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Résolution 2184 (2017)
Le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan
1. L’Assemblée parlementaire se réjouit
que les autorités azerbaïdjanaises se déclarent disposées à engager
des processus de réformes dans le domaine des droits de l’homme
et de l’État de droit, et se félicite du dialogue qu’elle entretient
avec les autorités dans le cadre de la procédure de suivi de l’Assemblée. Toutefois,
elle insiste sur le fait que cela devrait aboutir à des résultats
concrets. L’Assemblée est disposée à apporter un soutien aux processus
de réforme et à leur mise en œuvre conformément aux normes européennes.
2. L’Assemblée réaffirme que le respect du principe de séparation
des pouvoirs est essentiel et souligne la nécessité de renforcer
la fonction de contrôle du parlement sur l’exécutif en Azerbaïdjan.
L’Assemblée partage l’avis de la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise) selon lequel les récentes modifications
constitutionnelles pourraient amener l’exécutif à devoir rendre
moins de comptes au parlement.
3. L’Assemblée estime que le système judiciaire azerbaïdjanais
doit être véritablement indépendant, impartial et libre de toute
ingérence du pouvoir exécutif. Comme le Groupe d'États contre la
corruption et la Commission européenne pour l'efficacité de la justice
l’ont recommandé et reconnu, il convient de saluer les pouvoirs
étendus conférés au Conseil judiciaire et juridique concernant la
nomination et la promotion des juges, et les sanctions disciplinaires
à leur égard, mais des préoccupations subsistent concernant la composition
du Conseil judiciaire et juridique et le fait que l’exécutif conserve
des pouvoirs en ce qui concerne les nominations aux importants postes
de haut rang Si des progrès notables ont été réalisés en matière d’évaluation,
de formation et d’éthique des procureurs, l’Assemblée demeure préoccupée
par l’exercice d’un contrôle présidentiel sur le ministère public.
L’Assemblée salue les progrès accomplis dans la procédure de sélection
des nouveaux juges, au moyen de laquelle 60 % des juges en exercice
ont été sélectionnés.
4. L’Assemblée rappelle que l’indépendance et l’impartialité
du pouvoir judiciaire sont des conditions préalables à un système
de justice pénale conforme aux normes européennes. Comme l’a souligné
la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) dans sa jurisprudence,
l’Assemblée note avec inquiétude que des mesures beaucoup plus efficaces
doivent être prises pour renforcer l’indépendance de la justice
vis-à-vis de l’exécutif et des procureurs. Les lacunes mises en
évidence par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence
concernant les actions des procureurs, l’approbation par les tribunaux
des réquisitions du parquet, l’inefficacité des enquêtes, le non-respect
de la présomption d’innocence et l’inégalité des moyens n’ont pas
encore été traitées non plus.
5. Tout en saluant la réforme en cours lancée par le décret-loi
du Président de la République sur l’amélioration du fonctionnement
du système pénitentiaire, l’humanisation des politiques pénales
et l’extension de l’application de peines de substitution et de
mesures préventives non privatives de liberté, l’Assemblée appelle
les autorités à adopter et à appliquer rapidement la législation
requise pour sa mise en œuvre. L’Assemblée reste préoccupée par
les allégations relatives au recours excessif à la détention provisoire,
qui devrait être l’exception et non la règle, ainsi que par l’absence
de peines de substitution. Des modifications dans la pratique dépendront
essentiellement du degré d’indépendance de la justice et de changements
des méthodes employées par les services répressifs au cours des
enquêtes.
6. L’Assemblée exprime son inquiétude face au problème signalé
de l’application arbitraire de la législation pénale pour limiter
la liberté d’expression, comme l’a souligné le Comité des Ministres
dans le cadre de sa surveillance des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme. Depuis 2013, plusieurs journalistes et blogueurs
ont été arrêtés et inculpés (pour trafic de drogue ou hooliganisme).
Il y a le cas des groupes appelés les «prisonniers de Facebook»,
des jeunes envoyés en prison parce qu’ils ont critiqué la politique
des autorités sur Facebook.
7. L’Assemblée rappelle sa Résolution
2178 (2017) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme. Elle fait remarquer que plus de
120 arrêts rendus par la Cour à l’encontre de l’Azerbaïdjan n’ont
pas encore été exécutés ou ne l’ont été que partiellement. L’Assemblée
relève que peu de progrès ont été accomplis au regard de la mise
en œuvre de certains groupes d’arrêts, en particulier ceux concernant
les mauvais traitements et les violations du droit à un procès équitable,
de la liberté d’expression et de la liberté de réunion et d’association.
