Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 14450 Part 2 (EE) | 14 décembre 2017

L'évolution de la procédure de suivi de l'Assemblée (janvier-décembre 2017) et l’examen périodique du respect des obligations de l’Estonie, de la Grèce, de la Hongrie et de l’Irlande

Rapport d'examen périodique: Estonie

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Rapporteur : M. Cezar Florin PREDA, Roumanie, PPE/DC

Origine - Voir également Doc. 14450 Partie 1, Partie 3, Partie 4 et Partie 5. 2018 - Première partie de session

Résumé

Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ne faisant pas l’objet d’une procédure de suivi stricto sensu ou n’étant pas engagés dans un dialogue postsuivi font l’objet d’un examen périodique régulier par la commission de suivi concernant le respect des obligations découlant de leur adhésion au Conseil de l’Europe. Dans ce rapport, la commission présente l’examen périodique de l’Estonie. La commission a conclu que l’Estonie, dans l’ensemble, remplit ses obligations découlant de son adhésion au Conseil de l’Europe et que le fonctionnement de ses institutions démocratiques est globalement conforme aux normes du Conseil de l’Europe. Cependant, les sujets de préoccupation qui ont été soulevés et les recommandations qui ont été faites à cet égard nécessitent une action rapide par les autorités.

A. Exposé des motifs, par M. Cezar Florin Preda, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La région de la mer Baltique occupe une position stratégique à la frontière de l’Europe nord-orientale qui, de tout temps, a nourri les rêves impériaux des puissances régionales. L’histoire de l’Estonie, le plus septentrional des États baltes, est ainsi marquée par les conquêtes et les menaces constantes de domination par des puissances étrangères, notamment la Suède, le Danemark, l’Empire russe, l’Allemagne et l’Union soviétique. Après avoir gagné son indépendance en 1918, l’Estonie va connaître cinquante ans d’occupation soviétique suite à la seconde guerre mondiale et devra attendre 1991 pour recouvrer son indépendance. Depuis que les dernières troupes russes ont quitté le pays en 1994, l’Estonie a renforcé ses liens économiques et politiques avec l’Europe occidentale; elle est devenue membre de l’Union européenne en mai 2004 et membre de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) en avril 2004, et a adopté l’euro comme monnaie.
2. Dans la dernière étude «Indicateurs de gouvernance durable» 
			(1) 
			Indicateurs de gouvernance
durable/<a href='http://www.sgi-network.org/2014/'>Sustainable
Governance Indicators</a> (SGI), étude de la Fondation Bertelsmann., l’Estonie s’impose comme l’ancienne république soviétique la plus performante, mais également parmi les mieux classés de tous les pays. Du point de vue de l’indicateur de performance des politiques menées (Indicateurs de gouvernance durable, performance des politiques menées), qui mesure la qualité des politiques économiques, sociales et environnementales, l’Estonie se place en septième position et n’est devancée que par la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark, la Suisse et l’Allemagne. Ce classement témoigne de la transformation réussie de l’Estonie d’une autocratie à économie centralisée en une démocratie basée sur le marché.
3. L’Estonie est un petit pays avec une superficie de 45 228 km2, une population de 1 317 800 habitants 
			(2) 
			Chiffre au 1er janvier
2017, selon les premières estimations du Bureau estonien des statistiques. et une densité de population de 29 habitants/km2. Compte tenu de sa faible population, le pays a pris la décision politique d’investir massivement dans les nouvelles technologies de l’information pour promouvoir l’efficience et l’innovation. L’Estonie («e-Estonie») est une nation à la pointe du numérique 
			(3) 
			<a href='https://www.visitestonia.com/en/why-estonia/estonia-is-a-digital-society'>https://www.visitestonia.com/en/why-estonia/estonia-is-a-digital-society</a>..
4. En décembre 2014, l’Estonie a lancé un programme d’«e-résidence», sous la forme d’une identité numérique sécurisée permettant aux non-résidents d’accéder aux services électroniques estoniens depuis n’importe quel pays du monde, et notamment en matière de création d’entreprises, d’opérations bancaires, de traitement des paiements et de fiscalité. La résidence électronique offre la possibilité à quiconque dans le monde d’obtenir une identité numérique délivrée par le gouvernement et de gérer une entreprise digne de confiance en ligne. Ce statut d’«e-résident», sans rapport avec le statut de citoyenneté, ne donne pas le droit d’entrer ou de résider en Estonie.
5. L’Estonie est devenue le 27e État membre du Conseil de l’Europe le 14 mai 1993. Au moment de son adhésion, elle s’est engagée à respecter les obligations qui incombent à tout État membre au titre de l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1) concernant la démocratie pluraliste, la prééminence du droit et les droits de l’homme. Une procédure de suivi la concernant a été engagée en vertu de la Directive 488 (1993), puis de la Directive 508 (1995). L’Estonie a été le premier pays d’Europe centrale et orientale pour lequel l’Assemblée parlementaire a clos la procédure de suivi sur le respect des obligations et engagements au moyen de la Résolution 1117 (1997). La procédure de suivi a été remplacée par un dialogue postsuivi axé sur les domaines suivants: le traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile, la minorité russophone «non historique», ainsi que les conditions de garde à vue ou de détention et l’abolition de la peine de mort. Le dialogue postsuivi concernant l’Estonie a pris fin en décembre 2000.
6. Au 23 octobre 2017, l’Estonie avait ratifié 101 traités du Conseil de l’Europe et signé 12 traités additionnels sans ratification. Elle a ratifié le Protocole no 16 à la Convention européenne des droits de l'homme (STCE no 214) le 31 août 2017, la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) le 5 février 2015 et la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201) le 22 novembre 2016. Elle a signé la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210) le 2 décembre 2014 et le Protocole additionnel à la Convention pour la prévention du terrorisme (STCE no 217) le 22 octobre 2015.
7. Ce rapport périodique a été élaboré en application de la Résolution 2018 (2014) et de la note explicative approuvée par la commission le 17 mars 2015. Il repose, entre autres, sur les plus récentes conclusions des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, les rapports de l’Assemblée parlementaire et du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe et, le cas échéant, sur les rapports établis par d’autres organisations internationales et la société civile.
8. Ce rapport périodique ne se conçoit pas comme une étude exhaustive, mais comme une analyse des développements intervenus en Estonie eu égard aux normes du Conseil de l’Europe. Il porte plus spécifiquement sur des points essentiels identifiés par le rapporteur sur la base des évolutions géopolitiques, politiques et sociales et des rapports des mécanismes de suivi. Après avoir examiné l’évolution des institutions politiques dans le pays ces dernières années, le rapporteur s’est consacré à l’étude des relations entre l’Estonie et la Fédération de Russie, par laquelle passe la compréhension de bien des problématiques dans ce pays. Le rapporteur a accordé une attention toute particulière aux questions de citoyenneté et d’apatridie, ainsi qu’à la situation de la minorité russe dans le pays. En tant que pays ultra-connecté, l’Estonie est un exemple de démocratie électronique avec ses mécanismes, ses défis et ses menaces propres. Doté d’un système judiciaire efficace et indépendant qui a la confiance des citoyens, c’est un pays où prévaut globalement le principe de la prééminence du droit. Bien que l’Estonie soit habituellement considérée comme l’un des pays les moins corrompus d’Europe centrale et orientale, elle n’a pas été épargnée par la corruption politique ces dernières années. Dans le domaine des droits de l’homme, le rapporteur n’a pas identifié de problème systémique inquiétant, comme en témoigne le nombre limité de violations de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) constatées concernant l’Estonie. Plusieurs questions spécifiques en matière de droits de l’homme sont ici examinées.
9. Je tiens à remercier la délégation estonienne auprès de l'Assemblée parlementaire et les autorités estoniennes pour leur coopération active et constructive, et à saluer les commentaires approfondis fournis par un certain nombre d'institutions en Estonie. Alors que l’avant-projet de rapport saluait déjà les évolutions positives observées dans le pays concernant la mise en œuvre des normes du Conseil de l'Europe, des développements positifs sont intervenus depuis l’examen préliminaire par la commission de suivi en mai 2017. Ces faits nouveaux sont reflétés dans le présent rapport.

