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Rapport | Doc. 14956 | 28 août 2019

L’émigration de travail en Europe de l’Est et son impact sur l’évolution sociodémographique dans ces pays

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Ionuț-Marian STROE, Roumanie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14246, renvoi 4280 du 10 mars 2017. 2019 - Quatrième partie de session

Résumé

Une action concertée devrait être menée par les pays d’origine des travailleurs migrants et les pays européens dans lesquels ils viennent travailler, afin d’atténuer les effets négatifs de la migration de travail sur les pays d’origine, tout en faisant le maximum pour en préserver les aspects positifs.

Ce rapport met en avant les défis que pose la migration de travail en exposant les initiatives sociales ciblées qui sont nécessaires pour aider les familles restées dans le pays d’origine, tout particulièrement celles qui souffrent du départ du parent ayant la responsabilité de la famille à titre principal, tout en ayant à l’esprit les besoins des enfants dans ce contexte. Les enfants restés dans leur pays parce que leurs parents sont partis travailler à l’étranger nécessitent une assistance spéciale. Les pouvoirs publics devraient fournir des informations claires sur les opportunités et les risques liés à la migration de travail et adopter des politiques visant à faciliter le retour de ces migrants.

Il conviendrait également de prendre des mesures spécifiques pour faciliter l’intégration des travailleurs migrants dans les pays d’Europe du Nord et occidentale, afin de renforcer la cohésion sociale et d’améliorer la coopération avec les pays voisins non membres de l’Union européenne, et notamment de favoriser la diversité et le «mieux vivre ensemble». Tout doit être mis en œuvre pour que ces processus deviennent évidents et s’ancrent naturellement dans le fonctionnement quotidien des sociétés européennes. Il conviendrait aussi de promouvoir une image positive des migrants en Europe par des activités communes dans les domaines du développement humain, économique et social.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 25 juin
2019.

(open)
1. La migration de travail des pays d’Europe orientale vers l’Union européenne et d’autres pays d’Europe occidentale est un phénomène complexe, avec des conséquences positives et négatives pour les pays d’origine. Les effets positifs comprennent la réduction du chômage et des tensions sociales qui en résultent; les afflux constants provenant d’envois de fonds qui, au niveau individuel, augmentent le niveau de vie des familles au pays et, au niveau national, améliorent l’équilibre commercial des pays d’origine; d’investissements possibles dans des entreprises communes; promotion de la culture de ces pays à l’étranger, etc.
2. Il y a aussi des conséquences négatives qui ne peuvent être ignorées. Certains pays connaissent une fuite des cerveaux, une baisse démographique ou un manque de contributions aux fonds sociaux, ce qui pourrait devenir problématique à long terme. Les pays d’origine sont parfois confrontés à de graves problèmes sociaux dans les familles et les communautés locales. La situation des enfants laissés au pays par les parents qui émigrent est particulièrement préoccupante.
3. L’Assemblée parlementaire appelle à une action concertée des pays d’origine et des pays d’accueil afin d’atténuer les conséquences négatives pour les pays d’origine de la migration de travail, tout en faisant le nécessaire afin de préserver les aspects positifs.
4. L’Assemblée invite les parlements nationaux à régulièrement faire le point sur la mise en œuvre de la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) en donnant spécifiquement la priorité dans ce contexte à toutes les dispositions de l’Article 19 de la Charte révisée; elle invite les pays qui ne l’auraient pas encore fait à ratifier la Charte révisée.
5. Concernant les pays d’origine, l’Assemblée:
5.1. invite les parlements nationaux à régulièrement faire le point sur la question des migrations de travail dans les États membres et à atténuer les conséquences négatives de celles-ci, notamment par la création d’emplois dans des secteurs où les travailleurs migrants sont employés à l’étranger, par la lutte contre les mauvaises pratiques de gestion et la corruption, des réformes législatives encourageant le retour des travailleurs qualifiés et la prévention de la traite des êtres humains et du trafic de migrants, et en particulier de femmes;
5.2. appelle les autorités des pays d’origine à prendre d’urgence des mesures d’aide aux populations vulnérables, et notamment les familles affectées par le départ du principal pourvoyeur de la famille, surtout s’il s’agit de la mère, pour éviter les crises dans la famille, l’affaiblissement des liens entre parents et enfants et les risques d’une séparation durable qui pourrait couper les enfants de leurs parents et, à long terme, nuire à leur équilibre psychosocial;
5.3. appelle à une amélioration des systèmes d’aide et d’assistance sociale pour prévenir l’abandon et la maltraitance des enfants laissés au pays par les parents travaillant à l’étranger et y remédier, car ils nuisent à leur développement. Prendre également des mesures spécifiques pour accompagner ces enfants dans la transition vers l’âge adulte. Soutenir des dispositifs du type «SOS familles» accueillant des enfants jusqu’au moment où ils peuvent retrouver leurs parents. Veiller à ce que toutes les mesures prises respectent l’intérêt supérieur de l’enfant;
5.4. appelle à prendre des mesures pour prévenir le décrochage scolaire ou l’abaissement du niveau d’éducation des enfants laissés au pays parce que les parents travaillent à l’étranger. Des mesures spécifiques de soutien psychologique et de conseil devraient être mises en place dans ce contexte, selon les besoins;
5.5. encourage les pouvoirs publics à instaurer des dispositifs d’assistance aux candidats à l’émigration comportant des informations claires sur les perspectives et les dangers liés à une émigration pour le travail, y compris dans le cadre de campagnes de sensibilisation du public. Des canaux de communication devraient être instaurés, y compris dans les campagnes, pour informer les travailleurs migrants de toute nouvelle opportunité dans leur pays d’origine;
5.6. propose que les gouvernements adoptent des mesures facilitant le retour et la réinstallation des travailleurs migrants dans leur pays d’origine avec une reconnaissance et une validation de l’expérience professionnelle acquise à l’étranger;
5.7. encourage les États membres à envisager d’autres mesures spécifiques et bonnes pratiques telles que: des correspondants locaux pour les migrations assurant le contact entre les diasporas et leurs communautés d’origine; des bases de données permettant de cartographier l’impact des migrations et d’identifier les opportunités d’investissement; la consultation des migrants sur les priorités locales, afin d’intégrer leurs suggestions dans les plans de développement; la mise en place «d’associations de villes natales» réunissant des gouvernements locaux, des populations locales, des migrants internes et la diaspora pour collaborer autour d’initiatives de développement local et renforcer la transparence et la confiance entre les diasporas et les gouvernements locaux au cours du processus.
6. Comme la plupart des pays d’origine ne sont pas membres de l’Union européenne, l’Assemblée appelle les institutions de l’Union européenne à garder à l’esprit à la fois les conséquences positives et négatives des migrations de travail quand elles élaborent leurs politiques de mobilité des travailleurs. Elle invite les institutions de l’Union européenne à prévoir des mesures spécifiques dans leurs programmes de coopération et dans leurs plans d’action à l’attention des États membres du Conseil de l'Europe non membres de l’Union européenne dont proviennent les travailleurs migrants de l’Union européenne.
7. Concernant les pays d’accueil, l’Assemblée appelle:
7.1. à intensifier leurs efforts de lutte contre l’immigration clandestine de travailleurs qui peut, dans les cas extrêmes, engendrer diverses formes d’esclavage moderne et de traite, comme l’a révélé le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) du Conseil de l’Europe;
7.2. les pouvoirs publics à intensifier leurs efforts d’intégration des travailleurs migrants afin d’améliorer les retombées positives des migrations pour l’emploi et de promouvoir la diversité et le vivre ensemble, en veillant à ce que ces processus deviennent évidents et s’ancrent naturellement dans le fonctionnement quotidien des sociétés européennes;
7.3. à améliorer l’intégration sociale des travailleurs migrants par des mesures spécifiques élaborées à leur intention, disponibles dans les langues des pays d’origine et publiées par divers moyens, y compris via les organisations des diasporas et les réseaux sociaux;
7.4. à améliorer les cadres de reconnaissance des compétences des ressortissants de pays tiers et les procédures connexes de promotion de l’insertion professionnelle.
8. L’Assemblée appelle les États membres de l’Union européenne:
8.1. à constituer des bases de données d’envergure européenne pour faire correspondre l’offre et la demande en matière d’emploi et qui soient compatibles avec les voies migratoires et les programmes sur les migrations;
8.2. à augmenter les possibilités de mobilité intracommunautaire en levant les obstacles, comme les conditions de revenus, pour les travailleurs saisonniers, les étudiants diplômés et les autres ressortissants de pays tiers légalement présents sur leur territoire;
8.3. à harmoniser les procédures administratives et la portabilité des permis de travail et de séjour, en veillant à une certaine normalisation des procédures de vérification et des formulaires de demande pour les travailleurs migrants, par exemple.
9. Les pays d’accueil devraient également offrir aux réfugiés un accès aux régimes plus favorables de migration de travail au sein de l’Union européenne. L’Assemblée appelle à faire un plus large usage des initiatives du Conseil de l'Europe pour la reconnaissance des qualifications des réfugiés et, en particulier du Passeport européen des qualifications des réfugiés.
10. Enfin l’Assemblée, rappelant sa Résolution 2175 (2017) et sa Recommandation 2109 (2017) sur «Les migrations: une chance à saisir pour le développement européen», invite les parlements nationaux à faire le point sur la mise en œuvre des recommandations qu’elle y énonce. Elle renouvelle son invitation à intensifier la coopération entre le Conseil de l'Europe, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’OCDE et l’Union européenne afin de promouvoir une image positive des migrants en Europe par des activités communes dans les domaines du développement humain, économique et social.

