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Rapport | Doc. 14662 | 02 novembre 2018

Procédure d’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme

Commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme

Rapporteur : M. Boriss CILEVIČS, Lettonie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14250, Renvoi 4282 du 10 mars 2017. 2018 - Commission permanente de novembre

Résumé

La qualité de la procédure de sélection au niveau national et de la procédure d'élection à l'Assemblée parlementaire conditionne la légitimité démocratique des juges en tant que gardiens des droits et libertés fondamentaux en Europe.

Il appartient aux Hautes Parties contractantes, assistées par le Panel consultatif d'experts, de présenter trois candidats, dont chacun doit remplir les critères d'éligibilité énoncés à l'article 21 de la Convention européenne des droits de l’homme, et il appartient à l'Assemblée, assistée de sa commission sur l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'homme, d'élire le plus qualifié de ces trois candidats.

Le cadre actuel de l'élection des juges est défini dans un certain nombre de textes de l'Assemblée adoptés sur une période de plus de vingt ans. D'autres modifications éventuelles de la procédure d'élection des juges à la Cour ont été examinées tant au niveau intergouvernemental qu'au sein de cette commission.

Compte tenu de ces propositions, mais conscient également du fait que la procédure d'élection telle qu'elle a évolué au fil du temps a généralement abouti à l'élection de juges hautement qualifiés et respectés, la commission propose plusieurs autres améliorations à la procédure d’élection.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 27 septembre
2018.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire estime que l’une de ses attributions primordiales est d’élire les juges les plus qualifiés à la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»), sur la base de critères clairs et d’une procédure équitable et objective. La qualité de la procédure de sélection au niveau national et de la procédure d’élection à l’Assemblée a une incidence directe sur l’indépendance et l’impartialité des juges, qui assurent ainsi la confiance du public dans la Cour; elle fonde la légitimité démocratique des juges, gardiens des libertés et droits fondamentaux en Europe.
2. L’Assemblée rappelle que l’article 22 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») fait de l’élection des juges une procédure de codécision: les Hautes Parties contractantes, appuyées par le Panel consultatif d’experts («Panel consultatif»), soumettent trois candidatures, dont chacune doit satisfaire aux critères d’éligibilité définis à l’article 21 ; et l’Assemblée, appuyée par la commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme («commission sur l’élection des juges») élit la candidate ou le candidat qu’elle juge le ou la plus qualifié(e) des trois.
3. L’Assemblée observe des progrès considérables dans les procédures nationales de sélection. Elle se félicite en particulier de la contribution du Panel consultatif créé par le Comité des Ministres en 2010 (CM/Res(2010)26) pour assister les Hautes Parties contractantes dans la préparation des listes restreintes de trois candidatures présentant les qualifications requises. Le Comité des Ministres a par ailleurs adopté ses Lignes directrices concernant la sélection des candidats pour le poste de juge à la Cour européenne des droits de l’homme (CM(2012)40), qui définissent des exigences de procédure et des critères de sélection raisonnables.
4. Les procédures ont considérablement évolué aussi à l’Assemblée, en particulier avec la création d’une commission dédiée à l’élection des juges, l’allongement de la durée des entretiens et la clarification des critères de sélection, des règles de procédure et des exigences concernant notamment l’équilibre entre les sexes et les langues à maîtriser.
5. La Cour européenne des droits de l’homme a reconnu dans deux avis consultatifs de 2008 et 2010 le droit que possède l’Assemblée de fixer des exigences additionnelles de sélection des juges, en particulier en ce qui concerne l’équilibre entre les sexes et les langues à maîtriser, dans l’intérêt du bon fonctionnement de la Cour. Elle a également rappelé que l’Assemblée doit « s’assurer en dernière instance que tous les candidats figurant sur une liste remplissent toutes les conditions visées par [l’article 21.1], de façon à préserver le libre choix dont l’article 22 l’investit et qu’elle a pour mission d’exercer dans l’intérêt du bon fonctionnement et de l’autorité de la Cour ».
6. L’élection des juges est actuellement encadrée par un certain nombre de résolutions et de recommandations de l’Assemblée, adoptées sur une période de plus d’une vingtaine d’années:
7. D’autres améliorations possibles de la procédure d’élection des juges de la Cour ont récemment été envisagées au niveau intergouvernemental, sous les auspices du Comité des Ministres, et à la commission de l’Assemblée sur l’élection des juges. Ces propositions visent à renforcer la coopération entre la commission sur l’élection des juges et le Panel consultatif, à améliorer le fonctionnement de la commission sur l’élection des juges, notamment en rehaussant la transparence des procédures et en codifiant plus précisément les critères matériels de sélection, et à simplifier de diverses façons la procédure d’élection à l’Assemblée.
8. Au vu de ces propositions, mais gardant à l’esprit que la procédure qui s’est mise en place au fil du temps a dans l’ensemble conduit à l’élection de juges hautement compétents et respectés, l’Assemblée estime qu’il conviendrait de modifier comme suit la procédure d’élection des juges:
8.1. le/la président(e) ou un(e) représentant(e) du Panel consultatif est invité(e) par le/la président(e) de la commission sur l’élection des juges à exposer les motifs de l’avis du Panel sur les candidats aux séances d’information organisées avant chaque groupe d’entretiens;
8.2. une liste de candidats est rejetée:
8.2.1. si les candidats ne satisfont pas tous aux conditions définies à l’article 21.1 ;
8.2.2. si la procédure nationale de sélection n’a pas satisfait aux exigences minimales d’équité et de transparence ;
8.2.3. si le Panel consultatif n’a pas été dûment consulté;
8.3. la proposition de rejet d’une liste de candidats par la commission sur l’élection des juges est adoptée à la majorité des voix exprimées;
8.4. les membres de la commission sur l’élection des juges originaires du pays dont la liste est examinée ne votent en commission ni sur le rejet éventuel de la liste de leur pays, ni sur les préférences à exprimer parmi les candidats qui y figurent.
9. L’Assemblée invite:
9.1. la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles à examiner les changements proposés dans la procédure d’élection à l’Assemblée qui nécessiteraient des amendements au Règlement, et à soumettre les propositions correspondantes à l’Assemblée en temps utile ; et à examiner les façons et les moyens de garantir une forte participation à la commission sur l’élection des juges;
9.2. le Secrétaire général de l’Assemblée à publier, à l’issue de la révision susmentionnée [paragraphes 8.1 et 8.2], un document de synthèse sur les procédures d’élection à la commission sur l’élection des juges et à l’Assemblée.