2. Contexte

10. Selon l’étude Eurobaromètre Standard 85 de 2016 de la Commission européenne 
			(4) 
			<a href='http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/yearFrom/1974/yearTo/2015/surveyKy/2098/'>http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/yearFrom/1974/yearTo/2015/surveyKy/2098/</a>., les Estoniens sont plus nombreux que la moyenne des Européens à avoir confiance dans leurs principales institutions. Leur confiance dans les grandes institutions publiques reste forte, et notamment dans leur système juridique et leur gouvernement, où elle est plus élevée que la moyenne de l’Union européenne. Respectivement 80 % et 78 % des citoyens estoniens ont confiance dans la police et les forces armées; ce chiffre est de 62 % pour le système juridique, 53 % pour les autorités municipales et 53 % pour l’administration publique. Les pourcentages de confiance dans le gouvernement (43 %), le parlement (33 %) et les partis politiques (14 %) sont aussi plus forts que la moyenne de l’Union européenne 
			(5) 
			 <a href='http://ec.europa.eu/COMMFrontOffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/surveyKy/2130'>http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/surveyKy/2130/</a>.. Par rapport à l’Eurobaromètre Standard 84 de 2015 
			(6) 
			<a href='http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/yearFrom/1974/yearTo/2015/surveyKy/2098/'>http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/STANDARD/yearFrom/1974/yearTo/2015/surveyKy/2098/.</a>, si la confiance dans le Parlement (le Riigikogu) et les partis politiques s’est quelque peu effritée, elle a augmenté en 2016 concernant les autorités municipales et l’Union européenne (de respectivement 8 % et 4 %).
11. L’Estonie est une démocratie parlementaire avec un parlement monocaméral. Le Parlement estonien (le Riigikogu), qui compte 101 membres, est élu au scrutin de liste par circonscription à la représentation proportionnelle. Le chef du gouvernement est le Premier ministre, et généralement le chef du parti qui a obtenu le plus de sièges au parlement ou un nombre suffisant pour former une coalition majoritaire. Le Président, qui n’est qu’une figure symbolique sans pouvoir exécutif, est élu par le Riigikogu ou un collège électoral spécial pour un mandat de cinq ans. Le collège électoral est convoqué si aucun des candidats n’a obtenu la majorité des deux tiers au Riigikogu à l’issue de trois tours de scrutin. Formé de l’ensemble des membres du Riigikogu et de représentants élus des collectivités locales, il élit le Président en choisissant entre les deux candidats ayant obtenu le plus fort pourcentage de suffrages aux premiers tours de scrutin.
12. Mme Kersti Kaljulaid, ancienne fonctionnaire de l’État qui a représenté l’Estonie à la Cour des comptes européenne de 2004 à 2016, a été élue Présidente de l’Estonie en octobre 2016. Les trois tours de scrutin au parlement n’ayant permis à aucun candidat d’obtenir la majorité requise, deux tours de scrutin ont été organisés au collège électoral, qui n’est pas non plus parvenu à désigner un président parmi les cinq candidats en lice. Les six partis siégeant au parlement se sont alors mis d’accord pour proposer un unique candidat.
13. L’Estonie a été durement touchée par la crise financière internationale de 2008-2009. Le gouvernement de coalition de droite composé du Parti de la réforme et de l’Union Pro Patria et Res Publica a adopté des politiques d’austérité rigoureuses. De 2005 à 2014, le Premier ministre M. Andrus Ansip, chef du Parti libéral de la réforme, a été à la tête de trois coalitions gouvernementales. À l’approche des élections nationales de 2015, la cote du gouvernement de coalition était en baisse du fait notamment des mesures d’austérité qui se prolongeaient et du scandale entourant le financement des partis. Et, en février 2014, M. Andrus Ansip a démissionné de ses fonctions de Premier ministre pour permettre au Parti de la réforme de choisir un nouveau chef avant les élections nationales de 2015.
14. Les élections législatives (au Riigikogu) de 2015, qui se sont tenues le 1er mars 2015 
			(7) 
			Résultats des élections
de 2015 au Riigikogu: Parti estonien de la réforme, 30 sièges, 27,7 %
des votes; Parti centriste estonien, 27 sièges, 24,8 % des votes;
Parti social-démocrate, 15 sièges, 15,2 % des votes; Union Pro Patria
et Res Publica, 14 sièges, 13,7 % des votes; Parti estonien de la
liberté, 8 sièges, 8,7 % des votes; Parti populaire conservateur
d’Estonie, 7 sièges, 8,1 % des votes; Parti des Verts estonien,
0 siège, 0,9 % des votes; Parti de l’union du peuple, 0 siège, 0,4 %
des votes; Parti estonien de l’indépendance, 0 siège, 0,2 % des
votes; Parti de l’union de la gauche, 0 siège, 0,1 % des votes;
candidats indépendants (11), 0 siège, 0,2 % des votes., ont été éclipsées par les inquiétudes sécuritaires suscitées par l’annexion de la Crimée par la Russie. Elles ont aussi été marquées par une vague de populisme autour de problématiques sociales et par la politisation de la question des réfugiés et de ses répercussions socioculturelles.
15. Le Parti de la réforme au pouvoir, nouvellement dirigé par M. Taavi Rõivas, a obtenu 30 des 101 sièges au parlement. Le Parti centriste, dirigé par le maire de Tallinn, M. Edgar Savisaar, populaire parmi l’importante minorité russe, est arrivé en deuxième position avec 27 sièges. Le Parti social-démocrate est arrivé troisième avec 15 sièges. À droite, l’Union Pro Patria et Res Publica a perdu 6,8 % de ses voix en ne conservant que 14 sièges. Le Parti de la liberté (nationaliste, conservateur et contestataire), avec 8 sièges, et le Parti populaire conservateur d’Estonie (extrême droite populiste et contestataire) avec 7 sièges, ont fait leur entrée au parlement.
16. De longues négociations ont abouti à la formation d’une coalition composée du Parti de la réforme, du Parti social-démocrate et de l’Union Pro Patria et Res Publica Union (IRL). Le Parti de la réforme avait déjà formé des coalitions avec le Parti social-démocrate et l’IRL, qui ont successivement gouverné à ses côtés.
17. Le 9 novembre 2016, le Gouvernement de l’Estonie est tombé après que deux partis minoritaires de la coalition ont réclamé le départ du Premier ministre, M. Taavi Rõivas, et que l’opposition a déposé une motion de censure au parlement qui a entraîné sa démission. Les travaux du gouvernement avaient été entravés par de profonds différends politiques entre le Parti de la réforme et ses partenaires de coalition, le Parti social-démocrate orienté à gauche et l’IRL conservateur. Des visions conflictuelles au sujet de la fiscalité et de l’amélioration de l’état de l’économie du pays, jugée stagnante par les deux partenaires minoritaires de la coalition, on fait partie des causes de l’éclatement. La Présidente estonienne, Mme Kersti Kaljulaid, a appelé les chefs des six partis siégeant au parlement à former un nouveau gouvernement.
18. Le remplacement de M. Edgar Savisaar par M. Jüri Ratas à la tête du Parti centriste en novembre 2016 a amené des factions politiques qui avaient déclaré ne pas vouloir travailler avec son parti à entrer dans le débat sur la formation du nouveau gouvernement. M. Jüri Ratas a pris ses distances par rapport à la politique et l’image pro-russes et anti-OTAN de M. Edgar Savisaar.
19. Le 23 novembre 2016, le Parlement estonien a fait prêter serment au nouveau gouvernement formé du Parti centriste, du Parti social-démocratie et de l’Union Pro Patria et Res Publica (avec 56 sièges sur 101). Le candidat du Parti centriste, M. Jüri Ratas, a été nommé Premier ministre, et à chacun des trois partis ont été confiés cinq portefeuilles ministériels. Les partenaires de la nouvelle coalition ont insisté sur la nécessité de poursuivre la politique actuelle du pays en matière de défense et de politique étrangère, sur la base de l’alliance avec les pays de l’OTAN, et l’activité de l’Estonie au sein de l’Union européenne (qui a exercé la présidence du Conseil de l’Union européenne du 1er juillet au 31 décembre 2017).

3. Relations entre l’Estonie et la Fédération de Russie

20. Le réalignement de l’Estonie sur l’Occident au niveau international suite à la reconquête de son indépendance en 1991 s’est traduit par des relations tendues avec la Fédération de Russie. Des différends sont apparus au sujet de traités de délimitation des frontières et d’accords de transit, et des divergences de vues officielles se sont manifestées à propos de la période d’occupation soviétique, des prix du gaz, de la sécurité énergétique et du statut de la minorité russe.
21. L’un des héritages de l’annexion soviétique est l’importante minorité russe. La période 1944-1991, en particulier, a été caractérisée par une immigration massive en provenance de diverses régions de l'Union soviétique vers l'Estonie, dont l'une des particularités est qu'une population relativement nombreuse, dont la langue maternelle n'est pas l'estonien, s'est formée en très peu de temps. Le statut de cette minorité russe (25 % de la population selon le recensement de 2011) est sujet à controverse. D’un côté, la politique officielle de la Russie, qui accuse l’Estonie de discrimination, consiste à assumer sa responsabilité vis-à-vis de ces minorités contraintes de vivre hors de leur État-nation depuis la chute de l’Union soviétique. D’un autre côté, l’Estonie dénonce la politique étrangère de la Russie et sa conception «d'étranger proche» visant à intégrer dans sa «sphère d’influence» des pays d’importance stratégique. Les autorités estoniennes ont accusé la Russie d’instrumentaliser la minorité russe à des fins politiques et de l’utiliser comme prétexte et comme justification pour exercer davantage d’influence sur les affaires intérieures du pays 
			(8) 
			<a href='https://www.kapo.ee/sites/default/files/public/.../Annual Review 2015.pdf'>https://www.kapo.ee/sites/default/files/public/.../Annual%20Review%202015.pdf</a>.. Selon le Service de la sécurité intérieure estonienne 
			(9) 
			<a href='https://www.kapo.ee/en/content/influence-activities.html'>https://www.kapo.ee/en/content/influence-activities.html</a>.: «La principale inquiétude réside dans les tentatives déployées par des organes russes, y compris les services spéciaux, pour influer sur la politique intérieure de l’Estonie. À différentes époques, divers organes de la Russie ont tenté une approche active de l’Estonie, qui s’est avérée être menée essentiellement au prétexte politique de ses compatriotes qui y vivent.» D’après le Service de la sécurité intérieure estonienne, les activités d’influence de la Russie ont lieu par le biais d’outils de politique étrangère en matière d’espionnage et dans les domaines politique, militaire et économique.
22. Les relations entre l’Estonie et la Russie ont effectivement été un peu plus fragilisées par la crise ukrainienne et les craintes des autorités estoniennes au sujet de la sécurité de leur propre frontière avec la Russie. L’Estonie et d’autres pays baltes se sont alarmés de l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie et de son soutien militaire dans d’autres territoires orientaux de l’Ukraine, craignant pour leur propre sécurité nationale. Il y a eu plusieurs cas d’intrusion aux frontières et d’arrestation de citoyens baltes par la Russie. En septembre 2014, les forces russes ont enlevé un agent estonien du Service de la sécurité intérieure, M. Eston Kohver, qui a été remis aux autorités estoniennes le 26 septembre 2015 après qu’un accord d’échange a été conclu avec les Russes. Les autorités estoniennes estiment que l’annexion de la Crimée par la Russie et le recours à de nouvelles formes de guerre «hybrides» dans l’est de l’Ukraine soulèvent des questions délicates concernant la sécurité intérieure de l’Estonie. Guerre de propagande, désinformation, attaques contre les systèmes d’information et de communication et pression psychologique seraient autant d’outils non militaires utilisés par la Russie pour exercer des pressions et influer sur l’attitude du pays.
23. En réponse aux demandes des États baltes et de la Pologne, l’OTAN a renforcé ses défenses en déployant par rotation des bataillons multinationaux dans ces pays et en intensifiant la fourniture d’équipements de défense militaire. La Russie dénonce la présence accrue de l’OTAN dans les États baltes 
			(10) 
			Plus
précisément, déploiement par rotation de quatre bataillons multinationaux
en Estonie, Lituanie, Lettonie et Pologne en 2017..
24. Après plus de 20 ans de désaccord depuis la chute de l’Union soviétique et l’indépendance des États baltes en 1991, la Fédération de Russie et l’Estonie ont signé le 18 février 2014 des traités de délimitation des frontières nationales et des espaces maritimes 
			(11) 
			En 2005, ces deux parties
avaient déjà signé un accord frontalier. La Fédération de Russie
a annulé sa signature après que le Parlement estonien (Riigikogu)
a ratifié l'accord et complété le projet de loi sur la ratification
par un préambule comportant une référence au Traité de paix de Tartu
(1920); l'accord n'est jamais entré en vigueur. . Lors de la signature des traités, il a été convenu que leur ratification par les parlements s’effectuerait en parallèle. Le Riigikogu a achevé le 25 novembre 2015 la première lecture du projet de loi sur la ratification du traité sur la frontière d’État entre la République d’Estonie et la Fédération de Russie et du traité sur la délimitation des espaces maritimes de la baie de Narva et du golfe de Finlande. Du côté russe, la Duma n’a pas encore entamé le processus de ratification.
25. Comme l'ont souligné les autorités estoniennes 
			(12) 
			Commentaires du ministère
de la Culture., une coopération culturelle entre l'Estonie et la Russie a eu lieu par le biais de projets dans les domaines de l'éducation, des sciences, de la jeunesse et des langues. La coopération transfrontalière entre l'Estonie et la Russie s'est développée, notamment dans le cadre de programmes de coopération, financés en grande partie par l'Union européenne, visant à soutenir le développement et la compétitivité des régions frontalières.