8. L’Assemblée exprime son inquiétude face aux mesures répressives
visant des médias indépendants et des défenseurs de la liberté d’expression
en Azerbaïdjan. Ces mesures sont préjudiciables à l’exercice effectif de
la liberté des médias et de la liberté d’expression, compromettent
la sécurité des journalistes et créent un climat de violence à l’égard
de ceux qui expriment des points de vue divergents. L’Assemblée
est particulièrement préoccupée par les récentes modifications apportées
aux lois sur la réglementation de l’internet et par les décisions
de justice visant à bloquer des sites web, et rappelle la nécessité
de protéger les droits fondamentaux dans le domaine du numérique.
L’Assemblée déplore les changements législatifs récents, en particulier
sur les chefs d’inculpation et les peines de prison concernant la
diffamation sur les médias sociaux, et réitère sa demande de longue
date en faveur d’une dépénalisation de la diffamation.
9. Tout en saluant les mesures prévues dans le décret présidentiel
en vue de l’amélioration des conditions de détention et la baisse
de 25 % du nombre de prévenus, l’Assemblée constate la persistance
d’une forte surpopulation carcérale et de conditions de vie toujours
insatisfaisantes dans certains établissements pénitentiaires.
10. L’Assemblée prend note du mécanisme de surveillance interne
du ministère de l’Intérieur, qui a donné lieu, au cours des cinq
dernières années, à des mesures disciplinaires contre 1 647 agents
de police, dont 156 ont été licenciés, 139 rétrogradés et 1 351
ont reçu un avertissement. L’Assemblée encourage les autorités à instaurer
un équilibre hommes-femmes y compris parmi les agents de police.
Elle rappelle que la mise en place d’un système indépendant, impartial
et effectif de recours en cas d’allégations de mauvais traitements
infligés par les forces de l’ordre est d’une importance cruciale
pour renforcer la confiance de la population dans les services répressifs
et le système judiciaire azerbaïdjanais en général. Elle souligne
la nécessité de s’assurer que les auteurs de comportements répréhensibles
ou de mauvais traitements ne restent pas impunis. Il est de la plus
haute importance que toutes les allégations de torture et de mauvais
traitements fassent l’objet d’une enquête approfondie, menée avec
célérité. Dans ce contexte, l’Assemblée regrette que, à ce jour,
seuls quatre des dix rapports de visite en Azerbaïdjan du Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (CPT) aient été rendus publics, six rapports,
relatifs aux visites périodiques menées en 2011 et 2016, et aux
visites ad hoc effectuées en 2004, 2012, 2013 et 2015, n’ayant pas
encore été publiés. Cependant, elle se félicite de ce que les autorités
aient l’intention de rendre publics les rapports restants du CPT.
11. L'Assemblée est également préoccupée par les arrestations
massives de personnes homosexuelles et transgenres qui ont été rapportées,
et les allégations de mauvais traitements par la police, et demande
que des enquêtes indépendantes et efficaces soient menées sur les
actions de la police; l'Assemblée prend note de la libération de
ces personnes intervenue entre-temps.
12. L’Assemblée salue la loi sur le Code de déontologie des députés
au Parlement national visant à prévenir la corruption, qui prévoit
des mesures relatives à la divulgation obligatoire des conflits
d’intérêts des députés. Cependant, l’Assemblée constate de manière
très préoccupante que des rapports font état d’un lien entre le Gouvernement
azerbaïdjanais et un système de blanchiment de capitaux à grande
échelle, qui a fonctionné dans les années 2012 à 2014 et a notamment
servi à influencer l’action de membres de l’Assemblée à l’égard de
la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan. L’Assemblée invite
instamment les autorités azerbaïdjanaises à ouvrir sans tarder une
enquête indépendante et impartiale sur ces allégations et, par ailleurs,
à coopérer pleinement avec les autorités et les organes internationaux
compétents sur cette question.