B. Exposé des motifs, par M. Ionuț-Marian Stroe, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L’émigration de l’Europe de l’Est constitue un phénomène de grande importance et à l’étendue considérable. En effet, les données recueillies par Eurostat montrent qu’en 2017, plus de 4,5 millions d’Ukrainiens, 3 millions de Roumains, environ 2,5 millions de Polonais et près d’un million de Bulgares se sont établis dans un autre pays de l’Union européenne. Ces déplacements ont des motifs principalement économiques, d’où la part importante de personnes en âge de travailler chez les migrants.
2. L’émigration de travail de l’Europe de l’Est a eu des conséquences positives et négatives sur l’évolution sociodémographique des pays concernés. Parmi les effets positifs pour les pays d’origine, l’on peut citer les transferts de fonds envoyés par les migrants économiques, l’encouragement des investissements dans des entreprises en participation, les compétences additionnelles des anciens travailleurs migrants qui choisissent de retourner dans leur pays d’origine pour y travailler ou y créer leur propre activité, la baisse du chômage et la promotion de la culture de ces pays à l’étranger.
3. Cela étant, l’émigration à des fins d’emploi dans certains pays d’Europe de l’Est a entraîné des problèmes sociodémographiques non négligeables: fuite des compétences, baisse de la population, absence de cotisations sociales et problèmes familiaux graves, dont le problème social inquiétant des enfants laissés au pays (par des parents qui ont émigré en les confiant aux grands-parents ou à d’autres membres de la famille).
4. Dans sa Résolution 2137 (2016) relative à l’incidence de la dynamique démographique européenne sur les politiques migratoires, l’Assemblée se déclare préoccupée «par l’incidence négative des migrations de travail en provenance de certains pays d’Europe orientale et ses effets sur la dynamique de leurs populations et sur la situation sociale des familles de migrants». Elle relève aussi le problème des enfants séparés de leurs parents pour de longues périodes et confiés à la garde de la famille élargie après le choix des parents de s’éloigner considérablement pour travailler dans des pays où ils trouvent un emploi mieux rémunéré. J’ai donc décidé de me pencher de plus près sur ce problème en me concentrant plus spécifiquement sur la République de Moldova, la Pologne, la Roumanie et l’Ukraine, pays où la situation est particulièrement préoccupante.
5. J’ai été nommé rapporteur le 20 septembre 2017. La commission m’a autorisé à effectuer une mission d’enquête en Pologne qui s’est déroulée du 22 au 24 octobre 2018 et m’a permis de recueillir des éléments importants pour mon travail. Le rapport se concentre sur des pays ayant des problèmes particuliers d’émigration de main-d’œuvre, à savoir l’Ukraine, la République de Moldova, mon propre pays la Roumanie et la Pologne.

2. Portée et objectif du rapport

6. Ce rapport examine les conséquences économiques, sociales et démographiques de la décision des migrants d’Europe de l’Est de quitter leur pays. J’ai décidé d’élargir la portée du rapport, d’autant qu’un autre rapport de la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable sur «Les conséquences de la migration des travailleurs sur leurs enfants restés dans leur pays d’origine» 
			(2) 
			Doc. 14537. aborde les répercussions négatives de la migration sur les pays d’origine des migrants en portant une attention particulière à la situation des enfants. Pour ma part, je n’ai évoqué cette question que brièvement dans les chapitres ci-après. Je souhaite par ailleurs analyser les conséquences de l’émigration de main-d’œuvre sur le pays d’origine autant que sur le pays d’accueil.

