Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 14886 | 07 mai 2019

Éducation et culture: de nouveaux partenariats pour reconnaître le développement personnel et les compétences

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : M. Mogens JENSEN, Danemark, SOC

Origine - Renvois en commission: Doc. 13972, Renvoi 4194 du 22 avril 2016. 2019 - Commission permanente de mai

Résumé

En Europe, les marchés du travail ont de plus en plus besoin de citoyens dotés de créativité, de capacités analytiques, d’esprit critique, de tolérance, de flexibilité et d’aptitude à gérer les conflits. Les arts, la culture et les activités créatives renforcent le développement de plusieurs de ces compétences; toutefois, leur acquisition doit passer par des politiques éducatives cohérentes qui recherchent l’équité sociale, la citoyenneté active et l’expression de l’identité européenne dans toute sa diversité.

Les gouvernements devraient être encouragés à inclure les compétences créatives et culturelles dans les systèmes d’éducation formelle et à soutenir des partenariats durables entre les écoles, les communautés, les industries de la création, les institutions culturelles et les entreprises afin d’offrir aux jeunes de nouvelles possibilités de développer la sensibilité et l’expression culturelles.

La Commission européenne devrait être invitée à inscrire ces compétences dans un véritable cadre d’action, comprenant notamment des dispositions pour évaluer la créativité et les compétences culturelles. Le Conseil de l’Europe et la Commission européenne, en collaboration avec des associations professionnelles, devraient envisager la création d’un outil européen de reconnaissance des compétences acquises par les jeunes lors de leur participation à des activités artistiques, culturelles et créatives. Cet outil aurait pour but d’établir et de valoriser les aptitudes et les connaissances acquises grâce à la participation à des activités d’apprentissage extra-scolaires dans le domaine des arts et de la culture partout en Europe, et qui ne sont pas reconnues à ce jour.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 8 avril
2019.

(open)
1. Les sociétés du XXIe siècle ont besoin de citoyens dotés de créativité, de capacités analytiques, de compréhension critique, de compétences sociales, de tolérance, de sensibilité interculturelle et d’aptitude à gérer les conflits. Il appartient avant tout à l’éducation de donner aux jeunes la possibilité d’acquérir ces compétences essentielles qui s’inscrivent dans leur épanouissement personnel, leur conscience démocratique et leur employabilité. L’accès à la culture, l’éducation artistique et culturelle et la participation à la vie culturelle sont des conditions essentielles pour atteindre cet objectif.
2. L’Assemblée parlementaire salue la récente recommandation du Conseil de l’Union européenne visant à inclure la compétence «sensibilité et expression culturelles» parmi les compétences clés de l’apprentissage tout au long de la vie, ainsi que la décision de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d’inclure la créativité dans les tests du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) à partir de 2021. Ces nouveaux objectifs doivent maintenant être intégrés dans des programmes éducatifs complets et accessibles à tous.
3. Dans ce contexte, le Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie, établi par le Conseil de l’Europe, présente un ensemble complet de valeurs, d’aptitudes et d’attitudes nécessaires à une participation adéquate aux sociétés démocratiques, et le Cadre d’indicateurs sur la culture et la démocratie offre un outil unique en son genre pour évaluer et optimiser les politiques culturelles ainsi que pour examiner les liens entre culture et démocratie.
4. L’Assemblée appelle à nouveau les gouvernements européens, comme elle l’a déjà fait dans sa Résolution 2123 (2016) sur la culture et la démocratie, à accorder aux investissements à long terme dans l’éducation et les activités culturelles la même priorité qu’aux investissements dans les autres domaines essentiels pour la compétitivité économique et la stabilité globales de l’Europe.
5. La récente Résolution 2270 (2019) sur la valeur du patrimoine culturel dans une société démocratique recommande aux gouvernements européens d’orienter plus efficacement la culture et le patrimoine vers l’éducation, ainsi que de revoir les programmes d’enseignement et de formation professionnelle de manière à créer de meilleures synergies entre les arts, l’économie, la technologie et la science afin de stimuler une interaction entre les technologies, les arts créatifs et l’entrepreneuriat.
6. Tous les enfants, quelles que soient leurs aptitudes et capacités artistiques ou leur situation économique, doivent pouvoir bénéficier d’une éducation artistique et culturelle de haut niveau. Toutefois, l’Assemblée note avec préoccupation que, si des arguments ont été avancés avec succès pour intégrer l’art dans les politiques éducatives, cela n’a pas entraîné la mise en œuvre à grande échelle de programmes de qualité pour l’enseignement de l’art et par les arts à l’école.
7. La mise en œuvre d’une éducation artistique et culturelle de qualité dépend en grande partie des enseignants et des professionnels de la création, mais une formation continue appropriée fait fréquemment défaut dans ce domaine. Le numérique crée de nouvelles possibilités d’enseignement de l’art et de la culture, et par les arts et la culture, qui ne peuvent être pleinement exploitées sans une préparation adéquate des enseignants, des professionnels de la création et des dirigeants des établissements scolaires.
8. Cependant, une éducation artistique et culturelle de qualité ne relève pas de la responsabilité individuelle des établissements ou des institutions, mais nécessite des partenariats transversaux associant les institutions publiques compétentes, les écoles, les communautés, les organisations artistiques et, de plus en plus souvent, l’industrie et les entreprises. Il est indispensable d’établir des partenariats durables et fondés sur des projets.
9. L’apprentissage non formel et informel joue un rôle tout aussi important dans l’acquisition de compétences culturelles et créatives essentielles. Or, les connaissances, aptitudes et attitudes acquises dans le cadre des activités extrascolaires ne sont généralement pas reconnues ni prises en compte. Une coopération accrue entre les différents types d’apprentissage et la reconnaissance officielle de leurs valeurs respectives pour l’épanouissement personnel, social et civique permettraient d’encourager de nouvelles approches et initiatives d’apprentissage.
10. C’est pourquoi l’Assemblée accueillerait favorablement la création d’un outil, à l’échelle européenne, visant à reconnaître les compétences acquises par des jeunes lorsqu’ils participent à des activités artistiques, culturelles ou créatives dans des contextes d’apprentissage variés.
11. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée recommande aux États membres du Conseil de l’Europe:
11.1. d’intégrer les compétences créatives et la sensibilité culturelle dans les systèmes d’éducation formelle, conformément aux recommandations du Cadre de référence européen des compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, afin de promouvoir la créativité des jeunes et leurs capacités d’innovation dans l’ère du numérique;
11.2. de concevoir des programmes d’éducation artistique et culturelle modernes et de qualité, tant pour enseigner l’art et l’expression artistique que pour utiliser les arts comme outil pédagogique intersectoriel dans l’enseignement d’autres matières, en tenant compte des recommandations de l’«Agenda de Séoul» de l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO);
11.3. de promouvoir l’inclusion dans une éducation artistique et culturelle de qualité, en accordant une attention particulière aux enfants et aux jeunes issus de milieux socioéconomiques défavorisés, dans le but d’encourager la citoyenneté active, l’ouverture, la curiosité et l’esprit critique, en s’appuyant notamment sur le Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie et sur le Cadre d’indicateurs sur la culture et la démocratie du Conseil de l’Europe;
11.4. de soutenir l'innovation dans l'éducation et développer de nouvelles approches d'enseignement et d'apprentissage; de revoir les systèmes de formation professionnelle des enseignants et des professionnels de la création en encourageant une formation continue bien adaptée et la mobilité des professionnels dans l’enseignement de l’art et de la culture et en offrant une formation spéciale pour l'enseignement d'autres matières par le biais de pratiques artistiques;
11.5. d’encourager et de soutenir financièrement des partenariats durables et à long terme entre les écoles, les communautés, les industries de la création, les institutions culturelles, les entreprises et les employeurs afin d’offrir aux jeunes de nouvelles possibilités pour développer leurs compétences relevant de la sensibilité et de l’expression culturelles.
12. L’Assemblée invite la Commission européenne:
12.1. à introduire un lien plus fort et plus inclusif entre la promotion de l'identité européenne à travers la diversité culturelle, la créativité et la mobilité et la fourniture d'un enseignement artistique et culturel de qualité dans les programmes scolaires dans le cadre du programme «Europe créative» (2021-2027); cela contribuerait de manière significative à la construction de l'espace européen de l'éducation d’ici 2025;
12.2. à soutenir et à stimuler la coopération intersectorielle et transfrontalière entre les secteurs de la culture, de l'éducation, d’autres politiques et professionnels ainsi que des partenariats innovants associant des institutions publiques, des écoles, des communautés, des organisations et des entreprises privées aux niveaux de l’Union européenne, national et local;
12.3. à développer un cadre de compétences pour «Sensibilité et expression culturelles» (compétence clé no 8 de l’Union européenne pour l’éducation et la formation tout au long de la vie), qui devrait notamment inclure un cadre de référence pour le développement des compétences des enseignants dans le contexte de l'innovation pédagogique, ainsi que des dispositions permettant d'évaluer la créativité et la compétence culturelle;
12.4. à réfléchir sur la création d’un outil européen pour la reconnaissance des compétences acquises par les jeunes qui participent à des activités artistiques, culturelles et créatives, en collaboration avec le Conseil de l’Europe et les associations professionnelles concernées, dans le cadre de son programme Europe créative (2021-2027) et plus particulièrement dans le cadre de son programme de travail 2019-2022 en faveur de la culture (sous «Jeune génération créative» et «Citoyenneté, valeurs et démocratie»). Cet outil devrait servir:
12.4.1. à enregistrer les compétences (connaissances, capacités et attitudes) visées dans la compétence clé de l’Union européenne pour l’éducation et la formation tout au long de la vie «Sensibilité et expression culturelles» que les jeunes acquièrent lorsqu’ils participent à des activités artistiques, culturelles et créatives formelles et/ou non formelles, afin d’attester ces compétences;
12.4.2. à encourager la participation des jeunes à des partenariats innovants ayant le but de promouvoir et d’intégrer encore davantage la sensibilité et l’expression culturelles dans l’élaboration des politiques en Europe;
12.4.3. à assurer que les valeurs européennes soient mieux comprises et appréciées par les jeunes générations.

