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Rapport | Doc. 14619 | 18 septembre 2018

L’accès illimité des organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies aux États membres, y compris aux «zones grises»

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Frank SCHWABE, Allemagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14275, Renvoi 4292 du 30 mai 2017. 2018 - Quatrième partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l'homme déplore tous les cas de manquement des États à coopérer avec les mécanismes internationaux de suivi des droits de l’homme et insiste sur le fait que tout État membre concerné devrait prendre part sans tarder à une coopération complète et inconditionnelle.

Les activités des organes de suivi des droits de l’homme qui concernent les territoires placés sous le contrôle d’autorités de fait ne constituent pas et ne devraient pas être présentées comme une reconnaissance de la légitimité de ces autorités. L’exercice d’une autorité de fait s’accompagne d’un devoir de respect des droits de tous les habitants du territoire en question. La commission se félicite des situations dans lesquelles les organes de suivi du Conseil de l’Europe et des Nations Unies ont eu accès à de telles «zones grises».

Le Comité des Ministres devrait procéder à un débat d’urgence chaque fois que l’accès au territoire d’un État membre est refusé à un organe de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Il devrait réfléchir à la mise en place au sein du Conseil de l’Europe d’une présomption en vertu de laquelle tous les États membres consentent aux visites effectuées par les organes de suivi des droits de l’homme dans des circonstances où il existe des raisons de penser que de graves violations des droits de l’homme fondamentaux et de la dignité humaine. Il devrait aussi dresser un bilan de la situation de la coopération entre les mécanismes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies, en vue de renforcer la coordination et de développer au mieux les synergies.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 10 septembre
2018.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire observe avec préoccupation les discours prononcés par M. Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, lors des 33e, 35e et 38e sessions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, dans lesquels il a attiré l’attention sur les difficultés auxquelles se heurtent ses propres services et d’autres organes de suivi des droits de l’homme des Nations Unies pour obtenir l’accès au territoire de nombreux États, dont certains États membres du Conseil de l’Europe. Elle rappelle que les organes de suivi du Conseil de l’Europe ont rencontré des problèmes similaires, souvent à propos des mêmes situations ou des mêmes zones géographiques.
2. L’Assemblée réaffirme les obligations juridiques faites aux États membres du Conseil de l’Europe de coopérer pleinement et de bonne foi avec les mécanismes internationaux de suivi des droits de l’homme, y compris ceux du Conseil de l’Europe et des Nations Unies, dont ils ont accepté les mandats, conformément aux conditions et procédures établies des organes concernés. Elle déplore tous les cas de manquement des États à coopérer avec les mécanismes internationaux de suivi des droits de l’homme et insiste sur le fait que tout État membre concerné devrait prendre part sans tarder à une coopération complète et inconditionnelle. Elle soutient sans réserve les initiatives prises par les organes concernés pour exercer leur mandat.
3. L’Assemblée estime que les activités des organes de suivi des droits de l’homme qui concernent les territoires placés sous le contrôle d’autorités de fait, y compris leurs contacts avec ces autorités et les visites des territoires en question, ne constituent pas et ne devraient pas être présentées comme une reconnaissance en droit international de la légitimité de ces autorités. Elle considère cependant que l’exercice d’une autorité de fait s’accompagne d’un devoir de respect des droits de tous les habitants du territoire en question, tout comme ces droits seraient respectés par les autorités de l’État dont fait partie ce territoire; la présomption illégitime de l’exercice des pouvoirs de l’État doit elle-même s’accompagner de la présomption de la charge des responsabilités correspondantes de l’État à l’égard de ses habitants. Ces responsabilités comportent l’obligation de coopérer avec les mécanismes internationaux de suivi des droits de l’homme. L’Assemblée appelle par ailleurs les États tiers qui exercent un contrôle effectif sur les territoires où agissent les autorités de fait d’user de leur influence pour permettre aux organes internationaux de défense des droits de l’homme d’assurer un suivi effectif.
4. L’Assemblée se félicite des situations dans lesquelles les organes de suivi du Conseil de l’Europe et des Nations Unies ont eu accès aux «zones grises» (c’est-à-dire aux territoires qui relèvent du mandat de ces organes et qui sont sous le contrôle d’autorités de fait). Elle souligne que cette activité exige une attitude constructive de la part des autorités centrales de droit comme des autorités locales de fait: plus particulièrement, les premières doivent permettre l’établissement d’un dialogue satisfaisant entre l’organe de suivi et les autorités locales de fait et ces dernières doivent accepter que les visites de suivi soient effectuées en pleine conformité avec le mandat de l’organe de suivi compétent. L’Assemblée se félicite tout spécialement des visites effectuées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe en Transnistrie et en Abkhazie et encourage les autorités de fait respectives, ainsi que les autorités légitimes de la République de Moldova et de Géorgie, d’œuvrer en faveur de la reprise du suivi du CPT dans ces territoires. Elle encourage également les autorités de fait d’Ossétie du Sud à coopérer avec le CPT. L'Assemblée se félicite de la volonté des «zones grises» qui ont coopéré avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et d'autres mécanismes internationaux de surveillance des droits de l'homme visant à mieux protéger les droits de l'homme dans les zones de conflit.
5. L’Assemblée soutient par ailleurs les initiatives prises par d’autres organes de suivi pour examiner la situation des territoires dont l’accès leur a été refusé ou autorisé uniquement à des conditions qui seraient politiquement inacceptables ou incompatibles avec leur mandat. Elle salue l’action menée par le Comité consultatif du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales en vue d’examiner la situation en Crimée à la suite de son annexion illégale par la Fédération de Russie, bien que n’ayant pu avoir accès à la péninsule de Crimée. Elle souligne toutefois que de telles actions, bien que présentant un intérêt, ne saurait se substituer pleinement à un suivi exercé en pleine conformité avec le mandat de l’organisme compétent, y compris le cas échéant à des visites d’enquête.
6. L’Assemblée est favorable à une approche dans laquelle les États sont présumés avoir consenti aux visites effectuées par les organes de suivi des droits de l’homme aussi bien de façon régulière que dans des circonstances où il existe des raisons de penser que de graves violations des droits de l’homme fondamentaux et de la dignité humaine ont été commises, sous forme par exemple de menaces de mort, d’actes de torture, de traitements inhumains ou dégradants ou de refus de satisfaire à des besoins humanitaires essentiels. Cette présomption pourrait être mise en pratique en autorisant les États à la réfuter dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsqu’un refus d’accès s’avère indispensable pour des raisons ayant trait à la défense nationale, à la sûreté publique ou à de graves troubles publics locaux. Il appartiendrait cependant à l’État de soulever cette objection après avoir été informé par un organe de suivi de son intention d’effectuer une visite dans des circonstances qui emportent présomption de consentement.
7. L’Assemblée se félicite de la coopération actuellement bien établie entre les organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies en vue de développer au mieux l’impact, l’efficience et l’efficacité de leurs activités respectives, en profitant réciproquement de leurs connaissances, de leur expérience et de leur expertise. Elle encourage toutes les initiatives qui visent à renforcer cette coopération à l’avenir.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 10 septembre 2018.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution … (2018) sur l’accès illimité des organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies aux États membres, y compris aux «zones grises».
2. L’Assemblée appelle le Comité des Ministres à procéder à un débat d’urgence chaque fois que l’accès à tout ou partie du territoire d’un État membre est refusé à un organe de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe ou est uniquement autorisé à des conditions qui sont politiquement inacceptables ou incompatibles avec le mandat de cet organe. Ce débat devrait viser à apporter des solutions rapides et efficaces à ces situations, le cas échéant en recourant à des pressions diplomatiques sur les autorités compétentes, y compris, si besoin est, par l’intermédiaire de l’État qui exerce un contrôle effectif sur un territoire et ses autorités de fait.
3. L’Assemblée appelle également le Comité des Ministres à réfléchir à la mise en place au sein du Conseil de l’Europe d’une présomption en vertu de laquelle tous les États membres consentent aux visites effectuées par les organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies dans des circonstances où il existe des raisons de penser que de graves violations des droits de l’homme fondamentaux et de la dignité humaine ont été commises, sous forme par exemple de menaces de mort, d’actes de torture, de traitements inhumains ou dégradants ou de refus de satisfaire à des besoins humanitaires essentiels. Cette présomption pourrait être réfragable dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsqu’un refus d’accès s’avère indispensable pour des raisons ayant trait à la défense nationale, à la sûreté publique ou à de graves troubles publics locaux. Il appartiendrait cependant à l’État concerné de soulever cette objection après avoir été informé par un organe de suivi de son intention d’effectuer une visite dans des circonstances qui emportent présomption de consentement.
4. L’Assemblée appelle par ailleurs le Comité des Ministres à entreprendre un bilan détaillé et systématique de la situation de la coopération entre les mécanismes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies, en coopération avec les Nations Unies, en vue de renforcer la coordination et de développer au mieux les synergies. Ce bilan devrait comporter l’étude des possibilités de renforcement du suivi global des droits de l’homme dans les «zones grises» (c’est-à-dire les territoires nationaux placés sous le contrôle d’autorités de fait) au sein des États membres du Conseil de l’Europe, notamment au moyen d’activités conjointes des organes compétents pour le suivi de questions relatives aux droits de l’homme comparables, tout en respectant les particularités du mandat, de la composition, de la structure et des méthodes de travail de ces organes. Ce bilan pourrait également porter sur les mécanismes de suivi pertinents d’autres organisations internationales, notamment l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