2.1. Définitions

7. Le rapport prend pour point de départ les engagements internationaux auxquels les États membres ont souscrit au niveau européen, notamment l’Article 19 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163). L’instrument existant au sein des Nations Unies – la Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille 
			(3) 
			adoptée par l’Assemblée
générale dans sa Résolution 45/158 du 18 décembre 1990, entrée en
vigueur le 1er juillet 2003. – n’a pas été ratifié par les États membres de l’Union européenne, et ce malgré les appels du Comité économique et social européen qui encourage depuis 2004 l’Union européenne et ses États membres à le faire. Les Conclusions du Comité européen des Droits sociaux sont citées à titre de référence dans les décisions prises concernant la mise en application des articles pertinents de la Charte sociale européenne (révisée) 
			(4) 
			Voir
AS/Mig/Inf (2018)28, extrait du Digest de jurisprudence du Comité
européen des Droits sociaux <a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016804915a0'>https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016804915a0</a>.. Cela étant dit, je tiens à rappeler que la Charte sociale européenne (révisée) a été ratifiée par 34 États membres du Conseil de l’Europe et que 11 autres pays l’ont signée mais pas encore ratifiée 
			(5) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/163/signatures?p_auth=hPp45Mv4'>https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/163/signatures?p_auth=hPp45Mv4</a>.. En outre, plusieurs pays ayant ratifié la Convention ont rejeté la totalité des dispositions de l’Article 19 ou n’en ont accepté que quelques-unes 
			(6) 
			AS/Mig/Inf (2018)28. <a href='https://rm.coe.int/1680630742'>https://rm.coe.int/1680630742</a>..
8. La distinction doit ensuite être établie entre les différentes catégories de travailleurs migrants, car leur acceptation, leur protection juridique et l’impact de leur arrivée dans le pays d’accueil diffèrent énormément: les travailleurs migrants intracommunautaires, les travailleurs migrants issus de pays bénéficiant d’un régime d’exemption de visa ou d’un accord d’association conclu avec l’Union européenne (certains des États membres du Conseil de l’Europe) et les travailleurs migrants non européens, ces derniers étant exposés à un risque de traite et d’exploitation abusive.
9. Le rapport s’interroge également sur ce que recouvre le terme «conséquences sociales et démographiques», c’est-à-dire quelles caractéristiques sociales et démographiques doivent être analysées. Les rapports précédents portaient principalement sur l’impact économique, qui est différent de l’impact social et démographique. Le terme «sociodémographique» regroupe des caractéristiques sociales et démographiques qui incluent, par exemple, l’âge, le genre, le niveau d’éducation, le parcours migratoire et l’origine ethnique, la religion, la situation familiale, la taille moyenne de la famille/du ménage, le statut patrimonial, l’emploi et les revenus, ainsi que les antécédents médicaux, le taux de natalité et de mortalité. Différentes variables d’indices sont formées sur la base de variables sociodémographiques 
			(7) 
			Hoffmeyer-Zlotnik,
J. H. P. (2016). Standardisation and Harmonisation of Socio-Demographic
Variables. GESIS Survey Guidelines.
Mannheim, Allemagne: GESIS – Institut de Leibniz pour les sciences
sociales 
			(7) 
			(<a href='https://www.gesis.org/fileadmin/upload/SDMwiki/Hoffmeyer-Zlotnik_Standardisation_and_Harmonisation_of_Socio-Demographic_Variables.pdf'>https://www.gesis.org/fileadmin/upload/SDMwiki/Hoffmeyer-Zlotnik_Standardisation_and_Harmonisation_of_Socio-Demographic_Variables.pdf</a>)..
10. L’analyse comparative de ce genre de données nécessite de procéder à une harmonisation des variables indépendantes. Cela revient à clarifier les concepts culturels ou nationaux qui sous-tendent chaque variable de chaque culture et de chaque pays participant aux enquêtes pertinentes. Par exemple, quels sont les critères utilisés pour définir les ménages ou comment sont organisés le système éducatif, le marché du travail, le système fiscal, le système de protection sociale, etc.? L’établissement d’une comparaison entre les comportements des différents répondants des différentes enquêtes à partir de données harmonisées permettrait une plus grande prévisibilité des futures évolutions et la mise en place de services publics susceptibles de répondre aux besoins des personnes qui réclament ces services.

2.2. Aperçu de l’émigration de travail dans certains pays d’Europe centrale et orientale (les effets sur les pays d’origine)

11. Les études sur l’évolution démographique en Europe centrale et orientale (ECO) montrent que cette région connaît des flux migratoires importants et de profonds bouleversements démographiques associés à l’allongement de l’espérance de vie et à la baisse du taux de fécondité, ce qui entraîne un vieillissement de la population. Ces processus particulièrement marqués, combinés à la domination persistante de l’émigration sur l’immigration, engendrent d’importantes difficultés démographiques, sociales, économiques et politiques. Sur la période 2005-2010, la Slovaquie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie figuraient parmi les dix pays ayant le plus faible taux de fécondité dans le monde (1,33) (Nations Unies 2013) 
			(8) 
			Migration
and Socio-Demographic Processes in Central and Eastern Europe: Characteristics,
Specificity and Internal Differences, CEEMR (<a href='http://www.ceemr.uw.edu.pl/vol-2-no-1-june-2013/editorial/migration-and-socio-demographic-processes-central-and-eastern-europe'>http://www.ceemr.uw.edu.pl/vol-2-no-1-june-2013/editorial/migration-and-socio-demographic-processes-central-and-eastern-europe</a>)..
12. Alors que la population va continuer de croître au niveau mondial, principalement du fait de l’explosion démographique dans les pays moins développés, en particulier sur le continent africain, les pays les plus développés devraient basculer dans une croissance démographique négative à partir de la deuxième décennie du 21e siècle. D’après certaines estimations prudentes, cette évolution devrait aboutir d’ici 2050 à une diminution de la population en Europe de 96 millions de personnes, dont 83 millions en ECO. La population de l’ECO se trouverait alors réduite de 27 % (Nations Unies 2004). Les plus fortes baisses démographiques (20 à 30 %) mondiales sont attendues dans cinq pays de la région ECO: la Bulgarie, la République de Moldova, la Serbie, l’Ukraine et le Bélarus. La population des pays post-communistes tels que la Lettonie, la Roumanie, la Croatie, la Fédération de Russie, la Lituanie et la Géorgie, devrait diminuer de plus de 15 %. D’autres pays ECO devraient connaître une baisse légèrement moins forte, 11 % en Pologne par exemple (Nations Unies 2013). De surcroît, la structure par âge de la population de la région sera fortement affectée, marquée par une forte baisse de la part des personnes en âge de travailler. Les statistiques semblent donc nous montrer que l’Europe aurait tout à gagner d’une migration de main-d’œuvre qui pourrait avec le temps contribuer à inverser la tendance au vieillissement de la population.
13. En ce qui concerne l’incidence de l’émigration de travail sur les pays d’origine, il existe des avantages économiques évidents comme la baisse du chômage et l’afflux massif de transferts de fonds (9,3 milliards de dollars américains 
			(9) 
			<a href='http://en.interfax.com.ua/news/economic/493614.html'>http://en.interfax.com.ua/news/economic/493614.html</a>. pour l’Ukraine en 2017, 4,9 milliards de dollars américains pour la Roumanie 
			(10) 
			<a href='http://www.business-review.eu/news/romanians-living-abroad-sent-home-record-usd-4-9-bln-in-2017-up-42-pct-166466'>http://www.business-review.eu/news/romanians-living-abroad-sent-home-record-usd-4-9-bln-in-2017-up-42-pct-166466</a>. et près de 1,2 milliard de dollars américains 
			(11) 
			<a href='https://seenews.com/news/remittances-to-the Republic of Moldova-rise-262-yy-in-jan-c-bank-603196'>https://seenews.com/news/remittances-to-the
Republic of Moldova-rise-262-yy-in-jan-c-bank-603196</a>. pour la République de Moldova), qui représentent une part non négligeable du PIB national et contribuent à réduire le déficit commercial. Cela étant, l’émigration de travail comporte aussi de sérieux inconvénients, comme le bouleversement de la vie familiale et de l’équilibre démographique. Les prévisions démographiques pour les pays d’Europe de l’Est sont généralement négatives, indiquant un vieillissement rapide de la population et soulevant un certain nombre de questions quant à la viabilité du système actuel de sécurité sociale. Au-delà du système de sécurité sociale (retraite, santé), il convient aussi de s’intéresser aux problèmes liés à l’évolution du dispositif de soutien social dans les familles (les grands-parents vieillissants ne sont plus en mesure d’assumer la responsabilité de la famille). Ces questions seront étudiées plus en détail dans les chapitres suivants au travers d’exemples spécifiques d’Ukraine et de la République de Moldova, ainsi que de mon propre pays, la Roumanie.

