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Rapport | Doc. 14908 | 08 juin 2019

La Convention d’Istanbul sur la violence à l’égard des femmes: réalisations et défis

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Zita GURMAI, Hongrie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14507, Renvoi 4380 du 27 avril 2018. 2019 - Troisième partie de session

Résumé

La violence à l’égard des femmes est une violation des droits humains et une manifestation de l’inégalité profondément ancrée entre les femmes et les hommes. Afin de lutter contre ce fléau, des mesures législatives et politiques fortes sont nécessaires. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique («Convention d’Istanbul»), entrée en vigueur en 2014, est l’instrument juridique le plus complet et avancé dans ce domaine à ce jour.

La Convention a été ratifiée par 34 États membres du Conseil de l’Europe et signée par 11 autres et par l’Union européenne. Elle a déjà eu un impact positif en sensibilisant à la nécessité urgente de combattre la violence à l’égard des femmes et en demandant aux États Parties d’introduire des normes élevées dans leurs législations et dans leurs politiques. Cependant, plusieurs difficultés retardent de nouvelles adhésions à la Convention ou entravent son application.

Il est essentiel de sensibiliser à la valeur ajoutée de la Convention et à son impact positif, et de la soutenir au niveau national et international. Les parlementaires ont un rôle important à jouer à cette fin, en participant activement à sa promotion et en dissipant les idées fausses sur la Convention. Les parlements devraient également participer activement au suivi de sa mise en œuvre.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adoptée à l’unanimité par la commission le 5 juin
2019.

(open)
1. La violence à l’égard des femmes est un crime. Il s’agit de l'une des violations des droits humains les plus répandues, une forme de discrimination fondée sur le genre et une manifestation de l’inégalité profondément ancrée entre les femmes et les hommes. Elle se produit quel que soit le statut social de l'auteur ou des victimes et aucun pays n'est épargné par ce fléau. La violence à l'égard des femmes ne peut être justifiée ou normalisée sous aucun prétexte. Pourtant, une femme sur trois dans l'Union européenne déclare avoir été victime de violence fondée sur le genre, à une ou plusieurs reprises depuis l'âge de 15 ans.
2. Pour lutter contre ce fléau, une action coordonnée est nécessaire au niveau politique, législatif et institutionnel. L'Assemblée parlementaire a donc fermement soutenu l’élaboration de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, « Convention d'Istanbul »). Après son entrée en vigueur le 1er août 2014, elle a appelé sans relâche à sa signature, sa ratification et sa mise en œuvre. Son Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence et ses rapporteurs généraux sur la violence à l’égard des femmes ont joué un rôle essentiel dans la promotion de la Convention par des actions ciblées dans les parlements nationaux des États membres, ainsi qu'aux niveaux régional et international. Le Réseau a également constitué un cadre utile au partage d'expériences et de pratiques prometteuses, ainsi qu’à la diffusion d'outils pratiques pour lutter contre la violence faite aux femmes.
3. L’Assemblée confirme son soutien indéfectible à la Convention d’Istanbul, qui demeure l’instrument juridique international le plus complet et le plus avancé en matière de prévention et de lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. La Convention fixe des normes élevées et adopte une approche globale axée sur la prévention, la protection des victimes, la poursuite des auteurs et des politiques intégrées – et place les droits de la victime au cœur de toutes les mesures prises et mises en œuvre. Elle promeut également l’égalité de genre et lutte contre les stéréotypes de genre. Elle est le « gold standard » pour les Nations Unies qui l'utilisent comme norme de référence pour leurs travaux.
4. À ce jour, la Convention d’Istanbul a été ratifiée par 34 États membres du Conseil de l'Europe et signée par 11 autres États et l’Union européenne. Deux États membres du Conseil de l’Europe ne l’ont ni signée ni ratifiée. La Convention est ouverte aux États non membres du Conseil de l’Europe et constitue un puissant outil de sensibilisation et de plaidoyer sur la nécessité de prévenir et lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Bien qu’élaborée en Europe, elle ne lui est pas exclusivement destinée et plusieurs États non membres du Conseil de l'Europe et d'autres organisations régionales l'utilisent pour élaborer leurs propres politiques et cadres juridiques. L'Assemblée soutient fermement le travail accompli par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, et en particulier la coordination qu'elle a mise en place entre les mécanismes régionaux.
5. La coopération et les partenariats entre les différents mécanismes régionaux et internationaux de promotion et de défense des droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes sont très importants afin d’assurer la mise en œuvre de normes régionales et internationales aux niveaux national et international et de renforcer leur impact positif. À cet égard, l'Assemblée se félicite que les Présidences finlandaise et française du Comité des Ministres, ainsi que plusieurs présidences précédentes, se soient engagées à faire de la lutte contre la violence à l'égard des femmes une priorité et à intensifier les efforts pour promouvoir la ratification de la Convention.
6. Le suivi de la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul est assuré par le Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), qui a déjà achevé la première évaluation (de référence) pour l'Albanie, l'Autriche, le Danemark, Monaco, le Monténégro, le Portugal, la Suède et la Turquie, dans un esprit de coopération et de dialogue constructifs avec les États. Les procédures d’évaluation concernant la Finlande, la France, l’Italie, les Pays-Bas et la Serbie seront bientôt achevées. L'Assemblée félicite le GREVIO pour son travail et ses résultats. Elle se félicite également de l'approche positive adoptée par les États qui ont fait l'objet d'un suivi dans leur réponse aux propositions avancées dans les rapports.
7. L'Assemblée rappelle que l’implication des parlements dans le suivi est prévue à l'article 70 de la Convention d'Istanbul, au niveau national et au niveau de l'Assemblée, qui est invitée à faire régulièrement le point sur la mise en œuvre de la Convention. À cet égard, l'Assemblée se félicite de l'engagement du GREVIO auprès des parlementaires lors de ses visites d'évaluation.
8. Cinq ans après son entrée en vigueur, l'Assemblée estime que la Convention d'Istanbul a déjà eu un impact tangible et positif. Elle a contribué à sensibiliser les victimes et la société en général à la nécessité urgente de prévenir et de combattre la violence contre les femmes et la violence domestique. Des normes législatives et politiques plus élevées ont été adoptées dans la législation nationale de plusieurs États membres du Conseil de l'Europe. Les discussions sur l'éventuelle ratification de la Convention ont donné lieu à des débats sur la violence à l'égard des femmes, son ampleur et son impact sur les victimes et sur l'urgence de la combattre pour sauver des vies. En outre, des formations spécialisées à l'intention des professionnels du droit et de la police se sont révélées efficaces pour éliminer les obstacles qui limitent l’accès des femmes victimes de violences à la justice.
9. L’Assemblée regrette que plusieurs difficultés retardent l'adhésion de certains pays à la Convention ou entravent son application par les États Parties. Il subsiste trop souvent un écart important entre la loi et sa mise en œuvre. L’absence de données, de coordination et de ressources peut également retarder les changements législatifs et politiques. La Convention d'Istanbul est présentée à tort par ses opposants comme une attaque contre les valeurs familiales ou, selon certains, comme la promotion d’objectifs cachés. Ces idées fausses et ces interprétations délibérément trompeuses à des fins politiques sapent la valeur ajoutée et le potentiel élevé de la Convention, ainsi que les résultats considérables obtenus ces dernières années et l'application effective de la Convention.
10. L'Assemblée se réfère à sa Résolution 2274 (2019) «Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel» ainsi qu’à la Recommandation CM/Rec(2019)1 du Comité des Ministres sur la prévention et la lutte contre le sexisme et souligne l'importance de compléter la Convention d'Istanbul par des actions visant à changer les mentalités et les stéréotypes de genre négatifs, ainsi qu'à combattre différents types de violence à l'égard des femmes.
11. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à signer et ratifier, pour les États qui ne l’ont pas encore fait, la Convention d’Istanbul ;
11.2. à mettre en œuvre la Convention, sans plus attendre, en tenant compte des observations, conclusions et propositions formulées par le GREVIO dans ses rapports d'évaluation (de référence) et des recommandations adoptées par le Comité des Parties ;
11.3. à coopérer avec le GREVIO pour associer les parlements nationaux à l'élaboration du rapport étatique à son attention et à la préparation des actions de suivi ;
11.4. à soutenir et promouvoir activement la Convention d'Istanbul, aux niveaux national et international, et à lutter contre les idées fausses et la désinformation relatives à la Convention ;
11.5. à mener des activités de sensibilisation sur toutes les formes de violences à l’égard des femmes en vue de contribuer à faire évoluer les mentalités et les stéréotypes ;
11.6. à renforcer les services d'assistance aux femmes victimes de violence fondée sur le genre ;
11.7. à tirer pleinement parti des outils de formation en ligne aux droits humains pour les professionnels du droit fournis par le Conseil de l’Europe et consacrés à la violence à l'égard des femmes et la violence domestique afin de s'assurer que toutes les professions juridiques sont familiarisées avec les dispositions de la Convention d'Istanbul ;
11.8. à fournir ou renforcer les formations à l’attention des professionnels, traitant avec les victimes ou les auteurs, qu’ils aient une expertise juridique ou non, en suivant l’esprit de la Convention;
11.9. à reconnaître, encourager et soutenir, à tous les niveaux, le travail des organisations non gouvernementales pertinentes et des membres de la société civile actifs dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes, et établir une coopération effective avec ces acteurs.
12. L'Assemblée invite l'Union européenne à accélérer son adhésion à la Convention d'Istanbul.
13. L'Assemblée encourage également les États non membres du Conseil de l'Europe à envisager d'adhérer à la Convention.
14. L’Assemblée invite les parlements nationaux:
14.1. à participer activement à la procédure de suivi de la mise en œuvre de la Convention ;
14.2. à entreprendre des activités, telles que des débats et des auditions, pour discuter des conclusions et des propositions présentées dans les rapports d'évaluation du GREVIO et des recommandations du Comité des Parties concernant leurs pays ;
14.3. à intensifier les efforts de sensibilisation aux réalisations et à la valeur ajoutée de la Convention d'Istanbul, en vue de démystifier les idées fausses sur la Convention ;
14.4. à promouvoir activement la Convention d'Istanbul aux niveaux national, régional et international ;
14.5. à soutenir les travaux du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence dans le but d'apporter des solutions pratiques pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et à la violence domestique ;
14.6. à soutenir l'initiative #PasDansMonParlement sur la prévention et la lutte contre le sexisme, le harcèlement et la violence à l'égard des femmes dans les parlements et à suivre les propositions faites dans sa Résolution 2274 (2019).
15. L'Assemblée décide d'examiner les moyens d'intensifier sa coopération avec le GREVIO et la Commission pour l’égalité de genre du Conseil de l'Europe, afin de faire le point sur la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul. L’Assemblée décide aussi d’intensifier ses efforts afin de mobiliser les parlementaires en faveur de la Convention d'Istanbul.
16. L'Assemblée décide d'envisager l’établissement de partenariats et d’une coopération avec d'autres réseaux parlementaires pour promouvoir la Convention d'Istanbul. L’Assemblée décide également d’envisager un renforcement de son dialogue et de sa coopération avec les organisations non gouvernementales, les organisations de terrain, les représentants de la société civile et du secteur académique actifs dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la violence à l’égard des femmes.

