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Résolution 2226 (2018)

Nouvelles restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 juin 2018 (23e séance) (voir Doc. 14570, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Yves Cruchten). Texte adopté par l’Assemblée le 27 juin 2018 (23e séance).Voir également la Recommandation 2134 (2018).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2096 (2016) et sa Recommandation 2086 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?», ses précédentes Résolutions 1660 (2009), 1891 (2012) et 2095 (2016) et sa Recommandation 2085 (2016) concernant les défenseurs des droits de l'homme dans les États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que sa Résolution 2060 (2015), sa Recommandation 2073 (2015), sa Résolution 1729 (2010) et sa Recommandation 1916 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte».
2. L’Assemblée souligne une nouvelle fois l’importance des organisations non gouvernementales (ONG) dans le développement et la réalisation de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Ces organisations s’y emploient en particulier, en promouvant la sensibilisation du public et la participation à la vie publique, en veillant à la transparence et à la nécessité pour les autorités publiques de rendre compte de leur action et en contribuant à la vie culturelle et au bien-être social des sociétés démocratiques. L’Assemblée rend hommage à l’ensemble des ONG, dont les actions ont renforcé les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit dans les États membres du Conseil de l’Europe.
3. L’Assemblée rappelle que, en adhérant à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), les États membres du Conseil de l'Europe sont convenus de garantir, sans discrimination, le respect des libertés de réunion, d’association et d’expression, qui sont inextricablement liées et sont essentielles au bon fonctionnement de la société civile. Toute restriction des droits susmentionnés doit être «prévue par la loi», «nécessaire dans une société démocratique» et proportionnée au but légitime poursuivi.
4. L'Assemblée observe avec préoccupation que l’espace dévolu à la société civile s’est rétréci ces dernières années dans plusieurs États membres du Conseil de l'Europe, surtout pour les ONG qui œuvrent dans le domaine des droits de l’homme. Cette situation s’explique essentiellement par la législation et la réglementation restrictives en matière d’enregistrement ou de financement, par le harcèlement administratif, par les campagnes de dénigrement visant certains groupes et par les menaces et les intimidations contre des dirigeants d’ONG et des militants.
5. L’Assemblée rappelle sa Résolution 2184 (2017) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan et sa Résolution 2185 (2017) «Présidence azerbaïdjanaise du Conseil de l'Europe: quelles sont les suites à donner en matière de respect des droits de l’homme?». Elle déplore l’absence d’environnement propice aux activités des ONG et condamne les représailles dont sont victimes les militants de la société civile en Azerbaïdjan. Elle appelle ce pays à modifier sa législation relative aux ONG conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et aux recommandations de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) (Avis nos 636/2011 et 787/2014).
6. Rappelant sa Résolution 2162 (2017) «Évolutions inquiétantes en Hongrie: projet de loi sur les ONG restreignant la société civile et possible fermeture de l’Université d’Europe centrale», l’Assemblée exprime sa préoccupation quant à l’entrée en vigueur de la loi sur la transparence des organisations recevant de l’aide de l’étranger et exhorte la Hongrie à abroger les dispositions de ce texte qui ne sont pas conformes aux recommandations de la Commission de Venise (Avis no 889/2017). Elle s’alarme également de l’adoption par le Parlement hongrois du paquet législatif «Stop Soros», qui restreint les libertés des ONG défendant les droits des migrants et des réfugiés, et de leurs membres, et appelle la Hongrie à le réviser conformément à l’avis de la Commission de Venise et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) adopté le 22 juin 2018.
7. L’Assemblée demeure préoccupée par la mise en œuvre de la «loi relative aux agents étrangers» et de la «loi relative aux organisations indésirables», qui a provoqué la fermeture de dizaines d’ONG nationales qui recevaient des fonds étrangers, ainsi que par l’interruption des activités des principales organisations donatrices internationales et étrangères qui soutenaient les travaux d’ONG russes. L’Assemblée demande une nouvelle fois à la Fédération de Russie de modifier sa législation relative aux ONG, conformément aux Avis nos 716/2013, 717/2013 et 814/2015 de la Commission de Venise.
8. Rappelant ses Résolutions 2156 (2017) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie et 2209 (2018) «État d’urgence: questions de proportionnalité relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme», l’Assemblée est particulièrement inquiète du grand nombre d’associations et de fondations (près de 1 600) fermées sur la base de mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence. Elle exhorte la Turquie à lever l’état d’urgence dès que possible, à veiller à ce que les ONG fermées disposent d’un recours effectif contre la décision de fermeture définitive et à réexaminer la nécessité et la proportionnalité des mesures limitant les libertés d’association, de réunion et d’expression, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et aux recommandations de la Commission de Venise (Avis no 865/2016).
9. L’Assemblée appelle la Roumanie et l’Ukraine à rejeter les projets de loi récemment proposés qui imposent aux ONG de nouvelles obligations de déclaration financière, sauf s’ils sont modifiés dans le sens des recommandations de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH (voir respectivement les Avis nos 914/2017 et 912/2018), et à les soumettre à une large consultation publique. Elle appelle en outre l’Ukraine à supprimer au plus vite l’obligation de déclaration en ligne faite aux militants anticorruption prévue dans la loi no 1975-VIII du 23 mars 2017.
10. L’Assemblée appelle tous les États membres:
10.1. à mettre pleinement en œuvre la Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe;
10.2. à revoir et à abroger ou modifier les lois qui entravent le travail libre et indépendant des ONG, et à veiller à ce que ces lois soient conformes aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en ce qui concerne les droits aux libertés d’association, de réunion et d’expression (y compris les Lignes directrices conjointes Commission de Venise-OSCE/BIDDH sur la liberté d’association et la liberté de réunion pacifique), en faisant appel au Conseil de l’Europe et en particulier à la Commission de Venise et au Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales;
10.3. à s’abstenir d’adopter de nouvelles lois qui se traduiraient par des restrictions inutiles et disproportionnées et par une charge financière imposées aux activités des ONG;
10.4. à faire en sorte que les ONG puissent solliciter, recevoir et utiliser des financements transparents et d’autres ressources, d’origine nationale ou étrangère, sans subir de discrimination ni rencontrer d’obstacles injustifiés;
10.5. à veiller à ce que les ONG participent véritablement aux processus de consultation portant sur les nouvelles lois qui les concernent et sur d’autres questions particulièrement importantes pour la société, comme la protection des droits de l’homme;
10.6. à garantir un environnement propice à la société civile, notamment en s’abstenant de tout harcèlement (judiciaire, administratif ou fiscal), de propos publics négatifs, de campagnes de dénigrement contre les ONG et d’actes d’intimidation contre les militants de la société civile;
10.7. à signer et/ou à ratifier, si ce n’est déjà fait, la Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales (STE no 124).
11. L’Assemblée, consciente du rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile dans de nombreux États membres du Conseil de l'Europe, décide de rester saisie de cette question.