usage de leur législation
antiterroriste pour neutraliser la menace des combattants terroristes
étrangers de Daech qui «rentrent au pays».
B. Propositions d’amendements au projet de résolution
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Au paragraphe 6.2.1, après les mots «pas déjà le cas, et», insérer les mots suivants:
«, à l’exemple de la Suède et de l’Allemagne,»
Amendement B (au projet de résolution)
Après le paragraphe 6.2.2, insérer le paragraphe suivant:
«en évitant de privilégier de manière systématique et exclusive, à l’égard des membres de Daech, l’application de leur seule législation anti-terroriste au détriment de leur compétence universelle pour connaître des crimes visés par le Statut de Rome de la CPI;»
Amendement C (au projet de résolution)
Au paragraphe 6.2.3, après le mot «Irak», insérer les mots suivants:
«, notamment l’absence d’octroi du statut de réfugiés aux combattants qui peuvent avoir perpétré des actes de génocide et/ou d’autres crimes graves interdits par le droit international, et qui cherchent à obtenir une protection internationale à leur retour en Europe, conformément aux clauses d’exclusion prévues à l’article 1F de la Convention des Nations Unies du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés;»
Amendement D (au projet de résolution)
Après le paragraphe 6.2.4, insérer le paragraphe suivant:
«en soutenant le Secrétaire général des Nations Unies en vue de la création de l’Équipe d’enquêteurs, décrite dans la Résolution 2379 (2017) du Conseil de sécurité des Nations Unies, chargée d’aider le système judiciaire irakien à recueillir des éléments de preuve concernant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide commis par Daech en Irak;»
Amendement E (au projet de résolution)
Après le paragraphe 6.2.4, insérer le paragraphe suivant:
«en plaidant pour que le budget ordinaire des Nations Unies contribue le plus rapidement possible au financement du Mécanisme et de l’Équipe d’enquêteurs;»
Amendement F (au projet de résolution)
Au paragraphe 7, remplacer les trois premières phrases par les phrases suivantes:
«L’Assemblée appelle les autorités irakiennes à apporter leur contribution et leur coopération au travail de l’Équipe d’enquêteurs. Elle appelle la communauté internationale à fournir les ressources nécessaires pour que l’Équipe d’enquêteurs puisse rapidement fonctionner de manière opérationnelle.»
C. Exposé des motifs, par Mme Thorhildur Sunna Ævarsdóttir, rapporteure pour avis
(open)1. Le crime de génocide est une
tâche indélébile sur la conscience de l’humanité. Ceux qui l’ont
subi mais en ont réchappé en porteront la marque toute leur vie.
Ceux qui n’en ont pas été les victimes s’en souviendront pour ne
pas l’avoir empêché. Il constitue la manifestation la plus abjecte
de ce qu’un grand théoricien du droit international public du siècle
dernier a nommé «la lésion d’humanité» .
L’expression est parlante: le crime de génocide fait disparaître
la notion de semblable, d’appartenance à une communauté humaine,
à une humanité commune. Le crime de génocide intervient là où l’on
vous dénie le droit à l’existence. On vous impute un seul crime,
pour lequel on vous tue: celui d’être né. Ce n’est pas un hasard
si Robert Antelme et Primo Levi, deux rescapés des camps d’extermination
nazis, ont intitulé le récit de leur expérience concentrationnaire L’espèce humaine , pour l’un, Si
c’est un homme , pour l’autre.
2. Comme le rapporteur, M. Pieter Omtzigt, je suis convaincue
qu’un tel crime a été commis par Daech, qu’il n’est pas contestable
et que la nécessité qu’il soit judiciairement reconnu avant toute
action constitue une simple excuse pour ne pas reconnaître la réalité
des faits. Je pense que les États parties à la Convention des Nations
Unies de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide
n'ont pas rempli leur obligation positive de prendre toutes les
mesures nécessaires pour prévenir le génocide, ou ne l’ont fait
que très partiellement et imparfaitement.
