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Réponse à Recommandation | Doc. 14502 | 16 février 2018
Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
1. Le Comité des Ministres
se félicite de la Recommandation
2110 (2017) de l’Assemblée parlementaire sur «La mise en œuvre des
arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme» et de la Résolution 2178 (2017) du même nom. Il les a portées à l'attention des gouvernements
des États membres et a transmis la recommandation au Comité directeur
pour les droits de l'homme (CDDH), à la Commission de Venise et
au Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), pour information et
commentaires éventuels.
2. Le Comité des Ministres rappelle l’importance qu’il attache
à l’efficacité de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme pour assurer, à long terme, la
viabilité et la crédibilité du système de la Convention. Comme le
souligne à juste titre l’Assemblée parlementaire, il a pris diverses mesures
pour améliorer sa surveillance comme, tout récemment, dans le contexte
de la mise en œuvre de la Déclaration de Bruxelles de 2015. Il en
est résulté une amélioration dans l’exécution des arrêts de la Cour. Les
progrès dans l’adoption de mesures législatives, réglementaires,
jurisprudentielles et autres pour corriger les problèmes structurels
révélés par les arrêts de la Cour européenne se sont poursuivis
en 2017, notamment dans diverses affaires relatives à des problèmes
de longue date comme la durée excessive des procédures judiciaires,
la non-exécution de décisions judiciaires internes ainsi que les
mauvaises conditions de détention et la durée excessive de la détention
provisoire. D’importantes réformes ont également été adaptées en réponse
à d’autres types de problèmes révélés par les arrêts de la Cour,
concernant notamment le droit à la vie familiale, la liberté de
réunion et la liberté d’expression. Ces avancées ont permis au Comité
des Ministres de clore la surveillance de l’exécution d’un nombre
record d’affaires, dont 300 concernant des problèmes structurels
à l’origine de près de 3 000 affaires répétitives. Les statistiques
provisoires pour 2017 révèlent également des améliorations significatives
dans l’exécution des affaires pendantes devant le Comité depuis plus
de cinq ans. Des informations plus détaillées sur la surveillance
de l’exécution des arrêts par le Comité des Ministres seront publiées
dans son rapport annuel 2017 (publication prévue en avril 2018).
3. Dans ce contexte, le Comité des Ministres fait observer qu’il
a nettement augmenté les moyens du Service de l'Exécution des arrêts
au cours du biennium 2016-2017 (cf. paragraphe 2.7 de la recommandation de
l’Assemblée).
4. En réponse aux paragraphes 2.1 et 2.2 de la recommandation,
le Comité insiste sur le fait qu’il envisage le recours à tous les
moyens dont il dispose dans la surveillance de l’exécution des arrêts
de la Cour. De même il a, ces dernières années, fortement augmenté
le nombre d’affaires examinées lors de ses réunions DH afin de soutenir
les processus d’exécution en cours. Lors de sa 1302e réunion
(DH), le 5 décembre 2017, le Comité a adopté la Résolution intérimaire CM/ResDH(2017)429, par laquelle il a décidé de saisir la Cour, conformément
à l'article 46 § 4 de la Convention, la République d'Azerbaïdjan
a manqué à son obligation découlant de l'article 46 § 1 en ce qui
concerne l'arrêt de la Cour Ilgar Mammadov
c. Azerbaïdjan.
5. Le Comité des Ministres donne priorité aux arrêts pilotes
qui révèlent des problèmes structurels (paragraphe 2.3 de la recommandation).
Ces affaires sont traitées dans le cadre de la surveillance soutenue du
Comité. Dans le même ordre d’idées, fin novembre 2017, le Comité
a décidé d’organiser un débat thématique sur les «conditions de
détention» à l’occasion de sa 1310e réunion
(DH), qui se déroulera du 13 au 15 mars 2018. Il invitera certains
intervenants majeurs du Conseil de l’Europe à ce débat, comme le Commissaire
aux droits de l'homme, le CPT et le Comité européen pour les problèmes
criminels. Les conditions de détention constituent l’un des problèmes
principaux pendants devant le Comité des Ministres, affectant de
nombreux États membres et entraînant un nombre élevé d’affaires
répétitives pour la Cour; l’objectif du débat thématique est d’encourager
un échange de vues entre les États sur les différentes possibilités
d’y remédier et ainsi de fournir des orientations utiles. Le débat
s’attachera aux problèmes du surpeuplement, des conditions de détention
et de l’effectivité des recours.
