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Rapport | Doc. 14450 Part 5 (IE) | 14 décembre 2017

L'évolution de la procédure de suivi de l'Assemblée (janvier-décembre 2017) et l’examen périodique du respect des obligations de l’Estonie, de la Grèce, de la Hongrie et de l’Irlande

Rapport d'examen périodique: Irlande

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Rapporteur : M. Cezar Florin PREDA, Roumanie, PPE/DC

Origine - Voir également Doc. 14450 Partie 1, Partie 2, Partie 3 et Partie 4. 2018 - Première partie de session

Résumé

Tous les États membres du Conseil de l’Europe ne faisant pas l’objet d’une procédure de suivi stricto sensu ou n’étant pas engagés dans un dialogue postsuivi font l’objet d’un examen périodique régulier par la commission de suivi concernant le respect des obligations découlant de leur adhésion au Conseil de l’Europe. Dans ce rapport, la commission présente l’examen périodique de l’Irlande. La commission a conclu que, dans l’ensemble, Irlande remplit les obligations découlant de son adhésion au Conseil de l’Europe et que le fonctionnement de ses institutions démocratiques est globalement conforme aux normes du Conseil de l’Europe. Cependant, les sujets de préoccupation qui ont été soulevés et les recommandations qui ont été faites à cet égard nécessitent une action rapide par les autorités.

A. Exposé des motifs, par M. Cezar Florin Preda, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Contexte général

1. La République d’Irlande, qui était auparavant l’État libre d’Irlande établi en 1922 comme un dominion du Commonwealth des nations britanniques suite à la guerre d'indépendance irlandaise, s’est séparée du Royaume-Uni pour devenir un État pleinement indépendant en 1949. L’Irlande compte une population de 4,7 millions d’habitants (recensement de 2016) et sa superficie est de 70 000 km². 84 % de la population est catholique 
			(1) 
			L’église d’Irlande
(cultes protestants compris) représente 2,93 % de la population,
les musulmans 1,1 % et les orthodoxes 0,98 %; 5,88 % de la population
déclare qu’elle n’a aucune religion.. L’influence de l’église catholique, bien qu’en déclin, reste importante dans la société.
2. L’Irlande est un membre fondateur du Conseil de l’Europe (depuis le 5 mai 1949). Elle est devenue membre de l’Union européenne en 1973 et de la zone euro en 1999. Elle ne fait pas partie de l’espace Schengen.
3. L’Irlande a connu une période d’expansion économique rapide (la «période du tigre celtique») de 1995 à 2008, fondée sur l’économie de la connaissance, les services et les entreprises de haute technologie. Elle a cependant dû faire face à une crise financière sans précédent en 2008 et à une récession économique en 2009, marquée par une forte baisse d’activités dans le secteur de la construction, un effondrement du système bancaire, et une baisse de 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2008 et de 7,1 % en 2009. De ce fait, le chômage a fortement augmenté, passant de 4,5 % en 2007 à près de 12 % en 2009 et le déficit budgétaire s’est creusé, atteignant environ 31 % du PIB 
			(2) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016806db892'>CommDH(2011)27</a>, rapport élaboré par Thomas Hammarberg, Commissaire
aux droits de l’homme, suite à sa visite en Irlande du 1er au
2 juin 2011. Question examinée: droits de l’homme des groupes vulnérables
à l’époque des budgets d’austérité..
4. En novembre 2010, l’Irlande a donc été amenée à conclure un accord pour un programme de sauvetage avec l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) 
			(3) 
			En 2010, l’Irlande
a reçu 85 milliards d’euros de soutien financier de l’Union européenne
et du FMI ainsi que des prêts bilatéraux supplémentaires accordés
par le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark. Voir: CPL(25)5FINAL, 31 octobre
2013, La démocratie locale en Irlande. et a bénéficié de prêts assortis de conditions strictes visant à équilibrer le budget. Un Plan national de relance (2011-2014) a été mis en place dans le but de réduire le déficit à moins de 3 % du PIB d’ici 2014, principalement en réduisant les dépenses publiques. Thomas Hammarberg, qui était alors Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, avait alors exprimé son inquiétude concernant les mesures budgétaires en cours et à venir et affirmé qu’elles pourraient «avoir de graves conséquences sur la société irlandaise, en particulier sur les groupes vulnérables» 
			(4) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016806db892'>CommDH(2011)27.</a>.
5. L'Irlande s’est rétablie au niveau macroéconomique. En 2013, elle est devenue le premier pays de la zone euro à sortir d’un programme international de sauvetage mis en œuvre suite à la crise économique de 2008. Depuis 2014, l'Irlande est l'économie qui connaît la plus forte croissance de la zone euro. Elle se classe parmi les pays les plus riches de la planète en termes de PIB par habitant et, en 2016, elle a été classée au huitième rang des pays les plus développés dans le monde selon l’indice du développement humain des Nations Unies 
			(5) 
			<a href='http://hdr.undp.org/en/countries/profiles/IRL'>http://hdr.undp.org/en/countries/profiles/IRL.</a>.
6. Cependant, la crise financière et les mesures d'austérité ont encore un effet perceptible sur les individus et la société. Le rapport établi en mars 2017 par Nils Muižnieks, le Commissaire aux droits de l'homme, montre de manière frappante comment la crise financière s’est répercutée sur les groupes les plus vulnérables (notamment les femmes, les Gens du voyage, les enfants 
			(6) 
			Le Commissaire a noté
avec consternation et inquiétude que «les taux de pauvreté chez
les enfants ont considérablement augmenté depuis 2008» en Irlande:
en 2014, 11,2% des enfants (contre 9,3% en 2011) vivaient dans une
pauvreté persistante. «De plus, la pauvreté alimentaire a été aggravée
par la récession. Dans l'ensemble, 22% des enfants déclarent avoir
été à l'école ou au lit affamés parce qu'il n'y avait pas assez
de nourriture à la maison» Rapport élaboré par Nils Muižnieks, Commissaire
aux droits de l'homme, suite à sa visite en Irlande du 22 au 25
novembre 2016, CommDH(2017)8, 29 mars 2017 [en anglais seulement]., les migrants, etc.). Cette question sera développée ultérieurement dans le rapport. 
7. La crise financière a également eu des répercussions sur la structure des institutions et services publics. En 2014-2015, également pour des raisons économiques, la Commission irlandaise des droits de l’homme et l’Autorité chargée de l’égalité ont été fusionnées au sein d’une nouvelle Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité, renforcée. Par ailleurs, le Tribunal de l’égalité, la Commission des relations de travail, les commissaires de conciliation, l’Agence nationale chargée des droits en matière d’emploi et le tribunal d’appel pour les conflits du travail ont fusionné au sein d’une nouvelle structure: la Commission sur les relations sur le lieu de travail (Workplace Relations Commission).

1.2. Impact du «Brexit»

8. Autre sujet de préoccupation, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (le «Brexit»), qui a commencé en mars 2017 suite au référendum britannique du 11 mai 2016. Une telle décision pourrait avoir des incidences politiques, sociales et économiques sur l'Irlande, qui entretient des échanges étroits avec le Royaume-Uni avec lequel elle partage une frontière terrestre. Il faut noter qu’en Irlande du Nord, le vote en faveur du maintien dans l’Union est arrivé au troisième rang dans le pays (55,7%) 
			(7) 
			<a href='http://www.telegraph.co.uk/news/0/how-would-brexit-affect-northern-ireland-and-scotland/'>www.telegraph.co.United</a>www.telegraph.co.uk/news/0/how-would-brexit-affect-northern-ireland-and-scotland/..
9. L’intégration économique avec l’Irlande du Nord s’est considérablement renforcée depuis l’accord du Vendredi Saint 
			(8) 
			<a href='http://bruegel.org/2016/12/the-impact-of-brexit-on-northern-ireland-a-first-look/'>http://bruegel.org/2016/12/the-impact-of-brexit-on-northern-ireland-a-first-look/</a>. L'Accord du Vendredi saint a été signé en 1998. Le
texte intégral du document peut être consulté <a href='http://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/IE GB_980410_Northern Ireland Agreement.pdfl'>ici</a>.. Elle a notamment été facilitée par des institutions communes, par exemple le Conseil ministériel Nord-Sud (qui réunit des ministres irlandais et des ministres de l’Exécutif d’Irlande du Nord) et le Conseil britannico-irlandais (composé de ministres britanniques et irlandais et de leurs homologues d’Écosse, du pays de Galles, d’Irlande du Nord, de l’île de Man et des îles Anglo-Normandes). La «zone de voyage commune» établie par l'accord du Vendredi saint pourrait être touchée par le Brexit (on comptait 7 600 travailleurs frontaliers venus d'Irlande du Nord et 12 100 de la République d'Irlande en 2015) 
			(9) 
			Chiffres Eurostat,
voir: <a href='http://bruegel.org/2016/12/the-impact-of-brexit-on-northern-ireland-a-first-look/'>http://bruegel.org/2016/12/the-impact-of-brexit-on-northern-ireland-a-first-look/</a>. .
10. Du point de vue irlandais, un «Brexit dur» pourrait entraîner une baisse de 30% des exportations vers le Royaume-Uni, ajouter 20 milliards d'euros à la dette nationale au cours de la prochaine décennie et entraîner 40 000 pertes d'emplois. La forte chute de la livre depuis l’annonce du Brexit, ainsi que l'impact potentiel des tarifs sur le commerce et de la durée prolongée du franchissement des frontières après le Brexit, pourraient nuire aux entreprises irlandaises qui exportent vers le Royaume-Uni 
			(10) 
			Chiffres communiqués
par le ministère des Finances irlandais, voir: <a href='https://www.rte.ie/news/video/2017/0329/863271-brexit-ireland/'>https://www.rte.ie/news/video/2017/0329/863271-brexit-ireland/</a>. .
11. Reste à savoir quels seront les effets du Brexit non seulement sur les finances et les services publics irlandais mais aussi sur la protection des droits de l'homme, même si l'accord du Vendredi Saint a prévu un renforcement de la coopération transfrontalière dans ce domaine. Les parties à cet accord se sont en effet engagées à assurer une équivalence en matière de droits de l’homme dans les deux pays. Dans ces conditions, l’impact du Brexit demeure ambigu 
			(11) 
			AS/Mon (2017) 23. Commentaires
de la sénatrice Alice-Mary Higgins (indépendante)..

1.3. Bref aperçu des relations entre l'Irlande et le Conseil de l'Europe

12. L'Irlande a ratifié 122 conventions du Conseil de l'Europe depuis son adhésion et a signé 18 conventions supplémentaires, notamment la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des organes humains (STCE no 216) et la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210) en 2015. Nous encourageons vivement les autorités irlandaises à envisager de ratifier ces deux conventions. Il existe actuellement 15 requêtes (sur un total de 79 750) en instance devant une formation judiciaire de la Cour européenne des droits de l'homme (au 1er octobre 2017). Deux résolutions ont été adoptées par le Comité des Ministres en 2013, cinq en 2014 et aucune depuis 2015.
13. Le présent rapport d’examen périodique a été établi conformément à la Résolution 2018 (2014) sur l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée (octobre 2013-septembre 2014) et à l'exposé des motifs approuvé par la commission de suivi le 17 mars 2015. Il examinera les défis que l'Irlande doit relever dans le domaine de la démocratie, des droits de l'homme et de la primauté du droit, sur la base des conclusions les plus récentes des mécanismes de suivi des principales conventions du Conseil de l'Europe, des conclusions de l'Assemblée parlementaire et du Commissaire aux droits de l'homme et, le cas échéant, des rapports préparés par d'autres instances internationales et des représentants de la société civile et d’organisations non gouvernementales (ONG).
14. Ce rapport n’a pas vocation à être une recherche exhaustive sur le pays, mais une analyse des développements récents du pays au regard des standards du Conseil de l’Europe. Il se focalise plus spécifiquement sur des questions majeures que j’ai identifiées, sur la base des développements géopolitiques, politiques et sociaux ainsi que sur les rapports des mécanismes de suivi. Dans ce contexte, j'ai décidé de concentrer ce rapport sur les développements les plus récents concernant la démocratie, la lutte contre la corruption et la situation des droits humains des femmes, des Gens du voyage (Travellers) irlandais, des Roms et des demandeurs d'asile. J’aimerais remercier les autorités et les membres de la délégation irlandaise à l’Assemblée parlementaire, qui m’ont fourni en septembre 2017 des observations approfondies sur mon avant-projet de rapport 
			(12) 
			Commentaires des autorités
et de la délégation irlandaise à l’Assemblée parlementaire, AS/Mon
(2017) 23.. Au vu de certains de ces commentaires, j’aimerais souligner que la définition et l’interprétation des droits de l’homme (STE no 5) retenues dans le présent rapport reposent sur la Convention européenne des droits de l’homme et son interprétation par la Cour européenne des droits de l’homme (c’est-à-dire sa jurisprudence), ainsi que sur les normes définies par le Conseil de l’Europe dans divers instruments juridiques, nonobstant la marge d’appréciation dont peuvent jouir les États sur certaines questions sociétales.

