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Rapport | Doc. 15000 | 21 octobre 2019

Rôle de l’éducation à l’ère numérique: des «natifs du numérique» aux «citoyens numériques»

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : M. Constantinos EFSTATHIOU, Chypre, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14042, Renvoi 4216 du 20 juin 2016. 2019 - Commission permanente de novembre

Résumé

Le développement rapide des technologies numériques suppose une refonte des systèmes éducatifs afin de donner aux enfants les compétences dont ils ont besoin pour gérer le nouvel environnement numérique et rester en ligne en toute sécurité, devenir des citoyens numériques responsables et renforcer la compétitivité économique de l'Europe.

Les gouvernements européens devraient réformer l'enseignement et améliorer la coordination à tous les niveaux pour réduire les disparités dans les systèmes éducatifs, assurer l'égalité d'accès à l'éducation numérique et lutter contre l'exclusion numérique. La remise à niveau des enseignants, la refonte des programmes d'études et des nouvelles méthodes d'apprentissage fondées sur le numérique et l'équipement des écoles en installations modernes devraient également figurer en bonne place dans les programmes gouvernementaux.

Le rapport salue le rôle de chef de file et les plans ambitieux de l'Union européenne en faveur d'une éducation moderne et de qualité et demande instamment d'étendre le financement dans ce domaine aux pays tiers afin d'éviter une Europe à deux vitesses qui pourrait avoir des conséquences dramatiques en termes de fuite des compétences et de migration. Elle encourage également le Conseil de l'Europe à promouvoir plus largement ses politiques d'éducation à la citoyenneté numérique et à étudier l’incidence de l'utilisation de l'intelligence artificielle dans l'éducation.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 24 juin
2019.