6. Grâce à des efforts constants pour améliorer ses méthodes
de travail, le Comité des Ministres a nettement amélioré la transparence
de sa surveillance (paragraphe 2.4 de la recommandation) et, depuis
juin 2016, la liste des affaires dont l’examen détaillé est proposé
à la réunion droits de l’homme suivante est publiée à la fin de
chaque réunion droits de l’homme, ce qui donne largement à toute
personne ou institution intéressée le temps de réagir. Le Comité
a aussi reconnu formellement, en modifiant ses règles (règle 9)
(paragraphe 2.5 de la recommandation), le droit des organisations
et institutions internationales de soumettre des communications
relatives à l’exécution d’arrêts. Il est rappelé que cette possibilité
est déjà ouverte aux requérants, à la société civile et aux institutions
nationales de protection des droits de l’homme. Par ailleurs, les
sites internet du Comité des Ministres et du Service de l'Exécution
des arrêts ont été développés et dotés de puissants moteurs de recherche
(HUDOC-EXEC). Une série de fiches d’information reprenant des informations
essentielles sur la situation de chacun des États membres en matière
de respect de l’exécution des arrêts de la Cour a également été
développée.
7. En outre, les Délégués des Ministres ont organisé, le 1er juin
2017, un événement pour présenter le 10e rapport
annuel sur l’exécution des arrêts, avec la participation de toutes
les parties intéressées au sein du Conseil de l’Europe, dont l’Assemblée
parlementaire, ainsi que les institutions nationales des droits
de l’homme et la société civile. Il s’agissait d’une étape supplémentaire
dans les efforts du Comité pour renforcer les synergies entre toutes
les parties prenantes concernées par l’exécution (paragraphe 2.6
de la recommandation). Le Comité partage entièrement l’avis de l’Assemblée
sur la nécessité de procéder de la sorte. Il salue les efforts consentis
par l’Assemblée sur ce plan et évoque également les activités menées
par le CDDH et les travaux importants de la Commission de Venise
(voir ci-après les observations de ces organes). Le Comité soutient
et encourage, en particulier, le rôle consultatif que la Commission
de Venise peut jouer en vue de l’élaboration de mesures générales
de mise en œuvre des arrêts. Le Comité fait également observer que
depuis le biennium 2016-2017, le mandat de tous les comités intergouvernementaux
du Conseil de l’Europe contient l’instruction de prendre en compte
les aspects pertinents de la Convention dans leur travail thématique.
8. Le Comité a dernièrement réexaminé ses méthodes de travail
à l’automne 2017 et a effectué de nouveaux ajustements concernant
l’ordre des travaux des réunions droits de l’homme. Il procédera
à une nouvelle évaluation au plus tard fin 2018.
9. Enfin, le Comité des Ministres fait observer que le Service
de l'Exécution des arrêts a des échanges réguliers avec la Cour
et son Greffe. Ce Service collabore aussi étroitement avec les autorités
nationales pour les aider à identifier des mesures de mise en œuvre
adéquates. Conformément à la recommandation de l’Assemblée (paragraphe
2.8), le Comité encourage le Service à poursuivre ces échanges et
à les intensifier le cas échéant.
Annexe
(open)Commentaires du Comité directeur des droits de l’homme (CDDH)
1. Le Comité directeur pour les
droits de l’homme (CDDH) prend note de la Recommandation de l’Assemblée
Parlementaire 2110 (2017) – «La mise en œuvre des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme».
2. Le CDDH note que la problématique de la mise en œuvre de
la Convention, y compris l’exécution des arrêts de la Cour, avait
été mise en exergue lors de plusieurs conférences ministérielles,
en dernier lieu celle de Bruxelles de 2015. La problématique de
l’exécution des arrêts de la Cour et de sa surveillance par le Comité des
Ministres est un des thèmes principaux des travaux en cours du CDDH
au sein de son mandat relatif à l’examen de l’avenir à plus long
terme du système de la Convention et de la Cour .