C. Exposé des motifs, par M. Frank Schwabe, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 21 mars 2017, j’ai déposé une proposition de résolution inspirée par un discours prononcé par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Zeid Ra’ad Al Hussein, lors de la 33e session du Conseil des droits de l’homme, le 13 septembre 2016. M. Al Hussein faisait part dans son discours de ses préoccupations au sujet «du refus croissant d’un nombre toujours plus important d’États membres [des Nations Unies]» d’autoriser ses services ou ceux d’autres mécanismes de protection des droits de l’homme à se rendre dans leur pays en général ou dans des régions particulières de celui-ci. Au nombre de ces préoccupations figurent plusieurs exemples qui concernent des États membres du Conseil de l’Europe, en particulier le sud-est de la Turquie, la région ukrainienne de Crimée (annexée illégalement par la Fédération de Russie), les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (deux États autoproclamés, que ne reconnaissent pas la quasi-totalité des membres de la communauté internationale et qui bénéficient du soutien de la Russie), la région du Haut-Karabakh de l’Azerbaïdjan 
			(3) 
			Voir
la Résolution 884 (1993) du Conseil de sécurité des Nations Unies,
12 novembre 1993., dont l’indépendance autoproclamée n’a pas été reconnue par la communauté internationale, où l’Arménie exerce un contrôle effectif 
			(4) 
			Cour
européenne des droits de l'homme, Chiragov
et autres c. Arménie, Requête no 13216/05,
arrêt du 16 juin 2015 (Grande Chambre)., et l’Arménie. La proposition de résolution faisait ensuite remarquer que les organes de suivi du Conseil de l’Europe, notamment le Commissaire aux droits de l’homme, avaient eu eux aussi du mal à se rendre dans certains États membres ou certaines régions. Elle ajoutait que les États membres du Conseil de l’Europe devaient donner l’exemple, en coopérant avec l’ensemble des organes de défense des droits de l’homme auxquels ils participent, et permettre une coopération entre les organes du Conseil de l’Europe et des Nations Unies, de manière à intensifier les synergies et à éviter le chevauchement d’initiatives parallèles. La proposition de résolution préconisait par conséquent que l’Assemblée examine les voies et moyens d’améliorer la coopération entre les organes de suivi des droits de l’homme et de leur garantir un accès sans entrave à tous les territoires de notre continent.
2. L’Assemblée a renvoyé cette proposition de résolution à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme le 30 mai 2017. J’ai été nommé rapporteur le 9 octobre 2017. Le 18 juin 2018, je me suis rendu à Genève où j’ai rencontré le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, M. Al Hussein. Le 28 juin, la commission a procédé à un échange de vues avec M. Christos Giakoumopoulos, Directeur général «Droits de l'Homme et Etat de Droit» du Conseil de l’Europe.
3. Ce rapport abordera trois aspects de cette situation: premièrement, j’examinerai dans quelle mesure les États membres du Conseil de l’Europe ne coopèrent pas avec les mécanismes de suivi des droits de l’homme des Nations Unies et du Conseil de l’Europe et comment les deux organisations ont réagi face à ce problème; deuxièmement, j’analyserai la coopération qui existe entre les Nations Unies et le Conseil de l’Europe sur les questions relatives au suivi des droits de l’homme; enfin, troisièmement, j’examinerai si, et comment, une coopération et une coordination plus étroites entre les deux organisations permettrait de renforcer le suivi des droits de l’homme dans les situations qui posent problème.

2. Le(s) discours prononcé(s) par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies devant le Conseil des droits de l’homme

