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Résolution 2290 (2019)
Vers un agenda politique ambitieux du Conseil de l’Europe pour l’égalité de genre
1. Tant que les femmes et les hommes
ne seront pas sur un pied d’égalité en matière d’autonomie, de participation,
de visibilité et d’accès aux ressources, nous ne pourrons considérer
que les droits humains sont respectés, ni que la démocratie et l’État
de droit sont des réalités. La question de l’égalité de genre est
donc au cœur de la mission du Conseil de l’Europe. Parallèlement,
la paix, les droits humains, la démocratie et l’État de droit sont
des éléments indispensables à la construction de l’infrastructure
institutionnelle nécessaire pour parvenir à l’égalité de genre.
2. Depuis sa fondation, il y a soixante-dix ans, le Conseil de
l’Europe promeut l’égalité et lutte contre la discrimination. Depuis
1979, lors de l’adoption du premier texte pertinent du Comité des
Ministres, et encore plus au cours de ces trente dernières années,
l’Organisation a redoublé d’efforts pour promouvoir l’égalité entre
les femmes et les hommes, et lutter contre la discrimination fondée
sur le sexe. L’Assemblée note avec satisfaction que la question
de l’égalité de genre a été considérée comme une priorité par les
présidences successives du Comité des Ministres, et qu’elle continue
de l’être actuellement, sous la présidence française.
3. La Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5)
et ses protocoles additionnels, la Charte sociale européenne (STE
no 35) et d’autres textes juridiquement
contraignants – notamment la Convention sur la prévention et la
lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(STCE no 210, «Convention d’Istanbul»)
et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains (STCE no 197) – forment
un solide système de protection des droits humains consacrant le
principe selon lequel les droits des femmes font partie intégrante
des droits humains. Ces conventions définissent également la violence
à l’égard de femmes comme une violation des droits humains et reconnaissent
que la réalisation de l’égalité de droit et de fait entre les femmes
et les hommes est un élément fondamental dans la prévention de ce
fléau. Elles lancent un appel urgent à l’intégration d’une perspective
de genre et à l’égalité entre les femmes et les hommes, en donnant
des orientations uniques et précieuses dans ce domaine.
4. En outre, plusieurs textes non contraignants adoptés par le
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ont contribué à promouvoir
l’amélioration de l’égalité de genre et orienté les efforts dans
ce sens dans des domaines tels que l’émancipation économique, la
participation à la vie publique et à la représentation politique, les
femmes dans les médias, les droits des migrantes, l’intégration
d’une perspective de genre dans le sport et les droits des femmes
en situation de handicap. Plus récemment, ces textes ont aussi contribué
à prévenir et à combattre le sexisme.
5. L’égalité en matière de participation ne se résume pas à une
question de chiffres. L’autonomisation des femmes est fondamentale
pour parvenir à l’égalité de genre: non seulement elle leur permet
de prendre conscience du déséquilibre des rapports de pouvoir, mais
aussi elle les dote des moyens nécessaires pour surmonter les inégalités
dans tous les domaines de la vie.
6. L’Assemblée parlementaire, qui réunit des parlementaires de
tous les États membres du Conseil de l’Europe, a été à la tête des
travaux de l’Organisation dans ce domaine. Elle est à l’origine
des progrès accomplis dans la lutte contre toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes et a recommandé certaines mesures
pour les combattre, telles que l’instauration de quotas de genre
en politique, des politiques pour renforcer la participation des
femmes dans la vie économique, ainsi que pour favoriser l’équilibre
entre la vie professionnelle et la vie privée. L’Assemblée a adopté
une position politique ferme contre toutes les formes de violence
à l’égard des femmes en élaborant des résolutions et des recommandations
appelant à l’adoption de normes contraignantes sur la prévention
et la protection contre la violence fondée sur le genre, et à l’engagement
de poursuites contre ses formes les plus graves et les plus répandues,
ces travaux ayant abouti à la préparation de la Convention d’Istanbul,
un traité novateur. Le Réseau parlementaire pour le droit des femmes
de vivre sans violence a soutenu la mise en œuvre de cette convention
en sensibilisant les législateurs, les responsables politiques et
le public au fléau de la violence fondée sur le genre, et en proposant des
solutions pratiques et des orientations sur la manière d’y faire
face.
