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Résolution 2211 (2018)

Le financement du groupe terroriste Daech: enseignements retenus

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 avril 2018 (13e séance) (voir Doc. 14510, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Phil Wilson). Texte adopté par l’Assemblée le 24 avril 2018 (13e séance).

1. L’Assemblée parlementaire reste préoccupée par la menace que constituent les organisations terroristes comme Daech pour la paix et la stabilité au Moyen-Orient, même si le projet de Daech visant à créer un califat en Syrie et en Irak a échoué, essentiellement grâce aux interventions militaires de combattants irakiens et syriens, kurdes y compris, soutenus par la communauté internationale.
2. L'Assemblée prévient que la défaite militaire de Daech en Irak et en Syrie ne signifie pas pour autant la fin de ce groupe terroriste, qui réapparaîtra probablement sous une autre forme. Il est donc important de s'assurer qu'il ne peut plus utiliser ses sources de financement passées. De plus, si certaines d’entre elles sont spécifiques à Daech, beaucoup sont potentiellement, voire effectivement, utilisées par d'autres organisations terroristes.
3. Les activités de Daech ont notamment consisté à lancer des attaques terroristes dans le monde arabe, mais également au-delà. Cette organisation a revendiqué la responsabilité d’attentats commis dans de nombreux pays du monde. Bien que ces tragédies soient parfois le résultat d’attaques organisées et dirigées par le groupe, elles sont souvent le fait de «loups solitaires» ou d'individus isolés, qui ont été radicalisés. Un des problèmes les plus graves pour l'Europe et les États-Unis est posé par ces personnes, en particulier des combattants étrangers rentrés d'Irak et de Syrie qui peuvent raviver des réseaux clandestins dans leur pays. L'Assemblée se réfère sur ce point à sa Résolution 2091 (2016) sur les combattants étrangers en Syrie et en Irak.
4. La lutte contre Daech nous a appris qu'un groupe terroriste inspiré par une idéologie islamiste extrémiste peut causer des destructions massives, en envahissant un territoire, en réduisant les populations en esclavage et en gagnant de l'argent par la vente de ressources nationales et par de l'extorsion. L’argent peut aussi être exporté dans le monde entier vers d'autres fondamentalistes partageant la même idéologie, en utilisant ou en contournant le système financier mondial existant.
5. Le terrorisme islamiste et son financement reposent sur une idéologie extrémiste qui prône l'adhésion à la cause terroriste. Il est donc nécessaire de prévoir une initiative à l'échelle mondiale pour éradiquer l'extrémisme et l’intolérance religieuse.
6. L’Assemblée salue les résolutions prises et appliquées par les États membres et les instances internationales pour régler le problème du financement du terrorisme. L’Assemblée espère en particulier une mise en œuvre rapide et efficace des normes du Groupe d’action financière (GAFI) dans le monde, et plus spécifiquement de ses recommandations sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération. Les États membres devraient les utiliser pour interrompre les flux de fonds ainsi que les avoirs financiers et économiques des personnes et entités figurant sur la liste des sanctions contre Al-Qaida et Daech, conformément aux dispositions de la Résolution 2253 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
7. L’Assemblée se félicite également de la décision du GAFI d’élargir son rayonnement géographique et la mobilisation mondiale pour lutter contre le financement du terrorisme. En effet, le terrorisme (comme l’illustre Daech) est un phénomène mouvant et transnational, qui affecte chacune des diverses parties du monde. Il convient donc que les instances et les organisations internationales laissent leurs portes ouvertes à tout nouveau membre désireux de mettre en œuvre les outils juridiques et financiers pour enrayer le financement du terrorisme. Il est toutefois essentiel qu’elles offrent une assistance et des conseils aux pays en voie de développement, qui manquent souvent de moyens et présentent des lacunes stratégiques pour lutter efficacement contre le terrorisme.
8. Des opérations financières efficaces sont indispensables pour mettre un terme aux activités d’organisations terroristes comme Daech. Des instances nationales (et internationales) comme les cellules de renseignement financier peuvent apporter une aide vraiment précieuse dans l’identification des réseaux terroristes et de leurs appuis financiers, et il convient donc que les États membres continuent de les soutenir et de les utiliser. Les structures collectives d'application de la loi, comme Interpol et Europol, devraient davantage être mises à profit par les États membres, notamment pour poursuivre et sanctionner les combattants terroristes étrangers et tous ceux qui apportent un soutien matériel à Daech.
9. L’Assemblée reconnaît le travail accompli par le Conseil de l'Europe en la matière, notamment par le Comité d'experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) et par le Comité d'experts sur le terrorisme (CODEXTER).
10. L’Assemblée rappelle également l’aide importante apportée par le programme États-Unis/Union européenne de surveillance du financement du terrorisme (TFTP) pour identifier les réseaux et filières de financement des organisations terroristes, et appelle donc les États membres à faire une utilisation plus proactive de ce programme.