B. Exposé des motifs, par M. Mogens Jensen, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Les sociétés du XXIe siècle requièrent de la créativité et une conscience de la diversité culturelle et des valeurs culturelles, qui sont étroitement liées à d’autres compétences sociales, comme l’ouverture d’esprit, la tolérance, l’adaptabilité et la capacité à gérer les conflits. Les systèmes d’éducation doivent assurer le développement de ces compétences essentielles pour l’épanouissement personnel, la réussite professionnelle et une participation active à la société.
2. La Résolution 2123 (2016) «Culture et démocratie» de l’Assemblée parlementaire appelle à «une bien plus grande reconnaissance du rôle que peut jouer la culture dans la défense des valeurs et principes démocratiques, et la construction de sociétés inclusives», et précise que «[l]a culture est une source de renouveau intellectuel et de développement humain. Une participation dynamique à des activités culturelles aide les individus à développer un esprit critique et une compréhension plus grande des différentes visions du monde, à nouer des relations avec autrui et à acquérir une voix propre ainsi qu'à définir leur rôle au sein de la société» (paragraphes 2 et 3).
3. La résolution souligne également que «[l]es politiques éducatives visent généralement à dispenser des connaissances et des compétences professionnelles répondant à des besoins économiques, alors que l'épanouissement personnel, qui est pourtant un facteur clé du bien-être personnel et sociétal, a été, dans une large mesure, négligé ces dernières décennies. L’Assemblée estime que les politiques éducatives devraient être révisées et servir d’élément moteur dans le monde d’aujourd’hui caractérisé par des mutations rapides et une complexité croissante. L'éducation culturelle doit jouer un rôle important dans ce processus, notamment pour promouvoir le dialogue et la compréhension mutuelle, et renforcer la solidarité et le respect des droits de l'homme» (paragraphe 4).
4. Le présent rapport est la suite directe de cette résolution. Son objectif est double:
  • il examine, d’une part, la manière dont l’épanouissement personnel devrait être stimulé à la fois au travers de politiques gouvernementales en matière d’éducation artistique et culturelle de qualité, et à l’aide de nouveaux partenariats entre les différentes institutions gouvernementales et les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux;
  • il explore d’autre part la manière de promouvoir l’épanouissement personnel grâce à la reconnaissance des compétences dans les domaines artistiques et culturels acquises au sein des institutions du système éducatif mais également dans le cadre des activités extra-scolaires pratiquées par les jeunes.
5. Je propose, à cet égard, d’étudier l’opportunité et la faisabilité d’un outil à l’échelle européenne pour la reconnaissance des compétences acquises par les apprenants lors de leur participation à des activités artistiques, culturelles et créatives: un «Cultural Competences Award» 
			(2) 
			M. Thomas
Feist, initiateur du présent rapport et mon prédécesseur en tant
que rapporteur, a décrit le projet pilote allemand sur l’acquisition
de compétences par l’éducation culturelle («Competencies
through Cultural Education») ainsi que son résultat final,
le certificat de compétences culturelles (Cultural
Competency Record, CCR). Je vais examiner s’il est possible
d’utiliser cet instrument comme certification des compétences culturelles
à l'échelle européenne, ce qui permettrait de reconnaître les compétences
acquises par l'apprentissage formel, non formel et informel, d’offrir
aux jeunes une validation utile de leurs atouts et de leurs capacités,
utilisable pour postuler à un programme d’alternance travail-études,
à un stage en entreprise, à une formation professionnelle ou à un
emploi et, enfin, de simplement contribuer au développement de leur
caractère. J’ai choisi le terme «Award»,
qui désigne en langue anglaise la certification d’une réalisation
et d’une réussite, comme par exemple le Duke
of Edinburgh Award, l’Arts
Award, ou encore les Scottish Qualification
Awards (SQA).. La réflexion concernant cet outil européen a été menée en collaboration avec Mme Joan Parr, responsable de Creative Learning pour Creative Scotland (Édimbourg) et présidente du réseau ACEnet 
			(3) 
			<a href=''>ACEnet </a>est un réseau européen réunissant des décideurs, des
fonctionnaires et des universitaires actifs dans le secteur de l’éducation
artistique et culturelle. Sa mission est de placer l’éducation artistique,
culturelle et créative au cœur de notre société. Parmi ses adhérents
se trouvent aussi des représentants des ministères de la culture
et de l’éducation. En tant que réseau d’apprentissage informel,
ACEnet s’efforce d’améliorer l’éducation artistique et culturelle
en Europe par l’échange d’informations, de connaissances, d’expériences
et d’idées. Il offre la possibilité de comparer les mesures gouvernementales
au niveau international et il sert aussi de plateforme pour présenter
les bonnes pratiques nationales, ainsi que pour tester des idées
ou recevoir les commentaires des autres pays de l'Union européenne
sur des travaux en cours..
6. Cet outil aurait pour but de certifier et de valoriser les aptitudes, les connaissances et les attitudes acquises par des milliers de jeunes qui participent actuellement à des activités d’apprentissage extra-scolaires dans le domaine des arts et de la culture partout en Europe, et qui ne sont pas reconnues à ce jour. Il serait utile aux jeunes, à titre individuel, au regard de leur épanouissement personnel, leur bien-être et leur employabilité, tout en témoignant de notre compréhension du lien entre la culture et les valeurs européennes.
7. Ce rapport s’intéresse aux jeunes mais les propositions qui y sont présentées pourraient servir aussi aux apprenants concernés par l’apprentissage tout au long de la vie. Il traite principalement des activités extra-scolaires, c’est-à-dire les activités qui ne font pas partie du programme scolaire de base; mais rien n’empêche que les activités en question aient lieu sur le temps scolaire ou soient organisées par des professeurs, en fonction des conditions locales.
8. Le rapport propose également une méthodologie générale pour la création et le développement de cette certification, afin d’établir de nouveaux partenariats significatifs et stables entre une variété d’acteurs qui s’engagent à promouvoir les réalisations et les réussites des jeunes dans la compétence «sensibilité et expression culturelles», car ils sont conscients de son interdépendance avec les autres compétences clés de l’Union européenne et de son importance pour une adhésion solide aux valeurs européennes.

