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Rapport d’observation d’élection | Doc. 14784 | 14 décembre 2018

Observation de l’élection présidentielle en Géorgie (28 octobre et 28 novembre 2018)

Auteur(s) : Commission ad hoc du Bureau

Rapporteur : M. Andrej HUNKO, Allemagne, GUE

0.1. Introduction

1. Lors de sa réunion du 31 mai 2018, le Bureau de l’Assemblée parlementaire a décidé d’observer l’élection présidentielle en Géorgie et de constituer à cette fin une commission ad hoc composée de 31 membres et des deux corapporteurs de la commission de suivi. Le Bureau a par ailleurs autorisé la visite préélectorale d’une délégation de huit membres (un de chaque groupe politique et les deux corapporteurs de la commission de suivi). Lors de sa réunion du 29 juin, le Bureau a nommé M. Andrej Hunko (Allemagne, GUE) à la fonction de président de la commission ad hoc; le Bureau a pris note des déclarations sur l’absence de conflit d’intérêts des candidats à la mission d’observation et a approuvé la composition de la commission ad hoc (voir annexe 1).
2. Conformément à l’accord de coopération signé entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le 4 octobre 2004, des représentants de la Commission de Venise ont été invités à se joindre à la commission ad hoc en qualité de conseillers juridiques.
3. Le Bureau a envoyé une délégation préélectorale en Géorgie les 19 et 20 septembre 2018 pour faire le point sur les préparatifs et sur le climat politique à l’approche de l’élection (voir annexe 1).
4. A l’issue de sa visite de deux jours en Géorgie, la délégation préélectorale a conclu que le climat général était propice à des élections démocratiques. Toutefois, après des discussions avec différents interlocuteurs, elle a jugé nécessaire de souligner que la situation pouvait encore être améliorée et qu’il faudrait mettre à profit le temps qui restait avant le scrutin pour apporter au moins certaines améliorations. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il y ait des abus de ressources administratives pendant cette campagne électorale, comme cela c’était produit lors des élections précédentes. Elle a cependant insisté sur la nécessité d’une totale transparence en ce qui concerne le financement de la campagne de tous les candidats.
5. La commission ad hoc a travaillé dans le cadre de la Mission internationale d’observation électorale (MIOE), qui comprenait des délégations de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP OSCE), du Parlement européen, de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (AP OTAN) et la mission d’observation électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’OSCE (OSCE/BIDDH).
6. La commission ad hoc s’est rendue à Tbilissi du 26 au 29 octobre 2018, où elle a rencontré, notamment, les principaux candidats à l’élection, le président de la commission électorale centrale (CEC), le chef de la mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH et les membres de son équipe, ainsi que des représentants de la société civile et des médias. Le programme des réunions de la commission ad hoc est reproduit à l’annexe 2.
7. La mission internationale d’observation électorale a conclu que l’élection présidentielle tenue le 28 octobre en Géorgie avait été pluraliste et administrée avec professionnalisme. Les candidats ont pu faire librement campagne et les électeurs ont pu faire leur choix sans restrictions. S’agissant de la campagne électorale, la délégation de l’APCE a noté que le système de financement de la campagne était étonnamment généreux, avec de l’argent provenant du budget de l’État et de dons privés – dans un pays ayant un haut niveau de pauvreté. Elle a également constaté la présence d'un nombre considérable de «candidats techniques», dont le rôle était de faire campagne en faveur d'autres candidats, occupant l’espace médiatique et utilisant les financements publics: tous les candidats n’ont donc pas joué à armes égales, ce qui n'a pas amélioré la confiance du public dans le processus électoral démocratique. (Voir Annexe 3).
8. La mission d’observation électorale tient à remercier M. Cristian Urse, chef du Bureau du Conseil de l’Europe en Géorgie, et son personnel, ainsi que le secrétariat de la délégation géorgienne auprès de l’APCE, pour leur contribution à la préparation et à l’organisation de la visite préélectorale.

1. Contexte politique et cadre juridique

9. Le 28 octobre 2018, la Géorgie a organisé sa 7e élection présidentielle depuis l’indépendance du pays en 1991. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a observé toutes les élections en Géorgie depuis 1995. Le contexte de l’élection présidentielle de 2018 diffère considérablement des précédents, car cette élection était la dernière où l’électorat géorgien a élu son Président au suffrage direct. L’actuel Président, M. Guiorgui Margvelashvili, a décidé de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de 2018. En raison de la récente révision de la constitution, les électeurs géorgiens ont élu, pour cette élection uniquement 
			(1) 
			En raison de la révision
constitutionnelle de 2017, à partir de la prochaine élection présidentielle,
le Président sera élu au suffrage indirect par un collège électoral
pour un mandat de cinq ans (article 50.1 de la Constitution de la
Géorgie)., un Président pour un mandat de six ans 
			(2) 
			Article 2.10 modifié
de la Constitution géorgienne. Il convient de noter que cet article
fait partie des dispositions transitoires de la version amendée
de la Constitution du 19 octobre 2017, et qu’il ne figure donc pas
encore dans la Constitution géorgienne. La version amendée de la
Constitution est disponible en géorgien: <a href='https://matsne.gov.ge/ka/document/view/3811818?publication=1'>https://matsne.gov.ge/ka/document/view/3811818?publication=1</a>.. Pour être élu, le candidat doit obtenir la majorité absolue des voix au premier tour. S’il n’en est pas ainsi, un deuxième tour, organisé deux semaines après l’annonce officielle des résultats du premier tour, oppose les deux candidats ayant obtenu les meilleurs résultats au premier tour 
			(3) 
			Articles 105 et 106
du Code électoral..
10. Le cadre juridique est composé des textes suivants: la Constitution de Géorgie de 1995, la loi organique géorgienne «Code électoral de la Géorgie» (adopté en 2011, modifié pour la dernière fois en juillet 2018) (ci-après «le Code électoral»), la loi organique géorgienne de 1997 sur les unions politiques de citoyens, la loi géorgienne de 2008 sur la Cour des comptes, la loi géorgienne de 2004 sur la radiodiffusion, le Code administratif général de la Géorgie et les règlements adoptés par la CEC.
11. La délégation de l’APCE rappelle que la Géorgie a signé et ratifié la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et son Protocole additionnel (STE no 9), qui consacrent plusieurs principes essentiels pour une démocratie effective et véritable, parmi lesquels le droit à des élections libres (article 3 du Protocole additionnel), la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’association, ainsi que l’interdiction de la discrimination (articles 10, 11 et 14 de la Convention).
12. Les révisions constitutionnelles de 2010, 2013 et 2017 ont progressivement réduit les pouvoirs du Président en faveur du Premier ministre et du parlement. Ainsi, le Président n’est pas habilité à révoquer le gouvernement sans l’accord du parlement, et la nomination des gouverneurs incombe désormais au Premier ministre. Depuis les amendements de 2017 
			(4) 
			Constitution
de la Géorgie: <a href='https://matsne.gov.ge/en/document/view/30346?publication=35'>https://matsne.gov.ge/en/document/view/30346?publication=35</a>., comme l’a relevé la Commission de Venise 
			(5) 
			Avis
de la Commission de Venise: <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2018)005-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2018)005-f</a>., le processus de réforme constitutionnelle a complété l’évolution du système politique géorgien vers un régime parlementaire, notamment en supprimant l’élection du Président au suffrage direct et en limitant encore l’étendue des pouvoirs présidentiels.
13. Á la suite de la révision constitutionnelle de 2017, l’élection au suffrage universel direct du Président a été supprimée et remplacée par une élection indirecte par un collège électoral. Le nouveau système électoral entrera en vigueur en 2024, après l’élection présidentielle de 2018. En outre, les pouvoirs du Président seront limités dans un certain nombre de domaines. Par exemple, le Président ne sera pas habilité à mener des négociations internationales avec des pays étrangers (article 52); il jouira de pouvoirs réduits en temps de guerre, car seul le Premier ministre pourra décider d’engager les forces armées, et le Président devra avoir son accord pour proclamer la loi martiale ou l’état d’urgence; de plus, le Conseil national de défense, organe consultatif auprès du Président, perdra son statut permanent et ne sera convoqué qu’en cas d’application de la loi martiale (article 71).
14. Le Code électoral a été modifié en 2016, 2017 et 2018, sans large consensus politique, en partie à la suite des recommandations formulées par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH dans leur avis conjoint de décembre 2011 
			(6) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2011)043-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2011)043-f</a>.. Dans leur avis formulé conjointement en 2016, la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH ont estimé que, malgré quelques modifications positives, le Code électoral avait besoin d’être révisé pour garantir l’effectivité des nouvelles dispositions, ainsi que le plein respect des normes du Conseil de l’Europe et des engagements contractés auprès de l’OSCE 
			(7) 
			<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)003-f'>www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2016)003-f</a>..
15. En 2016, des modifications ont été apportées au Code électoral, dont plusieurs concernaient l’élection présidentielle, à savoir:
  • la présence de policiers à l’extérieur d’un bureau de vote, sans que le président de la commission électorale locale en ait fait la demande ou l’ait approuvée, ne doit être autorisée que dans des circonstances particulières, lorsqu’il est absolument nécessaire de protéger l’ordre public et de mettre fin à des troubles;
  • des bureaux de vote spéciaux ne seront plus mis en place dans les unités militaires de toute la Géorgie. À la place, les militaires voteront dans les bureaux les plus proches de leur lieu d’affectation. Le nombre maximal d’électeurs dans ces bureaux de vote est fixé à 2 000;
  • les militaires peuvent voter à l’élection présidentielle, quel que soit le lieu où ils sont inscrits, à condition d’être stationnés dans leur lieu de déploiement depuis au moins six mois;
  • les militaires qui ne peuvent quitter leur lieu de déploiement pour des raisons de service ou de santé peuvent voter via une urne mobile 
			(8) 
			<a href='https://www.scribd.com/document/319340367/Pre-Election-Monitoring-of-Elections-for-the-Parliament-of-Georgia-and-Adjara-Supreme-Council-on-October-8-2016#from_embed'>www.scribd.com/document/319340367/Pre-Election-Monitoring-of-Elections-for-the-Parliament-of-Georgia-and-Adjara-Supreme-Council-on-October-8-2016#from_embed</a>..