B. Exposé des motifs, par Mme Zita Gurmai, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. La violence à l'égard des femmes est une violation des droits humains, une forme de discrimination fondée sur le genre, une cause de l'inégalité de genre et, en même temps, un facteur renforçant l'inégalité de genre. Il s'agit d'une infraction pénale qui devrait être reconnue comme telle dans la législation nationale, comme l'exige la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d'Istanbul») 
			(2) 
			<a href='https://rm.coe.int/1680084840'>https://rm.coe.int/168008482e.</a>.
2. La violence à l'égard des femmes est un phénomène très répandu qui est sous-déclaré, sous-estimé et dont l'ampleur n'est pas entièrement connue. Afin de combler ce manque de connaissances, en 2014, l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) a publié une enquête sur la violence à l'égard des femmes dans les 28 États membres de l'Union européenne, sur la base d'entretiens avec 42 000 femmes interrogées sur leurs expériences de violence physique, sexuelle et psychologique, y compris les incidents de violence domestique 
			(3) 
			<a href='https://fra.europa.eu/fr/publication/2014/la-violence-lgard-des-femmes-une-enqute-lchelle-de-lue-les-rsultats-en-bref'>https://fra.europa.eu/en/publication/2014/violence-against-women-eu-wide-survey-main-results-report.</a>.
3. Selon cette étude, dans l'Union européenne, une femme sur trois a connu des violences fondées sur le genre depuis l'âge de 15 ans. Une femme sur 10 a subi une forme de violence sexuelle depuis l'âge de 15 ans et une sur 20 a été violée. Un peu plus d'une femme sur cinq a subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d'un partenaire actuel ou précédent, et un peu plus d'une femme sur dix indique avoir subi une forme de violence sexuelle par un adulte avant l'âge de 15 ans. Et pourtant, seulement 14 % des femmes ont signalé à la police l’incident de violence domestique qu’elles ont jugé comme étant le plus grave, et 13 % ont signalé à la police l’incident de violence fondée sur le genre n’ayant pas été perpétré par un partenaire, et qu’elles ont jugé comme étant le plus grave.
4. Les données d'EUROSTAT sur le nombre d'incidents d'homicides intentionnels, de viols et d'agressions sexuelles signalés montrent que, dans de nombreux États membres de l'Union européenne, plus de la moitié des victimes de féminicides sont tuées par un partenaire intime, un parent ou un membre de la famille 
			(4) 
			Indice d’égalité de
genre 2017 de l’EIGE, Cadre pour mesurer la violence à l’égard des
femmes, <a href='https://eige.europa.eu/rdc/eige-publications/gender-equality-index-2017-measuring-gender-equality-european-union-2005-2015-report'>https://eige.europa.eu/rdc/eige-publications/gender-equality-index-2017-measuring-gender-equality-european-union-2005-2015-report.</a>. Selon une étude scientifique de 2006, il y a environ 3 500 décès liés à la violence domestique dans l'Union européenne par an 
			(5) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2017/614583/EPRS_BRI(2017)614583_EN.pdf'>www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2017/614583/EPRS_BRI(2017)614583_EN.pdf.</a>. En mars 2018, un Observatoire européen des féminicides a été lancé à Malte 
			(6) 
			<a href='http://www.independent.com.mt/articles/2018-03-20/education/The-European-Observatory-on-Femicide-launched-in-Malta-6736186593'>www.independent.com.mt/articles/2018-03-20/education/The-European-Observatory-on-Femicide-launched-in-Malta-6736186593.</a>. Il s'agit du premier observatoire de ce type au niveau européen et, espérons-le, il contribuera à améliorer la collecte de données parce que, dans la plupart des cas, les statistiques nationales ne relèvent pas si le motif d’un meurtre est fondé sur le genre.
5. L'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) a réalisé une enquête et interrogé plus de 15 000 femmes au printemps et à l'été 2018 en Albanie, en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo* 
			(7) 
			* Toute
référence au Kosovo dans ce texte, que ce soit le territoire, les
institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo., en République de Moldova, au Monténégro, en Macédoine du Nord, en Serbie et en Ukraine. L'étude a conclu que 70 % des femmes interrogées avaient été victimes d'une forme quelconque de harcèlement sexuel, de brimades, de violence perpétrée par un partenaire ou n’ayant pas été perpétrée par un partenaire depuis l'âge de 15 ans. 45 % des femmes interrogées ont été victimes de harcèlement sexuel, notamment de harcèlement sur Internet. 23 % des femmes interrogées ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d'un partenaire proche. 18 % des femmes interrogées ont subi des violences physiques et/ou sexuelles qui n’ont pas été perpétrées par un partenaire 
			(8) 
			OSCE-led Survey on
the Well-being and Safety of Women, 6 mars 2019, <a href='https://www.osce.org/secretariat/413237?download=true'>www.osce.org/secretariat/413237?download=true.</a>.
6. Comme l'indique l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), la violence fondée sur le genre dont les victimes ont souffert a des conséquences importantes sur leur santé pour près de 70 % d’entre elles 
			(9) 
			Indice d’égalité de
genre 2017 de l’EIGE, op. cit.. L'Organisation mondiale de la santé énumère parmi les principales conséquences: les tentatives de suicide ou le suicide, la dépression, le stress post-traumatique et d'autres troubles anxieux, les blessures, les grossesses non désirées, les avortements provoqués, les problèmes gynécologiques, les maladies sexuellement transmissibles, les problèmes de sommeil et troubles de l'alimentation 
			(10) 
			<a href='https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-women'>www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-women.</a>.
7. De plus, les dits «mouvements de pères» gagnent du terrain. À cet égard, il convient de préciser clairement que l’«aliénation parentale» 
			(11) 
			L’aliénation
parentale est le processus, et le résultat, de la manipulation psychologique
d’un enfant après avoir fait preuve d’une crainte injustifiée, d’irrespect
ou d’hostilité envers un parent et/ou d’autres membres de la famille.
Elle survient principalement en association avec une séparation
au sein de la famille ou lors d’un divorce, en particulier lorsqu’il
y a une action en justice (concernant par exemple la garde des enfants)
(William Bernet, l’aliénation parentale, Encyclopédie de la psychologie
clinique, 2015). promue par ces mouvements ne peut pas aller à l’encontre et compromettre les droits et la sécurité de la victime ou des enfants.
8. La violence à l'égard des femmes a également un coût pour l'ensemble de la société, en termes de coûts de santé, de jours de travail perdus et d'autres dépenses très conséquentes. L’ONU femmes cite des recherches indiquant que, dans le monde entier, le coût total de la violence contre les femmes pourrait s’élever à environ 2 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, soit à 1 500 milliards de dollars américains, ce qui équivaut à près la taille de l'économie du Canada 
			(12) 
			<a href='http://www.unwomen.org/en/news/stories/2016/9/speech-by-lakshmi-puri-on-economic-costs-of-violence-against-women'>www.unwomen.org/en/news/stories/2016/9/speech-by-lakshmi-puri-on-economic-costs-of-violence-against-women</a>; <a href='http://www.un.org/womenwatch/daw/vaw/expert brief costs.pdf'>www.un.org/womenwatch/daw/vaw/expert%20brief%20costs.pdf.</a>.
9. Ces quelques faits et chiffres démontrent de façon irréfutable que la violence à l'égard des femmes doit être combattue de toute urgence. La Convention d'Istanbul est l'outil le plus avancé et le plus complet pour le faire.