B. Exposé des motifs, par M. Boriss Cilevičs, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme est l’une des principales attributions de l’Assemblée parlementaire. La procédure de sélection a une incidence directe sur l’indépendance et l’impartialité des juges, qualités indispensables à la confiance publique dans toute institution judiciaire. Les procédures de nomination doivent être conformes aux normes internationales garantissant l’indépendance de la justice, et perçues comme telles. Faute de quoi pourraient être élus des juges insuffisamment qualifiés pour s’acquitter de leurs très importantes fonctions, et ce au détriment de la légitimité et de l’autorité de la Cour de Strasbourg, et ainsi de la défense des droits de l’homme et de l’État de droit dans l’ensemble de l’Europe 
			(2) 
			Voir le Doc. 11767 du 1er décembre 2008, « Nomination
des candidats et élection des juges à la Cour européenne des droits
de l’homme » (rapporteur: M. Christopher Chope, Royaume-Uni, GDE),
paragraphe 3..
2. Des propositions d’amélioration de la procédure d’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme, issues en particulier des travaux de la commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme («la commission»), ont été formulées à diverses occasions. Après en avoir discuté lors de ses réunions de janvier et d’avril 2017, la commission a décidé de déposer une proposition de résolution sur la question de la procédure d’élection 
			(3) 
			Voir
le Doc. 1425. La proposition de résolution a été renvoyée à la commission
sur l’élection des juges pour rapport, par la Commission permanente
le 10 mars 2017. La commission a nommé M. Boriss Cilevičs rapporteur
le 6 avril 2017.. Le présent rapport résume les règles de procédure actuelles, éparpillées dans un certain nombre de résolutions et de recommandations adoptées par l’Assemblée au fil du temps, et analyse les propositions de réforme. Le projet de résolution clarifie en outre certains points, comme les motifs de rejet d’une liste de candidatures, en écho à l’évolution des pratiques de l’Assemblée et de la commission. Dans un souci d’exhaustivité, et pour rendre justice à d’autres propositions de réforme formulées dans diverses enceintes, j’aborde en outre dans l’annexe du présent exposé des motifs un certain nombre de propositions de réforme qui nécessiteraient de modifier le Règlement de l’Assemblée – ce qui relève de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles. En fin de compte je ne propose guère de changements à la procédure existante – suivant l’adage «pas besoin de réparer ce qui n’est pas cassé»: elle a jusqu’à présent et dans l’ensemble donné d’excellents résultats, et nous devrions lui laisser le temps de se roder et de faire ses preuves avant de la modifier davantage.
3. Je tiens à rappeler que la procédure d’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme fait également l’objet de discussions au sein des organes intergouvernementaux du Conseil de l’Europe. À leur 1252e réunion en mars 2016, les Délégués des Ministres ont demandé au Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) de se pencher sur la sélection et l’élection des juges de la Cour, en incluant dans cet examen tous les facteurs qui risquent de décourager les candidatures. Le comité d’experts sur le système de la Convention européenne des droits de l’homme (DH-SYSC), créé par le CDDH en avril 2016, a constitué deux groupes de rédaction, dont le groupe sur les suites à donner au rapport sur l’avenir à plus long terme de la Convention (DH-SYSC-I). M. Vít A. Schorm, président du DH-SYSC-I et agent du Gouvernement de la République tchèque auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, et M. Morten Ruud, vice-président et conseiller spécial auprès du ministère norvégien de la Justice, ont pris part à un échange de vues avec notre commission le 12 janvier 2017. Le Secrétaire général de l’Assemblée, M. Wojciech Sawicki, a de son côté procédé à un échange de vues avec le DH-SYSC-I en février, et avec le DH-SYSC en mai 2017. Le projet de rapport préparé par le DH-SYSC-I, qui s’est réuni pour la dernière fois du 18 au 20 octobre 2017, a été adopté par le DH-SYSC le 9 novembre 2017 et par le CDDH à sa 88e réunion du 5 au 7 décembre 2017 
			(4) 
			Document CDDH(2017)R88,
Addendum I: <a href='https://rm.coe.int/selection-and-election-of-judges-of-the-european-court-of-human-rights/16807b915e'>https://rm.coe.int/selection-and-election-of-judges-of-the-european-court-of-human-rights/16807b915e.</a>. À l’issue de l’examen auquel il a été procédé à la réunion du groupe de rapporteurs sur les droits de l’homme (GR-H) le 20 février 2018, les Délégués des Ministres l’ont approuvé à leur réunion du 7 mars 2018. D’autres améliorations de la procédure d’élection des juges ont été évoquées dans la Déclaration de Copenhague 
			(5) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/copenhagen-declaration-adopt-1'>www.coe.int/fr/web/portal/-/copenhagen-declaration-adopt-1</a>; voir en particulier le paragraphe 62, qui encourage l’Assemblée
parlementaire à tenir compte des suggestions formulées dans le rapport
du Comité directeur pour les droits de l’homme, ibid. adoptée par la conférence de haut niveau qu’avait organisée la présidence danoise, et dans le rapport sur les moyens de garantir l’efficacité continue du système de la Convention européenne des droits de l’homme, adopté à la 128e session ministérielle à Elseneur (Danemark) les 17 et 18 mai 2018. Dans leurs conclusions, les Ministres observaient que «[ l]a sélection et l’élection des juges à la Cour ont également fait l’objet d’une attention particulière depuis la Déclaration de Bruxelles et des améliorations des procédures actuelles pourraient être envisagées par le biais notamment d’une coopération accrue entre les différents acteurs (États Parties, Comité des Ministres, Assemblée parlementaire et Panel consultatif d’experts sur les candidats à l’élection de juges à la Cour) » 
			(6) 
			Document CM(2018)40-final,
paragraphe 61..
4. S’appuyant sur une note présentant une synthèse de la procédure existante et des réformes proposées jusque-là, la commission a consacré à cette question une pleine journée de discussions avec des experts, dont la présidente du Panel consultatif d’experts («Panel consultatif»), Mme Nina Vajić, à sa réunion de Riga les 20 et 21 octobre 2017.

2. Récapitulatif de la procédure actuelle d’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme

5. L’article 22 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») dit que « [l]es juges sont élus par l’Assemblée parlementaire au titre de chaque Haute Partie contractante, à la majorité des voix exprimées, sur une liste de trois candidats présentés par la Haute Partie contractante ». L’article 22 met donc en place une coopération dans la désignation des juges de la Cour: les gouvernements nationaux choisissent trois candidats, et l’Assemblée élit l’un d’eux en tant que juge.
6. Dans la procédure actuelle, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme sont élus en deux temps. En premier lieu, la présélection des candidats, qui relève en principe de la seule compétence des Hautes Parties contractantes à la Convention (États ou gouvernements), débouche sur la transmission à l’Assemblée d’une liste de trois candidats. Depuis la création du Panel consultatif, les États bénéficient des conseils éclairés qu’il dispense. Dans un second temps, il incombe à l’Assemblée, après évaluation par la commission des candidatures présélectionnées par les États Parties, d’élire en séance plénière l’un des trois candidats.

2.1. Procédure de présélection chez les Hautes Parties contractantes, appuyées par le Panel consultatif d’experts

7. La procédure de présélection est déclenchée par le Secrétaire général de l’Assemblée, qui écrit aux autorités nationales pour les inviter à soumettre une liste de candidats pour une certaine date. Cette échéance (fixée à un an environ avant la date envisagée pour l’élection) laisse assez de temps au gouvernement, au Panel consultatif, à la commission et à l’Assemblée pour sélectionner les candidatures, les évaluer et procéder à l’élection. La procédure de présélection nationale a une incidence considérable sur le résultat de l’ensemble du processus. En effet, lorsque les trois candidatures présentées à l’Assemblée sont excellentes, peu importe d’un point de vue institutionnel celle qui sera finalement retenue: ce sera nécessairement un excellent juge, qui jouira de surcroît de la légitimité démocratique conférée par l’élection. Après un certain nombre de problèmes constatés dans la procédure nationale de présélection, le Comité des Ministres a décidé en 2010 de constituer un « Panel consultatif d’experts », chargé de conseiller les gouvernements sur les qualifications des candidats à présélectionner. Les gouvernements sont invités à remettre au Panel les curriculums vitae des candidats qu’ils envisagent de présenter devant l’Assemblée. Le Panel examine les CV au cours d’une procédure confidentielle, et a la possibilité de poser des questions aux autorités nationales. Après examen des candidatures à la lumière de l’ensemble des informations reçues, le Panel décide (par écrit ou en réunion) s’il considère que tous les candidats satisfont aux exigences de l’article 21 de la Convention ou si certains ne réunissent pas les conditions requises, et en informe les autorités nationales. Les gouvernements sont censés suivre les recommandations du Panel, bien qu’ils soient formellement libres de présenter leur liste à l’Assemblée sans se conformer au point de vue du Panel. Ces derniers temps, la commission, qui est également informée des conclusions du Panel sur la liste définitive présentée par la Haute Partie contractante, a insisté pour que le Panel soit au moins authentiquement consulté et que ses avis soient dûment pris en compte.
8. La procédure nationale de présélection doit remplir un certain nombre d’exigences, visant à accroître la probabilité que les trois candidatures soient les meilleures possible, ce qui est le résultat attendu. Le Comité des Ministres a adopté en 2012 ses « Lignes directrices concernant la sélection des candidats pour le poste de juge à la Cour européenne des droits de l’homme » 
			(7) 
			Adoptées par le Comité
des Ministres le 28 mars 2012, CM(2012)40-final: <a href='https://rm.coe.int/16805cb1ac'>https://rm.coe.int/16805cb1ac</a>. . En résumé, la procédure nationale de sélection doit être équitable et transparente. Elle doit respecter les principales exigences suivantes: 1) elle devrait être stable et fixée par avance, par codification ou selon une pratique administrative bien établie 
			(8) 
			L’étude
réalisée dans le cadre de l’établissement du Doc. 11767 (note 3 ci-dessus) en 2008 montre que de nombreux États
n’avaient pas à l’époque de procédure conforme aux exigences des
« Lignes directrices » (voir le Doc. 11767, annexe). Il pourrait être intéressant de procéder aujourd’hui
à une étude similaire pour évaluer les progrès réalisés depuis. ; 2) l’appel à candidatures devrait être très largement publié ; 3) un délai raisonnable devrait être accordé pour le dépôt des candidatures ; 4) l’organe chargé de recommander les candidats devrait avoir une composition équilibrée et ses membres devraient posséder des connaissances techniques suffisantes, inspirer respect et confiance et échapper à toute influence indue ; 5) tous les candidats sérieux devraient faire l’objet d’un entretien de forme normalisée ; 6) leurs compétences linguistiques devraient être évaluées ; 7) toute décision prise par l’autorité décisionnelle qui s’écarte de la recommandation de l’organe de sélection devrait être justifiée par référence aux critères de préparation des listes de candidats ; 8) la liste devrait être enfin transmise à l’Assemblée après réception de l’avis du Panel consultatif sur l’admissibilité des candidatures.
9. L’Assemblée 
			(9) 
			Voir Résolution 1646 (2009), paragraphes 2 et 4.1. insiste également sur l’équité, la transparence et la cohérence de la procédure nationale de sélection (ce qui englobe l’appel public et ouvert à candidatures), sans toutefois aller autant dans le détail que le Comité des Ministres. La commission a cependant commencé ces derniers temps à mettre davantage l’accent sur ces questions, et a récemment motivé le rejet de deux listes uniquement par des vices de procédure 
			(10) 
			Le rejet des listes
de l’Albanie et de la Hongrie a été recommandé à la réunion de la
commission de septembre 2016. . Dans un cas (Albanie), les Lignes directrices du Comité des Ministres n’avaient pas été respectées ; et dans l’autre (Hongrie), il n’y avait pas eu de véritable procédure nationale de sélection. Cela dit, la commission se borne à apprécier l’équité et la transparence générales de la procédure nationale de sélection (qui doit être présentée dans le courrier accompagnant la liste des candidats) sans anticiper sur le résultat de la procédure en l’espèce. Cela signifie que, dès lors que la procédure suivie a été dans l’ensemble équitable et transparente, la commission ne rejette pas la liste pour vice de procédure au seul motif que d’autres personnes que les candidats sélectionnés auraient dû à son avis y figurer. L’Assemblée respecte le fait que la Convention remet aux États Parties la responsabilité de sélectionner les trois candidats de la liste restreinte 
			(11) 
			Voir
le deuxième avis consultatif de la Cour du 22 janvier 2010 sur certaines
questions juridiques relatives aux listes de candidats présentées
en vue de l’élection des juges de la Cour européenne des droits
de l’homme (no 2) (ci-après « deuxième
avis consultatif »), paragraphe 45: « Dans le cadre conventionnel
ainsi défini, les Hautes Parties contractantes ont toute latitude
pour composer leurs listes .». La commission procède simplement, en se fondant sur les lignes directrices du Comité des Ministres, à une vérification générale de l’équité et de la transparence de la procédure suivie pour l’établissement de la liste, qui est présentée à l’Assemblée dans l’ordre alphabétique 
			(12) 
			Comme l’exigent expressément
la Recommandation 1429
(1999), paragraphe 5, la Recommandation 1649
(2004), paragraphe 19.5, et l’annexe de la Résolution 1432 (2005), paragraphe 3..