13. Le cadre législatif dans lequel fonctionnent les organisations
non gouvernementales (ONG) à but non lucratif, comprenant le règlement
des questions portant sur leur enregistrement par l’État, leur financement
et les obligations de rendre compte, est restrictif et a été jugé
non conforme aux normes européennes par plusieurs organes du Conseil
de l’Europe. Les changements limités récemment apportés aux règles
en matière de subventions n’ont pas permis de lever tous les obstacles
juridiques qui entravent le bon fonctionnement et le financement
des organisations non gouvernementales. Compte tenu de la législation
et des pratiques en vigueur, un certain nombre d’ONG locales et
internationales des droits de l’homme ont été empêchées de poursuivre
leurs activités, ont subi des pressions et ont parfois fait l’objet
d’enquêtes. Une partie des arrestations, des placements en détention
et des condamnations de défenseurs des droits de l’homme azerbaïdjanais
serait due à des dysfonctionnements de la législation sur les ONG
et à la manière dont celle-ci est appliquée. Au vu de ce qui précède,
l’Assemblée salue le décret présidentiel relatif à la mise en place
d’un guichet unique concernant la procédure de versement des dons
provenant de donateurs étrangers sur le territoire de la République
d’Azerbaïdjan et appelle les autorités à continuer de réviser la
loi sur les organisations non gouvernementales afin de répondre
aux préoccupations exprimées par la Commission de Venise et de créer
un meilleur environnement pour les activités légitimes des ONG,
y compris celles exprimant des avis critiques. L’Assemblée se réjouit
de la création de la plateforme de dialogue du Partenariat pour
un gouvernement ouvert, en coopération avec la communauté internationale,
en vue de renforcer la coopération, la communication et le partenariat
entre les organes de l’État et les organisations de la société civile,
et de contribuer à l’expansion des principes et valeurs du Partenariat
pour un gouvernement ouvert en Azerbaïdjan. L’Assemblée demande
aux autorités d’inviter l’ensemble des organisations de la société
civile, des ONG et des partis politiques à contribuer à cette plateforme.
Rappelant que les ONG enrichissent les processus démocratiques,
l’Assemblée appelle les autorités à faciliter et à encourager leur
travail. Le Partenariat pour un gouvernement ouvert a déclaré l’appartenance
de l’Azerbaïdjan non active pour la deuxième fois en mai 2016, compte
tenu du traitement réservé à la société civile par le gouvernement,
en exhortant l’Azerbaïdjan à lever les obstacles fondamentaux qui
entravent l’action des organisations de la société civile sur les
plans législatif et pratique.
14. L’Assemblée se dit préoccupée par les allégations relatives
à l’existence d’un climat de restrictions qui pèse sur les activités
de l’opposition extraparlementaire, ainsi que de limitations imposées
à la liberté de réunion. Le manque de précision et de prévisibilité
de la législation et de la pratique en matière de rassemblements
publics conduirait à une interdiction de ces rassemblements, y compris
à des arrestations arbitraires et à la détention de protestataires,
éléments qui ont pour effet de nuire à l’exercice du droit à la liberté
de réunion.
15. Tout en saluant la libération en 2016 et 2017 – parfois à
la suite d’une grâce présidentielle ou de décisions de justice –
de certains desdits «prisonniers politiques»/«prisonniers d’opinion»,
y compris les récentes libérations de Mehman Aliyev et de Faiq Amirli,
ainsi que la libération conditionnelle de 14 personnes déclarées
coupables dans l’affaire dite de Nardaran, ce qu’elle considère
comme une première étape positive, l’Assemblée demeure préoccupée
par les informations faisant état de poursuites et du maintien en
détention de dirigeants d’ONG, de défenseurs des droits de l’homme,
de militants politiques, de journalistes, de blogueurs et d’avocats,
en s’appuyant sur des allégations d’infractions en relation avec
leurs activités. L’Assemblée est préoccupée par le fait que de nouvelles
arrestations après les libérations risquent d’affaiblir les signaux
positifs envoyés par les remises en liberté.