2. Convention d’Istanbul: réalisations

10. Depuis sa création, en 1949, le Conseil de l’Europe a toujours été à l’avant-garde de la protection des droits humains en Europe. L’Organisation a établi des mécanismes inégalés et défini des normes qui ont fait de notre continent un symbole de liberté et de démocratie.
11. S’il me fallait déterminer la contribution majeure apportée à l’émancipation et à la promotion des droits des femmes par le Conseil de l’Europe au cours de ses 70 années d’activité, je n’hésiterais pas un instant à affirmer qu’il s’agit de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
12. La Convention d’Istanbul, qui traite de la prévention, de la poursuite des auteurs, de la protection des victimes et des politiques intégrées, est l’instrument juridique international le plus complet et le plus avancé dans le domaine de la violence à l’égard des femmes. Elle est souvent appelée le « gold standard » (la référence absolue), mais la Convention d’Istanbul est bien plus. Il s’agit d’un manifeste proposant une vision de la société dans laquelle les femmes ne sont pas subordonnées aux hommes et où l’égalité de genre est totale.
13. La principale réalisation de la Convention d’Istanbul est d’avoir brisé le silence entourant la violence envers les femmes et la violence domestique. La Convention dit haut et fort que la violence à l’égard des femmes et des filles n’est pas une fatalité qu’il leur faut accepter en tant que femmes. Il s’agit d’un crime et d’une violation des droits humains qui doivent être réprimés et punis, et contre lesquels les victimes doivent être aidées et protégées. D’où la nécessité d’avoir des lois et des politiques appropriées.
14. La Convention d'Istanbul a porté la violence fondée sur le genre dans le débat public. La prise de conscience de ce phénomène dans l'opinion publique a augmenté, également grâce aux activités de visibilité et de sensibilisation promues ou soutenues par le Conseil de l'Europe ainsi que d'autres organisations internationales.
15. Il est également essentiel de souligner que la Convention d'Istanbul est une réussite. Au 1er mars 2019, elle a été ratifiée par 34 États membres du Conseil de l'Europe. Afin de s'y aligner, les États parties ont dû modifier leurs politiques et leur législation, élevant ainsi leurs normes et contribuant à protéger des milliers de femmes contre la violence fondée sur le genre.
16. Le 6 mai 2019, j'ai participé à un événement organisé par l’ONU Femmes à Vienne en marge du thème « Traduire les promesses régionales en actions pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles », au cours duquel nous avons discuté des succès et des obstacles dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes en Europe. La Convention d’Istanbul est reconnue comme une référence absolue dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes au-delà des frontières de l’Europe. Elle pourrait avoir vocation à devenir un instrument universel.
17. Lors de la Commission de la condition de la femme en mars 2019, Mme Marlène Schiappa, Secrétaire d'État française chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, a appelé à l'universalisation de la Convention d'Istanbul, et a souligné sa valeur ajoutée et son impact. Je me félicite que la France poursuive cet objectif dans le cadre de sa présidence du G7 par la promotion d’une politique étrangère féministe qui fait de la lutte contre la violence à l'égard des femmes une de ses priorités.

3. La Convention d’Istanbul: état des lieux

3.1. Signatures et ratifications 
			(13) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/210/signatures'>www.coe.int/en/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/210/signatures</a>.