2. Le rôle de l’éducation artistique

9. Depuis le début du XXIe siècle, l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) porte une attention particulière à l’éducation artistique. Lors de la 2e Conférence mondiale sur l’éducation artistique organisée à Séoul en 2010, des représentants gouvernementaux et des experts des 95 pays participants sont convenus d’un «Agenda de Séoul». 
			(4) 
			UNESCO, «<a href='http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CLT/CLT/pdf/Seoul_Agenda_FR.pdf'>L’Agenda
de Séoul: objectifs pour le développement de l’éducation artistique</a>». Celle-ci insiste sur «l’importance du rôle que doit jouer l’éducation artistique dans la transformation des systèmes éducatifs en vue de satisfaire les besoins des apprenants dans un monde en mouvement constant, un monde caractérisé, d’une part, par de remarquables progrès technologiques et, d’autre part, par des injustices sociales et culturelles non surmontées».
10. l’Agenda de Séoul appelle tous les États membres de l’UNESCO à «appliquer les stratégies proposées et [à] mettre en œuvre les actions dans un effort concerté:
  • pour parvenir à une éducation artistique de grande qualité qui renouvelle les systèmes éducatifs;
  • pour répondre à des enjeux sociaux et culturels;
  • pour profiter aux enfants, aux jeunes et aux apprenants de tous âges».
11. L'Agenda de Séoul a lancé une discussion sur une éducation artistique de qualité ainsi que sur la distinction entre éducation pour l’art (par exemple, promotion de jeunes talents susceptibles de former la prochaine génération d’artistes), éducation à l’art (par exemple, enseignement des beaux-arts, de la musique, du théâtre, d’artisanats, etc.) et éducation par l’art (par exemple, utilisation de l’art comme outil pédagogique dans d’autres disciplines, telles que littérature, notions de calcul et technologie).
12. Lorsque l’éducation artistique est liée à des domaines extérieurs au secteur culturel (éducation par l’art), on peut distinguer trois autres grands concepts: une approche qui fait ressortir l’intérêt de l’éducation artistique pour le développement de compétences cognitives et pour le renouvellement de l’enseignement – effets de transfert vers d’autres domaines de compétence ainsi qu’interactions entre art et autres secteurs importants pour nos sociétés, innovation par l’éducation, par exemple –, un aspect social (par exemple, éducation pour le développement durable ou l’instruction civique) et une dimension économique.
13. L’année 2020 marquera le 10e anniversaire de l’Agenda de Séoul de l’UNESCO et, actuellement, de nombreux réseaux internationaux – notamment ACEnet, l’European Network of Observatories (ENO, le réseau européen d’observatoires), le Réseau international pour la recherche en éducation artistique (INRAE), l’International Society for Education through Art (InSEA) ou l’International Teaching Artist Collaborative (ITAC) – s’emploient à concevoir une méthodologie permettant d’enregistrer les progrès des nations européennes par rapport aux objectifs de l’Agenda de Séoul. Ce rapport s’inscrit dans la même direction.

3. Quels sont les enjeux?

14. Que ce soit sur le plan économique, social ou éducatif, il existe des raisons de plus en plus fortes de développer, de soutenir et de reconnaître les compétences artistiques, culturelles et créatives dans toutes les formes d’apprentissage – formel, informel et non formel. Des spécialistes observent que, lorsqu’un jeune bénéficie d’une longue expérience de l’art et de la culture, il n’acquiert pas seulement des compétences artistiques mais aussi des compétences utiles dans tous les domaines de la vie.
15. Selon une récente publication de l’association britannique «Cultural Learning Alliance» 
			(5) 
			Cultural
Learning Alliance (CLA) est un collectif qui veille à ce que tous
les enfants et les jeunes bénéficient d’un réel accès à la culture. Cette
association est soutenue par ses 10 000 adhérents institutionnels
et individuels. Un rapport détaillé sur l’apprentissage culturel
(«Key Research Findings: the case for
Cultural Learning») est publié à cette adresse: <a href='http://culturallearningalliance.org.uk/evidence/'>http://culturallearningalliance.org.uk/evidence/</a>.:
  • la participation à des activités artistiques structurées peut accroître les capacités cognitives de 17 %;
  • l’éducation artistique et culturelle peut améliorer les résultats de l’apprentissage des maths et de l’anglais;
  • l’éducation artistique et culturelle développe les aptitudes et les comportements favorables à la réussite scolaire des enfants;
  • les élèves/étudiants de milieux défavorisés qui participent à des activités artistiques à l’école ont trois fois plus de chances d’obtenir un diplôme;
  • chez les étudiants de disciplines artistiques, l’aptitude à l’emploi et la probabilité de le conserver sont supérieures;
  • s’ils pratiquent des disciplines artistiques à l’école, les étudiants de milieux modestes sont deux fois plus susceptibles de s’engager dans le bénévolat; et le nombre de ceux susceptibles de voter à l’âge adulte est supérieur de 20 %;
  • s’ils participent à des activités artistiques, le nombre des jeunes délinquants susceptibles de récidiver est inférieur de 18 %;
  • les personnes qui participent à des activités artistiques ont 38 % plus de chances d’être en bonne santé.
16. D’après les prévisions du Forum économique mondial de Davos 
			(6) 
			«The Future of Jobs:
Employment, Skills and Workforce Strategy for the Fourth Industrial
Revolution», Global Challenge Insight Report, Forum économique mondial,
janvier 2016, <a href='http://www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_Jobs.pdf'>www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_Jobs.pdf.</a>, les arts constitueront une force motrice du développement économique, avec 65 % des enfants entamant leur scolarité aujourd’hui qui travailleront demain dans des emplois qui n’existent pas encore. Dans bon nombre de pays, les industries dites créatives apparaissent comme le plus grand secteur de l’activité économique. Cette situation appelle à une totale refonte du système éducatif européen. Le Forum économique mondial reconnaît la créativité comme le troisième groupe de compétences plus important favorisant l’embauche 
			(7) 
			Les
deux premières compétences identifiées comme les plus importantes
sont la «résolution de problèmes complexes» et «l'esprit critique»,
chacune formant un sous-groupe des aptitudes à la créativité.. Aussi la créativité devra-t-elle occuper une place éminente dans l’éducation.
17. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avance dans la même direction et envisage actuellement d’inclure l’esprit critique dans le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), en vue d’une phase de test qui débutera en 2021. Cette démarche devrait considérablement renforcer une prise de conscience et un intérêt pour le développement des aptitudes à la créativité. Selon le groupe consultatif qui travaille sur le projet, la «créativité» se décline en cinq «façons de penser»: curiosité, persévérance, esprit de collaboration, discipline et imagination. Faut-il inclure dans le PISA une évaluation de la créativité (et classer les résultats)? La décision sera prise ultérieurement.
18. Dans ce contexte, il convient de rappeler que l'Assemblée, dans ses Résolutions 2123 (2016) 
			(8) 
			Résolution 2123 (2016) «Culture et démocratie». et 2270 (2019) 
			(9) 
			Résolution 2270 (2019) sur la valeur du patrimoine culturel dans une société
démocratique., définit la culture comme incluant les caractéristiques spirituelles, matérielles, intellectuelles et émotionnelles qui caractérisent une société. La culture couvre non seulement le patrimoine culturel, les arts et les lettres, mais également les modes de vie, les façons de penser et d'agir, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.
19. De plus en plus, les institutions européennes adoptent des modèles de programme d’enseignement basés sur des compétences, considérant les activités artistiques, culturelles et créatives comme vitales pour des personnes et des sociétés en bonne santé.
20. Pourtant, malgré l’intérêt accru pour ces compétences et malgré l’atout que, à l’avenir, la population férue d’art et de créativité est censée détenir, des études spécialisées 
			(10) 
			«A Child’s Right to
Quality Arts and Cultural Education» (droit de l’enfant à une éducation
artistique et culturelle de qualité, en anglais), Bamford A. (<a href='http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/LettreVST/pdf/15-fevrier-2006_AnneBamford.pdf'>http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/LettreVST/pdf/15-fevrier-2006_AnneBamford.pdf</a>). brossent un tableau peu encourageant des prestations scolaires en matière d’art et de créativité dans la majorité des régions d’Europe. Dans près d’un quart des cas, la médiocrité des programmes artistiques et culturels risquerait même d’avoir des effets négatifs sur la participation des enfants aux activités artistiques, sur leur créativité et sur leur imagination.
21. Les jeunes améliorent leurs compétences (connaissances, aptitudes et attitudes) par une large palette d’activités parascolaires; dès lors, il est nécessaire d’élaborer une méthode qui devrait mieux rendre compte de tous leurs progrès et les mettre en valeur, au lieu de ne baser l‘évaluation des jeunes que sur les examens scolaires.

