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Résolution 2240 (2018)

L’accès illimité des organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies aux États membres, y compris aux «zones grises»

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 10 octobre 2018 (33e séance) (voir Doc. 14619, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Frank Schwabe). Texte adopté par l’Assemblée le 10 octobre 2018 (33e séance).Voir également la Recommandation 2140 (2018).

1. L’Assemblée parlementaire note avec préoccupation les discours prononcés par M. Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, lors des 33e, 35e et 38e sessions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, dans lesquels il a attiré l’attention sur les difficultés auxquelles se heurtent ses propres services et d’autres organes de suivi des droits de l’homme des Nations Unies pour obtenir l’accès au territoire de nombreux États, dont certains États membres du Conseil de l’Europe. Elle rappelle que les organes de suivi du Conseil de l’Europe ont rencontré des problèmes similaires, souvent à propos des mêmes situations ou des mêmes zones géographiques.
2. L’Assemblée réaffirme les obligations juridiques faites aux États membres du Conseil de l’Europe de coopérer pleinement et de bonne foi avec les mécanismes internationaux de suivi des droits de l’homme, y compris ceux du Conseil de l’Europe et des Nations Unies, dont ils ont accepté les mandats, conformément aux conditions et procédures établies des organes concernés. Elle déplore tous les cas de manquement des États à coopérer avec les mécanismes internationaux de suivi des droits de l’homme et insiste sur le fait que tout État membre concerné devrait prendre part sans tarder à une coopération complète et inconditionnelle. Elle soutient sans réserve les efforts des organes concernés pour exercer leur mandat.
3. L’Assemblée estime que les activités des organes de suivi des droits de l’homme qui concernent les territoires placés sous le contrôle d’autorités de fait, y compris leurs contacts avec ces autorités et les visites des territoires en question, ne constituent pas et ne devraient pas être présentées comme une reconnaissance en droit international de la légitimité de ces autorités. Elle considère cependant que l’exercice d’une autorité de fait s’accompagne d’un devoir de respect des droits de tous les habitants du territoire en question, tout comme ces droits seraient respectés par les autorités de l’État dont fait partie ce territoire; la présomption illégitime de l’exercice des pouvoirs de l’État doit elle-même s’accompagner de la présomption de la charge des responsabilités correspondantes de l’État à l’égard de ses habitants. Ces responsabilités comportent l’obligation de coopérer avec les mécanismes internationaux de suivi des droits de l’homme. L’Assemblée appelle également les États qui exercent un contrôle effectif sur les territoires où exercent des autorités de fait à user de leur influence pour permettre aux organes internationaux de défense des droits de l’homme d’assurer un suivi effectif.
4. L’Assemblée se félicite des situations dans lesquelles les organes de suivi du Conseil de l’Europe et des Nations Unies ont eu accès à des «zones grises» (c’est-à-dire aux territoires des États qui relèvent du mandat de ces organes et qui sont sous le contrôle d’autorités de fait). Elle souligne que cette activité exige une attitude constructive de la part des autorités centrales de droit comme des autorités locales de fait: plus particulièrement, les premières doivent permettre l’établissement d’un dialogue satisfaisant entre l’organe de suivi et les autorités locales de fait, et les dernières doivent accepter que les visites de suivi soient effectuées en pleine conformité avec le mandat de l’organe de suivi compétent. L’Assemblée se félicite donc tout spécialement des visites effectuées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe en Transnistrie et en Abkhazie, et elle encourage les autorités de fait respectives, ainsi que les autorités légitimes de la République de Moldova et de la Géorgie, d’œuvrer en faveur de la reprise du suivi du CPT dans ces territoires. Elle encourage également les autorités de fait d’Ossétie du Sud à coopérer avec le CPT. L'Assemblée se félicite de la volonté des «zones grises» qui ont coopéré avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et d'autres mécanismes internationaux de surveillance des droits de l'homme visant à mieux protéger les droits de l'homme dans les zones de conflit.
5. L’Assemblée soutient par ailleurs les efforts d’autres organes de suivi pour examiner la situation des territoires dont l’accès leur a été refusé ou autorisé uniquement à des conditions qui seraient politiquement inacceptables ou incompatibles avec leur mandat. Elle salue l’action menée par le Comité consultatif du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales en vue d’examiner la situation en Crimée à la suite de son annexion illégale par la Fédération de Russie, bien que n’ayant pu avoir accès à la péninsule de Crimée. Elle souligne toutefois que de telles actions, bien que présentant un intérêt, ne sauraient se substituer pleinement à un suivi exercé en pleine conformité avec le mandat de l’organisme compétent, y compris le cas échéant à des visites d’enquête.
6. L’Assemblée est favorable à une approche dans laquelle les États sont présumés avoir consenti aux visites effectuées par les organes de suivi des droits de l’homme dans des circonstances où il existe des raisons de penser que de graves violations des droits de l’homme fondamentaux et de la dignité humaine ont été commises, telles que des menaces de mort, des actes de torture, des traitements inhumains ou dégradants, ou des refus de satisfaire à des besoins humanitaires essentiels. Cette présomption pourrait être mise en pratique en autorisant les États à la réfuter dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsqu’un refus d’accès s’avère indispensable pour des raisons ayant trait à la défense nationale, à la sûreté publique ou à de graves troubles publics locaux. Il appartiendrait cependant à l’État de soulever cette objection après avoir été informé par un organe de suivi de son intention d’effectuer une visite dans des circonstances qui emportent présomption de consentement.
7. L’Assemblée se félicite de la coopération actuellement bien établie entre les organes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies en vue de développer au mieux l’impact, l’efficience et l’efficacité de leurs activités respectives, en profitant réciproquement de leurs connaissances, de leur expérience et de leur expertise. Elle encourage toutes les initiatives qui visent à renforcer cette coopération à l’avenir.