7. Malgré certains progrès, on a constaté ces dernières années
une opposition croissante aux droits des femmes et une érosion de
ceux-ci dans le monde, y compris dans plusieurs États membres du
Conseil de l’Europe. Certaines forces gouvernementales et certains
acteurs non étatiques s’attaquent à des droits acquis de longue
date, et des textes déjà adoptés sont remis en question. Cette situation
appelle à faire preuve d’une vigilance accrue dans la défense des
progrès réalisés en matière d'égalité de genre; pour permettre la réalisation
d’autres avancées dans ce domaine, il faudra également faire preuve
d’un fort engagement politique et d’une grande détermination.
8. La Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes
2018-2023 définit les domaines dans lesquels les parties prenantes
doivent agir de façon prioritaire et de concert. Elle précise que
l’objectif général de l’Organisation en la matière est de parvenir
à une égalité réelle entre les femmes et les hommes et d’autonomiser
les femmes et les hommes dans les États membres du Conseil de l’Europe.
Ses six objectifs stratégiques (prévenir et combattre les stéréotypes
de genre et le sexisme; prévenir et combattre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique; garantir aux femmes l’égalité
d’accès à la justice; assurer une participation équilibrée des femmes
et des hommes à la prise de décision politique et publique; protéger
les droits des femmes et des filles migrantes, réfugiées et demandeuses
d’asile; et, enfin, intégrer les questions d’égalité entre les femmes
et les hommes dans toutes les politiques et mesures) devraient être
les principes directeurs de l’action du Conseil de l’Europe en faveur
de l’égalité de genre.
9. L’Assemblée attire l’attention sur le fait que la réalisation
des objectifs de la stratégie nécessite des efforts concertés de
la part de toutes les parties prenantes au sein de l’Organisation
et des États membres, ainsi que des partenaires extérieurs, y compris
le secteur privé et les médias. Elle s’engage à continuer d’apporter
un soutien politique cohérent à cette fin.
10. L’action du Conseil de l’Europe dans ce domaine est guidée
par la Déclaration de Beijing et le Programme d’action adoptés lors
de la 4e Conférence mondiale sur les
femmes en 1995, ainsi que par les documents élaborés dans ce cadre
et adoptés au niveau des Nations Unies, et par le Programme de développement
durable à l’horizon 2030 des Nations Unies (adopté en 2015). Le
cadre juridique aussi vaste que complet mis au point par le Conseil
de l’Europe représente une contribution unique au processus consistant
à soutenir ses États membres dans la réalisation des objectifs définis
dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le développement
durable, en particulier celle de l’objectif no 5,
qui est de parvenir à l'égalité des sexes et d’autonomiser toutes
les femmes et les filles.
11. De fait, la réalisation de progrès significatifs vers ces
ambitieux objectifs requiert une forte volonté politique, des ressources
adéquates, des mécanismes institutionnels et un changement dans
les mentalités pour remettre en question les attitudes patriarcales,
contrer les discours émergents qui déforment la réalité et attaquent
les droits des femmes, et lutter contre les comportements qui banalisent
– voire normalisent – la violence à l’encontre des femmes. L’éradication
de toutes les formes de sexisme et des stéréotypes sexistes, y compris
dans le langage et la communication, est une composante essentielle
de ce processus. Faire appel à des personnes exemplaires, femmes
et hommes, peut être très utile pour obtenir l’attention du public.