2.2. Procédure d’élection à l’Assemblée

10. À réception de la liste, l’Assemblée la publie sur son site internet. Les candidatures sont alors examinées par la commission et les candidat(e)s sont invité(e)s à un entretien. Au vu des recommandations de la commission, l’Assemblée procède à l’élection ou rejette la liste. Une fois que la liste a été transmise à l’Assemblée, elle lui « appartient ». Elle ne peut être retirée ou modifiée par l’État Partie qu’avant l’expiration du délai 
			(13) 
			Voir deuxième avis
consultatif, op.cit., paragraphe 49.. Entre ce moment et le vote de l’Assemblée, tout candidat peut retirer sa candidature. Auquel cas, la procédure d’élection est interrompue et l’État Partie concerné est invité à compléter sa liste 
			(14) 
			Ibid.,
paragraphes 56-57..

2.2.1. Procédure d’examen à la commission sur l’élection des juges

11. La commission compte 22 sièges (avec les présidents de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, membres de droit). Les membres sont nommés par les groupes politiques à raison de leur poids au sein de l’Assemblée. Ils doivent posséder des compétences et une expérience juridiques suffisantes, ce que détermine le/la président(e). Cette commission est la seule de l’Assemblée à laquelle s’applique une telle exigence. Le quorum de validité des délibérations de la commission est du tiers de membres présents (sept).
12. Les réunions de la commission se déroulent selon une procédure systématique. Réunis avant chaque série d’entretiens, les membres reçoivent un certain nombre d’informations, comme les avis confidentiels du Panel consultatif et toute information pertinente obtenue par le/la président(e) par d’autres sources. Conformément à un usage établi, le/la président(e) transmet les éléments communiqués par des représentants respectés de la société civile, alors que les messages des partis politiques ou des candidats non retenus ne sont généralement pas jugés pertinents. La préférence exprimée par le gouvernement ne doit avoir aucun poids dans les délibérations de la commission 
			(15) 
			Voir
l’annexe de la Résolution 1432
(2005), paragraphe 3, troisième phrase., qui se fonde uniquement sur les critères fixés par la Convention et concrétisés par l’Assemblée (voir chapitre 3 ci-dessous). Les réunions ont lieu à huis clos, et tous les participants sont rigoureusement tenus au secret.
13. Si la commission conclut à l’absence de motifs de rejet de la liste pour vice de procédure, les candidats sont entendus au cours d’un entretien individuel, par ordre alphabétique. Chaque entretien dure 30 minutes. Le candidat dispose de cinq minutes au plus pour présenter sa candidature. Cette possibilité, dont les candidats sont informés par avance, est mise à profit par la quasi-totalité d’entre eux. Les membres peuvent leur poser n’importe quelle question, et notamment leur demander des éclaircissements sur leur CV. Les questions sont généralement posées dans les deux langues officielles. Les candidats bénéficient d’une interprétation simultanée dans les deux langues et peuvent répondre dans l’une ou l’autre langue officielle. À l’issue des trois entretiens, la commission procède à un échange de vues sur les qualités des candidats. Pour arriver à une conclusion, elle commence par déterminer si les candidats satisfont tous les trois aux critères d’élection d’un juge ; si tel n’est pas le cas, elle recommande à l’Assemblée le rejet de la liste. Cette recommandation requiert la majorité des deux tiers des membres habilités à voter. Seuls les membres présents au cours des trois entretiens peuvent voter sur la liste correspondante. Si la liste n’est pas rejetée, la commission vote à bulletin secret pour déterminer le candidat qui a sa préférence. La procédure exposée ci-dessus se répète pour chaque liste de candidats inscrite à l’ordre du jour 
			(16) 
			Voir Résolution 1627 (2008) et Résolution
1841 (2011), paragraphe 6.1..
14. La recommandation de la commission est communiquée à l’Assemblée suffisamment de temps avant la partie de session au cours de laquelle l’élection doit avoir lieu. Elle ne précise pas les motifs du choix de la commission et n’indique pas la majorité exacte des membres favorables à cette décision. Les formulations habituelles de présentation du résultat du vote indiquent clairement dans quelle mesure un ou éventuellement deux candidats ont convaincu la commission de la qualité de leurs candidatures respectives. Elle indique par exemple si la recommandation en faveur d’un(e) candidat(e) a été adoptée « à l’unanimité », à une majorité très large, large, nette ou faible, ou simplement « à la majorité » – parfois devant un ou une autre candidat(e), dont il est d’usage que le nom soit également mentionné si l’écart de voix a été très faible, avec une troisième candidature loin derrière ; une large majorité signifie une majorité des deux tiers au moins. Les recommandations sont publiées sur le site internet de l’Assemblée plusieurs jours avant l’élection.
15. En cas de rejet d’une liste, le Secrétaire général de l’Assemblée et le/la président(e) de la commission fournissent à titre confidentiel des informations supplémentaires au représentant permanent du pays concerné à Strasbourg et au/à la président(e) de la délégation nationale à l’Assemblée respectivement. La recommandation de rejet d’une liste formulée par la commission est approuvée par l’Assemblée dans le cadre du rapport d’activité soumis par le Bureau de l’Assemblée à cette dernière. Si la proposition est rejetée à la majorité des voix à l’Assemblée, la liste est renvoyée à la commission pour second examen. L’élection n’a alors pas lieu au cours de la même partie de session, l’Assemblée ne disposant pas d’une recommandation de la commission en faveur d’une candidature.

