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Résolution 2186 (2017)
Appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne, et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe
1. L’Assemblée parlementaire se déclare
préoccupée par les défis politiques majeurs, aussi bien à l’intérieur
qu’à l’extérieur des frontières de l’Europe, qui menacent actuellement
le continent et son unité: le risque quotidien d’attentats terroristes;
la montée de l’euroscepticisme, du nationalisme, du populisme et
de la xénophobie; la persistance de conflits gelés et ouverts; l’annexion
ou l’occupation de territoires de pays voisins; la prolongation
de mesures d’’état d’urgence et la réapparition de divisions. Des
guerres aux portes de l’Europe menacent la sécurité du continent
et ont provoqué des afflux massifs de réfugiés et de migrants.
2. L’efficacité et l’autorité du système de protection des droits
de l'homme, unique en son genre, fondé sur la Convention européenne
des droits de l'homme (STE no 5), sont
menacées par diverses tentatives visant à amoindrir l’autorité de
la Cour européenne des droits de l'homme, par le manque de volonté
politique, de la part de certains États parties, de mettre en œuvre
ses arrêts malgré leur force juridiquement contraignante, ou par
des retards dans leur exécution.
3. Des évolutions récentes au sein de l’Union européenne, y compris
les procédures en cours, relatives à des infractions et à la sauvegarde
de l’État de droit, engagées contre certains de ses États membres,
le manque de solidarité dans la gestion de la crise des réfugiés
et des migrants, ainsi que la décision du Royaume-Uni de quitter
l’Union européenne, constituent aussi des défis pour le Conseil
de l'Europe, puisqu’il offre un cadre sans équivalent permettant
une coopération entre les États européens qui sont membres de l’Union
européenne et ceux qui ne le sont pas.
4. Dans ce contexte, l'Assemblée estime que le Conseil de l'Europe
et les valeurs qu'il défend sont aujourd'hui plus nécessaires que
jamais: étant à l’origine de la construction européenne; réunissant
la quasi-totalité des États européens sur la base d’une communauté
de valeurs et de principes, et donc garant naturel de l’«unité dans
la diversité»; offrant un espace juridique commun à 835 millions
d’Européens, leur garantissant la protection des droits de l’homme;
promouvant les droits sociaux et la démocratie, et contribuant au
développement d’une société civile européenne, le Conseil de l’Europe
est aujourd’hui le mieux placé pour aider à relever les défis liés
à la montée du nationalisme et éviter que se dressent de nouveaux
murs.
5. Aux côtés de l’Union européenne, dont l’ambitieux projet d’intégration
ne couvrira jamais tout le continent, et de l’Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui englobe aussi
des États non européens, le Conseil de l’Europe, composé de 47 États
européens, demeure la seule organisation paneuropéenne capable de
promouvoir et de garantir la sécurité démocratique sur l'ensemble
du continent.
6. Afin de préserver et de renforcer davantage ce projet paneuropéen
singulier, actuellement menacé par des divisions et un affaiblissement
de l’engagement des États membres, l’Assemblée appelle à organiser
un 4e sommet des chefs d’État et de gouvernement
des États membres du Conseil de l'Europe.
7. Dans une Europe qui a profondément changé depuis le dernier
sommet, tenu à Varsovie en 2005, et alors que le monde entier semble
en pleine mutation, un sommet offrirait aux États membres une occasion exceptionnelle
de réaffirmer, le plus énergiquement possible et au plus haut niveau
politique, leur engagement envers l'idéal d'unité européenne et
les valeurs et principes, en termes de démocratie, de droits de
l’homme et d’État de droit qui sont défendus par le Conseil de l’Europe.
Les États membres devraient exprimer clairement leur volonté de
continuer de faire partie d’une seule et même communauté, qui partage
des valeurs communes, un ordre juridique commun et une juridiction
commune, et qui est capable de faire de ses divergences internes
un atout.
8. Le 4e sommet devrait avoir des
objectifs bien circonscrits, et pourrait notamment donner l’élan
politique nécessaire:
8.1. pour
augmenter l’efficacité et l’autorité du système de protection des
droits de l'homme, fondé sur la Convention européenne des droits
de l'homme, inverser les tendances actuelles qui amoindrissent l’autorité
de la Cour européenne des droits de l'homme et améliorer le niveau
de mise en œuvre de ses arrêts par les États membres;
8.2. pour renforcer le système de contrôle de la Charte sociale
européenne révisée (STE no 163), notamment
son système de réclamations collectives et son mécanisme de suivi
(en particulier concernant l’élection des membres du Comité européen
des Droits sociaux par l’Assemblée), en réaffirmant le fait que
seules la jouissance des droits socio-économiques et l’inclusion
sociale permettent aux citoyens d’exercer pleinement leurs droits
civils et politiques;
8.3. pour encourager les États membres à adopter des mesures
efficaces contre les phénomènes croissants de la pauvreté et de
l’esclavage moderne, et montrer ainsi aux citoyens européens que
les institutions européennes ne sont pas indifférentes à leurs problèmes
ni aux réalités concrètes de leur vie quotidienne;
8.4. pour reconnaître la contribution précieuse apportée par
le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe à la
mise en place de politiques durables, axées sur les droits de l'homme,
aux niveaux national et local, sur l’ensemble du continent, ainsi
que le rôle joué par les organes normatifs et de suivi de l’Organisation;
8.5. pour renforcer la mission du Conseil de l'Europe à la
fois de gardien et de laboratoire de la démocratie, notamment en
renforçant le rôle de l’Assemblée parlementaire en tant que solide
pilier du parlementarisme européen, réunissant les représentants
des citoyens de la quasi-totalité des États européens, et en consolidant
le rôle de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) en tant qu’organe expert en droit constitutionnel, qui
promeut la démocratie à l’intérieur et à l’extérieur des frontières
de l’Europe.