2. Administration des élections, enregistrement des candidats et inscription des électeurs

16. L’élection présidentielle a été gérée par une administration électorale à trois niveaux, qui comprenait la CEC au niveau national, 73 commissions électorales de circonscription et 3 637 commissions électorales locales 
			(9) 
			<a href='http://cesko.ge/eng/list/show/114988-informatsia-da-statistikuri-monatsemebi-2018-tslis-saubno-saarchevno-komisiis-tsevrta-archevisa-da-danishvnis-shesakheb'>http://cesko.ge/eng/list/show/114988-informatsia-da-statistikuri-monatsemebi-2018-tslis-saubno-saarchevno-komisiis-tsevrta-archevisa-da-danishvnis-shesakheb</a>.. Afin de garantir aux ressortissants géorgiens servant dans les forces armées à l’étranger le droit au suffrage universel, deux bureaux de vote ont été mis en place en Afghanistan. En outre, dix commissions électorales locales spéciales ont été créées dans des établissements pénitentiaires.
17. La CEC est l’organe suprême de l’administration électorale. Elle gère et contrôle tous les niveaux de commissions électorales relevant de son autorité. Elle est composée d’un président et de 11 membres. Sur recommandation du Président, le parlement élit cinq membres de la CEC, tandis que les partis politiques qualifiés en nomment six. Le mandat du président et des membres de la CEC nommés par le parlement est de cinq ans.
18. Une commission électorale de circonscription est un organe territorial permanent de l’administration électorale qui supervise la mise en œuvre de la législation électorale et veille à son application uniforme. Elle se compose de 13 membres. La CEC élit cinq membres permanents de la commission électorale de circonscription pour un mandat de cinq ans; en période électorale, les partis qualifiés en nomment sept et la CEC élit un membre supplémentaire. Le 4 août 2018, la CEC a sélectionné 72 membres de commissions électorales de circonscription parmi 173 candidats et rendu un décret confirmant leur nomination 
			(10) 
			Disponible en géorgien
à l’adresse suivante: <a href='http://cesko.ge/res/docs/20180804190340CG168.pdf'>http://cesko.ge/res/docs/20180804190340CG168.pdf</a>..
19. Une commission électorale locale est un organe territorial temporaire de l’administration électorale qui assure l’organisation des élections dans un bureau de vote, la mise en œuvre de la législation électorale, le respect des procédures électorales pendant le scrutin et la protection des droits des électeurs, des représentants et des observateurs. Une commission électorale locale est composée de 13 membres. Une commission électorale supérieure 
			(11) 
			Pour les commissions
électorales locales créées à l’étranger, il s’agit soit de la commission
électorale de circonscription, soit de la CEC. élit six membres et les partis qualifiés nomment les sept autres membres de la commission électorale locale.
20. Des organisations non gouvernementales (ONG) locales ont fait savoir que la nomination de membres temporaires des commissions électorales de circonscription posait problème, car, parmi les membres temporaires sélectionnés pour les 73 commissions électorales de circonscription, 14 étaient liés soit à des fonctionnaires de l’administration électorale, soit à d’autres fonctionnaires. De même, dans sept cas, des partisans ou des militants du parti au pouvoir ont été élus au sein de commissions.
21. En ce qui concerne la composition des commissions électorales de circonscription et des commissions électorales locales, selon de nombreux interlocuteurs de la MIOE, certains membres étaient, semble-t-il, affiliés à des partis politiques. À cet égard, la délégation préélectorale de l’APCE, dans sa déclaration présentée à la fin de sa visite à Tbilissi, le 20 septembre, a estimé que la CEC s’acquittait de sa mission avec professionnalisme et préparait bien l’élection. Elle a cependant considéré que, si l’on voulait renforcer la confiance du public dans l’administration électorale à tous les niveaux, il fallait prendre au sérieux les critiques émanant de la société civile concernant la méthodologie parfois utilisée pour sélectionner les membres des organes électoraux de degré inférieur, dont on pouvait soupçonner qu’elle favorisait le népotisme et/ou certains intérêts politiques.
22. La CEC a travaillé en toute transparence: ses sessions étaient ouvertes aux représentants des médias accrédités auprès de la commission concernée, aux représentants des sujets électoraux, aux observateurs des organisations nationales d’observation enregistrées auprès de la commission concernée et à un maximum de deux observateurs d’une organisation internationale enregistrée auprès de la CEC.
23. Selon la Constitution géorgienne, tout citoyen géorgien ayant le droit de voter peut être élu Président de la Géorgie s’il est âgé de 35 ans ou plus, a résidé en Géorgie pendant au moins cinq ans, n’a pas la double nationalité et vit en Géorgie depuis trois ans à la date de l’élection.
24. Conformément à la législation, les unions politiques de citoyens ont le droit de nommer un candidat à la présidence. Si la nomination est l'initiative d'un groupe d'électeurs, l’article 97 du Code électoral dispose que la nomination d’un candidat à la présidence de la Géorgie doit être approuvée par la signature d’au moins 25 000 électeurs (0,75 % du nombre total d’électeurs). Pour cette élection présidentielle, la CEC a fixé ce nombre à 25 923 électeurs. En ce qui concerne la vérification des signatures de soutien, la CEC ne peut rejeter une signature pour non-authenticité que si l’électeur en question confirme par écrit qu’il n’a pas donné sa signature en soutien au candidat.
25. En vue de cette élection présidentielle, la CEC a enregistré 25 candidats sur la base d’une procédure inclusive. Parmi ces candidats, 19 avaient été nommés par des partis politiques et six par des groupes d’initiatives. Vingt-et-un candidats nommés ont été refusés pour différentes raisons. La délégation d’observation de l’APCE, pendant ses missions préélectorales et sa mission principale d’observation, a été informée par différents interlocuteurs du nombre considérable de «candidats techniques», dont le rôle était de faire campagne en faveur d'autres candidats, occupant l’espace médiatique et utilisant les financements publics, et s’est déclarée préoccupée par le fait que tous les candidats n’avaient donc pas joué à armes égales, ce qui n'avait pas amélioré la confiance du public dans le processus électoral démocratique.
26. Parmi les candidats inscrits, les principaux étaient:
  • Davit Bakradze du Parti Géorgie européenne. M. Bakradze a présidé le Parlement géorgien de 2008 à 2012. C’était sa deuxième candidature à la présidence; en 2013, il était présenté sur la liste du Mouvement national uni (UNM) et avait obtenu 21,72 % des suffrages;
  • Grigol Vashadze, de la coalition dirigée par l’UNM. M. Vashadze a été ministre des Affaires étrangères de 2008 à 2012. Il est membre du Conseil politique de l’UNM, l’organe directeur du parti;
  • Salome Zourabishvili était une candidate indépendante, soutenue par le parti au pouvoir – Rêve géorgien–Géorgie démocratique (GDDG). Née en France dans une famille d’immigrés, elle a été invitée par le Président, Mikheil Saakashvili, à devenir ministre des Affaires étrangères en mars 2004, mais a été démise de ses fonctions en octobre 2005 à l’issue d’une confrontation avec la majorité parlementaire. En 2016, Mme Zurabishvili a été élue membre du Parlement de Géorgie: elle s’est présentée aux élections en tant qu’indépendante, mais a été soutenue politiquement par le GDDG, qui a décidé de ne pas lui opposer de candidat. Bien que Mme Zurabishvili ne fasse pas partie du groupe des 116 membres du GDDG détenant la majorité au parlement et qu’elle conserve son statut de parlementaire indépendante, ses votes et ses déclarations publiques ont été étroitement alignées sur ceux des parlementaires du parti au pouvoir.
27. Les citoyens âgés d’au moins 18 ans au jour du scrutin ont le droit de voter. D’après les données de la CEC, le nombre total d’électeurs s’élevait à 3 518 877 au 27 octobre 2018. La Géorgie utilise un système d’enregistrement passif des électeurs, c’est-à-dire que les électeurs détenant un document d’identité valide ou un passeport sont inscrits de manière permanente sur les listes électorales. Le Code électoral prévoit des procédures de vérification et de correction des listes électorales. De plus, des délais ont été fixés pour contester devant les commissions électorales de circonscription et les tribunaux d’éventuelles inexactitudes sur les listes électorales. Il est notamment interdit de modifier les listes électorales au cours des 12 jours qui précèdent le scrutin 
			(12) 
			Articles
31.13 et 32 du Code électoral.. Les modifications apportées entre le 15e et le 12e jour avant le scrutin ne peuvent l’être que par décision judiciaire. Les interlocuteurs de la délégation d’observation de l’APCE se sont dits confiants dans l’exactitude des listes électorales.
28. Les électeurs résidant à l’étranger ont le droit de participer à l’élection présidentielle. Pour pouvoir voter, ils doivent être inscrits sur le registre du consulat géorgien, ou s’inscrire au consulat au plus tard le 21e jour avant le scrutin, c’est-à-dire le 7 octobre 2018. Les bureaux de vote à l’étranger sont mis en place par la CEC d’après les données communiquées par le ministère des Affaires étrangères au plus tard 30 jours avant le jour du scrutin, pour 20 électeurs au minimum et 3 000 au maximum. Pour le premier tour de l’élection présidentielle du 28 octobre 2018, on a dénombré 5 475 électeurs résidant à l’étranger.
29. Les dispositions de l’article 33 du Code électoral définissent la procédure d’octroi du droit de vote via la liste électorale mobile aux personnes handicapées ou à celles qui sont dans l’incapacité de se rendre dans un bureau de vote (notamment les détenus, les personnes hospitalisées, les personnes placées en rétention administrative). Le Code électoral restreint toutefois cette procédure. En particulier, le nombre d’électeurs inscrits sur une liste électorale mobile ne doit pas dépasser 3 % des électeurs inscrits sur la liste d’un bureau de vote. Une fois le nombre maximal d’électeurs atteint, la commission électorale de circonscription décide de l’ajout d’électeurs sur la liste électorale mobile à la majorité des deux tiers des membres présents à l’une de ses séances.