(open)
1. Le XXIe siècle a besoin de systèmes éducatifs qui favorisent les aptitudes et compétences du futur, notamment la créativité, la pensée critique, la collaboration et la communication, et qui répondent à la demande d’innovation et de croissance économiques de l’Europe, au besoin d’adaptabilité des marchés du travail et aux nécessités de la société dans son ensemble.
2. La technologie numérique offre des possibilités sans précédent pour compléter, enrichir et transformer l’éducation et lui permettre de relever ces nouveaux défis. De plus, les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont un outil essentiel pour faciliter l’accès équitable et inclusif à l’éducation, réduire les inégalités d’instruction, ouvrir de nouvelles perspectives aux enseignants et à leur profession, renforcer la qualité et le sens de l’apprentissage et améliorer l’administration et la gouvernance de l’éducation.
3. Dans toute l’Europe, les systèmes éducatifs sont cependant lents à s’adapter à cette nouvelle donne. Actuellement, on estime que les compétences numériques d’environ 44 % des adultes des pays de l’Union européenne sont insuffisantes et que près de 20 % n’ont aucune compétence dans ce domaine. Moins de la moitié des enfants sont aujourd’hui scolarisés dans des établissements disposant d’équipements numériques et seulement 20 % à 25 % des élèves ont des enseignants qui se sentent à même d’utiliser ces technologies en classe. Le fossé est encore plus grand à l’échelle de l’ensemble du Conseil de l’Europe.
4. S’ils ont une bonne maîtrise des outils high-tech et des réseaux sociaux dans leurs usages informels, les enfants du numérique n’apprennent pas nécessairement à faire un usage systématique des TIC en milieu scolaire ou universitaire. À ce jour, pas moins de 50 % à 80 % des élèves n’ont jamais utilisé de livres numériques, de logiciels d’exercice ou de jeux éducatifs.
5. L’apprentissage des compétences numériques débute à l’école, mais une grande partie des écoles ne sont pas connectées. L’un des objectifs du projet d’Espace européen de l’éducation lancé par l’Union européenne est de faire en sorte que toutes les écoles des pays de l’Union aient accès, d’ici 2025, à des réseaux à haut débit grâce à un soutien financier adapté. D’autres États membres du Conseil de l’Europe ne bénéficient pas de structures et de ressources similaires pour les soutenir. L’Assemblée parlementaire craint que ces disparités substantielles ne créent de nouvelles fractures sociales au sein même des pays européens et entre eux.
6. De nombreux pays extérieurs à l’Union européenne ont réalisé de lourds investissements en TIC pour équiper leurs écoles. L’Assemblée rappelle toutefois qu’investir dans ces technologies sans les intégrer intelligemment aux processus d’enseignement et d’apprentissage ne produira pas les transformations de l’éducation désirées. Un changement total de paradigme s’impose pour recentrer l’instruction sur la création des connaissances plutôt que sur leur transmission et sur le processus d’apprentissage par les élèves plutôt que sur celui de l’enseignement par les professeurs. Ce changement de paradigme devrait s’accompagner d’objectifs stratégiques correctement définis, d’une autonomie renforcée des écoles et des enseignants, de nouvelles formes hybrides d’apprentissage caractérisées par la fusion des espaces d’apprentissage physiques, sociaux, virtuels, numériques et mobiles, ainsi que de réformes substantielles de l’évaluation des élèves.
7. Dans ce processus, les jeunes doivent être dotés des aptitudes et compétences nécessaires pour devenir des acteurs efficaces et responsables d’un monde où le numérique est de plus en plus omniprésent. L’Assemblée salue les institutions de l’Union européenne pour leur action dans ce domaine et, en particulier, pour l’adoption, en 2018, du Plan d’action de la Commission européenne en matière d’éducation numérique et pour l’élaboration des cadres de compétences numériques détaillés pour les citoyens et pour les éducateurs, qui offrent, à eux deux, un modèle de référence très complet pour promouvoir de manière systématique les compétences numériques.
8. L’acquisition des aptitudes numériques doit commencer dès le plus jeune âge et se poursuivre tout au long de la vie. L’apprentissage de la robotique, du codage, de la cybersécurité, de la technologie de la chaîne de blocs et de l’intelligence artificielle constituera la colonne vertébrale des futurs programmes d’enseignement et de formation. Un apprentissage actif basé sur la résolution de problèmes et couvrant diverses disciplines favorisera la créativité et l’innovation. L’Assemblée souligne qu’il est urgent de fixer un niveau minimum de compétences numériques à atteindre au cours de la scolarité et les critères qui permettront d’évaluer ces compétences. À cet égard, l’Assemblée salue les lignes directrices du Conseil de l'Europe relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique, qui donnent des orientations complètes en la matière, notamment concernant la promotion et le développement de la culture numérique, y compris la maîtrise des médias et de l’information, et l’éducation à la citoyenneté numérique.
9. Alors qu’une proportion identique de jeunes femmes et de jeunes hommes se sentent suffisamment à l’aise dans l’usage quotidien des technologies numériques, l’Assemblée regrette qu’il y ait encore un déficit considérable de représentation des femmes dans les études et les carrières en relation avec les TIC et les études et carrières en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM). L’Assemblée rappelle sa Résolution 2235 (2018) «L’autonomisation des femmes dans l’économie», qui souligne que des efforts supplémentaires devraient être faits pour renforcer l’utilisation des technologies de l’information et de la communication par les filles et pour encourager les jeunes femmes à s’engager dans des professions techniques, afin de libérer le potentiel numérique de l’Europe et de faire en sorte que les femmes influent à part égale sur l’évolution du monde numérique.
10. La transformation numérique entraîne de nombreux problèmes de sécurité en ligne et de cyber-hygiène. Les enfants du numérique sont particulièrement vulnérables à de nombreux dangers; ils sont notamment, mais pas exclusivement, exposés aux risques suivants: l’exploitation et les abus sexuels, la cyberintimidation et le cyberharcèlement, l’endoctrinement, les menaces pour la cybersécurité et la fraude. Ils doivent être formés à la pensée critique et à la connaissance des médias. C’est le rôle des systèmes éducatifs, des médias et d’autres parties prenantes de les aider à devenir des citoyens et acteurs numériques compétents et responsables, à la fois dans l’économie numérique et dans la société numérique. À cet égard, l’Assemblée salue le projet d’éducation à la citoyenneté numérique du Conseil de l’Europe, qui dispense des compétences qui les aident à s’engager de manière positive et critique dans l’environnement numérique.
11. L’Assemblée est consciente que l’usage excessif des équipements numériques et informatiques peut causer des problèmes de santé et des comportements nuisibles au bien-être, comme la privation de sommeil, la sédentarité et l’addiction. Il est donc particulièrement important d’équilibrer, dans la conception des programmes, l’usage quotidien des équipements technologiques et informatiques en classe avec une pratique suffisante d’exercices et d’activités physiques. De même, dans l’approche de l’éducation centrée sur l’apprenant, il est vital de favoriser le travail d’équipe et les contacts personnels entre élèves et enseignants et de donner la priorité au bien-être et à la santé dans le développement des enfants et des adolescents.
12. Pour une transformation réussie de l’éducation, les enseignants, les éducateurs et les responsables des établissements scolaires doivent recevoir une formation et une assistance adaptées. Leur formation doit se faire à deux niveaux: la formation aux TIC, afin qu’ils puissent transmettre efficacement les compétences numériques à leurs élèves, et la formation à l’intégration des TIC dans les méthodes d’enseignement afin que la technologie numérique ne soit pas seulement un objectif, mais aussi un vecteur d’enseignement dans toutes les matières. Les gouvernements doivent trouver les moyens d’investir de manière adaptée et durable dans la formation initiale des enseignants et leur perfectionnement dans la pratique courante. Des enseignants compétents, à l’aise avec le numérique et motivés, travaillant dans un environnement propice aux réformes, seront les meilleurs garants de l’émergence d’environnements d’apprentissage innovateurs et motivants. À cet effet, il faut que les enseignants soient véritablement associés à la conception et au développement des programmes, qu’ils disposent de l’autonomie nécessaire pour choisir et varier les méthodes d’enseignement, les approches pédagogiques, la sélection des supports d’apprentissage et les méthodes d’évaluation.
13. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les gouvernements de ses États membres:
13.1. à prendre en considération, lors de la conception des politiques d’éducation et de développement des compétences en matière numérique, les préoccupations et principes exposés ci-dessus, parallèlement à ceux mentionnés:
13.1.1. dans la Déclaration de Qingdao «Saisir les opportunités du numérique, piloter la transformation de l’éducation», signée par tous les États membres de l’UNESCO en 2015;
13.1.2. dans les récents documents d’orientation de l’Union européenne, en particulier dans la Recommandation du Conseil du 22 mai 2018 relative aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie et les conclusions du Conseil de la même date («Concrétiser l’idée d’un espace européen de l’éducation»), les communications de la Commission européenne concernant le plan d’action en matière d’éducation numérique (COM/2018/0022), «Améliorer et moderniser l’enseignement» (COM/2016/0941), et sa communication en matière de compétences pour l’Europe (COM/2016/0381), son rapport “DigComp 2.1: The digital competence framework for citizens”, la récente résolution du Parlement européen sur la modernisation de l’enseignement dans l’Union européenne et le rapport de la commission de la culture et de l’éducation sur l’éducation à l’ère numérique: défis, possibilités et enseignements à tirer pour la définition des politiques de l’Union;
13.1.3. dans les rapports du Conseil de l’Europe sur «Éducation à la citoyenneté numérique» (Volume 1 «Aperçu et nouvelles perspectives» et Volume 2 «Rapport de la consultation multipartite»;
13.1.4. dans le «Cadre de référence des compétences pour une culture démocratique» du Conseil de l’Europe;
13.1.5. dans les Lignes directrices du Conseil de l'Europe relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique;
13.2. à élaborer et mettre en œuvre des politiques complémentaires pour combattre l’exclusion numérique et à s’assurer que ces politiques atteignent tous les groupes de population, en particulier les plus vulnérables;
13.3. à revoir le rôle des enseignants et des éducateurs dans la société, en leur offrant des possibilités de développement et de formation initiale et continue en interne, pour améliorer leurs aptitudes et compétences numériques afin que les technologies numériques puissent être intégrées à des processus d’apprentissage qui aient du sens sur le plan pédagogique, en enrichissant les processus et en permettant de nouvelles solutions pédagogiques qui soient motivantes aussi pour les enseignants;
13.4. à accorder une plus grande autonomie aux écoles pour qu’elles développent de nouvelles méthodes d’apprentissage qui puissent être testées et adaptées à divers nouveaux environnements, car l’Europe du futur a besoin de créativité, pas d’uniformisation;
13.5. à investir dans les équipements informatiques et les ressources numériques favorisant l’apprentissage, y compris le matériel, les logiciels, la connectivité et un débit adéquat;
13.6. à poursuivre l’intégration de l’éducation à la citoyenneté numérique dans l’éducation formelle et informelle telle que définie dans le projet sur l’éducation à la citoyenneté numérique du Conseil de l’Europe;
13.7. à intensifier le dialogue et la coopération entre le gouvernement, les institutions éducatives, de formation et de recherche, les collectivités locales et les entreprises, notamment pour le développement de contenus, sans occulter les risques d’une commercialisation excessive des contenus éducatifs;
13.8. à partager leurs expériences et leurs bonnes pratiques, dans le cadre des divers forums internationaux.
14. L’Assemblée reconnaît le rôle moteur joué par l’Union européenne pour faire de l’éducation numérique une stratégie d’investissement pour l’avenir de l’Europe, qui favorise la croissance économique, l’employabilité, la compétitivité, l’innovation et la cohésion sociale. C’est un plan ambitieux pour assurer une éducation moderne et de qualité pour tous. Afin que personne ne soit laissé de côté dans ce processus et afin d’éviter de créer de nouvelles lignes de fractures dans les pays européens et entre eux, l’Assemblée invite instamment les institutions de l’Union européenne:
14.1. à envisager de faire du développement des compétences et aptitudes numériques et du soutien technique aux écoles un domaine prioritaire pour le financement de projets dans les pays non membres de l’Union européenne;
14.2. à élaborer une stratégie détaillée d’éducation numérique qui définisse les étapes vers une éducation et une formation formelles et informelles renforcées, qui recense toutes les compétences et aptitudes numériques requises, qui donne des orientations claires pour la formation des enseignants et développe une méthode harmonisée d’évaluation et de certification des compétences et aptitudes numériques.
15. L’Assemblée salue le projet de l’OCDE de développer un module numérique pour PISA 2024 afin de tester la capacité des étudiants à apprendre dans un monde numérique. Elle espère que ce nouveau module incorporera de nouveaux formats pour l’étalonnage et l’évaluation des aptitudes interdisciplinaires et complexes telles que la résolution de problèmes, la collaboration, la pensée critique et la créativité. Elle exhorte l’OCDE à développer davantage les plateformes en ligne d’apprentissage par les pairs qui peuvent faciliter l’échange direct de méthodes éducatives et des meilleures pratiques entre les praticiens du monde entier.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 24 juin 2019.