18. Les 34 États membres du Conseil de l'Europe qui ont ratifié la Convention d'Istanbul sont les suivants: Albanie, Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Macédoine du Nord, Malte, Monaco, Monténégro, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Saint-Marin, Serbie, Slovénie, Suède, Suisse et Turquie.
19. Onze autres États membres l’ont signée, mais ne l’ont pas ratifiée (Arménie, Bulgarie, Hongrie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, République de Moldova, Royaume-Uni, République slovaque, République tchèque et Ukraine). L'Azerbaïdjan et la Fédération de Russie sont les seuls États membres ne l’ayant ni signée ni ratifiée.
20. Il faut espérer que le nombre d'États Parties augmente prochainement. Le Royaume-Uni est également sur la ligne d'arrivée, à la suite de l’introduction de modifications de sa législation nationale qui permettent à ceux qui commettent certaines infractions à l'étranger d'être poursuivis au Royaume-Uni 
			(14) 
			<a href='https://www.gov.uk/government/news/new-measures-to-allow-ratification-of-istanbul-convention'>www.gov.uk/government/news/new-measures-to-allow-ratification-of-istanbul-convention</a>.
21. L'Union européenne a participé en tant qu'observateur à l'élaboration de la Convention, qui est un instrument ouvert à l'adhésion de l'Union européenne ainsi qu'aux États membres qui ne font pas partie du Conseil de l'Europe, ces derniers dans des conditions définies dans la Convention elle-même 
			(15) 
			Articles 75
et 76.. Le Conseil de l’Union européenne a, en 2017, approuvé la signature de la Convention d’Istanbul sous la présidence maltaise, et s’est engagé à y adhérer. Les avantages potentiels de l’adhésion de l’Union européenne parallèlement à celle de ses États membres seraient notamment une meilleure collecte des données, un cadre juridique plus cohérent et l’amélioration du soutien et de la protection des victimes. L’adhésion officielle de l’Union européenne à la Convention requiert l’adoption d’une décision du Conseil de l’Union après approbation du Parlement européen. J'espère qu’en 2019, les présidences roumaine et finlandaise de l'Union européenne joueront un rôle positif pour faire progresser la ratification et la mise en œuvre de la Convention.
22. Le mécanisme de suivi prévu par la Convention d’Istanbul se compose de deux organes: le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), un organe d’experts indépendants chargé d’élaborer les rapports d’évaluation, et le Comité des Parties, qui s’appuie sur les rapports du GREVIO pour adresser des recommandations aux pays concernés. Il existe deux types de suivi: une procédure d’évaluation pays par pays et une procédure spéciale d’enquête qui peut être engagée par le GREVIO lorsque des informations fiables indiquent qu’il est urgent d’agir pour prévenir des actes de violence graves, répandus ou récurrents visés par la Convention. Jusqu’à présent, cette dernière procédure n’a pas été mise en œuvre. S’agissant de la procédure d’évaluation pays par pays, les premiers rapports d’évaluation (de référence) sur l’Albanie 
			(16) 
			<a href='https://rm.coe.int/premier-rapport-de-reference-du-grevio-sur-l-albanie/16807688a9'>https://rm.coe.int/premier-rapport-de-reference-du-grevio-sur-l-albanie/16807688a9.</a>, l’Autriche 
			(17) 
			<a href='https://rm.coe.int/grevio-rapport-autriche-1e-evaluation/168075961b.'>https://rm.coe.int/grevio-rapport-autriche-1e-evaluation/168075961b.</a>, le Danemark 
			(18) 
			<a href='https://rm.coe.int/premier-rapport-de-reference-du-grevio-sur-le-danemark/16807688bc.'>https://rm.coe.int/premier-rapport-de-reference-du-grevio-sur-le-danemark/16807688bc.</a>, Monaco 
			(19) 
			<a href='https://rm.coe.int/grevio-rapport-monaco-1e-evaluation/168075961d'>https://rm.coe.int/grevio-rapport-monaco-1e-evaluation/168075961d.</a>, le Monténégro 
			(20) 
			<a href='https://rm.coe.int/rapport-grevio-montenegro/16808e5615.'>https://rm.coe.int/rapport-grevio-montenegro/16808e5615.</a>, le Portugal 
			(21) 
			<a href='https://rm.coe.int/grevio-reprt-on-portugal/168091f16f'>https://rm.coe.int/grevio-reprt-on-portugal/168091f16f.</a>, la Suède 
			(22) 
			<a href='https://rm.coe.int/grevio-inf-2018-15-eng-final/168091e686'>https://rm.coe.int/grevio-inf-2018-15-eng-final/168091e686.</a> et la Turquie 
			(23) 
			<a href='https://rm.coe.int/eng-grevio-report-turquie/16808e5283'>https://rm.coe.int/eng-grevio-report-turquie/16808e5283.</a> ont été déjà publiés.
23. La procédure d’évaluation de l’Andorre 
			(24) 
			<a href='https://rm.coe.int/state-report-andorra/1680932f12'>https://rm.coe.int/state-report-andorra/1680932f12.</a>, de la Belgique 
			(25) 
			<a href='https://rm.coe.int/state-report-belgium/pdfa/168093141c'>https://rm.coe.int/state-report-belgium/pdfa/168093141c.</a>, de l’Espagne 
			(26) 
			<a href='https://rm.coe.int/state-report-from-spain/16809313e0'>https://rm.coe.int/state-report-from-spain/16809313e0.</a>, de la Finlande 
			(27) 
			<a href='https://rm.coe.int/baseline-report-finland-2018/16807c55f2'>https://rm.coe.int/baseline-report-finland-2018/16807c55f2.</a>, de la France 
			(28) 
			<a href='https://rm.coe.int/state-report-france-2018-version-finale/16807b56bd'>https://rm.coe.int/state-report-france-2018-version-finale/16807b56bd.</a>, de l’Italie 
			(29) 
			<a href='https://rm.coe.int/grevio-state-report-italy/16808e8133'>https://rm.coe.int/grevio-state-report-italy/16808e8133.</a>, des Pays-Bas 
			(30) 
			<a href='https://rm.coe.int/netherlands-state-repot-grevio/16808d91ac'>https://rm.coe.int/netherlands-state-repot-grevio/16808d91ac.</a> et de la Serbie 
			(31) 
			<a href='https://rm.coe.int/state-report-serbia/pdfa/168094afec'>https://rm.coe.int/state-report-serbia/pdfa/168094afec</a> est en cours. Selon le calendrier 
			(32) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/istanbul-convention/timetable'>www.coe.int/en/web/istanbul-convention/timetable.</a>, 18 mois devraient être normalement nécessaires au GREVIO pour terminer l’évaluation d’un pays. L’ensemble de cette procédure axée sur le dialogue vise à réunir autant d’informations que possible et à soutenir les États parties dans leurs efforts pour se conformer aux exigences de la Convention.
24. Le GREVIO s'est déjà forgé une excellente réputation fondée sur son expertise. Il est devenu un solide organe de suivi du Conseil de l'Europe et représente une valeur ajoutée pour l'ensemble de l'Organisation. En travaillant de concert avec les États, il est parvenu à formuler des recommandations fermes dans un esprit de dialogue.

4. Mise en œuvre de la Convention d’Istanbul: conclusions générales

25. Dans sa récente allocution devant la Commission sur l’égalité et la non-discrimination et le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence 
			(33) 
			Partie de session de
janvier 2019, AS/Ega (2019) PV 01., Mme Feride Acar, alors Présidente du GREVIO, a fait le bilan des retombées positives de la Convention d’Istanbul sur la vie de nombreuses femmes en Europe, en citant notamment:
  • l’instauration de nouvelles infractions pénales telles que le mariage forcé, le harcèlement et les mutilations génitales féminines ;
  • la modification de dispositions juridiques relatives au viol ;
  • la multiplication des services d’accompagnement, y compris des lignes d’assistance téléphoniques et des abris.
26. Mme Acar a également exposé les difficultés rencontrées par le GREVIO dans son travail de suivi:
  • absence de statistiques et de données fiables ventilées par sexe ;
  • lacunes de la législation nationale ;
  • nombre insuffisant d’abris et irrégularités dans le fonctionnement des lignes téléphoniques et des services d’aide aux enfants témoins de violences ;
  • absence ou caractère limité des financements permettant de lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;
  • insuffisance du soutien aux victimes et de leur protection lors des procédures judiciaires ;
  • absence de mécanismes permettant d’assurer une coordination efficace entre les acteurs concernés.
27. Point très intéressant, Mme Acar a relevé que le caractère neutre, du point de vue du genre, de certaines lois et politiques est un facteur faisant obstacle à la protection des femmes contre la violence. Cette observation fait écho aux préoccupations exprimées par certains membres de l’Assemblée au cours de l’audition sur le thème « Peut-on parler d’un recul du droit des femmes ? », conjointement organisée à Strasbourg le 11 octobre 2018 par la commission sur l’égalité et la non-discrimination et le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence 
			(34) 
			AS/Ega (2018) PV 07.. Cela nous rappelle à quel point l’intégration d’une dimension de genre dans l’ensemble des lois et politiques est indispensable pour prévenir la discrimination et parvenir à l’égalité.

