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Avis de commission | Doc. 14593 | 27 juin 2018
Les mariages forcés en Europe
Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable
A. Conclusions de la commission
(open)1. La commission des questions
sociales, de la santé et du développement durable salue l’excellent rapport
qui arrive au moment opportun, préparé par Mme Béatrice
Fresko-Rolfo (Monaco, ADLE) pour la commission sur l’égalité et
la non-discrimination.
2. Comme l’Assemblée parlementaire l’a souligné dans sa Résolution 1468 (2005), les mariages forcés et les mariages d’enfants
violent les droits fondamentaux de chacune des victimes et ne peuvent
se justifier d’aucune manière. Des mesures appropriées doivent être
prises de façon urgente à travers l’Europe tel que recommandé dans
le projet de résolution.
3. La commission des questions sociales souhaite proposer quelques
amendements en vue de renforcer le texte.
B. Amendements proposés
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Au paragraphe 1, dernière phrase, remplacer les mots «pratiques préjudiciables» par les mots:
«violations des droits humains»
Amendement B (au projet de résolution)
À la fin du paragraphe 3, ajouter les mots suivants:
«, car un enfant ne peut pas être considéré comme ayant exprimé son consentement plein, libre et éclairé au mariage.»
Amendement C (au projet de résolution)
Au paragraphe 4, après les mots «un ensemble de», insérer les mots suivants:
«violations des droits humains, notamment des violations des droits de l'enfant et des»
Amendement D (au projet de résolution)
Au paragraphe 5, deuxième phrase, après les mots «De surcroît, la Convention», insérer les mots suivants:
«plus récente»
Amendement E (au projet de résolution)
Après le paragraphe 7.8, insérer le paragraphe suivant:
«ne pas reconnaître les mariages forcés à l’étranger, sauf, s’agissant des effets du mariage, si cela est dans l’intérêt supérieur des victimes, en particulier pour obtenir des droits auxquels elles ne pourraient prétendre par ailleurs;»
Amendement F (au projet de résolution)
Au paragraphe 10, après les mots «et les crimes liés au prétendu “honneur”», insérer les mots suivants:
«, qui ont fait l'objet de sa Résolution 1681 (2009) et de sa Recommandation 1881 (2009),»
C. Exposé des motifs, par Mme Carina Ohlsson, rapporteure pour avis
(open)1. Tout d’abord, permettez-moi
de féliciter Mme Béatrice Fresko-Rolfo
pour l’excellent rapport qu’elle a préparé pour la commission sur
l’égalité et la non-discrimination et qui arrive à point nommé.
2. Les chiffres sont plus que choquants: malgré tous nos efforts,
des millions de filles mineures (pour la plupart) sont mariées de
force chaque année . Le Conseil de l'Europe, notamment
son Assemblée parlementaire, est en première ligne de la lutte contre
cette grave violation des droits humains .
Il y a lieu de souligner une fois de plus que le mariage forcé constitue
de fait une violation des droits humains (Amendements A
et C), de peur que d'autres droits (comme les droits
culturels) ne prévalent.
3. L'élimination des mariages d'enfants, forme la plus répandue
des mariages forcés, fait partie des objectifs de développement
durable des Nations Unies . Cela s'explique par le fait qu'un enfant
ne peut pas être considéré comme ayant exprimé son consentement
plein, libre et éclairé au mariage avant l’âge de 18 ans (Amendement B). Malheureusement,
en novembre 2014, dans une recommandation générale/observation générale
conjointe, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes et le Comité des droits de l'enfant
des Nations Unies sont revenus sur la recommandation fixant à 18 ans
l'âge minimal du mariage, pour autoriser les mariages à 16 ans en
cas de circonstances exceptionnelles .
Je me réjouis que Mme Fresko-Rolfo n'ait
pas suivi cette recommandation, préférant maintenir les normes européennes
plus strictes .
4. Il faut en effet comprendre qu'il est très difficile – même
pour une personne de 18 ans, et encore plus pour une personne de
16 ou 17 ans qui vit peut-être encore chez ses parents – de résister
à la pression familiale. Comme l'a souligné Mme Rosmarie
Zapfl-Helbling (Suisse, PPE) dans son rapport rédigé en 2005 sur les
mariages forcés et les mariages d'enfants, au sujet des mariages arrangés: «Il
se peut fort bien que l’environnement familial soit tellement fort
que le choix se trouve induit par l’éducation ou le respect des coutumes.
Il est vrai qu’entre pression et manipulation psychologique, la
différence peut être ténue. La subtilité des notions se trouve dans
le fait de savoir si l’on peut parler d’un consentement libre et
éclairé et dépend dans une large mesure de l’environnement socioculturel.
Seule une analyse fine et détaillée permet d’appréhender la situation
particulière de la personne concernée .»
5. Mme Zapfl-Helbling plaide donc
pour que les mariages d’enfants âgés de moins de 18 ans soient,
par principe, interdits car à ses yeux, il n’y a pas de raison valable
pour légitimer un mariage précoce (cette position a été adoptée
par l’Assemblée). Les mariages d’enfants contractés à l’étranger
ne devraient pas non plus être reconnus. Cependant, Mme Zapfl-Helbling
y voit une exception: un enfant qui est la victime d’un mariage précoce
devrait se voir accorder l’ensemble des droits auxquels il pourrait
prétendre en tant qu’épouse ou époux dans la mesure où il s’agit
de droits auxquels il ne pourrait prétendre par ailleurs. Cette
position a également été adoptée par l'Assemblée en 2005 – je pense
qu'il convient d'énoncer clairement que la position de l'Assemblée
sur ce point n'a pas changé (Amendement E).
6. En conclusion, les mariages forcés (y compris les mariages
d'enfants) violent les droits fondamentaux de chacune des victimes
et ne se justifient en aucune façon. Il est urgent d'adopter des
mesures appropriées en Europe, comme le recommande le projet de
résolution. Je souhaiterais vous demander votre soutien pour cette
résolution, et pour sa mise en œuvre dans chacun de nos États membres:
chaque épouse mineure est une victime de trop.