3. Cette réalité est d’autant plus insupportable que les avertissements
n’ont pas manqué. Dès 2012, dans son rapport sur «La situation en
Syrie», l’ancien président de la commission des questions politiques
et de la démocratie, M. Pietro Marcenaro, soulignait la vulnérabilité
des minorités dans ce pays. À cette époque, dans la Résolution
1878 (2012) adoptée à l’initiative de notre commission, l’Assemblée
condamnait principalement les exactions du régime syrien contre
sa population. Mais en même temps, elle pressentait le danger. Au paragraphe
10 de la résolution figure l’affirmation suivante: «La population
syrienne constitue une mosaïque de groupes ethniques, culturels
et religieux, et cette diversité, au même titre que l’intégrité
territoriale de la Syrie, doit être préservée …» Si elle devait
être préservée, c’est bien parce que l’on craignait qu’elle fût menacée.
4. Deux ans après, en août 2014, lorsque Daech avait conquis
Qaraqosh, un grand centre chrétien d’Irak, et avait encerclé la
région de Sinjar, peuplée de nombreux Yézidis, la présidente d’alors
de notre commission, Mme Theodora Bakoyannis,
a lancé un appel à l’aide pour les groupes religieux persécutés
en Irak . À l’occasion d’un débat selon la
procédure d’urgence, l’Assemblée a adopté, sur la base d’un rapport
que Mme Bakoyannis avait rédigé, la Résolution
2016 (2014) «Les menaces contre l’humanité posées par le groupe terroriste
connu sous le nom d’“EI”: la violence à l’encontre des chrétiens
et d’autres communautés religieuses ou ethniques». Le paragraphe
2 de cette résolution est très clair:
«[L’Assemblée] appelle une nouvelle fois l'attention sur la situation des chrétiens et d'autres communautés religieuses et ethniques au Moyen-Orient, en général, et en Irak et en Syrie, en particulier. Au vu des derniers développements intervenus dans la région, en particulier l'attitude d'“EI”, la situation de ces communautés n'est plus à qualifier dorénavant d'inquiétante, mais de désespérée. En certains endroits à présent sous le contrôle d'«EI», ces communautés ont d'ores et déjà disparu.»
5. En 2014, donc, des communautés religieuses et ethniques avaient
déjà disparu de certaines zones en Irak et en Syrie. Le génocide
était à l’œuvre. Dans son rapport sur «La situation à Alep» (Doc. 14197), notre collègue Jean-Claude Mignon résumait l’évolution
de la situation au bout de quatre années de guerre: «L'Assemblée
à juste titre a souligné que la persécution des communautés religieuses
et ethniques s’était graduellement transformée en une attaque meurtrière
à grande échelle. »
6. Ces mises en garde de l’Assemblée n’ont pas été entendues.
Je tiens à souligner que les États-Unis, le Royaume-Uni et les autres
membres de la coalition sont en partie responsables de la situation
qui prévaut en Irak aujourd'hui. Pendant et après l’invasion de
l’Irak ont été commises de nombreuses erreurs, qui ont menacé la
sécurité dans le pays et dans l’ensemble de la région et qui ont
contribué au développement de Daech. Je veux parler ici du fait
que les anciens soldats de l’armée irakienne n’ont pas été désarmés
et démobilisés, que les stocks d’armes n’ont pas été sécurisés et
que la mise en place des structures étatiques a été lente après l’invasion
de l’Irak, invasion qui était contraire au droit international.
Les membres du Conseil de sécurité auraient-ils pu surmonter leurs
divisions et imposer le plan de 2012 du Secrétaire général Annan
pour la Syrie? Le Gouvernement central irakien et la coalition internationale
contre Daech auraient-ils pu faire plus pour protéger les chrétiens
de Qaraqosh et les Yézidis dans la région de Sinjar en août 2014?
Je ne souhaite pas ici faire la chronique d’un désastre annoncé
ni spéculer sur «ce qui aurait pu arriver si» ou évaluer les responsabilités
des uns et des autres. Cependant, la réalité demeure et elle est
cruelle: nous n’avons pas empêché le génocide perpétré par Daech.