4. Dans son discours percutant et passionné de septembre 2016, M. Al Hussein a évoqué plusieurs points avec lesquels je suis totalement en accord et qui méritent d’être rappelés ici. «Les membres des gouvernements me répètent souvent (…) que les droits de l’homme sont utilisés de manière abusive, comme un prétexte à une ingérence dans les affaires intérieures des États souverains (…). Ils jugent les déclarations faites par le Conseil des droits de l’homme au sujet d’allégations crédibles de violations (…) “partiales”, “irresponsables”, “fallacieuses” ou fondées sur des “hypothèses erronées”», a-t-il déclaré. Nous avons déjà entendu les autorités et les représentants d’États membres du Conseil de l’Europe tenir ce genre de propos, y compris au sein de l’Assemblée. M. Al Hussein a par ailleurs posé une question qui présente une importance fondamentale pour toute organisation internationale vouée à la promotion et à la protection des droits de l’homme: «La question des droits de l’homme est-elle exclusivement nationale? Il appartient aux gouvernements de respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme et de respecter les normes en vigueur. Mais le respect des droits de l’homme de toute personne, dans n’importe quel pays, exige également – cela ne fait pas l’ombre d’un doute – que nous lui accordions notre attention collectivement.» Il a ensuite conclu très clairement au sujet des pays qui refusent de coopérer avec les mécanismes internationaux de suivi des droits de l’homme que «[l]es violations des droits de l’homme ne disparaîtront pas si un gouvernement empêche l’accès des observateurs internationaux et se lance ensuite dans une campagne de relations publiques destinée à neutraliser toute publicité indésirable. Les efforts qu’ils déploient pour esquiver ou refuser tout examen attentif de la situation nous conduisent au contraire à nous poser une question évidente: quels sont au juste les éléments que vous nous dissimulez?».
5. M. Al Hussein est revenu sur le sujet de l’accès des observateurs internationaux lors de son allocution prononcée à l’occasion de la 35e session du Conseil des droits de l’homme, le 6 juin 2017. Une fois de plus, il a déploré le refus opposé par la Turquie aux initiatives prises pour enquêter sur les allégations de graves violations commises dans le sud-est du pays; il a d’autre part salué l’intention manifestée par l’Arménie de renforcer son engagement avec le Haut-Commissariat. Il s’est également réjoui du fait que la Géorgie et l’Italie avaient toutes deux reçu plus de cinq visites effectuées par les titulaires de mandats de procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme au cours des cinq années précédentes.
6. Le 18 juin, date à laquelle je l’ai rencontré, M. Al Hussein a prononcé ce qui sera sa dernière allocution (voir le paragraphe suivant) devant le Conseil des droits de l’homme, à l’occasion de sa 38e session. Il a une nouvelle fois pointé du doigt «le troublant refus d’autoriser l’accès opposé par un certain nombre de pays», qu’il a qualifié de «grave affront à notre activité». Il a fait remarquer que ses services n’étaient toujours pas autorisés à se rendre dans le sud-est de la Turquie, bien qu’il ait constaté que la Turquie avait reçu des visites effectuées par des organes des Nations Unies ayant trait aux questions de torture, de liberté d’expression et de disparitions forcées en 2016. Il a profondément regretté «l’absence d’avancée» dans l’obtention d’un accès à «l’ensemble des conflits prolongés du Caucase du Sud», y compris par «les autorités qui contrôlent» certaines parties du territoire géorgien, dans le cadre des résolutions du Conseil des droits de l’homme. M. Al Hussein a fait observer que les réponses données par la Russie aux demandes de visite en Crimée adressées par ses service, ainsi que par les titulaires de mandats de procédures spéciales des Nations Unies, étaient «incompatibles avec les résolutions de l’Assemblée générale», «bien qu’elles reconnaissent que les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme doivent pouvoir exercer leurs activités en Crimée». Il a également critiqué le refus officiel de la Russie de répondre à toute communication de l’expert indépendant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre du Conseil des droits de l’homme – malgré les graves allégations de persécution de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre et intersexe (LGBTI), surtout en République tchétchène – qui illustre «une attitude qui priverait les décisions du Conseil de tout leur sens». M. Al Hussein a également mentionné le fait que ses services et les titulaires de mandats avaient été autorisés à accéder à la région de Transnistrie dans la République de Moldova.
7. La question de l’accès n’était de loin pas la seule source de préoccupation évoquée par M. Al Hussein dans ces discours prononcés devant le Conseil des droits de l’homme, mais elle correspond à mon mandat de rapporteur. Ses inquiétudes d’ordre général, qui concernent à la fois l’attitude des États et la possibilité de la modifier par l’intermédiaire des organes des Nations Unies, ont continué de plus belle. Cette situation a contribué à le décider à ne pas se présenter pour un second mandat de quatre ans; dans un courrier électronique adressé aux membres de ses services que, «dans la situation géopolitique actuelle, [briguer un deuxième mandat] pourrait [le] conduire à supplier à genoux, modérer [son] discours de sensibilisation, renoncer en partie à l’indépendance et à l’intégrité de [sa] parole» 
			(5) 
			«U.N. Human Rights
Chief to Leave, Citing “Appalling” Climate for Advocacy», Foreign Policy, 20 décembre 2017.. Il est extrêmement regrettable qu’un défenseur et un partisan des droits de l’homme aussi infatigable et courageux que M Al Hussein quitte sa fonction de Haut-Commissaire, même si l’on peut espérer qu’il aura pour successeur une personne de la même trempe. Il est encore plus décourageant de savoir qu’il quitte ses fonctions essentiellement parce qu’un grand nombre d’États, y compris des États membres du Conseil des droits de l’homme, ont constamment manqué à leurs obligations, et parce qu’il a le sentiment que le soutien politique indispensable pour amener ces États à rendre réellement des comptes lui fait défaut.
8. Deux exemples récents de l’absence de coopération des États membres du Conseil de l’Europe avec les visites obligatoires des organes conventionnels de suivi des Nations Unies concernent le Sous-comité pour la prévention de la torture (SPT), établi dans le cadre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT). En septembre 2014, le SPT a suspendu une visite en Azerbaïdjan après avoir été «empêché de se rendre dans plusieurs lieux de détention et s’être vu interdire d’effectuer son travail sur d’autres sites», ce qui représentait selon lui «de graves violations des obligations de l’Azerbaïdjan», de sorte que «l’intégrité de ses visites (…) s’en trouvait compromise au point que celles-ci ont dû être suspendues» 
			(6) 
			«Prevention of Torture:
UN human rights body suspends Azerbaijan visit citing official obstruction»,
Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH), 17 septembre 2014.. En mai 2016, le SPT «a suspendu sa visite en Ukraine après s’être vu refuser l’accès à des lieux situés dans plusieurs régions du pays où il soupçonne que des personnes sont privées de liberté par le Service de Sécurité ukrainien», notamment «certains lieux au sujet desquels de nombreuses et graves allégations font état de personnes détenues et d’actes de torture ou de mauvais traitements qui peuvent avoir été commis»; là encore, le SPT «a conclu que l’intégrité de la visite (…) se trouvait compromise au point que celle-ci a dû être suspendue, car le SPT était dans l’impossibilité d’exercer pleinement son mandat» 
			(7) 
			«UN
torture prevention body suspends Ukraine visit citing obstruction»,
HCDH, 25 mai 2016.. Bien que les deux visites aient ensuite pu avoir lieu sans entrave, les activités des organes de suivi de la détention, comme le SPT (et le CPT), dépendent de leur capacité à effectuer des visites inopinées et sans entrave dans l’ensemble des lieux où les personnes peuvent être privées de liberté; l’obstruction et les retards nuisent à l’efficacité du suivi de la détention en laissant aux autorités la possibilité d’améliorer les conditions de détention et de faire disparaître tout élément de preuve des mauvais traitements commis.
9. Une étude réalisée en 2016 présente des données qui soulignent les préoccupations évoquées par le Haut-Commissaire à propos des activités exercées dans le cadre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Entre 2006, c’est-à-dire l’année où le Conseil des droits de l’homme a été créé, et 2015, le nombre de visites de pays effectuées et achevées en application des diverses procédures spéciales a considérablement augmenté. Mais en parallèle, le nombre de visites de pays «demandées» (demandées, mais qui n’ont pas été acceptées, entreprises ou achevées) a également fortement augmenté; en 2015, le nombre de visites «demandées» était pratiquement équivalent à celui des visites «achevées». Cette étude, ainsi que les données disponibles sur le site internet du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, révèlent l’augmentation également substantielle du nombre d’États ayant adressé des «invitations permanentes» pour l’ensemble des procédures spéciales thématiques; le 5 juillet 2018, tous les États membres du Conseil de l’Europe, à l’exception de la Russie, avaient adressé des invitations permanentes. S’il y a lieu de s’en féliciter, l’étude de 2016 fait remarquer que «de nombreux États [qui ont adressé une invitation permanente] rejettent, ignorent ou retardent (…) les demandes» de visite 
			(8) 
			«Country-specific scrutiny
at the United Nations Human Rights Council: more than meets the
eye», Ted Piccone et Naomi McMillen, Project on International Order
and Strategy at Brookings, mai 2016..