(open)
1. Renvoyant à sa Résolution … (2019) intitulée «Le rôle de l’éducation à l’ère numérique: des "natifs du numérique"» aux "citoyens numériques"», l’Assemblée parlementaire souligne le rôle et la valeur de l’éducation dans les sociétés contemporaines de plus en plus numérisées. Alors que la société se modernise, il faut revoir entièrement la stratégie du système éducatif et repenser les processus d’enseignement et d’apprentissage, les contenus, les espaces d’apprentissage, les partenariats et l’évaluation à l’ère numérique. Il incombe à l’éducation moderne de s’adapter à l’évolution rapide des besoins du marché du travail, en donnant aux «enfants du numérique» les aptitudes et compétences nécessaires, mais aussi de les aider à devenir des citoyens numériques responsables. Le Conseil de l'Europe a un rôle majeur à jouer à cet égard.
2. L’Assemblée apprécie les instruments que le Conseil de l'Europe a mis en place pour promouvoir une participation des enfants et des jeunes à la société moderne en toute sécurité, avec efficacité et de manière critique et responsable, notamment le Cadre de référence des compétences pour une culture démocratique et le Cadre d’indicateurs sur la culture et la démocratie. Elle prend également note avec satisfaction des Lignes directrices du Conseil de l'Europe relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique, dans la mesure où elles visent à promouvoir les droits des enfants en matière de sécurité, d’éducation et de participation, ainsi que d’autres droits, lorsque les enfants vont sur internet et utilisent les TIC. La mise en œuvre de ces instruments devrait être encouragée plus largement, dans les États membres et au-delà.
3. En outre, l’Assemblée apprécie les outils et les manuels qui ont été conçus dans le cadre du projet d’éducation à la citoyenneté numérique, destiné à promouvoir l’acquisition, par tous les enfants, des compétences dont ils ont besoin en tant que citoyens numériques pour participer de manière active et responsable à la société démocratique. Il est cependant impératif d’établir un véritable cadre politique et une stratégie d’éducation à la citoyenneté numérique.
4. La coopération multipartite internationale est indispensable dans le monde connecté. À cet égard, l’Assemblée se réjouit que le Conseil de l'Europe coopère avec le secteur privé pour élaborer un ensemble de lignes directrices sur les partenariats entre les établissements d’enseignement et le secteur privé.
5. L’Assemblée encourage aussi le Conseil de l'Europe à continuer à travailler sur les progrès du numérique qui ont des répercussions sur le secteur de l’éducation, en étudiant les possibilités de réduire la fracture numérique et de relever les nouveaux défis posés par l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’éducation.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
6.1. de promouvoir plus largement la mise en œuvre du Cadre de référence des compétences pour une culture démocratique, établi par le Conseil de l'Europe, notamment en menant une action ciblée, intégrée dans la campagne intitulée «S’exprimer en toute liberté, apprendre en toute sécurité – des écoles démocratiques pour tous», qui permettrait de créer un réseau des écoles démocratiques pour partager les bonnes pratiques, y compris des activités de promotion des compétences numériques;
6.2. de promouvoir la mise en œuvre des Lignes directrices du Conseil de l'Europe relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique et de veiller à ce que soit réalisée l’évaluation de l’efficacité des mesures prises, prévue en 2023;
6.3. d’accélérer l’adoption d’une recommandation sur l’éducation à la citoyenneté numérique et d’un cadre politique qui devrait l’accompagner;
6.4. de mettre à disposition des modèles de lignes directrices applicables aux partenariats entre les établissements d’enseignement et le secteur privé, pour créer un cadre éthique et pédagogique fondé sur les droits et pour tirer parti des contributions que les entreprises de l’internet peuvent apporter à l’éducation des jeunes dans les établissements scolaires;
6.5. d’étudier les conséquences de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’éducation, notamment: l’apprentissage adaptatif, les possibilités d’apprentissage pour les enfants ayant des besoins particuliers, le développement de l’éducation inclusive et la familiarisation des jeunes apprenants avec l’intelligence artificielle et d’autres technologies numériques avancées.

C. Exposé des motifs par M. Efstathiou, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Les technologies numériques ont un profond impact sur les économies et les sociétés et modifient notre façon de vivre, d’étudier, de travailler, d’interagir, de participer à des activités sociales et de nous divertir. Elles déterminent également les emplois et les lieux de travail de demain. Il est donc primordial d’investir dans les compétences numériques, et notamment celles des jeunes générations. Les nouvelles aptitudes numériques exigent une pensée critique, de la créativité et de l’imagination et peuvent être encouragées par un enseignement / un apprentissage et des pratiques appropriés.
2. Cependant, il est de plus en plus préoccupant de constater que nos systèmes éducatifs sont dépassés et qu’ils ne promeuvent pas les compétences nécessaires pour préparer convenablement nos enfants à leur avenir. Un rapport de 2016 de l’OCDE, intitulé «Innovating Education and Educating for Innovation » 
			(3) 
			<a href='https://www.oecd-ilibrary.org/education/innovating-education-and-educating-for-innovation_9789264265097-en'>https://www.oecd-ilibrary.org/education/innovating-education-and-educating-for-innovation_9789264265097-en.</a> («Éduquer pour innover et innover pour éduquer») confirme qu’à ce jour, l’éducation n’a pas réussi à tirer parti de la technologie pour accroître la productivité, renforcer l’efficacité, améliorer la qualité et favoriser l’équité comme l’ont fait d’autres secteurs publics. Un autre rapport de 2017 de la Commission européenne, «Renforcer l’identité européenne par l’éducation et la culture » 
			(4) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/communication-strengthening-european-identity-education-culture_en.pdf'>https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/communication-strengthening-european-identity-education-culture_en.pdf.</a> dresse un tableau encore plus sombre: alors que 90 % des futurs emplois nécessitent un certain niveau d’habileté numérique, 44 % des Européens (dans les États membres de l’Union européenne), soit près de 170 millions de personnes, ne disposent pas des compétences numériques de base 
			(5) 
			Source :  The Digital
Economy and Society Index (DESI) indicator on 'digital skills',
2015 Eurostat data: <a href='http://digital-agenda-data.eu/datasets/desi/indicators'>http://digital-agenda-data.eu/datasets/desi/indicators</a>.. Il appartiendra aux gouvernements européens d’élaborer de nouvelles stratégies judicieuses en matière d’éducation afin d’aider les jeunes à devenir des acteurs compétents et responsables dans un monde de plus en plus numérisé, et de combler le fossé actuel entre leurs connaissances informelles et les pratiques des médias sociaux, les besoins du monde réel et les pratiques des établissements d’enseignement. Dans ce processus, il est toutefois important de souligner qu’un rôle primordial des écoles est de favoriser un environnement social qu’aucun dispositif numérique ne peut reproduire; ce rôle doit être préservé, quel que soient les progrès technologiques.
3. À cet égard, ce rapport se veut une contribution au débat international sur la manière de réformer l’école pour doter les «natifs du numérique» de toute l’Europe des compétences et des expériences d’apprentissage dont ils ont besoin, et les enseignants, d’un nouvel ensemble de compétences pédagogiques 
			(6) 
			Je tiens à remercier
chaleureusement les délégations estonienne et finlandaise ainsi
que leurs ministères de l’Éducation respectifs d’avoir facilité
mes visites dans les deux pays (28-30 novembre 2017 à Tallinn et
12-14 février 2018 à Helsinki) pour étudier les défis de l’éducation
numérique et les solutions proposées dans ces deux pays technologiquement
innovants. Je remercie également M. Konstantin Scheller de la Commission
européenne et M. Hans Martens de European Schoolnet, ainsi que M.
Villano Qiriazi, Chef de la division des politiques éducatives du
Conseil de l’Europe (DG II – Direction de la citoyenneté démocratique
et de la participation), pour leurs contributions au présent rapport..
4. Le rapport aborde deux aspects importants: le premier concerne la nécessité de moderniser les systèmes éducatifs de sorte qu’ils puissent transmettre les savoir-faire et les compétences qui répondront aux besoins du marché du travail dans les prochaines décennies. Le deuxième concerne la nécessité pour les «natifs du numérique» de devenir des «citoyens numériques» responsables. Les jeunes générations nées dans les années 1990 peuvent être qualifiées de «natifs du numérique» dans la mesure où ils ont toujours connu le monde avec les technologies numériques. Le fait d’être un «enfant du numérique» n’implique pas nécessairement une compréhension effective ou sophistiquée de la technologie dans les milieux éducatifs. En revanche, il existe souvent un fossé entre leurs connaissances informelles et pratiques médiatiques et celles des établissements d’enseignement. Par ailleurs, bien que les médias sociaux procurent un fort sentiment d’appartenance à cette communauté, ces jeunes sont exposés à la cyberintimidation et au cyberharcèlement, aux comportements prédateurs ou aux contenus en ligne choquants.
5. La citoyenneté dans le monde numérique exige des compétences qui englobent les valeurs, attitudes, aptitudes et connaissances et une compréhension critique des questions relatives notamment aux droits et responsabilités numériques, à la législation, l’étiquette, la culture, la communication, le commerce, l’accès et la sécurité ainsi qu’à la santé et au bien-être numériques. La «citoyenneté numérique» se traduit par des normes gouvernant les comportements adaptés et responsables vis-à-vis de l’utilisation des technologies. C’est une façon de préparer tous les utilisateurs de technologies (et pas seulement les élèves ou les étudiants), à vivre dans une société technologique, et de leur apprendre en particulier comment se comporter dans le cyberespace et sur les réseaux sociaux numériques.

