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Résolution 2244 (2018)

Les migrations sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes: donner aux femmes les moyens d'être des actrices essentielles de l'intégration

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 11 octobre 2018 (35e séance) (voir Doc. 14606, rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Gabriela Heinrich; et Doc. 14630, avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Eva-Lena Jansson). Texte adopté par l’Assemblée le 11 octobre 2018 (35e séance).

1. L’Europe est plus que jamais une destination pour les personnes qui cherchent à obtenir une protection internationale en raison de conflits armés ou de crises politiques, ou bien pour échapper à la pauvreté et à des situations d’extrême difficulté. Cet afflux récent accroît encore le nombre de migrants et de réfugiés qui se sont installés de façon permanente dans les pays européens, parfois depuis plusieurs générations.
2. Alors que la question migratoire est devenue un objet d’attention important dans les médias et la politique, et qu’elle est érigée au rang de priorité dans les programmes de tous les partis politiques populistes, l’accent est trop souvent porté sur des événements dramatiques tels que l’arrivée massive de migrants et de réfugiés, sur la capacité d’absorption prétendument ou réellement limitée de certains États et sociétés, et sur les fardeaux financiers qu’ils supportent, ou encore sur la crise de la politique de gestion des migrations de l’Union européenne.
3. L’Assemblée parlementaire considère que les politiques d’intégration devraient occuper une plus grande place dans le débat politique et public, car, à terme, la mesure dans laquelle les migrants et les réfugiés deviennent une ressource et un atout pour le pays hôte, et contribuent à sa richesse économique et culturelle, dépend de leur niveau d’intégration.
4. En outre, les politiques d’intégration doivent tenir compte des caractéristiques démographiques des flux migratoires pour aboutir: les femmes, qui ne représentaient auparavant qu’un faible pourcentage de l’afflux de migrants et qui arrivaient souvent en Europe dans le cadre d’un regroupement familial, migrent aujourd’hui de manière indépendante et en plus grand nombre. Lors de leur fuite vers une vie meilleure, certaines femmes font face à des violations de leurs droits, notamment en étant victimes de la traite, de l’esclavage et d’abus sexuels systématiques, ainsi que de discrimination et de violence ethniques ou racistes. Cette situation rend d’autant plus nécessaire l’intégration de la dimension du genre dans les politiques et les mesures d’intégration, afin de répondre aux vulnérabilités des femmes tout au long du processus migratoire en favorisant leur autonomisation en tant qu’actrices clés pouvant avoir un effet de levier sur l’intégration.
5. L’Assemblée se réfère à sa Résolution 2159 (2017) «Protéger les femmes et les filles réfugiées de la violence fondée sur le genre» et rappelle que plusieurs dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») portent spécifiquement sur les femmes migrantes et réfugiées. Constatant avec regret que les femmes migrantes sont l’objet d’une discrimination multiple et «intersectionnelle», l’Assemblée approuve l’inclusion de l’objectif stratégique de protéger les droits des femmes et des filles migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile dans la Stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023.
6. L’Assemblée souligne l’importance de la Convention d’Istanbul, de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (STCE no 201) et de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), et la nécessité de les mettre en œuvre de manière efficace afin d’offrir une protection aux femmes et aux filles migrantes et réfugiées, et d’assurer que toutes les conditions sont réunies pour que ces femmes deviennent une force pour nos sociétés.
7. En raison du rôle qu’elles jouent au sein de leur famille et dans leur communauté, l’Assemblée est convaincue qu’investir dans l’intégration des femmes migrantes et réfugiées permet de créer une base solide pour l’inclusion et l’intégration des générations futures, et pour le développement de sociétés pacifiques fondées sur l’insertion et la cohésion, ainsi que sur des valeurs communes et sur le respect de la diversité. La présente résolution devrait donc être considérée comme complémentaire de la Résolution 2176 (2017) de l’Assemblée «L’intégration des réfugiés en période de fortes pressions: enseignements à tirer de l’expérience récente et exemples de bonnes pratiques».
8. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à prendre en compte la dimension de genre dans la conception, la mise en œuvre, l’évaluation et le suivi de toutes les politiques d’intégration concernant les migrants et les réfugiés;
8.2. à promouvoir l’autonomisation des femmes migrantes et réfugiées en combattant toutes les formes de discrimination fondées sur le genre ou liées au genre, y compris dans l’accès à l’éducation et à l’emploi, et à élaborer des mesures et des programmes spécifiques pour faciliter leur accès;
8.3. à s’assurer que la protection offerte par les traités internationaux, notamment par la Convention d’Istanbul, la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, et la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, est bien connue de tous ceux qui prennent en charge des femmes migrantes et que les traités sont mis en œuvre de manière efficace;
8.4. à veiller à ce que les droits sociaux des réfugiés et migrants soient respectés d'une manière non sexiste, conformément à la Charte sociale européenne révisée (STE no 163), en particulier en ce qui concerne le congé parental;
8.5. à sensibiliser les femmes migrantes et réfugiées à leurs droits, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à l’emploi, la participation à la vie sociale, économique et culturelle, la protection contre la violence sexiste et domestique, et l’accès à la justice;
8.6. à veiller à ce que le droit au regroupement familial soit appliqué sans retard injustifié, en particulier pour les enfants réfugiés non accompagnés ou les membres de la famille qui ont besoin d’un soutien familial;
8.7. à encourager et à soutenir les initiatives visant à favoriser l’autonomisation des femmes migrantes et réfugiées au sein de leur famille et de leur communauté, et dans l’ensemble de la société, en les aidant à acquérir confiance en soi et autodétermination, et en protégeant les femmes et les filles des formes négatives de contrôle social;
8.8. à protéger les femmes migrantes et réfugiées contre toutes les formes de violences faites aux femmes, y compris les mariages d'enfants, les mutilations génitales infligées aux femmes et les soi-disant «crimes d'honneur»;
8.9. à fournir aux femmes migrantes et réfugiées des informations sexospécifiques sur les normes et attentes culturelles de la société d’accueil, afin de les aider à identifier leur rôle, leurs responsabilités, leurs droits fondamentaux et leurs libertés, et les opportunités qui s’offrent à elles;
8.10. à offrir des possibilités de formation linguistique spécifiquement à l’intention des femmes, et cela rapidement après leur arrivée dans le pays d’accueil;
8.11. à offrir des possibilités de formation professionnelle et d’enseignement supérieur en prenant en compte les aptitudes et les besoins particuliers des femmes migrantes et réfugiées, et la reconnaissance des diplômes et qualifications professionnelles;
8.12. à organiser des activités d’information et de sensibilisation des femmes et des hommes migrants et réfugiés sur l’égalité entre les femmes et les hommes, et sur les droits des femmes tels que garantis dans la loi du pays d’accueil;
8.13. à soutenir et à coopérer étroitement avec la société civile et tous les acteurs désireux de favoriser l’intégration et l’autonomisation des femmes migrantes et réfugiées, y compris les partenaires sociaux et les organisations des femmes migrantes et réfugiées;
8.14. à instaurer des mécanismes pour assurer la consultation systématique des organisations de femmes migrantes et réfugiées, ainsi que des organisations qui les représentent;
8.15. à intégrer le concept d’égalité de genre dans la formation des professionnels et des agents publics participant à tous les niveaux de l’élaboration et de la mise en œuvre des programmes d’intégration;
8.16. à soutenir les programmes de mentorat à l’intention des femmes migrantes et réfugiées, et à s’appuyer sur des personnalités servant de modèles positifs;
8.17. à recueillir et à fournir des données statistiques détaillées par genre sur les migrants et les réfugiés pour déterminer les besoins les plus pressants, déceler les vulnérabilités et les forces spécifiques, et permettre le développement de politiques d’intégration nationales ciblées et plus individualisées.
9. L’Assemblée recommande d’intégrer systématiquement la dimension de genre dans ses activités relatives aux migrations et aux réfugiés, ainsi que dans celles de la Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants et celles du Réseau parlementaire sur les politiques des diasporas.