3. La situation au sein du Conseil de l’Europe

10. Al Hussein a évoqué plusieurs territoires situés au sein de l’espace du Conseil de l’Europe, qui sont connus pour poser problème sur le plan de la protection des droits de l’homme et de l’obligation de rendre des comptes en la matière: le sud-est de la Turquie, la Crimée, l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et le Haut-Karabakh. En dehors du sud-est de la Turquie, toutes ces régions ont une caractéristique commune: leur revendication de souveraineté est contestée, soit parce que leur indépendance autoproclamée n’a pas été reconnue par la communauté internationale, soit, comme c’est le cas pour la Crimée, parce qu’elles ont été annexées illégalement par un autre État. On peut ajouter à cette liste de territoires qui posent problème la partie nord de Chypre, dont l’indépendance autoproclamée est uniquement reconnue par la Turquie; la Transnistrie, reconnue uniquement par les autorités de fait de l’Abkhazie, de l’Ossétie du Sud et de «l’Artsakh» (le Haut-Karabakh); le Kosovo* 
			(9) 
			* Toute référence au
Kosovo dans le présent document, qu’il s’agisse de son territoire,
de ses institutions ou de sa population, doit être entendue dans
le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de
l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo., reconnu par une majorité d’États membres du Conseil de l’Europe; et les «républiques populaires» autoproclamées de Donetsk et Louhansk dans l’est de l’Ukraine, qui sont toutes deux uniquement reconnues par les autorités de fait de l’Ossétie du Sud. Sur le plan du suivi des droits de l’homme par le Conseil de l’Europe, il convient cependant d’établir d’importantes distinctions entre ces différents territoires; nous les examinerons plus loin.
11. La situation en Fédération de Russie est elle aussi complexe, en particulier pour le suivi du Commissaire aux droits de l’homme et de l’Assemblée parlementaire. Le Commissaire aux droits de l’homme a annulé sa visite du mois d’octobre 2016 en Russie en raison des «restrictions inacceptables imposées à son programme» et ne s’est pas rendu dans le pays depuis. Cela ne l’a pas empêché d’aborder des questions qui concernent la Russie, notamment au moyen de déclarations, articles et tierces interventions devant la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»). De tels actes ne représentent cependant pas le suivi effectif prévu par le mandat du Commissaire. Quant à l’Assemblée, sa capacité à se mettre en rapport avec les autorités russes et à contribuer ainsi à la mise en œuvre des normes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme dans le Caucase du Nord ou par rapport au meurtre de Boris Nemtsov, par exemple, a été considérablement entravée depuis le mois d’avril 2014 par la décision prise par le Parlement russe de ne pas coopérer avec l’Assemblée et, depuis janvier 2015, de ne pas envoyer de délégation à l’Assemblée.
12. Bien que la Cour, grâce à sa doctrine de la juridiction extraterritoriale fondée sur l’exercice du contrôle effectif, ait affirmé que les particuliers et les États pouvaient introduire des requêtes depuis ou au sujet des «zones grises», l’exécution des arrêts de la Cour peut poser problème. S’agissant de la Transnistrie, par exemple, la Russie affirmait constamment n’être pas en mesure d’exécuter l’arrêt Ilascu, alors que la Cour a constaté que la Russie exerçait une compétence extraterritoriale sur la région 
			(10) 
			Ilascu et autres c. Moldova et Russie,
Requête no 48787/99, arrêt du 8 juillet
2004 (Grande Chambre).. Pour les autres arrêts qui concernent la Transnistrie, le Conseil de l’Europe jouit cependant d’une coopération bien meilleure, aussi bien avec la Russie qu’avec la République de Moldova, dont il rencontre régulièrement les représentants pour examiner les avancées à ce sujet 
			(11) 
			Par exemple au cours
de la conférence internationale sur «L'exécution des décisions de
la Cour européenne des droits de l'homme portant sur la région de
Transnistrie de la République de Moldova», Chisinau, République
de Moldova, 19 février 2018.. Contrairement à la position qu’elle adopte dans l’arrêt Ilascu, la Russie a fait part de sa volonté d’exécuter les arrêts de la Cour relatifs à Simferopol en Crimée qui ont été rendus avant l’annexion illégale de ce territoire, alors même que l’État défendeur et toujours souverain est l’Ukraine. Même si cette situation peut présenter un avantage pour le respect des droits de l’homme en Crimée, du point de vue du Conseil de l’Europe elle est extrêmement problématique sur le plan juridique et politique.
13. En principe, le Commissaire aux droits de l’homme représente le mécanisme de suivi le plus souple. Les Commissaires, Gil Robles et Hammarberg se sont rendus tous deux dans le Caucase du Nord; le Commissaire Muižnieks n’y a pas effectué de visite, mais a traité de questions relatives à la région par d’autres moyens 
			(12) 
			Par exemple sa déclaration
intitulée «La Russie doit faire toute la lumière sur les attaques
commises contre des journalistes et des défenseurs des droits de
l'homme en Ingouchie», 10 mars 2016.. Les commissaires successifs se sont également rendus au Kosovo, au sujet duquel ils ont publié des rapports 
			(13) 
			«Kosovo:
the human rights situation and the fate of persons displaced from
their homes», CommDH(2002)11, 16 octobre 2002 (Commissaire Gil Robles);
«Au Kosovo chacun doit être protégé par les normes européennes des
droits de l’homme», déclare le Commissaire Hammarberg», 2 juillet
2009; et «Le Commissaire Hammarberg appelle à mettre fin aux retours
forcés et demande l’évacuation immédiate des camps roms contaminés
par le plomb», 15 octobre 2010; «Kosovo: il est grand temps de rétablir
la cohésion sociale et de protéger la liberté des médias», 9 février
2017 (Commissaire Muižnieks).. Dans le cadre de sa visite à Chypre, qui a fait l’objet d’un rapport en 2004, le Commissaire Gil Robles a abordé la situation dans la partie Nord de l’île 
			(14) 
			CommDH(2004)2.. Le Commissaire Hammarberg a rencontré les autorités de fait d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie lors de sa visite de 2007 
			(15) 
			«Le Commissaire aux
droits de l’homme achève sa visite en Géorgie et dans les zones
touchées par le conflit»,  21 février 2007. et a tout particulièrement agi après le conflit de 2008 en Ossétie du Sud, en proposant «six principes pour la protection des victimes» et en facilitant un certain nombre d’échanges de prisonniers 
			(16) 
			«Les droits de l'homme
et les principes humanitaires ont subi de graves violations durant
le conflit d’Ossétie du Sud, déclare Thomas Hammarberg au terme
d’une mission de huit jours sur place. Il préconise six principes
pour la protection des victimes», Commissaire aux droits de l'homme,
5 septembre 2008; «Géorgie: 17 détenus échangés par l'intermédiaire
du Commissaire Hammarberg», 25 août 2008.. En janvier 2012, le Commissaire Hammarberg s’est rendu en Transnistrie «pour discuter avec les autorités de fait (…) et les représentants des structures de défense des droits de l’homme de questions pressantes touchant à la protection des droits des personnes vivant dans la région» 