4. Démocratie

4.1. Démocratie électronique

26. En investissant dans les possibilités offertes par l’internet et dans la valeur ajoutée de l’innovation, l’Estonie est devenue l’une des nations les plus avancées au monde sur le plan numérique. Elle a inscrit l’accès à l’internet parmi les droits de l’homme et numérisé un nombre extraordinaire de services publics. L’État estonien propose aujourd’hui 600 services électroniques à ses résidents et tient 2 400 services électroniques à la disposition des entreprises. L’Estonie est reconnue pour sa politique de gouvernance électronique et ses réalisations significatives en matière de transparence et d’accessibilité du gouvernement. Les élections se déroulent en ligne; c’est aussi le premier pays au monde à s’être doté d’un «e-gouvernement» (zéro papier) 
			(13) 
			Freedom
House Rapport sur l'Estonie: <a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-net/2016/estonia'>Freedom
on the Net 2016</a>.. L’Estonie dispose d’un système d’identité électronique, avec une carte électronique qui permet d’établir la preuve de l’identité des résidents estoniens, en ligne comme hors ligne.
27. En Estonie, le rapide développement des technologies de l’information se fait au prix d’une intensification des cybermenaces qui pèsent sur la sécurité nationale. Compte tenu de sa forte dépendance vis-à-vis des ordinateurs, le pays est fortement vulnérable aux cyberattaques. Selon le Service de renseignement étranger de l’Estonie 
			(14) 
			<a href='https://www.teabeamet.ee/pdf/2016-en.pdf'>https://www.teabeamet.ee/pdf/2016-en.pdf</a>., la capacité renforcée de la Russie à conduire des attaques informatiques constitue une menace majeure pour le cyberespace estonien (voir aussi la section 3 ci-dessus et le chapitre 6.5 ci-dessous). 
			(15) 
			Voir
6.2 ci-dessous.

4.2. Vote par internet

28. L’Estonie a été le premier pays à utiliser le vote par internet 
			(16) 
			<a href='http://www.vvk.ee/voting-methods-in-estonia/'>www.vvk.ee/voting-methods-in-estonia/</a>., pour les élections municipales de 2005, puis pour les élections générales en 2007. Le vote par internet (i-vote ou vote en ligne) vient s’ajouter aux méthodes de vote classiques. Jusqu’à présent, le vote par internet avec des résultats juridiquement contraignants a été mis en œuvre huit fois en Estonie 
			(17) 
			Aux
élections locales en octobre 2005, octobre 2009 et octobre 2013;
aux élections législatives en mars 2007, mars 2011 et mars 2015;
aux élections européennes en juin 2009 et mai 2014. .
29. En mai 2014, après avoir procédé à une évaluation de la sécurité du système estonien de vote par internet, les chercheurs ont soulevé la question de ses vulnérabilités 
			(18) 
			<a href='https://www.theguardian.com/technology/2014/may/12/estonian-e-voting-security-warning-european-elections-research'>https://www.theguardian.com/technology/2014/may/12/estonian-e-voting-security-warning-european-elections-research</a>.. De cette évaluation, il est ressorti que le système estonien de vote par internet pouvait être une cible attrayante pour certains États 
			(19) 
			Une section spéciale
est consacrée à la cybercriminalité ci-après., comme la Russie. De l’avis des chercheurs, il subsiste des défaillances dans la sécurité du point de vue des procédures et du fonctionnement du système qui, du fait de son architecture, reste vulnérable aux cyberattaques de puissances étrangères. Ces attaques pourraient potentiellement modifier les votes ou générer des contestations concernant les résultats des élections. La Commission électorale nationale de l’Estonie aurait publié une réponse indiquant que ces affirmations ne justifiaient pas de suspendre le vote par internet tandis que, selon l’organe estonien de contrôle du système d’information 
			(20) 
			<a href='https://www.ria.ee/en/e-voting-is-too-secure.html'>https://www.ria.ee/en/e-voting-is-too-secure.html</a>., ces critiques auraient une visée plus politique que technique. Selon les autorités 
			(21) 
			Observations sur l'avant-projet
de rapport du ministère de la Culture et du ministère des Affaires
étrangères., l'étude de 2014 ne correspond plus au système actuel de vote par internet en Estonie. Elles renvoient à une autre étude de l'université d'Oxford de 2016 
			(22) 
			<a href='https://www.politics.ox.ac.uk/materials/publications/15483/workingpaperno6nurse.pdf'>https://www.politics.ox.ac.uk/materials/publications/15483/workingpaperno6nurse.pdf</a>., qui souligne l'état impressionnant des contrôles des procédures et du fonctionnement, ainsi que les mesures de transparence du système. Parallèlement, des problèmes demeurent, notamment du point de vue du potentiel croissant d'attaques nettement plus sophistiquées et de la nécessité pour le système de s'adapter afin de prendre en compte cette évolution.
30. Lors des élections générales du 1er mars 2015, le vote par internet a représenté 30,5 % de l’ensemble des suffrages. Selon le rapport du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) 
			(23) 
			<a href='http://www.osce.org/odihr/elections/estonia/160131?download=true'>www.osce.org/odihr/elections/estonia/160131?download=true</a>., les citoyens ont une grande confiance dans la fiabilité et la sécurité du vote électronique et estiment qu’il est administré de façon efficace et conformément au cadre juridique, bien qu’il soit possible d’envisager des mesures supplémentaires pour renforcer la transparence et la responsabilité du processus.
31. Depuis les élections législatives, plusieurs modifications ont été adoptées concernant le vote par internet afin de satisfaire à plusieurs recommandations de l’OSCE/BIDDH. Une des avancées majeures a été la création en 2012 d’une Commission de vote électronique, sous l’égide de la Commission électorale nationale, chargée d’organiser le vote par internet et d’en contrôler les résultats. La Commission électorale nationale a mis en place un processus de vérification qui permet aux électeurs de confirmer que leur vote en ligne a été exprimé comme ils le souhaitaient et enregistré sur le serveur de stockage des votes, ce qui répond en partie à une recommandation antérieure de l’OSCE/BIDDH. La loi sur les élections n’exige pas de certification formelle du système de vote électronique par une organisation indépendante, ce qui limite quelque peu la transparence et la responsabilité du système. Aux élections de 2015, la Commission électorale nationale a engagé un auditeur pour qu’il évalue la conformité du système de vote électronique aux exigences procédurales et a publié un résumé de ses rapports de vérification.
32. Parmi ses recommandations prioritaires 
			(24) 
			Ibid., l’OSCE/BIDDH a invité les autorités à poursuivre leurs efforts visant à inclure dans leur système de vote électronique une possibilité de vérification «de bout en bout», afin de renforcer la responsabilité du système en vérifiant que les votes sont comptabilisés tels qu’ils ont été enregistrés. Selon le «Cadre général du vote électronique et de sa mise en œuvre lors des élections nationales en Estonie» publié en juin 2017 par le Bureau central des élections de l'Estonie 
			(25) 
			<a href='http://vvk.ee/public/EHS/IVXV-UK-1.0-eng.pdf'>http://vvk.ee/public/EHS/IVXV-UK-1.0-eng.pdf.</a>, le système de vote électronique permet une vérification «de bout en bout» dans la mesure où les données d'entrée et de sortie de chaque processus peuvent être vérifiées mathématiquement. Selon une autre recommandation de l’OSCE/BIDDH, les autorités devraient envisager d’instaurer un processus formel pour la certification «de bout en bout» du système de vote électronique par un organe indépendant, conformément aux lignes directrices du Conseil de l’Europe, qui ne semblent pas encore avoir été mises en œuvre.

4.3. Démocratie locale

33. D’une manière générale, la situation de la démocratie locale en Estonie est satisfaisante, même si le pays est actuellement confronté à des défis spécifiques. Le 29 mars 2017, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a adopté la Recommandation 401 (2017) sur la démocratie locale en Estonie saluant les initiatives des institutions estoniennes pour engager un processus de réforme de la structure territoriale du pays aux niveaux local et national, ainsi que la révision de la loi sur le budget de l’État afin de renforcer l’interaction entre l’État et les collectivités locales au sujet des postes budgétaires. Toutefois, le Congrès recommande notamment aux autorités estoniennes de clarifier leur législation concernant la répartition des fonctions entre les collectivités locales et l’État et de modifier la législation interne afin d’accorder une plus grande autonomie financière aux collectivités locales.