2.2.2. Élection à l’Assemblée

16. Comme indiqué plus haut, l’article 22 de la Convention charge l’Assemblée d’élire les juges « à la majorité des voix exprimées, sur une liste de trois candidats».
17. Si l’Assemblée ne rejette pas la liste, soit pour vice de procédure, soit parce que les candidats ne satisfont pas tous aux critères d’éligibilité, le premier tour de l’élection a lieu le mardi de la partie de session, conformément à l’usage retenu par l’Assemblée pour assurer la participation la plus élevée possible. C’est la raison pour laquelle les membres ont la possibilité de voter à bulletin secret tout au long des séances du matin et de l’après-midi. Les noms des candidats figurent sur le bulletin par ordre alphabétique. Le bulletin ne laisse pas percevoir de préférences de la commission ni du gouvernement 
			(17) 
			Voir l’annexe de la Résolution 1432 (2005), paragraphe 3: « En aucun cas l’expression d’une (…)
préférence de la part du gouvernement n’influe sur les délibérations
de la [sous-]commission ad hoc sur l’élection des juges .». Si une candidature remporte la majorité absolue des voix exprimées, la personne est proclamée élue. Dans le cas contraire, un deuxième tour a lieu le mercredi ; la majorité relative est alors suffisante.
18. L’Assemblée n’est pas à proprement parler liée par la recommandation de la commission, dont elle n’entérine pas automatiquement le vote. Mais puisqu’elle a délégué l’évaluation des candidatures à la commission, elle devrait normalement suivre ses conclusions. Les considérations de politique partisane ou les pressions exercées par la délégation nationale concernée (ou ses représentants majoritaires) ne sauraient justifier qu’elle s’écarte de la recommandation de la commission – qui reflète après tout l’évaluation attentive des candidatures à laquelle a procédé, sur la base des CV et des entretiens, un organe politiquement représentatif composé de parlementaires qui possèdent des compétences juridiques particulières. Il convient donc de se féliciter que l’Assemblée ait suivi depuis avril 2011 les recommandations de la commission (ou de la sous-commission avant elle) dans 94,9 % des cas (37 sur 39). Dans 19 de ces 37 cas dans lesquels elle a suivi la recommandation de la commission, cette dernière n’avait mentionné qu’un seul candidat. Dans 17 des 18 cas restants, elle avait exprimé sa préférence pour une candidature sur une autre, mais les deux noms figuraient dans la recommandation ; dans un cas, elle avait jugé les deux candidats également qualifiés. Dans le second groupe, elle a élu le premier choix (ou le choix à égalité) de la commission dans 13 cas, et dans cinq (38,5 %) elle a préféré le second choix de la commission.

3. Critères matériels applicables à l’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme

19. Les critères matériels applicables à l’élection des juges figurent à l’article 21.1 de la Convention, qui précise que « les juges doivent jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l’exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire ».
20. Comme l’a reconnu la Cour dans son premier avis consultatif 
			(18) 
			Avis consultatif du
12 février 2008 « sur certaines questions juridiques relatives aux
listes de candidats présentées en vue de l’élection des juges de
la Cour européenne des droits de l’homme », paragraphe 47., l’Assemblée est tenue de veiller à ce que la composition de la Cour européenne des droits de l’homme assure son bon fonctionnement, en définissant d’autres critères dont on peut considérer qu’ils «découlent implicitement de l’article 21.1 et en fournissent en quelque sorte une explicitation». La Cour rappelle qu’il incombe à l’Assemblée de « s’assurer en dernière instance que tous les candidats figurant sur une liste remplissent toutes les conditions visées par cette disposition, de façon à préserver le libre choix dont l’article 22 l’investit et qu’elle a pour mission d’exercer dans l’intérêt du bon fonctionnement et de l’autorité de la Cour. Il va de soi aussi que l’Assemblée peut se laisser guider par des critères additionnels qu’elle estime pertinents pour déterminer son choix parmi les candidats présentés par une Partie contractante et, comme elle l’a fait dans un but de transparence et de prévisibilité, reprendre ces critères dans ses résolutions et recommandations » 
			(19) 
			Deuxième avis consultatif, op. cit., paragraphes 44-45..
21. Parmi ces critères additionnels fixés par l’Assemblée conformément à l’interprétation de l’article 21 donnée par la Cour figure la connaissance adéquate des deux langues officielles. L’Assemblée exige la connaissance active de l’une des deux, et la connaissance (au moins) passive de l’autre 
			(20) 
			Résolution 1646 (2009), paragraphe 4.1, et annexe, Section VIII.. Dans le premier avis consultatif évoqué ci-dessus, la Cour a également reconnu que l’Assemblée avait le droit d’exiger que toute liste comporte des candidats des deux sexes 
			(21) 
			Recommandation 1429 (1999), paragraphe 6.3, et Recommandation 1649 (2004), paragraphe 19.3. – sauf exception prévue dans des situations appropriées. Une liste comportant des candidats d’un seul sexe peut être acceptée au profit du sexe sous-représenté (soit 40 % des juges, chiffre fixé au moment de l’envoi de la lettre qui invite la Haute Partie contractante à présenter une liste de candidats) ou s’il existe des « cas exceptionnels où une Partie contractante a pris toutes les mesures nécessaires et adéquates pour garantir la présence de candidats des deux sexes qui satisfassent aux exigences (…) de l’article 21 . (…) », mais n’a pu faire en sorte que la liste contienne des candidats des deux sexes. Ces cas exceptionnels doivent être déclarés tels à la majorité des deux tiers de la commission, dont la position doit être entérinée par l’Assemblée 
			(22) 
			Voir
la Résolution 1366 (2004), telle que modifiée par les Résolutions 1426 (2005), 1627 (2008), 1841 (2011) et 2002 (2014)..
22. Outre les compétences linguistiques et l’équilibre entre hommes et femmes, l’Assemblée a donné, dans diverses résolutions et dans les rapports sur lesquels elles se fondent, d’autres indications sur les qualités qu’elle attend des candidats. Il convient que les candidats ne soient pas « indûment restreints » 
			(23) 
			Résolution 1366 (2004), paragraphe 2. et qu’ils possèdent « de l’expérience dans le domaine des droits de l’homme » 
			(24) 
			Recommandation 1649 (2004), paragraphe 19.2., « soit en tant que praticien, soit en tant que militant d’organisations non gouvernementales actives dans ce domaine » 
			(25) 
			Recommandation 1429 (1999), paragraphe 6.2.. Les Lignes directrices du Comité des Ministres précisent par ailleurs qu’il est « nécessaire que  les candidats aient des connaissances du ou des systèmes légaux nationaux et en droit international public. Une expérience juridique pratique est également souhaitable » 
			(26) 
			Lignes directrices
du Comité des Ministres concernant la sélection des candidats pour
le poste de juge à la Cour européenne des droits de l’homme, CM(2012)40,
29 mars 2012 (« Lignes directrices du CM »), paragraphe II.4.. Le Comité des Ministres exige de plus que « s’ils sont élus, les candidats devraient en général être à même d’exercer leurs fonctions durant au moins la moitié du mandat de neuf ans avant d’atteindre l’âge de 70 ans » 
			(27) 
			Ibid., paragraphe II.5.. Concrètement, cela impose aux candidats une limite d’âge supérieure d’environ 65 ans au début de la procédure engagée devant l’Assemblée 
			(28) 
			Le Protocole no 15
à la Convention européenne des droits de l’homme (STCE no 213)
fixera, lorsqu’il entrera en vigueur, la limite à 65 ans (à la date
fixée par l’Assemblée pour la transmission de la liste). . Le Comité des Ministres et l’Assemblée se sont également penchés sur la nécessité d’exiger un âge minimum (ou une expérience professionnelle minimale) conforme à la « stature » des juges élus à la Cour, compte tenu en particulier de l’existence, dans un certain nombre d’États membres, de l’exigence d’un âge minimum et d’une expérience professionnelle minimale pour pouvoir exercer de hautes fonctions judiciaires 
			(29) 
			Doc. 11767, paragraphes 29-31.. Une autre exigence est citée à plusieurs reprises 
			(30) 
			Comme dans la Recommandation 1649 (2004), paragraphe 19.6.: veiller, dans la mesure du possible, à ne présenter aucun candidat dont l’élection pourrait rendre indispensable la nomination d’un juge ad hoc 
			(31) 
			Voir Résolution 1646 (2009), paragraphe 4.5; voir également les Lignes directrices
du CM, paragraphe II.7. . Il peut toutefois arriver que cette exigence entre en conflit avec la recommandation voulant que la préférence soit donnée aux candidats ayant exercé auparavant des fonctions de juge au sein des plus hautes juridictions de leur pays 
			(32) 
			Voir la lettre
du 9 juin 2010 de M. Jean-Paul Costa, alors Président de la Cour
européenne des droits de l’homme, aux représentants permanents des
États membres, annexée au Doc.
12391 de l'Assemblée (Procédures nationales de sélection des
candidats à la Cour européenne des droits de l'homme (rapporteure:
Mme Renate Wohlwend, Liechtenstein, PPE/DC); <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-fr.asp?fileid=12219'>Doc.
11767</a>, paragraphe 6. .
23. Dans l’exposé des motifs sur lequel se fonde la Résolution 1366 (2004) 
			(33) 
			Doc. 9963 du 7 octobre 2003, Candidats à la Cour européenne des
droits de l’homme (rapporteur: M. Kevin McNamara, Royaume-Uni, SOC)., le rapporteur indique que « grâce aux entretiens, les membres ont l’opportunité d’analyser et de se rendre compte des compétences et des qualifications des candidats et d’approfondir leur appréciation concernant:
  • leur connaissance de la jurisprudence de la Convention européenne
  • leurs connaissances et leur expérience juridiques générales
  • leur capacité intellectuelle et analytique
  • leur maturité et leur justesse de jugement
  • leur esprit de décision et leur autorité
  • leur capacité de communication et d’écoute
  • leur intégrité et leur indépendance
  • leur honnêteté et leur impartialité
  • leur compréhension des individus et de la société
  • leur courtoisie et leur humanité
  • leur engagement envers le service public
  • leur conscience et leur diligence ».
24. Cette liste résume assez bien les critères essentiels qui doivent guider les autorités nationales au cours de la procédure de présélection, ainsi que la commission et l’Assemblée au cours de la procédure d’élection. Je soutiens cette liste, qui devrait être complétée par les critères figurant dans les résolutions antérieures de l’Assemblée et par l’excellent résumé des critères sur lesquels le Panel consultatif fonde l’évaluation de la qualification des juges et des jurisconsultes, tel qu’il a été présenté par Mme Vajić à la réunion de la commission de Riga: pour ce qui est des candidats juges ou procureurs, ce sont le niveau (d’habitude dans les juridictions supérieures) et la longueur de l’expérience qui sont décisifs ; les jurisconsultes (article 21) sont évalués à la lumière de l’étendue et la durée de leur expérience, de leur réputation dans leur spécialité (vue notamment à travers leurs publications en la matière), et de la combinaison qu’ils offrent d’expérience universitaire et de pratique du droit. À mon avis, ces critères couvrent suffisamment bien le besoin d’une longue expérience de haut niveau, et il n’est pas nécessaire d’y ajouter la règle d’âge minimum suggérée par certains.