3. Campagne électorale, financement et environnement médiatique

30. La campagne électorale a été officiellement lancée le 29 août 2018 et des normes relatives à son organisation ont été adoptées. Certains partis politiques et candidats à la présidence ont néanmoins commencé à aller à la rencontre des électeurs avant le lancement officiel de la campagne préélectorale 
			(13) 
			Premier rapport intérimaire
de suivi préélectoral de l’ISFED: <a href='https://www.scribd.com/document/389049136/ISFED-1st-Pre-election-Interim-Report-2018-Presidential-Election'>www.scribd.com/document/389049136/ISFED-1st-Pre-election-Interim-Report-2018-Presidential-Election#from_embed</a>..
31. Les candidats ont pu faire campagne sans restrictions. Le Code électoral ne prévoit pas de période de silence pendant laquelle il est interdit de faire campagne, sauf dans les médias et les bureaux de vote. La campagne électorale a été largement couverte par les médias nationaux et de nombreuses questions ont été débattues sur les réseaux sociaux. Les candidats les plus actifs ont été Davit Bakradze, Grigol Vashadze et Salome Zourabishvili. La campagne de Mme Zourabishvili a bénéficié d’une large visibilité, de grandes affiches en sa faveur ayant été placardées sur des panneaux d’affichage, mais aussi sur des bus privés.
32. En ce qui concerne les thèmes de la campagne électorale, il s’est essentiellement agi de sujets polémiques qui ont polarisé l’opinion publique, plutôt que de questions concernant le mandat présidentiel. En particulier, beaucoup ont compris la déclaration de Salomé Zourabishvili sur la guerre engagée en Ossétie du Sud en août 2008 comme suggérant que la guerre avait été déclenchée par le Gouvernement géorgien et non par son voisin du Nord, même si elle a par la suite clarifié son point de vue. Parmi les autres sujets polémiques de la campagne électorale, nous pouvons mentionner le projet de loi du gouvernement visant à légaliser la marijuana et l'intervention de l'Église orthodoxe géorgienne dans le débat, alors que le Code électoral interdit aux organisations religieuses d'intervenir dans la campagne. Alors que les questions sujettes à controverse ont dominé la campagne au niveau national, dans les régions, la campagne s'est essentiellement concentrée sur des programmes précis concernant des problèmes locaux.
33. Les membres de la MIOE ont été informés de cas isolés d'incidents violents, de perturbations d’activités de campagne, de soupçons d'abus de ressources administratives, de l'utilisation par certains hauts fonctionnaires de pages web institutionnelles aux fins de la campagne et de la participation de fonctionnaires aux activités de campagne pendant les heures de travail. La délégation de l'APCE a exprimé son inquiétude à cet égard, y compris pendant sa mission préélectorale à Tbilissi, et a fait observer que toutes ces activités brouillaient la frontière entre l'État et le parti au pouvoir et étaient contraires aux normes du Conseil de l'Europe en matière d'élections démocratiques.
34. Le financement de la campagne est réglementé par la loi sur les unions politiques de citoyens, le Code électoral et la loi sur le contrôle des finances publiques. À cela s’ajoute le règlement de l’institution de contrôle des finances publiques. Le Code électoral prévoit un financement public (article 56) et privé (article 54). L’institution est chargée du contrôle du financement des partis politiques et des dépenses électorales. Selon l’article 27.1 de la loi sur les unions politiques de citoyens, un citoyen ou une personne morale peut faire un don par virement bancaire d’un montant maximum de 60 000 GEL ou 120 000 GEL par an, respectivement, à un ou plusieurs partis politiques 
			(14) 
			Ces
montants équivalent à environ € 20 000 et € 40 000 respectivement..
35. Aux termes de l’article 26.1 de la loi sur les unions politiques de citoyens, les restrictions imposées à un parti politique s’appliquent aussi aux personnes qui ont fait part de leur intention de se présenter aux élections et qui utilisent des ressources financières et d’autres ressources matérielles à cette fin. L’article 26.3 de cette loi dispose en outre qu’une personne physique qui a annoncé son intention de se présenter aux élections et qui engage des dépenses à cet effet doit créer un compte spécial. Le Code électoral soumet cette personne aux mêmes restrictions qu’un candidat indépendant.
36. Selon l’article 54 du Code électoral, les dépenses de campagne désignent les sommes d’argent destinées à la campagne électorale d’un sujet électoral, ainsi que tout type de biens et de services obtenus à titre gracieux, à l’exception des temps d’antenne gratuits. Un candidat désigné par un sujet électoral utilise le compte de campagne de ce dernier. Au cours des élections, un sujet électoral ne peut utiliser d’autres moyens financiers que ceux provenant du compte de campagne correspondant.
37. Selon la déclaration sur les constatations et conclusions préliminaires de la MIOE, les candidats à la présidence ont reçu, au total, à titre de dons, 5 233 120 laris géorgiens (GEL) (un euro équivaut à environ 3 GEL). Quelque 3 634 380 GEL ont été donnés à Mme Zourabishvili, 617 945 GEL à l’UNM et 599 613 GEL à Géorgie européenne 
			(15) 
			Déclaration sur les
constatations et conclusions préliminaires de la MIOE, p. 9.. Mme Zourabichvili a dépensé 4 084 077 GEL, David Bakradze, de Géorgie européenne–Mouvement pour la liberté, a dépensé 882 313 GEL, Grigol Vashadze, de l’UNM, a dépensé 864 525 GEL et Otar Meunargia, de L’industrie sauvera la Géorgie, a dépensé 222 094 GEL. Tous les autres candidats ont collectivement dépensé 1 132 610 GEL. Trois candidats n'ont fait état d'aucune dépense pendant la période considérée. Seuls les partis qui ont désigné officiellement un candidat sont légalement tenus de déclarer leurs revenus et leurs dépenses pour l'élection présidentielle.
38. La législation relative au financement des partis et des campagnes électorales manque d'uniformité et les modifications législatives récentes n'ont pas tenu compte des recommandations formulées il y a déjà longtemps par le Groupe d'États contre la Corruption du Conseil de l'Europe (GRECO) 
			(16) 
			Addendum
au Deuxième rapport de conformité du GRECO, 2016.. La loi prévoit un financement privé pour tous les candidats et un financement public pour les candidats nommés par des partis. L'absence de réglementation régissant l'obtention de prêts pour les dépenses de campagne et les déclarations sur l'utilisation des fonds a pu contribuer au fait que certains candidats ont été désavantagés. Compte tenu de la répartition très inégale des dons et des plafonds de dépenses extrêmement élevés, les candidats n’ont pas joué à armes égales.
39. A cet égard, la délégation de l’APCE a noté que le système de financement de la campagne était étonnamment généreux, avec de l’argent provenant du budget de l’État et de dons privés – dans un pays ayant un haut niveau de pauvreté.
40. La Commission nationale géorgienne des communications (GNCC) assure la surveillance des médias et le respect des normes énoncées dans le Code électoral, et prend les mesures qui s’imposent pour remédier aux violations 
			(17) 
			Article
50 et suiv. du Code électoral.. D’après le Code électoral, les sujets électoraux qualifiés ont droit à un temps d’antenne gratuit à des fins de publicité politique. Des financements publics sont mis à disposition des partis qualifiés pour couvrir uniquement la publicité préélectorale payante. La loi sur les unions politiques de citoyens précise que les partis politiques admis au bénéfice de financements publics compte tenu de leurs résultats aux dernières élections législatives ont droit à des financements supplémentaires provenant du budget de l’État pendant l’année où se tiennent des élections législatives.
41. Le Code électoral demande aux radiodiffuseurs de respecter les principes d’impartialité et d’équité pendant les campagnes électorales lorsqu’ils diffusent des émissions socio-politiques ayant trait aux élections. Tout radiodiffuseur général qui entreprend de couvrir une campagne électorale devra diffuser les débats préélectoraux de manière non discriminatoire et assurer la participation de tous les sujets électoraux qualifiés relevant de sa zone de couverture.
42. Quelques ONG locales se sont plaintes de la publication, par la GNCC, d’une instruction destinée aux chaînes de télévision qui imposait aux radiodiffuseurs l’obligation de vérifier la crédibilité des sondages d’opinion liés aux élections. D’après ces ONG, en imposant une telle obligation, la GNCC remettait en question sa propre fonction, qui était d’assurer l’égalité des médias et l’accès des électeurs aux informations. La GNCC a infligé une amende à l'une les principales chaînes de télévision privée (Rustavi 2) pour avoir diffusé une publicité politique payante en dehors de la période électorale sans en avoir averti l'autorité de régulation, sachant que les radiodiffuseurs ne sont soumis à une telle obligation que pendant la période préélectorale, soit pendant les 50 jours avant le jour du scrutin.
43. La surveillance des médias assurée par le BIDDH pendant la campagne électorale a révélé que les organes de radiodiffusion avaient pleinement respecté leur obligation légale d'allouer des temps d'antenne gratuits. Ces temps d'antenne ont été largement utilisés par les candidats à la présidence, qui ont eu de nombreuses occasions de présenter leurs points de vue dans le cadre de débats télévisés ou radiodiffusés, et de fréquentes publicités gratuites 
			(18) 
			Déclaration sur les
constatations et conclusions préliminaires de la MIOE, p. 11.. En ce qui concerne la couverture de la campagne électorale, la délégation de l'APCE a toutefois observé que le cadre juridique régissant les médias manquait de clarté sur plusieurs aspects essentiels. Elle a en particulier constaté qu'un nombre considérable de candidats à la présidence avaient utilisé le temps d'antenne gratuit et les publicités payantes pour soutenir d'autres candidats, entraînant une répartition inégale du temps d'antenne gratuit.

