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Avis de commission | Doc. 14534 | 24 avril 2018

La situation en Libye: perspectives et rôle du Conseil de l'Europe

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Tineke STRIK, Pays-Bas, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13812, Renvoi 4140 du 26 juin 2015. 2018 - Deuxième partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées salue le rapport sur «La situation en Libye: perspectives et rôle du Conseil de l’Europe» et félicite chaleureusement son rapporteur M. Attila Korodi (Roumanie, PPE/DC) pour son examen très approfondi de la situation et ses propositions concrètes concernant le rôle que le Conseil de l’Europe pourrait jouer pour aider ce pays à réaliser des réformes institutionnelles et bâtir des structures démocratiques.
2. La commission se félicite en particulier du chapitre détaillé et exhaustif de l’exposé des motifs sur les problèmes de migration dans la région, y compris ceux qui ont trait à l’externalisation des procédures d’asile par l’Union européenne et aux conséquences du renforcement des contrôles à ses frontières extérieures. Le projet de résolution prend ce chapitre en considération, même si la commission souhaiterait qu’il soit davantage mis l’accent sur certains aspects, à la lumière en particulier de ses conclusions dans plusieurs rapports en préparation.
3. La commission des migrations souhaite par conséquent proposer neuf amendements au projet de résolution et un amendement au projet de recommandation, amendements dont elle considère qu’ils refléteraient mieux certains points soulevés dans l’exposé et donneraient une vision actualisée d’une situation en constante évolution.

B. Propositions d’amendements

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Dans le paragraphe 8, remplacer les mots «ces risques sont réels» par les mots «ces pratiques sont une réalité».

Note explicative:

Au vu des rapports cités, il apparaît de plus en plus manifeste que des migrants ont réellement été victimes de tortures et de traitements inhumains.

Amendement B (au projet de résolution)

À la fin du paragraphe 9, ajouter la phrase suivante:

«Cela implique un engagement plus ferme à réinstaller les réfugiés après leur évacuation de Libye ou d’autres lieux au sud de la Libye où ils sont bloqués.»

Note explicative:

Au fur et à mesure que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) évacue des réfugiés de Libye, il est nécessaire de garantir leur réinstallation rapide.

Amendement C (au projet de résolution)

Dans le paragraphe 10.2, insérer le mot «irréguliers» après le mot «migrants».

Note explicative:

Un soutien de l’Assemblée à une fermeture complète des frontières pourrait être interprété à tort comme un principe susceptible d’être appliqué ailleurs.

Amendement D (au projet de résolution)

Dans le paragraphe 10.2, remplacer les mots «en fermant sa frontière sud, dans le Fezzan» par les mots «en renforçant la sécurité de sa frontière sud dans le Fezzan».

Note explicative:

Un soutien de l’Assemblée à une fermeture complète des frontières pourrait être interprété à tort comme un principe susceptible d’être appliqué ailleurs.

Amendement E (au projet de résolution)

Dans le paragraphe 11.1, supprimer les mots «intensification de leur».

Note explicative:

Le respect des droits fondamentaux des réfugiés et des migrants doit être garanti de manière absolue.

Amendement F (au projet de résolution)

Dans le paragraphe 11.1, remplacer les mots «à la possibilité de vérifier que ceux-ci s’attachent à respecter les» par les mots «au respect des».

Note explicative:

Le respect des droits fondamentaux des réfugiés et des migrants doit être garanti de manière absolue.

Amendement G (au projet de résolution)

Après le paragraphe 11.1, insérer le paragraphe suivant:

«à veiller à ce que toute coopération avec les garde-côtes libyens soit assujettie à un système de contrôle et de sanctions qui garantira le respect du droit international dans les eaux libyennes et à ce que cette coopération soit suspendue immédiatement en cas de violations répétées des droits de l’homme;»

Note explicative:

Des problèmes de traitement de migrants pendant les opérations de sauvetage ont été signalés par les organisations internationales et les ONG actives dans la région. Ils devraient faire l’objet d’enquêtes approfondies et des systèmes de contrôle efficaces devraient être mis en œuvre.

