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Résolution 2210 (2018)

Changement climatique et mise en œuvre de l'Accord de Paris

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 avril 2018 (13e séance) (voir Doc. 14521, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. John Prescott). Texte adopté par l’Assemblée le 24 avril 2018 (13e séance).

1. En signant l’Accord de Paris en décembre 2015, 194 pays des Nations Unies et l’Union européenne ont reconnu le changement climatique comme une menace existentielle pour l’humanité: il n’y a pas de «Terre B», et la santé de notre planète est essentielle à notre prospérité. L’entrée en vigueur de l’accord une année à peine après sa signature reflète la volonté résolue de la communauté internationale d’agir à grande échelle, en s’orientant vers une approche ascendante, en rupture avec la logique descendante suivie jusque-là. Malgré la récente décision de l’Administration fédérale américaine de quitter l’accord, plus de 70 % des émissions globales de gaz à effet de serre restent couvertes par les contributions déterminées au niveau national dans le cadre de l’Accord de Paris. Cela dit, pour limiter la hausse des températures à 2°C d’ici à 2050, des efforts supplémentaires devront être consentis dans les dix prochaines années.
2. L’Assemblée parlementaire salue le rôle moteur de l’Europe dans le pilotage du processus engagé à l’échelle mondiale pour éviter une «surchauffe» de la planète. Un développement «propre» et plus durable est le seul moyen de répondre comme il se doit aux besoins des générations présentes et futures, où qu’elles vivent. Les pays en développement étant plus sévèrement touchés par le changement climatique alors qu’ils ont une responsabilité moindre que les pays développés dans les émissions de gaz à effet de serre, il faudra une plus grande solidarité entre pays développés et pays en développement pour assurer le partage de savoir-faire, de ressources (financières) et de technologies propres, en particulier avec les petits États insulaires en développement (conformément aux Modalités d’action accélérées des petits États insulaires en développement (Orientations de Samoa)).
3. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée considère que la mise en œuvre de l’Accord de Paris devrait aller de pair avec celle des Objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 du développement durable adopté par la communauté mondiale la même année. Elle renvoie aux nombreuses données disponibles montrant que l’investissement dans des politiques globales plus durables et un développement plus respectueux de l’environnement est économiquement avantageux et qu’il constitue également un choix politique responsable pour l’avenir. À l’échelle mondiale, les événements climatiques extrêmes coûtent de plus en plus cher, tout comme l’inaction a elle aussi un prix: en Europe, le coût des dommages liés aux catastrophes climatiques a déjà doublé entre les années 1980 et les années 2000, totalisant la somme de 436 milliards d’euros, selon l’Agence européenne pour l’environnement.
4. L’Assemblée se félicite du lancement du Partenariat de Marrakech pour l’action climatique globale en vue de la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Cette stratégie entend associer diverses parties prenantes à l’action pour le climat: elle encourage la collaboration volontaire de la société civile, du secteur privé, des établissements financiers, des collectivités locales et territoriales, ainsi que des communautés locales, le cas échéant. Dans ce contexte, il convient de promouvoir les modèles de développement urbain, estuarien et insulaire comme moyens de tirer parti de l’immense potentiel lié à la croissance verte, servant à la fois les populations et la cause du climat, ainsi qu’une croissance faiblement émettrice de carbone et les énergies renouvelables.
5. L’intégration par la loi du développement durable et de la capacité d’adaptation au changement climatique dans les politiques nationales reste un défi considérable pour les pays européens. L’Assemblée regrette que les délégations nationales officielles aux réunions mondiales sur les changements climatiques (COP) ne comprennent que rarement des parlementaires et elle exhorte les pays européens à montrer l’exemple du changement en intégrant systématiquement des parlementaires dans leurs délégations. Cette implication plus étroite des législateurs devrait favoriser une plus grande cohérence des politiques visant à honorer les engagements nationaux et internationaux pris dans le cadre de l’Accord de Paris, à assurer une répartition plus équilibrée des ressources budgétaires et à mettre en place un cadre législatif pour l’investissement vert.
6. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée appelle à des mesures nationales fortes pour promouvoir la mise en œuvre de l’Accord de Paris à tous les niveaux de gouvernance. Elle invite les États membres:
6.1. à établir une stratégie nationale ambitieuse, accompagnée d’un plan d’action concret, construite et mise en place avec la participation active et directe des autorités régionales, pour intégrer les ODD, notamment lorsqu’ils ont trait à la question du changement climatique, dans les principaux domaines d’intervention politique;
6.2. à élaborer un plan national de souscription de capitaux détaillant les ressources financières à mobiliser pour mettre en œuvre ce plan d’action, en envisageant des sources de financement nationales et internationales, ce qui assurerait une certaine sécurité aux investisseurs nationaux et étrangers, et permettrait d’exploiter au mieux le potentiel de croissance du développement durable;
6.3. à tenir des consultations régulières avec les différentes parties prenantes (société civile, secteur privé, établissements financiers et universitaires, collectivités locales et territoriales, et populations locales) pour suivre les progrès accomplis en matière de réduction des émissions et d’adaptation aux effets négatifs du changement climatique, et à identifier les secteurs qui posent problème dans la réalisation des contributions déterminées au niveau national;
6.4. à mettre à profit les possibilités régionales d’échange de bonnes pratiques et de co-investissement dans des modèles de développement respectueux du climat dans le cadre du Partenariat de Marrakech pour l’action climatique globale;
6.5. à prendre et à honorer leur engagement de reconstituer le Fonds vert pour le climat créé en 2010 dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, en accord avec le principe des responsabilités communes mais différenciées;
6.6. à faire progresser la transition vers l'économie circulaire, à prendre des dispositions pour encourager à la fois le secteur public et le secteur privé à réutiliser les matériaux d'un produit en fin de vie, et à établir des objectifs nationaux ambitieux de recyclage pour 2030 et 2050;
6.7. à promouvoir une vision durable de l’urbanisation par la poursuite de politiques visant à créer des «villes intelligentes» afin de transformer les villes européennes en guides mondiaux pour attirer des investissements durables, en portant une attention particulière à l’efficacité énergétique des bâtiments, aux moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur du transport, du chauffage urbain et de la climatisation collective, à la production d’énergies renouvelables, à la gestion des déchets et aux activités industrielles innovantes et durables;
6.8. à planifier la transition vers des pratiques agricoles plus innovantes et plus durables, de façon à optimiser l'utilisation des ressources naturelles, à maximiser la création de valeur ajoutée, à protéger la biodiversité européenne et à réduire de manière significative – ou à capter et à orienter vers d'autres usages – les émissions de gaz à effet de serre;
6.9. à prévoir des mesures volontaires et contraignantes pour faire en sorte que le secteur privé assume sa juste part des efforts entrepris pour atteindre les objectifs climatiques nationaux;
6.10. à restructurer leur production et leur consommation d’énergie de manière à ce que les matières premières fossiles soient de plus en plus dirigées vers des usages non énergétiques et progressivement remplacées par des sources d’énergie renouvelable;
6.11. à favoriser l’adoption de mesures ambitieuses pour les marchés publics verts, en renforçant l’intervention du secteur public pour créer une demande du marché en faveur de solutions innovantes à faibles émissions de carbone et en renforçant le rôle joué par l’industrie européenne dans l’apport de ces solutions;
6.12. à assurer la participation de parlementaires nationaux aux négociations mondiales sur le climat et aux consultations gouvernementales qui se déroulent en amont pour déterminer la position nationale dans ces négociations;
6.13. là où c’est possible, à envisager d’adhérer au Système d’échange de quotas d’émissions de l’Union européenne, en suivant l’exemple d’autres États non membres de l’Union européenne;
6.14. à garantir une politique climatique tenant compte du genre avec la mise en œuvre du Plan d’action pour la parité hommes-femmes, selon les modalités convenues lors de la COP23.
7. L’Assemblée souligne l’importance de l’action parlementaire en ce qui concerne les mesures précitées. Elle considère que les législateurs des Parties à l’Accord de Paris ont le devoir de vérifier si la feuille de route sur cinq ans visant à évaluer les politiques nationales en matière de climat est en bonne voie et est conforme aux objectifs nationaux convenus. L’Assemblée invite, par conséquent, les parlements nationaux à veiller à ce que des structures, des mécanismes et des ressources spécifiques soient mis en place pour intensifier les efforts nationaux en matière de lutte contre le changement climatique.
8. Enfin, l’Assemblée encourage vivement les trois États membres qui ne l’ont pas encore fait (Fédération de Russie, Saint-Marin et Turquie) à ratifier au plus tôt l’Accord de Paris.