2. Démocratie

2.1. Les institutions démocratiques

15. L'Irlande est une démocratie parlementaire. Le Parlement – appelé Oireachtas – comprend deux Chambres: la Chambre des Représentants (Dáil Éireann), qui compte 158 membres 
			(13) 
			Le nombre réglementaire
de députés à la Chambre a été ramené de 166 à 158, selon le rapport
de 2012 de la commission des circonscriptions. (appelés Teachtaí Dála (TD)), élus pour un mandat de cinq ans dans le cadre d’une représentation proportionnelle avec un seul vote transférable 
			(14) 
			Dans ce système, chaque
électeur reçoit un bulletin de vote où figurent les noms de tous
les candidats de sa circonscription. L’électeur vote pour l'un d'entre
eux en écrivant le chiffre 1 en face du nom de son choix; il est
ensuite libre d'indiquer un ordre de préférence pour les autres
candidats en ajoutant les chiffres 2, 3, 4, etc. en face de leur
nom. Au début du dépouillement, les bulletins de vote sont soigneusement
mélangés et triés selon les premières préférences enregistrées.
Le nombre total de documents valides est ensuite calculé, et ce
chiffre sert à déterminer le quota électoral en divisant le nombre
de sièges à pourvoir, plus un. Les candidats qui obtiennent un certain
nombre de premières préférences égales ou supérieures à ce quota
lors du premier dépouillement sont déclarés élus. Si aucun candidat n'atteint
le quota fixé, celui qui a reçu le nombre de voix le plus faible
est éliminé et ses votes sont transférés au candidat pour lequel
une deuxième préférence est enregistrée. Si un candidat reçoit plus
que le quota requis pour l'élection, les votes excédentaires sont
transférés proportionnellement aux candidats restants conformément
aux préférences suivantes exprimées par les électeurs. Lorsque le
nombre de candidats restants, ni élus ni éliminés, est égal au nombre
de postes vacants à pourvoir, ces candidats sont déclarés élus même
s'ils n’atteignent pas le quota. <a href='http://www.ipu.org/parline-e/reports/2153_B.htm'>www.ipu.org/parline-e/reports/2153_B.htm.</a>, et le Sénat (Seanad Éireann), qui compte 60 membres, dont 11 sont nommés par le chef du gouvernement (Taoiseach). Les autres membres sont élus parmi les groupes professionnels et les universités nationales. Le Seanad peut élaborer ou réviser une loi, mais la Dáil peut rejeter ses amendements et une proposition de loi.
16. Le chef du gouvernement est le Taoiseach. Le Tánaiste est le vice-premier ministre. Le Taoiseach et les ministres forment collectivement le gouvernement en vertu de la Constitution irlandaise, et ils détiennent le pouvoir exécutif.
17. Le Président de l'Irlande (Uachtarán na hÉireann) est le chef de l'État; son rôle est en grande partie honorifique. Il est élu directement par le peuple pour un mandat de sept ans renouvelable une fois. Michael D. Higgins a été élu président le 29 octobre 2011. Il nomme officiellement le Taoiseach (chef du gouvernement) et les autres ministres désignés par le parlement (sans pouvoir refuser des nominations) et accepte leur démission.
18. Les deux principaux partis irlandais – Fianna Fáil et Fine Gael – sont assez proches sur le plan idéologique mais ils sont les successeurs des partis qui se sont opposés durant la guerre civile de 1922 à 1923. Les autres partis importants sont le Parti travailliste, le Sinn Féin et le Parti Vert. Fianna Fáil a dominé le paysage politique après l’indépendance de l'Irlande. Il a dirigé le pays 61 ans sur 79 avant d’être battu en 2011 en raison de scandales de corruption et de mauvaise gestion de la crise économique de 2008. La coalition Fine Gael-Parti travailliste dirigée par Enda Kenny détenait alors les deux tiers des sièges 
			(15) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland'>https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland.</a>.
19. La campagne électorale parlementaire de 2016 s'est concentrée sur le processus de relance économique amorcé après la crise de 2008. Les élections ont débouché sur un parlement sans majorité. La coalition sortante a enregistré une forte baisse du nombre de ses sièges tandis que le parti d’opposition, le Fianna Faíl, dirigé par M. Micheál Martin, a plus que doublé le nombre des siens (44 sièges), devant le Sinn Fein (23 sièges) et les Indépendants (19 sièges). Le reste des sièges a été attribué à l' «Alliance anti-austérité – le peuple avant le profit» (6 sièges), au parti «Independents 4 change» (4 sièges), au Parti social-démocrate (3 sièges) et au Parti vert (2 sièges). Le 29 avril 2016, après 63 jours de négociation, Fine Gael et Fianna Fáil ont conclu un accord formant un gouvernement minoritaire dirigé par Fine Gael. Le 6 mai 2016, la Chambre des représentants a réélu Enda Kenny Premier ministre. Le 14 juin 2017, Leo Varadkar a été élu Taoiseach; il remplace Enda Kenny à cette fonction, après avoir remporté la présidence du Fine Gael.
20. L'administration locale se compose de 114 collectivités locales qui disposent d’un large éventail de compétences, notamment en matière de logement, de transport, de distribution d’eau, de gestion de déchets, d'éducation, de santé et d’assistance sociale 
			(16) 
			<a href='http://eu2013.ie/ireland-and-the-presidency/about-ireland/irishpoliticsandgovernment/irishpoliticalsystem/'>http://eu2013.ie/ireland-and-the-presidency/about-ireland/irishpoliticsandgovernment/irishpoliticalsystem/</a>.. En 2013, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe a noté que l’Irlande s’engageait à passer d'un système quasiment centralisé à un certain niveau de décentralisation grâce à un programme d'action ambitieux adopté en octobre 2012. La protection constitutionnelle de l'autonomie locale est plutôt faible. Les administrations locales ne semblent pas gérer une part importante des affaires publiques, le contrôle administratif de leurs activités par le niveau central reste élevé et les concertations avec les collectivités locales et leurs associations ne sont pas systématiques ou suffisamment réglementées. Les collectivités locales ont par ailleurs des pouvoirs très limités pour lever des impôts ou fixer des tarifs dans les limites de la loi. Le Congrès a encouragé les autorités irlandaises à mettre en œuvre le programme d'action le plus rapidement possible en vue de confier davantage de pouvoirs et d'autonomie financière aux collectivités locales et d'améliorer la procédure de péréquation financière. Les autorités ont également été encouragées à poursuivre les efforts de développement régional existants, à élaborer des procédures et mécanismes de concertation avec les collectivités territoriales sur les questions qui les concernent directement et à signer et ratifier le Protocole additionnel à la Charte européenne de l'autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales (STCE no 207) 
			(17) 
			CPL(25)5FINAL, 31 octobre
2013, Local democracy in Ireland..
21. Aux élections locales de mai 2014, le Sinn Féin a gagné 159 des 949 sièges en jeu, soit un gain de 105 sièges depuis 2009. Cette progression l’a placé à la troisième place derrière Fianna Fáil et Fine Gael, qui sont restés les principaux partis au niveau local, tandis que le Parti travailliste s’est classé à la quatrième place après avoir subi de lourdes pertes 
			(18) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland'>https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland.</a>.

2.2. Les réformes constitutionnelles engagées en 2012

22. En 2012, une Convention constitutionnelle a été créée pour examiner les propositions d’amendement à la Constitution d'Irlande, qui ont été soumises aux deux chambres du Parlement et adoptées. La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) et le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ont encouragé le gouvernement à veiller à ce que la Convention constitutionnelle tienne compte de la diversité de la société irlandaise 
			(19) 
			CR(2013)1,
paragraphe 16. et prévoit la participation des migrants et de la communauté des Gens du voyage 
			(20) 
			Comité consultatif
de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales,
troisième avis sur l'Irlande adopté le 10 octobre 2012, publié le
19 avril 2013, <a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168008c68a'>ACDC/OP/III(2012)006</a>, paragraphe 122. .
23. La Convention était composée de 100 membres: un président, 29 parlementaires choisis en fonction de la représentation des partis; quatre représentants des partis politiques de l'Irlande du Nord; et 66 citoyens choisis au hasard en Irlande. La Convention a élaboré ses conclusions et recommandations en mars 2014, et formulé 38 recommandations 
			(21) 
			Voir l’annexe D du
rapport de la Convention constitutionnelle (<a href='https://www.constitution.ie/AttachmentDownload.ashx?mid=55f2ba29-aab8-e311-a7ce-005056a32ee4'>Report
of the Constitutional Convention)</a>. Pour un résumé de la suite donnée à ces recommandations,
voir: <a href='https://en.wikipedia.org/wiki/Constitutional_Convention_(Ireland)'>https://en.wikipedia.org/wiki/Constitutional_Convention_(Ireland).</a>.
24. Le travail de la Convention a porté notamment sur huit domaines: la réduction du mandat présidentiel à cinq ans et son alignement sur les élections locales et européennes; la réduction de l'âge du vote à 17 ans; la révision du système électoral de l’Assemblée (Dáil); l’octroi aux citoyens résidents en dehors de l'État du droit de vote aux élections présidentielles dans les ambassades d'Irlande ou ailleurs; la prise en compte des mariages entre personnes de même sexe; la modification de la clause sur le rôle des femmes au foyer et l’accroissement de la participation des femmes à la vie publique et à la vie politique; la suppression de l'infraction de blasphème de la Constitution.
25. Le gouvernement a convenu en 2015 de donner suite à quatre des 38 recommandations formulées par la Convention constitutionnelle et d’organiser des référendums dans certains cas:
  • en mai 2015, les électeurs participant au référendum ont approuvé l'extension des droits matrimoniaux aux couples de même sexe. La Constitution a été dûment amendée en août;
  • la proposition de réduire l'âge minimum des candidats à la présidentielle de 35 à 21 ans a été rejetée par référendum avec 73% de voix contre et 27% de voix pour;
  • en octobre 2014, le gouvernement a annoncé son intention de tenir un référendum sur la suppression de l'infraction de blasphème de la Constitution et l’abrogation de la loi de 2009 sur la diffamation, qui a érigé le blasphème en infraction pouvant être sanctionnée par de lourdes amendes 
			(22) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland'>https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland.</a>. Ce référendum a cependant été reporté et n’a pas été prévu avant les élections de mai 2016.
26. Le 26 septembre 2017, le gouvernement a convenu d’un calendrier indicatif pour un certain nombre de référendums sur la modification de la Constitution et la réforme des collectivités locales, qui découlent des travaux de l’Assemblée des citoyens, de la Convention sur la Constitution et du Programme pour un gouvernement de partenariat: un référendum sur le huitième amendement (article 40.3.3) (en mai ou juin 2018, voir plus loin), des référendums sur le blasphème (article 40.6.1) et «la vie des femmes au foyer» (article 41.2.1) en octobre 2018, un plébiscite sur l’élection au suffrage direct des maires (en octobre 2018) et des référendums sur le divorce, l’extension de la franchise aux élections présidentielles aux citoyens irlandais résidant hors du territoire et l’abaissement de l’âge de la majorité électorale à 16 ans en juin 2019 
			(23) 
			<a href='https://merrionstreet.ie/en/News-Room/News/Government_Sets_Indicative_Timetable_For_Referendums.html'>https://merrionstreet.ie/en/News-Room/News/Government_Sets_Indicative_Timetable_For_Referendums.html.</a>.

2.3. La promotion de la participation des femmes à la vie publique

27. À la suite de l'adoption de l'amendement à la loi électorale (financement politique) en 2012, les partis doivent faire en sorte qu’au moins 30 % de leurs candidats aux élections soient des femmes et au moins 30 % des hommes. Les partis qui ne respecteront pas les quotas seront sanctionnés par une réduction de la moitié de leur financement public. Ce ratio passera à 40 % à partir de 2023 (soit sept ans après les élections générales de 2016) 
			(24) 
			<a href='http://www.ipu.org/parline-e/reports/2153_B.htm'>www.ipu.org/parline-e/reports/2153_B.htm.</a>. Tous les partis sauf «Direct Democracy Ireland» ont rempli cette condition lors des élections de 2016, ce qui a entraîné une augmentation de 15 % du nombre de femmes élues à l’Assemblée [Dáil] (soit 22 % des 158 membres du parlement).
28. L’égalité entre les sexes a pu également être améliorée grâce à la mise en place du «Public Sector Duty» par la loi de 2014 de la Commission irlandaise des droits de l'homme et de l'égalité, qui impose à tous les organismes publics d’éliminer la discrimination, de favoriser l'égalité des chances et de traitement et de protéger les droits de l'homme dans l'exercice de leurs fonctions. Un Programme pour un gouvernement de partenariat 2016 a par ailleurs été mis en place; il comporte l’engagement de revoir et corriger le budget et les processus politiques à l’aune de l’égalité entre les sexes. Il convient de se féliciter de cet engagement, qui reste toutefois à réaliser 
			(25) 
			AS/Mon
(2017) 23, commentaires de la sénatrice Alice-Mary Higgins (indépendante)..
29. Cependant, les mesures d'austérité ont entraîné des coupes dans les budgets publics, la réduction du budget et du domaine de compétences de certaines structures consacrées aux droits des femmes ainsi que la réduction du financement des ONG œuvrant en faveur des droits des femmes 
			(26) 
			Les
fonds alloués à Women's Aid, une ONG qui gère une ligne d'assistance
téléphonique gratuite pour les femmes et d’autres services, ont
été réduits de 31 % alors que la demande de services a augmenté.
Le financement des ONG locales aurait été réduit de 41 % depuis
2011. CommDH(2017)8, paragraphes 48-49. . Cela a conduit certaines ONG à mettre un terme à leurs activités, tandis que d'autres ont été contraintes de réduire leurs effectifs, les services fournis ou les activités de sensibilisation. La Commission de protection sociale a présenté des propositions pour remédier au taux de privation anormalement élevé chez les parents isolés, qui sont en majorité des mères de familles monoparentales 
			(27) 
			See <a href='https://beta.oireachtas.ie/en/committees/32/social-protection/'>https://beta.oireachtas.ie/en/committees/32/social-protection/</a>. AS/Mon (2017) 23, commentaires de la sénatrice Alice-Mary
Higgins (indépendante). . Les mesures d’austérité ont également touché de manière disproportionnée les retraites des femmes 
			(28) 
			Comme l'indique
la sénatrice Alice-Mary Higgins, les modifications apportées en
2012 n'ont eu aucune incidence sur les pensions à taux plein, mais
ont considérablement diminué les versements des pensions à taux
partiel. Le calcul des droits se fonde sur la moyenne des contributions
de l'assurance sociale tout au long des années pendant lesquelles
les intéressés ont fait partie de la population active. Cette méthode
de calcul pénalise les personnes qui ont interrompu leur activité
professionnelle pour assumer les tâches ménagères et familiales,
AS/Mon (2017) 23..

