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Réponse à Recommandation | Doc. 14629 | 28 septembre 2018
Immunité de juridiction des organisations internationales et droits des personnels
1. Le Comité des Ministres se félicite de
la Recommandation 2122
(2018) de l’Assemblée parlementaire sur l’ «Immunité
de juridiction des organisations internationales et droits des personnels»
qu’il a décidé de communiquer au Comité directeur pour les droits
de l'homme (CDDH) et au Comité des conseillers juridiques sur le
droit international public (CAHDI) pour information et commentaires
éventuels, ainsi qu’au Tribunal administratif pour avis.
2. L’Assemblée parlementaire invite le Comité des Ministres à
encourager les organisations internationales auxquelles les États
membres du Conseil de l’Europe sont parties à examiner l’accès à
d’ «autres voies raisonnables de protection juridique» en cas de
litige entre les organisations internationales et leur personnel (paragraphe
1.1 de la Recommandation de l’Assemblée). Le Comité des Ministres
considère qu’en tant qu’Organisation qui prône les valeurs des droits
de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, le Conseil de
l’Europe devrait offrir à son personnel une justice efficace et
équitable dans des délais raisonnables. Il encourage les autres
organisations internationales à s’engager dans la mise en place
de telles «autres voies».
3. À cet égard, le Comité des Ministres note que d’autres voies
appropriées de protection juridique ont été développées par les
organisations internationales les plus importantes afin de garantir
les droits de leur personnel étant donné que l’accès aux tribunaux
nationaux des États membres n’est pas disponible dans ces cas.
4. Dans le cadre du Conseil de l’Europe ,
le Comité des Ministres note que les droits, les obligations et
les autres voies alternatives – à l’accès aux juridictions nationales
– pour la protection juridique du personnel de l’Organisation sont
énoncés dans le Statut du personnel du Conseil de l’Europe. Comme
il est mentionné dans le préambule du Statut du personnel, «Le Conseil
de l’Europe respectera, dans son fonctionnement interne, l’ensemble
des principes et idéaux promus par l’Organisation. En particulier,
dans l’administration du Secrétariat, le Secrétaire Général s’appliquera
à réaliser des conditions propres à assurer l’exercice effectif des
droits et principes contenus dans la Charte sociale européenne révisée,
dans la mesure où ceux-ci sont applicables à une organisation internationale».
Il est noté, en outre, que le règlement des différends qui peuvent
surgir entre le Conseil de l’Europe et son personnel est régi par
le «TITRE VII: Contentieux» du Statut du personnel par le biais
d’une «réclamation administrative» (article 59) et d’un «recours
contentieux» (article 60). La réclamation administrative est soumise
au Secrétaire Général par le biais du/de la Directeur/rice des ressources
humaines et peut être soumise au «Comité consultatif du contentieux».
En cas de rejet explicite, total ou partiel, ou de rejet implicite
de la réclamation, le réclamant ou la réclamante peuvent, conformément
à l’article 60 du Statut du personnel, introduire un recours devant
le Tribunal administratif institué par le Comité des Ministres.
5. Le Comité des Ministres relève que le principe de transparence,
préconisé par l’Assemblée, est déjà appliqué au Conseil de l’Europe
(paragraphe 1.2 de la Recommandation de l’Assemblée). En particulier,
tous les textes juridiques mentionnés au paragraphe 4 ci-dessus
sont accessibles au personnel via l’intranet et ceux qui concernent
le système du contentieux le sont aussi par internet. Le Comité
encourage d’autres organisations internationales auxquelles les
États membres du Conseil de l’Europe sont parties à assurer à leur
personnel une telle transparence et accessibilité des informations
sur les politiques en matière de personnel et les procédures relatives
aux litiges du travail.
6. Concernant le droit d’accès des syndicats aux tribunaux administratifs
des organisations internationales (paragraphe 1.3.1), le Comité
des Ministres prend note d’un récent arrêt de la Cour suprême des
Pays-Bas dans une affaire portée par un syndicat contre l’Office
européen des brevets (OEB) .