4. Modifications proposées de la procédure actuelle

25. À sa réunion de Riga, les 20 et 21 octobre 2017, la commission a examiné attentivement un certain nombre de propositions de modification de la procédure actuelle.

4.1. Propositions visant à réduire les possibilités de lobbying politique

26. L’Assemblée est, par définition, un organe politique, où siègent des responsables politiques, qui prennent des décisions politiques. Mais il convient de limiter le plus possible le lobbying et les ingérences politiques dans l’élection des juges de la Cour, de sorte que soient élus les candidats les plus qualifiés et les plus respectés. La réussite de notre procédure se mesurera à cette aune. Le lobbying politique a indéniablement été présent à certaines occasions dans le cadre de la procédure de l’Assemblée: moins souvent (ou du moins, avec moins de succès) au niveau de la commission et peut-être plus souvent, mais uniquement dans un nombre très limité de cas, à l’Assemblée. L’expérience montre qu’il est bien plus fréquent au niveau de la présélection nationale qu’à celui de l’Assemblée.
27. Si l’Assemblée constate qu’il y a eu lobbying ou ingérences politiques dans la présélection nationale, elle ne peut rejeter la liste que pour deux motifs: 1) si la procédure nationale a conduit (du fait du lobbying ou des ingérences politiques ou pour toute autre raison) à la présélection de candidats qui ne satisfont pas tous aux critères d’éligibilité ; ou 2) si la procédure nationale de présélection n’a pas respecté les normes de transparence et d’équité définies par l’Assemblée et le Comité des Ministres. Dès lors que la procédure nationale respecte les exigences de l’Assemblée et que les trois candidats sont en principe éligibles, l’Assemblée n’a d’autre choix que de procéder à l’élection. Le projet de résolution dit que la présence de l’un de ces deux motifs devrait systématiquement conduire la commission à recommander le rejet de la liste à l’Assemblée. À l’avenir, la majorité requise pour l’adoption d’une recommandation de rejet à la commission (actuellement des deux tiers, annexe VI du Règlement, VIII.4.i) pourrait aussi être ramenée à la majorité générale des votes exprimés pour ou contre le rejet. Cela nécessiterait que la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles ajuste le mandat de la commission, à la demande du Bureau (annexe V du Règlement, VIII.4).
28. Il serait possible de minimiser le lobbying politique à l’Assemblée en modifiant la composition de la commission et/ou en simplifiant la procédure d’élection en plénière.

4.1.1. Propositions visant à modifier la composition de la commission sur l’élection des juges et à promouvoir une meilleure participation des membres

29. Je ne suis guère enclin à bouleverser la composition et le mode de nomination des membres de la commission. La méthode actuelle de nomination par les groupes politiques en fonction de leur poids relatif assure aussi le couplage avec les courants d’idées politiques dominants au sein des États membres du Conseil de l’Europe dans son ensemble. Cela confère aux juges une certaine légitimité dans l’interprétation de la Convention, considérée comme un « instrument vivant » qui accompagne les constants changements à l’œuvre dans les sociétés d’Europe. Le nombre relativement faible de membres de la commission permet à cette dernière d’avoir des débats denses et de qualité, pour autant que les exigences de qualification soient préservées. Relâcher ces exigences augmenterait le nombre de membres éligibles, mais risquerait d’éroder le statut de la commission à l’égard de l’Assemblée, du Panel consultatif et des Hautes Parties contractantes. Les membres devraient pouvoir poser des questions pertinentes, évaluer convenablement la qualité des réponses, et être perçus comme capables de le faire. Le bureau de la commission (président et vice-présidents) pourrait, en consultation avec le Secrétaire général de l’Assemblée, procéder à une évaluation neutre de l’éligibilité des membres.
30. En ce qui concerne les taux de présence, il est évidemment souhaitable que tous les membres assistent aussi souvent que possible aux réunions de la commission. Bien que cette obligation soit parfois inconciliable avec les autres obligations parlementaires des membres, le secrétariat devrait tenir une statistique détaillée des présences et transmettre l’information correspondante aux groupes politiques 
			(34) 
			Lors de sa réunion
d’avril 2017, la commission sur l’élection des juges a invité le
secrétariat à le faire.. Ces derniers pourraient décider de remplacer les membres après un certain nombre d’absences (comme l’a récemment discuté le groupe PPE/DC, avec le remplacement de principe au bout de trois absences ; une telle mesure, si elle est vraiment appliquée, serait à mon avis un bon moyen de réduire l’absentéisme). J'ai envisagé des sanctions possibles contre les membres absents ou les groupes politiques dont le taux de participation moyen des membres est inférieur à 50%. Mais serait-il juste de sanctionner des membres individuels selon qu'un membre suppléant nommé par le groupe politique aurait pu ou non être présent? Que se passe-t-il si plusieurs membres étaient absents alors qu'un suppléant du même groupe était présent? Sanctionner des groupes politiques (par exemple en réduisant le nombre de sièges qui leur sont attribués l’année suivante) soulèverait d’autres problèmes: étant donné que la composition de la commission change tout au long de l’année, sur quelle base la participation moyenne doit-elle être calculée? La base devrait-elle être le nombre de membres réels nommés par le groupe (au début de l’année ou la moyenne annuelle?); ou devrait-il s'agir du nombre de sièges attribués à un groupe? Cette dernière solution créerait une pression sur les groupes pour qu'ils remplissent tous leurs sièges – mais qu'en est-il s'il n'y a pas suffisamment de membres qualifiés (et disponibles)? De plus, les petits groupes politiques risqueraient de perdre leur siège à la commission en raison du manque de disponibilité temporaire d’un membre qualifié au cours d’une année donnée. Face à ces difficultés pratiques, je suggère que nous demandions à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles d'examiner la possibilité de modifier les règles régissant le fonctionnement de la commission de manière à créer des incitations pour une présence plus régulière des membres. Si la commission du Règlement, compte tenu de son expertise et de son expérience, ne considère pas les sanctions comme une solution appropriée, nous devons nous contenter de «nommer et de critiquer» les groupes politiques dont les membres, peu importe les raisons, ne participent pas aux réunions de la commission sur une base régulière. Dans ce contexte, rappelons que la non-participation des membres diminue l'influence des groupes politiques sur l'exercice de l'une des prérogatives les plus importantes de l'Assemblée – l'élection des meilleurs juges possibles à la Cour européenne des droits de l'homme.