2.3. L’émigration de travail en Ukraine

14. Comme le révèle une étude effectuée par la Banque mondiale, l’Ukraine est l’un des cinq premiers pays pourvoyeurs de migrants dans le monde avec le Mexique, l’Inde, la Chine et la Fédération de Russie. Plus précisément, le nombre de travailleurs migrants ukrainiens à l’étranger avoisine les 2 millions, soit près de 9,1 % de la population économiquement active de l’Ukraine 
			(12) 
			Bohdan Hnatkivskyy,
«Labour migration and its impact», International Business and Global
Economy 2015, no 34, p. 103.. Les principales raisons qui poussent les Ukrainiens à quitter leur pays sont la très faible rémunération moyenne (237 euros par mois) et le niveau élevé de chômage (9,6 %). L’émigration de travail devient donc le seul moyen pour de nombreux Ukrainiens en âge de travailler d’accéder à un niveau de vie acceptable 
			(13) 
			Oleksii Pozniak, «External
labour migration in Ukraine as a factor in socio-demographic and
economic development», 2014, Rapport de recherche de CARIM-East: <a href='http://cadmus.eui.eu/bitstream/handle/1814/24857/CARIM-East_RR-2012-14.pdf?sequence=3&isAllowed=y'>http://cadmus.eui.eu/bitstream/handle/1814/24857/CARIM-East_RR-2012-14.pdf?sequence=3&isAllowed=y</a>, p. 6.. Leur processus d’émigration se trouve facilité par le fait que les citoyens ukrainiens ont tendance à obtenir le plus grand nombre de permis de séjour dans l’Union européenne 
			(14) 
			Eurostat, «Residence
permits for non-EU citizens», 2017..
15. L’émigration de travail a un double impact en Ukraine: économique et démographique. Ses effets sur le développement économique de l’Ukraine sont considérables tout en restant ambigus. D’un côté, l’argent supplémentaire qui entre dans le pays contribue à réduire la pauvreté, stimule la production nationale et soutient la balance des paiements; et de l’autre, l’exode des travailleurs à l’étranger réduit l’offre du marché du travail intérieur et fait peser une menace sur la stabilité du système de sécurité sociale. En outre, l’émigration entraîne une perte de compétences, puisque des personnes hautement qualifiées occupent généralement des postes non qualifiés à l’étranger 
			(15) 
			Bohdan
Hnatkivskyy, op.cit., p. 110..
16. Il y a un risque de sous-estimer le potentiel entrepreneurial des travailleurs migrants et de leurs familles restées en Ukraine. Les migrants qui exercent une activité commerciale à l’étranger sont peu enclins à se lancer dans un projet d’entreprise à leur retour en Ukraine, compte tenu des conditions insatisfaisantes qui encadrent les activités des entreprises dans ce pays. C’est la raison pour laquelle ce qui est vital pour l’Ukraine n’est pas tant l’évaluation des effets existants des fonds envoyés par les migrants économiques que l’évaluation des effets potentiels de l’activité entrepreneuriale non réalisée par les migrants de retour et leurs familles. Au-delà des retombées économiques, les conditions favorables à l’activité entrepreneuriale  – y compris un climat économique exempt de corruption – constituent une condition préalable au retour de l’émigration de la main-d’œuvre, devenu indispensable pour l’Ukraine confrontée à des perspectives de pénurie de main-d’œuvre. L’incidence financière éventuelle de l’activité entrepreneuriale des migrants est un domaine pratiquement inexploré en ce qui a trait à l’effet de la migration sur le développement socioéconomique de l’Ukraine 
			(16) 
			Oleksii
Pozniak, op.cit..
17. Concernant l’incidence démographique de la migration de main-d’œuvre, l’Ukraine traverse actuellement une grave crise démographique, avec une population qui diminue et vieillit rapidement. Sachant qu’une partie des adultes en âge d’avoir des enfants vit à l’étranger et que près de 70 % des travailleurs migrants sont des femmes, de moins en moins d’enfants naissent en Ukraine chaque année. On estime à presque 20 % la baisse de la population au début de l’année 2016 
			(17) 
			Oleksii Pozniak, op.cit.. En outre, la majorité des migrants proviennent de zones rurales ou de petites villes, ce qui signifie que leur départ pèse lourdement sur la vie de petites communautés 
			(18) 
			Liza
Yanovich, «Children Left Behind: The Impact of Labor Migration in
Moldova and Ukraine», Migration Policy Institute, 2015, disponible
à <a href='https://www.migrationpolicy.org/article/children-left-behind-impact-labor-migration-moldova-and-ukraine'>https://www.migrationpolicy.org/article/children-left-behind-impact-labor-migration-moldova-and-ukraine</a>..

2.3.1. La situation des enfants laissés au pays

18. Les enfants restés en Ukraine se divisent généralement en deux catégories: ceux qui restent mais dont les parents vont revenir et ceux dont les parents ne reviendront pas. D’après une étude menée par l’OIM, seulement un enfant sur cinq resté en Ukraine sans ses parents est définitivement abandonné.
19. Selon le ministère de la Famille, de la Jeunesse et des Sports, environ 200 000 enfants sont laissés en Ukraine par leurs parents. Dans les régions les plus touchées par l’émigration, près d’un quart des enfants sont élevés par un seul parent. La majorité d’entre eux sont des adolescents, un âge considéré par de nombreuses études comme celui où les enfants sont le plus vulnérables. Par ailleurs, dans le cas des familles transnationales en Ukraine, beaucoup d’enfants laissés au pays sont abandonnés et négligés, ce qui peut nuire à leur développement et à leur transition vers l’âge adulte 
			(19) 
			Ibid.. La délinquance juvénile est un autre problème largement répandu chez les enfants laissés au pays.
20. De plus, l’émigration de travail n’affecte pas seulement les enfants, mais la famille dans son ensemble. Il n’est pas rare que le départ du parent ayant la responsabilité à titre principal de la famille, en particulier la mère, s’accompagne d’une crise généralisée des relations familiales et des conditions socioéconomiques 
			(20) 
			O. Fedyuk, «The Gender
Perspective in Ukrainian Migration», 2016. Dans: O. Fedyuk, M. Kindler
(Éd.), «Ukrainian Migration to the European Union», IMISCOE Research
Series. Springer, Cham.. L’éloignement des parents pour de longues périodes nuit gravement aux relations parents-enfants et certaines familles peuvent se retrouver séparées pour une durée indéterminée, causant une rupture entre les enfants et leurs mères 
			(21) 
			Victor Kotusenko, «Labour
migration from Ukraine and its ethical implications», 2007: <a href='http://www.oikonomia.it/index.php/en/oikonomia-2007/ottobre-2007/626-labour-migration-from-ukraine-and-its-ethical-implications'>http://www.oikonomia.it/index.php/en/oikonomia-2007/ottobre-2007/626-labour-migration-from-ukraine-and-its-ethical-implications</a> p. 12..