5. Droits de l’homme

5.1. Citoyenneté, apatridie, protection des minorités

34. L’un des héritages de l’histoire de l’Estonie est l’importante minorité russe (environ un quart de la population, selon le recensement de 2011), dont le statut est sujet à controverse. Certains, dont le Gouvernement russe, critiquent les exigences requises pour l’obtention de la citoyenneté estonienne, notamment la nécessité de prouver que l’on maîtrise la langue estonienne, qui ont placé la plupart des Russes dans une situation d’apatridie suite à l’indépendance. En Estonie, les apatrides sont officiellement qualifiés de «personnes de nationalité indéterminée» 
			(26) 
			Bien que les autorités
estoniennes considèrent que le terme «apatride» induit en erreur,
le rapporteur utilise dans le présent rapport la terminologie du
droit international («apatride»). . Selon les autorités, les résidents de longue durée réputés avoir une nationalité indéterminée peuvent exercer tous les droits sociaux, économiques et culturels sur un pied d'égalité avec les citoyens estoniens. Ils ont des documents de voyage, des permis de séjour, le droit à l'égalité de traitement, l'accès aux services sociaux. Ils ont le statut de ressortissants de pays tiers résidents de longue durée dans l'Union européenne, ce qui garantit également des droits étendus de circulation et d'accès à l'emploi dans toute l'Union européenne. Les personnes de nationalité indéterminée peuvent voyager sans visa dans l'Union européenne et en Russie. Les «personnes de nationalité indéterminée» ont le droit de vote aux élections locales, mais pas le droit de voter ou de se présenter en tant que candidat aux élections législatives. Alors que ces personnes peuvent participer aux activités des partis politiques et faire des dons aux partis ou à leurs candidats, elles n’ont pas le droit d’adhérer aux partis, en dépit d’une recommandation contraire de l’OSCE/BIDDH 
			(27) 
			<a href='http://www.osce.org/odihr/elections/estonia/160131?download=true'>www.osce.org/odihr/elections/estonia/160131?download=true.</a>.
35. Dans leurs commentaires 
			(28) 
			Commentaires
du ministère de l’Intérieur sur l’avant-projet de rapport., les autorités rappellent que les membres des différentes nationalités en Estonie ne se sont toujours pas totalement remis de la disparition de l'Union soviétique, bien que plus de vingt ans se soient écoulés depuis, et que, dans ce contexte, il a fallu trouver un compromis concernant le statut de la minorité russe: tous les résidents estoniens qui avaient la nationalité soviétique peuvent s'enregistrer en tant que citoyens de la Fédération de Russie, l'État successeur de l'URSS, ou en tant que citoyens d’une ancienne république socialiste soviétique. Les «personnes de nationalité indéterminée» qui vivent en Estonie sur la base d'un permis de séjour de résident de longue durée peuvent demander la nationalité estonienne. Les autorités estoniennes 
			(29) 
			Commentaires du ministère
de la Culture sur l'avant-projet de rapport. soutiennent que le fait de ne pas avoir de nationalité ne les empêchant pas de vivre en Estonie, les «personnes de nationalité indéterminée» ne demandent pas la nationalité estonienne. Le nombre de «personnes de nationalité indéterminée» baisse régulièrement; il est passé d'environ 500 000 en 1992 (soit 32 % de la population estonienne) à 78 107 (presque 6 % de la population) au 1er août 2017 
			(30) 
			Selon les
statistiques fournies par le ministère de l'Intérieur<a href=''>.</a>, dont la majorité est russe.
36. Les conditions régissant la naturalisation ordinaire 
			(31) 
			Article 6 de la loi
sur la citoyenneté de l’Estonie. sont les suivantes: le demandeur a un permis ou un droit de séjour et réside dans le pays depuis huit ans, dont les cinq dernières années de façon permanente (à la suite d’une modification apportée en janvier 2016 à la loi sur la citoyenneté, ces cinq années de résidence permanente peuvent ne pas être consécutives); il a un revenu légal permanent; il connaît la langue et la Constitution et la loi sur la citoyenneté de l'Estonie (test de citoyenneté); il promet fidélité au pays; et il renonce à la citoyenneté de tout autre pays.
37. Ces dernières années, les autorités estoniennes ont effectivement pris des mesures significatives pour réduire l’apatridie. Le 21 janvier 2015, la loi sur la citoyenneté a été modifiée afin de simplifier les modalités de naturalisation pour plusieurs catégories de personnes, y compris les enfants. Les modifications, entrées en vigueur le 1er janvier 2016, ont notamment aboli (concernant les nouveau-nés) le principe du jus sanguinis et accordé rétroactivement la citoyenneté aux enfants apatrides de moins de quinze ans nés en Estonie; elles ont supprimé l’épreuve écrite de l’examen de langue pour les personnes âgées de plus de 65 ans; et autorisé la double nationalité pour les mineurs, qui seront par conséquent obligés de choisir un pays de citoyenneté dans les trois ans suivant la date de leur dix-huitième anniversaire. Les modifications ne concernent pas les adolescents entre 16 et 18 ans, et les enfants nés de parents non ressortissants hors du territoire estonien ne peuvent toujours pas prétendre à l’acquisition automatique de la citoyenneté estonienne. Selon les autorités 
			(32) 
			Commentaires du ministère
de l'Intérieur., les mineurs âgés de 15 à 18 ans ne peuvent pas obtenir automatiquement la citoyenneté estonienne, mais ils peuvent en faire la demande s'ils le souhaitent.
38. Dans son dernier avis sur la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157) 
			(33) 
			Du 21 octobre 2015., le Comité consultatif note que, en dépit des efforts déployés par les autorités pour faciliter l’acquisition de la nationalité par les apatrides, et notant que ces personnes disposent généralement des mêmes droits que les citoyens hormis ceux de se porter candidat aux élections et de voter aux élections législatives, de créer ou d’adhérer à un parti politique et de travailler dans la fonction publique, plus de 6 % de la population d’Estonie n’est toujours pas en mesure de participer pleinement à la vie démocratique du pays parce qu’elle n’en a pas la nationalité. Dans sa dernière résolution 
			(34) 
			Résolution CM/ResCMN(2016)15
du Comité des Ministres sur la mise en œuvre de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales par l’Estonie (adoptée
par le Comité des Ministres le 26 octobre 2016 à la 1269e réunion
des Délégués des Ministres). sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales par l’Estonie, le Comité des Ministres recommande de continuer à réduire le nombre de personnes sans citoyenneté en facilitant l’accès à la citoyenneté aux résidents de longue durée.
39. Selon Human Rights Watch 
			(35) 
			<a href='https://www.hrw.org/news/2017/01/17/its-time-end-child-statelessness-estonia'>https://www.hrw.org/news/2017/01/17/its-time-end-child-statelessness-estonia</a>., les implications pour les enfants qui ne sont pas couverts par les récentes modifications peuvent être énormes (notamment pour les adolescents entre 16 et 18 ans, et les enfants nés de parents non ressortissants hors du territoire estonien, qui ne peuvent toujours pas prétendre à l’acquisition automatique de la citoyenneté estonienne). Tout en reconnaissant que les apatrides, en Estonie jouissent d’un statut juridique spécial et que les enfants peuvent accéder à l’éducation et aux soins de santé quasiment sur un pied d’égalité, Human Rights Watch renvoie à un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui indique qu’un défaut de citoyenneté et d’identité peut exposer les enfants à la discrimination et les affecter psychologiquement. Il est écrit dans ce rapport que «[l]es enfants apatrides à travers le monde partagent les mêmes sentiments de discrimination, de frustration et de désespoir. (…) Les problèmes subis par les enfants apatrides peuvent demeurer durant toute leur vie d’adulte 
			(36) 
			<a href='http://www.unhcr.org/563762946.html'>www.unhcr.org/563762946.html</a>.».
40. En janvier 2017, le Premier ministre de l’Estonie et chef de file du Parti centriste a déclaré que l’octroi de la citoyenneté à toute personne vivant en Estonie depuis au moins 25 ans, ou depuis 1991, serait l’un des points forts de la campagne de son parti aux prochaines élections, car cette mesure renforcerait la cohésion de la société estonienne. Cette proposition a suscité des critiques concernant notamment son positionnement pro-Kremlin.
41. Le rapporteur comprend bien le contexte historique spécifique dans lequel s’inscrit la question de la naturalisation en Estonie et les préoccupations exprimées par les autorités à cet égard. Il encourage néanmoins les autorités à étudier toutes les possibilités pour mettre un terme à la situation préoccupante des apatrides.
42. L’Estonie a ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (CCPMN) en 1997, mais n’a ni signé ni ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148).
43. Dans son dernier avis sur la CCPMN, le Comité consultatif note que des politiques et dispositions législatives fortes sont destinées à protéger la langue estonienne et à garantir sa prédominance dans tous les domaines de la vie publique. L’Inspection linguistique est dotée de vastes compétences dont celle de contrôler le niveau de maîtrise de la langue des employés, d’imposer aux personnes concernées de passer l’examen de compétence en langue estonienne, de recommander la résiliation du contrat de travail d’employés ou de fonctionnaires dont la maîtrise de la langue estonienne ne correspond pas au niveau requis et d’infliger des amendes pour manquement à la loi sur les langues. Au cours des sept dernières années, l’estonien est devenu la principale langue d’enseignement dans les lycées russophones (deuxième cycle du secondaire), où 60 % des cours sont dispensés dans cette langue. En conséquence, certains établissements ont dû sacrifier leur identité spécifique et adapter leur programme aux possibilités d’embauche d’enseignants qualifiés aptes à enseigner en estonien 
			(37) 
			Dans leurs commentaires,
les autorités précisent que la transition vers l'estonien comme
langue d'instruction dans les lycées russophones s’est faite sur
plusieurs années, entre 2007 et 2012, au terme de dix ans de préparation. .
44. Dans sa dernière résolution 
			(38) 
			Résolution CM/ResCMN(2016)15, op cit. sur la mise en œuvre de la CCPMN par l’Estonie, le Comité des Ministres recommande de contrôler la mise en œuvre effective de l’obligation de 60 % de l’enseignement en estonien dans les écoles en langue russe du secondaire. Il recommande également d’accroître les efforts afin d’assurer la mise en œuvre souple de la loi sur les langues et une politique de mesures d’incitation positives.
45. Les autorités affirment 
			(39) 
			Commentaires
du ministère des Affaires étrangères. que l'Estonie offre un enseignement gratuit dans des langues autres que la langue officielle de l’État. En particulier, un enseignement en russe est proposé à tous les niveaux – préscolaire, élémentaire et secondaire – dans les écoles publiques et privées, ainsi que dans les écoles professionnelles et dans certains établissements de l’enseignement supérieur.
46. Les autorités devraient envisager de signer et de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
47. De l’avis du Comité consultatif, les conditions requises pour l’affichage des indications topographiques destinées au public dans les langues minoritaires, parallèlement à l’estonien, devraient être réexaminées. Malgré les dispositions législatives sur l'affichage des noms locaux traditionnels, des noms de rues et d'autres indications topographiques mentionnées par les autorités 
			(40) 
			Conformément à la loi
de 2004 sur les noms de lieux, les indications topographiques en
langues minoritaires peuvent être mises en place à la demande des
autorités locales, avec l’accord du ministère de l’Intérieur, ou
dans le cadre d’une procédure simplifiée «sur le territoire d'une
commune dont les habitants, dans leur majorité, n’étaient pas locuteurs
de l’estonien au 27 septembre 1939» et où le nom non estonien peut
être choisi comme nom principal pour des raisons historiques et
culturelles avérées., les villages qui auraient pourtant le droit de le faire n’utilisent aucune inscription en langue russe dans la pratique (alors que des inscriptions en suédois sont utilisées dans certaines régions) et le cadre juridique limite la possibilité d'afficher des indications dans les langues des minorités nationales aux petites communes ou villages.
48. Dans les régions où elles résident traditionnellement ou en grand nombre, les personnes appartenant à des minorités nationales devraient avoir la possibilité effective d’utiliser leur langue minoritaire dans leurs relations avec les autorités locales. Le rapporteur prend note de l'explication avancée par les autorités concernant le droit d'utiliser une langue minoritaire nationale dans les relations avec l'administration publique locale. Pour le Comité consultatif de la CCPMN, le seuil de 50 % de résidents requis est prohibitif, n'est pas compatible avec la CCPMN et devrait être abaissé. L’utilisation de «langues étrangères», y compris les langues des minorités nationales, est possible dans les échanges oraux si les deux parties sont d’accord, ce qu’il convient de saluer. Ainsi, comme l'a noté le Comité consultatif, dans les communes du comté d'Ida-Virumaa où vit un grand nombre de membres de la minorité russe, les employés et fonctionnaires municipaux, qui souvent sont eux-mêmes russophones, communiquent en russe avec les personnes appartenant aux minorités nationales. Les autorités affirment que des plaintes ont même été déposées auprès de l'Inspection linguistique au sujet des difficultés à communiquer en estonien dans cette région.
49. Là encore, le rapporteur comprend le contexte spécifique du pays et les préoccupations exprimées à cet égard par les autorités, qu’il encourage à faire le maximum pour mettre en œuvre les recommandations mentionnées ci-dessus.
50. Concernant les élections, le rapport de l’OSCE/BIDDH sur les élections de mars 2015 
			(41) 
			<a href='http://www.osce.org/odihr/elections/estonia/160131?download=true'>www.osce.org/odihr/elections/estonia/160131?download=true.</a> notait une tendance positive, de la part des partis de l’ensemble de l’échiquier politique, à inscrire sur leurs listes des candidats appartenant aux minorités nationales, parfois même en bonne place, ainsi que les efforts accrus des partis et des candidats pour toucher les électeurs russes, y compris au moyen de campagnes d’information en russe. Le site web de la Commission électorale nationale n’a donné de précisions sur les élections qu’en estonien, et seules quelques informations générales étaient également accessibles en anglais. Les instructions de vote envoyées aux électeurs et les informations figurant dans les bureaux de vote et sur les bulletins n’étaient rédigées qu’en estonien. Quelques informations sur le vote par internet étaient consultables en russe et en anglais. Les autorités font valoir que seuls les ressortissants nationaux (qui, par définition, parlent estonien) pouvaient voter aux élections législatives et que les informations sur les élections étaient publiées dans les médias locaux russophones. Le rapporteur se félicite de cette évolution positive concernant la participation des minorités nationales au processus électoral. Il considère que si les informations sur les élections étaient disponibles en russe cela permettrait de renforcer la confiance dans les élections d'une manière plus inclusive.