2. Principaux défis

6. Les statistiques d’Eurostat (2016) montrent que moins de la moitié des enfants fréquentent des écoles équipées des technologies numériques, et seulement 20 à 25 % reçoivent un enseignement dispensé par des enseignants qui utilisent aisément ces technologies dans la salle de classe. Entre 50 % et 80 % des élèves n’ont jamais utilisé de manuels numériques, de logiciels ou de jeux didactiques, et 18 % des collégiens n’ont jamais ou presque jamais utilisé d’ordinateur pendant les cours. Et si l’on inclut les États du Conseil de l’Europe non membres de l’Union européenne, le tableau est encore plus sombre.
7. Plusieurs recherches universitaires et documents d’orientation internationaux récents, tels que le document du Parlement européen «Innovative schools: teaching and learning in the digital era» 
			(7) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/563389/IPOL_STU%282015%29563389_EN.pdf'>http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/563389/IPOL_STU%282015%29563389_EN.pdf.</a> «(Écoles innovantes: Enseigner & apprendre à l’ère numérique) soulignent les nombreux défis que pose l’introduction des technologies numériques dans les salles de classe.
8. Premièrement, très peu de données de recherche disponibles aujourd’hui sont en mesure de nous éclairer objectivement sur la meilleure façon d’aller de l’avant. Le problème va bien au-delà de l’aspect purement technologique; l’éducation doit aujourd’hui opérer un changement radical de paradigme et passer d’une culture individualiste d’acquisition des connaissances à une culture collaborative de l’apprentissage orientée vers la création de connaissances, c’est-à-dire d’un processus d’enseignement par l’enseignant à un processus d’apprentissage par les élèves. Lors de la conception de l’apprentissage numérique, il convient de prendre comme point de départ le processus d’apprentissage de l’apprenant. L’éducation moderne devrait encourager le développement de compétences comme la réflexion critique, la collaboration, la créativité, et les facultés d’apprentissage. Les élèves devraient participer à des processus supposant à la fois la fixation d’objectifs et le choix des méthodes d’étude, d’évaluation et de réflexion. Ces compétences non techniques sont indispensables, alors qu’un grand nombre de compétences techniques (par exemple la mémorisation des faits, le calcul de base) seront plus ou moins exercées à l’avenir par des ordinateurs. Cependant, on sait encore très peu de choses sur la manière de mettre en pratique ce changement de paradigme, les ministères et organismes en charge de l’éducation s’efforçant d’expérimenter les connaissances dont ils disposent.
9. Deuxièmement, ces dernières années, les gouvernements ont beaucoup investi dans les technologies de l’information et des communications (TIC) pour les écoles. L’OCDE estime ainsi que l’accent trop prononcé porté à la technologie et la connectivité – tant de la part des fournisseurs que des responsables politiques – explique le succès limité actuel de l’éducation numérique. Le déficit de compétences numériques des enseignants et des élèves, les difficultés à trouver des ressources et des logiciels didactiques numériques de qualité, le manque de clarté quant aux objectifs d’apprentissage et le défaut de préparation pédagogique sur la façon d’intégrer utilement les technologies dans l’enseignement accentuent l’écart entre les attentes et la réalité.
10. Les «natifs du numérique» sont compétents dans les pratiques informelles, mais n’apprennent pas nécessairement à utiliser les technologies de manière systématique dans les activités scolaires ou universitaires. Les enseignants ne se sentent pas suffisamment qualifiés pour utiliser efficacement les TIC; au mieux, ce sont des «migrants numériques» qui utilisent les technologies numériques pour compléter les pratiques d’enseignement courantes. Les innovations technologiques laissent souvent à désirer sur le plan pédagogique car les structures fondamentales restent inchangées. Il est donc urgent de trouver de nouvelles solutions pédagogiques innovantes pour passer de la transmission du savoir à la création du savoir et pour introduire de nouvelles formes hybrides d’apprentissage dans lesquelles les espaces d’apprentissage mobile, numérique, virtuel, social et physique fusionnent. Un apprentissage constructif, aussi bien dans l’espace physique que numérique, semble essentiel à la réussite de l’éducation au XXIe siècle.
11. Troisièmement, les écoles et les systèmes éducatifs présentent de grandes disparités. L’inégalité d’accès à la technologie et au savoir entraîne une augmentation des inégalités et défavorise des communautés et des populations entières d’écoliers et de jeunes, en particulier les minorités et les apprenants des quartiers pauvres ou des régions faiblement peuplées ou reculées. À ceux qui en disposent, les compétences numériques procurent des avantages importants en termes d’emploi, de revenu et au plan social, mais elles créent de nouveaux obstacles pour ceux qui en sont privés. Assurer l’accès de tous les jeunes aux mêmes aptitudes et compétences et les inciter à développer leur intérêt et leur créativité numérique, et les amener à créer la technologie et pas seulement à la consommer reste un défi majeur.
12. En ce qui concerne l’équité économique, plusieurs discussions sont actuellement en cours pour déterminer dans quelle mesure les parents et les familles devraient contribuer financièrement à l’équipement technologique des écoles. Le débat autour de la pratique du BYOD (Bring Your Own Device), littéralement «apportez votre propre appareil numérique», en est un exemple, indiquant que chaque élève pourrait utiliser son propre matériel à l’école, est largement utilisé en Estonie notamment. Cependant, de nombreux pays interdisent l’utilisation des appareils mobiles personnels dans les établissements scolaires. La France a ainsi interdit «tous les objets connectés» – téléphones, tablettes et montres intelligentes – dans les écoles qui accueillent des élèves de moins de 15 ans. Les professionnels de l’éducation reconnaissent généralement qu’au lieu d’interdire les outils technologiques, les écoles devraient enseigner comment les utiliser de manière socialement et pédagogiquement acceptable. Les «natifs du numérique» doivent apprendre à réguler leur propre usage des appareils mobiles aussi bien au sein qu’en dehors de l’école 
			(8) 
			Dans ce contexte, il
y a aussi la question de la tricherie aux tests et aux examens.
WhatsApp, les montres intelligentes et les téléphones ont créé de
nouvelles possibilités de tricher. Selon certaines sources, les
universités du Royaume-Uni ont connu une augmentation de 42 % des
cas de tricherie technologique au cours des quatre dernières années.
Cependant, ce n’est pas seulement un problème pour les étudiants.
Alors que les pénalités pour faute professionnelle parmi les étudiants
ont augmenté de 25 % aux examens du General Certificate of Secondary
Education (GCSE) et du niveau A de 2017-2018, principalement par
l’utilisation du téléphone portable, celles du personnel ont augmenté
de 150 %.<a href='https://www.studyinternational.com/news/cheating-cases-rise-exams-mobile-phones/'>https://www.studyinternational.com/news/cheating-cases-rise-exams-mobile-phones/.</a>.
13. Quatrièmement, le désintérêt pour l’école est une tendance généralement inquiétante. On considère que l’engagement émotionnel joue un rôle déterminant dans la réussite scolaire et l’adaptation des adolescents. Or, des recherches finlandaises, par exemple, montrent que les élèves qui maîtrisent le mieux les technologies sont aussi ceux qui s’ennuient le plus et s’intéressent le moins à l’école. Selon une étude de l’OCDE réalisée en 2013, ces mêmes adolescents finlandais qui obtiennent les meilleurs résultats aux tests PISA se classent au bas de l’échelle des pays pour ce qui est du degré d’intérêt qu’ils portent à l’école. Cela met en lumière l’importance croissante de l’apprentissage personnalisé 
			(9) 
			Pour plus de détails
sur l’apprentissage personnalisé, voir : <a href='https://medium.com/personalizing-the-learning-experience-insights/what-is-personalized-learning-bc874799b6f'>https://medium.com/personalizing-the-learning-experience-insights/what-is-personalized-learning-bc874799b6f.</a> mais aussi de l’apprentissage social et émotionnel 