3. En 2013, le CDDH a identifié trois causes générales au défaut
d’exécution des arrêts dans un délai approprié: (i) la réticence
de la part soit de l’exécutif pour proposer des mesures, soit du
parlement pour adopter la législation; (ii) les problèmes de fond
et la complexité technique, par exemple la nécessité d’une grande
variété de mesures qui doivent être coordonnées ou de vastes réformes
législatives; et (iii) l’inertie, correspondant à une insuffisance
pure et simple de mesures qui n’est liée à aucune considération
politique ou technique en particulier mais, par exemple, à un manque
d’effectifs .
4. Depuis 2014, des échanges réguliers d’informations sur un
éventail de sujets liés à l’exécution des arrêts ont eu lieu au
sein d’organes pertinents du CDDH en ce qui concerne entre autres,
le réexamen ou la réouverture des affaires à la suite d’arrêts rendus
par la Cour ainsi que la
vérification de la compatibilité des lois avec la Convention . Le CDDH a également
pris une part active dans un certain nombre d’événements extraordinaires
en ce qui concerne l’exécution .
5. Concernant en particulier l’exécution rapide des arrêts de
la Cour, le CDDH a élaboré en 2017 un Guide de bonnes pratiques
sur la mise en œuvre de la Recommandation CM/Rec(2008)2 du Comité des Ministres sur des moyens efficaces à mettre
en œuvre au niveau interne pour l’exécution rapide des arrêts de
la Cour européenne des droits de l’homme. Le Guide comprend un inventaire
de bonnes pratiques liées à la mise en œuvre de la Recommandation .
6. En ce qui concerne les idées mises en avant par l’Assemblée
dans sa Recommandation
2110 (2017) au Comité des Ministres, le CDDH aimerait présenter
les commentaires suivants:
2.1. de reconsidérer l’utilisation des procédures prévues à l’article 46, paragraphes 3 à 5, de la Convention, dans le cas où l’exécution d’un arrêt se heurterait à une forte résistance de la part de l’État défendeur
7. Il convient de rappeler les Propositions pratiques pour la
surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour en cas de lenteur
dans l’exécution du CDDH en 2008 . Ce texte a contribué à l’introduction
par le Comité des Ministres du mécanisme de la procédure de surveillance
«à deux axes» (standard et soutenue). En 2013, le CDDH a présenté
son rapport sur la question de savoir si des mesures plus efficaces
sont nécessaires à l’égard des États qui ne donnent pas suite aux
arrêts de la Cour dans un délai approprié . Le Guide de bonnes pratiques sur
la mise en œuvre de la Recommandation CM/Rec(2008)2 de 2017 examine
le rôle du coordinateur dans l’identification des mesures d’exécution,
les pratiques garantissant la visibilité et la sensibilisation au
processus d’exécution, la coopération des États membres avec le
Comité des Ministres et le Service de l’exécution des arrêts de
la Cour, ainsi que les moyens pour prévenir ou résoudre les cas
de problèmes substantiels et persistants dans le processus d’exécution.
8. Le CDDH suit avec intérêt les développements récents dans
le domaine des procédures prévues à l’article 46, paragraphes 3
à 5, de la Convention en ce qui concerne autant les mesures individuelles liées aux requérants
individuels que les mesures générales visant
à remédier à des manquements systémiques.
9. Dans ses travaux sur la société civile et les institutions
nationales des droits de l’homme, le CDDH a noté que dans le cas
de manquements systémiques dans la protection et la promotion des
droits de l’homme, de nombreux arrêts de la Cour concernant ces
situations doivent encore être mis en œuvre par le biais de l’adoption
de mesures générales .
10. Par ailleurs, le CDDH continue ses travaux en produisant
une compilation de bonnes pratiques en ce qui concerne les mesures
générales prises par les États membres visant à exécuter les arrêts
de la Cour concernant les défenseurs des droits de l’homme, les
institutions nationales des droits de l’homme et la liberté de réunion
et d’association .