5. Mise en œuvre de la Convention d'Istanbul: principales conclusions tirées du processus de suivi

28. Depuis son ouverture à la signature, la Convention d'Istanbul a eu un impact tangible et positif sur la protection des femmes contre la violence, les États ayant modifié leur législation nationale afin de l'adapter aux normes élevées de la Convention. Ce constat ressort clairement de l'adoption de dispositions spécifiques visant à pénaliser les formes de violence énumérées dans la Convention. Malgré cette tendance globalement positive, des difficultés subsistent même si certains exemples de bonnes pratiques ont pu être mis en évidence. C’est le cas dans trois exemples de dispositions pénales sur le viol, les crimes dits « d'honneur » et les mutilations génitales féminines (MGF).
29. En ce qui concerne la pénalisation du viol, ainsi que celle des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers, certains États éprouvent des difficultés à s'aligner sur la norme de la Convention d'Istanbul concernant la notion de consentement librement exprimé. Il existe cependant quelques exemples positifs, en particulier en ce qui concerne la notion de consentement librement exprimé. Le Monténégro, par exemple, a adopté récemment un amendement qui a introduit des changements importants: les dispositions relatives au viol et à la violence sexuelle sont fondées sur le principe selon lequel le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la femme 
			(35) 
			Premier rapport d’évaluation
(de référence) du GREVIO sur le Monténégro, <a href='https://rm.coe.int/grevio-report-montenegro/16808e5614'>https://rm.coe.int/grevio-report-montenegro/16808e5614</a>..
30. Au Danemark, le Code pénal ne contient aucune infraction de viol ou d’agression sexuelle qui serait fondée exclusivement sur l’absence de consentement 
			(36) 
			Rapport
d’évaluation (de référence) du GREVIO sur le Danemark, <a href='https://rm.coe.int/premier-rapport-de-reference-du-grevio-sur-le-danemark/16807688bc.'>https://rm.coe.int/grevio-first-baseline-report-on-denmark/16807688ae</a>.. « L’approche suivie par la législation danoise en matière de violence sexuelle consiste à énumérer les éléments constitutifs de l’infraction et/ou les caractéristiques de la victime qui excluent tout consentement» 
			(37) 
			Ibid.. En conséquence, l'acte est punissable. Tout en reconnaissant les efforts qui la sous-tendent, cette approche pose problème dans la mesure où elle ne tient pas compte des cas dans lesquels les circonstances ne correspondent à aucune des dispositions en vigueur. Fait surprenant, au Danemark, « l’infraction commise à l’encontre d’un ancien ou actuel conjoint ou partenaire » ne fait pas partie de la liste des circonstances aggravantes.
31. La Turquie a accompli des progrès notables dans la pénalisation de la violence sexuelle. Le recours à la force n'est pas un élément constitutif de l'infraction de violence sexuelle. L'article 102 de la section 6 du Code pénal turc reconnaît explicitement le viol conjugal. Toutefois, il ne peut faire l’objet de poursuites que si la victime porte plainte 
			(38) 
			Premier
rapport d’évaluation (de référence) du GREVIO sur la Turquie, <a href='https://rm.coe.int/eng-grevio-report-turquie/16808e5283'>https://rm.coe.int/eng-grevio-report-turquie/16808e5283</a>..
32. Les dispositions de l’Albanie sur le viol sont fondées sur l’usage de la force. La possibilité d’un libre consentement de la victime, en l’absence d’usage de la force, est sans effet uniquement dans des cas particuliers (tels que l’exploitation d’une personne présentant un handicap physique ou mental, en cas d’intimidation au moyen d’une arme, ou en cas d’abus d’une position d’autorité ou de confiance) 
			(39) 
			Premier
rapport d’évaluation (de référence) du GREVIO sur l’Albanie, <a href='https://rm.coe.int/premier-rapport-de-reference-du-grevio-sur-l-albanie/16807688a9'>https://rm.coe.int/grevio-first-baseline-report-on-albania/16807688a7</a>.. Là encore, selon l'article 6 du Code pénal albanais, le viol conjugal est une infraction pénale, mais seulement entre conjoints ou entre concubins 
			(40) 
			Ibid.. En revanche, le droit monégasque pose le «principe de l’indifférence de l’incrimination par rapport à des liens présents ou passés entre conjoints ou partenaires» 
			(41) 
			Premier
rapport d’évaluation (de référence) du GREVIO sur Monaco, <a href='https://rm.coe.int/grevio-rapport-monaco-1e-evaluation/168075961d.'>https://rm.coe.int/grevio-report-monaco/168074fd6b</a>..
33. En ce qui concerne les crimes dits « d'honneur », par exemple, un motif fondé sur la culture, les coutumes, la religion, la tradition ou l'honneur peut être considéré comme une circonstance aggravante par les tribunaux danois 
			(42) 
			Rapport
étatique du Danemark au GREVIO, 2017, <a href='https://rm.coe.int/16806dd217'>https://rm.coe.int/16806dd217</a>.. En outre, le Danemark a commencé à mettre en œuvre un plan d'action sur la prévention des conflits et autres comportements liés à l'honneur pour la période 2017-2022.
34. En Autriche, des justifications comme « l’honneur » ou le « droit coutumier» n’assurent pas l’impunité, mais elles ne sont pas considérées comme des circonstances aggravantes par la loi 
			(43) 
			Rapport étatique de
l’Autriche au GREVIO, 2016, <a href='https://rm.coe.int/16806ee8b2'>https://rm.coe.int/16806ee8b2</a>.. La Turquie a accompli des progrès importants par la réforme du Code pénal en 2005, qui a éliminé la possibilité de réduire les peines dans les affaires de meurtres perpétrés au nom de la « coutume » 
			(44) 
			Premier rapport d’évaluation
(de référence) du GREVIO sur la Turquie, op.
cit..
35. En ce qui concerne la pénalisation des mutilations génitales féminines (MGF), certains États, en l’absence de dispositions spécifiques, pénalisent les MGF en vertu d'autres dispositions similaires, tandis que d'autres incluent l'infraction distincte de MGF dans leur Code pénal. Il convient de noter qu'en vertu du Code pénal danois, le fait d'aider l'auteur d'une mutilation génitale féminine en l'incitant, en le conseillant ou en l'incitant à commettre une telle pratique est pénalisé comme le fait d’apporter son aide ou son concours à la commission d'une mutilation génitale féminine 
			(45) 
			Rapport étatique du
Danemark au GREVIO, 2017, <a href='https://rm.coe.int/16806dd217'>https://rm.coe.int/16806dd217</a>..
36. Le Monténégro a adopté de nouvelles infractions comme les mutilations génitales féminines dans son Code pénal (article 151a) 
			(46) 
			Premier rapport d’évaluation
(de référence) du GREVIO sur le Monténégro, op.
cit.. À la différence du Danemark, cet article ne couvre pas le fait d’inciter ou de contraindre une fille à subir cette pratique ou de lui fournir les moyens à cette fin.
37. En outre, avec l’adoption de la loi no 1.382, le Code pénal de Monaco sanctionne spécifiquement les actions portant atteinte à l’intégrité des organes génitaux d’une personne de sexe féminin 
			(47) 
			Premier
rapport d’évaluation (de référence) du GREVIO sur Monaco, op. cit..
38. Enfin, en Autriche, Albanie et Turquie, il n’éxiste pas de pénalisation des mutilations génitales féminines en tant que telles, mais elles sont passibles de poursuites en vertu d’autres dispositions. En Autriche, les mutilations génitales féminines répondent à la définition de préjudice corporel, en Albanie à celle de blessure intentionnelle causant une mutilation ou toute autre atteinte permanente à la santé, et en Turquie à celle d’une blessure infligée intentionnellement et d’une forme aggravée de cette infraction entraînant l’affaiblissement permanent ou la perte de l’un des sens ou organes de la victime, ou la perte de sa fonction reproductrice 
			(48) 
			Premier
rapport d’évaluation (de référence) du GREVIO sur la Turquie, op. cit.. Néanmoins, l'absence d'une disposition spécifique pénalisant les MGF peut affaiblir le droit pénal dans ce domaine et rendre les poursuites plus difficiles 
			(49) 
			<a href='http://www.assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=23176&lang=en'>Résolution
2135 (2016) de l’Assemblée sur les Mutilations génitales féminines
en Europe.</a>. Ces constats montrent que même si des progrès remarquables ont été accomplis, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul 
			(50) 
			Voir aussi la publication
de WAVE, Good practices for the implementation of the Istanbul Convention,<a href=' www.wave-network..org / wp-content / uploads / WAVE_fempower190110_web-4.pdf'> www.wave-network..org
/ wp-content / uploads / WAVE_fempower190110_web-4.pdf</a>..