12. L’Assemblée est convaincue que les efforts nécessaires pour
parvenir à l’égalité de genre ne doivent pas être conçus comme une
lutte entre les femmes et les hommes, mais comme une quête de justice,
de paix et de progrès. Il est donc fondamental d’associer les hommes
et les garçons à la planification et à la mise en œuvre des stratégies
et des mesures visant à atteindre l’égalité de genre, en particulier
celles qui ont pour but de changer les mentalités et les attitudes.
Nos institutions devraient adopter le principe de la démocratie
de genre, fondé sur une répartition égale des pouvoirs et de l’influence
entre les femmes et les hommes.
13. L’Assemblée est d’avis que, pour parvenir à l’égalité de genre,
parallèlement à l’adoption de politiques spécifiques pour la promotion
des femmes, il est de plus en plus nécessaire d’intégrer une perspective
de genre dans toutes les mesures et les politiques, et elle est
résolue à garantir que ses propres activités et politiques tiennent
compte de la question du genre.
14. L’Assemblée rappelle sa Résolution
2274 (2019) «Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel»
et s’engage à faire de l’Assemblée un environnement sans harcèlement
d’ici à 2020.
15. L'Assemblée s'efforce d'assurer l'équilibre entre les genres
dans les groupes d'experts et les autres organes comptant au minimum
deux membres.
16. Considérant ce qui précède, l’Assemblée appelle les États
membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les États
dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire
pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
16.1. en ce qui concerne les stéréotypes
de genre et le sexisme:
16.1.1. à prendre des mesures adéquates
pour mettre en œuvre la Recommandation du Comité des Ministres CM/Rec(2019)1
sur la prévention et la lutte contre le sexisme, en mettant tout
particulièrement l’accent sur la représentation non stéréotypée
des femmes et des hommes, et sur la lutte contre le sexisme en ligne,
y compris le discours de haine sexiste;
16.1.2. à renforcer la coopération avec les associations de journalistes,
les organisations de médias traditionnels et en ligne et les fédérations
de la publicité dans le but de promouvoir l’égalité de genre et
de prévenir et de combattre le sexisme dans le langage et la communication, notamment
au moyen de l’autorégulation, de mesures incitatives et d’une utilisation
ciblée des subventions;
16.1.3. à avoir recours à des personnes servant de modèles, y
compris des hommes, pour changer les mentalités et les attitudes;
16.1.4. à adopter et à mettre en œuvre des lignes directrices
sur le langage et la communication non sexistes pour les activités
institutionnelles d’information et de communication;
16.2. en ce qui concerne la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique:
16.2.1. à signer, à ratifier et à
mettre effectivement en œuvre la Convention du Conseil de l'Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes
et la violence domestique;
16.2.2. à tenir dûment compte des recommandations émises dans
les rapports d’évaluation concernant leur pays, à mettre ces recommandations
en œuvre et à veiller à la participation de leur parlement à ce
processus;
16.2.3. à veiller à la mise en œuvre des textes pertinents adoptés
par l’Assemblée, notamment la Résolution
2084 (2015) «Promouvoir les meilleures pratiques dans
la lutte contre la violence à l’égard des femmes», la Résolution 2101 (2016) sur
la collecte systématique de données relatives à la violence à l’égard
des femmes et la Résolution 2274
(2019) «Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement
sexuel»;
16.3. en ce qui concerne la représentation politique des femmes:
16.3.1. à adopter des textes de loi et des mesures politiques
pour mettre en œuvre la Résolution
2111 (2016) de l’Assemblée sur l’évaluation de l’impact
des mesures destinées à améliorer la représentation politique des
femmes;
16.3.2. à mettre en œuvre la Recommandation n° R (2003) 3 du Comité
des Ministres sur la participation équilibrée des femmes et des
hommes à la prise de décision politique et publique;