			(10) 
			Selon
l’organisation Collaborative for Academic,
Social, and Emotional Learning (<a href='https://casel.org/'>CASEL</a>), on entend par apprentissage social et émotionnel « le processus permettant aux mineurs et aux
adultes d’acquérir et d’appliquer avec efficacité les connaissances,
les attitudes et les compétences nécessaires pour comprendre et
gérer les émotions, pour fixer et atteindre des objectifs positifs,
pour manifester de l’empathie envers autrui, pour établir et entretenir
des rapports positifs et pour prendre des décisions responsables ».
Voir : <a href='https://medium.com/inspired-ideas-prek-12/5-guiding-principles-of-social-emotional-learning-2f9fb554edad'>https://medium.com/inspired-ideas-prek-12/5-guiding-principles-of-social-emotional-learning-2f9fb554edad.</a> pour les enseignants, les élèves et les parents. Il est au moins aussi essentiel que l’éducation aux médias, la sensibilisation culturelle et la résolution de problèmes complexes. Les arts, la musique, les sports et les travaux manuels contribuent également à un développement émotionnel et cognitif équilibré et doivent être encouragés en lien avec l’acquisition de compétences et d’aptitudes numériques.
14. L’éducation à domicile est également liée au désintérêt pour l’école, surtout de la part des utilisateurs des technologies numériques les plus talentueux, qui perçoivent de plus en plus cette méthode d’éducation comme la méthode la plus adaptée pour leur progrès individuel et le développement de leurs compétences. Cependant, l’école à la maison engendre le risque de mener les enfants à l’isolement et à l’exclusion d’un environnement scolaire, où ils interagissent d’habitude. Cela peut constituer un développement négatif. Nous devrions éviter de créer des citoyens numériques qui ont perdu leur capacité d'interagir et de communiquer avec d'autres humains et qui ne peuvent interagir qu'avec les médias numériques. Pour utiliser de manière responsable les nouvelles technologies en tant qu'outils éducatifs, nous ne devrions pas être excessifs et créer des réalités virtuelles basées sur l'intelligence artificielle et l'automatisation, remplaçant progressivement les normes et les valeurs humaines.
15. Cinquièmement, l’innovation dans l’éducation dépend en grande partie de l’autonomisation et de la mise en relation des enseignants, des éducateurs et des responsables de l’éducation. Ils doivent également bénéficier de nouvelles compétences ainsi que d’un environnement, d’une infrastructure, de matériels et d’un soutien en matière de leadership adéquats. Pour que les technologies numériques profitent aux éducateurs, il faut adopter une approche combinant une formation des enseignants, des programmes et des supports pédagogiques adaptés aux modèles d’enseignement faisant appel au numérique. Il faut créer un nouveau contenu pour l’éducation, enrichir le matériel électronique pour les matières artistiques et les ressources multimédias pour les livres en langues étrangères. Cependant, aujourd’hui, le changement de pédagogie n’est pas le seul facteur qui remet en cause la culture de travail opérationnelle en milieu scolaire: le volume des tâches administratives et des responsabilités numériques (les carnets de note électroniques dans les écoles, les systèmes d’information des campus, etc.) a également augmenté et réduit par conséquent le temps susceptible d’être consacré au développement pédagogique.
16. Sixièmement, les écoles et les établissements d’enseignement ont besoin d’un changement systémique de culture opérationnelle et d’un nouveau leadership pédagogique. Cette transformation ne peut s’opérer qu’en veillant à ce que ce dernier soit activement tourné vers l’avenir. C’est à la fois un grand défi et une opportunité pour les responsables de l’éducation – qui doivent aller à contre-courant des traditions scolaires encore fortement ancrées dans le corps enseignant. Les responsables de l’éducation doivent accompagner les enseignants vers leur nouveau métier et les amener à être des acteurs et des facilitateurs des processus d’apprentissage personnalisés des élèves.
17. Il n’en reste pas moins qu’un nouveau leadership motivé, surtout dans des contextes descendants, ne saurait suffire. Le développement de nouveaux environnements d’apprentissage dès le plus jeune âge et leur mise en œuvre requièrent un leadership et un savoir-faire, mais aussi un climat coopératif et une culture propice à l’innovation. Les enseignants et les apprenants doivent avoir voix au chapitre et être associés aux décisions et au choix des outils appropriés. Ces nouvelles approches nécessitent une vision globale des choses, y compris un soutien technique, mais aussi de former les parents et la communauté. Toutefois, le plus important est de se rappeler que l’éducation numérique consiste à enseigner de nouvelles compétences et non à susciter la crainte ou l’obéissance. Les élèves devraient être équipés pour se servir de l’informatique afin de créer des programmes, des systèmes et des contenus; ils devraient en outre être capables d’utiliser les technologies de l’information et de la communication (et pas seulement de les reproduire), pour s’exprimer et développer leurs idées.
18. Septièmement, la plupart des études, sinon toutes, ou les études traitant des effets de la technologie sur la réussite scolaire s’appuient sur des tests standardisés qui datent du XXe siècle. La question de la validité de ces tests pour mesurer si le système éducatif prépare les enfants aux exigences de l’économie du XXIe siècle est en grande partie ignorée, ce qui peut être très problématique, car la maîtrise du numérique deviendra probablement un facteur déterminant de la productivité et de la créativité 
			(11) 
			<a href='https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3170902/'>https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3170902/.</a>.
19. Huitièmement, l’accès à Internet et à la technologie a également révolutionné le processus de transmission de l’apprentissage des enseignants auprès de leur classe. De l’antiquité au début de l’éducation en ligne, un enseignant pouvait incarner la richesse des connaissances que les enfants devaient apprendre (et reproduire), n’ayant aucun moyen immédiat de vérifier l’exactitude des connaissances qui leur étaient transmises ou de les contester. Cela a changé et les enfants qui ont des compétences numériques peuvent désormais contester la source, la précision et l’applicabilité des informations qu’ils reçoivent, simplement en effectuant une vérification des antécédents en ligne.
20. Enfin, la question de la sécurité et de la protection des données est elle aussi importante dans ce débat. La plupart des enfants ignorent comment leurs données et informations sont traitées et ne savent pas comment exercer leur droit au respect de la vie privée et à la protection des données. Parmi les questions qui se posent, celle de la cybersécurité et de la protection des données est aujourd'hui l’une des plus importantes. Les enfants, en particulier ceux qui n’ont que peu ou pas d'expérience en matière d’outils numériques, sont très exposés à l’hameçonnage et au piratage. De plus, à une époque où les fake news sont relayées et où le discours de haine est omniprésent, la pensée critique et l’utilisation éthique d’internet deviennent des compétences essentielles pour les enfants et les jeunes. Des documents d’orientation et d’éducation clairs et ciblés doivent être élaborés pour donner aux enfants et aux jeunes les outils, les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour naviguer en toute sécurité. En somme, je pense que la meilleure approche pour faire face aux différents défis est celle qu’on pourrait appeler en grec «Μηδέν άγαν»: «sans excès» ou «avec modération». Nous devons être conscients des limites et des menaces de l’utilisation des technologies numériques dans l'éducation. L'accent devrait plutôt être mis sur les nouveaux types d'instruction adaptés et adaptables à la société moderne, plutôt que sur la numérisation maximale de l'éducation.