			(17) 
			«Des efforts
soutenus sont nécessaires afin de garantir à la population de la
région transnistrienne une protection effective des droits de l'homme»,
Commissaire aux droits de l'homme, 18 janvier 2012.. Le Commissaire Muižnieks s’est également rendu en Transnistrie en octobre 2017, dans le cadre d’une visite en République de Moldova 
			(18) 
			«République de Moldova:
des avancées importantes en matière de lutte contre la violence
domestique, mais des progrès à faire concernant la réforme de la
justice», 13 octobre 2017.. En septembre 2014, le Commissaire Muižnieks a effectué une visite à Kyiv, Moscou et Simferopol pour la préparation de la première évaluation sur le terrain de la situation des droits de l’homme en Crimée depuis mars 2014 par une institution internationale 
			(19) 
			«En Crimée, les violations
graves des droits de l'homme et les attaques contre les minorités
et les journalistes nécessitent une action urgente», 27 octobre
2014..
14. Le CPT a pu visiter plusieurs «zones grises». En 2000, 2003 et 2006, par exemple, il a effectué avec succès des visites en Transnistrie. Il est intéressant de constater que le rapport de la visite de 2000 a été publié avec l’accord «du Gouvernement moldave et des autorités locales de la région transnistrienne de la République de Moldova» et qu’il comportait uniquement les réponses de cette dernière 
			(20) 
			CPT/Inf(2002)35. Les
rapports sur les autres visites n'ont pas été publiés.. Mais en 2010, le CPT a interrompu sa visite en Transnistrie à la suite du refus des autorités locales d’autoriser ses membres à s’entretenir en privé avec des prévenus; cette question n’a toujours pas été réglée et aucune visite ultérieure n’a eu lieu 
			(21) 
			«Le Comité anti-torture
du Conseil de l’Europe interrompt sa visite en région transnistrienne
de Moldova», 30 juillet 2010. À la suite de sa visite à Tiraspol
en octobre 2017, le Commissaire aux droits de l'homme a appelé les
autorités de fait de Transnistrie à «reprendre la coopération avec
le CPT en vue d’étendre la possibilité, pour les délégations du
CPT, d’effectuer des visites en totale conformité avec leur mandat»;
«République de Moldova: des avancées importantes en matière de lutte
contre la violence domestique, mais des progrès à faire concernant
la réforme de la justice», 13 octobre 2017.. Après être entré en contact avec le Gouvernement géorgien et les autorités de fait de l’Abkhazie, le CPT a également effectué une visite en Abkhazie en 2009, qui a fait l’objet d’un rapport remis à la Géorgie 
			(22) 
			CPT/Inf(2009)38.. Au cours de cette période, le CPT a par ailleurs eu des contacts avec les autorités de fait d’Ossétie du Sud, mais il n’a pas encore visité ce territoire. Le CPT a pu se rendre au Kosovo depuis 2006 à la suite d’un accord avec la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et d’un échange de lettres avec le Secrétaire Général de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Les visites ont eu lieu en 2007, 2010 et 2015 et ont donné lieu à des rapports officiellement remis à la MINUK et suivis de ses réponses, malgré l’évolution de la situation politique et administrative locale à la suite de la déclaration d’indépendance de février 2008 et le début des opérations de la Mission Etat de droit de l’Union européenne au Kosovo (EULEX) en décembre 2008 
			(23) 
			CPT/Inf(2009)3, CPT/Inf(2011)26
et CPT/Inf(2016)23 (rapports); CPT/Inf(2009)4, CPT/Inf(2011)27 et
CPT/Inf(2016)24 (réponses).. Le CPT a également pu effectuer des visites en Tchétchénie à plusieurs reprises pendant le conflit et l’opération de lutte contre le terrorisme (1999-2009), y compris en 2001, 2002 et 2003, et plus généralement dans le Caucase du Nord en 2004, 2006 et 2008; malheureusement, la Russie n’a autorisé la publication d’aucun rapport consacré à ces visites, même si le CPT est parvenu à faire connaître certaines de ses constatations au moyen de déclarations publiques exceptionnelles en 2001, 2003 et 2007. S’agissant du suivi des «zones grises» par le CPT, M. Costakis Paraskeva, membre du CPT, a proposé deux conditions préalables: les autorités de droit de l’État Partie doivent faciliter le travail du CPT en permettant l’établissement d’un dialogue satisfaisant entre le CPT et les autorités de fait avant, pendant et après la visite; les autorités de fait doivent accepter l’ensemble des prérogatives du CPT, même si elles ne s’estiment pas liées officiellement par les dispositions des traités pertinents 
			(24) 
			Exposé présenté lors
de la Conférence sur la dignité humaine en temps de conflits et
de crises, qui s'est tenue les 26 et 27 mai 2017 à Nafplion, Grèce..
15. Le Comité consultatif pour la protection des minorités nationales établi au titre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157) a trouvé le moyen de rendre des rapports sur certaines «zones grises». Dans le cadre d’un accord conclu en 2004 entre le Conseil de l’Europe et la MINUK, le Comité consultatif a entamé le suivi de la mise en œuvre de la Convention-cadre au Kosovo; depuis cette date, quatre cycles de rapports ont été achevés, en 2005, 2008, 2012 et 2016, qui comportent des rapports et les observations officielles de la MINUK au sujet des avis du Comité consultatif. En 2014, le Comité consultatif a publié un rapport ad hoc sur la situation des minorités nationales en Ukraine, dans lequel il a accordé une attention particulière à la situation des Tatars de Crimée depuis l’annexion illégale de la Crimée par la Russie; la délégation ne s’est pas rendue elle-même en Crimée, mais a rencontré des représentants des Tatars de Crimée à Kiev et Odessa 
			(25) 
			ACFC(2014)001..
16. En janvier 2016, à la demande du Secrétaire Général Jagland, l'Ambassadeur suisse Gérard Stoudmann a effectué la première visite d'une délégation internationale des droits de l'homme en Crimée depuis 18 mois. Le rapport qui en résulte ne traite pas des questions de statut, tout en rappelant que le Conseil de l'Europe respecte pleinement l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Il traitait «des questions relatives aux normes et aux engagements inscrits dans la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5), ainsi que des recommandations et des propositions d'actions rapides possibles, à l'attention du Secrétaire Général». Ces questions concernaient l'application de la loi, les disparitions forcées, le système judiciaire, les établissements pénitentiaires, la situation des Tatars de Crimée et d'autres minorités, la liberté de religion, la liberté d'expression et des médias, la liberté d'association et de réunion, l'éducation et des questions humanitaires 
			(26) 
			SG/Inf(2016)15rev,
11 avril 2016 (ce document existe en anglais uniquement)..