4. Jour du scrutin

44. Le jour du scrutin, la commission ad hoc s'est divisée en 15 équipes, qui ont observé l'élection à Tbilissi et dans ses environs, ainsi que dans différentes régions de Géorgie. Les membres de la commission ad hoc ont noté que le vote était bien organisé et que les électeurs avaient pu faire leur choix sans restrictions.
45. Ils ont cependant constaté un certain nombre de dysfonctionnements dans les bureaux de vote visités, à savoir:
  • plusieurs bureaux de vote étaient surchargés;
  • la présence d'un grand nombre de citoyens observateurs et de médias qui représentaient les intérêts de certains candidats, en particulier les intérêts des candidats de Géorgie européenne, de l'UNM et de Rêve géorgien, tandis que certains observateurs n'étaient pas capables d'indiquer quels partis ou candidats ils représentaient;
  • la présence dans certains bureaux de vote ou à proximité de bureaux de vote de soi-disant «coordinateurs» venus pour orienter et «assister» les électeurs, et noter qui a voté;
  • la présence, à proximité de certains bureaux de vote, en particulier dans la région de Marneouli (bureau de vote no 085) et de Bolnissi (bureau de vote no 036), de «coordinateurs» chargés d'organiser les activités de campagne en faveur de certains candidats et tentant d'influencer le choix des électeurs;
  • dans certains régions, un transfert organisé d'électeurs par minibus vers les bureaux de vote;
  • l’accès des personnes à mobilité réduite a posé problème dans un nombre assez important de bureaux de vote;
  • des cas isolés de prises de photographies du scrutin dans les bureaux de vote et de vote familial ont été signalés;
  • dans certains bureaux de vote, des cas de non-respect involontaire des étapes légalement prévues de la procédure de vote ont été constatés;
  • pendant le processus de dépouillement, les observateurs ont constaté des cas de non-respect involontaire des procédures, principalement dans les zones rurales, souvent en raison d’un manque de connaissance des procédures.
46. Selon les résultats officiels annoncés par la CEC, les principaux candidats ont obtenus les résultats suivants: Salome Zourabishvili – 38,64 %; Grigol Vashadze – 37,74 %; Davit Bakradze – 10,97 %; Shalva Natelashvili – 3,74 %; David Uzupashvili – 2,26 %; Zurab Japaridze – 2,26 %; Kakha Kukava – 1,33 %. Autres candidats: moins de 1 % des suffrages. Les deux candidats les mieux placés, Salome Zourabishvili et Grigol Vashadze, ont pris part au deuxième tour de l’élection présidentielle le 28 novembre 2018.
47. Le deuxième tour de l’élection présidentielle a été observé M. Andrej Hunko, chef de la délégation, et Mme Reina de Bruijn-Wezeman, accompagnés de membres du secrétariat de l’Assemblée et de la Commission de Venise.
48. Le 27 novembre 2018, à Tbilissi, la délégation a rencontré les deux candidats à la présidence, Salome Zourabishvili et Grigol Vashadze, et le chef de la mission d’observation électorale de l’OSCE/BIDDH et son personnel, la Présidente de la CEC, les représentants du Bureau de l’Audit d’État et les média.
49. La commission ad hoc a travaillé dans le cadre d’une MIOE, qui comprenait également des délégations de l'Assemblée parlementaire de l’OSCE, du Parlement européen et de la mission d’observation électorale de l'OSCE/BIDDH.
50. Le jour du scrutin, la commission ad hoc s’est divisée en trois équipes, qui ont observé le deuxième tour à Tbilissi et dans les régions. La MIOE a noté que «le jour du scrutin s'est déroulé de manière ordonnée malgré un environnement concurrentiel tendu. L’ouverture, le vote et le dépouillement ont été jugés positifs dans presque tous les bureaux de vote observés et les procédures ont généralement été suivies. L’environnement en dehors des bureaux de vote a renforcé les inquiétudes quant à la possibilité pour les électeurs de voter sans craindre de représailles, d’autant plus que les partisans des candidats utilisaient des listes d’électeurs pour noter qui venait voter. Les observateurs citoyens et les médias agissaient souvent au nom des partis politiques et intervenaient parfois dans le comptage».
51. Le 29 novembre 2018, la CEC a annoncé les résultats du deuxième tour de l’élection présidentielle: Salome Zourabishvili a obtenu 59,52 % et Grigol Vashadze – 40,48 %. Le taux de participation a été de 56,5 %.

5. Conclusions et recommandations

52. La délégation de l’Assemblée a conclu que le premier tour de l’élection présidentielle avait été pluraliste et administré avec professionnalisme. Les candidats ont pu faire librement campagne et les électeurs ont pu faire leur choix sans restrictions. Le jour du scrutin, les membres de la délégation de l'APCE ont constaté la présence, dans certains bureaux de vote ou à proximité de bureaux de vote, de soi-disant «coordinateurs» chargés d'orienter et d'«assister» les électeurs, et de noter qui avait voté. De telles pratiques doivent être exclues du processus électoral.
53. En ce qui concerne la campagne électorale, la délégation de l’APCE a noté qu’elle s’est concentrée sur des sujets polémiques qui ont polarisé l’opinion publique, plutôt que sur des questions qui concernaient le mandat présidentiel. Alors que les questions sujettes à controverse ont dominé la campagne au niveau national, dans les régions, la campagne a été essentiellement axée sur des programmes précis qui concernaient des problèmes locaux. A l’instar des élections précédentes, la délégation a été informée de cas isolés d'incidents violents, de perturbations d’activités de campagne, de soupçons d'abus de ressources administratives et de la participation de fonctionnaires aux activités de campagne pendant les heures de travail. La délégation a exprimé son inquiétude à cet égard, y compris pendant sa mission préélectorale, et a fait observer que toutes ces activités brouillaient la frontière entre l'État et le parti au pouvoir et étaient contraires aux normes du Conseil de l'Europe en matière d'élections démocratiques.