3. Craintes des citoyens et avantages de l’utilisation des moyens numériques dans l’éducation

21. Les effets de la technologie sur les enfants, avec ses avantages et ses inconvénients, sont complexes. La pénétration grandissante des technologies modernes de l’information dans le quotidien des jeunes suscite des craintes quant aux effets sur leur cerveau en développement. Un débat public animé a donné lieu à des allégations selon lesquelles une utilisation intensive de la technologie pourrait être la cause d’une régression des facultés intellectuelles qui s’exprimerait par l’incapacité à se concentrer ou à réfléchir. Malgré la polarisation des opinions émises avec force conviction dans la sphère publique, rares sont les preuves scientifiques réelles qui étaient ces affirmations. Quelques études expérimentales seulement se sont penchées sur la relation entre l’utilisation de la technologie et le fonctionnement cognitif, et leurs résultats sont contradictoires. Une étude souvent citée dans les médias populaires a établi, par exemple, un lien entre le média-multitâche chronique et une distractibilité accrue chez les adultes, mais l’étude de suivi menée par un autre groupe de recherche n’a pas réussi à reproduire ces résultats.
22. Tout comme l’émergence de la lecture a encouragé notre cerveau à se concentrer et à faire preuve d’imagination, l’essor d’internet renforce notre capacité à balayer l’information plus rapidement et plus efficacement. La lecture développe plus la réflexion, la pensée critique, la résolution de problèmes et le vocabulaire que les médias visuels, mais la recherche montre aussi que les jeux vidéo et autres écrans, par exemple, améliorent les capacités visuelles et spatiales, développent la capacité d’attention, la réactivité et la capacité à identifier des petits détails au milieu du désordre. Du fait de l’utilisation universelle des moteurs de recherche sur internet, les enfants sont moins enclins à retenir les choses, mais ils savent mieux où les trouver. Vu qu’il est facile de trouver l’information aujourd’hui, il est évident que, pour les enfants, savoir où chercher est plus important que savoir vraiment quelque chose. Le fait que leur cerveau n’ait pas à retenir l’information leur permet potentiellement de se consacrer à des processus d’un ordre «supérieur» comme la contemplation, la pensée critique et la résolution de problèmes 
			(12) 
			<a href='https://www.psychologytoday.com/us/blog/the-power-prime/201212/how-technology-is-changing-the-way-children-think-and-focus'>https://www.psychologytoday.com/us/blog/the-power-prime/201212/how-technology-is-changing-the-way-children-think-and-focus.</a>.
23. À ce stade, il n’est pas facile d’apprécier l’impact des technologies numériques sur l’éducation. Un récent rapport du Parlement européen souligne qu’il est important de tenir compte des recherches neurologiques sur les effets des technologies numériques sur le développement du cerveau et demande des investissements dans des recherches impartiales et interdisciplinaires sur les différentes incidences des technologies numériques sur l’éducation, en mettant en relation les sciences de l’éducation, la pédagogie, la psychologie, la sociologie, les neurosciences et l’informatique, afin de parvenir à «une compréhension aussi profonde que possible de la façon dont les esprits des enfants et des adultes répondent à l’environnement numérique» 
			(13) 
			Rapport de la commission
de la culture et de l’éducation du Parlement européen du 26 novembre 2018
sur l’éducation à l’ère numérique : défis, possibilités et enseignements
à tirer pour la définition des politiques de l’UE (2018/2090(INI))
(Rapporteure : Yana Toom), <a href='http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2018-0400_FR.html'>http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2018-0400_FR.html</a>.
24. La crainte que la technologie ne remplace les emplois fait elle aussi polémique. Dans son étude, McKinsey prédit que d’ici 2030, l’automatisation pourrait entraîner la disparition de 800 millions d’emplois au niveau mondial et que les progrès de l’intelligence artificielle et de la robotique auront un effet radical comparable à celui de la révolution industrielle, qui a signé la disparition des sociétés agricoles, sur la vie professionnelle 
			(14) 
			McKinsey Global Institute, <a href='https://www.mckinsey.com/featured-insights/future-of-organizations-and-work/Jobs-lost-jobs-gained-what-the-future-of-work-will-mean-for-jobs-skills-and-wages'>https://www.mckinsey.com/featured-insights/future-of-organizations-and-work/Jobs-lost-jobs-gained-what-the-future-of-work-will-mean-for-jobs-skills-and-wages.</a>. Rien qu’aux États-Unis, entre 39 et 73 millions d’emplois – représentant un tiers de la main-d’œuvre totale – seront automatisés. Il existe d’autres scénarios plus optimistes, dont les auteurs sont convaincus que de nouveaux emplois remplaceront ceux qui auront disparu. Ce n’est pas l’objet du présent rapport que d’examiner cette question, mais quel que soit le scénario, il est clair que nous devons réfléchir à la manière dont nous allons gérer la période de transition pour la main-d’œuvre et dont nous devons y préparer nos enfants.
25. Une chose est très claire: l’éducation, les compétences sociales et les compétences entrepreneuriales deviennent des éléments vitaux à promouvoir en réponse aux défis de la numérisation. L’une des clés de la réussite est de promouvoir une culture de l’innovation parallèlement à l’acquisition des compétences numériques et sociales (telles que les aptitudes à la pensée critique, à l’adaptation au changement, à la gestion des risques et des difficultés). Si elles sont correctement employées, les technologies numériques peuvent faciliter l’accès à l’éducation, réduire les inégalités d’instruction, accroître la qualité et l’utilité de l’instruction, renforcer les qualifications des enseignants et améliorer l’administration et la gouvernance des écoles.
26. L'éducation en ligne s'accompagne d'une flexibilité accrue. L’éducation traditionnelle obligeait les jeunes à résider dans un seul endroit et à tout caler sur le planning de leurs cours. L’éducation en ligne et l’école numérique permettent quant à elles de suivre n’importe quel programme ou cours disponible dans le programme d’enseignement national. Elles permettent aussi aux élèves d’atteindre les objectifs à tout moment et d’organiser leur programme d’apprentissage en fonction de leurs besoins individuels. L’auto-apprentissage présente beaucoup d’avantages et favorise la mobilité et l’indépendance des apprenants.
27. L’éducation en ligne relie directement les citoyens du monde entier. Grâce aux forums de discussion, aux courriels, aux webinaires vidéo, aux chatrooms de groupe, aux sessions de questions/réponses en direct, les apprenants peuvent communiquer non-stop avec d’autres apprenants, des tuteurs et des professionnels motivants. Les relations qu’ils développent pourraient s’avérer inestimables s’ils veulent changer d’emploi ou évoluer dans leur fonction actuelle.
28. Enfin, les matériels en ligne et l’éducation numérique sont d’une grande utilité pour aider les élèves ayant des «besoins spéciaux» et les enfants handicapés en tenant compte de leurs spécificités individuelles et pour leur permettre d’acquérir les aptitudes et compétences dont ils auront besoin pour mener une vie autonome plus tard.