16. Compte tenu de l’ensemble de ces préoccupations et de ces
développements, l’Assemblée appelle les autorités azerbaïdjanaises:
16.1. à mettre fin à la répression
systématique des défenseurs des droits de l'homme, des médias et des
personnes qui critiquent le gouvernement, y compris aux poursuites
à motivation politique; à permettre un contrôle judiciaire effectif
de telles tentatives; et à faire en sorte que le climat général
puisse devenir propice au pluralisme politique dans la perspective
des élections d’octobre 2018;
16.2. à garantir rapidement la pleine exécution des décisions
de la Cour européenne des droits de l’homme, et à coopérer plus
étroitement avec le Comité des Ministres et le Service de l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans ce
contexte, l’Assemblée prend note de ce que le Comité des Ministres
a chargé le Secrétariat de préparer un projet de résolution intérimaire
de mise en demeure de l’Azerbaïdjan, conformément à l’article 46.4
de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5)
et de faire part de l’intention du Comité des Ministres de saisir
la Cour pour déterminer si l’Azerbaïdjan a ou non manqué à son obligation
découlant de l’article 46.1, pour examen lors de la 1298e réunion
de ce dernier (25 octobre 2017), si aucun progrès tangible ne devait
être accompli pour assurer la libération de Ilgar Mammadov;
16.3. à examiner les affaires desdits «prisonniers politiques»/«prisonniers
d’opinion» placés en détention du chef d’une infraction pénale,
à la suite de procès dont la conformité avec les normes relatives
aux droits de l’homme a été contestée par la Cour européenne des
droits de l’homme, la société civile et la communauté internationale,
et à utiliser tous les moyens possibles pour libérer les détenus
dont l’incarcération soulève des doutes justifiés et des préoccupations
légitimes, en particulier, mais pas seulement, Ilgar Mammadov, Ilkin
Rustamzade, Mehman Huseynov, Afgan Mukhtarli, Said Dadashbayli,
Fuad Gahramanli et Aziz Orujov;
16.4. concernant l’équilibre entre les pouvoirs, à renforcer
l’application du principe de séparation des pouvoirs et, en particulier,
à affermir le contrôle parlementaire de l’exécutif;
16.5. concernant le pouvoir judiciaire:
16.5.1. à poursuivre
les réformes du système judiciaire et du ministère public de manière
à garantir la pleine indépendance de la justice, à l’égard en particulier
de l’exécutif, afin de rétablir la confiance de la population dans
le système judiciaire;
16.5.2. à prendre les mesures nécessaires pour résoudre les problèmes
mis en évidence dans les arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme au sujet de l’indépendance, de l’impartialité et de l’équité
des procédures pénales;
16.5.3. à s’abstenir de toute application injustifiée des dispositions
de droit pénal dans le but de limiter la liberté d’expression;
16.5.4. à veiller à ce que la détention provisoire ne soit imposée
qu’en tant que mesure de dernier recours et dans le respect des
normes du Conseil de l’Europe en termes de nécessité et de proportionnalité,
et à privilégier l’application de mesures moins intrusives;
16.5.5. à s’assurer également qu’aucune pression n’est exercée
sur les avocats défendant des représentants d’ONG, des militants
politiques, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes;
16.5.6. à mettre en place un système de justice pour mineurs;
16.6. concernant la liberté des médias et la liberté d’expression:
16.6.1. à créer des conditions permettant aux journalistes de
travailler librement, à veiller à ce qu’aucune pression ne soit
exercée sur eux et, notamment, à abandonner toutes les charges retenues
contre Mehman Aliyev et les mesures qui ont aussi un impact sur
le fonctionnement de l’agence de presse Turan;
16.6.2. à assurer un contrôle juridictionnel véritablement indépendant
et impartial des affaires concernant des journalistes, à lutter
contre la répression exercée à l’encontre de journalistes indépendants
et à garantir à l’avenir l’absence de poursuites à l’encontre de
journalistes indépendants et de blogueurs sur la base d’accusations
qui seraient fabriquées de toutes pièces;
16.6.3. à continuer d’intensifier les efforts en vue de la dépénalisation
de la diffamation, en coopération avec la Commission de Venise,
et, d’ici là, à retirer du Code pénal les sanctions pénales sévères,
comme les peines d’emprisonnement pour diffamation;
16.7. concernant la liberté d’association et la liberté politique:
16.7.1. à apporter de nouvelles modifications au cadre juridique
relatif au fonctionnement et au financement des organisations de
la société civile de manière à assurer sa pleine conformité avec
les normes du Conseil de l’Europe, y compris en abrogeant les lois
restrictives, en débloquant les comptes bancaires des ONG et de
leurs responsables, et en autorisant leur accès à des fonds indépendants;
16.7.2. à s’assurer qu’aucune forme de pression ou de répression
n’est exercée à l’égard des organisations de la société civile et
de leurs membres, et à créer un environnement propice aux activités
des ONG, en levant les interdictions de voyager frappant des responsables
d’ONG, des journalistes et des militants politiques, y compris Intigam
Aliyev, avocat spécialisé dans la défense des droits de l'homme,
et Khadija Ismayilova, journaliste d’investigation;
16.7.3. à modifier la législation et la pratique nationales concernant
les rassemblements publics afin de satisfaire aux exigences de l’article
11 de la Convention européenne des droits de l’homme, et à enquêter
sur tout usage excessif de la force par la police contre des manifestants pacifiques;
16.8. concernant les conditions de détention et les allégations
de torture et de mauvais traitements par des agents de la force
publique:
16.8.1. à garantir la publication de tous les rapports
du CPT non publiés et à mettre en œuvre les recommandations qui
y sont formulées;
16.8.2. à garantir la conduite d’enquêtes efficaces de tous les
cas signalés de violations présumées en vue de traduire les auteurs
en justice, et à prendre des mesures pour mettre en place un système
indépendant, transparent et effectif de recours en cas d’allégations
de mauvais traitements infligés par les services répressifs.