2.3.2. La réponse de l’Ukraine aux défis de l’émigration de travail

21. Les projets amorcés en Ukraine en collaboration avec l’OIM et le gouvernement italien visent à créer des emplois et à réduire la pression migratoire en soutenant le retour volontaire des migrants, en dirigeant les flux des transferts de fonds et en maximisant leur valeur, et en mettant en place des programmes de développement interculturel. Ces programmes prévoient également des initiatives sociales transnationales pour venir en aide aux enfants laissés au pays et aux parents migrants et pour proposer des formations aux psychologues, aux personnes ayant la charge d’enfants, aux parents et aux enseignants afin de mieux répondre aux besoins des familles restées au pays et des migrants eux-mêmes 
			(22) 
			Liza Yanovich, op.cit..
22. En outre, une ordonnance de 2007 émise conjointement par les ministères de l’Éducation, de la Santé publique, de la Famille et de la Jeunesse, du Travail et de l’Intérieur invite les principaux prestataires de services sociaux à renforcer leur collaboration et à considérer les familles séparées par la migration comme des bénéficiaires potentiels des services créés de manière plus générale pour les familles en situation difficile. Il existe aussi d’autres dispositions pour les enfants laissés en Ukraine: ils peuvent trouver refuge dans une famille d’accueil ukrainienne – les familles SOS – et y rester jusqu’à ce qu’ils puissent retourner dans leur famille ou rejoindre une autre forme de prise en charge familiale 
			(23) 
			SOS Villages d’Enfants
International: <a href='https://www.sos-childrensvillages.org/where-we-help/europe/ukraine'>https://www.sos-childrensvillages.org/where-we-help/europe/ukraine</a>..

2.4. L’émigration de travail en République de Moldova

23. Un autre pays profondément affecté par les conséquences sociales et démographiques de l’émigration de travail est la République de Moldova, où ce phénomène semble prendre une dimension particulièrement importante. D’après des statistiques récentes, les émigrants représentent 17,3 % de la population totale du pays 
			(24) 
			Équipe
du Migration Policy Centre, «MPC -Migration Profile: Moldova», 2013,
MPC Migration Policy Centre: <a href='http://www.migrationpolicycentre.eu/publications/'>http://www.migrationpolicycentre.eu/publications/</a> p. 1. et ils sont motivés par le manque d’emplois, le faible niveau de rémunération et le coût élevé des biens et des services 
			(25) 
			Olga
Gagauz et Tatiana Tabac, «Demographic barometer: Impact of economic
crises on demographic processes», 2016: <a href='http://ccd.ucoz.com/_ld/0/54_Barometru_eng.pdf'>http://ccd.ucoz.com/_ld/0/54_Barometru_eng.pdf</a>, p. 3..
24. En ce qui concerne les effets positifs de l’émigration de travail, la République de Moldova a l’une des proportions les plus élevées de transferts monétaires en provenance de l’étranger (également appelés transferts de fonds) par rapport à son PIB (produit intérieur brut), soit 31 %. Toutefois, ces transferts de fonds ne contribuent pas directement à renforcer l’économie du pays puisqu’ils sont utilisés à des fins de consommation privée et ne participent donc pas à créer une croissance économique durable 
			(26) 
			Groupe des perspectives
de la Banque mondiale, Données annuelles sur les transferts de fonds,
2013: 
			(26) 
			<a href='https://www.unicef.org/The_Impacts_of_Migration_on_Children_in_Moldova%281%29.pdf'>https://www.unicef.org/The_Impacts_of_Migration_on_Children_in_Moldova%281%29.pdf</a> p. 7..
25. Toutefois, l’incidence négative la plus importante de l’émigration de travail sur la République de Moldova se situe indéniablement sur le plan démographique. Le scénario de base pour 2035 prévoit que la République de Moldova comptera 28,4 % de citoyens en moins par rapport à 2014, tenant compte du fait que son indice synthétique de fécondité est le plus bas de l’Union européenne, des Balkans et des pays partenaires d’Europe orientale réunis 
			(27) 
			Alexei Buzu et Victor
Lutenco, «Are we up to the task? Assessment Report of the National
Strategic Programme on Demographic Security 2011-2025», 2016: 
			(27) 
			<a href='https://moldova.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/Report English_0.pdf'>https://moldova.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/Report%20English_0.pdf</a>.. D’après la police des frontières de la République de Moldova, il y a eu 761 970 migrants sur 3,5 millions de Moldaves en 2014 
			(28) 
			Ibid., un phénomène décrit comme un «hiver démographique» 
			(29) 
			Rapport de la commission
des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, «L’incidence
de la dynamique démographique européenne sur les politiques migratoires», Doc. 14143.. Par conséquent, la République de Moldova est actuellement le pays où le déclin démographique est le plus fort au monde. On estime en effet qu’elle devrait perdre 54,4 % de sa population d’ici 2100 
			(30) 
			World Population Prospects,
the 2015 Revision. Key Findings and Advance Tables, Département
des Affaires économiques et sociales des Nations Unies, New York
2015: 
			(30) 
			<a href='https://esa.un.org/unpd/wpp/publications/files/key_findings_wpp_2015.pdf'>https://esa.un.org/unpd/wpp/publications/files/key_findings_wpp_2015.pdf</a>.. En outre, les prévisions établies par les chercheurs confirment que d’ici 2050, une personne sur trois sera âgée de plus de 60 ans en Moldova et que la part des personnes âgées représentera entre 35 et 50 % de la population du pays 
			(31) 
			Maria Vremiș et al.,
«Extended migration profile on the Republic of Moldova», 2012, Organisation
internationale pour les migrations: <a href='http://publications.iom.int/system/files/pdf/110_emp_report_updated.pdf'>http://publications.iom.int/system/files/pdf/110_emp_report_updated.pdf</a>, p. 108..

2.4.1. La situation des enfants laissés au pays

26. La situation des enfants laissés au pays est un effet secondaire particulièrement inquiétant de l’émigration de travail en République de Moldova, avec près de 100 000 filles et garçons considérés comme orphelins sociaux du fait que leurs pères ou leurs mères travaillent 
			(32) 
			Anna Stemmer, (n1)
p. 55.. Ces enfants représentent un groupe vulnérable semblable à aucun autre et les conséquences de la migration de leurs parents sont relativement graves 
			(33) 
			Alexei Buzu et Victor
Lutenco, op.cit., p.11.. D’après certains experts, les enfants laissés au pays sont confrontés à de nombreux effets néfastes, y compris des difficultés à l’école, telles que la détérioration des résultats scolaires, l’augmentation de l’absentéisme et le manque de motivation. Il faut dire que l’implication des parents dans l’organisation de l’emploi du temps scolaire est très importante, puisqu’ils exercent un rôle de suivi et d’orientation. Or, le manque de contrôle et de soutien induit par le fait que les parents sont à l’étranger a pour conséquence que 22 % des enfants de migrants ne vont plus à l’école 
			(34) 
			Liza Yanovich, op.cit.. Certains problèmes de santé peuvent également se faire jour, car les enfants de migrants n’ont pas toujours facilement accès aux services de soins de santé dont ils ont besoin. La consommation de drogues semble être particulièrement problématique, puisque les jeunes moldaves connaissent une prévalence de la consommation de drogues injectables plus élevée que dans les autres pays de l’Union européenne, avec 93,5 % de jeunes qui connaissent une personne qui consomme de la drogue 
			(35) 
			Fonds des
Nations unies pour l'enfance (UNICEF), «Mid-Term Review, Government
of Moldova Country Programme of Cooperation 2007-2011», 2013: <a href='http://www.unicef.org/'>www.unicef.org</a>, p. 22.. La stabilité familiale et le développement personnel sont aussi menacés, puisque les enfants courent un risque de développer des problèmes psychoémotionnels susceptibles de générer du chômage chez les jeunes et de la délinquance juvénile. Entre 1993 et 2000, les enfants laissés au pays représentaient presque 60 % des jeunes délinquants 
			(36) 
			UNICEF,
Children and Migration, 2007: <a href='https://gfmd.org/docs/belgium-2007'>https://gfmd.org/docs/belgium-2007</a>..