4.1.2. Simplification de la procédure d’élection à l’Assemblée

31. Il a été proposé à plusieurs reprises, en particulier lors des débats menés sous les auspices du CDDH, de simplifier la procédure d’élection en plénière pour réduire les possibilités de lobbying. Plusieurs de ces propositions visaient à renforcer le rôle de la commission aux dépens de celui de l’Assemblée. Je suis personnellement réticent à recommander aujourd’hui de modifier les règles actuelles, ce qui nécessiterait de toute façon une proposition de la commission du Règlement.

4.2. Propositions visant à améliorer la coopération avec le Panel consultatif

32. La présidente du Panel consultatif, Mme Nina Vajić, a présenté à la commission plusieurs propositions pour améliorer la communication et la coopération entre le Panel et l’Assemblée. Des propositions de ce type ont aussi été envisagées dans les discussions intergouvernementales. À ma connaissance, il existe un large consensus, même au sein de la commission, en faveur du maintien de la répartition des tâches définie dans la Convention, à savoir: les Hautes Parties contractantes, représentées par leurs gouvernements respectifs, soumettent une liste de trois candidats qualifiés, et l’Assemblée élit l’un d’entre eux en tant que juge. Conformément à cette répartition des tâches, qui est en harmonie avec le principe de séparation des pouvoirs, les gouvernements sont appuyés par le Panel, et l’Assemblée bénéficie des conseils de la commission.
33. Ce partage des rôles voulu par la Convention serait altéré si le Panel consultatif devait participer activement à l’élection au sein de l’Assemblée – par exemple si certains de ses membres étaient « intégrés » dans la commission par invitation à assister aux entretiens avec les candidats, voire à la conseiller ou même à participer au vote sur les préférences. Eu égard à la nature collégiale du Panel, son représentant se trouverait de toute façon dans une situation délicate si l’entretien le poussait à s’écarter d’un avis adopté antérieurement au sein du Panel.
34. Il n’en est pas moins parfaitement logique que la commission soit pleinement informée de l’avis du Panel consultatif sur les candidats finalement présentés par le gouvernement à l’Assemblée, à l’issue du processus de consultation, qui doit lui-même continuer strictement de relever du Panel et des gouvernements concernés. Pour l’instant, l’information fournie à la commission est relativement succincte: les membres reçoivent, sous le sceau du secret, uniquement une brève note écrite du Panel indiquant soit que les candidats remplissent tous les exigences minimales requises par la Convention, soit que l’un ou l’autre ne les remplit pas. C’est uniquement dans le second cas que le Panel justifie brièvement sa conclusion.
35. Je trouverais utile que la commission connaisse de façon plus détaillée les raisons qui sous-tendent les conclusions du Panel consultatif. Elles pourraient lui être communiquées oralement, par le/la président(e) ou un autre représentant du Panel participant à la présentation des informations à la commission, avant les entretiens, ou à l’occasion d’une conversation entre les présidents du Panel et de la commission, ou encore par le canal des secrétariats respectifs. Le Panel n’a pas encore fait connaître ses propres préférences à ce sujet.
36. Il me semblerait également souhaitable, en signe de solidarité entre les divers organes du Conseil de l’Europe – pour reprendre les propos de Mme Vajić à Riga – que l’Assemblée use des moyens dont elle dispose pour contribuer à ce que le Panel consultatif soit convenablement consulté par les gouvernements. Concrètement, cela signifie que l’Assemblée rejette une liste pour vice de procédure si le Panel n’a pas été consulté du tout avant présentation de la liste à l’Assemblée, ou s’il a eu si peu de temps que la consultation a été privée de son sens. L’Assemblée l’a déjà fait (voir paragraphe 9 ci-dessus (Albanie)), et je suggère de faire explicitement figurer cette règle dans la nouvelle résolution, ce qui serait aussi un avertissement envoyé aux gouvernements.
37. Il convient encore de se demander si l’Assemblée devrait se sentir liée par les conclusions du Panel, en particulier si elles sont négatives, comme l’a fait valoir Mme Vajić à Riga. Je ne suis personnellement pas favorable à une telle restriction de la marge d’appréciation de l’Assemblée. Il va sans dire que la commission doit considérer les avis du Panel avec une très grande attention. Mais les appréciations peuvent tout à fait diverger, ne serait-ce qu’en raison des antécédents et de l’expérience différents des membres du Panel et de la commission, et du fait que seuls les membres de la commission ont l’occasion de rencontrer personnellement les candidats, de leur poser des questions orales et d’observer directement leurs réactions. Donner au Panel un droit de veto de fait sur les candidatures soumises par les gouvernements reviendrait à ce que l’Assemblée lui remette son pouvoir décisionnel, que le Comité des Ministres n’a pas voulu lui conférer, ce qui serait en contradiction avec la nature consultative de son mandat. C’est pourquoi, le projet de résolution, je n’ai pas inclus, dans la liste des motifs de rejet systématique, la possibilité que le Panel juge les trois candidats insuffisamment qualifiés. Cela dit, il est vraisemblable qu’une telle liste serait de toute façon rejetée, pour l’un des motifs de rejet systématique que j’ai inclus dans le projet de résolution, à savoir que les candidats ne remplissent pas tous les exigences minimales de l’article 21 de la Convention (voir paragraphe 27 ci-dessus).

4.3. Propositions visant à accroître la transparence de la procédure d’élection à l’Assemblée

38. Une plus grande transparence est en général perçue comme souhaitable et positive. Cela renforce l’obligation des responsables de rendre des comptes et réduit les possibilités d’influence indue de toutes sortes. Mais dans la procédure d’élection des juges de la Cour, un excès de transparence peut nuire à la réputation et à la carrière des candidats (non retenus), et ainsi dissuader des professionnels de haut niveau de se porter candidats. La prévention de cet effet dissuasif revient constamment dans la réflexion sur les éléments de la procédure d’élection.
39. Je ne suis pas favorable à un accroissement de la transparence par l’exposé détaillé des motifs des recommandations de la commission, publiées avant l’élection – là encore surtout en raison de l’effet dissuasif que cela aurait sur les candidats potentiels, dont la réputation professionnelle pourrait être ternie. Cela poserait aussi des problèmes pratiques considérables si la commission, organe collégial, devait s’entendre sur la formulation exacte de textes plus longs, dont la très délicate rédaction ne saurait être laissée au président ou à la présidente, voire au secrétariat. Je soutiens donc vigoureusement le maintien de la pratique actuelle du recours à des formules standardisées exprimant les préférences de la commission, en fonction de la solidité du soutien reçu par un, deux ou trois des candidats au vote à bulletin secret par lequel se clôt le débat 
			(35) 
			Voir plus haut, paragraphe
14. . Je serais en revanche favorable à ce que les membres de la commission soient autorisés à expliquer oralement dans les réunions confidentielles de leur groupe politique pourquoi la commission a préféré tel ou tel candidat. Mais même dans une telle enceinte, qui n’est pourtant pas publique, les membres de la commission devraient veiller très soigneusement à protéger la réputation de tous les candidats en évoquant les points positifs plutôt que négatifs.

4.4. Autres améliorations proposées de la procédure au sein de la commission sur l’élection des juges

4.4.1. Faut-il allonger la durée des entretiens ?

40. La durée actuelle des entretiens (30 minutes) est une nette amélioration par rapport aux 15 minutes dont la précédente sous-commission disposait lorsqu’un grand nombre de postes de juges devaient être pourvus en peu de temps, à l’entrée en vigueur de la nouvelle durée de fonctions (de neuf ans, non renouvelable). Une durée de 45 ou 60 minutes par candidat obligerait à consacrer une demi-journée à chaque liste, en raison des inévitables règles à respecter en matière d’interprétation ; ce choix exigerait une augmentation considérable des moyens budgétaires. Je doute aussi que les membres aient tout ce temps en plus à consacrer à la commission. Le problème de l’absentéisme pourrait s’aggraver si l’on en demande trop. Mon expérience me suggère par ailleurs qu’un entretien de 30 minutes solidement structuré permet de se faire une assez bonne idée de la personnalité, des capacités linguistiques et des aptitudes au raisonnement juridique d’un candidat. Enfin, je ne pense pas qu’habiliter le président ou la présidente à accorder davantage de temps à un candidat selon le besoin, comme le proposent certains, serait compatible avec l’égalité de traitement de tous les candidats.