54. En ce qui concerne le cadre juridique, il est propice à la conduite d'élections démocratiques. Le Code électoral a été modifié entre 2016 et 2018, sans large consensus politique, en partie à la suite des recommandations formulées par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH dans leurs avis conjoints. Malgré quelques modifications positives, le Code électoral devrait encore être révisé pour être pleinement conforme aux normes du Conseil de l’Europe.
55. La CEC a travaillé en toute transparence; ses sessions étaient ouvertes aux représentants des médias accrédités et aux représentants des sujets électoraux. La délégation de l’Assemblée a pris note du professionnalisme de la CEC, en qui la plupart des parties prenantes à l'élection avaient toute confiance, et de l'esprit de coopération des membres des bureaux de vote visités par la délégation le jour du scrutin. Cependant, elle a également pris acte des critiques de la société civile concernant la sélection de certains membres des organes électoraux de degré inférieur, dont on pouvait soupçonner qu’elle favorisait le népotisme et/ou certains intérêts politiques.
56. En ce qui concerne le financement de la campagne électorale, la délégation d'observation a noté que la législation relative au financement des partis et des campagnes électorales manquait d'uniformité et que les modifications législatives récentes n'avaient pas tenu compte des recommandations formulées il y a déjà longtemps par le GRECO. L'absence de réglementation régissant l'obtention de prêts pour les dépenses de campagne et les déclarations sur l'utilisation des fonds a pu contribuer au fait que certains candidats ont été désavantagés. Compte tenu de la répartition très inégale des dons et des plafonds de dépenses extrêmement élevés, les candidats n’ont pas joué à armes égales.
57. A cet égard, la délégation de l’APCE a noté que le système de financement de la campagne était étonnamment généreux, avec de l’argent provenant du budget de l’État et de dons privés – dans un pays ayant un haut niveau de pauvreté. Elle a également constaté la présence d'un nombre considérable de «candidats techniques», dont le rôle était de faire campagne en faveur d'autres candidats, occupant l’espace médiatique et utilisant les financements publics: tous les candidats n’ont donc pas joué à armes égales, ce qui n'a pas amélioré la confiance du public dans le processus électoral démocratique.
58. Pour ce qui est de la couverture médiatique de la campagne électorale, la délégation d’observation a noté que les organes de radiodiffusion avaient pleinement respecté leur obligation légale d'allouer des temps d'antenne gratuits. Ces temps d'antenne ont été largement utilisés par les candidats à la présidence, qui ont eu de nombreuses occasions de présenter leurs points de vue dans le cadre de débats télévisés ou radiodiffusés, et de fréquentes publicités gratuites. La délégation de l'APCE a aussi observé que le cadre juridique régissant les médias manquait de clarté sur plusieurs aspects essentiels. Elle a en particulier constaté qu'un nombre considérable de candidats à la présidence avaient utilisé le temps d'antenne gratuit et les publicités payantes pour soutenir d'autres candidats, entraînant une répartition inégale du temps d'antenne gratuit.
59. La MIOE a conclu que le deuxième tour de l'élection présidentielle en Géorgie «était concurrentiel et que les candidats pouvaient faire campagne librement, mais l'une des parties jouissait d'un avantage indu et le caractère négatif de la campagne des deux côtés compromettait le processus. Les élections ont été bien organisées. L'absence de réglementation des principaux aspects du second tour n'a pas apporté de sécurité juridique. La campagne a été marquée par une rhétorique sévère. L'abus accru de ressources administratives a estompé davantage la frontière entre le parti et l'État. Les médias privés ont continué à manifester une forte polarisation et des préjugés évidents, tandis que le radiodiffuseur public n'a pas assuré l'indépendance et l'impartialité éditoriales. Le jour du scrutin, les électeurs ont activement participé et le processus a été évalué positivement, bien que le suivi observé des électeurs ait renforcé les inquiétudes relatives à une éventuelle intimidation» 
			(19) 
			Déclaration sur les
constatations et conclusions préliminaires de la MIOE pour le deuxième
tour, p. 1..
60. La délégation d’observation de l’APCE a également souligné que «le deuxième tour de l’élection présidentielle a confirmé les inquiétudes exprimées par la délégation de l’Assemblée après le premier tour – en particulier le système étonnamment généreux de financement des campagnes et des partis provenant du budget de l’État et de dons privés. En outre, on peut s'interroger sur le moment, juste avant le second tour, de l'annonce par le gouvernement d'une opération d’allègement de la dette de centaines de milliers d'électeurs, financée par une fondation privée affiliée au chef du parti au pouvoir. Cette augmentation du rôle de l'argent dans la politique dans un pays très pauvre et sans mécanisme de contrôle efficace n'a pas contribué à la confiance du public dans des élections démocratiques» (voir annexe 4).
61. La délégation de l'APCE considère que l'Assemblée devrait poursuivre sa coopération étroite avec les institutions géorgiennes, par le biais de sa procédure de suivi, ainsi qu’avec la Commission de Venise, afin de résoudre les problèmes constatés pendant l'élection présidentielle de 2018, de consolider encore le cadre juridique et d'améliorer les pratiques électorales.

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

(open)

Sur la base des propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme suit:

Président: M. Andrej HUNKO, Allemagne*

Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)

  • Mme Boriana ÅBERG, Suède*
  • M. Corneliu Mugurel COZMANCIUC, Roumanie
  • Mme Iryna GERASHCHENKO, Ukraine
  • Mme Inese LĪBIŅA-EGNERE, Lettonie
  • M. Georgii LOGVYNSKYI, Ukraine
  • M. Rónán MULLEN, Irlande
  • Mme Bérengère POLETTI, France
  • M. Birgir THÓRARINSSON, Islande

Groupe des socialistes, démocrates et verts (SOC)

  • Mme Maryvonne BLONDIN, France*
  • M. Boriss CILEVIČS, Lettonie
  • M. Etienne GRECH, Malte
  • Mme Josephine ORTLEB, Allemagne
  • M. Stefan SCHENNACH, Autriche

Groupe des conservateurs européens (CE)

  • Lord David BLENCATHRA, Royaume-Uni*
  • Sir Edward LEIGH, Royaume-Uni

Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)

  • Mme Reina de BRUIJN-WEZEMAN, Pays-Bas
  • M. Alfred HEER, Suisse*
  • Mme Nellija KLEINBERGA, Lettonie
  • M. Andrii LOPUSHANSKYI, Ukraine
  • Mme Olena SOTNYK, Ukraine

Groupe pour la gauche unitaire européenne (GUE)

  • M. Paul GAVAN, Irlande
  • Mme Miren Edurne GORROTXATEGUI, Espagne
  • M. Andrej HUNKO, Allemagne*

Rapporteure de la commission de suivi

  • Mme Kerstin LUNDGREN, Suède

Commission de Venise

  • M. Eirik HOLMØYVIK, membre suppléant, Norvège
  • M. Gaël MARTIN-MICALLEF, Conseiller juridique

Secrétariat

  • M. Chemavon CHAHBAZIAN, Chef de la Division d’observation des élections et de coopération interparlementaire
  • Mr Bogdan TORCATORIU
  • Mme Danièle GASTL, Assistante
  • Mme Anne GODFREY, Assistante

* Membre de la mission préélectorale.

Annexe 2 – Programme des réunions de la mission d'observation électorale (26-29 octobre 2018)

(open)

Vendredi 26 octobre 2018

13:00-13:20 M. Kristian Vigenin, coordinateur spécial, chef de la mission d’observation de courte durée de l’OSCE

  • M. Andrej Hunko, chef de la délégation de l’APCE
  • Mme Margareta Cederfelt, chef de la délégation de l’AP OSCE
  • Mme Laima Liucija Andrikiene, chef de la délégation du Parlement européen
  • Mme Rasa Jukneviciene, chef de la délégation de l’AP OTAN

13:20-15:30 Réunion d’information par la mission d’observation électorale du BIDDH – 1ère partie:

  • Allocution de bienvenue: Ambassadeur Geert-Hinrich Ahrens, chef de la mission
  • Le contexte politique, le paysage médiatique et la campagne: Mme Gabriela Skulova, analyste politique, et M. Egor Tilpunov, analyste des médias
  • Cadre juridique, recours – Mme Kseniya Dashutina, analyste juridique
  • Administration des élections et inscription des électeurs: Mme Iuliia Shypilova, analyste des élections

15:30-17:00 Loi et administration électorales, table ronde

  • Mme Tamar Zhvania, présidente, commission électorale centrale
  • M. Mikheil Benidze, directeur exécutif, Société internationale pour des élections équitables et pour la démocratie (ISFED)
  • M. Suikhan Saladze, président, Association géorgienne des jeunes avocats (GYLA)

17:30-19:00 Campagne et médias, table ronde

  • M. George Gvimradze, directeur de l’information et des questions d’actualité, Radiodiffuseur public géorgien
  • M. Nika Gvaramia, directeur général, Rustavi 2
  • Mme Eka Gigauri, directrice exécutive, Transparency International
  • Mme Tamar Khorbaladze, présidente du conseil d’administration, Media Development Foundation (MDF)
  • M. Ivane Makharadze, chef du service de régulation des services médiatiques audiovisuels, Commission nationale géorgienne des communications

Samedi 27 octobre 2018

09:00-11:55 Rencontres avec les candidats à la présidentielle:

  • Mme Salome Zourabichvili – candidate indépendante
  • M. David Bakradze – «Géorgie européenne–Mouvement pour la liberté»
  • M. David Usupashvili – «Démocrates libres»
  • M. Gregory Vashadze – Opposition unie «L’union fait la force»
  • M. Shalva Natelashvili – Parti travailliste de Géorgie
  • M. Zurab Japaridze – «Nouveau centre–Girchi»
  • M. Kakha Kukava – «Géorgie libre»

12:10-13:10 Réunion d’information par la mission d’observation des élections du BIDDH – 2e partie:

  • Procédures le jour du scrutin et formulaires d'observation: Mme Iuliia Shypilova, analyste des élections et Mme Meaghan Fitzgerald, chef adjointe de la mission
  • M. Anders Eriksson et M. Max Bader, analystes statistiques
  • Sécurité: M. Davor Ćorluka, expert en sécurité

13:10-13:30 Réunion d’information régionale avec les observateurs à long terme de la MOE du BIDDH pour les équipes déployées à Tbilissi

Dimanche 28 octobre 2018

Observation de l’élection

Lundi 29 octobre 2018

08:00 Réunion de debriefing de la délégation

14:30 Conférence de presse

Annexe 3 – Communiqué de presse de la Mission internationale d’observation électorale (premier tour)

(open)

Les électeurs ont eu véritablement le choix et les candidats ont fait campagne librement, mais dans des conditions inéquitables, affirment les observateurs internationaux

Tbilissi, 29 octobre 2018 – L’élection présidentielle du 28 octobre en Géorgie a été pluraliste et gérée de manière professionnelle. Les candidats ont pu faire campagne librement et les électeurs ont eu véritablement le choix malgré des cas de détournement de fonds publics et une participation à la campagne de hauts responsables de l’État du parti au pouvoir pas toujours conforme à la loi, ont conclu les observateurs internationaux dans une déclaration préliminaire publiée aujourd’hui. Un déséquilibre important des dons et des plafonds de dépenses excessivement élevés ont aussi contribué à des conditions inéquitables, est-il indiqué dans la déclaration.

Si les radiodiffuseurs de service public ont fourni à tous les candidats un espace pour présenter leurs positions, la forte polarisation des médias privés et l’absence de reportages analytiques ainsi que les campagnes négatives et la virulence du discours des participants ont limité la capacité des électeurs à faire un choix en toute connaissance de cause, ont ajouté les observateurs. Les modifications légales qui ont renforcé la représentation du parti au pouvoir à tous les niveaux de l’administration électorale et la transparence insuffisante dans la sélection des membres sans affiliation partisane des commissions de niveau inférieur ont pesé sur l’idée que le grand public s’est faite de leur impartialité.

«Lors de cette élection, la Géorgie a apporté la preuve de la maturité de sa démocratie, ce qui suscite encore plus d’attentes. Par conséquent, tout en saluant les réalisations, il importe d’être conscient des insuffisances liées au climat de la campagne, aux finances et à l’environnement juridique en général», a déclaré Kristian Vigenin, coordinateur spécial et chef de la mission d’observation de courte durée de l’OSCE. «Nous espérons que la population géorgienne participera activement au second tour et que le résultat reflétera parfaitement sa volonté.»

Si, d’une manière générale, les libertés fondamentales ont été respectées et si les candidats ont pu faire campagne librement, plusieurs activités de campagne ont été perturbées et certains bureaux ou matériels de campagne des partis ont été vandalisés. La campagne a été dominée par des sujets polarisants, le dénigrement et de vives accusations entre le parti au pouvoir et l’un des partis d’opposition.

«Le scrutin d’hier a été bien organisé et les électeurs ont fait leur choix sans restriction», a indiqué Andrej Hunko, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. «Des sommes prodigieuses ont été dépensées pendant la campagne électorale, et ce dans un pays où le niveau de pauvreté est élevé. Le nombre important de candidats qui ont apparemment fait campagne pour le compte d’autres candidats, compromettant ainsi l’égalité des chances et entamant la confiance des citoyens dans le processus électoral a été un autre sujet de préoccupation.»

Selon Margareta Cederfelt, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE: «Avec le scrutin d’hier, la Géorgie a montré que des efforts sont faits pour améliorer le processus électoral. J’encourage toutes les parties prenantes aux élections, en particulier les médias et la société civile, à faire preuve du plus haut degré d’éthique professionnelle, en particulier pendant la campagne du second tour. Je tiens à féliciter la population géorgienne, les jeunes en particulier, qui ont une fois de plus apporté la preuve de leur profond attachement à la démocratie.»

La collecte de données personnelles d’électeurs par le parti au pouvoir n’a pas laissé d’être préoccupante et des pressions liées à cette pratique ont été observées le jour du scrutin. Le vote a fait l’objet d’une évaluation positive malgré quelques problèmes de procédure lors du dépouillement et le fait que de nombreux citoyens observateurs et représentants des médias ont agi au nom de partis politiques.

Les représentants des candidats et des organisations citoyennes et internationales ont été autorisés à observer l’ensemble du processus électoral et l’accréditation s’est faite sans discrimination et avec professionnalisme. Pendant la période préélectorale, de hauts responsables du parti au pouvoir et de hauts fonctionnaires ont violemment attaqué le travail et les représentants de groupes de citoyens observateurs. Cela étant, le travail d’observation de plus de 70 organisations de citoyens observateurs a contribué à la transparence du processus.

«Nous nous félicitons du caractère pluraliste de l’élection et de l’engagement résolu d’organisations indépendantes de la société civile, mais nous sommes préoccupés par le fait que certaines ont été la cible d’attaques verbales de la part de hauts responsables de l’État», a indiqué Laima Andrikienė, chef de la délégation du Parlement européen. «Nous regrettons aussi que l’occupation de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie par la Russie et la décision des autorités locales de fait de fermer la frontière administrative avec l’Ossétie du Sud à l’occasion des élections ait privé de nombreux citoyens géorgiens de la possibilité de voter».

Au total, 25 candidats, 16 issus de partis politiques et 9 indépendants, ont été enregistrés dans le cadre d’un processus transparent et inclusif. Les données sur les électeurs ont pu être achetées et l’authenticité des signatures de soutien n’a pas pu être vérifiée faute de mécanisme efficace. Il est devenu clair pendant la campagne qu’un nombre important de candidats s’étaient faits enregistrer de manière à pouvoir profiter des fonds publics et du temps d’antenne gratuit pour soutenir d’autres candidats, qui ont ainsi bénéficié d’un avantage déloyal.

«La Géorgie est un exemple positif de réforme et un élément moteur de l’intégration euro-atlantique. J’ai été hier impressionnée de voir de nombreux citoyens déterminés à exercer leur droit démocratique», a indiqué Rasa Juknevičienė, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. «Cela étant, ces élections montrent que sans garanties solides, la concentration du pouvoir et des ressources peut être un risque pour la démocratie».

Du côté positif, les deux radiodiffuseurs de service public ont décidé d’offrir à tous les candidats le même temps d’antenne gratuit et ont organisé de nombreux débats au cours desquels ceux-ci ont pu présenter leurs points de vue. L’autorité de régulation des médias n’a pas toujours été transparente et impartiale lorsqu’elle est intervenue dans la campagne. Les résultats de la surveillance des médias ont mis en évidence une nette partialité dans la couverture des médias privés.

«L’engagement visible des électeurs ne devrait pas être amoindri par les membres de la classe politique qui font campagne. Malheureusement, nous avons été témoins d’affrontements violents, d’exagérations grossières, de campagnes de dénigrement et d’insultes personnelles», a déclaré l’ambassadeur Geert-Hinrich Ahrens, chef de la mission d’observation électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE. «En cas de second tour, la mission d’observation électorale du BIDDH restera sur place pour l’observer».

Le cadre juridique offre une bonne base pour la tenue d’élections démocratiques. Si la révision du Code électoral en 2017 et 2018 a apporté des améliorations techniques, certaines lacunes demeurent et les modifications récentes ont été une occasion manquée de tenir compte d’autres recommandations antérieures du BIDDH et du Conseil de l’Europe et de supprimer les lacunes et les incohérences, est-il indiqué dans la déclaration.

La législation sur le financement des partis et des campagnes électorales n’est pas uniforme et les récentes modifications législatives n’ont pas tenu compte des recommandations de longue date du BIDDH et du GRECO du Conseil de l’Europe. L’absence de réglementation sur l’obtention de prêts pour financer les dépenses de campagne et l’établissement de rapports sur l’utilisation de ces fonds contribue potentiellement à une inégalité des chances. Bien que la Cour des comptes ait vérifié et publié rapidement les rapports avant l’élection, l’absence de délais précis pour traiter des violations et de l’insuffisance des ressources de l’institution ont soulevé des inquiétudes quant à l’efficacité du contrôle du financement des campagnes électorales.

Annexe 4 – Communiqué de presse de la Mission internationale d’observation électorale (second tour)

(open)

Les candidats ont fait campagne librement pour le second tour en Géorgie et l’élection a été pluraliste, malgré l’avantage indu dont l’un des camps a bénéficié et malgré le ton dénigrant de la campagne, qui a nui au processus, affirment les observateurs internationaux

Tbilissi, 29 novembre 2018 – Le second tour de l’élection présidentielle en Géorgie a permis une réelle concurrence et les candidats ont pu faire campagne librement, bien que l’un des camps ait bénéficié d’un avantage indu et bien que le ton dénigrant de la campagne, dans les deux camps, ait nui au processus, selon les conclusions formulées par les observateurs internationaux dans leur déclaration préliminaire. Si l’élection a été bien administrée, l’absence de dispositions régissant des aspects clés du second tour a néanmoins entraîné un manque de sécurité juridique, estiment les observateurs.

La campagne pour le scrutin du 28 novembre a été entachée par des propos agressifs et par des incidents de violence isolés, ainsi que par une utilisation à mauvais escient des ressources de l’État, phénomène qui s’est accentué par rapport au premier tour et a estompé davantage encore la limite entre parti et État, d’après les observateurs. Ceux-ci ajoutent que les médias privés ont continué à se caractériser par un fort clivage et par une couverture peu objective de la campagne, tandis que le radiodiffuseur public n’a pas assuré l’indépendance et l’impartialité éditoriales.

«Les citoyens géorgiens ont fait leur choix. Il appartiendra ensuite aux autorités de traiter sans tarder tous les aspects problématiques mis en évidence dans nos conclusions préliminaires et dans le rapport final sur l’élection», a déclaré Kristian Vigenin, coordonnateur spécial et chef de la mission d’observation à court terme de l’OSCE. «Je pense que nous poursuivons le même but: améliorer le processus électoral, et ainsi renforcer la démocratie dans le pays. J’espère que maintenant, après des mois de campagne marqués par des tensions et par un clivage de la société, la nouvelle Présidente mettra tout en œuvre pour garantir l’unité de la nation.»

Ce second tour a été organisé car aucun candidat n’avait recueilli plus de 50 pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour, le 28 octobre. La décision de la Commission électorale centrale (CEC) de fixer la date du second tour au 28 novembre – un mercredi – a provoqué une controverse, suscité des objections de la part des partis d’opposition et conduit la société civile à lancer des appels à revenir sur ce choix. En choisissant la date du scrutin, la CEC a certes agi dans le cadre de ses prérogatives, mais les circonstances ayant entouré la décision ont entamé la confiance dans l’institution. Par ailleurs, l’élection a été bien gérée et la CEC a organisé des formations pour remédier aux défaillances procédurales constatées lors du premier tour.

Les activités de campagne se sont intensifiées à l’approche du second tour et plusieurs manifestations, contre l’opposition ou contre le gouvernement, organisées avant le scrutin ont attisé les tensions entre les deux camps. Les autorités n’ont rien fait pour limiter les propos dénigrants, virulents et parfois agressifs. À l’utilisation à mauvais escient de ressources de l’État s’est ajoutée l’annonce de plusieurs mesures sociales et financières, en particulier un allègement de la dette de 600 000 personnes, financé par une institution privée liée au dirigeant du parti au pouvoir. Ces incidents et l’implication dans la campagne de hauts fonctionnaires membres du parti au pouvoir ont estompé davantage encore la séparation entre État et parti, selon la déclaration des observateurs.

«Nous notons que la date du second tour n’a pas été choisie de manière inclusive ni dans l’intérêt de tous les électeurs, ce qui a fait soupçonner une motivation politique de ce choix», a indiqué Laima Andrikienė, chef de la délégation du Parlement européen. «L’annonce, quelques jours seulement avant un second tour âprement disputé, d’un allègement de la dette de 600 000 personnes, rendu possible grâce à une entité dont le propriétaire est le dirigeant du parti au pouvoir, pourrait être considérée comme une tentative d’achat de voix. Les cas d’intimidation et de pression sur des électeurs doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies et de poursuites. En outre, l’envoi massif de messages téléphoniques préenregistrés et de textos est une pratique très discutable.»

Margareta Cederfelt, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE s’est exprimée ainsi: «Lors de ce second tour, le peuple géorgien a une nouvelle fois montré son attachement à la démocratie en participant activement au processus électoral. Malheureusement, l’utilisation accrue de propos agressifs dans la campagne de l’entre-deux-tours a rendu le climat électoral très tendu.»

La collecte de données sur les électeurs et leurs préférences politiques faisait craindre des intimidations et douter de la possibilité pour la population de voter sans peur de représailles. Ces inquiétudes ont été renforcées par la présence à l’extérieur des bureaux de vote, le jour du scrutin, de soutiens des candidats, qui utilisaient les listes électorales pour noter qui venait voter, ont déclaré les observateurs. Les opérations d’ouverture de bureau, de vote et de dépouillement réalisées le jour du scrutin ont été évaluées positivement dans la quasi-totalité des bureaux de vote observés, et les procédures ont généralement été suivies, même si les observateurs citoyens et les représentants des médias agissaient souvent au nom de partis politiques et se sont parfois immiscés dans le comptage des voix.

Les obligations liées à la publication des comptes de campagne pour le second tour ont été définies moins de deux semaines avant le scrutin. Le déséquilibre important des dons de campagne en faveur de la candidate soutenue par le parti au pouvoir, déjà constaté lors du premier tour, s’est confirmé lors du second tour. Il n’y a aucune obligation de rendre compte des activités de campagne menées par des tiers, y compris des mouvements de protestation publique, qui ont principalement profité à la candidate soutenue par le parti au pouvoir. Les deux candidats ont reçu des aides de partis qui ne présentaient pas de candidat au second tour et ces contributions n’ont pas été déclarées. La plupart des plaintes relatives au financement de la campagne pour les deux tours n’avaient pas encore été examinées lors du scrutin du second tour, ce qui a renforcé les doutes sur l’application effective des règles de financement de la campagne, est-il indiqué dans la déclaration.

«Le second tour de l’élection présidentielle a confirmé les inquiétudes exprimées par la délégation de l’APCE après le premier tour, notamment au sujet du caractère étonnamment généreux du système de financement de la campagne et du parti par le budget de l’État et des dons privés. En outre, il est permis de s’interroger sur l’opportunité de l’annonce gouvernementale, faite juste avant le second tour, concernant l’allègement de la dette de centaines de milliers d’électeurs, financé par une fondation privée liée au dirigeant du parti au pouvoir», a déclaré Andrej Hunko, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. «Ce rôle accru de l’argent dans la politique d’un pays caractérisé par un niveau de pauvreté élevé, et dépourvu de mécanismes de contrôle efficaces, n’était pas propre à susciter la confiance de la population dans les élections démocratiques.»

L’ambiguïté des dispositions applicables à la campagne a entraîné un manque de sécurité juridique et des interprétations incohérentes et contradictoires. En outre, les modifications récentes n’ont pas permis de régler les problèmes constatés lors de précédentes élections à deux tours ni de donner suite aux recommandations déjà formulées par le BIDDH, qui préconisait d’établir des règles claires pour le second tour.

L’absence de dispositions précises a aussi eu pour effet de limiter la durée de la campagne officielle dans les médias. Sans y être contraints par la loi, la plupart des radiodiffuseurs nationaux ont néanmoins accordé du temps d’antenne aux deux candidats. Le radiodiffuseur public était ouvertement défavorable à l’opposition. Les médias privés ont continué à se caractériser par un fort clivage et par une couverture peu objective de la campagne, et certains ont exprimé plus énergiquement leurs opinions politiques à l’approche du second tour, selon les résultats du suivi des médias.

«La Géorgie a une bonne réputation démocratique au niveau international et l’attachement à la démocratie manifesté par les citoyens et les électeurs était impressionnant. L’élection a cependant été entachée par une confrontation inutilement violente, par des tentatives de dénigrement et par des attaques personnelles de la part de certains membres de la classe politique, qui auraient mieux fait de traiter les questions vraiment importantes pour la Géorgie, comme l’État de droit et les inégalités économiques», a estimé l’ambassadeur Geert-Hinrich Ahrens, chef de le mission d’observation électorale du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’OSCE. «Ces pratiques de dénigrement ont été pires encore qu’avant le premier tour.»

Près de 700 plaintes ont été déposées après le premier tour. Elles concernaient principalement des manquements aux règles lors du vote et du dépouillement. Nombre de ces recours ont été rejetés pour des raisons formelles, ce qui témoigne de la méconnaissance des procédures de la part des auteurs des plaintes. Les plaintes n’ont pas été dûment examinées quant au fond et les commissions ont donné des interprétations étroites ou incohérentes de la loi, ce qui a porté atteinte au droit à un recours effectif.