2.5. d’accroître le rôle des requérants, de la société civile, des institutions nationales de protection des droits de l’homme et des organisations internationales dans ce processus
11. La Déclaration de Bruxelles a réitéré la
nécessité d’impliquer les institutions nationales des droits de l’homme
et la société civile, le cas échéant, dans le mécanisme de supervision
établi par la Convention. Dans la même veine, les Règles du Comité
des Ministres pour la surveillance de l’exécution des arrêts et
des termes des règlements amiables prévoient l’implication des organismes
nationaux de protection des droits de l’homme et de la société civile
dans le processus du mécanisme de supervision en ce qui concerne
les arrêts de la Cour. Le CDDH s’est appuyé de manière significative
sur la jurisprudence de la Cour dans son analyse de l’impact de
la législation nationale en vigueur, des politiques et des pratiques
sur les activités des organisations de la société civile, des défenseurs
des droits de l’homme et des institutions nationales des droits de
l’homme. Ces dernières contribuent à l’amélioration de la mise en
œuvre des droits de l’homme au niveau national et local à travers
leur mandat de protection et promotion des droits de l’homme. Conformément
aux Principes de Paris, elles collaborent également avec la société
civile, d’autres acteurs nationaux et avec le système international
des droits de l’homme. Les requérants pourraient être invités, le
cas échéant, à collaborer activement dans l’exécution des arrêts.
2.6. de continuer à intensifier, au sein du Conseil de l’Europe, les synergies entre toutes les parties prenantes concernées, notamment la Cour européenne des droits de l’homme et son Greffe, l’Assemblée, le Secrétaire Général, le Commissaire aux droits de l’homme, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
12. Le CDDH, par le biais de son sous-comité le DH-SYSC, travaillera
en synergie et en coopération avec d’autres instances et activités
pertinentes du Conseil de l’Europe . Un exemple pratique d’une
telle synergie, quoique dans un domaine différent de celui de l’exécution
des arrêts de la Cour, est l’interaction étroite entre le CDDH,
la Cour et son Greffe, l’APCE et le Panel consultatif d’experts
sur les candidats à l’élection de juges à la Cour dans les travaux
effectués au sein du CDDH concernant le processus de sélection et
d’élection des juges de la Cour .
Le CDDH et ses comités subordonnés travaillent en synergie dans
leurs activités avec le Service de l’exécution des arrêts. Un exemple
de cette coopération est la présentation par ce dernier de l’outil de
recherche HUDOC-EXEC ainsi que d’informations sur l’état de l’exécution
des arrêts de la Cour en marge de la 2e réunion
du DH-SYSC en 2016 .
2.7. d’accroître les ressources du Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
13. Dans son rapport de 2015 sur l’avenir à plus long terme du
système de la Convention, le CDDH souligne l’importance que les
organes chargés de la surveillance de l’exécution des arrêts de
la Cour (en l’espèce, le Comité des Ministres avec l’assistance
de son Secrétariat et le Service de l’exécution des arrêts de la
Cour) bénéficient des capacités suffisantes afin de suivre efficacement
le grand nombre d’affaires rendues par la Cour . Un soutien pour une augmentation
des ressources mises à disposition du Service de l’exécution des arrêts
a également été exprimé dans la Déclaration de Bruxelles de 2015.
Conclusion
14. Le Comité souligne à l’intention de l’Assemblée parlementaire
le fait que l’efficacité à long terme de la Convention, y compris
la mise en œuvre des arrêts de la Cour, repose sur le dialogue renforcé
entre tous les acteurs de la Convention. À cet égard, le Conseil
de l’Europe continuera ses travaux dans les mois à venir dans le
souci de renforcer, à tous les stades de ce processus, ce dialogue
qui est bénéfique à l’exécution des arrêts.
Commentaires de la Commission de Venise
I. Introduction
1. Le Comité des Ministres du
Conseil de l’Europe a décidé, le 5 juillet 2017, de communiquer
la Recommandation 2110
(2017) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
(APCE) sur «La mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme» à la Commission de Venise pour information et
observations éventuelles.
2. Dans sa Recommandation
2110 (2017) adoptée le 29 juin 2017, l’APCE exhorte le Comité des
Ministres à faire usage de tous les moyens dont il dispose pour
accomplir ses tâches résultant de l’article 46.2 de la Convention
européenne des droits de l’homme (CEDH). En conséquence, elle lui
recommande, entre autres, de continuer à intensifier, au sein du
Conseil de l’Europe, les synergies entre toutes les parties prenantes concernées,
notamment la Cour européenne des droits de l’homme et son Greffe,
l’APCE, le Secrétaire Général, le Commissaire aux droits de l’homme,
le Comité directeur pour les droits de l’homme, la Commission de
Venise et le Comité européen pour la prévention de la torture.
3. Les observations font suite à une contribution de M. Helgesen
et ont été adoptées par la Commission de Venise lors de sa 112e session
plénière (Venise, 6-7 octobre 2017).