4. Une éducation artistique de qualité pour tous

22. Selon la recherche 
			(11) 
			Les références à des
éléments de recherche dans les sections 4 à 6 sont principalement
citées d’après les travaux menés par Mme Anne
Bamford, Wimbledon School of Art, Londres: «A Child’s Right to Quality
Arts and Cultural Education» et «Measuring the impact: Research
into arts and cultural education», présentation PowerPoint (<a href='https://www.kulturskoleradet.no/sok?q=%22symposium%20-%20intervention%20anne%20bamford%22'>www.kulturskoleradet.no/_extension/media/.../2007_02_Anne_Bamford_foredrag.pdf</a>)., n’importe quelle éducation artistique et culturelle ne fait pas l’affaire. Quel que soit le niveau d’enseignement et qu’il s’agisse d’enseignement formel ou informel, les enfants doivent recevoir une éducation artistique de grande qualité. Pourtant, malgré le réel succès des arguments avancés pour intégrer l’art dans les politiques éducatives, la mise en œuvre à large échelle de programmes artistiques à l’école laisse encore à désirer.
23. À l’exception de quelques pays, le niveau global de l’éducation artistique et culturelle dispensée aux enfants est très faible. Dans la plupart des pays, les enseignants ne sont pas préparés à donner des cours sur l’art ni à utiliser certaines de ses techniques au cours du processus d’apprentissage. Dans l’enseignement actuel, des disciplines telles que littérature, mathématiques, sciences et les technologies de l’information et des communications (TIC) font l’objet de contrôle et de reporting, mais l’incidence des expériences artistiques et culturelles sur l’éducation des enfants dans son ensemble n’est pas prise en compte.
24. Il existe tout de même des exemples de bonnes pratiques de par le monde. Une éducation artistique de qualité promeut l'identité culturelle et a un effet positif sur les résultats scolaires des enfants, notamment pour l’apprentissage de la lecture/écriture et d’une seconde langue. Parallèlement, une éducation artistique de qualité améliore les attitudes des élèves vis-à-vis de l’école, la manière dont parents et collectivité perçoivent l’école, ainsi que l’intérêt des élèves pour la culture et l’art.
25. En outre, une éducation artistique et culturelle de qualité rehausse l’estime de soi, aide à construire un sentiment identitaire et encourage l’unité et la diversité. Dans une société dynamique, elle renforce la capacité de l’individu à s’adapter au changement et favorise l’appréciation et la compréhension du patrimoine (tant matériel qu’immatériel). De fait, une éducation riche sur le plan culturel permet aux individus de participer activement à la création du patrimoine du design et de la production de demain. Ainsi l’art peut-il être considéré comme l’un des investissements les plus précieux pour l’avenir.
26. Il est également essentiel pour l'éducation artistique et culturelle d'enseigner les compétences nécessaires pour participer efficacement à la culture démocratique et vivre paisiblement avec d'autres personnes dans des sociétés démocratiques culturellement diverses. Dans ce contexte, je voudrais souligner l’importance des valeurs, attitudes, compétences, connaissances et compréhension critique définies dans le cadre de référence du Conseil de l’Europe pour les «Compétences pour une culture de la démocratie» 
			(12) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/education/competences-for-democratic-culture'>www.coe.int/fr/web/education/competences-for-democratic-culture.</a>, ainsi que dans le cadre de compétences clés de l’Union européenne «Sensibilisation et l’expression culturelles» 
			(13) 
			<a href='https://publications.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/6066c082-e68a-11e5-8a50-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-search'>Cultural
awareness and expression handbook</a>., à intégrer comme éléments essentiels des programmes d’enseignement des arts et par les arts.
27. Des programmes de qualité devraient être bâtis autour de la notion d'inclusivité et d'éducation riche sur le plan artistique pour tous. Autrement dit, tous les enfants, indifféremment des aptitudes et capacités artistiques, de la motivation initiale, du comportement ou de la situation économique, doivent pouvoir bénéficier de prestations artistiques de haut niveau, tant pour apprécier l’art sous toutes ses formes qu’à travers les autres disciplines du programme. Cette démarche est particulièrement importante dans le cadre d’initiatives visant à dispenser une éducation pour tous et à favoriser l’inclusion des groupes marginalisés au sein de l’enseignement général
28. Il faut veiller à ce qu’il existe des programmes artistiques de qualité pour tous les enfants. Dispenser une éducation artistique aux seuls élèves talentueux ou intéressés ne saurait être considéré comme dispenser une éducation complète pour tous. On ne peut parler d’éducation artistique adéquate simplement par ce qu’une école a un orchestre, une chorale, un groupe de danse, une représentation théâtrale annuelle ou un club artistique.

5. Dispenser une éducation artistique de qualité: le rôle du corps enseignant et de la direction scolaire

29. Dans de nombreux cas, la qualité de l’éducation artistique dépend de ce qui est fourni au niveau de l’école, qui peut être différent d’une l’école à l’autre. Pourtant, les enseignants sont rarement soutenus dans leur mission. Il semble que l’art souffre d’une absence de reconnaissance dans la majorité des programmes éducatifs et que, en la matière, les enseignants manquent généralement de formation – ou, tout au moins, de formation adéquate. Des études montrent que, dans les pays ayant pris au sérieux leur responsabilité en matière d’éducation artistique et culturelle, la politique éducative s’est accompagnée d’initiatives systématiques de formation professionnelle.
30. Il est nécessaire de mettre en place une formation de qualité à l’intention des enseignants et une formation professionnelle continue à l’intention des enseignants et des professionnels de la création – cette dernière étant, d’après les études sur ce sujet, beaucoup plus efficaces pour améliorer la qualité de l’éducation artistique qu’une formation initiale, c’est-à-dire avant l’emploi. Le développement professionnel continu a le pouvoir de revigorer les enseignants et les professionnels de la création, mais aussi de stimuler chez eux la confiance, la créativité et le plaisir. Des études indiquent que l’art renforce l’engagement des enseignants et, dans l’ensemble, accroît la qualité de leur pédagogie.
31. Les responsables scolaires (directeurs d’établissements, principaux et inspecteurs) jouent un rôle primordial pour assurer qu’une éducation artistique de qualité est dispensée à l’école; en conséquence, ces responsables doivent eux aussi bénéficier d’un développement professionnel afin d’étendre la panoplie des aptitudes requises pour bien gérer, organiser, adapter et planifier l’enseignement, afin de ménager une place aux pratiques artistiques à l’école.
32. En général, les programmes artistiques de qualité abondent dans les situations propices à une flexibilité organisationnelle. Dans le secteur de l’éducation, des emplois du temps stricts, une compartimentalisation de l’apprentissage et des structures d’évaluation restrictives ont tendance à limiter l’ampleur et la qualité de l’éducation artistique. Idem au sein des organisations culturelles, où différents facteurs – par exemple, maîtrise des coûts, limites physiques d’une galerie ou d’un musée, manque de souplesse administrative – restreignent les possibilités d’un véritable engagement envers le secteur de l’éducation.