7. Si les États ont failli à leur obligation de prévenir le génocide,
ceux qui ont vu certains de leurs nationaux rejoindre Daech ont,
pour la plupart, tenté d’empêcher leur départ et ce, de manière
de plus en plus efficace au fur-et-à-mesure que le temps passait.
Ce faisant, ils ont répondu aux appels lancés par l’Assemblée dans sa Résolution
2091 (2016) sur les combattants étrangers en Syrie et en Irak et
respecté leur obligation «de faire tout leur possible pour empêcher
leurs propres ressortissants de prendre part à de tels actes [de génocide]» . Maigre consolation. D’autant plus
que le fait d’empêcher ses nationaux de rejoindre Daech a généralement
été motivé par des raisons de sécurité intérieure. L’on pensait
d’abord et avant tout au danger que ces combattants terroristes
étrangers pourraient représenter s’ils revenaient.
8. Le génocide a eu lieu. À défaut de l’avoir empêché, il nous
incombe d’essayer de déférer à la justice ceux qui l’ont planifié
et ceux qui l’ont exécuté. Pas seulement parce que les victimes
ont droit à une réparation et à une reconnaissance formelle du crime
qu’elles ont subi, comme le soutient Mme Amal
Clooney, qui défend la cause des Yézidis, mais aussi parce que nous
avons un devoir moral: sanctionner un crime qui détruit toute idée
de communauté humaine, toute idée d’humanité. Il s’agit en fait
de punir un crime qui ne concerne pas que les victimes, mais qui
nous concerne tous.
9. L’idéal serait bien sûr que le tribunal envisagé dans la Convention
de 1948 voie le jour. Mais nous l’attendons depuis 70 ans et je
pense que nous attendrons encore longtemps. Tout en le souhaitant
parce que je pense qu’elle dispose d’une légitimité réelle, je suis
sceptique quant à la possibilité d’une saisine, même partielle,
de la Cour Pénale internationale. Enfin, concernant la création
d’un tribunal ad hoc, je ne pense pas qu’il y ait un consensus suffisamment
large, dans le contexte international actuel, pour créer une juridiction s’inspirant
du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), du Tribunal
pénal international pour le Rwanda ou même du Tribunal spécial pour
le Liban. Mme Carla del Ponte, ex-membre
de la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations
Unies et ancienne Procureur du TPIY, a d’ailleurs révélé l’amère
vérité concernant cette question et pointé le refus du Conseil de
Sécurité d’agir en la matière .
10. La voie strictement internationale me paraît donc bloquée.
Le rapporteur a très bien fait de rappeler dans son exposé des motifs,
comme dans son projet de résolution, que les enquêtes et la poursuite
des crimes visés par le Statut de Rome incombent normalement en
premier lieu aux États dans lesquels ces crimes ont été commis,
c'est-à-dire à la Syrie et à l’Irak. Je crois qu’aujourd’hui personne
ne fait confiance à la justice syrienne et Bachar El-Assad ne demandera
sans doute pas la création d’un tribunal spécial ou hybride. La
situation est différente du côté irakien.
11. Nous avons en effet constaté cet été que Bagdad se préoccupait
davantage de la question du recueil de preuves de crimes commis
par Daech sur son territoire. Par une lettre en date du 16 août
2017, le ministre irakien des Affaires étrangères, M. Ibrahim al-Jaafari,
a demandé au Secrétaire général des Nations Unies la création d’un
mécanisme pour enquêter et poursuivre les crimes contre l’humanité
commis par Daech . Dans la résolution qu’il a adoptée
le 21 septembre 2017, le Conseil de sécurité des Nations Unies prie
le Secrétaire général de constituer une Équipe d’enquêteurs «à l’appui
des efforts engagés à l’échelle nationale pour amener [Daech] à
rendre des comptes, en recueillant, conservant et stockant des éléments
de preuve en Iraq d’actes susceptibles de constituer des crimes
de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide
(…)» . Il convient de saluer ce soutien
apporté aux efforts déployés par l’Irak pour amener les membres
de Daech à répondre des crimes commis en Irak; je demande instamment
aux États membres d’aider l’Équipe d’enquêteurs dans toute la mesure
du possible, par exemple en apportant une assistance juridique et
en contribuant à son budget. Peut-être que ce pas en avant conduira
le Gouvernement irakien, à terme, à envisager la création d’un tribunal
spécial ou d’un tribunal hybride, mais nous n’en sommes pas encore
là.