6. Attaques contre la Convention d’Istanbul

39. Ces dernières années, une très vive opposition à la Convention d’Istanbul s’est manifestée, notamment dans certains États membres du Conseil de l’Europe comme la Bulgarie, la Croatie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la République slovaque et la République tchèque.
40. Certains responsables et partis politiques, institutions religieuses et organisations non-gouvernementales ont mené ce que je pourrais définir – également en raison de l’animosité du ton employé – comme une guerre idéologique contre la Convention d’Istanbul, faisant valoir qu’elle va à l’encontre des valeurs traditionnelles ou familiales, qu’elle tente d’instaurer un troisième genre ou encore de légaliser le mariage entre personnes de même sexe. Il existe des rapports crédibles selon lesquels des prêtres et d’autres représentants de l'église jouent un rôle actif dans cette campagne, prêchant parfois littéralement contre la Convention d'Istanbul. Leur impact est particulièrement important dans les zones où l'accès à des sources d'information diversifiées est limité et où les ONG non-confessionnelles sont absentes.
41. Par ailleurs, dans un certain nombre d'États membres, alors que la propagande contre la Convention d’Istanbul est en plein essor, les ONG sont confrontées à des obstacles croissants dans leur travail. Elles déclarent être de moins en moins consultées et informées par les autorités sur les développements juridiques et politiques dans des domaines ayant un impact sur l'égalité de genre et les droits des femmes et avoir des difficultés à obtenir des financements.
42. Les accusations contre la Convention d’Istanbul sont injustes et fallacieuses, mais il ne faut pas se faire d’illusions. Ce discours biaisé n’est pas le résultat d’une interprétation erronée, mais une tentative délibérée de saboter son objet même, à savoir l’égalité entre les femmes et les hommes et la fin d’une mentalité patriarcale qui relègue les femmes au rang de subalternes dans tous les aspects de la vie.
43. Malheureusement, les déclarations sur les intentions cachées de la Convention d’Istanbul ont accaparé le débat public et laissé peu ou pas d’espace à la discussion sur les causes profondes de la violence à l’égard des femmes et les moyens de l’éradiquer. Pourtant, le caractère systémique de ce phénomène, qui a été observé et consigné par des dizaines d’instituts de recherche fiables, ne laisse aucun doute 
			(51) 
			Voir: Indice
d’égalité de genre 2017 de l’EIGE, op.
cit..
44. L’écho considérable qu’ont rencontré dans le grand public les propos polémiques sur les objectifs cachés de la Convention d’Istanbul est très dangereux. Il peut en effet fournir un prétexte pour ajourner de nouvelles signatures et ratifications de la Convention et conforter ceux qui souhaiteraient se retirer définitivement de la Convention. En même temps, en présentant le genre comme un concept dangereux et les couples entre personnes du même sexe comme une menace pour les familles « traditionnelles », il peut entraver les progrès vers l'égalité de genre à tous les niveaux.
45. Pour réagir à ces attaques, le Conseil de l’Europe a rédigé une brochure intitulée « La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul): Questions et réponses » 
			(52) 
			<a href='https://rm.coe.int/prems-122418-gbr-2574-brochure-questions-istanbul-convention-web-16x16/16808f0b80'>https://rm.coe.int/prems-122418-gbr-2574-brochure-questions-istanbul-convention-web-16x16/16808f0b80</a>. Elle énonce clairement les objectifs de la Convention d’Istanbul: mettre un terme à la violence à l’égard des femmes et la violence domestique et protéger les droits humains des femmes. Elle donne également des informations sur la valeur ajoutée de la Convention, et souligne clairement que la « la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ne peuvent plus être considérées comme relevant de la vie privée, mais que les États ont l’obligation de se doter de politiques globales et intégrées pour prévenir cette violence, protéger ses victimes et punir ses auteurs ». En ratifiant la convention, les gouvernements s’engagent à faire de la lutte contre la violence à l’égard des femmes une obligation juridiquement contraignante.
46. La brochure apporte également des réponses aux questions relatives au caractère fondé sur le genre de la violence à l’égard des femmes ainsi qu’à la définition du genre contenue dans la Convention, qui n’est pas destinée à remplacer le mot « sexe » dans sa définition biologique, mais à souligner « à quel point les inégalités, les stéréotypes et, en conséquence, la violence ne se fondent pas sur des différences biologiques, mais plutôt sur une construction sociale, c’est-à-dire sur les mentalités et sur la perception des rôles que les femmes et les hommes jouent et devraient jouer dans la société ».
47. En ce qui concerne les attaques ayant trait à la promotion d'une certaine vision de la famille dans la Convention d'Istanbul, je tiens à souligner que la Convention d'Istanbul ne comporte pas de définition de la famille et ne promeut pas un type de famille particulier. La brochure nous rappelle que la « La Convention d’Istanbul ne définit pas de nouvelles normes en matière d’identité de genre ou d’orientation sexuelle, pas plus qu’en matière de reconnaissance légale des couples de même sexe ». Il importe de bien connaître la Convention pour la présenter, la promouvoir et la défendre. Les récentes attaques contre la Convention sont sans fondement et peuvent être contrées par des faits. La Convention d'Istanbul est un instrument juridique solide qui peut contribuer à protéger les victimes contre de nouvelles violences et à rendre justice. Nous devons, selon moi, insister sur ces faits chaque fois que nous sommes confrontés à des attaques contre la Convention.

7. Le contexte plus large du recul des droits des femmes

48. La campagne de désinformation menée contre la Convention d’Istanbul ne se fait pas dans le vide. Depuis qu’il a été utilisé pour la première fois par l’auteure américaine Susan Faludi 
			(53) 
			Susan
Faludi, Backlash, The Undeclared War Against American Women, 1991., le terme «recul », se référant aux droits des femmes, est de plus en plus pertinent et il est employé de plus en plus fréquemment.
49. Une étude a été réalisée par des experts et publiée en juin 2018 pour le compte de la Commission « Droits de la femme et égalité des genres » (FEMM) du Parlement européen. Elle décrit dans quels domaines et par quelles méthodes se constate le recul de l’égalité de genre et des droits des femmes en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Pologne, en Roumanie et en République slovaque 
			(54) 
			Cette étude a été présentée
par l’une de ses auteurs Borbala Juhasz, au cours de l’audition
sur le thème « Peut-on parler d’un recul du droit des femmes ? »,
conjointement organisée à Strasbourg le 11 octobre 2018 par la Commission
sur l’égalité et la non-discrimination et le Réseau parlementaire
pour le droit des femmes de vivre sans violence. Le texte (en anglais
uniquement) peut se trouver à l’adresse: <a href='http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2017/614583/EPRS_BRI(2018)604955_EN.pdf'>www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2018/604955/IPOL_STU(2018)604955_EN.pdf.</a>. Ils comprennent le cadre institutionnel et politique de l'égalité de genre ; les domaines politiques tels que l'éducation, la santé et les droits sexuels et génésiques, et la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes ; ainsi que l'environnement de travail et l'espace d'exploitation des ONG de défense des droits des femmes. L'étude conclut que, dans certains pays, le recul s'est essentiellement manifesté au niveau de la rhétorique et du discours, tandis que dans d'autres pays, il s’est traduit par des mesures concrètes. En général, il est lié, dans une large mesure, à une intensification de la campagne contre ce que l’on appelle l'idéologie du genre.
50. Les experts et les ONG ne sont pas les seuls à avoir identifié un recul. En mai 2018, dans son rapport au Conseil des droits de l’homme, le Groupe de travail des Nations Unies sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et la pratique conclut qu’un recul sans précédent a lieu dans toutes les régions en raison d’une alliance d’idéologies politiques conservatrices et de fondamentalismes religieux. Cette régression se fait souvent au nom de la culture, de la religion et des traditions, et menace les progrès accomplis grâce à une lutte pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes 
			(55) 
			Paragraphe 24. Le texte
(en anglais uniquement) peut se trouver à l’adresse: <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/38/46.'>https://undocs.org/A/HRC/38/46.</a>.
51. Je souhaiterais citer un passage de ce rapport qui mentionne la Convention d’Istanbul: « Ces dernières années, le Groupe de travail a observé comment le concept même de genre a été remis en question, mal compris et mal appliqué, pour compromettre davantage encore la lutte pour l’élimination de la discrimination envers les femmes et pour l’égalité entre les sexes. À cet égard, l’hostilité témoignée envers une prétendue idéologie du genre, particulièrement véhémente en Amérique latine et en Europe de l’Est, illustre les difficultés croissantes rencontrées dans la quête de l’égalité. Les lobbies conservateurs militant contre l’idéologie du genre, présentée comme une menace pour les «valeurs traditionnelles», considèrent à tort que les efforts consentis pour faire avancer l’égalité entre les sexes imposent des idées et des croyances qui cherchent à détruire des institutions telles que la famille, le mariage et la liberté religieuse. Ce mouvement s’est montré particulièrement actif dans son opposition aux politiques voire aux débats, fondés sur des bases scientifiques, à propos de l’éducation sexuelle à l’école, des droits sexuels et reproductifs des femmes, de l’égalité en matière de mariage et des violences fondées sur le genre. Le terme de «genre» a ainsi été contesté par le mouvement contre la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la Convention d’Istanbul), aux motifs qu’elle impose une idéologie du genre. Ces groupes conservateurs prétendent que le droit international se borne à interdire la discrimination fondée sur le sexe, et nient que le terme «genre» soit employé dans les normes et principes juridiques internationaux depuis les années 1970. Le Groupe de travail rappelle que dans sa Recommandation générale n° 28, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a interprété l’interdiction de la discrimination sexuelle, telle qu’elle figure dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, comme incluant la discrimination fondée sur le genre. Les conservateurs se servent des attaques contre l’idéologie du genre pour s’opposer à l’applicabilité universelle des normes relatives aux droits humains fondée sur le principe de non-discrimination, et pour remettre en question les progrès réalisés dans la reconnaissance des droits humains de la femme et la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes 
			(56) 
			Paragraphe 14.. »
52. Devant la Commission de la condition de la femme (CSW) en mars 2019 à New York, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a appelé à « contrer le recul » en matière d’égalité de genre. Son appel a été soutenu par Mme Liliane Maury Pasquier, Présidente de l'Assemblé parlementaire 
			(57) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-EN.asp?newsid=7408&lang=2&cat=15'>http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-EN.asp?newsid=7408&lang=2&cat=15.</a>. Dans ses conclusions, la Commission condamne fermement toutes les formes de violences faites à toutes les femmes et à toutes les filles, qui prennent racine dans des inégalités d’ordre historique et structurel et le déséquilibre des rapports de force entre les femmes et les hommes. Elle réaffirme que la violence contre les femmes et les filles sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, dans les sphères publique et privée, notamment la violence sexuelle et fondée sur le genre, la violence familiale et les pratiques traditionnelles néfastes, comme les mariages d’enfants et les mariages précoces ou forcés ainsi que les mutilations génitales féminines, est très répandue, bien qu’on en fasse peu de cas et qu’elle soit rarement dénoncée, en particulier au niveau de la communauté. Elle insiste une nouvelle fois sur le fait que la violence à l’égard des femmes et des filles constitue un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité entre les genres et à l’autonomisation des femmes et des filles et qu’elle porte atteinte à leurs libertés et droits fondamentaux, en même temps qu’elle en entrave ou en anéantit la jouissance 
			(58) 
			<a href='https://undocs.org/en/E/CN.6/2019/L.3'>https://undocs.org/en/E/CN.6/2019/L.3.</a>.
53. Le 27 mars 2019, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté la Recommandation CM/Rec(2019)1 sur la prévention et la lutte contre le sexisme, dans laquelle il recommande aux États membres de « prendre des mesures pour prévenir et lutter contre le sexisme et ses manifestations dans la sphère privée et publique, et d’encourager les parties concernées à mettre en œuvre des législations, des politiques et des programmes pertinents s’appuyant sur la définition et les lignes directrices annexées à la présente Recommandation ».
54. Outre la Convention d'Istanbul et son mécanisme de suivi, il existe d'autres instruments régionaux visant à prévenir et combattre la violence contre les femmes et la violence domestique. Le GREVIO est très attaché à la coopération et aux synergies avec d'autres mécanismes régionaux et internationaux sur les droits des femmes et à l'objectif central de cette coopération: assurer la mise en œuvre de normes régionales et internationales aux niveaux national et international et renforcer l'impact positif. La Plateforme des mécanismes internationaux et régionaux indépendants de défense des droits des femmes est une initiative lancée et dirigée par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes. Les mécanismes représentés dans la Plateforme sont les suivants: la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquences ; le Groupe de travail des Nations Unies sur la question de la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et la pratique ; le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) ; la Rapporteure spéciale sur les droits des femmes de la Commission interaméricaine des droits de l'homme ; la Rapporteure spéciale sur les droits des femmes en Afrique ; le Comité d'experts du Mécanisme de suivi de la Convention de Belém do Pará (MESECVI) et le Groupe d'experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO).
55. Le Conseil de l'Europe a accueilli une réunion de la plateforme (23 mai 2019) et une conférence thématique « Les droits des femmes à la croisée des chemins: renforcer la coopération internationale pour une pleine application des cadres juridiques » (24 mai 2019) afin d'examiner le renforcement de la coopération entre les Nations Unies et les mécanismes régionaux dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Une telle coopération entre les mécanismes internationaux et régionaux est cruciale pour lutter contre la violence à l'égard des femmes et contrer le recul des droits des femmes.

