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Résolution 2183 (2017)
Évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement de Jordanie
1. Le 26 janvier 2016, l’Assemblée
parlementaire adoptait la Résolution
2086 (2016) sur la demande de statut de partenaire pour
la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par
le Parlement de Jordanie, par laquelle elle octroyait à celui-ci
le statut de partenaire pour la démocratie. Le Parlement de Jordanie
est ainsi devenu le quatrième parlement à demander et à se voir
attribuer ce statut mis en place par l’Assemblée en 2009 pour développer
la coopération institutionnelle avec les parlements d’États voisins
du Conseil de l’Europe.
2. En adressant sa demande officielle pour obtenir ce statut,
le Parlement de Jordanie a déclaré qu’il partageait les mêmes valeurs
que celles défendues par le Conseil de l’Europe et a pris une série d’engagements
politiques, conformément à l’article 64.2 du Règlement de l’Assemblée.
Ces engagements sont énoncés au paragraphe 3 de la Résolution 2086 (2016).
3. En outre, l’Assemblée a estimé, au paragraphe 9 de la résolution
susmentionnée, qu’un certain nombre de mesures spécifiques étaient
essentielles pour renforcer la démocratie, l’État de droit et le
respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales en Jordanie.
Elle a souligné que l’avancement des réformes était le but principal
du partenariat pour la démocratie et constituait le critère d’évaluation
de son efficacité.
4. L’Assemblée juge important que les Jordaniens veuillent moderniser
et stabiliser leurs institutions politiques pour se positionner
fermement sur la voie démocratique. Elle suit avec attention les
réformes constitutionnelles, institutionnelles, politiques et juridiques
qui continuent d’être poursuivies en Jordanie, sous l’impulsion
du roi Abdallah II, malgré l’instabilité dans la région et aux frontières
du pays.
5. Comme l’Assemblée l’a déjà souligné, la guerre en Syrie a
provoqué un afflux sans précédent de réfugiés en Jordanie. Ce petit
pays fait un effort considérable pour les accueillir dans des conditions convenables.
L’Assemblée félicite de nouveau vivement la Jordanie pour ses efforts
et son hospitalité exemplaire. Elle appelle une fois de plus instamment
la communauté internationale à accroître son soutien aux autorités
jordaniennes, soit directement, soit par le biais des organisations
internationales actives sur le terrain, et note avec satisfaction
que plus de 700 millions d’euros ont été alloués à la Jordanie par
l’Union européenne.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée:
6.1. se félicite des efforts déployés par le Parlement de Jordanie
pour essayer de respecter les engagements politiques pris en tant
que partenaire pour la démocratie, malgré les difficultés et obstacles liés
à l’instabilité dans la région;
6.2. considère comme positive la poursuite des réformes constitutionnelles,
institutionnelles, politiques et juridiques, notamment dans les
domaines de la justice, des partis politiques, de la décentralisation
et de l’éducation, et encourage la Jordanie à poursuivre dans cette
voie;
6.3. se félicite de l’adoption de la nouvelle loi électorale
et de la tenue d’élections législatives anticipées le 20 septembre
2016, qu’elle avait été invitée à observer. Elle a regretté le faible
taux de participation mais a noté avec satisfaction que ces élections
ont été libres et bien organisées, même si les forces tribales et
financières sont restées dominantes. Elle note aussi le fait que
la représentation des femmes au parlement a sensiblement progressé;
6.4. se félicite également de la tenue d’élections locales,
municipales et de gouvernorats le 15 août 2017, selon la nouvelle
législation de décentralisation. Ce processus électoral, au demeurant
complexe, s’est correctement déroulé. Ces élections ont été libres
et bien organisées, même si les forces tribales et financières sont
restées dominantes. Il faut également regretter le faible taux de
participation, bien qu’on note avec satisfaction que la représentation
des femmes, notamment des jeunes, a fortement progressé et confirme
le mouvement important de l’entrée des femmes en politique. Tout
en notant que les compétences des conseils ne sont pas encore clairement
définies et que leurs ressources relèvent en partie de dotations
de l’État, l’Assemblée considère que cette volonté de décentralisation
est un progrès;
6.5. regrette que l’article 6.1 de la Constitution jordanienne,
qui établit une discrimination envers les femmes, n’ait pas été
révisé;
6.6. se félicite de la modification du Code pénal jordanien,
notamment de la suppression de l’article 308 qui stipulait qu’un
violeur ne serait pas sujet à des poursuites judiciaires s'il épousait
sa victime; de la révision de l’article 98, qui réduisait la peine
pour les crimes d’honneur si le crime était «impulsif»; mais regrette
que l’article 340 du Code pénal, qui exempte de peine les hommes
qui ont tué leurs épouses, ou une femme de leur famille, prises
en flagrant délit d'adultère, et qui réduit la peine s’il y a présomption d’adultère
concernant la victime, n’ait pas été supprimé;
6.7. reconnaît les efforts entrepris, notamment par les organisations
de femmes, pour promouvoir la participation des femmes à la vie
politique et à la vie publique, pour lutter contre la discrimination
fondée sur le genre, pour assurer une égalité effective entre les
femmes et les hommes, et pour lutter contre la violence sexiste.