17. Giakoumopoulos a souligné l’existence d’une grande diversité de zones «grises» ou zones de conflit qui posaient problème et l’absence d’une solution unique et générale. L’obtention, par les mécanismes de suivi, de l’autorisation d’accès à des zones litigieuses qui échappent au contrôle des autorités compétentes légitimes se heurte à divers problèmes pratiques ou politiques (plus rarement à des problèmes de sécurité). Certaines difficultés sont à la fois d’ordre pratique et politique. L’itinéraire géographique emprunté pour accéder à un territoire présente par exemple des difficultés à la fois pratiques et politiques; l’entrée via la frontière commune d’un État souverain et d’un pays voisin à un point qui se trouve sous le contrôle d’autorités de fait pourrait être interprété comme une reconnaissance de la légalité de leur pouvoir de contrôler l’accès à ce territoire litigieux ou la circulation au sein de ce même territoire. De même, les contacts établis avec les autorités de fait pour préparer une visite pourraient également représenter une forme de reconnaissance. Les organes du Conseil de l’Europe qui ont obtenu l’accès à des zones «grises» y sont souvent parvenus grâce à une coopération étroite avec d’autres organisations internationales déjà présentes sur le terrain, notamment à diverses reprises les Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l’Union européenne.
18. Pour ce qui est du suivi conventionnel, qui représente le principal modèle de suivi du Conseil de l’Europe, les autorités de fait ne sont pas juridiquement liées par le traité concerné. Le dialogue entre les autorités de fait et l’organe de suivi ne peut donc se fonder sur le traité lui-même, mais uniquement sur des préoccupations et dispositions techniques particulières. Dans des situations comme celles que rencontre le CPT, dont le travail exige un accès complet et sans entrave à l’ensemble des lieux de privation de liberté, il peut être difficile de parvenir à un accord satisfaisant, par exemple à un accord sur les immunités des membres et collaborateurs de l’équipe de suivi. Les visites d’étude ad hoc restent possibles, mais ne sont pas comparables, car elles ne donnent pas lieu au même processus de vérification du respect des obligations conventionnelles, puis à la formulation de recommandations visant à l’amélioration de la mise en œuvre de normes contraignantes précises.
19. Les organes de suivi adressent généralement des rapports aux États Parties, mais lorsqu’une visite concerne plus précisément une région qui échappe au contrôle des autorités d’un État Partie, le fait d’adresser un rapport aux autorités de fait pourrait être interprété comme une forme de reconnaissance de ces dernières. En outre, les rapports des organismes de suivi comportent souvent les réponses des autorités nationales, mais la réponse des autorités de fait est dépourvue de fondement juridique. La publication des rapports du CPT exige en particulier l’autorisation de l’État Partie; là encore, cette situation se complique en cas de visite dans une région contrôlée par une autorité de fait et présente une dimension politique: le fait de demander ou de dépendre de «l’autorisation» des autorités de fait pour procéder à une publication est dépourvue de fondement juridique conventionnel et peut être pris pour une marque de reconnaissance. La terminologie employée pour décrire le statut des territoires et les autorités dans les rapports, ainsi qu’au cours des contacts préparatoires, représente un élément crucial, toujours extrêmement sensible et souvent très difficile.
20. Le suivi des droits de l’homme n’équivaut pas à des visites humanitaires ad hoc ponctuelles; il concerne la gouvernance, les droits et la mise en œuvre des normes juridiques et des mesures prises pour remédier aux manquements constatés. Le suivi des droits de l’homme est étroitement lié aux questions d’État de droit et vise à améliorer la situation des personnes qui résident dans un territoire donné. Les recommandations formulées dans le cadre d’un suivi comportent souvent des propositions de modification des normes, d’élaboration de pratiques compatibles avec le respect des droits de l’homme et de mise en place de nouvelles institutions. Mais lorsqu’il est question de «zones grises», ces propositions peuvent être sources de tension avec les autorités de droit, qui cherchent à prévenir jusqu’à l’apparence d’une reconnaissance, par une organisation internationale, de la légalité des autorités de fait. En revanche, lorsque les autorités centrales de droit ont un intérêt politique à voir s’effectuer un rapprochement avec les autorités de fait, l’action des organes de suivi, ainsi que leurs rapports et recommandations, peuvent s’avérer fort utiles pour progresser sur la voie de l’établissement de la confiance et de la paix, en se fondant sur le respect des droits de l’homme et en garantissant celui-ci.
21. Lors d’une conférence consacrée à «La dignité humaine en temps de conflits et de crises – Les droits de l’homme et le droit humanitaire à la croisée des chemins» (Nafplion, Grèce, 26-27 mai 2017), le prédécesseur de M. Giakoumopoulos au poste de directeur général, M. Philippe Boillat, a prononcé un discours dans lequel il proposait une solution pour surmonter les obstacles rencontrés par les organes de suivi au cours de leurs interventions dans les «zones grises». S’inspirant de l’exemple de la Crimée, M. Boillat a observé que l’accès sur place dépendait du consentement de l’État, en l’absence duquel aucun organe de suivi ne s’était rendu en Crimée depuis 2014, qu’il s’agisse d’un organe soumis à l’obtention d’une autorisation, comme la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), ou d’un organe dont le mandat ne prévoit juridiquement aucune exigence d’autorisation, comme le CPT, qui a le droit de se rendre dans tout lieux de détention en temps de paix, de conflit ou d’état d’urgence. M. Boillat a ainsi soutenu que le principe de responsabilité collective devait primer sur le refus d’autorisation d’un État lorsque la dignité humaine était en jeu, ce qui donnait naissance à une «présomption de consentement de l’État» à une intervention dans les régions litigieuses. À l'heure actuelle, l'absence de consentement, quelle qu'en soit la justification, empêche toute intervention du Conseil de l'Europe dans les zones contestées. La présomption de consentement, même réfragable, permettrait de renverser cette tendance, au moins dans les cas les plus graves de violation de la dignité humaine, comme les menaces pour la vie, la torture, les traitements inhumains ou dégradants ou le refus de satisfaire aux besoins humanitaires élémentaires. De ce point de vue, l’article 9 de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126) est éclairant, car il permet à un État de faire connaître ses objections au moment ou au lieu d’une visite du CPT «dans des circonstances exceptionnelles [uniquement] pour des motifs de défense nationale ou de sûreté publique ou en raison de troubles graves dans les lieux [de détention], de l'état de santé d'une personne ou d'un interrogatoire urgent, dans une enquête en cours, en relation avec une infraction pénale grave».