4.4.2. Faut-il rejeter systématiquement une liste lorsqu’elle comporte ne serait-ce qu’un seul candidat inéligible?

41. Ce pourrait être un moyen de se rapprocher de la situation idéale où peu importe, du point de vue institutionnel, lequel des trois excellents candidats présentés par une Haute Partie contractante est finalement élu. Cela exigerait initialement un peu de courage et de patience. Avec le temps, les gouvernements tireront la leçon de la pratique déjà établie de l’Assemblée consistant à rejeter une liste si elle comporte même un seul candidat inéligible, et ils feront en sorte que «tous les candidats figurant sur une liste remplissent toutes les conditions visées à l’article 21.1», comme l’a demandé la Cour dans son avis consultatif. Ce point figure aussi pour clarification dans le projet de résolution.

4.4.3. Faut-il abaisser le seuil de majorité nécessaire au rejet d’une liste à la commission pour l’élection des juges ?

42. La réduction de la majorité nécessaire faciliterait évidemment le rejet des listes à la commission, et permettrait ainsi à cette dernière de se montrer plus systématique dans ses décisions de rejet. Mais elle pourrait aussi accroître le risque de voir l’Assemblée passer outre une recommandation – ce qui ne s’est jamais produit jusqu’à présent, rappelons-le. En définitive, je serais favorable à la réduction de la majorité nécessaire au rejet. Actuellement, une minorité de blocage est assez facile à mettre en place, peut-être même trop facile, ce qui peut empêcher la commission d’appliquer avec cohérence tous les motifs de rejet. Avec la réduction du seuil, il sera plus facile de garantir des procédures équitables de présélection nationale, de faire respecter le rôle du Panel consultatif et de préserver le choix de l’Assemblée entre trois candidats qualifiés, comme le demande la Convention. J’ai donc inclus cette proposition dans le projet de résolution. Son acceptation appellerait bien sûr une modification de l’annexe V du Règlement (point VIII.4.i).

4.4.4. Faut-il empêcher les membres du pays dont la liste est examinée de participer aux discussions et/ou au vote au sein de la commission sur l’élection des juges ?

43. Exclure de la décision de la commission les membres du pays dont la liste est examinée pourrait prévenir des conflits d’intérêts éventuels – ou ce qui pourrait être perçu comme tel. En même temps, les collègues du pays concerné peuvent fournir de précieuses indications, en particulier sur la qualité de la procédure de sélection et la réputation des candidats ainsi sélectionnés. Le mieux serait à mon avis de trouver un juste milieu: laisser les membres du pays dont la liste est examinée participer aux entretiens et aux discussions, mais pas au vote. Ce serait en outre compatible avec la pratique adoptée par la commission de suivi.

4.4.5. Faut-il organiser des séminaires introductifs pour les nouveaux membres de la commission ? Prévoir davantage de temps pour les discussions stratégiques ?

44. Une séance ou un séminaire introductif pour les nouveaux membres pourrait couvrir les critères et la procédure d’élection des juges, ainsi que certains éléments fondamentaux du fonctionnement du système de la Convention, dans l’optique de la Cour et dans la perspective des exigences de compétence et d’expérience des juges. Si le budget le permet, il serait possible d’étudier plus avant cette proposition, en particulier à l’intention des nouveaux membres de la commission, qui pourraient se réunir de temps à autre.
45. À la réunion de Riga, plusieurs membres ont suggéré d’organiser annuellement des réunions de ce type, auxquelles participeraient le/la président(e) du Panel consultatif et/ou d’autres experts extérieurs, et où seraient abordées des questions stratégiques, comme l’interprétation des critères de sélection et les perspectives d’évolution de la procédure d’élection. Dans l’idéal, le Président de la Cour fournirait à la commission une information sur les besoins de la Cour en termes de savoir et d’expérience à lui apporter dans divers domaines du droit. Si le budget le permet, je serais favorable à l’organisation de discussions régulières de ce type, par exemple tous les deux ans, car elles fourniraient l’occasion d’aborder plus en détail des points fondamentaux avec plus de recul que cela n’est possible dans le cadre des réunions normales de la commission consacrées à l’examen des listes de candidats.

5. Conclusions

46. La procédure d’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme doit être irréprochable, depuis la sélection des trois candidats qualifiés chez les Hautes Parties contractantes jusqu’à l’élection du meilleur candidat à l’Assemblée. Il en va de la crédibilité du Conseil de l’Europe et de l’autorité de l’ensemble du système de la Convention.
47. Des progrès notables ont été faits ces dix dernières années aux deux niveaux. Les procédures nationales de présélection, en particulier, se sont améliorées avec l’adoption des Lignes directrices du Comité des Ministres en la matière et la création du Panel consultatif qui aide les gouvernements à produire les listes de trois candidats compétents. À l’Assemblée, la procédure a beaucoup évolué aussi. L’Assemblée a créé sa commission, dont les membres sont juristes et possèdent l’expérience nécessaire. Elle a amélioré l’organisation des entretiens au sein de la commission, et progressivement précisé et renforcé les critères matériels de sélection, en particulier en ce qui concerne l’équilibre entre les sexes, les langues à connaître et autres exigences de bon fonctionnement de la Cour – le tout avec l’appui de la Cour elle-même, comme cela ressort des deux avis consultatifs de cette dernière.
48. D’autres améliorations sont toujours possibles. Des représentants gouvernementaux ont mené, sous les auspices du Comité des Ministres et du CDDH, une utile réflexion approfondie sur d’autres réformes éventuelles. Il en a été de même au sein de notre commission. Cette dernière dialogue avec les coprésidents du groupe de rédaction créé par le CDDH, la présidente du Panel consultatif et plusieurs experts extérieurs. J’ai trouvé convaincantes certaines propositions qui ont ainsi vu le jour, et les ai incluses dans le projet de résolution ; j’en ai analysé d’autres, que je n’ai pas jugé bon de reprendre.
49. Les changements sont, par rapport à la procédure actuelle:
  • l’invitation communiquée au président/à la présidente ou à un représentant/une représentante du Panel consultatif d’expliquer à la commission l’avis de ce dernier sur les candidats – en personne, dans les séances d’information qui précèdent chaque groupe d’entretiens, ou par le truchement du président/de la présidente de la commission;
  • la codification d’une liste de motifs de rejet des listes de candidats (rejet systématique des listes si la procédure nationale de présélection n’a pas satisfait aux exigences minimales d’équité et de transparence, si le Panel consultatif n’a pas été dûment consulté, ou si l’un des trois candidats ne présente pas les qualifications requises) et le passage de la majorité des deux tiers à la majorité simple de la commission pour les votes de rejet;
  • la non-participation au vote des membres de la commission originaires du pays dont la liste est examinée.

Ces modifications figurent dans le projet de résolution présenté. D’autres propositions avancées dans diverses enceintes, et auxquelles je ne suis pas favorable, sont évoquées dans l’annexe, dans un souci d’exhaustivité.

Annexe – Brève analyse de modifications de la procédure d’élection proposées dans diverses enceintes

(open)
1. Dans un souci d’exhaustivité, j’aimerais aborder brièvement quelques autres propositions de modification de la procédure d’élection examinées dans diverses enceintes: réunion de Riga de la commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme (“commission sur l’élection des juges”) et comités d’experts compétents du Conseil de l’Europe (voir exposé des motifs, paragraphe 3). Je tiens à souligner d’emblée que je ne trouve pas utile pour l’instant de modifier le mode d’élection des juges au-delà des changements proposés dans le projet de résolution. Les inconvénients des propositions additionnelles ci-dessous l’emportent nettement sur leurs avantages éventuels.