Elle appelle les autorités jordaniennes à agir de manière résolue
contre ce fléau, en coopération avec la société civile et plus spécifiquement
les organisations de femmes;
6.8. regrette que les tribunaux aient continué de prononcer
des condamnations à la peine capitale, alors qu’un moratoire de
fait sur les exécutions est censé être en place depuis 2006. En
décembre 2014, la Jordanie avait procédé à l’exécution de 11 hommes,
un mois plus tard elle a exécuté 2 prisonniers et, le 4 mars 2017,
elle a encore procédé à l’exécution de 15 personnes. L’Assemblée
condamne fermement toute forme de peine capitale. Elle invite instamment
le Parlement de Jordanie à intervenir auprès des autorités pour
mettre un terme aux exécutions et à réinstaurer le moratoire en
attendant l’abolition de la peine de mort dans le Code pénal, conformément
à l’attente de l’Assemblée lors de l’octroi du statut de partenaire
pour la démocratie;
6.9. salue le caractère généralement libre et pluraliste des
médias en Jordanie, mais déplore une certaine pression des autorités,
qui mène à l’autocensure;
6.10. note positivement les efforts menés dans la lutte contre
la corruption et le blanchiment d’argent. Ces efforts sont à soutenir
et à poursuivre.
7. L’Assemblée rappelle sa Résolution
2122 (2016) sur la détention administrative, qui souligne l’importance
du droit à la liberté et à la sûreté, et rappelle que la détention
purement préventive de personnes soupçonnées d’avoir l’intention
de commettre une infraction pénale n’est pas autorisée par l’article
5 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5),
selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits
de l’homme. Elle réitère par conséquent l’appel qu’elle avait adressé
au Parlement jordanien pour qu’il prenne des mesures en faveur de
l’abolition de la détention administrative dans des situations qui
ne respectent pas le droit à la liberté et à la sûreté, garanti
par la Convention, ainsi que par le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, auquel la Jordanie est Partie.
8. L’Assemblée appelle le Parlement de Jordanie à accélérer la
mise en œuvre de son engagement général pour la promotion des valeurs
fondamentales de l’État de droit et du respect des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, tout en s’attelant résolument aux
problèmes qui existent dans ces domaines, y compris ceux que signalent
les organisations de la société civile et les médias. L’Assemblée
offre, sur demande, son assistance à la délégation jordanienne,
pour lui permettre d’exercer pleinement son droit de participation
aux travaux de l’Assemblée.
9. L’Assemblée rappelle que, en accordant le statut de partenaire
pour la démocratie au Parlement de Jordanie, elle souhaitait favoriser
le rapprochement et la coopération entre la Jordanie et le Conseil
de l’Europe. Ces relations ne se sont toutefois pas établies réellement.
L’expertise des organes du Conseil de l’Europe (Assemblée, Secrétariat,
Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), Congrès des pouvoirs locaux et régionaux) est à la disposition
des autorités jordaniennes pour aider au renforcement des droits
de l’homme, de l’État de droit et de la démocratie en Jordanie.
10. L’Assemblée regrette vivement que, depuis l’octroi du statut
de partenaire pour la démocratie, la Jordanie n’ait adhéré à aucune
convention ou accord partiel du Conseil de l’Europe, pas davantage
qu’aux instruments internationaux pertinents en matière de droits
de l’homme, comme l’Assemblée l’avait demandé.
11. Cependant, l’Assemblée salue la participation active de la
délégation parlementaire jordanienne aux travaux de l’Assemblée
et de ses commissions. Cela permet à l’Assemblée de se tenir informée
de l’évolution politique du pays dans le sens des valeurs défendues
par le Conseil de l’Europe. Elle encourage les membres de la délégation
à rester vigilants et à jouer un rôle actif dans la mise en œuvre
du processus de réformes nécessaires à l’établissement de l’État
de droit, et au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
conformément aux engagements pris dans le cadre du partenariat.
12. Même si les réformes avancent plus lentement que prévu, des
réformes essentielles ont été réalisées, tant sur le plan de la
démocratie et des élections prévues que sur le plan de la décentralisation
ou sur le plan social (les lois favorables aux femmes). L’Assemblée
doit donc soutenir la Jordanie en ces moments difficiles, et poursuivre
et élargir son accompagnement dans une démarche progressive et de
confiance vers plus de démocratie et plus de droits. La Jordanie
et l’Europe ont tout à gagner de ce partenariat. La Jordanie est
sur la bonne voie.
13. En conclusion, l’Assemblée décide de continuer à suivre de
très près la mise en œuvre des réformes en Jordanie et d’offrir
toute son assistance au Parlement jordanien. Elle réévaluera ce
partenariat dans un délai de deux ans à compter de l’adoption de
la présente résolution.