5.2. Lutte contre la discrimination

51. L’Estonie a signé le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme (ETS No. 177), mais ne l’a pas ratifié.
52. Ainsi que cela est mentionné dans le dernier rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) sur l’Estonie 
			(42) 
			Voir <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Estonia/EST-CbC-V-2015-036-FRE.pdf'>rapport</a> de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/default_en.asp'>ECRI</a>) sur l’Estonie, 13 octobre 2015., concernant l’évaluation de sa politique d’intégration 2008-2013, le pays reconnaît les difficultés quant à la transition vers 60 % de matières enseignées en estonien dans les établissements scolaires du secondaire supérieur; les écarts de salaire entre Estoniens et les autres groupes ethniques 
			(43) 
			Selon
les autorités, l'écart salarial est très important parmi les femmes
russophones, qui sont confrontées à différentes formes de discrimination.; le ralentissement du processus d’acquisition de la nationalité estonienne; et la nécessité de prendre en compte les spécificités de différents groupes cibles. En conséquence, en décembre 2014, l’Estonie a adopté une nouvelle politique d’intégration, courant jusqu’en 2020, afin de combler les principales lacunes susmentionnées.
53. De la même façon, dans son dernier rapport, le Commissaire aux droits de l’homme 
			(44) 
			Rapport
de Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, suite à sa visite en Estonie du 25 au 27 mars 2013, <a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016806db799'>CommDH(2013)12.</a> déplore l'écart socioéconomique accru entre les minorités ethniques et la population majoritaire, qui se perpétue chez les jeunes. De son point de vue, il faudrait prendre des mesures concrètes pour réduire le chômage de longue durée et l’exclusion sociale des minorités dans le pays, et l’intégration dans le marché du travail de jeunes issus des minorités devrait faire partie des priorités. Human Rights Watch, dans sa dernière soumission 
			(45) 
			<a href='https://www.hrw.org/print/296748'>https://www.hrw.org/print/296748</a>. au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies concernant l’Estonie, considère que la langue est une préoccupation essentielle en matière de droits de l’homme pour la minorité russe dont les enfants sont victimes de discrimination sur la base de la langue, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’éducation.
54. Selon l’ECRI, malgré les efforts des autorités pour intégrer la minorité russe, il subsiste des préoccupations, et notamment le chômage élevé dans des régions à majorité russe. Dans son dernier avis, le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales notait en effet que, bien que le taux de chômage ait presque diminué de moitié durant la période 2010-2013 en Estonie en général, dans les régions où vit un nombre important de personnes appartenant à des minorités nationales, comme le comté d’Ida-Viru, il demeure significativement plus élevé que la moyenne du pays. Les obligations de maîtrise linguistique demeurent un obstacle à l’emploi pour un nombre encore considérable, mais en diminution, de personnes dont l’estonien n’est pas la première langue. Selon les autorités, les minorités ethniques sont de plus en plus conscientes de la nécessité d'apprendre l'estonien pour être plus compétitives sur le marché du travail. Elles indiquent qu'en 2016, le taux de chômage était de 6,8 % au niveau national, alors qu'il atteignait 13,5 % dans le comté d'Ida-Viru en raison des changements dans l'industrie du schiste bitumineux, et elles rappellent que ce comté fait l’objet d'une attention particulière de la part du gouvernement afin de créer de nouveaux emplois.
55. Le rapporteur se félicite des mesures prises par les autorités dans le cadre de la politique d'intégration et il les encourage à intensifier leurs efforts. Il prend note en particulier des informations fournies par les autorités 
			(46) 
			Commentaires
du ministère des Affaires sociales sur l’avant-projet de rapport. concernant: les mesures engagées pour préparer les jeunes à la vie active et au marché du travail; le Fonds d'assurance chômage (Eesti Töötukassa); les mesures régionales spéciales (temporaires) mises en œuvre dans le comté d'Ida-Viru; le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM) qui prévoit des mesures actives pour le nord-est de l'Estonie.
56. En Europe, les Roms continuent d’être stigmatisés malgré les efforts déployés pour changer cette situation, et l’Estonie n’est pas épargnée par la question de la discrimination des Roms. Dans son dernier avis, le Comité consultatif de la CCPMN se référait à l’évaluation 2014 de la Commission européenne 
			(47) 
			<a href='http://ec.europa.eu/justice/discrimination/files/country_assessment_2014/estonia_en.pdf'>http://ec.europa.eu/justice/discrimination/files/country_assessment_2014/estonia_en.pdf.</a> du Plan national d’action de l’Estonie pour l’inclusion des Roms. En dépit de quelques améliorations dans les quatre domaines clés que sont l’éducation, l’emploi, la santé et le logement, ainsi que dans la lutte contre la discrimination, la Commission a souligné la nécessité de renforcer selon une approche systématique les mesures prises dans chacun des domaines. Selon le rapport 2016/2017 d’Amnesty International 
			(48) 
			<a href='https://www.hrw.org/news/2017/01/17/its-time-end-child-statelessness-estonia'>https://www.hrw.org/news/2017/01/17/its-time-end-child-statelessness-estonia</a>., les Roms souffrent de discrimination dans divers domaines, notamment en ce qui concerne leurs droits économiques et sociaux, y compris l’accès égal à l’éducation, à un logement adéquat et aux soins de santé 
			(49) 
			<a href='https://www.amnesty.org/en/countries/europe-and-central-asia/estonia/report-estonia/'>https://www.amnesty.org/en/countries/europe-and-central-asia/estonia/report-estonia/</a>.. Alors qu'Amnesty International déplore que le gouvernement n'ait pas réussi à collecter des données socioéconomiques ventilées sur les Roms et à les contrôler, se privant ainsi de la possibilité de remédier efficacement à leur situation, les autorités soutiennent que les gouvernements locaux ont fait beaucoup d'efforts pour que les Roms aient accès à l'éducation primaire et secondaire et pour que les services de santé soient accessibles à tous.
57. L’Estonie n’est pas épargnée par la montée du discours raciste en Europe, même si le problème y reste marginal. L’ECRI a noté avec préoccupation la prévalence des propos racistes sur les portails web d’actualité et le manque de réaction quant au discours homo/transphobe au sein de la classe politique. L’incitation à la haine et à la violence racistes et à la discrimination raciale ne sont punissables que dans les cas où la santé, la vie ou les biens de la victime entrent en jeu. La discrimination au motif de la citoyenneté, de la langue et de l’identité de genre n’est pas interdite explicitement dans toutes les dispositions législatives pertinentes. Malgré l’existence de deux instances nationales en charge de la lutte contre le sexisme, le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme, l’intolérance et la discrimination raciale, seule la Chancellerie du droit peut être considérée comme une institution indépendante.
58. Le 1er janvier 2016, la loi sur les partenariats enregistrés 
			(50) 
			<a href='https://www.riigiteataja.ee/en/eli/527112014001/'>https://www.riigiteataja.ee/en/eli/527112014001/.</a> est entrée en vigueur, permettant aux couples non mariés, y compris de même sexe, d’enregistrer leur cohabitation et d’avoir accès aux aides publiques. La mise en œuvre de cette loi rencontre quelques problèmes, le Parlement estonien n'ayant toujours pas adopté les dispositions relatives à son application 
			(51) 
			Commentaires du ministère
de la Justice de l'Estonie et du ministère des Affaires sociales
sur l'avant-projet de rapport.. La Cour suprême d’Estonie a explicitement reconnu les droits constitutionnels des couples homosexuels en tant que famille.

5.3. Violence domestique, traite des êtres humains, droits des enfants

59. L’Estonie a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») en décembre 2014. Le rapporteur se félicite de la ratification de la Convention d'Istanbul le 26 octobre 2017.
60. L’étude menée en 2014 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, intitulée «La violence à l’égard des femmes: une enquête à l’échelle de l’UE» 
			(52) 
			<a href='http://fra.europa.eu/en/publication/2014/violence-against-women-eu-wide-survey-main-results-report'>http://fra.europa.eu/en/publication/2014/violence-against-women-eu-wide-survey-main-results-report</a>., a montré qu’en Estonie, depuis l’âge de 15 ans, 33 % des femmes avaient été victimes de violences sexuelles et/ou physiques, et qu’environ 44 % des femmes avaient vécu des situations menaçantes de harcèlement sexuel.
61. Une stratégie globale pour réduire la violence, couvrant la période 2015-2020, énonce des activités concrètes pour la réduction et la prévention de la violence sous ses différentes formes, y compris la violence domestique, la violence sexuelle, la violence à l’encontre des mineurs et la traite des êtres humains, dont la prostitution 
			(53) 
			<a href='http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=20845&LangID=E'>hwww.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=20845&LangID=F</a>..
62. La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) a été ratifiée le 5 février 2015. Le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) a effectué sa première visite d’évaluation en Estonie en mai 2017 mais n’a pas encore publié son rapport.
63. Le rapporteur salue la ratification par l’Estonie en 2016 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote»). Il se déclare toutefois préoccupé par les observations finales du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies 
			(54) 
			<a href='http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRC%2fC%2fEST%2fCO%2f2-4&Lang=en'>http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRC%2fC%2fEST%2fCO%2f2-4&Lang=en</a>., qui notait que les violences sexuelles sur enfants sont fréquentes en Estonie, mais que le niveau de détection est faible et que les services d’appui sont insuffisants et peu accessibles. Parallèlement, il se félicite de l’ouverture de la première Maison des enfants pluridisciplinaire et interinstitutionnelle, sur le modèle du Barnahus, en janvier 2017; l'État a financé le matériel de sensibilisation aux abus publié récemment, ainsi que les mesures prises conjointement par le Conseil des assurances sociales et la Maison des enfants concernant notamment la collecte de données et la coordination avec la police, ce qui permet à un plus grand nombre de victimes mineures d'abus sexuels de recevoir une aide financée par l'État 
			(55) 
			<a href=''>Informations fournies par le ministère des Affaires
sociales.</a>.