II. Travaux antérieurs de la Commission de Venise dans ce domaine
A. Études et rapports généraux
1. À la demande du président de
la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
de l’APCE, la Commission de Venise a adopté en 2002 un «Avis sur
la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme» dans lequel elle examine les propositions existantes et
formule un certain nombre de recommandations. Comme elle l’indique
dans cet avis, elle attache une grande importance à l’exécution
intégrale et opportune des arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme dont dépend l’efficacité du mécanisme européen de protection
des droits de l’homme .
2. La Commission de Venise a réalisé en 2006 une étude comparative
des recours internes existants en cas d’allégation de durée excessive
d’une procédure en vue de proposer d’éventuelles améliorations en termes
de disponibilité et d’effectivité . L’étude
visait à aider les États à prévoir un recours ou à améliorer un recours
déjà existant de manière qu’il soit compatible avec les exigences
de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle entendait aussi
aider le Comité des Ministres à s’assurer du respect de ces exigences.
En fait, l’effectivité des recours internes par rapport à la durée
des procédures est capitale pour l’exécution de nombreux arrêts
ayant conclu à une violation de l’obligation de durée raisonnable.
3. Dans un rapport adopté en 2014, la Commission de Venise analyse,
dans le contexte plus large de l’application des traités internationaux
relatifs aux droits de l’homme dans le droit national, le rôle des juridictions
nationales dans la mise en œuvre de la CEDH et des arrêts de la
Cour européenne des droits de l’homme .
B. Avis par pays
a. Avis sur les normes européennes relatives aux droits de l’homme
1. La Commission de Venise reçoit
périodiquement, de l’APCE et des États membres, des demandes d’évaluation
de la compatibilité d’un texte ou d’une pratique juridique avec
la CEDH. De fait, la plupart de ses avis ont trait directement ou
indirectement à au moins un arrêt de la Cour européenne des droits
de l’homme ou à un article de la CEDH ou de ses protocoles, comme
l’illustrent parfaitement les très nombreux renvois qu’elle fait
à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans
ses avis et ses études. De fait, lorsqu’elle analyse la compatibilité
d’un texte législatif avec les normes européennes relatives aux
droits de l’homme, elle fait bien entendu référence à la CEDH et
à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme .
2. Lorsqu’elle renvoie à la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme à l’occasion de l’analyse d’une disposition
ou d’une pratique juridique donnée, la Commission de Venise attire
l’attention des autorités nationales sur l’incompatibilité de cette
dernière avec les droits fondamentaux consacrés par la CEDH ou ses
protocoles . Elle formule au besoin
des recommandations spécifiques sur les modalités de révision de (projets
de) lois ou de modification de pratiques afin d’en garantir la pleine
conformité avec les exigences de la CEDH . Lorsque la Cour européenne des
droits de l’homme a déjà relevé une insuffisance dans un texte ou
une pratique donnée, la Commission de Venise vérifie si un (projet
d’) amendement soumis à son avis a réussi ou échoué en tout ou en
partie à la combler .
3. La Commission de Venise sait que la question de l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relève de
la compétence exclusive du Comité des Ministres. Cela étant, la
pratique susmentionnée de la Commission peut utilement contribuer
à l’amélioration de l’exécution des arrêts de la CEDH.
b. Avis spécifiquement demandés dans le cadre d’une procédure d’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
1. Il a parfois été demandé à la
Commission de Venise de donner son avis sur des mesures générales adoptées
dans le but précis d’exécuter des arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme. Les avis ci‑après relèvent de cette catégorie:
- L’avis conjoint de la Commission de Venise, de la Direction des droits de l’homme (DDH) de la Direction générale droits de l’homme et État de droit (DGI) du Conseil de l’Europe et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE (BIDDH/OSCE) sur deux projets de lois concernant les garanties de la liberté de réunion pacifique de l’Ukraine (CDL-AD(2016)030). Cet avis, demandé par le Président de la Verkhovna Rada (Parlement) de l’Ukraine, porte sur deux projets de lois relatifs aux «garanties de la liberté de réunion pacifique» élaborés pour combler les lacunes législatives existantes dans ce domaine, comme la Cour européenne des droits de l’homme l’a souligné dans l’arrêt Vyerentsov c. Ukraine (Requête no 20372/11, 14 avril 2013).