6. La recherche de nouveaux partenariats

33. L’éducation artistique et culturelle n’est pas de la responsabilité d’une seule et même institution; elle est une tâche transversale. Elle prospère dans des établissements, institutions, organisations, associations et sociétés intervenant en priorité dans les domaines de la culture, de l’éducation, de la jeunesse et de l’université, mais aussi de l’économie, de la santé et de l’urbanisme. Une éducation artistique et culturelle de qualité est le fruit de partenariats solides entre institutions publiques responsables, entre les écoles et des organisations artistiques et communautaires ou, forme encore plus novatrice, entre écoles, organisations artistiques et entreprises. Ce sont les écoles, les enseignants, les artistes, les communautés et, de plus en plus, les diverses industries et entreprises donatrices qui, ensemble, assument la responsabilité de dispenser les programmes.
34. Dans le même esprit, notre récente Résolution 2270 (2019) sur la valeur du patrimoine culturel dans une société démocratique a encouragé l’adoption de politiques visant «à revoir et à actualiser les programmes d’enseignement et de formation professionnelle de manière à ce qu’ils répondent bien à l’évolution des besoins en matière d’emploi dans le secteur culturel, en associant plus étroitement les arts, l’économie, la technologie et la science afin de stimuler des interactions beaucoup plus efficaces entre les technologies, les arts et l’entrepreneuriat» (paragraphe 4.2.4).
35. Le paradoxe c’est que la plupart des États européens sont dotés au niveau national, régional et local de ministères ou de départements distincts pour l’éducation – que ce soit l’enseignement primaire, secondaire, tertiaire ou destiné aux adultes – et pour la culture. Différentes autorités gèrent les établissements tels que théâtres, opéras, bibliothèques, musées, crèches, écoles et universités. La gamme de ces différents établissements reflète aussi la diversité des attributions, objectifs et groupes cibles des autorités qui en sont responsables, ainsi que la diversité des attitudes, des valeurs et des méthodes associées à l’offre éducative et culturelle.
36. Un partenariat actif implique la participation directe d’un vaste éventail d’instances culturelles et artistiques à tous les aspects de la planification et de la prestation des programmes d’éducation artistique. Les programmes les plus efficaces ont su mettre en place des associations durables et à long terme avec des agences et des industries culturelles selon des termes de réciprocité. Dans un partenariat authentique, tous les acteurs prennent acte des contributions faites par les autres et s’impliquent dans tous les aspects de la prise de décision, de l’exécution et de l’évaluation.
37. Bien que fréquents dans les écoles, les programmes d’artistes en résidence n’atteignent pas toujours le niveau de partenariat nécessaire à des prestations artistiques de qualité. Ce type de partenariat doit être multiple et tourné vers l’extérieur, entre plusieurs écoles et d’autres instances éducatives, comme la collectivité, les institutions, les artistes et les familles.
38. Souvent, les familles hésitent à encourager leurs enfants à participer à des activités artistiques, celles-ci étant considérées comme récréatives plus qu’éducatives. L’intervention de partenariats culturels favorise l’éducation artistique et encourage l’ensemble de la communauté à percevoir l’intérêt des arts. Sans compter qu’une alliance précoce entre institutions culturelles, parents et enfants a toutes les chances de se traduire plus tard par un plus grand afflux du public.
39. En revanche, si l’intervention des professionnels de la création est ponctuelle, brève et de pure forme, il est peu probable qu’elle affecte durablement la qualité des prestations artistiques au sein de l’école ou du cadre éducatif. Pour un partenariat de qualité, la durée idéale est d’au moins deux ans et il doit bénéficier de l’engagement de hauts responsables des organisations éducatives, artistiques et culturelles concernées.
40. La collaboration est un élément crucial des arts, en particulier pour les arts du spectacle. En effet, plus que dans d’autres disciplines, les arts exigent très souvent un travail de groupe – ainsi le théâtre, la musique et la danse. Quant au travail de groupe, il suscite un esprit d’appartenance et d’interaction qui est également important pour l’épanouissement personnel de l’enfant. Le travail d’équipe, outre qu’il améliore les compétences communicatives et sociales, peut avoir une réelle incidence sur l’attitude générale de l’enfant vis-à-vis de l’école.

7. Le fondement des politiques en faveur d’un outil de reconnaissance des compétences culturelles à l’échelle européenne: que prévoient les textes en vigueur en la matière?

41. Le Conseil de l’Europe et la Commission européenne défendent avec éloquence, dans nombre de documents récents, la nécessité urgente de promouvoir les valeurs européennes, de reconnaître le rôle central de la culture au sein des problématiques sociales, économiques et démocratiques actuelles, de valoriser les compétences de sensibilité et d’expression culturelles, et d’encourager les partenariats entre différents domaines d’action. Les exemples suivants sont une toute petite sélection issue de documents clés.

7.1. Résolution 2123 (2016) et Recommandation 2093 (2016) de l’Assemblée «Culture et démocratie»

42. Notre rapport sur «Culture et démocratie» 
			(14) 
			Doc. 14070 (rapporteure: Mme Vesna Marjanović,
Serbie, SOC). appelle le Conseil de l’Europe à rester à l’avant-garde lorsqu’il s’agit de placer la culture au cœur du processus démocratique. Il recommande d’encourager la coopération entre les différents secteurs du Conseil de l'Europe en vue d’élaborer des approches novatrices en matière de politiques culturelles. Il indique que les États membres doivent mieux intégrer les activités culturelles, améliorer l’accès à la culture des jeunes marginalisés et défavorisés et soutenir les projets qui visent à intégrer les activités culturelles dans d’autres domaines d’action, comme la santé, les services sociaux, les établissements pénitentiaires et les programmes de réinsertion des détenus.
43. En se fondant sur ce rapport, la Résolution 2123 (2016) de l’Assemblée demande notamment aux États membres:
  • de faire respecter le droit de tout un chacun de participer à la vie culturelle en tant que droit de l’homme fondamental (paragraphe 6.1);
  • de promouvoir la diversité des expressions culturelles en tant que facteur positif d’innovation et de développement (paragraphe 6.2);
  • d’encourager les partenariats entre les secteurs culturels (institutions culturelles et artistes individuels) et le système éducatif, dont l'éducation formelle et l'apprentissage tout au long de la vie, afin de promouvoir la compréhension de la liberté d'expression, le respect de la diversité et le développement des compétences interculturelles dès le plus jeune âge (paragraphe 6.4);
  • de rapprocher le plus possible du citoyen les processus décisionnels concernant la culture (paragraphe 6.5).

7.2. Cadre d’indicateurs sur la culture et la démocratie (FIDC): guide à l'intention des responsables politiques

44. Le FIDC du Conseil de l’Europe est un outil pour évaluer et optimiser les politiques culturelles sur la base de données comparatives fiables et pour examiner les liens entre culture et démocratie dans et entre les 47 États membres du Conseil de l'Europe. Le premier rapport thématique «Participation culturelle et sociétés inclusives» (2017) souligne les liens entre culture, confiance dans la société et inclusion. Le guide du FIDC (2016) à l’intention des responsables politiques explique la logique et comment mettre en œuvre le cadre.
45. Ce dernier document affirme qu’«[u]n lien a été établi au cours des dernières années entre une démocratie forte, aux rouages bien huilés, et l’abondance de l’offre culturelle pour les citoyens et tout autre habitant de la société. Une société est présumée s’ouvrir, se montrer plus tolérante, mieux fonctionner et prospérer économiquement dès lors que sa population accède facilement à toutes sortes d’activités culturelles, et qu’elle y participe en nombre. Les activités culturelles semblent en effet jouer un rôle important chez les citoyens, notamment dans le développement de leur capacité à s’exprimer, à s’informer, à développer une pensée critique et à se forger une opinion – des compétences essentielles au bon fonctionnement de la démocratie» 
			(15) 
			Page 9..