5.4. Liberté d’expression en ligne

64. En Estonie, l’importante liberté en ligne a continué de progresser grâce à un meilleur accès à internet et à une plus forte participation des citoyens en ligne 
			(56) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-net/2016/estonia'>https://freedomhouse.org/report/freedom-net/2016/estonia</a>.. En tant que pays avancé sur le plan numérique, l’Estonie a été confrontée à des défis sans précédent faisant intervenir de nouveaux aspects d’internet, qui ont amené la Cour européenne des droits de l’homme à se positionner sur ces nouvelles problématiques. Les références à des arrêts rendus dans des affaires estoniennes se sont imposées comme des principes généraux dans la jurisprudence constante de la Cour.
65. Eu égard à la liberté d’expression en ligne, l’affaire Delfi AS c. Estonie 
			(57) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng-press'>Delfi AS c. Estonie</a>, Requête no 64569/09, arrêt
du 16 juin 2015 (Grande Chambre). portée devant la Grande Chambre est la première affaire dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a été invitée à examiner une requête sur la responsabilité encourue pour des observations rédigées par des utilisateurs sur un portail d’information internet 
			(58) 
			L’entreprise requérante,
qui gère un portail d’information sur une base commerciale, se plaignait
d’avoir été tenue pour responsable des commentaires injurieux postés
par ses lecteurs au sujet de l’un de ses articles sur une société
de ferry. À la demande des avocats du propriétaire de la société
de ferry, l’entreprise requérante a retiré les commentaires injurieux
environ six semaines après leur publication. . La Cour a jugé qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention, estimant que la conclusion de responsabilité opposée à Delfi par les juridictions estoniennes était une restriction justifiée et proportionnée de la liberté d’expression du portail, en particulier parce que les commentaires en question étaient de nature extrémiste et qu’ils avaient été publiés en réaction à un article publié par Delfi sur son portail d’information géré professionnellement sur une base commerciale 
			(59) 
			Les mesures prises
par le requérant pour retirer sans délai les commentaires injurieux
après leur publication n’avaient pas été suffisantes; et l’amende
de € 320 était loin d’être excessive pour Delfi, l’un des portails
internet les plus importants en Estonie..
66. Bien que ce jugement s’applique strictement aux portails d’information gérés professionnellement sur une base commerciale (et non aux plateformes de médias sociaux ou aux forums de discussion), il pourrait avoir des implications dans les cas de discours de haine en ligne eu égard à la responsabilité encourue par des sites web spécifiques pour des contenus générés par leurs utilisateurs.
67. Depuis que cet arrêt a été rendu, plusieurs grandes entreprises de médias ont supprimé de leurs portails en ligne les fonctions permettant de publier des commentaires anonymes 
			(60) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-net/2016/estonia'>https://freedomhouse.org/report/freedom-net/2016/estonia</a>..
68. Dans l’affaire Kalda c. Estonie, qui fait toujours l’objet d’une procédure d’exécution devant le Comité des Ministres, la Cour a jugé qu’il y avait eu violation du droit à recevoir des informations en raison du refus des autorités d’accorder au requérant l’accès aux sites web de la Chancellerie du droit, du Parlement estonien et du Bureau d’information du Conseil de l'Europe à Tallinn (article 10). La Cour a estimé que, dans les circonstances de l’espèce, l’ingérence dans le droit du requérant ne pouvait être considérée comme nécessaire dans une société démocratique. Dans l’intervalle, le ministère de la Justice aurait commencé à modifier le paragraphe 31 de la loi sur l’emprisonnement pour permettre au moins l’accès des détenus aux sites web en question.

6. État de droit

69. En 2016, la Cour européenne des droits de l’homme a traité 215 requêtes concernant l’Estonie, dont 210 ont été déclarées irrecevables ou rayées du rôle. Elle a prononcé cinq arrêts, dont trois ont conclu à au moins une violation de la Convention européenne des droits de l’homme 
			(61) 
			<a href='http://www.echr.coe.int/Documents/CP_Estonia_FRA.pdf'>www.echr.coe.int/Documents/CP_Estonia_FRA.pdf</a>.. Quelques arrêts sont encore en attente de la procédure d’exécution devant le Comité des Ministres, mais aucun n’est sous surveillance soutenue. Il n’y a d’une manière générale pas de problème particulier concernant l'exécution des arrêts de la Cour au regard de l'article 46.1 de la Convention. Ces chiffres témoignent clairement du plein respect par le pays des principes de prééminence du droit.

6.1. Système judiciaire

70. L’efficience, l’efficacité et l’indépendance du système judiciaire estonien sont globalement évaluées positivement. Concernant l’indépendance de son système de justice, l’Estonie se classe 21e sur 140 pays 
			(62) 
			<a href='http://www3.weforum.org/docs/GCR2016-2017/05FullReport/TheGlobalCompetitivenessReport2016-2017_FINAL.pdf'>www3.weforum.org/docs/GCR2016-2017/05FullReport/TheGlobalCompetitivenessReport2016-2017_FINAL.pdf</a>..
71. Dans son rapport de 2013 
			(63) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016806db799'>https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016806db799</a>., le Commissaire aux droits de l’homme a salué les mesures prises pour améliorer l’accès à la justice, en particulier la réduction des frais de justice, les possibilités de recours en cas de prolongation excessive de la procédure et la réforme du système d’aide juridique. Une autre mesure restant à prendre est l’adoption de la nouvelle loi sur la responsabilité de l’État pour pouvoir indemniser les personnes dont l’affaire traîne indûment depuis des années. La loi d’indemnisation des dommages causés dans le cadre de poursuites d’infractions, entrée en vigueur en 2015, prévoit un recours juridique lorsque la loi sur la responsabilité de l'État s’avère insuffisante. En vertu de l’article 5, paragraphes 1 et 2 de cette loi, une personne, qu’elle soit acquittée ou condamnée, peut demander réparation en cas de durée déraisonnable de la procédure pénale. La loi d’indemnisation des dommages causés dans le cadre de poursuites d’infractions vient compléter la loi sur la responsabilité de l'État en prévoyant un recours juridique si la durée de la procédure pénale est excessive. Le ministère de la Justice élabore actuellement une loi pour les procédures judiciaires civiles et administratives. Le rapporteur se félicite de ces développements législatifs positifs décrits par les autorités 
			(64) 
			<a href=''>Commentaires du ministère de la Justice sur l’avant-projet
de rapport. </a>.

6.2. Établissements pénitentiaires

72. Globalement, les conditions se sont améliorées dans les prisons estoniennes et le système de responsabilité de l’État fonctionne correctement. Une nouvelle prison est en construction à Tallinn et devrait être achevée à la fin de 2018 
			(65) 
			<a href=''>Information
fournie par le ministère de la Justice. </a>. Le dernier rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) sur le pays porte sur une visite effectuée en 2012. Le CPT a effectué sa sixième visite en Estonie du 27 septembre au 5 octobre 2017 et s'est concentré essentiellement sur le traitement et les garanties dont bénéficient les personnes privées de leur liberté par la police, ainsi que sur les conditions de détention dans un certain nombre d'établissements de police. Le rapport sur la visite n'a pas encore été publié.