12. La solution la plus effective dans un avenir proche reste
la compétence universelle, du moins lorsqu’elle existe. Il me paraît
donc essentiel que ceux des États membres du Conseil de l’Europe,
des observateurs et des partenaires pour la démocratie qui ne l’ont
pas encore fait prévoient un tel dispositif dans leur législation, en
incorporant dans leurs lois une compétence pour connaître des crimes
visés par le Statut de la CPI, ce qui leur permettra de juger toute
personne qui aurait participé à ces crimes, et pas seulement leurs
propres ressortissants. À cet égard, le paragraphe 6.2.1 du projet
de résolution me paraît essentiel.
13. Que l’on pense qu’à moyen ou long terme un tribunal ad hoc
ou un tribunal hybride sera créé ou que, comme moi, l’on considère
que la compétence universelle des tribunaux nationaux est actuellement
la seule possibilité réelle de poursuivre le crime de génocide commis
par les membres de Daech, il faut garder à l’esprit que la difficulté
essentielle des juges sera celle de la preuve. En matière de crime
de génocide, il faut disposer de preuves très nombreuses pour obtenir
une condamnation; or, nous le savons, la conservation d’éléments tangibles
dans des pays où la guerre se poursuit relève d’une vraie gageure.
14. D’où l’importance de la Commission d’enquête internationale
indépendante des Nations Unies. J’ai bien noté que Mme Carla
del Ponte a émis de fortes critiques à son égard et en a démissionné.
Mais elle a justifié son départ par l’inaction du Conseil de sécurité
et par l’absence de compétence de cette Commission en matière de
poursuite pénale. Elle n’a aucunement mis en doute la qualité des
preuves de crimes que la Commission a réunies .
15. D’où, également, la nécessité que le Mécanisme international,
impartial et indépendant concernant la Syrie, créé par l’Assemblée
générale des Nations Unies en décembre 2016, devienne pleinement opérationnel.
À cet égard, je souhaiterais compléter le rapport de M. Omtzigt.
Le 2 mars 2017, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits
de l’homme, sous l’égide duquel ce Mécanisme a été placé, indiquait
que les fonds requis pour qu’il démarre son activité étaient chiffrés
entre 4 et 6 millions de dollars, tandis qu’une année de fonctionnement
représenterait une dépense d’environ 13 millions de dollars . En juillet 2017, ce mécanisme bénéficiait,
selon la presse, de 9 millions de dollars au titre des contributions volontaires,
les principaux contributeurs étant les Pays-Bas, l’Allemagne et
la Finlande . En d’autres termes, le Mécanisme
dispose des moyens nécessaires pour cette année, ce qui est une
bonne nouvelle, car le recueil de preuves est d’autant plus efficace
qu’il est rapide.
16. En revanche, je ne peux que regretter, comme le Haut-Commissaire
des droits de l’homme, que les Nations Unies aient refusé de financer
ce Mécanisme sur leur budget ordinaire et aient préféré faire appel
à des contributions volontaires, avec toute l’insécurité que cela
induit pour le Mécanisme d’une année sur l’autre. Je pense que l’enjeu
juridique, symbolique et mémoriel justifie que ce Mécanisme soit
intégré dans le budget des Nations Unies, ce qui lui permettrait
de faire des prévisions et d'inscrire son action dans la durée.
Notre Assemblée devrait le recommander avec force, y compris pour
le financement de l’Équipe d’enquêteurs qui appelle les mêmes remarques.
17. Les initiatives citoyennes pourraient aussi jouer un rôle
considérable dans la collecte de preuves de génocide. Les ONG qui
souhaitent contribuer à la sanction effective des crimes contre
l’humanité et des crimes de génocide peuvent notamment réunir des
preuves de manière professionnelle avec l’aide du Manuel pour la documentation de la société
civile sur les violations graves des droits de l'homme .