7.3. Manuel Sensibilité et expressions culturelles (Cultural awareness and expression handbook)

46. En décembre 2016, le groupe de travail Méthode ouverte de coordination de l’Union européenne sur l'élaboration de la compétence «Sensibilité et expression culturelles» a publié un manuel consacré à ce sujet; son annexe contient des exemples de bonnes pratiques relevées dans toute l’Europe. La compétence relative à la sensibilité et à l’expression culturelles sont l’une des huit compétences clés qui constituent l’outil de référence que les États membres de l’Union européenne sont invités à intégrer à leurs stratégies et à leur infrastructure dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie.
47. Ce manuel définit les compétences relatives à la sensibilité et à l’expression culturelles comme l’appréciation de l’importance de l’expression créative d’idées, d’expériences et d’émotions par le biais de moyens d’expression variés, notamment la musique, les arts du spectacle, la littérature et les arts visuels. Par savoir culturel, on entend la connaissance du patrimoine culturel local, national et européen et de sa place dans le monde. Il s’agit de connaissances basiques des principaux courants culturels, y compris la culture populaire contemporaine. Cette définition repose sur l’idée qu’une réelle compréhension de notre propre culture et de notre propre identité peut être le fondement d’une attitude ouverte envers les autres et de respect pour la diversité et l’expression culturelle.
48. Les aptitudes pertinentes concernant ces compétences incluent, entre autres, la capacité à mettre en relation les points de vue créatifs et expressifs d’une personne avec les opinions d’autrui, et à identifier et exploiter des opportunités sociales et économiques au sein d’une activité culturelle 
			(16) 
			Pages 16-18..

7.4. Recommandation du Conseil de l’Union européenne relative aux compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie

49. Le Conseil de l’Union Européenne a adopté le 22 mai 2018 une Recommandation relative aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie. La recommandation contient en annexe la version mise à jour du «Cadre de référence européen» des compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie. Ce Cadre définit huit compétences clés 
			(17) 
			À
savoir: les compétences en lecture et en écriture; les compétences
multilingues; la compétence mathématique et les compétences en sciences,
en technologies et en ingénierie; la compétence numérique; les compétences
personnelles et sociales et la capacité d’apprendre à apprendre;
les compétences citoyennes; les compétences entrepreneuriales; les compétences
relatives à la sensibilité et à l’expression culturelles.       , considérées d’importance égale et étroitement liées, «nécessaires à toute personne pour l’épanouissement et le développement personnels, l’employabilité, l’inclusion sociale, un mode de vie durable, la réussite dans une société pacifique, une gestion de vie saine et la citoyenneté active».
50. Parmi ces compétences clés figurent les «compétences relatives à la sensibilité et à l’expression culturelles», lesquelles «supposent de comprendre et de respecter la façon dont les idées et le sens sont exprimés et communiqués de manière créative dans des cultures différentes et à travers un éventail d’arts et d’autres formes de culture. Elles nécessitent de s’engager à comprendre, à développer et à exprimer ses propres idées et son sentiment d’appartenance ou son rôle dans la société de différentes manières et dans divers contextes».

7.5. Programme de l’Union européenne «Europe créative» (2014-2020, 2021-2027)

51. Le programme Europe créative a été mis en place en 2014 dans le but de préserver et de promouvoir la diversité culturelle et linguistique et le patrimoine culturel européen, ainsi que de renforcer la compétitivité des secteurs de la culture et de la création en Europe. Le programme vise à anticiper les nouvelles tendances dans les secteurs concernés en établissant un pont entre culture et créativité, en favorisant le mouvement de jeunes artistes talentueux et en partageant le contenu culturel au-delà des frontières. Il aide les organisations culturelles et créatives à opérer de manière transnationale et favorise la circulation transfrontalière des œuvres culturelles et la mobilité des acteurs culturels.
52. La nouvelle proposition de la Commission européenne relative au programme Europe créative 2021-2027 
			(18) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/RegData/docs_autres_institutions/commission_europeenne/com/2018/0366/COM_COM(2018)0366_FR.pdf'>www.europarl.europa.eu/RegData/docs_autres_institutions/commission_europeenne/com/2018/0366/COM_COM(2018)0366_FR.pdf</a>. reconnaît la valeur intrinsèque de la culture et propose une double augmentation du budget, préservant la liberté d'expression artistique, la mobilité des artistes et la circulation des œuvres. Malheureusement, la proposition ne favorise pas un lien explicite entre créativité, culture et éducation.
53. Le 27 novembre 2018, les ministres de la Culture de l'Union européenne ont adopté les conclusions sur le plan de travail pour la culture 2019-2022 
			(19) 
			<a href='http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-13948-2018-INIT/fr/pdf'>http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-13948-2018-INIT/fr/pdf</a>., qui offre néanmoins deux domaines de création de synergies entre culture, éducation, recherche, numérisation et développement régional et urbain. Il s’agit notamment: a) de la «jeune génération créative», qui visera à encourager la créativité des jeunes et leur potentiel d’innovation à l’ère numérique, et b) «de la citoyenneté, des valeurs et de la démocratie», qui examinera l’impact de la participation aux arts et à la culture sur la citoyenneté active, l’ouverture d'esprit, la curiosité et l’esprit critique et applicabilité du cadre d'indicateurs du Conseil de l'Europe sur la culture et la démocratie dans le contexte de l'Union européenne.

8. Modèles existants de certification pour les jeunes

54. De nombreuses certifications destinées aux jeunes existent en Europe, mais très peu d’entre elles concernent les arts ou la culture, ou ont pour objet la reconnaissance et la validation des réussites des jeunes.
55. Le certificat Youthpass 
			(20) 
			<a href='https://www.youthpass.eu/fr/Youthpass/'>www.youthpass.eu/fr/Youthpass/</a>. est un outil à l’échelle européenne pour documenter et reconnaître ce que les jeunes apprennent par le travail et les activités solidaires. Il est disponible pour les projets financés par Erasmus+ – programme Jeunesse en action de la Commission européenne. Les participants au projet ont la possibilité de décrire ce qu’ils ont fait dans leur projet et quelles compétences ils ont acquises. Ainsi, Youthpass encourage la réflexion sur le processus et les résultats de l’apprentissage non formel personnel, renforce la reconnaissance sociale du travail des jeunes et soutient la citoyenneté européenne active des jeunes et des travailleurs de la jeunesse en décrivant la valeur ajoutée de leur projet. Il vise également à soutenir l’employabilité des jeunes et des travailleurs de la jeunesse en les rendant plus conscients de leurs compétences, en les aidant à décrire ces compétences et en documentant leur acquisition de compétences clés sur un certificat.
56. Au Royaume-Uni, l’Arts Award 
			(21) 
			<a href='http://www.artsaward.org.uk/site/?id=1977'>www.artsaward.org.uk/site/?id=1977</a>. est un instrument abouti issu d’un programme national fondé en 2005 et géré par le Trinity College de Londres, en association avec l’Arts Council (Conseil des arts), Angleterre. C'est un outil proposé aux jeunes qui souhaitent approfondir leur engagement artistique, acquérir des compétences créatives et obtenir une qualification nationale. Au moyen de ses cinq niveaux, les enfants et les jeunes (jusqu’à 25 ans) peuvent explorer tous les arts, notamment arts du spectacle, arts visuels, littérature, médias et multimédia. Cette certification favorise la confiance, aide la jeunesse à apprécier les activités culturelles et la prépare à une formation complémentaire ou à l’emploi. L’Arts Award est particulièrement utile pour promouvoir les compétences de leadership dans le domaine artistique. Cependant, à la connaissance des rédacteurs, il n’inclut pas les éléments plus larges de la culture et du patrimoine.
57. Au niveau institutionnel, Artsmark 
			(22) 
			<a href='https://www.artsmark.org.uk/about-artsmark'>www.artsmark.org.uk/about-artsmark.</a> est la norme de qualité créative pour les écoles, accréditée par le Conseil des arts en Angleterre. Il fournit un cadre clair aux enseignants pour planifier, développer et évaluer les arts, la culture et la créativité dans le curriculum. Elle permet aux écoles d’accéder à des réseaux d’organisations culturelles de premier plan qui leur permettent d’utiliser les arts pour engager et développer des jeunes affirmés et confiants et inspirer les enseignants. En plus de reconnaître les écoles qui rendent les arts vivants, le prix Artsmark est un outil pratique et précieux pour enrichir l’offre artistique d’une école, quel que soit le point de départ. Les écoles sont classées dans les catégories argent, or ou platine, en fonction de leurs réalisations.
58. Le Certificat de compétences culturelles 
			(23) 
			<a href='https://www.bkj.de/fileadmin/user_upload/documents/Kulturelle_Bildung_International/World_Summit_2013/PechaKucha_Witte.pdf'>www.bkj.de/fileadmin/user_upload/documents/Kulturelle_Bildung_International/World_Summit_2013/PechaKucha_Witte.pdf.</a>, projet pilote allemand, est un passeport éducatif attribué aux jeunes (à partir de 12 ans). Il décrit les activités artistiques suivies par le jeune et les points forts dont il ou elle a fait preuve au cours du projet. Cet ensemble d'outils est le fruit d’une coopération entre praticiens de l'éducation culturelle des jeunes, chercheurs en sciences sociales et représentants du milieu des affaires.
59. Bien que ces quatre projets soient utiles dans tel ou tel contexte local, aucun d'entre eux n’est facilement réalisable dans les États membres du Conseil de l’Europe. Aucun d’eux ne tient compte explicitement de l’importance grandissante de la «créativité» et de son caractère interdisciplinaire. Comme l’a suggéré Mme Parr, le temps est venu de mettre au point une nouvelle certification qui tienne compte du nouveau Cadre de référence européen des compétences clés, de l’importance et de la valeur accrues accordées aux aptitudes à la créativité et de l’importance de la formation tout au long de la vie, puisque l’apprentissage ne se déroule pas simplement sur les bancs de l’école.
60. La particularité de la certification que je souhaite proposer est qu’elle pourrait:
  • s’appliquer aux arts et à la culture;
  • promouvoir les aptitudes, les connaissances et les attitudes définies dans la compétence n° 8 du cadre européen des compétences clés tout au long de la vie, à savoir: «Sensibilité et expressions culturelles»;
  • se décliner à l’échelle de l’Europe et promouvoir les valeurs européennes;
  • encourager les partenariats entre la culture et d’autres domaines professionnels et politiques, à l’échelle locale ou de l’Union européenne.