- L’avis préliminaire sur le projet de loi portant modification de la loi relative au système judiciaire et au statut des juges d’Ukraine (CDL-AD(2015)008). Cet avis, demandé par le ministre ukrainien de la Justice, a trait au projet de loi portant modification de la loi relative au système judiciaire et au statut des juges d’Ukraine qui visait à remédier à un certain nombre d’insuffisances du système judiciaire que la Commission de Venise et la Direction générale des droits de l’homme et des affaires juridiques avaient relevées dans leur avis conjoint de 2010 et à satisfaire aux exigences de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Oleksandr Volkov c. Ukraine (Requête no 21722/11, arrêt du 9 janvier 2013).
- L’avis conjoint de la Commission de Venise et de la Direction des droits de l’homme (DDH) de la Direction droits de l’homme et État de droit (DGI) du Conseil de l’Europe sur les projets de lois portant modification des codes de procédure administrative, civile et pénale de la Géorgie (CDL‑AD(2014)030). Cet avis, demandé par le ministre géorgien de la Justice, porte sur des projets d’amendements aux codes de procédure administrative, civile et pénale de la Géorgie qui introduisaient la possibilité de former un pourvoi en cassation lorsque «la décision de la Cour d’appel est contraire à la/aux décision(s) précédente(s) de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire/les affaires auxquelles la Géorgie était partie».
- L’avis relatif au projet de loi portant modification du et ajouts au code civil (introduisant la réparation du préjudice non pécuniaire) de la République d’Arménie (CDL-AD(2013)037), demandé par le Représentant Permanent de la République d’Arménie auprès du Conseil de l’Europe. Le projet de loi introduisait dans le droit civil arménien une indemnisation au titre du préjudice non pécuniaire dans certaines conditions précises et limitées pour donner effet aux obligations de l’Arménie en vertu de la CEDH et exécuter comme il convient les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Poghosyan et Baghdasaryan c. Arménie (requête no 22999/06, arrêt du 12 juin 2012) et Khachatryan et autres c. Arménie (Requête no 23978/06, arrêt du 27 novembre 2012).
- L’avis sur la législation relative à la protection contre la diffamation de la République d’Azerbaïdjan (CDL‑AD(2013)024). La Commission de Venise a rendu cet avis à la demande de l’administration présidentielle de la République d’Azerbaïdjan qui avait sollicité son assistance pour rédiger une loi relative à la diffamation dans le cadre de l’exécution de deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans lesquels cette dernière avait conclu à la violation de l’article 10 de la CEDH par l’Azerbaïdjan.
- L’avis sur le projet de loi portant modification de la et ajouts à la loi relative au service de remplacement de l’Arménie (CDL-AD(2011)051, en anglais seulement). Cet avis, demandé par le président de la Commission permanente de la défense, de la sécurité nationale et des affaires intérieures de l’Assemblée nationale, porte sur le projet de loi portant modification de la loi relative au service de remplacement de la République d’Arménie qui constituait une avancée importante pour l’exécution de l’arrêt de Grande Chambre du 7 juillet 2011 dans l’affaire Bayatyan c. Arménie (Requête no 23459/03).
2. Dans les avis susmentionnés, la Commission de Venise et la
Direction des droits de l’homme formulent un certain nombre de suggestions
précises pour améliorer les projets de lois soumis à leur analyse
de manière qu’ils soient pleinement conformes à la jurisprudence
afférente de la Cour européenne des droits de l’homme.
3. La Commission de Venise a aussi reçu une demande de mémoire amicus curiae du président de la
Cour constitutionnelle albanaise sur la compatibilité de la loi
no 133/2015 de la République d’Albanie
sur le traitement des biens et l’achèvement du processus d’indemnisation
avec les exigences de l’article 1 du Protocole additionnel à la
CEDH et la jurisprudence afférente de la Cour européenne des droits
de l’homme. La loi no 133/2015 visait
à régler les problèmes administratifs concernant la restitution
effective des biens et concernait, au moment de la rédaction du
mémoire amicus curiae, environ
230 affaires pendantes devant la Cour européenne des droits de l’homme
et plus d’une quinzaine d’affaires soumises à la surveillance du Comité
des Ministres. La Commission de Venise a conclu qu’eu égard à la
situation particulière de l’Albanie, on pouvait tout à fait dire
que le nouveau cadre juridique effectif prévu par la loi no 133/2015,
susceptible d’entraîner une réduction de l’indemnisation des anciens
propriétaires, satisfaisait au critère de proportionnalité de l’article 1
du Protocole additionnel à la CEDH .