4. Priorités et politiques de l’Union européenne

29. Les institutions européennes, notamment la Commission européenne, sont aujourd’hui aux avant‑postes des efforts de modernisation de l’éducation et de la formation, avec le financement de la recherche et de l’innovation dans le but de promouvoir les technologies numériques à des fins d’apprentissage et de mesurer les progrès de la numérisation des écoles. S’assurer que les citoyens de l’Union possèdent les compétences nécessaires pour réussir sur le marché du travail et pour évoluer dans l’univers numérique est une priorité pour l’Union européenne.
30. En 2009, le Conseil de l’Union a adopté un cadre stratégique pour l’éducation et la formation (ET 2020), qui définit les objectifs et l’organisation de la coopération européenne dans les domaines de l’éducation et de la formation jusqu’en 2020.
31. Depuis 2015, il a adopté plusieurs résolutions, recommandations et programmes décisifs 
			(15) 
			Source : <a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/education-economic-growth/'>https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/education-economic-growth/.</a>, dont:
  • le programme de travail pour la période 2016-2021 (adopté en novembre 2015), qui met l’accent sur six domaines prioritaires:
    • le développement des compétences pertinentes et de qualité élevée au moyen de l’apprentissage tout au long de la vie;
    • la promotion de l’éducation ouverte à tous, de l’égalité et de la non‑discrimination;
    • une éducation plus ouverte et innovante, entrant de plain-pied dans l’ère numérique;
    • le renforcement du soutien aux enseignants et aux formateurs;
    • l’amélioration de la transparence des compétences et des qualifications, afin de favoriser davantage l’apprentissage et la mobilité;
    • la promotion des investissements durables, de la qualité et de l’efficacité des systèmes d’enseignement et de formation;
  • la résolution du Conseil sur le développement socioéconomique et l’inclusion dans l’Union européenne au moyen de l’éducation (adoptée en février 2016), qui met l’accent sur les mesures visant à assurer des investissements ciblés dans l’éducation, les moyens de remédier au mieux aux déficits de compétences afin relancer la création d’emplois et de favoriser une croissance économique durable en Europe et le rôle de l’éducation pour promouvoir la citoyenneté et l’inclusion sociale;
  • les conclusions du Conseil sur le développement de l’éducation aux médias et de l’esprit critique au moyen de l’éducation et de la formation (mai 2016), qui insistent sur le rôle fondamental de l’éducation et de la formation pour aider les jeunes à acquérir une compétence numérique et à devenir des citoyens responsables dans le futur;
  • la résolution du Conseil sur une nouvelle stratégie en matière de compétences (novembre 2016), dans laquelle sont mis en évidence les principaux aspects qui orienteront les travaux du Conseil dans ce domaine; elle vise à promouvoir l’investissement dans les personnes tout au long de la vie et porte sur des domaines tels que le développement des compétences, la reconnaissance mutuelle des qualifications, le soutien à l’enseignement et à la formation professionnels ainsi qu’à l’enseignement supérieur et les moyens d’exploiter tout le potentiel de l’économie numérique;
  • la recommandation du Conseil sur le cadre européen des certifications pour l’apprentissage tout au long de la vie (mai 2017), dont l’objectif est d’améliorer la transparence, la comparabilité et la transférabilité des certifications dans toute l’Europe en mettant en place un cadre de référence commun pour les systèmes nationaux de certification; elle a aussi pour but de contribuer à moderniser les systèmes d’éducation et de formation et à améliorer l’employabilité, la mobilité et l’intégration sociale des travailleurs et des apprenants;
  • les conclusions du Conseil sur le développement des écoles et un enseignement d’excellence (novembre 2017), qui mettent en avant un certain nombre de priorités, notamment la nécessité d’assurer une éducation de qualité élevée et accessible à tous, de renforcer l’autonomie des enseignants et des chefs d’établissement et de se réorienter vers une gouvernance plus efficace, plus équitable et plus efficiente;
  • les conclusions du Conseil sur une nouvelle stratégie en faveur de l’enseignement supérieur (novembre 2017), dont l’objectif général est de moderniser l’enseignement supérieur afin qu’il s’adapte à un environnement qui évolue rapidement;
  • les conclusions du Conseil intitulées «Concrétiser l’idée d’un espace européen de l’éducation» (mai 2018) relatives à la promotion de valeurs communes, à l’éducation inclusive et à la dimension européenne de l’enseignement;
  • la recommandation du Conseil relative aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (mai 2018), dont l’objectif est d’actualiser la recommandation précédente, qui datait de 2006, et de tenir compte de mutations telles que la numérisation et l’évolution constante des marchés du travail;
  • les conclusions du Conseil sur l’égalité entre les hommes et les femmes, la jeunesse et la numérisation (novembre 2018), axées sur la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes, la lutte contre les stéréotypes sexistes et la promotion de la diversité des voix, qui appellent les États membres à intégrer la perspective de genre dans toutes les initiatives relatives au numérique et à la jeunesse.