16.3.3. à promouvoir la parité hommes-femmes au sein des instances
décisionnelles, notamment au moyen de mesures positives visant à
garantir une représentation égale des femmes et des hommes dans
les organes élus et non élus;
16.3.4. à se donner pour objectif de parvenir à une représentation
égale des femmes et des hommes au sein des organes décisionnels
d’ici à 2030;
16.4. en ce qui concerne l’émancipation économique des femmes:
16.4.1. à adopter une législation et des politiques pour mettre
en œuvre la Résolution 2235 (2018) de
l’Assemblée sur l’autonomisation des femmes dans l’économie, en
particulier en ce qui concerne l’égalité de genre et l’égalité des
chances en matière d’emploi, l’accès des femmes au financement pour
la création d’entreprise, et la promotion des filières d’éducation
et des carrières professionnelles dans les sciences, la technologie,
l’ingénierie et les mathématiques (STIM) auprès des femmes et des
filles;
16.4.2. à mettre en œuvre une législation antidiscrimination relative
à la rémunération et à interdire effectivement les inégalités salariales
pour un travail de valeur égale, en vue d’éradiquer l’écart de rémunération
entre les hommes et les femmes d’ici à 2030;
16.5. en ce qui concerne l’accès à la justice:
16.5.1. à
veiller à la mise en œuvre de la Résolution 2054 (2015) de l’Assemblée
sur l’égalité et la non-discrimination dans l’accès à la justice,
en particulier à l’égard des femmes, notamment les victimes de violence
fondée sur le genre; les migrantes, les réfugiées et les demandeuses d’asile;
les femmes issues de minorités ethniques; les femmes roms; les femmes
en situation de handicap; les femmes âgées et d’autres femmes en
situation de vulnérabilité;
16.5.2. à utiliser les outils efficaces, disponibles en ligne,
élaborés par le Programme européen de formation aux droits de l’homme
pour les professionnels du droit (HELP), notamment la formation
en ligne sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique;
16.6. en ce qui concerne la santé et les droits sexuels et reproductifs:
16.6.1. à généraliser l'éducation sexuelle et relationnelle, à
la rendre obligatoire, à veiller à ce qu’elle soit complète et inclusive,
et à ce qu’elle transmette des informations sur la sexualité, les relations
et les droits reproductifs qui soient neutres et adaptées à l'âge
des participants;
16.6.2. à garantir l’accès à des moyens de contraception abordables
et modernes, remboursés au même taux que d’autres services fournis
par les systèmes de santé nationaux, et à assurer la diffusion d’informations
adéquates et compréhensibles par le grand public;
16.7. en ce qui concerne les droits des femmes et des filles
migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile:
16.7.1. à veiller
à la mise en œuvre des textes pertinents adoptés par l’Assemblée,
notamment la Résolution
2159 (2017) «Protéger les femmes et les filles réfugiées
de la violence fondée sur le genre», la Résolution 2167 (2017) sur les droits
en matière d’emploi des travailleurs domestiques en Europe, spécialement
ceux des femmes, et la Résolution
2244 (2018) «Les migrations sous l’angle de l’égalité
entre les femmes et les hommes: donner aux femmes les moyens d'être
des actrices essentielles de l'intégration»;
16.7.2. à veiller à ce que les politiques et les mesures relatives
aux migrations, à l’asile et à l’intégration des migrants intègrent
pleinement une perspective de genre;
16.8. à utiliser régulièrement les outils et procédures d’évaluation
de l’impact du genre dans la conception des législations, politiques,
programmes et projets;
16.9. à mettre en œuvre à tous les niveaux d’administration
une approche intégrée de l’égalité de genre lors de la conception,
de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation de toutes les mesures
et politiques, y compris les processus budgétaires favorables à
l’égalité de genre;
16.10. à veiller à la pleine mise en œuvre des normes existantes
et à l’affectation de ressources suffisantes aux politiques et mécanismes
relatifs à l’égalité de genre ainsi qu’aux organisations de la société
civile qui travaillent sur ces questions.