2.4.2. La réponse de la République de Moldova aux défis de l’émigration du travail

27. La première loi sur l’émigration a été adoptée après l’indépendance moldave en 1991, mais le problème des enfants laissés au pays n’a été traité que bien plus tard. Dans le cadre du Plan d’action national 2010-2011 de la République de Moldova pour la protection des enfants privés de soutien parental, un partenariat a été établi entre le ministère du Travail, de la Protection sociale et de la Famille, l’Agence tchèque de développement, l’OIM, le Fonds des Nations Unies pour la population et l’Université d’État de Moldova afin d’établir un corpus complet de recherche pour contribuer à l’élaboration de politiques pertinentes concernant la problématique des enfants laissés au pays, des familles et des personnes âgées 
			(37) 
			Comité national
de lutte contre la traite des êtres humains, «EU Helps Hundreds
of Moldovan Families Address the Effects of Migration at Home and
Abroad», 2013: 
			(37) 
			<a href='http://www.antitrafic.gov.md/libview.php?l=en&idc=94&id=235&t=/Press/News-and-Events/EU-HELPS-HUNDREDS-OF-MOLDOVAN-FAMILIESADDRESS-THE-EFFECTS-OF-MIGRATION-AT-HOME-AND-ABROAD/'>http://www.antitrafic.gov.md/libview.php?l=en&idc=94&id=235&t=/Press/News-and-Events/EU-HELPS-HUNDREDS-OF-MOLDOVAN-FAMILIESADDRESS-THE-EFFECTS-OF-MIGRATION-AT-HOME-AND-ABROAD/</a>..
28. Même si quelques premiers pas ont été faits, il reste encore des mesures importantes à prendre. Pour améliorer le bien-être des enfants laissés au pays, les gouvernements pourraient mettre en place des formations à destination des psychologues, des travailleurs sociaux et des enseignants qui travaillent auprès des enfants restés sur place et de leurs familles 
			(38) 
			Liza Yanovich, op.cit.. Une campagne menée récemment par Terre des hommes Moldova comprenait des activités et des documents d’information prodiguant des conseils sur la manière de maintenir une relation saine entre des enfants et leurs parents qui travaillent à l’étranger 
			(39) 
			Terre des Hommes, «Familles
sans frontières – une campagne en soutien aux enfants moldaves laissés
derrière», 2017: <a href='https://www.tdh.ch/en/news/children-left-behind-moldova'>https://www.tdh.ch/fr/actualite/enfants-moldaves-laiss%C3%A9s-derri%C3%A8re</a>.. Par ailleurs, l’Organisation internationale pour les migrations propose que les autorités moldaves obtiennent un soutien supplémentaire pour nouer des liens entre les organisations de la diaspora établies dans différents pays et pour considérer les associations de la diaspora comme des interlocuteurs et des acteurs de la conception et de la mise en œuvre des politiques migratoires et de développement 
			(40) 
			Maria
Vremis et al., op.cit., p.
233.. Enfin, le PNUD propose d’adopter l’approche suisse, qui relie les migrants à leurs communautés d’origine en République de Moldova par une démarche en cinq volets: 1) nommer des points focaux locaux de la migration qui servent de lien entre la diaspora et les communautés d’origine; 2) créer des bases de données qui cartographient l’effet de la migration et facilitent la saisie des possibilités d’investissement; 3) écouter les voix des migrants et les consulter sur les priorités locales en intégrant leurs suggestions dans les plans de développement; 4) mettre en place des «associations de villes natales» qui rassemblent des gouvernements locaux, des populations locales, des migrants internes et la diaspora pour collaborer autour d’initiatives de développement local et; 5) renforcer la transparence et établir un climat de confiance entre la diaspora et les gouvernements locaux au cours du processus. Cette approche a déjà été utilisée dans le village de Chiscareni et a produit d’excellents résultats 
			(41) 
			Stefan Liller, «Making
the most of emigration», 2018, PNUD Moldova: 
			(41) 
			<a href='http://www.md.undp.org/content/moldova/en/home/blog/2018/making-the-most-of-emigration.html'>http://www.md.undp.org/content/moldova/en/home/blog/2018/making-the-most-of-emigration.html</a>..
29. Un certain nombre de mesures pourraient aider à atténuer les effets de cette émigration, y compris des changements structurels de l’économie, la création d’emplois dans des secteurs où les travailleurs migrants sont employés à l’étranger, la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance, la mise en place de réformes juridiques encourageant le retour des travailleurs qualifiés et la prévention de la traite des êtres humains et du trafic illicite de migrants.

2.5. L’émigration de travail en Roumanie

30. Les effets négatifs de l’émigration de travail sont similaires à ceux décrits ci-dessus pour l’Ukraine et la République de Moldova. Cependant, ces aspects négatifs s’accompagnent d’un certain nombre de conséquences positives de la migration sur le développement socioéconomique des pays d’origine, au-delà de l’effet bien connu des transferts monétaires directs, ou transferts de fonds. L’impact le plus positif à court terme est la baisse du chômage, comme ont pu l’observer tous les grands pays qui connaissent une émigration de leur main-d’œuvre, notamment la Roumanie, mais aussi la Pologne, la Slovaquie ou la Bulgarie. Comme cette émigration concerne surtout des personnes sans emploi, des effets positifs se ressentent également sur le budget national (puisqu’il y a moins de prestations chômage à verser). Par ailleurs, les répercussions sociopolitiques favorables ne peuvent être ignorées. En effet, un taux élevé de chômage s’accompagne généralement de fortes tensions sociales et, par conséquent, de dépenses budgétaires importantes pour maintenir la stabilité sociale (en particulier dans les régions avec un très fort taux de chômage). L’émigration a réduit la pression des réformes qui pesait sur le gouvernement roumain. Dans certaines zones/régions, l’émigration de travail a permis de dépressuriser le marché du travail local et les dispositifs d’assistance sociale dont les migrants étaient des bénéficiaires potentiels 
			(42) 
			Monica
Roman et Cristina Voicu, “Some Socio-Economic
Effects of Labor Migration on Sending Countries. Evidence from Romania”, Theoretical and Applied Economics, Volume
XVII (2010), no 7(548), p. 61-76 (<a href='http://www.store.ectap.ro/articole/484.pdf'>http://www.store.ectap.ro/articole/484.pdf</a>)..
31. Comme évoqué précédemment au sujet de l’Ukraine, l’un des effets socioéconomiques de l’émigration de travail sur les pays d’origine est l’augmentation des activités entrepreneuriales. L’émigration de travail et l’entrepreneuriat sont des stratégies de vie étroitement liées. L’expérience de travail à l’étranger s’associe positivement au comportement entrepreneurial et à l’intention de monter une entreprise. En effet, comme les migrants accumulent un capital financier, humain et relationnel à l’étranger et que leurs besoins essentiels sont satisfaits, ils ont tendance à investir leur capital dans des activités productives, devenant eux-mêmes des entrepreneurs. Pour une grande partie des migrants roumains, travailler à l’étranger constitue une stratégie intermédiaire préalable à la stratégie entrepreneuriale, comme le révèle la forte corrélation qui existe entre l’expérience de travail à l’étranger et l’orientation entrepreneuriale 
			(43) 
			Ibid..