6.3. Lutte contre la corruption

73. En Estonie, le niveau de corruption est réputé pour être faible. Selon l’indice de perception de la corruption 2016 de Transparency International, l’Estonie est fort bien placée puisqu’elle occupe le 22e rang sur 176 pays, avec un score de 70 sur 100. L’Estonie a progressivement amélioré son score avec les années, qui était de 64 en 2012, de 68 en 2013, de 69 en 2014, pour atteindre 70 en 2015.
74. Selon l'enquête périodique 2016 organisée par le ministère de la Justice 
			(66) 
			<a href='http://www.korruptsioon.ee/sites/www.korruptsioon.ee/files/elfinder/dokumendid/survey_summary_in_english.pdf'>www.korruptsioon.ee/sites/www.korruptsioon.ee/files/elfinder/dokumendid/survey_summary_in_english.pdf</a>, si la corruption n’arrive pas en tête des préoccupations sociales du pays, elle est perçue comme un phénomène généralisé et préoccupant par 57 % de la population (contre 61 % en 2010). Les pots-de-vin sont considérés comme une pratique assez courante (alors qu’elle aurait reculé ces six dernières années), principalement pour accélérer les procédures et échapper aux sanctions, notamment en relation avec la législation et les appels d'offres.
75. En 2015 et 2016, plusieurs rapports ont fait état de corruption politique. Ainsi qu’il est mentionné dans le rapport établi par le Département d’État américain sur les pratiques des droits de l’homme pour 2016 
			(67) 
			<a href='https://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/humanrightsreport/index.htm'>https://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/humanrightsreport/index.htm#wrapper</a>., en octobre 2015, le tribunal du comté de Viru a jugé le maire de Kohtla-Jarve (ville située dans le nord-est de l’Estonie) coupable de corruption, au motif notamment qu’il aurait commis des actes de détournement de fonds et des infractions en relation avec la concurrence, la contrefaçon et l’abus de confiance. Le tribunal l’a condamné à une peine avec sursis de cinq ans et à une période de probation de cinq ans. Sa condamnation pour corruption a été confirmée le 1er septembre 2016 par la Cour suprême. De récentes enquêtes conduites par le Service de sécurité intérieure ont aussi mis en lumière deux affaires majeures de corruption concernant d’une part le conseil de direction du Port de Tallinn appartenant à l’État, accusé de recevoir des pots-de-vin, et d’autre part M. Edgar Savisaar, l’ex-dirigeant du Parti centriste suspendu de ses fonctions de maire de Tallinn sur la base d’allégations de corruption. Ces affaires très médiatisées sont encore en cours d’examen.
76. En ce qui concerne la transparence du financement politique, le GRECO 
			(68) 
			Troisième
cycle d’évaluation: addendum au deuxième rapport de conformité sur
l’Estonie: «Incriminations (STE 173 et 191, PD 2)», «Transparence
du financement des partis politiques», adopté par le GRECO lors
de sa 61e réunion plénière, Strasbourg,
14-18 octobre 2013, <a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016806c32b2'>Greco
RC-III(2013)10F.</a> a estimé que l’Estonie avait fait des progrès remarquables sur le plan de son vaste processus de réforme, avec l’introduction de modifications significatives à la loi sur les partis politiques qui ont répondu positivement à presque toutes les recommandations publiées dans le rapport d’évaluation. Le GRECO a reconnu qu’un cadre juridique solide avait ainsi été mis en place à la fois pour le financement régulier des partis et le financement des campagnes électorales, et que des progrès avaient été accomplis concernant les règles de transparence, l’établissement d’un nouveau mécanisme de suivi et le renforcement du régime de sanctions. La seule recommandation qui n’a pas encore été mise en œuvre de façon satisfaisante concernait la divulgation des dons consentis aux candidats indépendants aux élections; le GRECO a noté qu’une initiative était en cours pour traiter cette question.
77. De la même façon, dans son rapport de 2015 sur les élections générales, l’OSCE/BIDDH 
			(69) 
			<a href='http://www.osce.org/odihr/elections/estonia/160131?download=true'>www.osce.org/odihr/elections/estonia/160131?download=true.</a> a reconnu qu’un cadre juridique globalement solide avait été mis en place pour réglementer le financement des partis et des campagnes politiques. Il faisait toutefois état d’allégations d’utilisation abusive des ressources publiques, notamment par les autorités des collectivités locales pour financer leur campagne.
78. Selon le GRECO 
			(70) 
			Quatrième
cycle d’évaluation: Prévention de la corruption des parlementaires,
des juges et des procureurs: rapport de conformité: Estonie, adopté
par le GRECO lors de sa 67e réunion plénière,
Strasbourg, 23-27 mars 2015, publié en avril 2015, <a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016806c32e1'>Greco
RC-IV(2015)1F.</a>, l’Estonie a lancé en 2015 un ambitieux processus de réforme concernant le nombre de recommandations en suspens. Eu égard aux membres du parlement, plusieurs développements importants ont déjà été notés dans le premier rapport de conformité, notamment une série de réformes et de nouvelles normes d’intégrité, comme l’adoption en décembre 2014 d’un code de conduite pour les parlementaires et d’un document d’orientation, ainsi que de règles régissant les relations entre les parlementaires, les lobbyistes et d’autres tierces parties, et de règles relatives aux cadeaux et autres avantages. Dans son deuxième rapport de conformité 
			(71) 
			Quatrième cycle d’évaluation:
Prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des
procureurs: deuxième rapport de conformité: Estonie, adopté par
le GRECO lors de sa 76e réunion plénière,
Strasbourg, 19-23 juin 2017, publié en juin 2017, <a href='https://rm.coe.int/fourth-evaluation-round-corruption-prevention-in-respect-of-members-of/1680728763'>GrecoRC4(2017)4.</a> publié en juin 2017 
			(72) 
			Après la préparation
de l’avant-projet de rapport., le GRECO se félicite d’autres progrès accomplis, en particulier du renforcement du contrôle des déclarations de patrimoine et d’intérêts par la Commission spéciale de lutte contre la corruption du parlement et de l’adoption de mesures appropriées de sensibilisation à l’intention des parlementaires. Cela étant, le GRECO déplore que d’autres mesures annoncées dans le Rapport de conformité n’aient toujours pas été mises en œuvre, notamment pour clarifier les règles relatives aux cadeaux et autres avantages et pour fournir des directives en la matière. Il est nécessaire d’agir avec une plus grande détermination pour améliorer le contrôle de l’application du Code de conduite par les parlementaires. Enfin, l'élaboration par la Commission spéciale de recommandations sur les relations des députés avec les lobbyistes est une évolution très positive, mais le parlement n’a toujours pas adopté ces recommandations dans leur ensemble.
79. L’Estonie a pris des mesures afin de faire mieux connaître aux juges et aux procureurs les normes en matière d’intégrité et afin d’accroître l’objectivité des décisions concernant la promotion des procureurs et l’objectivité des critères applicables à la promotion des juges (concernant les nominations aux cours d’appel). Elle a adopté un nouveau code de déontologie et mis en place un conseil d’éthique à l’intention des procureurs, et instauré des systèmes d’évaluation pour les juges et les procureurs. Enfin, l’Estonie a pris des mesures pour promouvoir le contrôle des déclarations de patrimoine et d’intérêts des juges et a modifié les dispositifs de contrôle applicables aux procureurs. Dans son deuxième rapport de conformité, le GRECO se félicite des dispositions prises pour promouvoir le contrôle des déclarations de patrimoine et d’intérêts des juges et dispenser aux procureurs des formations à la déontologie. En ce qui concerne l’adoption de critères objectifs de promotion des juges en revanche, les critères indiqués sont encore limités aux nominations à la cour d’appel et le GRECO a invité l’Estonie à poursuivre la réforme également en ce qui concerne les autres promotions au sein de l’appareil judiciaire.
80. Le rapporteur salue les récentes réformes engagées par les autorités estoniennes en vue de renforcer l’intégrité et la transparence et invite les autorités à mettre en œuvre les recommandations du GRECO qui n’ont pas encore été suivies d’effet.

6.4. Lutte contre le blanchiment de capitaux

81. Dans son dernier rapport 
			(73) 
			Rapport de la 4e visite
d’évaluation: Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme: Estonie, 18 septembre 2014, adopté lors de la 45e réunion
plénière, Strasbourg, 15-19 septembre 2014, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/moneyval/Evaluations/round4/MONEYVAL(2014)20_Estonia.pdf'>MONEYVAL(2014)20.</a>, le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) a appelé l’Estonie à renforcer le cadre permettant de sanctionner les violations aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) et à appliquer un éventail plus large de sanctions effectives et dissuasives.
82. Sur la base d’une analyse de la mise en œuvre des normes internationales et européennes en matière de LBC/FT, MONEYVAL note que les mesures de confiscation, si elles sont dans une certaine mesure effectivement appliquées aux infractions de blanchiment de capitaux et de trafic de drogue, ne sont pas utilisées à la manière d’un outil essentiel dans le cas d’autres infractions graves génératrices de produits. Bien que l’infraction de blanchiment de capitaux soit globalement conforme aux normes internationales et que plusieurs condamnations pour blanchiment aient été prononcées, il subsiste un certain nombre de problèmes concernant la charge de la preuve requise par les tribunaux pour établir l’origine criminelle des biens lorsque l’infraction sous-jacente n’a pas été identifiée. Par ailleurs, l’infraction de financement du terrorisme ne couvre pas tous les éléments importants requis en vertu des normes internationales. La Cellule de renseignement financier remplit son rôle analytique de façon efficace. La législation qui prévoit des mesures préventives concernant le devoir de vigilance relatif à la clientèle, la conservation des données et le signalement de transactions suspectes est adéquate, tout comme sa mise en œuvre. Si la surveillance des établissements de crédit, des entreprises d’assurance et des sociétés d’investissement à des fins de LBC/FT est dans une large mesure conduite de façon efficace, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour la surveillance d’autres institutions financières. Bien que le secteur non financier ait manifesté un niveau satisfaisant de compréhension et de conscience des exigences de prévention, des améliorations s’imposent encore en matière de mise en œuvre. La surveillance du secteur non financier est faible compte tenu de l’insuffisance des ressources humaines. Pour l’instant, il n’existe aucun système permettant d’assurer que les informations sur la propriété et le contrôle soumises par des personnes morales sont à jour.

6.5. Lutte contre la cybercriminalité

83. Le Gouvernement de l’Estonie est l’un des gouvernements au monde les plus sensibilisés en matière de cybersécurité. L’Estonie figure parmi les pays à l’origine du développement de la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité (STCE no 185) et son Protocole additionnel (STCE no 189). En 2008, l’OTAN a mis en place le Centre coopératif d’excellence pour la cyberdéfense en Estonie afin d’améliorer l’interopérabilité de la cyberdéfense et d’apporter un soutien en la matière à tous les membres de l’OTAN. Ce pôle multinational et interdisciplinaire d’expertise en matière de cyberdéfense est axé sur la technologie, la stratégie, les opérations et la législation.
84. La conscience de l’importance de la sécurité des technologies de l’information et de la communication, concernant leur utilisation dans la sphère privée comme dans les entreprises, s’est accrue significativement à la suite d’une série de cyberattaques perpétrées en avril 2007 contre des sites web et des organismes gouvernementaux estoniens, y compris le parlement, des banques, des ministères, des journaux et des diffuseurs. Les autorités estoniennes ont accusé le Kremlin d’être directement impliqué dans ces cyberattaques. En 2015, plusieurs agences publiques estoniennes ont à nouveau été les cibles d’attaques de rançongiciels (ransomware).
85. Trois agences de surveillance civile et de renseignement responsables de la cybersécurité – l’Autorité estonienne en charge du système d’information 
			(74) 
			<a href='https://www.ria.ee/public/Kuberturvalisus/2015-RIA-Annual-cyber-report.pdf'>https://www.ria.ee/public/Kuberturvalisus/2015-RIA-Annual-cyber-report.pdf</a>., le Service de la sécurité intérieure 
			(75) 
			<a href='https://www.kapo.ee/sites/default/files/public/.../Annual Review 2015.pdf'>https://www.kapo.ee/sites/default/files/public/.../Annual%20Review%202015.pdf</a>. et le Bureau d’information 
			(76) 
			<a href='https://www.teabeamet.ee/pdf/2016-en.pdf'>https://www.teabeamet.ee/pdf/2016-en.pdf</a>. – considèrent que, dans le cyberespace, la Russie représente la principale menace pour l’Estonie, l’Union européenne et l’OTAN. Le rapport du Bureau d’information estonien 
			(77) 
			<a href='https://www.kapo.ee/sites/default/files/public/.../Annual Review 2015.pdf'>https://www.kapo.ee/sites/default/files/public/.../Annual%20Review%202015.pdf.</a> fait référence à l’exploitation que font les États étrangers de l’environnement numérique pour des activités de cyberintelligence et affirme que, dans la région de la Baltique, le cybersabotage et des opérations d’influence par le biais de cyberattaques font partie des menaces potentielles. Le rapport de l’Autorité estonienne en charge du système d’information 
			(78) 
			<a href='https://www.ria.ee/public/Kuberturvalisus/2015-RIA-Annual-cyber-report.pdf'>https://www.ria.ee/public/Kuberturvalisus/2015-RIA-Annual-cyber-report.pdf.</a> note également que l’Estonie est exposée à des cybermenaces spécifiques du fait de sa proximité avec la Russie, qui «use d’un discours agressif et ne cesse de développer ses capacités de cyberattaque, et dont les activités dirigées contre les autres États dans le cyberespace ne sont qu’un instrument pour asseoir son influence et atteindre ses objectifs».
86. La stratégie 2014-2017 en matière de cybersécurité a été adoptée dans le cadre de la stratégie de sécurité plus vaste élaborée par l’Estonie 
			(79) 
			<a href='https://www.enisa.europa.eu/topics/national-cyber-security-strategies/ncss-map/Estonia_Cyber_security_Strategy.pdf'>https://www.enisa.europa.eu/topics/national-cyber-security-strategies/ncss-map/Estonia_Cyber_security_Strategy.pdf.</a>. Les principaux risques que court l’Estonie en matière de cybersécurité découlent de la dépendance massive et croissante de l’État, de son économie et de sa population vis-à-vis des technologies de l’information et de la communication et des services électroniques.