9. Suggestion de cadre pour la certification

9.1. Principaux points

61. La certification en question reconnaîtrait la progression et les réalisations de l’apprenant en matière de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes, telles que définies dans le «Cadre de référence européen» des compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie.
62. Je trouve particulièrement significative l’explication donnée par ce texte en ce qui concerne les connaissances, aptitudes et attitudes essentielles correspondant aux «compétences relatives à la sensibilité et à l’expression culturelles»:
«Ces compétences requièrent la connaissance des cultures et des expressions locales, nationales, régionales, européennes et mondiales (…) ainsi qu’une compréhension de la manière dont ces expressions peuvent s’influencer mutuellement et influencer les idées de chacun. Elles supposent de comprendre les différents modes de communication des idées entre le créateur, le participant et le public (…). Elles exigent une compréhension de notre propre identité en développement et de notre patrimoine culturel dans un monde caractérisé par la diversité culturelle, et de la manière dont les arts et d’autres formes de culture peuvent être un instrument pour interpréter et façonner le monde.
Parmi les aptitudes figurent la faculté d’exprimer et d’interpréter avec empathie des idées figuratives et abstraites, des expériences et des émotions, (…) ainsi que la faculté de participer à des processus créatifs, à la fois à titre individuel et collectif.
Il est important d’avoir une attitude ouverte par rapport à la diversité des expressions culturelles et de la respecter (…). Une attitude positive suppose également une curiosité à l’égard du monde, une ouverture d’esprit permettant d’imaginer de nouvelles possibilités, et la volonté de participer à des expériences culturelles.»
63. L’outil reconnaîtrait les compétences acquises par l’apprenant lors de sa participation à des activités d’apprentissage formel, non-formel et informel 
			(24) 
			Ces
termes ont la signification suivante: 
			(24) 
			– «apprentissage
formel» / «éducation formelle» (un enseignement organisé, dispensé
à l'école ou dans un contexte organisé et structuré (par exemple
dans un établissement d'enseignement ou de formation, ou sur le
lieu de travail) et qui est explicitement désigné comme apprentissage
(en termes d'objectifs, de temps ou de ressources); 
			(24) 
			–
«apprentissage non-formel» / «éducation non-formelle» (un enseignement d'un sujet en particulier,
à l'intérieur de l'école ou à l'extérieur, qui est intégré dans
des activités planifiées qui ne sont pas explicitement désignées
comme activités d'apprentissage mais qui comportent un important
élément d'apprentissage; 
			(24) 
			– «apprentissage informel»
/ «éducation informelle» (un apprentissage qui découle des activités
de la vie quotidienne liées au travail, à la famille ou aux loisirs.
Il n'est ni organisé ni structuré (en termes d'objectifs, de temps
ou de ressources). 
			(24) 
			L'apprentissage non formel est
intentionnel de la part de l'apprenant, alors que l'apprentissage
informel possède la plupart du temps un caractère non intentionnel
de la part de l'apprenant. Cependant ce n’est pas toujours simple d’appliquer
ces distinctions. Voir, par exemple: <a href='http://www.oce.uqam.ca/article/apprentissage-formel-informel-non-formel-des-notions-difficiles-a-utiliser-pourquoi/'>Apprentissage
formel, informel, non-formel, des notions difficiles à utiliser…
pourquoi?</a>. Les sous-cultures, la diversité et la technologie créative seront incluses et respectées, à la fois dans la gamme des activités et dans les méthodes de validation des accomplissements.
64. Les résultats d’apprentissage (en termes de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes à acquérir) pourraient être articulés en niveaux de difficulté croissants et en parcours de progression, afin que les réalisations soient reconnues à différents niveaux (bronze, argent, or ou 1, 2, 3, par exemple).
65. Le parcours d’apprentissage et les objectifs à atteindre dans ce cadre seront, dans un premier temps, proposés par l’apprenant s’engageant dans ce modèle de certification. Ils devront être débattus et approuvés par un mentor local, comme un professeur, un professionnel des arts ou de la culture, un éducateur jeunesse ou un employé de la collectivité, qui sera chargé d’accompagner et de motiver l’apprenant tout au long du processus, et de recommander la délivrance de la certification lorsque les objectifs fixés et le niveau de compétences approprié auront été atteints et documentés de manière satisfaisante. La participation de professionnels plus spécialisés sera nécessaire lors des parcours de progression.
66. Les objectifs d’apprentissage identifiés seront atteints en un temps défini et les preuves du parcours d’apprentissage seront recueillies et présentées en vue de la certification à délivrer. La difficulté des objectifs d’apprentissage et l’examen minutieux des preuves recueillies augmenteront en fonction des niveaux de la certification.
67. Il sera important que l’apprenant fournisse un suivi de sa réflexion et une auto-évaluation, ce qui témoignera en soi d’une progression, particulièrement en termes d’aptitudes et d’attitudes.
68. Des centres nationaux ou territoriaux pourront faire le lien entre l’échelle locale et européenne, en matière de formation et d’accompagnement des mentors locaux.
69. Pour assurer une forte dimension européenne à ce modèle de certification, tous les certificats devront être délivrés par un centre européen unique: une organisation de parrainage, peut-être avec le soutien d'une université agréée ayant un rôle de conseil et de gestion de l'accréditation et de la formation.
70. Il conviendra d’adopter une approche créative dans la collecte des éléments attestant des objectifs atteints, et les apprenants seront invités à faire part de leurs suggestions. Il est probable que la technologie créative jouera un rôle essentiel dans l’enregistrement des activités et des réalisations à évaluer.
71. Des modules de sensibilité et expression culturelles à différents niveaux de progression pourraient être développés et proposés en complément des certifications existantes destinées à la jeunesse. Des structures de certification existantes pourraient se porter candidates pour valider ces modules, mais ils continueront toutefois d’être évalués à l’échelle locale ou européenne selon le degré de difficulté, et ajouteront un label d’assurance qualité européenne à la certification des apprenants.

9.2. Résultats attendus de l’outil

72. Cet outil devrait permettre:
  • aux jeunes/apprenants de valider les compétences (connaissances, aptitudes et attitudes) qu’ils ont acquises en participant à des activités scolaire et/ou extra-scolaires artistiques, culturelles et créatives;
  • de mieux comprendre l’importance et la pertinence des aptitudes, connaissances et attitudes associées à la sensibilité et l’expression culturelles;
  • de développer à long terme et soutenir de nouveaux partenariats dans un grand nombre de disciplines et de secteurs variés, avec pour objectif commun de promouvoir et d’intégrer davantage la sensibilité et l’expression culturelles dans l’élaboration des politiques en Europe;
  • de mieux comprendre et valoriser les valeurs européennes. L’Europe est un leader mondial en matière de promotion des valeurs de démocratie, d’inclusivité, de liberté de parole et d’expression, de participation et de respect de la diversité.

