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Résolution 2251 (2019)

Mise à jour des lignes directrices pour garantir des référendums équitables dans les États membres du Conseil de l'Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 22 janvier 2019 (3e séance) (voir Doc. 14791, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteure: Dame Cheryl Gillan). Texte adopté par l’Assemblée le 22 janvier 2019 (3e séance).

1. L’expérience acquise en matière référendaire depuis l’adoption, en 2007, par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), à la demande de l’Assemblée parlementaire, du Code de bonne conduite en matière référendaire (ci-après «le code»), appelle aujourd’hui au renforcement des règles régissant la tenue de référendums, à l’amélioration du respect du code par les États membres du Conseil de l’Europe ainsi qu’au partage de bonnes pratiques sur tout le continent.
2. En particulier, dans certains pays, des référendums tenus récemment ont soulevé des préoccupations quant à leur organisation et/ou à l’équité du résultat. D’autres pays ont exploré des pratiques référendaires novatrices, dont les décideurs politiques de l’ensemble des États membres pourraient bénéficier. De plus, le développement d’internet, en particulier des médias sociaux, a fondamentalement changé la nature des campagnes politiques et des attentes des citoyens à l’égard de la démocratie.
3. Par conséquent, l’Assemblée se félicite du fait qu’un processus de mise à jour du code de 2007 ait été engagé par la Commission de Venise et invite cette dernière à prendre en compte, dans le code révisé, les principes généraux suivants:
3.1. les référendums devraient s’inscrire dans le processus de démocratie représentative et ne pas être utilisés par l’exécutif pour passer outre la volonté du parlement, ni être organisés dans le but d‘éviter les freins et contrepoids habituels;
3.2. les propositions soumises à référendum devraient être aussi claires que possible et avoir fait l’objet d’un examen préalable minutieux, y compris par le parlement, afin de garantir qu’elles reflètent les préoccupations des électeurs et qu’elles expriment leur volonté;
3.3. la campagne devrait garantir l’équilibre entre les parties et permettre aux électeurs d’accéder à des informations équilibrées et de qualité afin de faire un choix éclairé.
4. En ce qui concerne certains aspects spécifiques de la conduite d’un référendum, l’Assemblée invite la Commission de Venise à envisager d’inclure, dans le code révisé, les éléments suivants:
4.1. l’exécutif ne devrait pas être en mesure de convoquer un référendum sur une proposition constitutionnelle, sauf lorsque la décision de tenir un référendum a déjà été approuvée par le législateur ou si la proposition soumise au vote populaire a été adoptée par le corps législatif;
4.2. il ne devrait pas être possible de tenir un référendum en même temps que d’autres élections, afin de permettre aux électeurs de prendre des décisions éclairées lorsqu’ils votent;
4.3. dans la mesure du possible, les référendums devraient être postlégislatifs. À défaut, il conviendrait de définir un processus prévoyant la tenue de deux référendums si le premier ne permettait pas aux électeurs de faire un choix entre les options finalement offertes;
4.4. pour éviter les risques d’un taux de participation faible, tout en maintenant le principe de ne pas conditionner les résultats d’un référendum à un quorum de participation, seuls les sujets susceptibles de susciter un intérêt public significatif devraient, dans la mesure du possible, être soumis à référendum;
4.5. il ne devrait pas être possible de soumettre à référendum une proposition allant à l’encontre des conditions d’adhésion au Conseil de l’Europe telle que la proposition de réintroduire la peine de mort;
4.6. des questions autres que celles appelant à répondre par «oui» ou par «non», y compris celles proposant plusieurs options, devraient être permises lorsqu’elles offrent aux électeurs un choix plus clair;
4.7. un organe impartial devrait effectuer une vérification de toutes les questions référendaires proposées, de manière à s’assurer qu’elles sont claires, compréhensibles et neutres. En cas de formulation des questions référendaires selon un format prédéfini, il conviendrait de réexaminer périodiquement ce dernier, afin de veiller à ce que le bulletin de vote réponde à ces critères;
4.8. en cas de référendums d’initiative citoyenne, le nombre de signatures requises pour déclencher un référendum devrait être suffisamment élevé pour avoir l’assurance que la proposition bénéficie d’un soutien véritablement important; l’élaboration de procédures selon lesquelles les pétitions de citoyens ne donneraient pas directement lieu à un référendum, mais plutôt à une assemblée de citoyens qui recommanderait les suites à donner, pourrait être encouragée;
4.9. toutes les parties devraient disposer de suffisamment de temps pour développer et faire valoir leur point de vue, et les électeurs pour entendre les arguments et se faire une opinion. Bien qu’une période de préparation beaucoup plus longue soit souhaitable, en particulier si le sujet n’a pas déjà fait l’objet de débats publics étendus, le délai minimal absolu entre la convocation d’un référendum et le jour du scrutin pourrait être fixé à quatre semaines;
4.10. l’interdiction de l’utilisation par les autorités de fonds publics à des fins de propagande devrait s’étendre à toute la durée de la campagne;
4.11. en cas d’allocation de fonds publics, le principe de l’égalité entre les parties devrait prévaloir sur celui de la distribution proportionnelle des ressources;
4.12. le principe de la transparence devrait s’appliquer aussi bien aux sources du financement d’une campagne qu’à l’utilisation de ces fonds; le plafonnement des dépenses et/ou des dons devrait être encouragé et les financements étrangers interdits;
4.13. de nouvelles règles sur la transparence des matériels de campagne devraient s’imposer, notamment un étiquetage clair permettant d’identifier l’origine de toutes les publicités; une réglementation rigoureuse et indépendante de la presse et une vérification impartiale des faits devraient être encouragées afin de faire face aux fausses informations;
4.14. une instance indépendante, plutôt que les autorités, devrait avoir la responsabilité de fournir des informations officielles; celles-ci devraient, au minimum, énoncer la question référendaire et indiquer en détail quand et comment les citoyens peuvent voter, et, dans la mesure du possible, également fournir des explications sur les propositions et une analyse de ces dernières;
4.15. les pouvoirs de sanction devraient couvrir tous les aspects de la réglementation des campagnes, y compris les manquements aux règles sur le financement de la campagne; les amendes devraient être proportionnelles à l’ampleur du financement de la campagne.
5. L’essor des médias numériques et la convergence croissante de la presse écrite et des médias audiovisuels et numériques, notamment les médias sociaux, imposent une régulation de tous les secteurs des médias par rapport à tous les processus électoraux. L’Assemblée note que la Commission de Venise travaille actuellement sur ces questions et espère que des lignes directrices en la matière seront développées tant pour les élections que pour les référendums.
6. Considérant que le respect de principes susmentionnés fait parfois défaut dans certains domaines, l’Assemblée appelle tous les États membres à s’assurer:
6.1. que tous les éléments fondamentaux des référendums, tels que définis dans le code en vigueur, en particulier les règles relatives au droit de vote, sont stipulés dans la législation référendaire en général (et non pas décidés sur une base ad hoc); cette législation ne doit pas être modifiée moins d’un an avant la tenue d’un référendum;
6.2. que l’instance chargée de l’organisation des référendums est indépendante du gouvernement et dispose de pouvoirs pour faire appliquer les règles, y compris le pouvoir de sanctionner en cas de violation;
6.3. que, pendant toute la durée de la campagne, des fonds publics ne sont pas utilisés par les autorités à des fins de propagande;
6.4. que des solutions optimales sont mises au point, en coopération avec les entreprises de l’internet, afin de développer des répertoires des publicités en ligne à caractère politique.
7. L’Assemblée considère que l’existence d’une instance indépendante qui effectuerait une vérification de toutes les questions référendaires, superviserait la conduite de la campagne, prendrait toutes les mesures requises pour en assurer le bon déroulement et disposerait des moyens nécessaires pour faire appliquer ses décisions et sanctionner des violations éventuelles, serait l'un des moyens les plus efficaces pour renforcer le respect des règles référendaires par les États membres. Elle appelle ainsi la Commission de Venise à envisager de recommander, dans le code révisé, la création de telles instances dans les États membres du Conseil de l’Europe.
8. L’Assemblée souligne que renforcer la participation des citoyens au débat démocratique, tant avant qu’après l’annonce d’un référendum, peut répondre au sentiment de déconnexion des processus décisionnels qu’éprouvent les électeurs et à leur défiance à cet égard. Par conséquent, l’Assemblée, tout en rappelant également sa Résolution 1746 (2010) «Démocratie en Europe: crise et perspectives» et en s’inspirant de la pratique actuelle dans certains États membres:
8.1. encourage tous les États membres à explorer les possibilités de délibérations citoyennes tant avant la tenue de référendums qu’au cours de la campagne, par exemple par le biais d’assemblées de citoyens;
8.2. invite la Commission de Venise à souligner, dans le code révisé, le rôle que des assemblées de citoyens et d’autres mécanismes similaires pourraient jouer afin d’assurer un contrôle minutieux des propositions avant qu’un référendum soit convoqué et d’améliorer la qualité de l’information et du débat au cours de la campagne référendaire.