1. Modification des règles de nomination des membres de la commission sur l’élection des juges et de sa composition

1. À première vue, l’abandon de la nomination des membres de la commission sur l’élection des juges par les groupes politiques pourrait contribuer à réduire le risque de «politisation» de l’élection. Mais je pense qu’il importe de préserver un minimum de « représentativité » pour conférer une certaine légitimité démocratique aux juges de la Cour – l’un des grands arguments en faveur de leur élection par l’Assemblée. Si les membres de la commission ne sont pas nommés par les groupes politiques, ils devront l’être par les délégations nationales. Mais cela nécessiterait de porter le nombre des sièges à 47 au moins ; et la «représentativité» de la commission pourrait encore être perçue comme inadéquate si les petites et les grandes délégations sont traitées sur un pied de stricte égalité. Il serait alors possible de préserver un certain équilibre par un système de « circonscriptions » (groupes de pays) tournantes, un peu comme pour la nomination des vice-présidents de l’Assemblée. Mais ce serait une procédure lourde; et la rotation freinerait aussi l’accumulation de savoir et d’expérience au sein de la commission. Dans le système actuel, les groupes politiques pourraient et devraient veiller, en nommant les membres, à l’équilibre géographique de la composition de la commission.
2. Il a également été proposé, surtout au cours des discussions intergouvernementales, d’accroître le nombre de membres de la commission, et de faire en sorte qu’y siègent des membres haut placés de l’Assemblée, comme les présidents des groupes politiques ou d’autres commissions, en plus des membres de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, actuellement membres d’office de la commission. Mais je pense que cela affaiblirait les exigences de compétence ou d’expérience juridiques des membres de la commission, les membres haut placés de l’Assemblée ne remplissant pas nécessairement ces conditions. La présence des présidents des groupes politiques risquerait par ailleurs de politiser l’élection plutôt que le contraire et de modifier la représentation proportionnelle des courants politiques représentés à l’Assemblée, ce qui éroderait la légitimité démocratique de l’élection au lieu de la renforcer. Je ne suis donc pas favorable à l’idée de faire siéger d’autres membres d’office à la commission, comme le suggère par exemple le comité d’experts sur le système de la Convention européenne des droits de l’homme (DH-SYSC).

2. Modification de la procédure d’élection de l’Assemblée plénière

1. Ce serait surtout l’Assemblée plénière qui serait exposée au lobbying politique, en particulier quand aucun candidat n’a obtenu la majorité générale le mardi de la session, ce qui rend un second tour nécessaire le mercredi – même si cela se produit rarement. Plusieurs modifications de la procédure d’élection de l’Assemblée plénière ont été proposées pour réduire les possibilités de lobbying. Les auteurs disent souhaiter renforcer le rôle de la commission aux dépens de celui de l’Assemblée; mais à mon avis, leurs idées risqueraient bien en fait d’affaiblir le rôle de l’Assemblée dans son ensemble.
2. Il a même été suggéré, au cours des discussions intergouvernementales, que la commission ne transmette à l’Assemblée qu’une ou deux candidatures de la liste si elle estime que l’un ou deux des candidats présentés par la Haute Partie contractante ne possèdent pas les qualifications attendues d’un juge de la Cour européenne des droits de l’homme, ou si l’un des candidats, bien que remplissant les conditions définies à l’article 21, convient nettement moins bien que les deux autres. Je suis en total désaccord avec cette proposition. Elle est en contradiction directe avec l’article 22 de la Convention, qui dit très clairement que les juges sont élus par l’Assemblée sur une liste de trois candidats présentés par la Haute Partie contractante. En pratique, cette suggestion pourrait permettre aux gouvernements de restreindre, voire de supprimer le choix de l’Assemblée parmi trois candidats hautement qualifiés – un choix que la Cour, dans l’intérêt de son bon fonctionnement, demande positivement à l’Assemblée de préserver et d’exercer (voir paragraphe 20 de l’exposé des motifs, qui renvoie au premier avis consultatif de la Cour). L’interprétation de l’article 22 de la Convention que donne la Cour (seule instance habilitée à y procéder) exclut d’emblée cette possibilité.
3. Je recommande donc vivement l’autre solution, à savoir qu’une liste soit automatiquement rejetée dès lors que l’un des candidats ne présente pas les qualifications requises. Cela exclurait toute possibilité que l’Assemblée élise « accidentellement » un candidat jugé insuffisamment qualifié par la commission, et cela aurait également l’avantage d’indiquer clairement aux gouvernements que l’Assemblée a la ferme intention de faire respecter les exigences de l’article 21.1, comme l’explique la Cour dans l’avis consultatif évoqué ci-dessus.
4. Il a encore été proposé d’abréger la procédure de l’Assemblée en plénière par « ratification silencieuse » (l’Assemblée approuve la proposition de la commission dans le cadre du rapport d’activité du Bureau), en particulier lorsque le vote de la commission fait ressortir un soutien particulièrement marqué pour l’un des candidats. Si la proposition de la commission est contestée et rejetée à la majorité des voix à l’Assemblée, l’élection peut tout de même avoir lieu au cours de la même session, selon la procédure normale. Contrairement au cas où elle refuse d’entériner une proposition de rejet émanant de la commission (paragraphe 15 de l’exposé des motifs), l’Assemblée pourrait procéder à l’élection dans la même partie de session, puisqu’elle dispose de l’évaluation des candidatures préparée par la commission. Mais en définitive, je ne suis guère enclin à proposer un pareil bouleversement, qui renforcerait considérablement le rôle de la commission à l’égard de l’Assemblée plénière. Ce serait comprendre trop librement le texte de l’article 22 de la Convention, qui dit que « les juges sont élus par l’Assemblée parlementaire » (voir paragraphe 33 de l’exposé des motifs).
5. La dernière proposition d’allègement de la procédure d’élection à l’Assemblée plénière consisterait à éviter le second tour (sauf dans un scénario extrêmement peu probable) par recours à un système de vote préférentiel. Les membres pourraient voter pour leur premier candidat préféré et, s’ils le souhaitent, pour un second. Si un candidat obtient la majorité de premières préférences, il est élu. Autrement, le candidat ayant obtenu le moins de premières préférences est éliminé, et toutes les secondes préférences exprimées par les membres ayant opté pour le candidat arrivé en troisième place sont ajoutées aux premières préférences obtenues par les deux autres candidats. Celui de ces deux candidats qui reçoit ainsi le plus de premières et de secondes préférences est élu. Si les deux candidats restants obtiennent le même nombre de premières et de secondes préférences cumulées, celui qui a obtenu le plus de premières préférences est élu. Un second tour n’est organisé le jour suivant entre ces deux candidats que dans le cas très improbable où ils obtiennent le même nombre de premières préférences.
6. Le système de vote préférentiel éliminerait pratiquement la nécessité d’un second tour ; il pourrait donc accélérer la procédure, et ainsi réduire les possibilités de lobbying (notamment faute de temps), comme cela a été dit au niveau intergouvernemental. Je n’en suis pas moins opposé à un changement aussi radical, qui pourrait aussi affecter d’autres élections à l’Assemblée. Sachant que la procédure électorale ne s’est que récemment rodée selon les grandes lignes décrites dans le dispositif du projet de résolution, nous devrions lui laisser le temps de faire ses preuves, et ne procéder à des changements que s’ils apportent une réelle valeur ajoutée.

3. Plus grande transparence de la procédure d’élection

1. L’un des experts de la réunion de Riga a soumis les propositions les plus radicales à cet égard, à savoir la retransmission des entretiens sur le web, ou au moins la présence d’observateurs extérieurs invités aux entretiens. Pour lui, la transparence totale constituerait la meilleure façon de faire échec aux rumeurs et reproches de « byzantinisme » de la procédure. Les autres experts et membres présents à la discussion étaient beaucoup plus réservés. Leur principal souci était qu’une telle publicité rebute les bons candidats et érode le processus d’élection à l’Assemblée.
2. Je pense que la retransmission en direct des entretiens doit être exclue d’emblée, car elle risquerait de désavantager le premier candidat. Et la publication différée a également beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. Outre son effet dissuasif sur les candidats potentiels, l’audition publique peut avantager indûment les personnes rompues à la parole (universitaires, diplomates et personnalités politiques, notamment), alors que d’autres qualités peuvent compter bien plus chez un bon juge. Cette publicité donnée aux entretiens en affecterait aussi la nature: les participants pourraient être tentés de « parler à la caméra » au lieu de se concentrer sur les qualités des candidats. Le regard cru du public pourrait faire obstacle à la franchise des discussions. Les réponses données en public sur des questions délicates pourraient faire tort aux candidats dans leurs pays d’origine, en particulier s’ils ne sont pas élus ensuite. Et enfin, toute tentative d’explication de la recommandation de la commission par l’effet probable de la publicité pourrait porter atteinte à l’autorité de la commission et à celle des juges élus sur la base de ses recommandations.