4. La coopération entre les mécanismes de protection des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies

22. Il suffit de lire les préambules de la Charte des Nations Unies de 1945 et du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1) de 1949 – qui réaffirment tous deux leur engagement en faveur de la paix, de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit – pour constater le parallélisme entre les missions essentielles des deux organisations. Leurs rapports synergétiques, qui se renforcent mutuellement, sont illustrés par le préambule de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, résolu «à prendre les premières mesures propres à assurer la garantie collective de certains des droits énoncés dans» la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948. Les rapports entre les deux organisations se fondent sur un accord passé entre leurs secrétariats respectifs le 15 décembre 1951 et sur un échange de lettres du 19 novembre 1971, qui porte sur des dispositions en matière de coopération et de liaison. Depuis, plusieurs autres accords et protocoles d’accords ont été signés par le Conseil de l’Europe et divers organes des Nations Unies, notamment le Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’UNICEF et l’ONU Femmes. Les organes des Nations Unies ont également la possibilité de participer à divers comités d’experts du Conseil de l’Europe: le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, par exemple, peut participer aux réunions du Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH), du Comité ad hoc sur les droits des personnes handicapées (CAHDPH), du Comité ad hoc d’experts sur les questions relatives aux Roms et aux Gens du voyage (CAHROM) et du Comité ad hoc pour les droits de l’enfant (CAHENF) 
			(27) 
			Le CDDH relève de la
Direction générale des droits de l'homme et de l'État de droit («DG-I»);
les trois autres comités relèvent de la Direction générale de la
démocratie («DG-II»), tout comme, par exemple, certains mécanismes
de suivi, dont le Comité consultatif pour la protection des minorités
nationales et l’ECRI..
23. Les contacts à haut niveau se sont poursuivis jusqu’à aujourd’hui: ainsi, le 12 février 2015, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, M. Al Hussein, s’est adressé au Comité des Ministres; le 23 juin 2015, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon s’est adressé à l’Assemblée parlementaire; et le 15 février 2018, le président du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, M. Vojislav Šuc, s’est adressé au Comité des Ministres. De même, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a pris la parole devant les organes des Nations Unies, notamment au «Segment de haut niveau» du Conseil des droits de l’homme en 2016. Les contacts et les échanges d’informations sont également facilités par les services diplomatiques communs des États membres; ainsi, le 9 février 2018, l’ambassadeur d’Islande auprès des Nations Unies et président de la Troisième Commission de l’Assemblée Générale, qui traite des questions relatives aux droits de l’homme et reçoit les rapports des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, a présenté une note d’information au Comité des Ministres sur les travaux de la Troisième Commission lors de la 72e session de l’Assemblée générale 
			(28) 
			CM/Inf(2018)3..
24. Tous les deux ans, l'Assemblée Générale des Nations Unies adopte une résolution sur «la coopération entre les Nations Unies et le Conseil de l’Europe», sur la base d’un projet adopté par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et déposé à New York par son président. La résolution la plus récente, qui date de 2016, «demande de nouveau que la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de l'Europe soit renforcée en ce qui concerne la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la promotion de la démocratie, de l'état de droit et de la bonne gouvernance à tous les niveaux». La résolution, malgré son approche généraliste, donne une vue d’ensemble de certaines activités concrètes de coopération entre les deux organisations. Elle encourage notamment la poursuite de la coopération entre les mécanismes des deux organisations dans le domaine de la prévention de la torture, de la lutte contre la traite des êtres humains, des droits de l’enfant, de l’égalité entre hommes et femmes, de la liberté d’expression, des nouveaux médias et de la société de l’information, ainsi qu’avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. La résolution de 2016 prend également note de «la contribution du Conseil de l’Europe (…) à l’examen périodique universel [par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies] de la situation des droits de l’homme dans les États qui en sont membres», de «la mise en œuvre effective de la déclaration commune sur le renforcement de la coopération entre le secrétariat du Conseil de l’Europe et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme [signée le 26 septembre 2013]» et encourage les Nations Unies, «notamment le Conseil des droits de l’homme, les titulaires de mandat au titre d’une procédure spéciale, le Haut-Commissariat et les organes conventionnels des droits de l’homme, et le Conseil de l’Europe, ainsi que son Commissaire aux droits de l’homme, à continuer de coopérer pour promouvoir et garantir le respect des droits de l’homme et appuyer les défenseurs des droits de l’homme» 
			(29) 
			«Coopération
entre l'Organisation des Nations Unies et le Conseil de l'Europe»,
A/RES/71/17, 7 décembre 2016..
25. Outre sa contribution directe à l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le Conseil de l’Europe participe aussi à la mise en œuvre du «Programme de développement durable à l'horizon 2030» des Nations Unies. Un document publié sur le site du Conseil de l’Europe énumère les activités pertinentes, notamment l’accès à la justice, la justice constitutionnelle, la corruption, la coopération dans la lutte contre la cybercriminalité, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la liberté d’expression, la lutte contre la discrimination et la promotion et la protection de la société civile 
			(30) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/un-agenda-2030/home'>https://www.coe.int/en/web/un-agenda-2030/home.</a>.
26. Lors de leurs réunions respectives de juin et juillet 2018, le SPT des Nations Unies et le CPT du Conseil de l’Europe ont «décidé de renforcer la complémentarité et la subsidiarité pour faire ressortir leurs atouts et leur valeur ajoutée respectifs». La décision prise par le SPT «d’accorder une attention particulière à la possibilité d’activités complémentaires et de renforcement de la coopération dans les pays qui ont connu de graves manquements à leur coopération avec le CPT» est particulièrement bienvenue du point de vue du présent rapport. Comme l’ont indiqué les présidents des deux organes, il s’agit de veiller à ce que «le SPT, le CPT et les MNP [mécanismes nationaux de prévention] puissent consulter réciproquement leurs rapports de visite avant même leur publication. C’est là l’un des meilleurs moyens d’éviter tout chevauchement d’activité, en assurant la cohérence et en renforçant l’efficacité des mécanismes de prévention en Europe». Je souscris pleinement à ce point de vue.
27. Bien qu’elle concerne les synergies entre les organes internationaux qui assurent le suivi des mesures de lutte contre la corruption et non de protection des droits de l’homme, une récente étude du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l'Europe met en avant une série de points qui seraient tout aussi pertinents pour de nombreuses formes de suivi des droits de l’homme 
			(31) 
			«Enhancing synergies
amongst international anti-corruption monitoring bodies (CoE/GRECO,
OAS, OECD, UNODC)», Greco(2018)3-fin, 22 juin 2018.. Elle fait ainsi remarquer que, si les organes internationaux de suivi de la lutte contre la corruption analysent et évaluent la mise en œuvre des instruments juridiques correspondants, leur mode de fonctionnement présente des différences objectives: leurs cadres juridiques sont différents; les cycles actuels d’évaluation portent sur des thèmes différents et le calendrier de ces cycles est lui aussi différent; leurs membres et leur champ d’application géographique sont différents; la composition de leurs plénières et de leurs délégations nationales est différente; enfin, leurs mandats sont différents, puisqu’ils prévoient ou non, par exemple, une assistance technique. L’étude propose également des mesures qui pourraient être prises pour renforcer la coopération (en matière par exemple de visites de pays, de réaction en cas de non-conformité d’un État, d’établissement des questionnaires d’évaluation et de partage des informations et de l’expertise), la coordination des aspects organisationnels (c’est-à-dire des programmes annuels de visite), la collecte et l’échange de données, ainsi que la formation des experts et des agents. Là encore, on constate aisément à quel point ces mesures seraient applicables à la plupart, voire à la totalité des organes de suivi des droits de l’homme.
28. Il est par conséquent clair que les deux organisations partagent de nombreux objectifs communs, poursuivent actuellement des activités dans de nombreux domaines identiques et disposent bien souvent d’organes comparables, qui exercent des fonctions similaires. L’exemple du CPT et du SPT montre qu’il est toujours possible de renforcer encore la coopération et les synergies, tandis que l’exemple du GRECO donne un cadre analytique en vue de déterminer s’il y a lieu d’y procéder et de quelle manière. J’encourage le Conseil de l’Europe à étudier de manière systématique ces possibilités pour l’ensemble des mécanismes de suivi des droits de l’homme qui n’ont pas encore ou qui ont récemment agi en ce sens, cette démarche pouvant être étendue aux mécanismes comparables d’autres organisations internationales, notamment l'OSCE.