6.6. Lutte contre le terrorisme

87. Les autorités 
			(80) 
			Commentaires du ministère
de l’Intérieur. ont fourni des informations détaillées sur la lutte contre le terrorisme et en particulier sur son cadre juridique et institutionnel, qui est une priorité absolue pour le pays. Selon le service de la sécurité intérieure estonienne, la menace terroriste en Estonie est jugée faible. La politique de lutte contre le terrorisme porte principalement sur la prévention.
88. L'Estonie a ratifié la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 196). Elle a signé mais n'a pas ratifié la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198) et le Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 217).

7. Conclusions et recommandations

89. Dans l'ensemble, le fonctionnement des institutions démocratiques en Estonie est conforme aux normes du Conseil de l'Europe. L'Estonie respecte globalement ses obligations de membre découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe.
90. L'Estonie est une démocratie qui fonctionne bien, les Estoniens font confiance aux institutions publiques et aux processus électoraux et les principes de la démocratie locale y sont globalement respectés. Le rapporteur encourage les autorités à mettre en œuvre l’ensemble des recommandations restantes du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, en particulier celles relatives à l'autonomie financière des collectivités locales. Les recommandations de l'OSCE/BIDDH en suspens concernant la transparence et la responsabilité du système de vote électronique devraient être mises en œuvre, notamment en ce qui concerne la certification formelle du système de vote électronique par une organisation indépendante.
91. L’Estonie est devenue l’une des nations les plus avancées au monde sur le plan numérique depuis qu’elle a numérisé un nombre extraordinaire de services publics. À cet égard, le pays a accompli des progrès considérables en matière de transparence et d'accessibilité au sein du gouvernement. Le rapide développement des technologies de l’information se fait au prix d’une intensification des cybermenaces qui pèsent sur la sécurité nationale. L'Estonie est devenue le pôle multinational et interdisciplinaire d’expertise en matière de cyberdéfense.
92. La liberté d'expression est généralement garantie en Estonie, dans la législation comme dans la pratique, et le pays jouit d'une importante liberté en ligne qui amène les autorités à relever de nouveaux défis.
93. Le présent rapport montre clairement que l'Estonie adhère aux principes de l'État de droit. Les Estoniens font généralement confiance à leur système juridique et l'efficacité et l'indépendance du pouvoir judiciaire estonien sont jugées positives.
94. Bien que le niveau de corruption soit jugé faible en Estonie, le pays a connu plusieurs cas de corruption politique ces dernières années. Tout en se félicitant des progrès réalisés s’agissant des réformes portant sur la transparence du financement politique et les nouvelles normes d'intégrité pour les parlementaires, les juges et les procureurs, le rapporteur appelle les autorités à mettre en œuvre les recommandations du GRECO en suspens.
95. Les relations entre l'Estonie et la Fédération de Russie ont un fort impact sur un certain nombre de problèmes dans le pays. Le rapporteur a accordé une attention toute particulière aux questions de citoyenneté et d’apatridie, ainsi qu’à la situation de la minorité russe dans le pays, en gardant à l'esprit le contexte spécifique des héritages du passé de l'Estonie. Il se félicite des mesures importantes prises par les autorités estoniennes en ce qui concerne la situation des «personnes de nationalité indéterminée» et recommande de réduire encore leur nombre en facilitant davantage l'accès à la citoyenneté pour les résidents de longue durée.
96. Tout en comprenant la spécificité du pays et tout en tenant compte des difficultés qu’il rencontre en relation avec le traitement de la question des droits des minorités, sujette à controverse, le rapporteur recommande aux autorités de faire le maximum pour que:
  • dans les régions où elles résident traditionnellement ou en grand nombre, les personnes appartenant à des minorités nationales aient la possibilité effective d’utiliser leur langue minoritaire dans leurs relations avec les autorités locales;
  • les possibilités d'utiliser des noms de lieux en langues minoritaires soient élargies et que l'utilisation d'indications topographiques dans les langues minoritaires soit autorisée, parallèlement à l'estonien;
  • des mesures soient prises en vue de la signature et de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
97. Tout en saluant les efforts déployés par les autorités pour intégrer la minorité russe, le rapporteur demeure préoccupé par l'écart socioéconomique entre les minorités ethniques et la population majoritaire, ainsi que par les difficultés d'intégration rencontrées par les jeunes, notamment en relation avec les compétences linguistiques requises. D'autres mesures devraient être prises pour réduire le chômage et l'exclusion sociale des minorités ethniques dans le pays.
98. L'Estonie devrait ratifier le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l'homme. Le pays n'a pas été épargné par la montée du discours raciste en Europe, même si le problème reste marginal. Les Roms continuent d’être stigmatisés malgré les efforts déployés pour changer cette situation. Les autorités devraient mettre en œuvre les recommandations de l'ECRI en suspens à cet égard.
99. La commission évaluera la mise en œuvre de ces recommandations à l’occasion de son prochain cycle d’examen périodique des États membres ne faisant pas l’objet d’une procédure de suivi stricto sensu, ni engagés dans un dialogue postsuivi.

Annexe

(open)

1. Conventions du Conseil de l’Europe signées et/ou ratifiées entre le 1er octobre 2013 et le 26 octobre 2017 par l’Estonie

No.

Titre

127

Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale

 

Signature: 29/05/2013

Ratification: 08/07/2014

Entrée en vigueur: 01/11/2014

197

Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains

 

Signature: 03/02/2010

Ratification: 05/02/2015

Entrée en vigueur: 01/06/2015

201

Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels

 

Signature: 17/09/2008

Ratification: 22/11/2016

Entrée en vigueur: 01/03/2017

205

Convention du Conseil de l'Europe sur l'accès aux documents publics

 

Signature: 18/06/2009

Ratification: 28/01/2016

 

208

Protocole d'amendement à la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale

 

Signature: 29/05/2013

Ratification: 08/07/2014

Entrée en vigueur: 01/11/2014

210

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

 

Signature: 02/12/2014

Ratification: 26/10/2017

Entrée en vigueur: 01/02/2018

213

Protocole n° 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales

 

Signature: 22/10/2013

Ratification: 30/04/2014

 

214

Protocole n° 16 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales

 

Signature: 17/02/2014

Ratification: 31/08/2017

 

215

Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives

 

Signature: 19/09/2016

   

217

Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme

 

Signature: 22/10/2015

   

2. Conclusions récentes des mécanismes de suivi et autres instances du Conseil de l’Europe au 26 octobre 2017

Cour européenne des droits de l’homme

Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 005) ratifiée en 1996

Protocole n° 1 (STE n° 009) ratifié en 1996

Protocole n° 2 (STE n° 044) ratifié en 1996

Protocole n° 6 (STE n° 114) ratifié en 1998

Protocole n° 12 (STE n° 177) signé en 2000

Protocole n° 13 (STE n° 187) ratifié en 2004

Protocole n° 14 (STCE n° 194) ratifié en 2006

Sur un total de 79 750 requêtes pendantes devant une formation judiciaire au 31 décembre 2016, 63 concernaient l’Estonie.

Résolutions adoptées par le Comité des Ministres: 4 en 2013, 2 en 2014, 2 en 2015, 8 en 2016 et 4 en 2017.

Voir aussi Fiche pays pour la presse: Estonie

Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

Charte européenne de l'autonomie locale (STE n° 122) ratifiée en 1994

Rapport et Recommandation sur la démocratie locale en Estonie adoptés en mars 2017: CPL32(2017)04final et Recommandation 401 (2017)

Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO)

Convention civile sur la corruption (STE n° 174) ratifiée en 2000

Convention pénale sur la corruption (STE n° 173) ratifiée en 2001, Protocole additionnel (STE n° 191) ni signé ni ratifié

Troisième cycle d’évaluation: addendum au deuxième rapport de conformité sur l’Estonie: «Incriminations (STE 173 et 191, PD 2)», «Transparence du financement des partis politiques», adopté par le GRECO lors de sa 61e réunion plénière, Strasbourg, 14-18 octobre 2013, publié en octobre 2013, GrecoRC-III(2013)10F

Quatrième cycle d’évaluation: prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs: rapport de conformité: Estonie, adopté par le GRECO lors de sa 67e réunion plénière, Strasbourg, 23-27 mars 2015, publié en avril 2015, GrecoRC-IV(2015)1F

Quatrième cycle d’évaluation: prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs: deuxième rapport de conformité: Estonie, adopté par le GRECO lors de sa 76e réunion plénière, Strasbourg, 19-23 juin 2017, publié en juin 2017, GrecoRC4(2017)4

Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL)

Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime de 1990 (STE n° 141) ratifiée en 2000

Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (révisée) (STCE n° 198) signée en 2013 mais pas ratifiée

Rapport de la 4e visite d’évaluation: lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme: Estonie, 18 septembre 2014, adopté lors de la 45e réunion plénière, Strasbourg, 15-19 septembre 2014, MONEYVAL(2014)20 (en anglais seulement) (Résumé en français, Annexes en anglais seulement)

Commissaire aux droits de l’homme

Report by Nils Muižnieks, Commissioner for Human Rights of the Council of Europe, following his visit to Estonia from 25 to 27 March 2013, CommDH(2013)12 (en anglais seulement)

Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)

Convention (STE n°126), Protocoles n°1 (STE n°151) et n° 2 (STE n° 152) ratifiés en 1996

Publication du dernier rapport: janvier 2014, CPT/Inf (2014)1 (en anglais seulement)

Dernière visite dans le pays: septembre-octobre 2017

Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) et Comité des Parties

Convention (STCE n° 197) ratifiée en 2015

1er cycle d'évaluation:

. Réponse du gouvernement au Questionnaire du GRETA publiée en avril 2017, GRETA(2017)20 (en anglais seulement)

. 1ère visite d’évaluation du GRETA en Estonie en mai 2017

Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) et Comité des Parties

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210) ratifiée en 2017

Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)

5e rapport sur l’Estonie adopté en juin 2015, publié en octobre 2015, CRI(2015)36

Commission de Venise

Pas d’avis depuis 1998

Autres traités:

Convention-cadre pour la protection des minorités nationales

Convention (STE n° 157) ratifiée en 1997

Quatrième cycle:

. 4e rapport étatique reçu en mai 2014, ACFC/SR/IV(2014)008 (en anglais seulement)

. Visite de la délégation du Comité consultatif en novembre 2014

. Avis adopté en mars 2015, publié en octobre 2015, ACFC/OP/IV(2015)002

. Commentaires du gouvernement reçus en septembre 2015, GVT/COM/IV(2015)005

. Résolution adoptée en octobre 2016, CM/ResCMN(2016)15

Charte européenne des langues régionales ou minoritaires

Convention (STE n° 148) ni signée ni ratifiée

Charte sociale européenne

Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) ratifiée en 2000

Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (STE n° 158) ni signé ni ratifié

Voir aussi Fiche pays: Estonie