Amendement H (au projet de résolution)

Après le paragraphe 11.1, insérer le paragraphe suivant:

«à veiller à ce que les garde-côtes libyens soient formés au respect du droit international des droits de l’homme et le droit de la mer, y compris le principe de non-refoulement, et qu’ils se conforment aux règles applicables à la haute mer afin de soutenir les missions de sauvetage et de faciliter la coopération avec les ONG humanitaires dans des opérations civiles de sauvetage, de manière à ne pas mettre en danger la vie des réfugiés et des migrants.»

Note explicative:

Il est essentiel que les garde-côtes reçoivent une formation et des consignes pour éviter toute violation des droits de l’homme en mer et d’assurer la coopération avec ceux qui sont engagés dans le sauvetage humanitaire.

Amendement I (au projet de résolution)

Après le paragraphe 11.1, insérer le paragraphe suivant:

«à différer la création d’un nouveau Centre de coordination du sauvetage maritime en Libye jusqu’à ce que les mesures de renforcement des capacités aient permis d’améliorer les structures de gouvernance;»

Note explicative:

La création d’un centre de coordination sur le territoire libyen devrait être assujettie à une garantie minimale d’efficacité de sa gouvernance.

Amendement J (au projet de résolution)

Après le paragraphe 11.2, insérer le paragraphe suivant:

«à mener une évaluation exhaustive, basée sur les données financières et sur les résultats, concernant le succès de la mise en œuvre des principes énoncés dans la Déclaration de Malte de 2017;»

Note explicative:

Les États membres de l’Union européenne devraient être encouragés à s’interroger sur le succès des politiques d’externalisation et de sécurité menées au détriment d’autres politiques ces derniers mois.

Amendement K (au projet de résolution)

Après le paragraphe 11, insérer le paragraphe suivant:

«L’Assemblée appelle également les États membres à s’impliquer davantage dans la coopération pour le développement avec les pays situés au sud de la Libye, ce qui contribuera à réduire le nombre des départs en provenance de pays qui ne sont pas en conflit.»

Note explicative:

La résolution mentionne au paragraphe 6 l’arrivée en Italie de migrants en provenance de Libye et originaires de pays exempts de menace. Leur nombre ne peut être réduit que si les pays concernés sont capables de créer des perspectives et des possibilités de réaliser les projets de vie sur leur territoire.

Amendement L (au projet de recommandation)

Avant le paragraphe 3.1, insérer le paragraphe suivant:

«à la fixation de critères pour le contrôle du respect des droits de l’homme des migrants en Libye et dans les eaux territoriales libyennes fondés sur les conventions pertinentes et, notamment, sur la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et sa jurisprudence;»

Note explicative:

L’acquis du Conseil de l’Europe constitue un outil essentiel de protection des droits de l’homme et pourrait servir à l’établissement de lignes directrices pratiques pour la prévention et leur suivi dans la région.