3. État de droit: lutte contre la corruption

30. L'Irlande est descendue d’une place au classement de l'Indice de perception de la corruption de Transparency International pour 2016. Les résultats montrent que, depuis 2015, l’Irlande est passée de la 18e à la 19e place sur 176 pays, avec un score de 73 
			(29) 
			<a href='http://transparency.ie/news_events/corruption-perceptions-index-2016'>http://transparency.ie/news_events/corruption-perceptions-index-2016</a>..
31. En 2009, le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) a déclaré que, dans l'ensemble, les règles de justice pénale en Irlande étaient conformes aux exigences de la Convention pénale sur la corruption (STE no 173) du Conseil de l'Europe qui a déjà été ratifiée par l'Irlande dès 2003. Le GRECO a également reconnu qu’un certain nombre d'institutions avaient été créées depuis pour lutter contre la corruption et que la législation avait été renforcée, telle que la loi relative à la liberté d'information en 1997 et les lois sur l’éthique en 1995-2001, ou la loi Oireachtas (enquêtes, privilèges et procédures) en 2013, qui ont établi un cadre réglementaire pour les enquêtes parlementaires sur des questions fondamentales d'importance publique.
32. Ces mesures ont fait suite à la divulgation d’une importante affaire de corruption présumée dans les années 1990 mettant en cause des représentants politiques (des conseillers au Conseil du comté de Dublin) et le secteur des entreprises. Le tribunal (le «tribunal Mahon) a estimé en mars 2012, après une enquête publique de 15 ans 
			(30) 
			Le tribunal a enquêté
essentiellement sur des dossiers d’autorisations d’urbanisme et
de modification de zonage de terrains dans les années 1990 dans
la région de Dublin., que «la corruption était devenue un aspect courant du rôle public [des représentants politiques]», que la corruption touchait la vie politique irlandaise à tous les niveaux, que ceux qui avaient le pouvoir d’y mettre fin étaient souvent mis en cause, et que la corruption était à l’époque «un secret de Polichinelle» et «un moyen reconnu de faire des affaires» 
			(31) 
			Quatrième cycle d'évaluation:
prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des
procureurs: rapport d'évaluation: Irlande, adopté par le GRECO à
sa 65e séance plénière, Strasbourg, 6-10
octobre 2014, publié en novembre 2014, Greco Eval IV Rep(2014)3E<a href=''>. </a>.
33. En 2014, le GRECO a publié son quatrième rapport d'évaluation sur la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs. Il a notamment évalué la conformité de la législation irlandaise avec les normes GRECO à la lumière de la mise en œuvre des recommandations formulées par le «tribunal Mahon» 
			(32) 
			Greco Eval IV Rep(2014)3E..
34. En ce qui concerne les parlementaires, le GRECO a recommandé aux autorités de mettre en place un cadre éthique global pour les membres du parlement et son personnel et d’améliorer le régime de déclaration des biens existant, notamment en établissant des mécanismes appropriés pour enquêter sur les plaintes et punir les fautes commises. En outre, il a recommandé que la portée de la loi de 2013 sur les chambres du Parlement (enquêtes, privilèges et procédures) soit clarifiée pour assurer la pleine mise en œuvre de la protection et des encouragements à l’égard des donneurs d’alerte contenus dans la loi de 2014 sur les divulgations protégées.
35. Comme l’indique le dernier rapport de conformité du GRECO, un nouveau cadre normatif applicable au secteur public pourrait être mis en place avec l’adoption prévue du projet de loi relative aux normes du secteur public, élaboré en 2015. S’il était adopté, ce projet de loi prévoirait un cadre juridique uniforme et récapitulatif applicable aux parlementaires, qui les mettrait sur un pied d’égalité avec les autres agents publics. Cette législation définirait également un régime déclaratif unique à l’échelon local et national, dont les obligations seraient étendues à l’ensemble des parlementaires et aux personnes avec lesquelles ils entretiennent des liens 
			(33) 
			Quatrième Cycle d'Évaluation:
Prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des
procureurs, Rapport de Conformité, Irlande, adopté par le GRECO
à sa 75e réunion plénière, Strasbourg,
20-24 mars 2017, publié en juin 2017, <a href='https://rm.coe.int/quatrieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-des-parlement/168072bebc'>GrecoRC4(2017)7.</a>. Elle mettrait également en place un commissaire unique aux normes du secteur public 
			(34) 
			Ce Commissaire aura
le pouvoir d'ouvrir une enquête, même en l'absence d'un dépôt de
plainte, disposera de pouvoirs de sanction plus étendus et assumera
des fonctions plus étendues d'orientation, de conseil et de surveillance
du respect des codes de conduite applicables aux agents publics. <a href='https://rm.coe.int/quatrieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-des-parlement/168072bebc'>GrecoRC4(2017)7.</a>.
36. Le GRECO a également publié des recommandations concernant la prévention de la corruption des juges et des procureurs, visant en particulier à créer rapidement un conseil de la magistrature officiel indépendant. Il a recommandé un réexamen approfondi de l'actuel système de sélection, de recrutement, de promotion et de mutation des juges afin d’en améliorer la transparence et d’éviter toute ingérence indue des pouvoirs exécutifs/politique. En outre, il a recommandé la création officielle d’un code de conduite pour les juges, à renforcer la politique de traitement des plaintes déposées contre le ministère public et à renforcer le cadre éthique pour les procureurs.
37. En 2016, le GRECO a élaboré un rapport de conformité, qui a été publié en juin 2017 
			(35) 
			<a href='https://rm.coe.int/quatrieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-des-parlement/168072bebc'>GrecoRC4(2017)7.</a>. Le GRECO s’y inquiétait de constater qu’aucune des cinq recommandations liées à la magistrature n’avait été mise en œuvre. Il a conclu que «le degré de conformité [de l’Irlande] avec les recommandations, très faible dans l’ensemble, [était] «globalement insatisfaisant»». L’Irlande a donc été priée de remettre une nouvelle fois un rapport au GRECO sur la mise en œuvre des recommandations d’ici au mois de mars 2018.
38. J’ai appris que le gouvernement avait entre-temps rendu public, le 1er juin 2017, le projet de loi relative au Conseil supérieur de la magistrature, tandis qu’un projet de loi relative à la Commission des nominations judiciaires est actuellement examiné en commission parlementaire. D’après les autorités, l’adoption du projet de loi relative au Conseil supérieur de la magistrature devrait permettre la mise en œuvre de certaines recommandations essentielles adressées par le rapport 2014 du GRECO, c’est-à-dire la mise en place d’un conseil officiel de la magistrature indépendant, l’établissement d’un code de déontologie des juges et l’institutionnalisation de la formation des juges, à l’entrée en service et continue, dotée de ressources suffisantes. Le projet de loi devrait être adopté avant la fin 2017 
			(36) 
			AS/Mon
(2017) 23..
39. Je crois comprendre qu'un projet de loi anticorruption proposé pour la première fois en 2012 – le projet de loi sur la justice pénale (infractions de corruption) – attend toujours d’être promulgué. Ce projet de loi abrogera et remplacera les sept textes qui composent la législation actuelle de la lutte contre la corruption, en rendant cette législation plus claire et plus accessible. Entre autres dispositions, il créera une nouvelle infraction de corruption par une entreprise, de nouvelles présomptions de cadeaux remis à des fins de corruption, de dons remis à des fins de corruption et d’enrichissement par corruption si des fonctionnaires affichent un niveau de vie supérieur à celui de leurs biens et intérêts déclarés. Il prévoira des peines plus lourdes pour les responsables politiques reconnus coupables de corruption, y compris leur révocation dans certains cas. Ce projet de loi a été publié le 2 novembre 2017.
40. J'ai également noté que, conformément à la loi de réglementation du lobbying, adoptée en mars 2015, le gouvernement a élaboré un code de transparence imposant l’enregistrement des groupes et personnes qui conseillent les fonctionnaires sur les politiques. La loi de 2014 relative à la liberté d’information donne au public la possibilité d’accéder, dans une large mesure, aux informations officielles mais il existe encore des exemptions partielles en ce qui concerne la police et d'autres organismes 
			(37) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland'>https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland.</a>.
41. Je salue les progrès réalisés par les autorités irlandaises pour mettre en œuvre les recommandations du GRECO. Dans le même temps, je voudrais rendre hommage au rôle important joué par les ONG dans la lutte contre la corruption en Irlande: Transparency International, par exemple, a mis en place une ligne d'assistance téléphonique gratuite pour les donneurs d’alerte, les témoins et les victimes de fraude, de corruption et d'autres délits. L'organisation a également publié en 2016 un rapport intitulé «Speak Up» élaboré à partir de données anonymes recueillies auprès de plus de 500 personnes qui avaient appelé la ligne d'assistance pour des informations, des orientations ou des services de soutien depuis 2011 
			(38) 
			<a href='http://transparency.ie/sites/default/files/15.03.31_speak_up_final.pdf'>http://transparency.ie/sites/default/files/15.03.31_speak_up_final.pdf.</a>. Dans ce contexte, je note que Transparency International préconise la création d'un organisme national de lutte contre la corruption ou d'un groupe de travail interinstitutions sur la corruption et la criminalité économique, afin de prévenir la corruption et la criminalité économique à long terme 
			(39) 
			Ibid.,
p. 26..

4. Droits de l'homme

42. Le bilan de l’Irlande en matière de droits de l’homme est globalement satisfaisant. La coopération avec le Conseil de l’Europe s’est poursuivie ces dernières années. En 2010, l’Irlande a ratifié la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. En 2013, le Comité des Parties a invité les autorités irlandaises à, notamment, renforcer leur action contre la traite aux fins d'exploitation sexuelle et par le travail 
			(40) 
			En
2015, il y avait 78 victimes présumées de la traite d'êtres humains
signalées à la police; les femmes représentaient les deux tiers
des victimes présumées; 29% des victimes présumées étaient des mineur/es. <a href='http://www.justice.ie/en/JELR/Trafficking_in_Human_Beings_in_Ireland-Annual_Report_2015.pdf/Files/Trafficking_in_Human_Beings_in_Ireland-Annual_Report_2015.pdf'>www.justice.ie/en/JELR/Trafficking_in_Human_Beings_in_Ireland-Annual_Report_2015.pdf/Files/Trafficking_in_Human_Beings_in_Ireland-Annual_Report_2015.pdf.</a>, à accorder une attention accrue aux enfants et aux travailleurs migrants sans papiers et à revoir la politique d’hébergement des victimes de la traite dans des centres d’hébergement 
			(41) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680631c8e'>Recommandation
CP (2013) 9 </a>du Comité des Parties adoptée en octobre 2013.. À la suite du récent rapport du GRETA 
			(42) 
			Rapport du GRETA et
Commentaires du gouvernement, publiés en septembre 2017, <a href='https://rm.coe.int/greta-2017-28-fgr-irl-fr/168074b427'>GRETA(2017)28.</a>, le Comité des Parties s’est félicité des avancées réalisées dans le cadre juridique et institutionnel, de l’adoption d’un plan d’action complet pour prévenir et réprimer la traite des êtres humains et des mesures prises pour améliorer la formation des professionnels et les campagnes de sensibilisation de l’opinion publique. Il a toutefois appelé les autorités à améliorer notamment la protection et l’assistance de toutes les victimes de la traite, y compris le délai de rétablissement et de réflexion prévu par la Convention, ainsi qu’à prévoir des possibilités d’indemnisation aisément accessibles. De nouvelles modifications de la législation devraient empêcher que les victimes de la traite ne soient sanctionnées pour leur participation à des activités illicites (dans la mesure où elles y ont été contraintes) et prévoir que les trafiquants fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites effectives et soient condamnés à des peines proportionnées et dissuasives 
			(43) 
			Recommandation CP(2017)29
sur la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur
la lutte contre la traite des êtres humains par l’Irlande, adoptée
lors de la 21ème réunion du Comité des Parties le 13 octobre 2017, <a href='https://rm.coe.int/cp-2017-29-irl-fr/168075e9d1'>CP(2017)29</a>..
43. Concernant la situation dans les prisons 
			(44) 
			D’après les chiffres
fournis par l’organisation Irish Penal Reform Trust, il y avait
fin 2016 3 674 détenus en Irlande. Entre 1997 et 2011, ce chiffre
a presque été multiplié par deux; 60 % des personnes purgeant des
peines de prison inférieures à six mois sont pauvres et souvent
sans domicile. En Irlande, les détenus ont 25 fois plus de chances
d’être issus d’un milieu très défavorisé (et d’y retourner). , le rapport de 2015 du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) notait des améliorations dans le système pénitentiaire mais s’est dit préoccupé par la violence entre détenus ou l’absence persistante d’installations sanitaires dans les cellules de certaines prisons. Le CPT a également recommandé l’amélioration des services de soins dans les commissariats pour prévenir ces mauvais traitements, a demandé le lancement d’enquêtes indépendantes en cas d’allégation de recours excessif à la force au moment de l’arrestation d’une personne et a encouragé la mise en place d’un centre spécifique pour les migrant/es placées en rétention administrative. Il est regrettable que le gouvernement ait reporté la ratification du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (OP-CAT) et qu’il n’y ait pas mécanisme de prévention à l’échelon national.
44. Certaines questions spécifiques concernant les droits de l’homme, identifiées par les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, méritent toutefois une attention plus ciblée. Je voudrais ainsi dédier les chapitres suivants de ce rapport à la protection des droits des femmes, des enfants, des Travellers irlandais et des Roms, ainsi qu’à la situation des demandeurs d’asile, et aux développements récents dans la police.

4.1. Les droits des femmes

4.1.1. La protection constitutionnelle de l’égalité entre les femmes et les hommes

45. Alors que des progrès ont été réalisés dans ce domaine, la question de l’égalité entre les femmes et les hommes reste problématique en Irlande. La base constitutionnelle de l'égalité entre les sexes reste très discutable: si la Constitution (1937) interdit la discrimination fondée sur le sexe et le genre dans l'emploi et dans d'autres domaines de la vie, elle contient une disposition générale qui permet à l'État de «respecter pleinement les différences de capacité, physique et morale, et de fonction sociale» entre les hommes et les femmes (article 40.1 de la Constitution). De plus, les stéréotypes de genre sont renforcés par les dispositions constitutionnelles. Par exemple, selon la constitution, l’État reconnaît que, «par sa vie au foyer, la femme apporte à l'État un soutien sans lequel le bien commun ne peut être atteint». L'État, par conséquent, «s'efforce de veiller à ce que les mères ne soient pas obligées par les nécessités économiques de travailler en négligeant les devoirs de leurs foyers» (article 41.2).
46. La Convention constitutionnelle de 2012 a proposé un amendement constitutionnel à «la disposition sur le rôle des femmes au foyer et encourageant une plus grande participation des femmes à la vie publique». De nombreuses organisations ont demandé que l’article 41.2 soit remplacé par une disposition neutre du point de vue du genre, qui reconnaisse la contribution des tâches ménagères et familiales à la société irlandaise 
			(45) 
			AS/Mon
(2017) 23, commentaires de la sénatrice Alice-Mary Higgins (indépendante). . Les autorités ont annoncé qu’un référendum sur les questions devrait avoir lieu en octobre 2018 
			(46) 
			Dans
la récente «Stratégie nationale pour les femmes et les jeunes filles
2017-2020: créer une société meilleure pour tous», lancée en mai
2017, les autorités se sont engagées à organiser un référendum sur
l'article 41.2 de la Constitution d'ici à 2020. AS/Mon (2017) 23.. Compte tenu des obligations de l’Irlande à l’égard du Conseil de l’Europe, le retrait de cette disposition, qui consacre les stéréotypes de genre dans la Constitution, serait extrêmement bienvenu.