11. La manière dont des organisations terroristes internationales telles que Daech financent leurs opérations dans le monde entier peut uniquement être combattue par l’action concertée des pays contre ce type d'activité et par le recours à une stratégie globale comprenant un certain nombre de mesures privilégiant la coopération internationale et des mesures préventives, y compris l’action militaire si besoin est. Les échanges entre organisations internationales d'informations financières qui pourront perturber, voire arrêter, les activités terroristes sont un autre défi à relever.
12. L’Assemblée appelle donc les États membres:
12.1. à empêcher ou à interrompre, par tous les moyens possibles, toutes les sources, techniques et filières de financement de Daech et d’autres organisations terroristes, y compris l’extorsion, la taxation, l’exploitation des ressources naturelles, la contrebande d’antiquités, le trafic de drogue, le pillage de banques, le pillage de civils et de biens culturels, les donations extérieures et l'enlèvement contre rançon;
12.2. à continuer de promouvoir et de soutenir la recherche sur les sources et les filières de financement du terrorisme afin de toujours être au courant des nouvelles méthodes alternatives de financement, comme les monnaies virtuelles;
12.3. à instaurer et à développer les efforts de collaboration et de coopération transfrontalières, ainsi qu’avec les organismes et institutions internationaux, pour favoriser des échanges d’informations et de renseignements plus transparents, plus efficaces et plus rapides;
12.4. à intensifier le renforcement des capacités et l’assistance technique en faveur des points chauds du financement du terrorisme, conformément aux dispositions du plan d'action contre le terrorisme élaboré par les États membres du G20;
12.5. à réaffirmer la nécessité de renforcer les capacités locales d'enquête et de lutte contre le financement du terrorisme, y compris la corruption;
12.6. à étudier et à développer les nouvelles technologies permettant de mieux tracer, surveiller et finalement éliminer les filières de financement du terrorisme, et à évaluer dans quelle mesure les monnaies virtuelles et cryptées, et les technologies financières et de chaînes de blocs contribuent au financement du terrorisme et si elles devraient être réglementées selon une approche coordonnée;
12.7. à améliorer la mise en œuvre effective des normes internationales sur la transparence, conformément aux recommandations des Nations Unies et du GAFI;
12.8. à signer et à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198). Elle note à cet égard que l’Andorre, l’Irlande, le Liechtenstein, la Norvège, la Suisse et la République tchèque ne l’ont pas signée, tandis que l’Autriche, l’Estonie, la Finlande, l’Islande, la Lituanie, le Luxembourg et Monaco l’ont signée, mais ne l’ont pas ratifiée;
12.9. à adopter des initiatives telles que celle de la création du groupe de travail joint britannique sur le renseignement en matière de blanchiment de capitaux, afin de faciliter le partage de renseignements sur le financement du terrorisme;
12.10. à développer, sur l’exemple de la France, des lignes directrices nationales actualisées, fondées sur les normes internationales, pour apporter des conseils concrets aux entreprises et aux particuliers des secteurs inscrits parmi les sources de financement de Daech;
12.11. à envisager d'interdire de nouvelles relations commerciales avec les banques en Syrie. Il est nécessaire de faire preuve de vigilance en ce qui concerne les transactions et transferts financiers effectués en Irak, en Syrie et en Libye, ainsi que dans leurs régions frontalières;
12.12. à contraindre les banques à surveiller les cartes de débit prépayées pour s’assurer que celles-ci ne peuvent être rechargées que par le biais de transferts bancaires et de comptes dont les titulaires sont identifiables;
12.13. à créer un deuxième niveau de sécurité pour vérifier les noms des clans et des tribus dans les aéroports et aux frontières terrestres, compte tenu du nombre croissant en Europe de réfugiés et de diasporas originaires de Syrie et d'Afrique du Nord;
12.14. à mieux coordonner les actions menées par les ministères et les organismes publics contre le financement du terrorisme;
12.15. à accorder une attention particulière à la capacité des «loups solitaires», imprégnés d'idées extrémistes, de recueillir des fonds en utilisant, par exemple, des paiements de prestations sociales ou des cartes prépayées pour commettre des actes terroristes.
13. Enfin, l’Assemblée appelle les États membres de l’Union européenne à mettre en œuvre les propositions énoncées dans le Plan d'action de 2016 pour renforcer la lutte contre le financement du terrorisme, et notamment: à faire en sorte que la directive antiblanchiment de capitaux s'applique aux plateformes d'échange de monnaies virtuelles; à réexaminer l’interdiction de tenir des registres centralisés indiquant tous les comptes bancaires appartenant à une seule personne; à élargir le mandat des cellules de renseignement financier; et à améliorer l'efficacité des mesures de gel d'avoirs sur la base des listes des États-Unis.