2.6. L’émigration de travail en Pologne

32. Du 22 au 24 octobre 2018, je me suis rendu en Pologne pour une mission d’enquête. J’ai eu l’occasion de rencontrer M. Kilion Munyama et M. Jarosław Obremski, tous deux membres de la délégation polonaise à l’Assemblée parlementaire au sein de cette commission; des représentants du gouvernement (ministère des Affaires étrangères [M. Jerzy Baurski, M. Janusz Wołosz et M. Hubert Czerniuk], ministère de l’Intérieur et de l’Administration [Mme Beata Szczęch, sous-secrétaire d’État], Bureau des Étrangers [M. Tomasz Cytrynowicz] et ministère de la Famille, du Travail et des Politiques sociales [M. Stanisław Szwed, secrétaire d’État]); des représentants d’organisations internationales (Mme Anna Rostocka, directrice du Bureau de l’Organisation internationale pour les migrations [OIM] en Pologne, et M. Witold Naturski, directeur adjoint du Bureau de la Commission européenne en Pologne); et enfin, des représentants de la société civile et du monde universitaire (le Conseil du Forum de l’immigration polonaise [Mme Agnieszka Kosowicz, présidente du conseil d’administration] et le Centre of Migration Research [CMR] [Dr hab. Paweł Kaczmarczyk, directeur], ainsi que le professeur Jean-Pierre Cassarino de la Chaire de la Politique européenne de Voisinage au Collège d’Europe à Natolin).
33. Au cours de ces dix dernières années, la Pologne est devenue une destination importante pour les migrants non ressortissants de l’Union européenne 
			(44) 
			<a href='https://www.pip.gov.pl/en/legality-of-employment/64080,info-for-foreigners.html'>https://www.pip.gov.pl/en/legality-of-employment/64080,info-for-foreigners.html</a>., surtout pour les citoyens ukrainiens, avec la mise en place de la «Carte du Polonais». Il s’agit d’un document prouvant le lien avec la Pologne comme pays d’origine, l’ascendance polonaise et la culture polonaise 
			(45) 
			<a href='http://www.migrant.info.pl/polish-descent-2440.html'>http://www.migrant.info.pl/origine-polonaise.html</a>.. Cette situation découle d’un certain nombre de facteurs y compris la demande croissante de main-d’œuvre bon marché, la proximité géographique et culturelle et l’existence de politiques migratoires relativement libérales par rapport à celles des autres pays d’Europe centrale 
			(46) 
			L’employeur joue un
rôle essentiel dans la décision portant sur la délivrance d’un permis
de séjour et de travail: <a href='http://www.migrant.info.pl/temporary-residence-and-work-permit.html'>http://www.migrant.info.pl/permis-de-sejour-temporaire-et-de-travail.html</a>.. L’émigration de travail vers la Pologne a façonné le développement de certains secteurs, tels que le bâtiment et l’agriculture, comblant le vide laissé par les Polonais partis à l’étranger. Les Ukrainiens représentent par ailleurs plus de 53 % de l’ensemble des étudiants étrangers en Pologne, dont le nombre ne cesse d’augmenter. Ces statistiques ne reflètent toutefois pas systématiquement l’émigration temporaire et saisonnière de travail. Concernant les demandeurs d’asile, les principaux pays d’origine sont la Fédération de Russie, l’Ukraine et le Tadjikistan.
34. Il convient de noter toutefois que, malgré une hausse de l’immigration en Pologne, ce pays reste un pays de forte émigration avec 2 397 000 Polonais résidant à l’étranger, principalement au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Irlande. D’après une enquête de 2013, près de 14 % des adultes polonais ont travaillé à l’étranger depuis 2004 (dont environ un quart pendant plus d’un an); 69 % ont un membre de leur famille ou un ami proche qui vivent à l’étranger et 24 % environ se déclarent ouverts à l’immigration. La majorité des migrants polonais ou de ceux qui souhaitent partir sont jeunes: d’après une enquête de 2014, environ 90 % des Polonais âgés de moins de 34 ans ont envisagé d’émigrer d’une manière ou d’une autre. Depuis une dizaine d’années, les migrants ont clairement de plus en plus tendance à être jeunes et instruits. Dernièrement, la Pologne a pris des mesures favorisant le retour des migrants installés à l’étranger 
			(47) 
			Programme
gouvernemental de soutien à la diaspora polonaise 2015-2020, avec
une actualisation semestrielle pour 2019-2020., notamment au Royaume-Uni. L’effet de ces politiques doit faire l’objet d’une évaluation plus approfondie et les mesures prises pourraient servir d’exemple à des pays comme la Roumanie.

3. L’intégration des migrants et leur capacité à contribuer efficacement au développement économique, social et culturel des sociétés européennes