9. Le sommet devrait aussi viser à consolider la confiance des
citoyens dans les institutions démocratiques et les valeurs démocratiques,
et proposer des moyens d’accroître la participation des citoyens
et la consultation de la société civile pour trouver des solutions
communes à des problèmes communs. Il pourrait ainsi rapprocher l’Organisation
des citoyens qu’elle sert et contribuer à l’émergence d’une société
civile européenne.
10. Alors que l’Union européenne doit faire face à de nombreux
défis et réfléchit, elle aussi, à l’avenir de l’Europe, le sommet
constituerait une opportunité nouvelle et propice de définir, au
plus haut niveau politique, le rôle que le Conseil de l'Europe devrait
jouer dans l’ensemble de l’architecture politique européenne. Dans une
Europe de cercles concentriques, les chefs d’État et de gouvernement
des 47 États membres du Conseil de l'Europe, qui représentent le
cercle le plus large, devraient assurer la cohérence des normes
entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne, éviter les doubles
emplois et harmoniser au mieux les différents niveaux de leur coopération,
avant tout dans l’intérêt des citoyens européens. À cette fin, l’Assemblée demande
aux chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil
de l'Europe de réexaminer le rapport de 2006 intitulé «Conseil de
l’Europe-Union européenne: une même ambition pour le continent européen»
et d’arrêter un calendrier spécifique pour la mise en œuvre des
propositions qu’il contient, en vue d’éliminer les doubles emplois
entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne.
11. L'Assemblée note que, pour être efficace, la préparation du
sommet exige le développement de synergies entre tous les secteurs
de l’Organisation, coordonnées par son Secrétaire Général, et surtout
entre ses deux organes statutaires. Bien que la responsabilité en
incombe essentiellement au Comité des Ministres, l’Assemblée, affermie
par les récentes réformes, doit s’attendre à jouer un rôle important
dans la préparation du sommet, d’autant plus qu’elle promeut cette
idée depuis plusieurs années.
12. À cet égard, il y a actuellement une incohérence dans la composition
des deux organes statutaires: à la suite de l’annexion illégale
de la Crimée par la Fédération de Russie et de la décision de l’Assemblée d’appliquer,
pour ce motif, des sanctions à l’égard de la délégation parlementaire
russe, un des États membres du Conseil de l’Europe, la Fédération
de Russie, participe aux activités et se fait représenter dans les
instances d’un seul des deux organes statutaires de l’Organisation,
à savoir le Comité des Ministres, mais non l’Assemblée, et ce depuis
maintenant trois années consécutives. L’Assemblée regrette que,
en réaction à cette situation, la Fédération de Russie ait annoncé,
le 30 juin 2017, sa décision de suspendre le versement de sa contribution
au budget du Conseil de l'Europe pour 2017 jusqu’au rétablissement
complet et inconditionnel des pouvoirs de la délégation de son Assemblée
fédérale au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
13. L'Assemblée considère que la situation générale au sein de
l’Organisation a aujourd’hui un effet contreproductif, notamment
en ce qu’elle nuit à sa portée globale en tant que gardienne des
droits de l'homme et de la démocratie sur l’ensemble du continent,
ce qui n’est pas dans l’intérêt des citoyens des 47 États membres.
14. L’Assemblée note que le Statut du Conseil de l'Europe (STE
no 1), complété par la Résolution statutaire (51) 30,
prévoit une synergie entre les deux organes statutaires en ce qui
concerne la composition de l’Organisation.
15. Cependant, au fil des ans, et en particulier après l’élargissement
de l’Organisation dans les années 1990, l’Assemblée a mis en place
des règles régissant les droits de participation des membres des
délégations nationales à ses propres activités, ainsi que leurs
droits de représentation dans ses propres instances, sans prévoir
aucune forme de synergie ou de cohérence avec le Comité des Ministres.
16. En conséquence, l'Assemblée décide d'engager, dans le cadre
des préparatifs du sommet, une procédure visant à harmoniser, conjointement
avec le Comité des Ministres, les règles régissant la participation
et la représentation des États membres dans les deux organes statutaires,
tout en respectant pleinement l’autonomie de ces organes. Cette
cohérence devrait renforcer le sens d’appartenance à une communauté
et des obligations qui incombent à chaque État membre.
17. Cette réflexion commune pourrait être menée conjointement
par l'Assemblée et le Comité des Ministres au sein d'un groupe de
travail ad hoc qui serait mis en place par le Comité mixte. Afin
de garantir la crédibilité et le succès de ce processus, l’Assemblée
dans son ensemble et chaque État membre devraient faire le maximum
pour que tous les États membres de l’Organisation soient pleinement
représentés dans le cadre de ce processus, à la fois du côté parlementaire
et du côté intergouvernemental dans le strict respect de leurs obligations
et résolutions respectives.
18. Dans l'intervalle, et dans le cadre de la préparation du sommet,
l’Assemblée décide de poursuivre sa propre réflexion sur son identité,
son rôle et sa mission en tant qu’organe statutaire du Conseil de
l'Europe et en tant que forum paneuropéen de dialogue interparlementaire
qui vise à avoir un impact dans tous les États membres du Conseil
de l’Europe. Cette réflexion permettrait aussi à l’Assemblée de
donner sa propre vision de l’avenir de l’Organisation.