La Cour suprême des Pays-Bas a considéré que les exigences de l’article
6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) avaient
été remplies, puisque l’OEB proposait d’autres voies raisonnables
pour protéger efficacement les droits des syndicats découlant de
l’article 11 de la Convention. La Cour suprême a noté en particulier
que, même si le syndicat lui-même ne pouvait se prévaloir des procédures
juridictionnelles proposées par l’Organisation, le personnel de
l’OEB pourrait contester les mesures le concernant prises par l’Organisation par
le biais d’une procédure interne, puis par le biais d’une procédure
juridictionnelle devant le TAOIT; les représentants du personnel
pouvaient également déposer leurs plaintes auprès du TAOIT s’agissant
des règles générales qui affectent l’ensemble des membres du personnel.
7. Au Conseil de l’Europe, en application des articles 59 et
60 du Statut du personnel, le Comité des Ministres rappelle qu’à
l’heure actuelle, seuls des personnes et le Comité du personnel
peuvent saisir le Secrétaire Général d’une réclamation administrative
et, par la suite, introduire un recours devant le Tribunal. En particulier,
aux termes de l’article 59, paragraphe 8 lettre c. du Statut du
personnel, le Comité du personnel peut se prévaloir de cette voie
contentieuse «pour autant que la réclamation soit dirigée contre
un acte dont il est destinataire ou contre un acte qui porte directement
atteinte aux prérogatives que lui confère le Statut du Personnel».
8. Le Comité des Ministres relève, par ailleurs, que le Tribunal
administratif de l’OCDE a compétence pour les requêtes présentées
par les syndicats relatives à tout acte qui les touche ou qui porte
directement préjudice aux droits qui leur sont reconnus en vertu
du Règlement du personnel de l’OCDE. À cet égard, le Comité des Ministres
tient à souligner le contexte spécifique du Conseil de l’Europe
dans lequel le principal organe collectif participant au dialogue
social est le Comité du personnel et les syndicats ne disposent
d’aucun droit statutaire.
9. Le Comité note qu’à plusieurs reprises a été évoquée la question
de la création d’un organe d’appel juridictionnel (paragraphe 1.3.2),
en particulier au niveau des organisations coordonnées qui constituent
le cadre approprié pour explorer ce sujet. Cependant, le Comité
relève que l’introduction d’une procédure d’appel, de quelque type
que ce soit, impliquerait des coûts et des délais supplémentaires
avant de parvenir à une décision définitive et que, pour ce qui
concerne le Conseil de l’Europe, la création d’un organe d’appel
n’est actuellement ni justifiée ni appropriée.
10. En outre, le Comité des Ministres souhaite souligner que la
question des privilèges et immunités des organisations internationales
et des droits de leur personnel est d’une grande complexité et a
un caractère multidimensionnel, impliquant à la fois l’indépendance
et la responsabilité des organisations internationales. Ce sujet
soulève des questions non seulement juridiques mais aussi de nombreuses
questions politiques.
11. Eu égard à l’invitation de l’Assemblée d’engager une étude
comparative sur la question de la compatibilité des systèmes de
recours juridictionnel interne des organisations internationales
avec l’article 6 de la CEDH (paragraphe 1.4 de la Recommandation
de l’Assemblée), le Comité des Ministres note que différentes organisations
internationales sont en train d’examiner l’introduction de nouveaux
moyens alternatifs de règlement des différends relatifs au personnel.
Dans le cadre de la réforme administrative menée actuellement par
le Secrétaire Général et de la Stratégie des ressources humaines
pour la période 2018-2023, le Conseil de l'Europe examinera prochainement
son cadre réglementaire et administratif. Par conséquent, le Comité
des Ministres considère que la proposition d’engager une telle étude
comparative serait à l’heure actuelle prématurée. En outre, les
différences considérables existant entre les différents types d’organisations internationales
rendraient très difficile une étude comparative. De plus, le Comité
souligne les difficultés à trouver une solution globale étant donné
qu’il n’y a pas de solution uniforme pour toutes les organisations internationales
et pour toutes leurs activités.
12. Enfin, en ce qui concerne le paragraphe 2 de la Recommandation
de l’Assemblée, le Comité note que le CAHDI examine régulièrement
la question de l’immunité juridictionnelle des organisations internationales sous
ses différents angles.