18. Quelle que soit la qualité des preuves réunies par la Commission
internationale, le Mécanisme pour la Syrie et, demain peut-être,
le Mécanisme pour l’Irak, nous devons nous attendre à ce que les
condamnations des membres de Daech pour crime de génocide prennent
du temps, y compris lorsqu’elles interviendront sur la base de la
compétence universelle de tribunaux nationaux. C'est 15 ans après
le génocide rwandais qu'a eu lieu la première condamnation pour
génocide d’un ressortissant rwandais par la justice canadienne et
20 ans après le génocide qu'a eu lieu la première condamnation pour
génocide d’un ressortissant rwandais par la justice française .
19. Ce décalage dans le temps ainsi que la difficulté à prouver
le crime de génocide m’inspirent une crainte: que les juridictions
nationales soient plus enclines à condamner des membres de Daech
sur la base de leur législation antiterroriste que sur la base de
leur compétence universelle en matière de génocide. L’exposé des motifs
du rapporteur va d’ailleurs dans ce sens: le paragraphe 41 fait
état de nombreuses enquêtes ou condamnations de personnes ayant
combattu pour Daech et revenant dans un État, souvent le leur, mais
pour des infractions terroristes.
20. La raison est évidente: les juridictions nationales veulent
empêcher que ces combattants terroristes étrangers ne présentent
un risque sécuritaire. Elles utilisent donc leurs outils juridiques
les plus efficaces permettant la mise en détention, c’est-à-dire
les lois antiterroristes. L’appartenance à un groupe terroriste
est en effet plus facile à prouver que la participation à un génocide.
21. J’estime que cette démarche est compréhensible et pragmatique,
compte tenu de la menace terroriste à laquelle nous sommes exposés
actuellement. Je tiens cependant à souligner l’importance de mettre
en œuvre de vraies garanties juridiques et de garantir un procès
équitable; ce sont des normes que l’empressement à aboutir à une
condamnation fait parfois oublier. Il importe aussi que cet outil
juridique efficace que constitue la poursuite pour infractions terroristes
ne soit pas utilisé au détriment de toute tentative d’inculper les
combattants terroristes de génocide ou de crime contre l’humanité.
Ces deux entreprises, endiguer la menace terroriste et sanctionner
les auteurs du génocide, doivent être menées soit de front, c’est-à-dire
en même temps, soit l’une après l’autre, mais il ne faut surtout
pas renoncer à exercer le droit (qui est aussi une obligation) de
prononcer des condamnations pour génocide.
22. Ainsi que cela est indiqué dans un rapport récent de Human
Rights Watch, l’Allemagne et la Suède sont les premiers pays dans
lesquels des individus ont été jugés et condamnés pour des crimes
de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Syrie. Ces pays
ont agi sur la base de leur compétence universelle et ont pu s’appuyer
sur l’expérience d’autres procès de même nature . C’est extrêmement important pour
les victimes de crimes de génocide et pour nous tous, en tant que
membres d’une société. Je tiens donc à saluer les résultats obtenus
par la justice de ces pays.
23. Nous le savons, les infractions terroristes peuvent être prescrites
comme tout crime de droit commun. Tel n’est pas le cas des crimes
contre l’humanité ou du crime de génocide, précisément parce qu'ils
sont considérés comme relevant d’une catégorie différente. Nous
nous devons à nous-mêmes, autant qu’aux victimes, de ne pas renoncer
à poursuivre leurs auteurs.
24. Enfin, concernant les combattants terroristes étrangers ayant
participé à des actes de génocide, il va de soi qu’ils ne sauraient
bénéficier d’une quelconque protection internationale à leur retour
en Europe, comme l’affirme le paragraphe 4 de la Résolution
2091 (2016) et comme l'indique explicitement la Convention des Nations
Unies du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Il me
paraît souhaitable de le rappeler dans le projet de résolution présenté
par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.