C. Exposé des motifs, par Mme Tineke Strik, rapporteure pour avis

(open)
1. La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées souscrit pleinement au rapport de M. Attila Korodi (Roumanie, PPE/DC). Ce rapport décrit fidèlement les défis et les solutions envisageables pour œuvrer avec la Libye à garantir la stabilité politique du pays, laquelle bénéficiera à la fois à la population libyenne et à la communauté internationale, en lien en particulier avec les flux migratoires actuels du continent africain vers l’Europe.
2. La commission prépare actuellement deux rapports sur des thèmes liés à celui de M. Korodi. Le premier concerne les menaces pour les droits fondamentaux des migrants découlant des politiques d’externalisation de l’Union européenne 
			(1) 
			«Conséquences
pour les droits de l’homme de la “dimension extérieure” de la politique
d’asile et de migration de l’Union européenne: loin des yeux, loin
des droits?», (rapporteure: Mme Tineke
Strik, Pays-Bas, SOC). . Il contiendra un examen détaillé des défis et menaces qui pèsent sur la protection des droits de l’homme des migrants du fait des politiques de l’Union européenne telles qu’elles sont mises en œuvre en Turquie et en Libye, conjointement avec le renforcement de la sécurité le long des frontières de l’Union européenne, en particulier les frontières maritimes en Méditerranée. Les risques liés à la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 ont été examinés en 2016 dans un rapport sur cette question, dont j’étais la rapporteure 
			(2) 
			Voir <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22738&lang=FR'>Résolution
2109 (2016)</a> sur la situation des réfugiés et des migrants dans le
cadre de l’Accord UE-Turquie du 18 mars 2016. .
3. Le second rapport concerne le traitement extraterritorial des demandes d’asile 
			(3) 
			«Aspects
juridiques et pratiques du traitement extraterritorial des demandes
d’asile» (rapporteur: M. Domagoj Hajduković, Croatie, SOC).. Il se fonde sur le principe selon lequel l’Europe doit développer des alternatives sûres afin que les demandeurs d’asile puissent demander une protection internationale sans risquer leur vie dans des embarcations ou véhicules surpeuplés, et l’une des possibilités pour ce faire est de traiter les demandes d’asile dans les pays d’origine ou de transit.
4. Dans la Résolution 2000 (2014) sur l’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes, l’Assemblée parlementaire appelait les États membres «à répondre positivement à la suggestion du ministre italien de l’Intérieur et d’autres d’installer des camps dans les pays d’Afrique du Nord afin de traiter les demandes d’asile et de protection internationale, dans le but d’intercepter les migrants avant qu’ils ne prennent la mer; une réflexion devrait être menée sur la possibilité d’établir des centres auxquels le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés aurait accès afin de protéger les droits de l’homme».
5. La Résolution 2147 (2017) sur la nécessité de réformer les politiques migratoires européennes appelait l’Union européenne à étudier les moyens de mettre en place des «hotspots» hors d’Europe. L’Union européenne a commencé en 2015 à envisager la possibilité de créer des centres d’accueil des réfugiés hors de l’Union européenne, et elle a poursuivi cette réflexion malgré les critiques de la Cour des comptes de l’Union européenne 
			(4) 
			<a href='https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR17_6/SR_MIGRATION_HOTSPOTS_FR.pdf'>https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR17_6/SR_MIGRATION_HOTSPOTS_FR.pdf</a>. sur l’expérience de ces hotspots en Grèce et en Italie 
			(5) 
			Parlement
européen, DG Politiques internes: On the frontline: the hotspot
approach to managing migration (2016), <a href='http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2016/556942/IPOL_STU%282016%29556942_EN.pdf'>www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2016/556942/IPOL_STU%282016%29556942_EN.pdf.</a>.
6. Concernant la pression migratoire aux frontières sud de la Libye, il est indéniable que d’autres actions sont nécessaires pour contrôler les migrations illégales et en particulier mettre un terme à la traite des êtres humains, dont le résultat est l’existence de ventes aux enchères d’esclaves dans le nord de la Libye. Pour résoudre la crise migratoire, il convient de s’attaquer aux raisons de la traite des êtres humains dans le Fezzan, qui sont liées à la dépression économique, aux tensions et aux conflits entre communautés et, une fois encore, à l’instabilité politique.
7. Pour cette raison, j’ai proposé que la commission adopte un amendement ajoutant à la résolution une référence à la nécessité de coopérer avec les pays situés au sud de la Libye afin d’atténuer la pression à émigrer vers le nord. Cette dimension est également examinée actuellement par la commission des migrations 
			(6) 
			«L’aide au développement:
un outil de prévention des crises migratoires» (rapporteur: M. Pierre-Alain
Fridez, Suisse, SOC)..
8. Enfin, il m’a semblé opportun de proposer que soient précisées les conditions du soutien de l’Assemblée à la fermeture de la frontière dans la région du Fezzan, soutien qui selon moi pourrait instaurer un précédent dangereux et être interprété hors contexte comme une approbation implicite de la fermeture de frontières ailleurs dans le monde.