8. Les parlementaires et la Convention d’Istanbul

8.1. Le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence

56. L’Assemblée parlementaire a fermement soutenu l’élaboration de la Convention d’Istanbul, activement participé à sa rédaction, fait valoir son avis sur cet instrument 
			(59) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-EN.asp?FileID=17971&lang=EN'>http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-EN.asp?FileID=17971&lang=EN</a>. et usé de tout son poids politique pour promouvoir sa signature et sa ratification, non seulement par un soutien sans faille dans ses résolutions, mais aussi par la création du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence 
			(60) 
			<a href='https://pace.coe.int/en_GB/web/apce/women-free-from-violence'>https://pace.coe.int/en_GB/web/apce/women-free-from-violence</a>., coordonné par la Rapporteure générale sur la violence à l’égard des femmes.
57. Le Réseau est une plateforme parlementaire paneuropéenne unique en son genre qui, depuis sa création en 2006, a permis aux législateurs nationaux d'échanger leurs bonnes pratiques et de partager leurs expériences dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Les membres du réseau 
			(61) 
			La participation au
Réseau est limitée à un membre par délégation ou à deux (un par
chambre) dans le cas d'un parlement bicaméral. posent des questions aux ministres concernés, présentent des projets de loi et des initiatives législatives et essaient d'accélérer la signature et la ratification de la Convention. Au cours des dernières années, les membres du réseau ont servi de catalyseur du soutien politique à la Convention d'Istanbul dans plusieurs pays et ils s’efforcent à présent d’assurer la mise en œuvre de ses dispositions et de déconstruire les fausses idées à son sujet. Par ses réunions, événements et publications, le Réseau a contribué à sensibiliser les parlementaires au phénomène de la violence à l'égard des femmes, à son impact sur la société en général et aux instruments juridiques et politiques permettant de le combattre. Il a reçu des financements de l'Allemagne, de l'Arménie, l'Autriche, de la Belgique, de Chypre, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Pologne, du Portugal et de la Suisse pour poursuivre ses activités depuis 2017. J'espère qu'il recevra des ressources suffisantes pour poursuivre ses activités au-delà de 2020.

8.2. Participation des parlements nationaux aux procédures de suivi

58. La Convention d’Istanbul reconnaît aussi le rôle particulier joué par les parlementaires et l’Assemblée parlementaire en leur consacrant une disposition spécifique. Son article 70 est libellé comme suit:
«Participation des parlements au suivi
  • Les parlements nationaux sont invités à participer au suivi des mesures prises pour la mise en œuvre de la présente Convention.
  • Les Parties soumettent les rapports du GREVIO à leurs parlements nationaux.
  • L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est invitée à faire le bilan, de manière régulière, de la mise en œuvre de la présente Convention.»
59. En plus de promouvoir la ratification de la Convention d'Istanbul, les parlementaires peuvent demander aux gouvernements d’intensifier les efforts de mise en œuvre de la Convention d’Istanbul, de sensibiliser davantage la population à la Convention, de promulguer de nouvelles lois et de contribuer à son suivi. J’examine ci-après dans quelle mesure l’implication des parlements nationaux dans la procédure de suivi a été significative, sur la base de l’expérience des États pour lesquels les rapports de référence sont déjà disponibles et des informations communiquées directement par les parlements. Je juge donc encourageant l'engagement des parlements nationaux en ce qui concerne le suivi de la mise en œuvre de la Convention.
60. J’ai été informée de l’adoption par le Parlement albanais d’une résolution « sur la dénonciation de la violence à l’égard des femmes et le renforcement de l'efficacité de ses mécanismes légaux de prévention » le 4 décembre 2017. Par cette résolution, il a exprimé son engagement à suivre la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul par les autorités albanaises. La sous-commission sur l'égalité de genre et la prévention de la violence à l'égard des femmes a adopté un plan d'action détaillé pour la mise en œuvre des obligations que le pays doit respecter après la ratification de la Convention d'Istanbul et la réception des recommandations du Comité des Parties. La sous-commission organise des auditions afin d’évaluer les progrès.
61. Le Parlement danois a indiqué qu'entre 2016 et 2019, 200 questions sur la violence à l'égard des femmes ont été posées par des parlementaires aux ministres (oralement ou par écrit). Onze de ces 200 questions concernaient directement la Convention d'Istanbul.
62. Le Parlement finlandais a indiqué que la délégation finlandaise auprès de l'Assemblée parlementaire avait été très active et avait encouragé une ratification rapide de la Convention. Le 31 mars 2016, la délégation finlandaise a organisé un séminaire sur la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul à Helsinki. En outre, le parlement a eu l'occasion de formuler des observations sur le questionnaire envoyé par le GREVIO pour préparer l'évaluation de référence et de rencontrer le GREVIO. J’ai constaté avec intérêt que le Parlement finlandais avait eu l’occasion d’exprimer son opinion sur la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul. Il a été demandé en particulier à la Commission du droit constitutionnel, à la délégation finlandaise à l'Assemblée et au Groupe des droits de l'homme au parlement de formuler un avis.
63. Une Commission sur le féminicide et la violence sexiste a été mise en place au Sénat italien en 2017 pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul 
			(62) 
			Rapport adopté sous
la législature précédente: <a href='http://www.senato.it/japp/bgt/showdoc/print/17/SommComm/0/1066513/doc_dc-allegato_a'>www.senato.it/japp/bgt/showdoc/print/17/SommComm/0/1066513/doc_dc-allegato_a</a>..
64. Au Parlement portugais, un groupe de réflexion sur les amendements législatifs, le harcèlement et la violence domestique en tant que crimes a été créé. Ce groupe de réflexion travaille actuellement sur 18 projets de loi faisant suite au premier rapport d'évaluation du GREVIO et des recommandations du Comité des Parties. Des projets de résolution sur la couverture médiatique des cas de violence domestique, la détection de la violence et la formation des professionnels de la santé sont à l'étude.
65. En Turquie, une sous-commission sur la mise en œuvre effective et le suivi de la Convention d'Istanbul a été créée le 14 novembre 2018. Elle vise à effectuer des évaluations et formuler des recommandations, et à discuter des rapports du GREVIO.
66. Malgré l’absence de lien direct avec le suivi de la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul, j'ai également appris avec intérêt qu'un membre de l'Assemblée nationale de Serbie a participé à la délégation nationale qui a présenté le quatrième rapport périodique sur la mise en œuvre de la CEDAW en février 2019.