4.1.2. Droits sexuels et droits relatifs à la reproduction: la question de l'avortement

47. L’avortement est strictement limité en Irlande. Il a été érigé en infraction en 1861. Cette disposition a été renforcée en 1983 avec l’adoption, par référendum, du Huitième amendement qui a donné au «droit à la vie de l'enfant à naître» un statut égal au «droit à la vie de la mère»» en vertu de la Constitution. Cette question reste une source de contentieux et de division. Alors que différentes initiatives sur le terrain cherchent à obtenir la révision du cadre juridique, d’autres considèrent que la Constitution «fait valoir les droits des enfants à naître comme de véritables droits de l’homme» et que «le Gouvernement irlandais a l’obligation de défendre et de promouvoir cette position, considérée comme une véritable interprétation des droits de l’homme dans ce domaine, et d’exhorter les autres acteurs étatiques et non gouvernementaux à adopter un point de vue similaire» 
			(47) 
			AS/Mon (2017) 23, commentaires
du sénateur Rónán Mullen (indépendant).. Rappelons cependant la plus récente position adoptée sur cette question par les organisations internationales dont l’Irlande est membre.
48. Suite à l’arrêt de 2010 de la Cour européenne des droits de l'homme dans l’affaire A, B et C c. Irlande 
			(48) 
			Affaire A, B et C c. Irlande, Requête no 25579/05.
Les trois requérantes étaient tombées enceintes involontairement et
devaient se rendre au Royaume-Uni pour subir un avortement. Dans
le cas de la requérante C, sa grossesse était incompatible avec
la chimiothérapie qu'elle subissait., les autorités irlandaises ont adopté la loi de 2013 sur la protection de la vie pendant la grossesse, visant à fournir un cadre juridique clair relatif au droit constitutionnel à l’interruption de la grossesse lorsque la vie d'une femme enceinte est soumise à un «risque réel et important» qui ne peut être évité qu'en mettant fin à la grossesse.
49. L'avortement n'est donc autorisé sur le plan constitutionnel que lorsque la vie d'une femme ou d'une jeune fille est soumise à «un risque réel et important» dans des circonstances et des exigences spécifiques (deux médecins doivent juger «de bonne foi» que la vie d’une femme enceinte court un risque réel et important découlant d'une maladie physique, ou un seul médecin en cas d'urgence, voire trois médecins en cas de risque de suicide). Une peine de 14 ans de prison est infligée dans tous les autres cas de figure aux femmes, aux prestataires de soins de santé et à quiconque apporte son aide quelle que soit la situation (y compris le viol, l'inceste et les anomalies fœtales létales), sauf s'il existe un «risque réel et important» pour la vie de la femme enceinte (notamment le suicide).
50. De plus, le «plaidoyer» en faveur de l'avortement et sa promotion sont érigés en infraction par la loi de 1995 sur la diffusion d’informations relatives à l'avortement 
			(49) 
			La
loi de 1995 définit les conditions dans lesquelles les informations
relatives aux services d'avortement disponibles licitement dans
un autre État peuvent être mises à disposition en Irlande. Les autorités
indiquent que «bien que la loi de 1995 interdise aux médecins de
préconiser ou de promouvoir l'interruption de grossesse, il ne leur
est pas interdit de communiquer à une femme des informations complètes
sur son état de santé, les effets de la grossesse sur sa santé, ainsi
que sur les conséquences de la poursuite de sa grossesse sur sa
santé et sur sa vie, et de laisser à la femme enceinte le soin de
décider si, au vu de l'ensemble de ces circonstances, il convient
d'interrompre sa grossesse. De plus, la loi de 1995 n'interdit pas
et n'empêche d'aucune manière de remettre à une femme tout dossier
médical, chirurgical, clinique, social ou de ce type qui la concerne».
AS/Mon (2017) 23.. Pour le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, cela a «un effet paralysant sur les prestataires, qui éprouvent des difficultés à distinguer entre le fait ‘d’apporter leur soutien’ à une femme qui a décidé d’interrompre sa grossesse et celui de ‘préconiser’ ou d’“encourager” l’avortement» 
			(50) 
			Comité des droits de
l’homme des Nations Unies, Mellet c.
Irlande, <a href='http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR/C/116/D/2324/2013&Lang=en'>Communication
n° 2324/2013</a>, CCPR/C/116/D/2324/2013 (2016), 3.10.. De plus, dans son dernier rapport, le Commissaire aux droits de l’homme a noté que les défenseurs des droits des femmes qui s’occupent des problèmes liés à l'avortement en Irlande ont fait l’objet de campagnes de diffamation et ont été stigmatisés.
51. En fait, l’accès très restrictif à l’avortement en Irlande ne décourage pas les femmes de recourir à cette pratique: soit ces femmes se rendent à l’étranger pour celles qui peuvent se le permettre et sont en possession des documents nécessaires, soit elles ont recours à des avortements clandestins. Dans son rapport de 2017, la Commission des droits de l’homme indique que 26 interruptions de grossesse ont été effectuées en 2015 dans le cadre de la loi sur la protection de la vie pendant la grossesse 
			(51) 
			CommDH(2017)8.. Selon Amnesty International, en moyenne, chaque jour de 10 à 12 femmes et jeunes filles par jour (soit entre 3 500 et 4 380 par an) se rendent à l’étranger (au Royaume-Uni, aux Pays-Bas) pour avoir accès à un avortement. Dans ce contexte, il faut rappeler que l’Assemblée parlementaire a appelé à la dépénalisation de l’avortement et à un «accès à l’avortement sans risque et légal» 
			(52) 
			Voir la Résolution 1607 (2008) sur l’accès à un avortement sans risque et légal en
Europe, Doc. 11537..
52. En 1992, les électeurs ont approuvé par référendum le Treizième amendement de la Constitution, qui dépénalise les voyages à l’étranger pour effectuer des avortements et la collecte d’informations sur les services d’avortement à l’étranger. Toujours en 1992, et de nouveau en 2002, les électeurs ont rejeté les amendements qui auraient supprimé la menace de suicide comme motif de légalisation de l’avortement 
			(53) 
			<a href='https://www.nytimes.com/2017/01/08/world/europe/ireland-reconsiders-its-constitutional-ban-on-abortion.html?_r=0'>https://www.nytimes.com/2017/01/08/world/europe/ireland-reconsiders-its-constitutional-ban-on-abortion.html?_r=0.</a>.
53. Les conséquences de cette loi qui limite l’avortement en Irlande ont soulevé des critiques de plus en plus virulentes de la part des organismes internationaux de défense des droits de l’homme, y compris le Comité des droits de l’homme des Nations Unies 
			(54) 
			Comité des droits de
l’homme des Nations Unies, Mellet c.
Irlande, <a href='http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR/C/116/D/2324/2013&Lang=en'>Communication
n° 2324/2013</a>, CCPR/C/116/D/2324/2013 (2016), 3.10, cité dans CommDH(2017)8,
paragraphe 86., le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies et le Comité des Nations Unies contre la torture 
			(55) 
			Comité
des Nations Unies contre la torture, Concluding observations on
the second periodic report of Ireland, <a href='http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2fPPRiCAqhKb7yhstySI%2bO7WcYaiEOWzYSqa3PQ0QCZkEUtkhuvK2j5JR6zJ0sj%2fv5Y7B2BlmFEF0D2ekQfhz0rGuBb%2bYho%2f%2b8OAj7sfaMPbWsjdk5oS2YwSzcI'>CAT/C/IRL/CO/2</a>..
54. Dans son rapport de mars 2017 
			(56) 
			Rapport élaboré par
Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme, suite à sa visite
en Irlande du 22 au 25 novembre 2016, CommDH(2017)8. , le Commissaire aux droits de l’homme a demandé instamment aux autorités irlandaises de progresser vers l’instauration d’un régime juridique régissant l’interruption de grossesse. Il a recommandé la dépénalisation de l’avortement dans des limites raisonnables de gestation. «Au minimum, l’avortement pratiqué pour préserver la santé physique et mentale des femmes, ou en cas d’anomalie fœtale létale, de viol ou d’inceste, doit être rendu légal» 
			(57) 
			CommDH(2017)8,
paragraphe 95..
55. Outre les initiatives prises par le secteur des ONG ou des partis politiques 
			(58) 
			Fin
2014, le mouvement des femmes travaillistes (Labour Women), une
branche du parti travailliste irlandais, a créé une commission pour
l’abrogation du huitième amendement. en vue de réviser la législation, le gouvernement a créé une «assemblée de citoyens» (Citizens' Assembly) sous la présidence de la juge de la Cour suprême, Mme Mary Laffoy. Cette assemblée, qui comprend 99 citoyens choisis au hasard, été chargée par le Parlement d’examiner l’éventail complet des questions médicales, juridiques et éthiques qui entourent l’avortement. Elle a recueilli 13 500 observations auprès du public et un échantillon aléatoire de 300 d'entre elles a été publié sur le site web 
			(59) 
			Voir <a href='http://www.citizensassembly.ie/'>www.citizensassembly.ie</a>.. L’assemblée des citoyens a tout d’abord examiné le huitième amendement de la Constitution (article 40.3.3) et a tenu une série de réunions en octobre 2016 et avril 2017, en réunissant des éléments factuels en rapport avec la question, en auditionnant des experts dans le domaine médical, juridique et déontologique, ainsi qu’en entendant le point de vue des partisans de la révision.
56. Les résultats du vote de l’assemblée montrent que la majorité des membres a recommandé le remplacement du huitième amendement par une disposition qui autorise expressément l’Oireachtas à légiférer sur l’interruption de grossesse, les droits de l’enfant à naître et les droits des femmes, en concluant que la question de l’avortement devrait être supprimée de la Constitution et traitée par la législation 
			(60) 
			AS/Mon (2017) 23, commentaires
des autorités.. L’assemblée a également formulé des recommandations sur la teneur de cette législation; elle a tout particulièrement recommandé d’établir un certain nombre de motifs légaux d’interruption de grossesse en Irlande et les délais de grossesse qu’il convient d’appliquer. L’assemblée des citoyens a également formulé des recommandations particulières sur les conditions que la législation devrait autoriser, notamment 
			(61) 
			 <a href='https://www.citizensassembly.ie/en/The-Eighth-Amendment-of-the-Constitution/Final-Report-on-the-Eighth-Amendment-of-the-Constitution/Final-Report-incl-Appendix-A-D.pdf'>https://www.citizensassembly.ie/en/The-Eighth-Amendment-of-the-Constitution/Final-Report-on-the-Eighth-Amendment-of-the-Constitution/Final-Report-incl-Appendix-A-D.pdf</a>. l’accès à l’interruption de grossesse sans restriction jusqu’à 12 semaines, l’accès pour motifs socio-économiques jusqu’à 22 semaines et l’accès sans restriction en cas de risque grave pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme enceinte concernée 
			(62) 
			AS/Mon
(2017) 23, commentaires de la sénatrice Alice-Mary Higgins (indépendante)..
57. L’assemblée des citoyens a remis la version définitive de son rapport sur le huitième amendement de la Constitution aux chambres de l’Oireachtas le 29 juin 2017, pour examen par une commission conjointe spéciale établie par le Dáil et le Seanad à cette fin, qui devait remettre ses conclusions et recommandations aux deux chambres de l’Oireachtas dans un délai de trois mois à compter de sa première réunion publique 
			(63) 
			AS/Mon
(2017) 23.. Le 26 septembre 2017, les autorités ont annoncé la tenue d’un référendum sur le huitième amendement en mai ou juin 2018.

