Imprimer
Autres documents liés
Résolution 2267 (2019)
Le stress au travail
1. Le monde du travail est submergé
par le stress. Face aux transformations radicales dans l’organisation du
travail et les relations au sein de celui-ci, les travailleurs subissent
une immense pression pour répondre aux exigences croissantes de
la vie professionnelle. Lorsque cette pression est renforcée par
un déséquilibre entre les demandes perçues et les ressources et
capacités perçues des individus, elle peut nuire à leur bien-être
et à leur santé, tant physique que psychologique, mais aussi menacer
la sûreté publique dans les cas les plus graves. Cette réalité inquiétante
porte atteinte aux travailleurs, aux organisations, aux économies nationales
et à la société dans son ensemble. Le stress au travail est de notre
responsabilité collective – et notre défi à tous.
2. Les pays européens reconnaissent le stress professionnel comme
un grave problème de santé publique et intègrent la gestion du stress
dans leurs politiques de santé et de sécurité au travail, en portant
une attention croissante mais encore insuffisante aux risques psychosociaux.
Or, le poids du stress au travail en Europe et dans le reste du
monde dépasse les risques purement médicaux: sachant que la moitié
environ des travailleurs européens considèrent que le stress est
fréquent sur leur lieu de travail, la prévention, la gestion et
la réduction du stress doivent être prises en compte à différents
niveaux de la gouvernance publique et dans le secteur privé.
3. L’Assemblée parlementaire estime que toutes les institutions
européennes devraient faire l’objet d’un «test sur le stress» afin
de répertorier les mesures mises en œuvre pour assurer la prévention
et la gestion du stress au travail, et d’identifier les domaines
qui nécessitent des interventions supplémentaires.
4. L’Assemblée note que la plupart des textes de référence nationaux
et européens évoquent implicitement le stress au travail dans le
cadre des besoins en matière de santé mentale, mais ne reconnaissent
pas explicitement les troubles de la santé mentale liés au stress
comme une maladie professionnelle, ce qui reflète les orientations
actuelles de l’Organisation internationale du travail (OIT). Par
ailleurs, des études réalisées par l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) montrent qu’une grande confusion persiste sur le plan réglementaire
entre la pression normale et le stress au travail; cette confusion
n'est parfois qu'un prétexte pour excuser de mauvaises pratiques
de gestion.
5. L’Assemblée déplore également la confusion largement répandue
concernant la notion de burn-out professionnel (état d’épuisement
physique et émotionnel extrême) et la reconnaissance de celui-ci
en tant que maladie professionnelle. Dans sa liste de maladies professionnelles
de 2010, l’OIT cite l’«état de stress post-traumatique» et d’«autres
troubles mentaux ou du comportement non mentionnés», alors que la Recommandation
de la Commission européenne concernant la liste européenne des maladies professionnelles
ne mentionne aucun trouble provoqué par le stress. Le syndrome du
burn-out est pourtant de plus en plus reconnu en Europe à l’échelle
nationale comme un grave problème de santé au travail.
6. L’Assemblée salue les initiatives nationales, entrepreneuriales
et européennes visant à concilier le travail et la vie privée, et
à assurer l’exercice effectif du droit à l’égalité des chances au
travail, conformément aux exigences de la Charte sociale européenne
(STE nos 35 et 163). Elle estime que
les États membres devraient mieux prendre en compte la dimension
de genre dans leurs instruments politiques, compte tenu des éléments
qui mettent en évidence le fait que les femmes et les hommes réagissent
au stress au travail et le gèrent de manière différente, et que
les femmes au travail sont les plus touchées, en particulier lorsqu’elles portent
le double fardeau du travail et des responsabilités familiales.
7. Considérant que la nature même du travail devrait changer
radicalement au cours de la prochaine décennie, à mesure que les
robots et les systèmes d’intelligence artificielle viendront remplacer
les êtres humains dans de nombreux emplois et créeront de nouveaux
modes de travail en équipe associant l’homme et la machine, l’Assemblée
estime que cette source de stress permanent par rapport à l’insécurité
de l’emploi devrait obliger les parties prenantes à revoir l’organisation
du travail et la répartition des tâches et des charges de travail
de façon à réduire le stress et à favoriser le travail à temps partagé.
8. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres
du Conseil de l’Europe:
8.1. à réaliser
une étude approfondie des mesures nationales existantes sur les
plans juridique et politique en matière de prévention, de gestion
et de réduction du stress professionnel, en gardant à l’esprit la
dimension de genre;
8.2. à recenser les lacunes législatives et réglementaires
de leurs politiques de santé et de sécurité au travail, en vue d’assurer
une meilleure couverture des risques psychosociaux, en particulier
dans les secteurs d’activité fortement exposés (tels que les professionnels
de santé, les travailleurs sociaux, les policiers, les enseignants
et les prestataires de services);
8.3. à élargir la liste nationale des maladies professionnelles,
de façon à y inclure explicitement les troubles provoqués par le
stress, y compris le burn-out professionnel;
8.4. à instaurer des obligations pour que tous les employeurs:
8.4.1. adoptent une approche globale de l’évaluation, de la gestion
et de la prévention du stress dans une optique organisationnelle
et individuelle;
8.4.2. mettent en œuvre des protocoles spécifiques contre les
brimades, le harcèlement, la discrimination fondée sur le genre
et tout autre comportement déplacé au travail;
8.4.3. assurent une protection adéquate contre le stress au travail
pour les catégories de travailleurs les plus vulnérables (jeunes,
immigrés, femmes enceintes et personnes âgées);
8.5. à étudier les répercussions de la robotisation et de l’intelligence
artificielle sur les droits des travailleurs, la déontologie et
l’organisation du travail, en vue de préserver le travail humain
et de garantir un équilibre sain entre la vie professionnelle et
la vie privée;
8.6. à encourager les employeurs à adopter une organisation
du travail qui réduise le stress, avec des semaines raccourcies
à quatre jours (comptant 28 à 32 heures de travail hebdomadaire),
des horaires modulables, davantage d’autonomie, des possibilités
de télétravail et des systèmes de travail partagé, notamment pour
les parents et les aidants qui travaillent;
8.7. le cas échéant, à envisager de lancer des campagnes de
sensibilisation nationales ou sectorielles sur le stress au travail
et sur les ressources d’information ou les outils de soutien et
de formation accessibles au public ou en ligne.