8.3. Pas Dans Mon Parlement

67. Comme l’a affirmé Liliane Maury Pasquier, Présidente de l'Assemblée parlementaire, « On pourrait s'attendre à ce que les parlements soient un lieu sûr pour les femmes, mais ce n’est pas le cas. Le sexisme, le harcèlement et la violence à l'égard des femmes sont répandus dans tous les secteurs de la vie et les parlements sont malheureusement un microcosme de la société ». L’an dernier, l’Union interparlementaire et l’Assemblée ont réalisé une étude sur le sexisme, le harcèlement et la violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe 
			(63) 
			Sexisme, harcèlement
et violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe, octobre
2018, <a href='https://pace.coe.int/documents/19879/5288428/20181016-WomenParliamentIssues-EN.pdf/7d59e7c5-4a88-4d23-a6cd-7404449fd45f'>https://pace.coe.int/documents/19879/5288428/20181016-WomenParliamentIssues-EN.pdf/7d59e7c5-4a88-4d23-a6cd-7404449fd45f</a>.. Des entretiens ont été menés avec 123 femmes dont 81 femmes parlementaires et 42 femmes membres du personnel parlementaire. Il s’agissait de membres de l’Assemblée et/ou de l’Union interparlementaire. Plus de 85 % des femmes parlementaires qui ont participé à l’étude ont indiqué avoir fait face à des violences psychologiques au cours de leur mandat. Plus de 46 % ont reçu des menaces de mort ou de viol. Plus de 24 % ont été victimes de violences sexuelles.
68. Dans le cadre du suivi à donner à cette étude, la Présidente de l'Assemblée a lancé une campagne de sensibilisation intitulée « #PasDansMonParlement », qui appelle les parlements à prendre des mesures afin de prévenir la violence fondée sur le genre. Je soutiens cette initiative et me félicite de la visibilité donnée par la Présidente à cette question. Le 9 avril 2019, l’Assemblée a également adopté la Résolution 2274 (2019) et la Recommandation 2152 (2019) «Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel», qui énoncent les mesures concrètes à prendre.

9. Conclusions

69. Cinq ans après l'entrée en vigueur de la Convention d'Istanbul, je pense que l’heure est venue pour l'Assemblée d'examiner les résultats globaux et les difficultés rencontrées dans le cadre de sa mise en œuvre et ses ratifications. L'entrée en vigueur de la Convention d'Istanbul dans 34 États membres du Conseil de l'Europe est une réalisation majeure, qui a eu un impact positif en rendant la législation plus protectrice pour les victimes. Les débats sur la Convention ont également contribué à sensibiliser davantage la société à l'urgence de prévenir et de combattre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique et à contribuer à l’évolution des mentalités pour que ce fléau ne soit plus considéré comme relevant de la vie privée.
70. Les attaques contre la Convention d’Istanbul semblent néanmoins retarder certaines ratifications. Selon moi, la Convention d'Istanbul est attaquée en raison de ce qui constitue sa force majeure: elle appelle, de manière indirecte, à mettre fin à une mentalité patriarcale qui relègue les femmes au rang de subalternes dans tous les aspects de la vie. L’Assemblée devrait prendre en compte le fait que l’opposition actuelle à la Convention d’Istanbul se manifeste dans un contexte de recul généralisé des droits des femmes. L’Assemblée devrait poursuivre ses efforts pour promouvoir l'égalité de genre et l'intégration de la dimension de genre, car des éléments concluants montrent que la neutralité par rapport au genre est un problème clé qui entrave les progrès accomplis dans le domaine des droits des femmes et de la protection contre la violence fondée sur le genre. L’Assemblée pourrait intensifier sa coopération avec le GREVIO et la Commission sur l’égalité de genre du Conseil de l’Europe (GEC).
71. Concernant les acteurs institutionnels, il conviendrait qu’elle renforce ses partenariats avec l’Union interparlementaire, le Parlement européen et d’autres assemblées internationales, de même qu’avec les institutions et organes des Nations Unies concernés. L'Assemblée devrait renforcer le dialogue et la coopération avec les ONG, les représentant·e·s de la société civile et le monde universitaire. Elle devrait également trouver des moyens de faire en sorte que les ONG qui travaillent pour les droits des femmes soient consultées et informées par les autorités de toute politique ou mesure juridique susceptible d'avoir un impact sur les droits des femmes.
72. L’Assemblée devrait aussi donner un nouveau souffle à la mobilisation des parlementaires en faveur de la Convention d’Istanbul à travers des activités de coopération interparlementaire. Il faudrait également faire davantage connaître la Convention aux membres des parlements, afin de leur donner les moyens de jouer un rôle plus décisif dans le cadre de la procédure de suivi, et pour les aider à demander à leurs gouvernements de rendre compte de la mise en œuvre effective de la Convention et des recommandations émanant du GREVIO et du Comité des Parties. J'attends avec intérêt la publication par le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence du manuel révisé sur la Convention d'Istanbul adressé aux parlementaires, qui comprendra des exemples de bonnes pratiques pour la participation parlementaire.
73. Les membres des parlements nationaux et surtout ceux qui sont membres du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence ou de la commission de l'égalité et de la non-discrimination devraient être plus présent·e·s, actifs et visibles dans les médias pour promouvoir la Convention d'Istanbul et expliquer au grand public son objectif réel, ses réalisations et sa valeur ajoutée. À l’instar de l'Alliance parlementaire contre la haine, je suggère que les membres du Réseau soient tenus de signer une charte d'engagements par laquelle ils s'engagent à soutenir et à promouvoir activement la ratification et la mise en œuvre de la Convention, et à combattre les fausses idées à son sujet.
74. Nous devons rester optimistes et positifs pour continuer à promouvoir la Convention d'Istanbul, ses réalisations et sa valeur ajoutée. Nous ne devons pas accepter les attaques contre la Convention, qui trouvent principalement leur origine dans un désaccord fondamental sur ce que signifie la Convention: une vision de la société dans laquelle les femmes et les hommes sont égaux. La Convention d'Istanbul a été souvent décrite comme le « gold standard » (la référence absolue) que j’ai l’honneur de promouvoir. J’espère sincèrement que ce rapport contribuera à démystifier les malentendus et à créer un nouvel élan politique en faveur de la Convention d'Istanbul, qui est aujourd’hui l'instrument international juridiquement contraignant le plus complet en matière de prévention et de lutte contre la violence à l'égard des femmes.