4.1.3. La lutte contre la violence à l'égard des femmes, notamment dans des institutions

58. L’Irlande a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique en novembre 2015 mais elle ne l’a pas ratifiée. Cela est regrettable compte-tenu du fait que la violence domestique est un problème grave en Irlande. Depuis 1996, 209 femmes sont décédées de mort violente en Irlande, et 63 % d'entre elles ont été tuées dans leur foyer. Les contraintes budgétaires ont réduit les services de première ligne malgré une demande accrue. Le faible taux de poursuites engagées contre les auteurs de violences domestiques – et de sanctions à leur égard, posent également problème. 
			(64) 
			CommDH(2017)8,
p.14-15.
59. On note à ce sujet que certaines affaires très médiatisées, qui ont révélé les abus commis dans le passé contre des femmes dans des institutions gérées ou financées par l’État, n’ont pas donné lieu à des réparations ou des indemnisations suffisantes:
60. L'une des affaires les plus célèbres concerne les «blanchisseries Magdalene», une entreprise gérée par des congrégations religieuses et financée et contrôlée par l'État entre les années 1930 et 1996 
			(65) 
			Les autorités ont toutefois
souligné que «les blanchisseries Magdalene n'étaient pas gérées
par l'État et, de manière générale, n'étaient pas davantage financées
par l'État», AS/Mon (2017) 23. La sénatrice indépendante Alice-Mary
Higgins fait cependant remarquer que le ministère de la Justice
oublie de préciser que l'État était en dernier ressort responsable, comme
en témoignent les excuses officielles adressées par l’An Taoiseach
Enda Kenny, et que la collusion entre l'État et les établissements
religieux a joué un rôle important dans la corruption de la justice
au détriment des survivantes.. Jusqu'en 1996, «plus de 10 000 femmes et filles étaient détenues ou résidaient dans des blanchisseries Magdalene (...). Ces femmes auraient subi une série de violations des droits de l'homme, notamment la privation arbitraire de liberté, des traitements inhumains et dégradants et le travail forcé» 
			(66) 
			CommDH(2017)8,
p. 33.. Un rapport (connu sous le nom de Rapport McAleese) a été publié en 2013 par un «Comité interministériel pour établir les faits s’agissant de la participation de l'État aux «blanchisseries Magdalene» et a été pleinement accepté par le Gouvernement irlandais comme un «rapport complet et objectif sur le plan factuel du fonctionnement des Blanchisseries Madgalen» 
			(67) 
			AS/Mon
(2017) 23.. Le Chef de gouvernement (An Taoiseach), Enda Kenny, a également adressé des excuses publiques aux survivantes des Blanchisseries Madgalen en 2013.
61. J’ai reçu des informations détaillées sur les conclusions de la commission McAleese. Les autorités soutenaient que cette commission «n’avait aucun mandat pour enquêter ou statuer au sujet des allégations de torture ou de toute autre infraction pénale au cours de son enquête» et «n’a réuni aucun élément factuel qui démontre le bien-fondé des allégations d’actes systématiques de torture ou de mauvais traitements pénalement répréhensibles dans ces établissements». Les autorités ont également conclu que «bien que des incidents isolés qui correspondent à des actes pénalement répréhensibles [ne puissent] être écartés, le Gouvernement irlandais, au vu des faits établis par la commission McAleese et en l’absence d’éléments de preuve crédibles d’actes systématiques de torture ou de violences pénalement répréhensibles, ne propose pas d’ouvrir une nouvelle enquête sur les blanchisseries Magdalene. Il est convaincu que les mécanismes d’enquête et, le cas échéant, d’engagement de poursuites à l’encontre des auteurs d’infractions pénales en vigueur en Irlande permettent de traiter les plaintes individuelles déposées au sujet d’actes pénalement répréhensibles». Il mentionne par ailleurs le dispositif qui sera mis en place à titre gracieux, le versement forfaitaire (d’environ 25,5 millions d’euros) effectué au profit de 677 femmes et les autres aides octroyées, notamment les versements effectués sous forme de pension complémentaire et les soins médicaux renforcés, l’assistance médicale accordée aux femmes résidant à l’étranger et les subventions allouées au Réseau irlandais d’aide aux femmes encore en vie (Irish Women Survivors Support Network (IWSSN)) au Royaume-Uni (où vivent près de 20 % des requérantes) 
			(68) 
			Ibid..
62. J’observe toutefois que cette appréciation est contestée par un membre de la délégation, qui souligne que «la violence institutionnelle et la collusion de l’État ont été courantes dans l’Irlande d’autrefois» et que l’État devait faire face à cette réalité. Je partage l’avis de Mme Higgins, qui juge «essentielles l’existence d’un niveau d’exigence élevé en matière d’enquête, de reconnaissance des faits et de réparation, ainsi que la présence de mécanismes de prévention satisfaisants». Les régimes de réparation en vigueur aujourd’hui et autrefois présentent des caractéristiques que les parlementaires et la société civile ont estimé préoccupantes, notamment le fait de soumettre l’octroi d’une indemnisation et, avant cela, l’obtention d’une aide, à la signature d’une renonciation 
			(69) 
			Mme Higgins
estime que les personnes qui ont signé cette renonciation se sentaient
incapables de demander réparation en justice ou de faire toute la
lumière sur les violences dont elles avaient été victimes en saisissant
le système judiciaire. <a href='http://www.iccl.ie/news/2014/12/02/varadkar%E2%80%99s-symphysiotomy-waiver-%E2%80%9Cshields-perpetrators%E2%80%9D-say-advocates.html'>www.iccl.ie/news/2014/12/02/varadkar%E2%80%99s-symphysiotomy-waiver-%E2%80%9Cshields-perpetrators%E2%80%9D-say-advocates.html</a>.; une reconnaissance insuffisante des faits et une prise en compte insuffisante des témoignages directs 
			(70) 
			50 % des femmes interrogées
menaient encore une existence prise en charge par les ordres religieux
et aucun appel à témoin n'a été lancé publiquement. <a href='http://humanrights.ie/economic-rights/critiquing-the-mcaleese-report/'>http://humanrights.ie/economic-rights/critiquing-the-mcaleese-report/</a>.; le manque de transparence et parfois l’hostilité à l’égard des personnes demandant réparation qui se sont manifestés à l’occasion du compte rendu des violences ou de la critique du processus 
			(71) 
			<a href='https://www.irishtimes.com/news/social-affairs/caranua-reabuses-institutional-survivors-un-to-hear-1.3142223'>https://www.irishtimes.com/news/social-affairs/caranua-reabuses-institutional-survivors-un-to-hear-1.3142223</a>.; la portée limitée de l’enquête 
			(72) 
			<a href='http://www.thejournal.ie/womens-rights-un-committee-3274008-Mar2017/'>www.thejournal.ie/womens-rights-un-committee-3274008-Mar2017/</a>.. Le fait que le ministère de la Justice ait conclu que, l’enquête n’ayant révélé aucun élément de preuve attestant de l’existence d’actes systématiques de torture ou de violences pénalement répréhensibles, il existait un motif suffisant pour ne pas enquêter sur de nouvelles allégations, soulève un certain nombre de questions et appelle l’ouverture d’investigations approfondies et distinctes sur cette enquête. Je recommande aux autorités irlandaises d’envisager de procéder à ces investigations.
63. Cette appréciation corrobore les conclusions selon lesquelles les victimes des «blanchisseries Magdalene» n’ont bénéficié d’aucun recours ou réparation satisfaisants, comme l’ont souligné plusieurs instances internationales, telles que, notamment, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies 
			(73) 
			Amnesty International <a href='https://www.amnesty.at/de/view/files/download/showDownload/?tool=12&feld=download&sprach_connect=382'>Rapport </a>2015/2016, p. 199. et le Comité anti-Torture des Nations Unies 
			(74) 
			«Le
Comité considère que ses recommandations, qui préconisaient d'enquêter
sur les allégations de mauvais traitements subis par les femmes
des blanchisseries Madgalen, dont l'exploitation était confiée à
des ordres religieux de l’Église catholique, d'engager des poursuites
à l'encontre des auteurs de ces actes et de veiller à ce que les
victimes obtiennent une réparation et un droit exécutoire à indemnisation
n’ont pas été mises en œuvre» (traduction non officielle), <a href='http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2fPPRiCAqhKb7yhstySI%2bO7WcYaiEOWzYSqa3PQ0QCZkEUtkhuvK2j5JR6zJ0sj%2fv5Y7B2BlmFEF0D2ekQfhz0rGuBb%2bYho%2f%2b8OAj7sfaMPbWsjdk5oS2YwSzcI'>CAT/C/IRL/CO/2</a>., ainsi que le Commissaire aux droits de l'homme, pour qui le manque d’exhaustivité et d’indépendance de l’enquête menée sur ces institutions et le dispositif de versement d’indemnités à titre gracieux n’a pas correspondu «aux critères voulus en matière de vérité, de justice et de réparation» 
			(75) 
			CommDH(2017)8, p. 34.. Les femmes qui se trouvaient dans ces établissements ont accès au Dispositif de justice réparatrice à titre gracieux Magdalene (voir ci-dessus), financé par l’État, qui reste ouvert aux nouvelles demandes 
			(76) 
			AS/Mon (2017) 23..
64. Une autre affaire se rapporte aux conditions abusives qui régnaient dans les «foyers mères-bébés» entre 1922 et 1998. Il s’agissait d’institutions gérées par des congrégations religieuses, financées par l’État, et destinées aux femmes enceintes hors mariage, qui étaient très stigmatisées à l’époque. Le Commissaire aux droits de l'homme a fait écho aux anciennes allégations d’abus commis contre des femmes et des enfants dans ces foyers, notamment et entre autres, les taux élevés de mortalité infantile, les pratiques d'adoption illégales, ou le refus de dispenser des soins à certaines femmes 
			(77) 
			Voir Amnesty International,
Irlande: <a href='https://www.amnesty.org/en/latest/news/2014/06/ireland-tuam-babies-mass-grave-allegations-must-spark-urgent-investigation/'>«Tuam
babies» mass grave allegations must spark urgent investigation</a>, 5 juin 2014.. En février 2015, une commission d'enquête 
			(78) 
			Commission
d'enquête sur les foyers mères-bébés et certaines questions connexes
(S.I. no 57 de 2015). a été créée par le gouvernement. Cette commission devait publier son rapport final dans un délai de trois ans. Le mandat et le rythme de l’enquête ont été critiqués. Une initiative intitulée «Clann» (Mères célibataires d’Irlande et leurs enfants: rassembler les données) a l'intention de contribuer au rétablissement de la vérité sur ce qui est arrivé aux mères célibataires et à leurs enfants au vingtième siècle en Irlande 
			(79) 
			<a href='http://clannproject.org/'>http://clannproject.org/</a>.. Deux rapports intérimaires établis par la commission en juillet 2016 et septembre 2016 ont été publiés par le gouvernement et devraient être complétés d’ici au mois de février 2018 
			(80) 
			AS/Mon
(2017) 23.. Un membre de la délégation s’est cependant dit préoccupé par une proposition faite récemment par un ministre au sujet des foyers mères-bébés: il ne sera pas possible de mettre en œuvre une recommandation visant à rouvrir le dispositif de réparation de 2002 pour indemniser les victimes encore en vie des violences sur mineurs commises dans les foyers mères-bébés, à cause des répercussions financières de cette mesure. Cette parlementaire juge la position du gouvernement inacceptable, voire préoccupante, au vu des rapports et des éléments de preuve qui voient le jour au sujet de nouvelles violences, comme les adoptions forcées et le refus de permettre aux victimes d’une adoption forcée d’accéder à leur dossier, et des procès pour vaccination non volontaire des pensionnaires des foyers mères-bébés 
			(81) 
			AS/Mon (2017) 23, commentaires
de la sénatrice Alice-Mary Higgins (indépendante)..
65. De mon point de vue, ces affaires soulignent que, malgré les efforts louables déployés par les autorités de l'État pour engager des procédures d'indemnisation, il reste beaucoup à faire pour remédier effectivement aux souffrances des victimes 
			(82) 
			À cet égard, mon attention
a également été attirée par les affaires et les enquêtes énumérées
dans le rapport préliminaire; des critiques similaires ont été formulés
contre l'État par les victimes encore en vie de symphysiotomie [une opération
au cours de laquelle le pubis de la mère est chirurgicalement sectionné
pour faciliter la naissance de l'enfant] à propos des enquêtes et
des mécanismes de réparation, une question également traitée par,
entre autres, le Commissaire aux droits de l'homme et le Comité
des Nations Unies contre la torture. 1 500 femmes ont subi une symphysiotomie
en Irlande, principalement entre les années 1940 et 1980, alors
que les autres pays européens avaient recours à la césarienne en
cas de naissance difficile. In: CommDH(2017)8, p. 34. Voir également
AS/Mon (2017) 23, commentaires de la sénatrice Alice-Mary Higgins
(indépendante). <a href='https://www.irishtimes.com/news/health/survivors-of-symphysiotomy-demand-better-redress-scheme-1.1935433'>https://www.irishtimes.com/news/health/survivors-of-symphysiotomy-demand-better-redress-scheme-1.1935433</a>.. Les autorités devraient pleinement reconnaître la dimension sexospécifique regrettable de la violence à laquelle ces femmes ont été soumises.
66. Dans ce contexte, je ne peux que me féliciter du projet de loi sur la violence domestique en février 2017 qui devrait ouvrir la voie à la ratification de la Convention dite d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (signée en novembre 2015). La Stratégie nationale sur la violence domestique, sexuelle et fondée sur le genre 2016-2021 comporte 18 mesures nécessaires à la mise en œuvre de la Convention 
			(83) 
			AS/Mon (2017) 23.. Des dispositions devraient également être prises pour atténuer les effets disproportionnés des mesures d’austérité sur les femmes et les organisations féminines. L'augmentation des fonds alloués à l'Agence pour l'enfance et la famille (Tusla), qui est chargée de fournir des services d’aide et de protection aux victimes de violence domestique, sexuelle et sexiste 
			(84) 
			Voir les observations
de l'Irlande concernant le rapport du Commissaire aux droits de
l'homme. est une étape positive à cet égard.
67. Mais la teneur du projet de loi relative à la violence domestique a fait l’objet de critiques, car il ne comporte aucune définition de la violence domestique et ne désigne pas expressément les comportements coercitifs et dominants comme un élément constitutif de la violence domestique. En outre, il n’érige pas en infraction pénale distincte la violence domestique ou les comportements coercitifs et dominants. Les associations de défense, comme SAFE Ireland, craignent que ce projet de loi prive de nombreuses victimes de la protection juridique dont elles ont besoin. Au moment de la rédaction du présent rapport, le projet de loi était toujours examiné par le parlement. J’espère que les parlementaires s’inspireront de la Convention d’Istanbul pour adopter ce texte, de manière à ce qu’il soit conforme à la Convention.

4.2. La lutte contre la violence sexuelle à l’égard des enfants, en particulier dans les institutions

68. L'Irlande a été confrontée dans le passé à un certain nombre de cas de violences sur mineurs dans des institutions et a mis en place tout un éventail de mesures pour enquêter sur l’étendue de ces violences dans les établissements où les enfants enlevés à leurs parents par l’État se trouvaient par conséquent placés hors de leur protection. Les autorités irlandaises ont pris un certain nombre d’initiatives pour lutter contre les violences commises à l’encontre des enfants dans les institutions.
  • La Commission d’enquête sur les violences faites aux mineurs (CICA) a été créée en 2000 pour enquêter sur la période de 1936 à 1999. Elle a enquêté sur les abus commis à l’encontre des mineurs tels que définis dans la Loi de 2000 sur la Commission d’enquête sur les violences faites aux mineurs (amendée en 2005). 
			(85) 
			Voir
AS/Mon (2017) 23, p. 3 Les travaux de la CICA ne se limitaient pas aux abus sexuels ni aux établissements dirigés par l’Église catholique, mais les plaintes ont principalement concerné la période pendant laquelle l’institutionnalisation à grande échelle était la norme, y compris dans des institutions dirigées par l’Église catholique et soumises au contrôle ou à la réglementation de l’État. La CICA a publié en 2009 la version finale du «Rapport Ryan», qui indiquait que «la violence physique et psychologique, ainsi que la négligence, étaient des caractéristiques de ces institutions» et que «des abus sexuels avaient été commis dans un grand nombre d'entre eux, notamment des institutions pour garçons». La Commission de réparation relative aux établissements de pensionnaires a été créée en 2002 
			(86) 
			En
vertu de la loi de réparation relative aux établissements de pensionnaires
de 2002. pour octroyer une indemnisation juste et raisonnable aux personnes victimes de violences dans leur enfance, lorsqu’elles étaient pensionnaires d’écoles d’apprentissage, de maisons de correction et d’autres établissements soumis à la réglementation ou à l’inspection de l’État. Le délai de dépôt des demandes d’indemnisation, fixé initialement au 15 décembre 2005, a été prolongé jusqu’au 16 septembre 2011. En 2014, la commission avait recueilli un total de 16 626 demandes et octroyé 15 545 réparations 
			(87) 
			AS/Mon (2017) 23.. Les autorités ont rappelé que «seule l’identité des personnes qui avaient déjà été condamnées par un tribunal pouvait être mentionnée dans le rapport Ryan» 
			(88) 
			Ibid..
  • Pour améliorer la protection de l’enfance, outre la Direction de la santé et par la suite la Direction des services de santé (HSE), compétentes en la matière, l’Agence pour l’enfance et la famille (Tusla) a été créée en 2014 pour examiner et traiter les dossiers d’enfant ayant besoin d’une protection. La loi «Children first» (Les enfants d’abord) a été adoptée en 2015 (elle sera mise en œuvre après 2017).
69. L’arrêt rendu en 2014 dans l’affaire O'Keeffe c. Irlande 
			(89) 
			La
requérante, Louise O‘Keeffe, âgée de neuf ans à l'époque des faits,
avait été victime d'abus sexuels commis par le principal de son
établissement lorsqu'elle était à l'école primaire (un établissement
placé sous le patronage de l'Église catholique) au début des années
1970. Elle vivait au domicile de ses parents et se rendait dans
la journée dans l'établissement local de l'éducation nationale où
elle était élève. est lui aussi emblématique. La Cour européenne des droits de l'homme y a conclu que l'État irlandais n'avait pas respecté son obligation (consacrée à l’article 3 – interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) de protéger la requérante contre les abus sexuels qu’elle avait subis lorsqu’elle fréquentait un établissement scolaire national et n’avait pas mis à sa disposition un recours effectif (article 13). L’État irlandais avait confié la gestion de l'enseignement primaire à des acteurs non étatiques sans mettre en place des mécanismes de contrôle effectif contre les risques de tels abus. 
			(90) 
			Affaire O'Keeffe c. Irlande, Requête no 35810/09,
arrêt du 28 janvier 2014 (Grande Chambre) Voir: CommDH(2017)8, p.
35.
70. En dépit de plusieurs mesures générales (notamment la loi «Children first») prises pas l’Irlande pour éviter la répétition des abus sexuels dans les écoles, le Commissaire aux droits de l’homme avait fait remarquer que seul un nombre limité de plaignants (sept) avaient été jusqu’ici indemnisés par l’Agence d’indemnisation de l’État (SCA) en charge de l’indemnisation des plaintes déposées au sujet de violences commises autrefois 
			(91) 
			«Sur près de 210 affaires
classées avant l'arrêt de la Cour par crainte du coût financier
qu'elles pouvaient entraîner à la suite de la procédure nationale
engagée dans l'affaire O’Keeffe c. Irlande,
46 demandes avaient été présentées à la SCA en janvier 2017, dont
18 ont été rejetées, principalement faute de plainte antérieure
pour abus sexuel commis par l'employé concerné de l'établissant
scolaire». CommDH(2017)8, p. 35.. Selon la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité (IHREC), cette situation résulte d’une interprétation trop étroite de l’arrêt de la Cour, «qui donne à l’État irlandais la possibilité de limiter le versement d’indemnités aux affaires dans lesquelles les autorités scolaires se sont abstenues de prendre des mesures pour réagir à une plainte préalable pour abus» 
			(92) 
			CommDH(2017)8,
p. 35.. Les autorités ont toutefois affirmé que la portée de l’arrêt O’Keeffe c. Irlande ne s’étendait pas à tous les cas de violences, quelles que soient les circonstances, et n’engageait pas la «responsabilité objective» de l’État pour tous les cas de violences 
			(93) 
			AS/Mon
(2017) 23.. Le Comité des Ministres, pour sa part, a demandé instamment aux autorités irlandaises, en juin 2016, de veiller à ce que l’Agence nationale chargée du traitement des plaintes «continue d’adopter une approche globale et flexible concernant ces plaintes et achève ses travaux dans les plus brefs délais» 
			(94) 
			Décisions adoptées
par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à leur <a href='http://hudoc.exec.coe.int/eng?i=CM/Del/Dec(2016)1259/H46-15'>1259e
réunion </a>(7-8 juin 2016)..
71. La surveillance de l’exécution de l’arrêt imposait à l’Irlande de présenter des plans d’action semestriels au Conseil de l’Europe. Le dernier plan d’action, publié en 2017 
			(95) 
			<a href='https://www.education.ie/en/Learners/Information/Former-Residents-of-Industrial-Schools/ECHR-OKeeffe-v-Ireland/Action-Plan-O-Keffe-v-Ireland-July-2017.pdf'>Plan
d’action</a> relatif à l'affaire O’Keeffe c. Irlande, Informations
communiquées par le Gouvernement irlandais, 27 juillet 2017 (en
anglais)., comporte un large éventail de mesures entreprises par les autorités, depuis la publication de lignes directrices jusqu’aux dispositions légales prévoyant une enquête approfondie sur les personnes en contact professionnel avec les enfants et les adultes vulnérables ou l’adoption de toute une série de dispositions légales visant à protéger les mineurs contre les violences. La surveillance de l’exécution par l’Irlande de l’arrêt O’Keeffe est passée en juin 2016 de la procédure soutenue à la procédure standard.
72. Il convient de se féliciter des initiatives prises mais il convient de les mettre pleinement en œuvre afin que toutes les victimes d’abus dans des institutions soient reconnues et indemnisées. L’État doit continuer à prendre des mesures résolues pour empêcher que de tels abus se reproduisent et mette en place des mécanismes qui garantiront que les auteurs et ceux qui tolèrent ou dissimulent ces abus soient traduits en justice. À cet égard, la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote»), que l’Irlande a signée en 2007, serait une étape importante vers le renforcement des mécanismes et de leur contrôle par le Conseil de l’Europe.

4.3. Lutte contre la discrimination

4.3.1. Les Travellers irlandais et les Roms

73. L’Irlande ne reconnaît pas de droit l’existence des minorités. Elle a néanmoins ratifié en 1999 la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157) et affiche depuis une attitude constructive à l’égard de la Convention.
74. Le Conseil de l’Europe a attiré l’attention sur un groupe nomade autochtone, les Travellers irlandais, qui seraient quelque 40 000 (environ 0,6 % de la population). Les rapports de l’ECRI et du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ont présenté en détail la discrimination subie par cette communauté sur le marché du travail (75 % sont au chômage) 
			(96) 
			Chiffres
fournis par le Comité des Ministres en 2014, voir Résolution <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?Reference=CM/ResCMN(2014)2'>CM/ResCMN(2014)2</a> sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la
protection des minorités nationales par l’Irlande (adoptée par le
Comité des Ministres le 12 février 2014 à la 1191e réunion
des Délégués des Ministres)., dans le domaine du logement («un nombre disproportionné de Travellers vivent dans de mauvaises conditions» 
			(97) 
			CommDH(2017)8,
p. 6.), de l’éducation (69 % des Travellers ont arrêté leur scolarité après l’école primaire et seulement 1 % sont diplômés de l’enseignement supérieur, d’après le Commissaire 
			(98) 
			Ibid.,
p. 7.) ou l’accès aux soins de santé. Tout comme les Roms, les Travellers sont également victimes de racisme et de stéréotypes négatifs persistants dans certains médias électroniques et dans la presse écrite, en dépit du renforcement de l’autoréglementation des médias et de la législation 
			(99) 
			Création d’un Conseil
de la presse en 2007, nomination d’un Médiateur pour la presse en
2007 et extension des compétences des autorités de radiodiffusion
en matière de contrôle du respect du Code fixant les normes applicables
aux programmes. Dans ACDC/OP/III(2012)006, p. 19-20. visant à encourager un traitement équilibré et objectif des questions relatives aux Travellers. Par ailleurs, les Travellers sont touchés de manière disproportionnée par les restrictions budgétaires appliquées dans le cadre des mesures d’austérité qui ont suivi la crise économique de 2008.
75. En 2012, le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales a souligné que bien que ne reconnaissant par les Travellers comme une minorité, l’Irlande avait adopté «un vaste ensemble de dispositions administratives et législatives ainsi que des mécanismes institutionnels solides pour reconnaître leur statut spécifique dans la société» 
			(100) 
			ACDC/OP/III(2012)006.. Il a ajouté toutefois que des mesures supplémentaires devaient être prises pour assurer la pleine participation des Travellers aux organes décisionnels (et non uniquement aux organes consultatifs) et améliorer leur accès à l’emploi, au logement et aux services de santé. Le 1er mars 2017, dans sa déclaration devant le Dáil Éireann (chambre basse), le premier Ministre a formellement reconnu les Travellers comme un groupe ethnique. Cette évolution historique et symbolique répondant aux demandes de la communauté des Travellers et aux attentes du Conseil de l’Europe 
			(101) 
			Le Comité des Ministres
a jugé encourageante «la récente déclaration selon laquelle la proposition
visant à reconnaître les Travellers en tant que minorité ethnique
distincte était sérieusement envisagée», voir <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?Reference=CM/ResCMN(2014)2'>CM/ResCMN(2014)2.</a> a été saluée par les organisations irlandaises des droits de l’homme et par le Commissaire aux droits de l’homme 
			(102) 
			CommDH(2017)8,
p. 6..
76. Selon les estimations, il y aurait actuellement près de 5 000 Roms en Irlande 
			(103) 
			Source:
Pavee Point dans CommDH(2017)8., venant principalement d’Europe centrale et d’Europe de l’Est. Dans son récent rapport sur l’Irlande, le Commissaire a rappelé que «les Roms, comme dans bon nombre d’autres pays, sont défavorisés et victimes de discrimination dans tous les domaines de la vie, ainsi que de racisme, d’exclusion et de pauvreté». Les Roms vivent souvent dans de mauvaises conditions et ont une probabilité plus élevée d’être sans abri et d’occuper des emplois peu qualifiés et peu rémunérés ou d’être au chômage en raison de divers facteurs tels que le racisme, la discrimination et le manque de formation et d’éducation formelle. 
			(104) 
			CommDH(2017)8, p. 6.
77. Le Commissaire a recommandé à l’Irlande de revoir son infrastructure actuelle en matière d’égalité pour faire en sorte que les Travellers et les Roms aient pleinement accès à des recours juridiques effectifs en cas de discrimination. Il a encouragé vivement les autorités à réinvestir dans cette communauté et souligné l’urgence de remédier à l’offre insuffisante d’habitations spécifiques, à l’état déplorable de nombreuses aires destinées aux Travellers et au manque de garanties contre les expulsions forcées. Le Comité européen des Droits sociaux s’est également dit préoccupé par cette dernière question et a recommandé 
			(105) 
			Le Comité européen
des Droits sociaux a noté l’absence de consultation ou d’information
préalables des personnes menacées d’expulsion et l’absence d’aide
juridique qui limite leur accès à la procédure de contrôle judiciaire
des décisions d’expulsion. Décision sur le bien fondé de la réclamation, CEDR c. Irlande, no <a href='http://hudoc.esc.coe.int/eng?i=cc-100-2013-dmerits-en'>100/2013</a>, arrêt du 1er décembre 2015, citée
dans CommDH(2017)8, p. 7. de la traiter dans le respect de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle les expulsions forcées doivent être pratiquées conformément à la loi, poursuivre un but légitime et être nécessaires dans une société démocratique, répondant ainsi à un «besoin social impérieux» 
			(106) 
			Winterstein et autres c. France,
Requête no <a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-127539'>27013/07</a>, 17 octobre 2013. Dans CommDH(2017)8, p. 8..

4.3.2. Discrimination religieuse dans l’accès aux écoles et programmes scolaires

78. Selon le Commissaire aux droits de l’homme, 96 % des écoles primaires publiques et 58 % des établissements d’enseignement secondaire publics sont placées sous le patronage de confessions religieuses (90 % de l’Église catholique, 5,5 % de l’Église d’Irlande), une situation unique en Europe dans laquelle la grande majorité des écoles financées par l’État sont des établissements religieux privés (établissements confessionnels) et qui pose un certain nombre de questions concernant le respect de l’interdiction de la discrimination fondée sur des motifs religieux et plus généralement, à la nécessité d’assurer un enseignement à tous les élèves indépendamment de leur religion ou croyances 
			(107) 
			CommDH(2017)8,
p. 20.. Des questions inhérentes incluent, entre autres, le fait que la religion de l’enfant (ou son absence) constitue un critère d’admission; le choix limité offert aux parents et aux enfants (le seul établissement autonome étant souvent un établissement confessionnel); l’admission préférentielle d’élèves catholiques (source de discrimination à l’encontre des enfants des Travellers, des enfants de migrants et des enfants ayant des parents handicapés, ou dans les zones à forte population) et le fait que la religion imprègne l’ensemble du programme et de la vie scolaire. Cette situation pourrait aboutir à un système qui encourage la ségrégation à l’école 
			(108) 
			Pour l’année scolaire
2013-2014, 25 % des écoles seulement accueillaient 80 % des enfants
immigrés. CommDH(2017)8, p. 25..
79. Le Commissaire a demandé instamment aux autorités irlandaises d’évoluer rapidement vers des écoles plus ouvertes à la diversité, notamment par la suppression de la dérogation autorisant des établissements financés par l’État à faire de la religion de l’enfant un critère d’admission. Il a recommandé de prévoir des possibilités de dispense des cours d’instruction religieuse facilement accessibles et d’améliorer la qualité et l’objectivité du cours d’éducation religieuse couvrant différentes religions et croyances. Il prônait également le retrait de la règle parentale de manière à construire un système scolaire et donc une société plus inclusive. Le Commissaire a salué comme autant de premières mesures positives les initiatives prises depuis 2008 pour ouvrir à Dublin de nouvelles écoles primaires placées sous la tutelle directe de l’État (les «Community National Schools (CNS)»), qui comptent aujourd’hui 11 établissements à Dublin et dans d’autres régions, ainsi que la création d’un réseau de 115 écoles primaires multiconfessionnelles sur l’ensemble du territoire 
			(109) 
				ECRI, <a href='https://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Ireland/IRL-CbC-IV-2013-001-ENG.pdf'>Rapport</a> sur l’Irlande (quatrième cycle de monitoring), 19 février 2013,
CRI(2013)1, paragraphe 103. Chiffres actualisés communiqués par
les autorités. Voir AS/Mon (2017) 23.. Les autorités qualifient les CNS de «nouveau modèle d’école primaire placée sous la tutelle de l’État, mis à l’essai pour répondre à la demande croissante des parents qui souhaitent choisir ce type d’écoles primaires» conçues «comme des écoles multiconfessionnelles, qui permettent d’éduquer les élèves aux croyances à l’école» 
			(110) 
			AS/Mon
(2017) 23.
80. L’éducation religieuse reste obligatoire à l’école primaire (la teneur du programme d’éducation religieuse est définie par l’organisme de gestion de l’établissement). Une consultation lancée par le Conseil national des programmes et de l’évaluation (NCCA) a montré que l’éducation aux croyances religieuses et à l’éthique est considérée comme une part importante de l’éducation de l’enfant; la fourniture intégrée de l’éducation aux croyances religieuses et à l’éthique devrait être conçue comme une composante du nouveau programme scolaire de l’enseignement primaire actuellement en cours d’élaboration 
			(111) 
			Informations fournies
par les autorités, AS/Mon (2017) 23..
81. J’ai également appris que le projet de loi relative à l’enseignement (admission aux établissements scolaires) publié le 6 juillet 2016 était actuellement examiné par le parlement. Ce projet de loi prévoit d’importantes modifications qui visent à rendre la politique d’inscription plus juste et plus transparente, afin de créer un mode de fonctionnement plus adapté aux parents, plus équitable et plus cohérent de la politique d’admission aux établissements scolaires pour tous les établissements de l’enseignement primaire et secondaire.
82. Le ministre de l’Éducation et de la Formation professionnelle a également organisé une consultation publique sur le rôle de la religion dans les admissions aux établissements scolaires de janvier à mars 2017, ainsi qu’une tribune publique sur la question en mai 2017. Le ministre a déclaré qu’il était injuste que les établissements religieux financés par l’État donnent la préférence à des enfants de leur propre confession qui habitent parfois assez loin de l’établissement, au détriment d’enfants d’autres confessions ou sans confession qui habitent à proximité du même établissement. Il a également estimé qu’il était injuste que les parents se sentent obligés de baptiser leur enfant pour que celui-ci soit admis dans l’établissement scolaire local, alors qu’ils ne l’auraient peut-être pas fait sans cette contrainte. Une réforme du système d’admission scolaire, dans un premier temps pour l’enseignement primaire, devrait donc avoir lieu au sujet du rôle joué par la religion dans ce processus 
			(112) 
			AS/Mon (2017) 23.. Je crois savoir que le ministre a tout spécialement fait part de son intention de lever l’obstacle du baptême, tout en constatant que cette question restait encore une source éventuelle de controverse 
			(113) 
			Voir les commentaires
divergents des sénateurs Alice-Mary Higgins et Rónán Mullen (tous
deux indépendants)..

4.3.3. Situation des personnes LGBT

83. Le droit irlandais interdit la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle (bien que certains préjugés sociaux contre les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenre) persistent en Irlande). En décembre 2015, le Parlement a adopté une législation visant à supprimer une dérogation qui autorisait les établissements d’enseignement et les établissements de santé gérés par des entités religieuses à pratiquer une discrimination à l’emploi fondée sur des motifs religieux, par exemple en raison de l’orientation sexuelle d’une personne 
			(114) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland'>https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland</a>. La Stratégie nationale pour la jeunesse et la Stratégie pour la jeunesse LGBTI+ qui fait partie du programme du gouvernement de 2016 accordent une attention particulière aux jeunes personnes LGBT. L’élection de Leo Varadkar, fils homosexuel d’un immigré indien, devenu Premier ministre en juin 2017, est également considérée comme une avancée positive en faveur de l’égalité 
			(115) 
			Les associations LGBT
irlandaises se sont félicitées de l'attention accordée dans le pays
aux idées et à la politique de M. Varadkar: <a href='https://www.theguardian.com/world/2017/jun/02/leo-varadkar-becomes-irelands-prime-minister-elect'>https://www.theguardian.com/world/2017/jun/02/leo-varadkar-becomes-irelands-prime-minister-elect</a>..
84. La loi sur le mariage, autorisant le mariage entre personnes de même sexe, a été signée le 29 octobre 2015 à la suite du référendum de mai 2015. Une fois en vigueur, la loi portant modification de la loi relative à l’adoption de 2017 étendra les droits d’adoption aux couples de même sexe et aux couples vivant en concubinage.
85. D’autres avancées ont été notées sur le plan des droits des personnes LGBT quand, en juillet 2015, le parlement a adopté la loi de reconnaissance du genre 
			(116) 
			<a href='http://merrionstreet.ie/en/News-Room/Releases/T%C3%A1naiste_announces_publication_of_the_Gender_Recognition_Bill_2014.html'>http://merrionstreet.ie/en/News-Room/Releases/.T%C3%A1naiste_announces_publication_of_the_Gender_Recognition_Bill_2014.html</a>., législation sans précédent autorisant la pleine reconnaissance par l’État du genre souhaité par une personne à toutes fins utiles, du droit au mariage ou du droit de conclure un partenariat civil au droit à un nouveau certificat de naissance. L’Irlande est devenue le cinquième pays du monde à autoriser une reconnaissance juridique du genre fondée sur l’identité 
			(117) 
			<a href='https://www.hrw.org/news/2015/07/16/dispatches-ireland-steps-out-global-transgender-leader'>https://www.hrw.org/news/2015/07/16/dispatches-ireland-steps-out-global-transgender-leader.</a>. Cette loi a également permis aux personnes transgenre d’être reconnues juridiquement sans intervention médicale ni action de l’État, et pour les personnes transgenre mariées, sans divorce. La législation, entrée en vigueur en septembre 2016, est largement conforme aux normes en matière de droits de l’homme selon les ONG 
			(118) 
			Amnesty
International <a href='https://www.amnesty.at/de/view/files/download/showDownload/?tool=12&feld=download&sprach_connect=382'>Rapport
mondial</a> 2015/2016, p. 199..
86. Cette avancée est à saluer. Cependant, les mécanismes de lutte contre la discrimination pourraient être encore renforcés. De ce point de vue, j’espère que l’Irlande ratifiera bientôt le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 177) sur l’interdiction générale de la discrimination, signé en 2000.

4.4. Demandeurs d’asile

87. Il y avait 4 116 demandeurs d’asile en Irlande en novembre 2016, dont 2 244 nouvelles demandes présentées en 2016, principalement de Syrie (11 %), d’Albanie (10 %), du Pakistan (10 %), du Zimbabwe (9 %) et du Nigéria (8 %) 
			(119) 
			Chiffres du HCR, <a href='http://www.unhcr.org/en-ie/irish-figures-58c91f674.html'>www.unhcr.org/en-ie/irish-figures-58c91f674.html.</a>. En septembre 2015, le gouvernement a annoncé qu’il accepterait jusqu’à 4 000 personnes souhaitant bénéficier d’une protection internationale, dont les réfugiés attribués à l’Irlande dans le cadre du mécanisme de réinstallation de l’Union européenne et 520 réfugiés qui étaient en cours de réinstallation en Irlande directement depuis le Moyen Orient dans le cadre du programme de réinstallation 
			(120) 
			Amnesty International <a href='https://www.amnesty.at/de/view/files/download/showDownload/?tool=12&feld=download&sprach_connect=382'>Rapport
mondial</a> 2015/2016, p. 199..
88. D’après les informations communiquées par les autorités, je crois comprendre que celles-ci ont intensifié les mesures prises en ce sens, en doublant le chiffre des réfugiés qu’elles s’étaient engagées à accueillir dans le cadre du programme de réinstallation (soit 1 040 réfugiés au lieu des 520 initialement prévus), en cherchant à accueillir, d’ici à la fin 2017, plus de 2 100 des 4 000 migrants promis et en examinant la mise en place d’autres mécanismes, comme le lancement d’un nouveau programme de réinstallation des réfugiés, pour pouvoir accueillir dès que possible le reste de ces 4 000 personnes 
			(121) 
			AS/Mon (2017) 23..
89. Le Conseil de l’Europe s’est dit préoccupé par la longueur excessive des procédures d’asile 
			(122) 
			Voir la <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?p=&id=2011899&direct=true'>Lettre</a> du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
Nils Muižnieks, au ministre de la Justice, de l’Égalité et de la
Défense d’Irlande, M. Alan Shatter, 6 décembre 2012. qui affecte les droits humains des demandeurs d’asile. Les demandeurs d’asile sont contraints de vivre durant des périodes excessives dans des centres d’hébergement temporaires (dit de «prise en charge directe») inadaptés pour de longs séjours. Les adultes ne sont pas autorisés à travailler et les allocations versées aux demandeurs d’asile sont considérées comme insuffisantes pour répondre à leurs besoins élémentaires 
			(123) 
			Les demandeurs d’asile
perçoivent une allocation de € 19,10 par semaine (un montant inchangé
depuis 2000) et une allocation de € 15,60 pour les enfants (augmenté
en janvier 2016 seulement, le précédent montant étant de € 9,60). CommDH(2017)8,
p. 29-30.. 4 465 demandeurs d’asile résidaient dans les centres de prise en charge directe en 2016 (1 055 depuis plus de trois ans) 
			(124) 
			<a href='http://www.unhcr.org/en-ie/irish-figures-58c91f674.html'>www.unhcr.org/en-ie/irish-figures-58c91f674.html.</a>. Le nombre de personnes résidant dans les centres d’accueil depuis plus de cinq ans a progressivement diminué (de 1 670 en septembre 2014 à 628 en septembre 2016) 
			(125) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland'>https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland.</a>. Selon Amnesty International, les conditions de vie précaires dans les centres de prise en charge directe et la longueur du séjour (51 mois environ) des demandeurs d’asile restent des sujets de préoccupation. Un groupe de travail a été créé en juillet 2016 pour examiner si et comment il était possible de mettre en œuvre les recommandations concernant les éventuelles améliorations à apporter à la prise en charge directe 
			(126) 
			Amnesty International <a href='https://www.amnesty.at/de/view/files/download/showDownload/?tool=12&feld=download&sprach_connect=382'>Rapport
mondial</a> 2015/2016, p. 199.. Pour ce qui est des conditions d’hébergement, les autorités ont également souligné que «les personnes bénéficiant d’une protection sont logées par l’État. Aucune famille ne partage son logement avec une autre famille et l’immense majorité des personnes seules partage le leur avec deux autres personnes au maximum» 
			(127) 
			AS/Mon (2017) 23.. Un Groupe de travail sur l’amélioration de la procédure de protection, notamment les prestations et l’aide directes aux demandeurs d’asile, a été mis en place par le gouvernement et a publié 173 recommandations en juin 2015. Au 17 juillet 2017, 76 % de ses recommandations avaient été mises en œuvre, tandis que 36 autres recommandations avaient été partiellement mises en œuvre ou étaient en cours de mise en œuvre 
			(128) 
			Voir le
site internet du ministère de la Justice et de l’Égalité: <a href='http://www.justice.ie/en/JELR/Pages/PR17000245'>www.justice.ie/en/JELR/Pages/PR17000245</a>..
90. La loi de 2015 sur la protection internationale, instaurant une procédure unique d’examen des demandes de reconnaissance du statut de réfugié et des demandes d’autres formes de protection a été adoptée le 30 décembre 2015. Le Commissaire aux droits de l’homme a salué cette loi visant à accélérer la procédure en remplaçant par une procédure unique la procédure en deux étapes qui était en vigueur et qui consistait à examiner dans un premier temps si le demandeur pouvait prétendre au statut de réfugié avant d’évaluer, en cas de réponse négative seulement, s’il remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une protection subsidiaire. Le Commissaire a ajouté toutefois qu’il était trop tôt pour dire si cette mesure allait améliorer la situation dans la pratique 
			(129) 
			CommDH(2017)8, p. 29-30.. Cette loi est supposée simplifier et accélérer les procédures d’asile, mais l’on craint qu’elle vise davantage à faciliter les expulsions qu’à assurer l’identification et le traitement adéquats des dossiers de demande d’asile 
			(130) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland'>https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland.</a>.
91. La loi relative à la protection internationale de 2015 a resserré la définition de la famille aux fins de regroupement familial à un conjoint ou un enfant de moins de 18 ans, à l’exclusion de toutes les autres personnes à charge. Cette définition diffère de celle qui est retenue dans d’autres domaines du droit irlandais; elle aurait créé un profond sentiment de détresse parmi les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié mais n’ont pu demander le regroupement familial. L’opposition aurait proposé de modifier cette définition de la famille. La procédure unique mise en place pour le traitement des demandes d’octroi du statut de réfugié a été vivement critiquée, car elle impose un délai très court pour le dépôt des demandes, que les réfugiés ne parviennent pas à respecter compte tenu de l’aide juridique limitée mise à leur disposition 
			(131) 
			AS/Mon (2017) 23, commentaires
de la sénatrice Alice-Mary Higgins (indépendante)..
92. Comme dans tous mes rapports périodiques, je souhaite porter une attention particulière à la situation des droits humains des enfants migrants. Il y en aurait entre 2 000 et 5 000, sur une population globale de migrants sans papiers estimée entre 20 000 et 26 000 personnes 
			(132) 
			Chiffres fournis par
le <a href='http://www.mrci.ie/our-work/justice-for-undocumented/'>Migrant
Rights Centre Ireland</a>, dans CommDH(2017)8, p. 29-30.). Le Rapporteur spécial pour la protection de l’enfance nommé par le gouvernement a souligné dans ce contexte les effets négatifs graves du système de prise en charge directe sur les résidents et en particulier les enfants. Le Médiateur pour l’enfance a considéré que ce système devait être supprimé. Dans l’intervalle, il conviendrait d’améliorer les conditions de vie dans les centres concernés 
			(133) 
			Cité dans CommDH(2017)8,
p. 29-30.. En février 2016, le gouvernement s’est engagé à donner aux résidents de ces centres le droit de saisir le Médiateur et le Médiateur pour l’enfance. De plus, dans son rapport, le Commissaire a également souligné l’absence de voie de droit pour assurer un statut juridique aux enfants sans papiers, notamment ceux nés en Irlande, ce qui les rend particulièrement vulnérables à l’exploitation et à la traite. 
			(134) 
			Ibid.

4.5. Évolutions récentes au sein de la police

93. J’ai été informé d’un certain nombre de problèmes se posant actuellement dans le fonctionnement des services de police irlandais connus sous le nom de An Garda Síochána (Garde), frappés par plusieurs scandales ces dernières années. La Commission Fennelly, qui a publié deux rapports d’étape en 2015, a enquêté sur des allégations de 2014 selon lesquelles certains commissariats de la Garde auraient intercepté illégalement des conversations téléphoniques. La Garde a également été accusée d’avoir annulé des retraits de point de permis de conduire, et notamment ceux des policiers. Le Commissaire de la Garde Martin Callinan a démissionné en 2014 suite à ces scandales. En mars 2015, la loi sur la Garda Síochána (amendé) a été adoptée pour renforcer l’indépendance et l’efficacité de la Commission du médiateur de la Garda Síochána 
			(135) 
			<a href='https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland'>https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2016/ireland.</a>.
94. Les forces de police ont à nouveau été au cœur d’une controverse en 2016 après qu’il a été révélé que près d’un million de tests d’alcoolémie enregistrés par la Garde entre fin 2011 et 2016 n’avaient en fait jamais été réalisés; de plus, la Garde a également reconnu récemment que 147 000 automobilistes avaient été convoqués à tort au tribunal pour des infractions au code de la route dont ils avaient déjà réglé les amendes à tarif fixe. Ces affaires ont conduit le gouvernement à envisager une réforme du mécanisme de contrôle de la police en étendant par exemple les pouvoirs de l’autorité de police et de la Commission de médiation de la Garda Síochána (GSOC) ou en faisant réaliser une évaluation indépendante de la An Garda Síochána 
			(136) 
			<a href='https://www.irishtimes.com/news/politics/fitzgerald-to-outline-independent-review-of-garda-to-cabinet-1.3035564'>https://www.irishtimes.com/news/politics/fitzgerald-to-outline-independent-review-of-garda-to-cabinet-1.3035564.</a>.
95. En avril 2017, le gouvernement a présenté un projet de bilan complet des activités de la police en Irlande portant sur les structures, la direction, la gestion, la composition, le recrutement et la formation du personnel, la culture et la déontologie. Une commission devrait être établie à cette fin.

5. Conclusions

96. L’Irlande continue à subir les conséquences de la crise financière de 2008 et des mesures d’austérité qui ont suivi; elles sont toujours perceptibles par les citoyens et la société dans son ensemble et ont eu un effet préjudiciable sur l’exercice des droits de l’homme et des droits sociaux. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit), qui a débuté en mars 2007, pourrait également avoir d’importantes répercussions politiques, sociales et économiques sur l’Irlande, qui entretient des relations étroites avec le Royaume-Uni. Dans ce contexte difficile et incertain, la commission de suivi apprécie à leur juste valeur les mesures prises par l’Irlande pour accueillir les réfugiés et les demandeurs d’asile.
97. Avec la mise en place de la Convention constitutionnelle en 2012, l’Irlande a entrepris de réformer sa Constitution grâce à un processus de participation innovant, qui réunit le parlement, la société civile et les citoyens irlandais. Les travaux de cette Convention, ainsi que ceux de l’assemblée des citoyens et du Programme pour un gouvernement de partenariat, ont abouti à la préparation d’un certain nombre de référendums sur la modification de la Constitution et la réforme des collectivités locales par le parlement, qui auront lieu en 2018-2019. La commission de suivi se félicite de ce processus de participation inclusive, qui favorise la participation des citoyens à la vie publique.
98. La commission de suivi observe avec intérêt que l’un de ces référendums a amélioré le cadre juridique des personnes LGBT et a abouti à l’adoption en 2015 de la loi relative au mariage (qui prévoit le mariage des couples de même sexe) et de la loi relative à la reconnaissance des genres (qui autorise les personnes transgenres à obtenir une reconnaissance juridique sans intervention médicale ou étatique). L’adoption en 2017 de la loi portant modification de la loi relative à l’adoption devrait également étendre les droits d’adoption aux couples de même sexe et aux couples qui vivent en concubinage.
99. La commission de suivi souligne que l’Irlande a assuré le bon fonctionnement de ses institutions démocratiques et de ses mécanismes de protection des droits de l’homme, qui, dans l’ensemble, sont conformes aux normes du Conseil de l’Europe. L’Irlande respecte de manière générale ses obligations d’État membre du Conseil de l’Europe. À la lumière des constatations des mécanismes de suivi des principales conventions du Conseil de l’Europe, il importe cependant que les autorités remédient à un certain nombre de problèmes. La commission souhaite par conséquent adresser les recommandations suivantes aux autorités irlandaises:
100. La commission de suivi se félicite des avancées réalisées au cours des dix dernières années dans la reconnaissance de la responsabilité des violences commises dans les institutions à l’encontre des mineurs et des femmes, notamment dans les «blanchisseries Magdalene» (qui ont été en activité de 1930 à 1986) et dans les «foyers mères-bébés» (de 1922 à 1998). Les initiatives prises pour faire face à d’anciennes violations des droits de l’homme ont pris la forme d’excuses officielles adressées en 2013 par le Taoiseach Enda Kenny aux victimes encore en vie des «blanchisseries Magdalene» et de la mise en place de commissions d’enquête et mécanismes de réparation divers. La commission de suivi s’attend à ce que les autorités irlandaises tiennent compte des recommandations adressées par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et le Comité des Nations Unies contre la torture, qui préconisent de veiller à la réalisation d’enquêtes approfondies et à l’accès de toutes les victimes aux mécanismes de réparation.
101. S’agissant de la question des violences sur mineurs, la commission de suivi encourage vivement les autorités à poursuivre l’exécution de l’arrêt O’Keeffe c. Irlande et invite instamment les autorités à mettre pleinement en œuvre la législation adoptée jusqu’ici, notamment la loi «Children first» (Les enfants d’abord) de 2015, et à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, que l’Irlande a signée en 2007, conformément aux recommandations du Commissaire aux droits de l’homme.
102. Dans le domaine de l’égalité de genre, la commission de suivi se félicite des mesures positives entreprises pour favoriser l’approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes et une meilleure participation des femmes à la vie politique et encourage l’Irlande à réaliser ses projets dans le domaine de l’intégration d'une perspective de genre dans le processus budgétaire. Elle reste cependant préoccupée par la persistance des stéréotypes de genre et des violences à l’égard des femmes, qui entravent l’égalité entre hommes et femmes. Elle appelle par conséquent les autorités irlandaises à prendre résolument position pour promouvoir, en droit et en fait, l’égalité entre hommes et femmes et:
  • modifier l’article 41.2.1 («la vie des femmes au foyer») de la Constitution et abroger à l’occasion du référendum prévu en 2018 cette disposition qui consacre les stéréotypes de genre, afin de consolider le fondement constitutionnel de l’égalité de genre et de l’égalité des chances pour les femmes et les hommes dans la société;
  • lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique et, dans l’intervalle, veiller à ce que le projet de loi relative à la violence domestique en préparation soit conforme aux dispositions de la Convention.
103. La question de l’avortement reste déterminante dans la société irlandaise. Parallèlement, cette question sociétale est susceptible d’évoluer avec le temps grâce à la modification de la législation. La commission se félicite par conséquent de la vaste consultation publique et des travaux réalisés par l’assemblée des citoyens, en vue de la révision du huitième amendement de la Constitution, adopté en 1983, qui soumet l’avortement à des conditions extrêmement restrictives, ce qui pousse les femmes irlandaises à avorter à l’étranger. La commission de suivi espère que le référendum sur le huitième amendement (qui doit avoir lieu en 2018) rendra l’interruption de grossesse, assortie de délais de grossesse, légale en Irlande, renforcera les droits des femmes à la santé reproductive et facilitera leur accès à l’avortement légal en toute sécurité, conformément à la Résolution 1607 (2008) de l’Assemblée.
104. S’agissant de la lutte contre la discrimination religieuse dans l’accès aux établissements scolaires et les programmes scolaires, la commission de suivi observe avec satisfaction, de concert avec le Commissaire aux droits de l’homme, les initiatives prises par les autorités pour progresser en direction de l’instauration d’établissements scolaires plus inclusifs. La commission appelle le Parlement à adopter le projet de loi relative à l’enseignement (admission aux établissements scolaires) en préparation, qui vise à rendre la politique d’inscription plus juste et plus transparente dans tous les établissements de l’enseignement primaire et secondaire. Elle prend également note de la consultation publique lancée par le gouvernement en 2017 sur le rôle joué par la religion dans les admissions aux établissements scolaires, qui pourrait permettre de lever l’obstacle du baptême. Elle espère que ce processus continuera à ouvrir la voie à une éducation inclusive de tous les élèves, indépendamment de leur religion ou croyance, et à la mise en place d’une société plus inclusive.
105. La commission de suivi encourage les autorités irlandaises à tenir compte des recommandations formulées par le GRETA pour améliorer la lutte contre toutes les formes de traite des êtres humains et à renforcer la législation et les mesures qui visent à identifier et protéger les victimes de la traite. À cet égard, elle encourage également vivement l’Irlande à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains.
106. Pour ce qui est de la lutte contre la corruption, la commission de suivi se félicite des initiatives prises pour établir un nouveau cadre normatif du secteur public. Elle encourage le Parlement à adopter le projet de loi relative aux normes du secteur public, élaboré en 2015, qui pourrait prévoir un cadre juridique uniforme et commun applicable aussi bien aux agents publics qu’aux parlementaires et un régime déclaratif dont les obligations seraient étendues à l’ensemble des parlementaires, ainsi qu’à leurs proches et aux personnes avec lesquelles ils entretiennent des liens. La commission attend des avancées dans la mise en place d’une formation régulière des parlementaires aux questions d’éthique et de comportement à adopter dans les situations de conflit d’intérêts et à la prévention de la corruption, conformément à la recommandation du GRECO. Par ailleurs, la commission invite instamment les autorités à publier, adopter et mettre en œuvre le projet de loi sur la justice pénale (infractions de corruption), qui renforcera le cadre juridique de la lutte contre la corruption.
107. Elle se félicite également des mesures prises pour renforcer le cadre juridique de la lutte contre la corruption dans la magistrature, qui doivent cependant être intensifiées: la commission de suivi compte sur l’adoption rapide du projet de loi relative au Conseil supérieur de la magistrature, conformément aux recommandations formulées par le GRECO en faveur de la mise en place d’un conseil officiel de la magistrature indépendant, l’établissement d’un code de déontologie des juges et l’institutionnalisation de la formation des juges, à l’entrée en service et continue, dotée de ressources suffisantes.
108. S’agissant des droits des minorités, la commission de suivi se félicite de la récente reconnaissance par le Gouvernement irlandais de la qualité de groupe ethnique aux Travellers – un groupe nomade traditionnel originaire du pays. Cette reconnaissance pourrait permettre aux Travellers de surmonter les difficultés auxquelles ils se heurtent dans leur vie quotidienne en raison de l’exclusion sociale et de la discrimination dont ils sont victimes. La commission encourage également les autorités à poursuivre la lutte contre la discrimination à l’égard des Roms et appelle celles-ci à ratifier le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction générale de la discrimination, signé en 2000.

Annexe

(open)

1. Conventions du Conseil de l’Europe signées et/ou ratifiées entre le 1er octobre 2013 et le 13 octobre 2017 par l’Irlande

No.

Titre

028

Troisième Protocole additionnel à l'Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe

 

 

Ratification: 18/04/2017

Entrée en vigueur: 18/04/2017

210

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

 

Signature: 05/11/2015

   

216

Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains

 

Signature: 08/10/2015

   

2. Conclusions récentes des mécanismes de suivi et autres instances du Conseil de l’Europe au 13 octobre 2017

Cour européenne des droits de l’homme

Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 005) ratifiée en 1953

Protocole n° 1 (STE n° 009) ratifié en 1953

Protocole n° 2 (STE n° 044) ratifié en 1963

Protocole n° 6 (STE n° 114) ratifié en 1994

Protocole n° 12 (STE n° 177) signé en 2000

Protocole n° 13 (STE n° 187) ratifié en 2002

Protocole n° 14 (STCE n° 194) ratifié en 2004

Sur un total de 79 750 requêtes pendantes devant une formation judiciaire au 31 décembre 2016, 13 concernaient l’Irlande.

Résolutions adoptées par le Comité des Ministres: 2 en 2013, 5 en 2014 et 0 en 2015, 2016, 2017.

Voir aussi Fiche pays pour la presse: Irlande

Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

Charte européenne de l'autonomie locale (STE n° 122) ratifiée en 2002

Rapport et Recommandation sur la démocratie locale en Irlande adoptés en octobre 2013: CPL(25)5FINAL et Recommandation 342 (2013)

Groupe d’États contre la corruption (GRECO)

Convention civile sur la corruption (STE n° 174) signée en 1999 mais pas ratifiée

Convention pénale sur la corruption (STE n° 173) ratifiée en 2003, Protocole additionnel (STE n° 191) ratifié en 2005

Troisième cycle d’évaluation: deuxième rapport de conformité sur l’Irlande: «Incriminations (STE 173 et 191, PDC 2)», «Transparence du financement des partis politiques», adopté par le GRECO lors de sa 62e réunion plénière, Strasbourg, 2-6 décembre 2013, publié en décembre 2013, GrecoRC-III(2013)10F

Quatrième cycle d’évaluation: prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs: rapport d’évaluation: Irlande, adopté par le GRECO lors de sa 65e réunion plénière, Strasbourg, 6-10 octobre 2014, publié en novembre 2014, Greco Eval IV Rep(2014)3F

Quatrième cycle d’évaluation: prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs: rapport de conformité: Irlande, adopté par le GRECO lors de sa 75e réunion plénière, Strasbourg, 20-24 mars 2017, publié en juin 2017, GrecoRC4(2017)7

Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL)

Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime de 1990

(STE n° 141) ratifiée en 1996

Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (révisée) (STCE n° 198) ni signée ni ratifiée

L’Irlande n’est pas membre de MONEYVAL

Commissaire aux droits de l’homme

Report by Nils Muižnieks, Council of Europe Commissioner for Human Rights, following his visit to Ireland, from 22 to 25 November 2016, CommDH(2017)8 / 29 March 2017 (en anglais seulement)

Comments by the Irish authorities on the report by the Council of Europe Commissioner for Human Rights, Nils Muižnieks, following his visit to Ireland, from 22 to 25 November 2016, CommDH/GovRep(2017)4 / 29 March 2017 (en anglais seulement)

Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)

Convention (STE n°126) ratifiée en 1988, Protocoles n°1 (STE n°151) et n° 2 (STE n° 152) ratifiés en 1996

Dernière visite dans le pays: septembre 2014

Publication du dernier rapport: novembre 2015, CPT/Inf(2015)38 (en anglais seulement)

Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) et Comité des Parties

Convention (STCE n° 197) ratifiée en 2010

1er cycle d’évaluation:

. Rapport d’évaluation du GRETA et commentaires du gouvernement publiés en septembre 2013, GRETA(2013)15 (commentaires en anglais uniquement)

. Recommandation CP(2013)9 du Comité des Parties adoptée en octobre 2013

. Réponse du gouvernement à la Recommandation du Comité des Parties reçue en novembre 2015, CP(2015)18 (en anglais seulement)

2ème cycle d’évaluation:

. Réponse du gouvernement au Questionnaire du GRETA publiée en novembre 2016, GRETA(2016)24 (en anglais seulement)

. Rapport d’évaluation du GRETA et commentaires du gouvernement publiés en septembre 2017, GRETA(2017)28 (commentaires en anglais uniquement)

. Recommandation CP(2017)29 du Comité des Parties adoptée en octobre 2017

Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) et Comité des Parties

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210) signée en 2015 mais pas ratifiée

Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)

Le 4e rapport sur l’Irlande a été adopté en décembre 2012 et publié en février 2013, CRI(2013)1

Conclusions adoptées en décembre 2015 et publiées en mars 2016, CRI(2016)4

Commission de Venise

Pas d’avis concernant l’Irlande

Autres traités:

Convention-cadre pour la protection des minorités nationales

Convention (STE n° 157) ratifiée en 1999

Troisième cycle:

. 3e rapport étatique reçu en juillet 2011, ACFC/SR/III(2011)004 (en anglais seulement)

. Visite de la délégation du Comité consultatif en février-mars 2012

. Avis adopté en octobre 2012, publié en avril 2013, ACFC/OP/III(2012)006

. Commentaires du gouvernement reçus en avril 2013, GVT/COM/III(2013)003

. Résolution adoptée en février 2014, CM/ResCMN(2014)2

. Dialogue sur les suites à donner en novembre 2015

Quatrième cycle:

. 4e rapport étatique reçu en juillet 2017, ACFC/SR/IV(2017)005 (en anglais seulement)

Charte européenne des langues régionales ou minoritaires

Convention (STE n° 148) ni signée ni ratifiée

Charte sociale européenne

Charte sociale européenne de 1961 (STE n° 35) ratifiée en 1964

Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) ratifiée en 2000

Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (STE n° 158) ratifié en 2000

Voir aussi Fiche pays: Irlande