5. Conclusions et recommandations

29. Les discours du Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies brossent un tableau alarmant du rejet, par de nombreux États, du suivi indépendant assuré par les mécanismes de défense des droits de l’homme mandatés par les Nations Unies, à commencer par ses propres services. Du point de vue du Conseil de l’Europe, il est particulièrement préoccupant de constater que certains de nos propres États membres ne coopèrent pas pleinement avec les mécanismes des Nations Unies. D’autre part, il est un peu rassurant de voir que plusieurs mécanismes du Conseil de l’Europe, notamment la Cour européenne des droits de l’homme, le Commissaire aux droits de l’homme et le CPT, sont parvenus à gérer la situation des droits de l’homme dans les «zones grises» et d’autres territoires qui posent problème, même si la couverture géographique et institutionnelle demeure incomplète.
30. Il est par ailleurs encourageant de constater que le socle institutionnel de la coopération entre les deux organisations est ancien et raisonnablement bien développé, du moins en principe. Les deux organisations reconnaissent clairement qu’elles partagent des buts communs, ce qui a conduit à l’établissement d’un large éventail d’accords, de contacts et d’activités de coopération. Il est cependant plus difficile de déterminer si le suivi des droits de l’homme en fait partie. De fait, on ignore dans quelle mesure la coopération dans ce domaine est concrètement réalisable ou juridiquement faisable: le CPT, par exemple, travaille de manière confidentielle; cette confidentialité pourrait être difficile à maintenir si des «éléments extérieurs» participaient à l’établissement des rapports. Au vu du récent accord entre le CPT et le SPT et de la récente étude sur la coopération entre les organes de lutte contre la corruption, qui ont conduit à formuler plusieurs propositions essentielles et intéressantes d’amélioration, il importe que des organisations comme le Conseil de l’Europe, les Nations Unies et d’autres encore éventuellement (par exemple l'OSCE), examinent l’ensemble des possibilités de renforcement de la coopération, en vue non seulement d’assurer un suivi général des droits de l’homme plus efficace, mais également d’utiliser de la manière la plus efficiente qui soit les ressources que les États mettent à leur disposition à cette fin.
31. Compte tenu du manque de coopération avec les mécanismes de suivi internationaux des droits de l’homme et de la possibilité de renforcer la coopération entre les mécanismes de suivi comparables des différentes organisations internationales, je propose une série de conclusions et de recommandations qui figurent dans les projets de résolution et de recommandation.

Annexe – Avis divergent 
			(32) 
			En application de l’article
50.4 du Règlement de l’Assemblée: «En outre, le rapport d’une commission
comporte un exposé des motifs établi par le rapporteur. La commission
en prend acte. Les avis divergents qui se sont manifestés au sein
de la commission y sont inclus à la demande de leurs auteurs, de
préférence dans le corps même de l’exposé des motifs, sinon en annexe
ou dans une note en bas de page». de M. Mustafa Yeneroğlu (Turquie, GDL), membre de la commission

(open)

Cet avis divergent vise à clarifier certains arguments avancés dans le rapport. Je présente ici mon propre point de vue sur ces questions.

En tant que partie aux principales conventions des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme, la Turquie entretient une coopération constructive et ininterrompue avec tous les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, y compris les organes conventionnels et les procédures spéciales. Dans ce contexte, la Turquie soumet ses rapports nationaux aux comités compétents et veille à maintenir un dialogue interactif avec tous les comités des Nations Unies.

Faisant partie des 116 pays qui ont adressé une invitation ouverte aux procédures spéciales des Nations Unies depuis 2001, la Turquie coopère étroitement avec les rapporteurs thématiques. Dans ce contexte, la Turquie a accepté toutes les demandes de visite récentes et le calendrier nécessaire a été établi pour chacune d’entre elles.

Il est étonnant de voir dans le rapport l’affirmation de l’ancien Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies que ses efforts pour avoir accès au sud-est de la Turquie ont été refusés.

M. Zeid Ra’ad Al Hussein a été invité en Turquie à maintes reprises. En plus des invitations officielles qui lui ont été adressées, cette invitation a également été annoncée publiquement. L’invitation était pour une visite couvrant également la partie sud-est de la Turquie, s’il le souhaitait. Il a refusé toutes ces invitations.

Il n’y a aucune restriction pour visiter n’importe quelle partie de notre pays, y compris le sud-est de la Turquie. Je peux donner de nombreux exemples de visites de mécanismes internationaux en Turquie au cours des deux dernières années:

Secrétaire Général du Conseil de l’Europe [trois fois – août et novembre 2016, février 2018]; Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) [trois fois – avril 2016, septembre 2016, mai 2017]; Mission d’observation du référendum OSCE-BIDDH et commission de suivi de l’APCE [mars / avril 2017], délégation de la Commission de Venise [février 2017]; rapporteurs de l’APCE sur la Turquie [janvier 2017], rapporteurs pour le suivi de la Turquie du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux [décembre 2016]; rapporteur de l’APCE Raphael Comte [novembre 2017], Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression [octobre 2016]; Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [novembre/décembre 2016]; le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires [mars 2016], le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe [avril 2016], le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard [invité]

Les organisations internationales actives dans le domaine des droits de l’homme peuvent facilement se rendre dans la région du sud-est de l’Anatolie. Au cours de cette période, en mars 2016, le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires, et en avril 2016, Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui est l’un des principaux piliers des mécanismes européens des droits de l’homme, a visité le sud-est de l’Anatolie et a eu des discussions avec ses contacts.