4. La Commission de Venise a aussi reçu des demandes analogues
de l’APCE qui, dans sa Résolution 1920
(2013) sur l’état de la liberté des médias en Europe par exemple,
demande un avis indiquant «si la législation italienne en matière
de diffamation est conforme à l’article 10 de la Convention européenne
des droits de l’homme». Elle a analysé les amendements législatifs
visant à limiter l’usage des sanctions pénales pour diffamation
et à abolir les peines de prison pour diffamation conformément aux
arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l’homme contre
l’Italie. De son avis, les amendements susmentionnés représentaient
un effort louable pour mettre le cadre juridique italien en matière
de diffamation en conformité avec les exigences de la CEDH .
5. Enfin, la Commission de Venise a examiné la compatibilité,
avec la CEDH, des amendements législatifs relatifs à la compétence
de la Cour constitutionnelle russe de déclarer «non exécutables»
les décisions des juridictions internationales, notamment de la
Cour européenne des droits de l’homme, lorsque leur exécution soulève
des problèmes de constitutionnalité. Dans cet avis demandé par l’APCE,
la Commission de Venise insiste de nouveau sur l’importance capitale
de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
qui, de son avis, est une obligation juridique sans équivoque et
impérative, dont le respect est essentiel à la préservation et à
la consolidation des valeurs et des principes communs du continent européen .
C. Conférences et autres manifestations analogues
1. La Commission de Venise a en
outre coorganisé en
coopération avec divers partenaires un certain nombre de conférences,
de séminaires et de manifestations analogues sur le mécanisme de
la Convention européenne, dont les questions liées à l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, ou y a simplement
participé .
III. Conclusions
1. La Commission de Venise a, à
de très nombreuses occasions, mis en évidence les aspects juridiques de
l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
Elle réaffirme, pour l’heure, les déclarations qu’elle a faites
en 2002:
.
«49. Quel que soit le système judiciaire en cause, la question de l’exécution des décisions de justice est toujours un problème central. Cela dit, elle est particulièrement pertinente – voire «cruciale» – dans le cas des juridictions internationales puisque l’exécution des décisions est, pour l’essentiel, aux mains d’États souverains. D’autant plus si la cohésion au sein de la communauté des États est faible ou s’est affaiblie, et si l’instance internationale n’a pas le pouvoir de prendre des sanctions pour non-exécution de ses arrêts.
50. On pourrait prétendre que, dans la mesure où la Cour s’est vue elle-même comme n’ayant aucun moyen d’assurer l’exécution de ses décisions et que l’exercice du contrôle est laissé aux soins du Comité des Ministres, le problème de l’exécution des arrêts est une question d’ordre plus politique que juridique. Pour autant, les États ont l’obligation légale d’exécuter les arrêts de la Cour (voir ci-dessus paragraphe 28). De ce fait, la question de l’exécution des arrêts et de son contrôle est aussi un problème juridique qui justifie donc une approche de ce type»
2. La Commission de Venise est prête à jouer un rôle plus actif
dans ce domaine dans le cadre des procédures d’exécution des arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme. Ses avis peuvent aider
le Comité des Ministres à voir si les mesures générales prises par
les États membres sont suffisantes pour mettre un terme à la surveillance
de l’exécution d’un arrêt ou d’un groupe d’arrêts. Ils peuvent aussi
aider les États membres à mettre leurs lois qui ont entraîné des
violations de la CEDH en conformité avec cette dernière et à garantir
la conformité de leurs projets de lois avec la CEDH, évitant ainsi
d’autres violations.
3. La Commission de Venise a la possibilité de préparer ces avis
avec d’autres services du Conseil de l’Europe, facilitant ainsi
les synergies déjà existantes au sein de notre Organisation.
4. Elle est aussi bien placée pour mener des recherches et des
études générales, notamment dans une perspective comparative, dans
le but de contribuer à l’exécution des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme.
5. Elle encourage donc les organes compétents du Conseil de l’Europe
et les États membres à tirer pleinement parti de ses compétences
pour renforcer l’exécution des arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme.