Avis de commission | Doc. 14535 | 24 avril 2018
Le statut des journalistes en Europe
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
A. Conclusions de la commission
(open)B. Amendements proposés
(open)Amendement A (au projet de résolution)
À la fin du paragraphe 2, ajouter la phrase suivante:
«L’Assemblée observe toutefois que les changements technologiques ont également eu un impact positif sur le travail des journalistes, en particulier en facilitant les recherches, la communication et la création de réseaux internationaux et de bases de données de sources et travaux journalistiques accessibles dans le monde entier.»
Amendement B (au projet de résolution)
Remplacer le paragraphe 6.1 par le paragraphe suivant:
«de respecter pleinement leurs obligations positives nées de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme à l’égard de la liberté d’expression des journalistes et des autres acteurs des médias, et en particulier de leur droit de ne pas révéler leurs sources journalistiques et de leur droit à obtenir ou communiquer des informations;»
Amendement C (au projet de résolution)
Après le paragraphe 6.1, insérer le paragraphe suivant:
«de prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la sécurité des journalistes et des autres acteurs des médias, pour mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris de nature judiciaire, administrative ou financière, dont ils sont victimes et pour mettre fin à l’impunité des auteurs d’agressions à leur encontre, notamment en menant des enquêtes effectives sur les meurtres et les autres infractions commises contre leur intégrité physique; à ce propos, il importe que les États membres du Conseil de l’Europe mettent en œuvre les lignes directrices énoncées en annexe à la Recommandation CM/Rec(2016)4 du Comité des Ministres sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias;»
Amendement D (au projet de résolution)
Remplacer le paragraphe 6.2 par le paragraphe suivant:
«6.2. de revoir leur législation nationale relative au statut des journalistes, en vue:
6.2.1. d’identifier d’éventuels éléments nécessitant une mise à jour, en tenant compte des évolutions technologiques et économiques récentes;
6.2.2. de veiller à ce que cette législation protège les journalistes contre les licenciements arbitraires ou les représailles et contre les conditions de travail précaires susceptibles de les exposer à des pressions indues qui les obligent à s’écarter de l’éthique et des normes journalistiques admises;
6.2.3. de donner une définition juridique des journalistes qui soit suffisamment large pour englober toutes les formes de travail journalistique actuelles, y compris sur internet;
6.2.4. d’abroger la législation disproportionnellement restrictive relative à la diffamation et de veiller à la présence de garanties procédurales adéquates dans les procédures en diffamation engagées à l’encontre des journalistes;»
Amendement E (au projet de résolution)
Au paragraphe 6.5, remplacer les mots «entre travailleurs et employeurs» par les mots «entre les salariés et les freelances, d’une part, et les employeurs, de l’autre».
Amendement F (au projet de résolution)
Après le paragraphe 6.5, ajouter le paragraphe suivant:
«de veiller au respect du droit des journalistes à la liberté d’association, en particulier pour ce qui est de leur adhésion aux syndicats et aux associations de journalistes;»
Amendement G (au projet de résolution)
Après le paragraphe 8, ajouter le paragraphe suivant:
«L’Assemblée appelle les États membres à soutenir la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, en lui versant des contributions financières adéquates et en coopérant à son fonctionnement, en particulier en réagissant aux alertes et en participant aux suites qui leur sont données à l’initiative du Secrétaire Général.»
Amendement H (au projet de résolution)
Après le paragraphe 8, ajouter le paragraphe suivant:
«L’Assemblée condamne vivement l’assassinat des journalistes Daphne Caruana Galizia à Malte, Ján Kuciak en République slovaque et Maxim Borodin dans la Fédération de Russie. Elle appelle les autorités maltaises et slovaques à mener des enquêtes effectives sur ces décès, conformément aux garanties procédurales qui découlent de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.»
C. Exposé des motifs, par Mme Thorhildur Sunna Æversdóttir, rapporteure pour avis
(open)1. Notes explicatives
Amendement A (au projet de résolution)
Le présent amendement vise à mettre l’accent sur les évolutions positives de l’ère du numérique pour les journalistes. Les nouvelles technologies ne représentent pas seulement une menace pour la liberté d’expression et la profession de journaliste, elles offrent également de nouvelles opportunités. Ainsi, les recherches journalistiques sont devenues beaucoup plus faciles, car une immense quantité d’informations est désormais plus aisément et immédiatement accessible. En outre, les journalistes ont la possibilité de communiquer plus facilement entre eux et avec leurs sources. Les réseaux internationaux de journalistes et les bases de données de sources et travaux journalistiques accessibles dans le monde entier sont devenus une réalité et permettent un journalisme collectif à un niveau totalement nouveau, comme le Consortium international de journalistes d’investigation, qui a travaillé sur les «Panama Papers» et les «Paradise Papers», et le projet Signalement de la criminalité organisée et de la corruption, qui a divulgué l’affaire de blanchiment «Laundromat».
Amendement B (au projet de résolution)
Cet amendement vise à reformuler légèrement le paragraphe 6.1 et à séparer la question de la protection des sources journalistiques de celle de la sécurité des journalistes et des autres acteurs des médias (il est proposé de tenir compte de cette dernière dans un amendement distinct, voir l’amendement C). La Cour européenne des droits de l’homme a souligné à de nombreuses reprises que la protection des sources journalistiques était une condition essentielle de la liberté de la presse. L’amendement propose également de mentionner le «droit à obtenir ou communiquer des informations», qui est capital pour le travail des journalistes . Il est par ailleurs proposé de remplacer les termes «professionnels des médias» par «journalistes et autres acteurs des médias», puisque le projet de résolution et le rapport de Mme Drobinski-Weiss (voir en particulier sa partie 2.1) portent sur «le statut des journalistes» et qu’il importe d’étendre la protection proposée aux autres acteurs pertinents des médias, comme le fait la Recommandation CM/Rec(2016)4 du Comité des Ministres.
Amendement C (au projet de résolution)
Cet amendement vise à prendre en compte la question de la sécurité des journalistes et des autres acteurs des médias dans un sous-paragraphe distinct. En outre, nous proposons de souligner la nécessité de prévenir toute forme de harcèlement des journalistes de nature judiciaire, administrative ou financière et de mener des enquêtes effectives sur leur assassinat et les autres infractions commises contre leur intégrité physique. À ce propos, il convient également de rappeler la Recommandation CM/Rec(2016)4 du Comité des Ministres. En annexe à cette recommandation figurent des lignes directrices qui précisent les mesures que les États membres du Conseil de l’Europe pourraient prendre pour garantir la sécurité des journalistes et des autres acteurs des médias. Ces lignes directrices portent sur quatre points essentiels: la prévention, la protection, les poursuites (y compris en mettant l’accent sur la lutte contre l’impunité) et la promotion de l’information, l’éducation et la sensibilisation; elles proposent des recommandations précises à l’intention des États membres pour leur permettre de respecter leurs obligations pertinentes dans chaque point essentiel.
Amendement D (au projet de résolution)
Cet amendement vise à amener les États membres à prendre des éléments supplémentaires en considération lorsqu’ils revoient leur législation nationale relative au statut des journalistes. Nous proposons par conséquent de conserver les mots «identifier d’éventuels éléments nécessitant une mise à jour, en tenant compte des évolutions technologiques et économiques récentes» et de les insérer dans un nouveau paragraphe.
En outre, il serait utile de souligner au paragraphe 6.2.2 que, lorsqu’ils revoient leur législation, les États membres devraient également tenir compte de la question de la protection des journalistes contre «les licenciements arbitraires ou les représailles et contre les conditions de travail précaires susceptibles de les exposer à des pressions excessives qui les obligent à s’écarter de l’éthique et des normes journalistiques admises», comme le soulignent les lignes directrices jointes en annexe à la Recommandation CM/Rec(2016)4 . La question de la fourniture d’un cadre juridique stable pour le travail des journalistes a été amplement examinée dans le rapport de Mme Drobinski-Weiss (voir la partie 3.3) et mérite d’être mentionnée dans la résolution. Comme l’a souligné le rapport susmentionné du Secrétaire Général de 2017, l’ingérence arbitraire dans le travail des professionnels des médias, les restrictions d’agrément, la censure ou l’autocensure restreignent également la liberté des médias .
S’agissant du paragraphe 6.2.3, la question de la définition de la profession de journaliste représente le principal sujet du rapport (voir en particulier les parties 2.1 et 5.1). Bien que la rapporteure n’insiste pas fortement sur cette idée et souligne que l’essence de la profession réside dans ses activités et non dans sa définition, elle estime que «(…) une définition juridique des journalistes peut être utile pour protéger leurs droits (y compris le droit au secret des sources d’information), mais aussi pour opérer une distinction claire entre un journaliste professionnel et un bloggeur. Il pourrait être utile que, dans les pays où il n’y a pas de définition juridique du journaliste, les législateurs se penchent sur cette question» . Compte tenu de cette proposition de la rapporteure, il serait donc souhaitable de la mentionner dans la résolution et de recommander à certains États membres de réfléchir à une définition du «journaliste» qui soit suffisamment large pour englober toutes les formes de travail journalistique, y compris sur internet (comme certaines catégories de bloggeurs qui ont souvent plus de lecteurs que les médias classiques, et dont Mme Caruana Galizia est un exemple tragique).
S’agissant du paragraphe 6.2.4, nous proposons également d’abroger la législation disproportionnellement restrictive en matière de diffamation. Dans certains États membres, notamment en Azerbaïdjan et en Islande, le droit pénal prévoit que la diffamation est passible de peines d’emprisonnement. Même si cette législation n’est pas systématiquement appliquée, elle restreint la liberté d’expression. En outre, en cas d’engagement d’une procédure en diffamation, il importe que les garanties procédurales soient suffisantes pour permettre aux journalistes de jouir de leur droit à un procès équitable consacré à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5).
Amendement E (au projet de résolution)
Cet amendement vise principalement à remplacer le mot «travailleurs», qui n’est pas adapté aux journalistes, par «employés et freelances». Comme l’explique Mme Drobinski-Weiss dans son rapport, l’externalisation des contrats de travail a considérablement augmenté le nombre de journalistes contraints d’exercer leur profession en qualité de soi-disant «freelances». En dépit du fait que leur statut juridique diffère de celui des journalistes salariés prévu par les dispositions du droit du travail, ils travaillent souvent dans les mêmes conditions que les salariés à plein temps. Il importe d’inclure également cette catégorie de journalistes dans le dialogue avec les «employeurs».
Amendement F (au projet de résolution)
Cet amendement vise à ajouter un nouveau paragraphe pour mettre l’accent sur le droit d’association des journalistes, que consacre l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Toute définition du statut de cette profession devrait tenir compte de l’existence de ce droit et le rapport de Mme Drobinski-Weiss souligne à juste titre le rôle des syndicats et/ou des organisations professionnelles.
Amendement G (au projet de résolution)
Cet amendement vise à rappeler l’existence de la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, lancée en avril 2015. Il importe que l’Assemblée appelle les États membres à soutenir davantage la Plateforme, en lui versant des contributions financières adéquates et en coopérant à son fonctionnement, en particulier en réagissant aux alertes et en participant aux suites qui leur sont données à l’initiative du Secrétaire Général.
Amendement H (au projet de résolution)
Cet amendement vise à condamner le récent assassinat de Daphne Caruana Galizia à Malte, de Ján Kuciak en République slovaque et de Maxim Borodin dans la Fédération de Russie et à appeler les autorités nationales compétentes à mener des enquêtes effectives sur leur décès. Le Comité des Ministres a récemment répondu à une question écrite de notre collègue, M. Pieter Omtzigt (Pays-Bas, PPE/DC) sur l’assassinat de Mme Ms Caruana Galizia. Le Comité des Ministres a reçu à deux reprises des informations sur l’enquête judiciaire en cours à Malte et «ne voit aucune raison de prendre des mesures supplémentaires». Il est «certain que les autorités maltaises continueront d’utiliser de manière appropriée les moyens et mécanismes existants au Conseil de l’Europe et au niveau national, dans le plein respect des valeurs et standards fondamentaux du Conseil de l'Europe» . Dans l’intervalle, un grand nombre de membres de l’Assemblée, dont moi-même, ont déposé une proposition de résolution qui appelle à l’élucidation de l’assassinat de Mme Caruana Galizia et le Bureau a décidé de saisir notre commission pour rapport . Comme l’élaboration de ce rapport pourrait prendre un certain temps, il importe d’appeler une nouvelle fois les autorités maltaises à veiller à ce qu’une enquête effective soit menée sur la mort de cette journaliste. En outre, il est également indispensable de condamner l’assassinat de Ján Kuciak, qui a eu lieu le 21 février 2018, et l’assassinat récent de Maxim Borodin et d’appeler les autorités à mener une enquête effective sur ces événements tragiques.