9.3. Où commencer?

73. Idéalement, il devrait s’agir d’un projet conjoint entre le Conseil de l’Europe et la Commission européenne, qui comprendra plusieurs phases. La portée précise des futurs travaux ne pourra être déterminée qu’après avoir pris connaissance des résultats de la phase initiale.
74. Pour commencer, le Conseil de l’Europe et la Commission européenne pourraient désigner un chef de projet chargé:
  • de concevoir et mettre en œuvre une stratégie de consultation afin d’évaluer l’intérêt de la certification proposée auprès d’un éventail de parties prenantes dans divers secteurs, notamment la culture, les arts, le travail des jeunes, la justice et la santé. La consultation s’adressera aux jeunes, aux responsables politiques, aux professionnels des arts, de la culture, du travail auprès des jeunes et de l'éducation, ainsi qu’à des universitaires et des employeurs. Elle pourra prendre la forme d'un questionnaire diffusé en ligne par le biais de divers organismes et réseaux existants et cherchera à recueillir des informations et des opinions sur les avantages locaux et les éventuels obstacles;
  • d’examiner en profondeur différents modèles possibles de certification et les coûts associés, y compris l’élaboration d’une nouvelle certification et/ou la possibilité d’intégrer un «module» aux certifications existantes;
  • de rechercher les différentes sources de financement possibles pour la mise en œuvre de la certification.
75. Il est possible que ces travaux ne puissent pas être pris en charge par le personnel existant, auquel cas un appel d'offres pour cette phase du projet pourra être élaboré et des prestataires externes qualifiés pourront être recrutés. Dans tous les cas, le chef de projet devra constituer un petit groupe consultatif pour l’accompagnement et le suivi. Il serait préférable de recruter les membres du groupe consultatif dans différents secteurs tels que la santé, la justice et le secteur social, en complément d’autres secteurs plus évidents comme la culture et l’éducation.
76. Voici une liste des partenaires dont la contribution pourrait être pertinente:
  • ACEnet: un réseau européen informel réunissant des responsables politiques issus des ministères européens de l’Éducation et de la Culture.
  • ENO (Réseau européen d'observatoires): un réseau qui met en contact les centres de connaissances des pays européens. Il vise à faciliter l'échange de résultats de recherche et de pratiques innovantes, à stimuler de nouvelles recherches sur l'éducation artistique et culturelle et à soutenir le développement de l'éducation artistique dans le cadre des politiques et directives mondiales de l'UNESCO pour l'éducation, la culture et le développement durable;
  • Parlement européen des jeunes: cette organisation devrait être au cœur du développement de cet outil, puisqu’une partie de sa mission vise à encourager le développement de l’esprit critique des jeunes;
  • Association pour la Carte jeunes européenne: une organisation à but non lucratif qui représente 36 pays en Europe et qui s’engage auprès des six millions de détenteurs de la carte, afin de favoriser la mobilité des jeunes et la citoyenneté active;
  • représentants des certifications suivantes: Arts Awards, Cultural Competency Record et Youthpass;
  • ancien président ou ancien membre du groupe de travail Méthode ouverte de coordination sur la compétence «Sensibilité et expression culturelles»: ce groupe a été créé pour une tâche et une durée définies et ne se réunit plus, mais la participation de ses membres à la rédaction du Manuel Sensibilité et expression culturelles fait qu’ils pourraient être à même d’apporter une contribution intéressante et éclairée.

9.4. Principes de développement

77. Pour réussir, le projet doit reposer sur des bases solides. À cet égard, je crois que:
  • les jeunes devront être considérés et traités comme des partenaires à part entière (co-créateurs) dans la planification et le développement de cet outil;
  • la diversité des citoyens européens devra être respectée et soutenue dans toutes les phases de développement et de mise en œuvre;
  • réalisation/fabrication/production/création doivent faire partie intégrante des objectifs mesurés par l’outil;
  • la qualité de l’expérience culturelle est fondamentale et devra être prise en compte à chaque étape de la conception;
  • le processus doit comporter des éléments d’autodéfinition des objectifs, d’autoréflexion et d’auto-évaluation;
  • le processus d’accréditation impliquera probablement des éléments au niveau local, régional, national et européen;
  • une utilisation optimale des outils numériques devrait être faite, tant pour les processus d’enregistrement et de traitement administratif, que pour connecter des jeunes ayant les mêmes sensibilités à travers toute l’Europe.

10. Conclusions

78. La créativité et les compétences créatives ont un rôle important à jouer dans une éducation véritablement transformationnelle; elles peuvent favoriser les conditions idéales à l’épanouissement des élèves et des enseignants. À l’heure où les enseignants doivent venir à bout d’un programme surchargé et ce dans le cadre d’une culture de reddition de comptes, il n’est que trop facile de soumettre les pratiques de classe à l’impératif des examens et de leurs résultats au lieu de développer les compétences des jeunes et de les préparer à une vie professionnelle et personnelle active et enrichissante. Les systèmes éducatifs européens doivent opérer un revirement majeur: l’apprentissage moderne devra être dicté non par la conception des tests mais par les besoins et les intérêts des élèves.
79. S’ils ont la possibilité de développer leurs aptitudes et compétences créatives, les apprenants gagnent en assurance et deviennent plus ambitieux; leur estime de soi grandit, tout comme leur désir d’explorer et de remettre en question les hypothèses, de prendre en main leur propre apprentissage et leur propre réflexion. Ils font montre d’un esprit plus imaginatif, plus ouvert, plus aventureux et ils abordent les problèmes de différents points de vue. Ils osent poser des questions, établir des liens entre les disciplines, envisager ce qui est possible et impossible, explorer les idées, identifier les problèmes et rechercher et motiver des solutions 
			(25) 
			Voir «How good is OUR
school», Education Scotland,<a href='https://education.gov.scot/improvement/Documents/HGIOURS-Part1.pdf'> https://education.gov.scot/improvement/Documents/HGIOURS-Part1.pdf</a>..
80. Les écoles modernes ont besoin de programmes solides en art et par l’art, ainsi que de moyens artistiques et créatifs d’apprendre de manière intégrée pour l’ensemble du programme scolaire. À cet effet, les écoles européennes ont besoin d'enseignants compétents capables d’enseigner de façon transversale et créative à travers les arts et la culture.
81. À partir des exemples recueillis mais aussi du travail déjà entrepris (mentionnés ci-dessus) se dégagent trois recommandations principales:
  • Il faudrait encourager les gouvernements des États membres à intégrer des compétences culturelles et créatives dans leurs systèmes d’éducation formelle.
  • Les gouvernements des États membres devraient encourager et soutenir des partenariats à long terme entre écoles, employeurs, industries créatives et institutions culturelles afin d’apporter aux jeunes la confiance et les capacités dont ils auront besoin dans un monde et une économie tributaire de l’innovation.
  • Ces partenariats devraient:
    • impliquer une série d’organisations dans tous les aspects de la planification et de la prestation;
    • créer des associations durables et réciproques;
    • encourager une responsabilité partagée pour planifier, mettre en œuvre et évaluer un programme;
    • être accessibles à tous, en particulier aux enfants débutant à un âge précoce et aux jeunes issus de milieux socio-économiques défavorisés;
    • être orientés vers la recherche et basés sur des projets, ainsi que favoriser les situations spontanées et créer de véritables possibilités d’apprentissage.
  • Le Conseil de l’Europe et la Commission européenne, en collaboration avec des associations professionnelles et en s’inspirant d’exemples de politiques intersectorielles, devraient élaborer un outil européen de reconnaissance des compétences acquises par les apprenants lors de leur participation à des activités artistiques/culturelles/créatives (en dehors de celles financées par le programme Erasmus+, et comprenant des éléments d’amélioration des compétences).