35. L’Europe rencontre d’importantes difficultés dans ses efforts pour s’assurer que les migrants et leurs descendants s’intègrent dans la société et y participent. L’intolérance, la xénophobie et le racisme qui alimentent les crimes haineux et la discrimination à l’égard des migrants ou des réfugiés et leurs descendants soulèvent des inquiétudes dans de nombreux États membres. Dans le même temps, un certain nombre d’États membres de l’Union européenne encouragent la participation équitable des migrants et de leurs descendants à la société, de façon à ce qu’ils contribuent aux objectifs de l’Union européenne en matière de croissance inclusive. Dans son Plan stratégique 2013-2017, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) reconnaît que l’intégration doit se dérouler dans un cadre qui respecte les droits fondamentaux. L’un des principaux défis identifiés par ce Plan concerne l’intégration des migrants et les droits associés à leur capacité à contribuer efficacement au développement économique, social et culturel des sociétés européennes.
36. Les politiques de l’Union européenne ont un impact sur les migrations de travail en Europe centrale et orientale. L’Union est une destination majeure des migrations. D’après l’OCDE, l’Union européenne accueille davantage de migrants que toute autre destination de l’OCDE – la moitié de tous les flux enregistrés dans l’OCDE ont pour destination ses États membres de l’Union européenne (Union européenne-OCDE) 
			(48) 
			<a href='https://www.oecd-ilibrary.org/fr/social-issues-migration-health/recruiting-immigrant-workers-europe-2016_9789264257290-en'>https://www.oecd-ilibrary.org/fr/social-issues-migration-health/recruiting-immigrant-workers-europe-2016_9789264257290-en</a>.. Au cours des années 2000, le nombre d’adultes nés à l’extérieur de l’Union européenne a augmenté de plus de 42 % dans les pays de l’UE15 pour atteindre plus de 30 millions de personnes, soit un tiers de tous les migrants signalés par les pays de l’OCDE.
37. Les États membres de l’Union européenne ont mis en place des cadres pour les migrations de main-d’œuvre afin de concurrencer d’autres destinations de l’OCDE. Les politiques relatives aux migrations de main-d’œuvre des divers États membres de l’Union européenne résultent de politiques nationales qui ont évolué au fil des dernières décennies, mues par les différents objectifs nationaux. Les États membres de l’Union européenne se sont toutefois accordés sur la nécessité d’attirer des talents, y compris des étudiants étrangers. Chacun des États membres de l’Union européenne vante son propre avantage comparatif dans la concurrence pour les compétences étrangères, et certains profitent de liens historiques avec des pays tiers qui déterminent les flux migratoires. Tandis que de nombreux États membres ont imposé des conditions de formation, de profession ou de salaire qui peuvent faire obstacle au recrutement, d’autres gèrent globalement l’immigration en limitant le nombre ou le volume des admissions. D’autres encore pratiquent des tests d’aptitude au marché de l’emploi ou font confiance au marché pour se réguler tant que certaines conditions sont respectées. Certains États membres refusent l’entrée à toute la main-d’œuvre peu qualifiée tandis que d’autres les acceptent uniquement pour des travaux saisonniers 
			(49) 
			Ibid..
38. Le Service de l’Union européenne pour l’action extérieure a hérité du cadre des relations avec les pays tiers – l’Approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM) – par lequel l’Union européenne peut faciliter les négociations avec des pays tiers, mais ne peut leur proposer des dispositifs garantis de migration de main-d’œuvre. L’Union européenne coordonne également les relations avec les pays tiers par le biais de ses Partenariats de mobilité, qui encadrent la coopération, et par son soutien aux divers types de programmes d’échanges et de renforcement des capacités. L’Union européenne assume par ailleurs un rôle de relations publiques par la promotion de l’Union européenne à l’étranger et la diffusion d’informations sur les politiques migratoires de ses États membres.
39. Dans la perspective de développer un capital humain utilisable dans plus d’un Etat membre de l’Union européenne, des mesures de formation et la coopération avec les établissements d’enseignement pourraient améliorer le volet «mobilité des talents» des partenariats. La Directive de l’Union européenne sur la «Carte bleue européenne» a contribué à ouvrir la voie à des migrations légales de travailleurs. Il faudrait toutefois souligner l’importance de rationaliser la procédure de reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger – et ainsi lever un des principaux obstacles à l’intégration des travailleurs migrants. Il faudrait aussi consentir un effort supplémentaire pour réduire le temps nécessaire pour obtenir un titre de séjour permanent.
40. Selon l’OCDE, si l’Union européenne souhaite améliorer l’intégration des travailleurs migrants, elle pourrait commencer par une amélioration du cadre de reconnaissance des qualifications des ressortissants de pays tiers et des procédures correspondantes. Elle pourrait, pour faire correspondre l’offre à la demande en matière d’emploi, mettre en place, à l’échelle de l’Union, des bases de données compatibles avec les flux et les dispositifs de migration pour l’emploi. Elle pourrait aussi augmenter les possibilités de mobilité au sein de l’Union en levant les obstacles, y compris pour les travailleurs saisonniers, les étudiants diplômés et les autres ressortissants de pays tiers légalement présents sur son territoire. L’harmonisation des permis de séjour dans les pays de l’Union et d’autres mesures pertinentes offriraient un filet de sécurité supplémentaire facilitant l’intégration. Un certain degré de normalisation pourrait s’avérer nécessaire (tests, formulaires de demande pour les travailleurs migrants, portabilité des périodes de séjour dans la cadre de la mobilité, abaissement des seuils de revenus pour les plus jeunes salariés et ceux qui viennent d’obtenir leur diplôme dans l’Union européenne) 
			(50) 
			Ibid..
41. Enfin, il conviendra de prendre des mesures pour offrir aux réfugiés l’accès aux régimes plus favorables de migration de main-d’œuvre au sein de l’Union européenne. L’initiative du Conseil de l'Europe pour la reconnaissance des qualifications des réfugiés devrait être mieux connue et appliquée en Europe. Le Passeport européen des qualifications des réfugiés élaboré par le Conseil de l'Europe est un document d’évaluation des qualifications obtenues dans l’enseignement supérieur qui se fonde sur les documents disponibles et un entretien structuré. Il fournit également des informations sur expérience professionnelle et les compétences linguistiques de l’intéressé. Ce document contient des informations fiables en vue de l’intégration et de l’accès à l’emploi et à des études complémentaires, y compris pour les personnes qui ne sont pas en mesure de fournir toutes les preuves documentaires à leur arrivée 
			(51) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/education/recognition-of-refugees-qualifications'>https://www.coe.int/fr/web/education/recognition-of-refugees-qualifications</a>..

4. Conclusions

42. La persistance d’une forte émigration à partir de l’Europe de l’Est s’associe à des changements démographiques induits par la baisse du taux de fécondité et l’allongement de l’espérance de vie. Cette situation entraîne une diminution constante de la population autochtone dans la région, ainsi que son vieillissement. D’un côté, cela peut aboutir à une baisse du taux d’émigration. D’un autre côté, la modernisation, le développement économique et la segmentation accrue du marché du travail devraient attirer un afflux de migrants. Comme on peut s’y attendre, la demande de main-d’œuvre dans certains États entraînera un nouveau statut de l’immigration pour ces pays.
43. L’émigration de travail est un facteur clé de modification des pratiques et des législations nationales dans les pays d’accueil, y compris par l’établissement de normes basées sur la Charte sociale européenne (révisée) et le droit du travail de l’Union européenne 
			(52) 
			On peut penser, par
exemple, à la directive de l’Union européenne sur le détachement
des travailleurs qui façonne les politiques de migration de main-d’œuvre
dans les États membres de l’Union européenne. (<a href='https://www.pip.gov.pl/en/legality-of-employment/65535,information-on-posting-of-workers.html'>https://www.pip.gov.pl/en/legality-of-employment/65535,information-on-posting-of-workers.html</a>).. Beaucoup reste à faire pour la mise en application de l’Article 19 de la Charte sociale européenne (révisée) par les États membres du Conseil de l’Europe, à commencer par l’acceptation de toutes les dispositions de cet article par les États membres qui ont ratifié la Charte, et la ratification de la Charte par ceux qui l’ont signée seulement.
44. L’intensification des efforts en faveur de l’intégration des migrants travailleurs pourrait sérieusement renforcer les effets positifs de l’émigration de travail dans les pays d’accueil. Cela pourrait promouvoir la diversité et favoriser le vivre ensemble. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour que ces processus deviennent évidents et s’ancrent naturellement dans le fonctionnement quotidien des sociétés européennes. Les recommandations contenues dans le rapport proposeront des moyens de traduire ces efforts en mesures concrètes aux niveaux national et international et de les promouvoir par le biais des parlements nationaux et du Conseil de l’Europe.