4.1. Développer les aptitudes et les compétences numériques

32. En janvier 2018, la Commission européenne a actualisé la compétence numérique afin de tenir compte de la nature changeante de la technologie numérique dans la vie professionnelle et dans la société en général. Elle est désormais définie comme suit:
La compétence numérique suppose l’usage sûr, critique et responsable des technologies numériques pour apprendre, travailler et participer à la société. Elle comprend l’éducation à l’information et au numérique, la communication et la collaboration, la création de contenus numériques (y compris la programmation), la sécurité (y compris le bien-être numérique et les compétences liées à la cybersécurité), ainsi que la résolution de problèmes.
33. À cette occasion, la Commission a adopté un Plan d’action en matière d’éducation numérique 
			(16) 
			<a href='https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2018/FR/COM-2018-22-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF'>https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2018/FR/COM-2018-22-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF.</a>, qui décrit la manière «dont les systèmes d’éducation et de formation peuvent mieux tirer parti de l’innovation et de la technologie numérique et soutenir le développement des compétences numériques pertinentes nécessaires pour vivre et travailler à une époque de rapide évolution numérique». L’éducation numérique étant principalement considérée d’un point de vue économique, le plan d’action se concentre logiquement «sur la mise en œuvre et sur la nécessité de stimuler, soutenir et renforcer une utilisation adaptée des pratiques éducatives numériques et innovantes». Le but n’est cependant pas de répondre aux besoins spécifiques du marché du travail, mais d’éduquer pour la vie.
34. Le Plan d’action en matière d’éducation numérique comporte trois priorités, qui définissent des mesures visant à aider les États membres de l’Union européenne à relever les défis que pose la transformation numérique et à saisir les chances qu’elle leur offre:
  • améliorer l’utilisation de la technologie numérique pour l’enseignement et l’apprentissage;
  • développer les compétences et aptitudes numériques pertinentes pour la transformation numérique;
  • améliorer l’éducation grâce à de meilleures techniques d’analyse des données et de prospective.
35. Pour chaque priorité, le Plan d’action propose un ensemble de mesures et d’initiatives concrètes que la Commission européenne, en partenariat avec les États membres, les parties prenantes et la société, mettra en œuvre d’ici la fin de 2020; on peut citer: encourager l’éducation aux médias dans le cadre de la future recommandation relative aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie 
			(17) 
			<a href='https://ec.europa.eu/education/sites/education/files/swd-recommendation-key-competences-lifelong-learning.pdf'>https://ec.europa.eu/education/sites/education/files/swd-recommendation-key-competences-lifelong-learning.pdf.</a>; stimuler l’apprentissage hybride, qui conjugue mobilité et coopération en ligne (eTwinning); consolider l’initiative «Coalition en faveur des compétences et des emplois numériques» en multipliant les formations; intéresser davantage d’écoles et de jeunes, en visant une participation d’au moins 50 % des écoles d’ici à 2020; et lancer en 2018 le programme «Digital Opportunity scheme» (Accès au numérique), un système de type «chèque éducation» représentant un budget de 10 millions d’euros et offrant à des étudiants et des jeunes diplômés des stages à l’étranger afin d’activer leurs compétences numériques.
36. La Commission, en consultation avec les États membres, a élaboré plusieurs cadres pour aider les décideurs, les apprenants et les organisations à évaluer les aptitudes et compétences numériques. Des cadres ont été élaborés à l’intention des citoyens, des organisations et, plus récemment, des éducateurs.

4.1.1. Cadre d’aptitudes et de compétences numériques pour les citoyens

37. Le Cadre européen des compétences numériques pour les citoyens 
			(18) 
			<a href='http://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC101254/jrc101254_digcomp 2.0 the digital competence framework for citizens. update phase 1.pdf'>http://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC101254/jrc101254_digcomp%202.0%20the%20digital%20competence%20framework%20for%20citizens.%20update%20phase%201.pdf.</a> définit l’éventail des aptitudes et compétences numériques dont tous les apprenants ont besoin (5 domaines, 21 compétences). Publié en 2013, il est devenu une référence, au niveau européen et au niveau des États membres, pour de nombreuses initiatives en matière de compétences numériques. Le Cadre a été mis à jour en 2016.

4.1.2. Cadre d’aptitudes et de compétences numériques pour les éducateurs

38. Le Cadre européen de compétences numériques pour les éducateurs 
			(19) 
			<a href='https://ec.europa.eu/jrc/en/digcompedu'>https://ec.europa.eu/jrc/en/digcompedu</a>. a été publié en décembre 2017. Il recense les compétences numériques dont les éducateurs ont besoin à tous les niveaux de l’éducation, de la petite enfance à l’enseignement supérieur et à la formation des adultes, y compris la formation générale et professionnelle, les besoins éducatifs spéciaux et les contextes d’apprentissage non formel.

4.1.3. Cadre d’aptitudes et de compétences numériques pour les organisations éducatives

39. L’objectif du Cadre européen pour les structures éducatives compétentes en numérique 
			(20) 
			<a href='https://ec.europa.eu/jrc/en/digcomporg'>https://ec.europa.eu/jrc/en/digcomporg.</a> (publié en décembre 2015) est de permettre aux organisations d’auto-évaluer leurs progrès dans l’intégration de l’apprentissage et des pédagogies numériques et d’aider les décideurs à concevoir, mettre en œuvre et évaluer les actions politiques pour promouvoir l’intégration et l’utilisation efficace des technologies d’apprentissage numérique. Le concept de l’outil SELFIE (Self-reflection on Effective Learning by Fostering Innovation through Educational Technologies – autoréflexion sur l’apprentissage efficace grâce à la promotion de l’innovation à travers les technologies éducatives) 
			(21) 
			<a href='https://ec.europa.eu/jrc/en/digcomporg/selfie-tool'>https://ec.europa.eu/jrc/en/digcomporg/selfie-tool.</a> développé pour les écoles et dont l’utilisation se généralise en Europe, est fondé sur ce cadre.
40. Pour la Commission européenne, il est essentiel d’aider les générations futures à devenir des créateurs et des innovateurs numériques actifs. C’est pourquoi elle a lancé l’initiative «Digital Opportunity traineeship», un projet de stages dans le secteur du numérique qui permettra à 6 000 étudiants et jeunes diplômés d’effectuer un stage dans un autre pays que le leur entre 2018 et 2020. Un autre exemple de bonne initiative est la EU Code Week (Semaine européenne du code), qui encourage la pensée computationnelle, la programmation et les activités connexes; l’an dernier, elle a enregistré une participation record de de 1,2 million de personnes dans plus de 50 pays. D’ici 2020, 50 % des écoles de toute l’Europe devraient y adhérer 
			(22) 
			Interview with Mariya
Gabriel, European Commissioner for Digital Economy and Society,
11 September 2018 <a href='https://www.openaccessgovernment.org/digital-future/51932/'>https://www.openaccessgovernment.org/digital-future/51932/.</a>.
41. Le Plan d’action en matière d’éducation numérique fournira également un cadre pour la délivrance de qualifications certifiées numériquement qui faciliteront et accéléreront la reconnaissance des compétences et des qualifications de tous les apprenants, enseignants et travailleurs au-delà des frontières. C’est essentiel pour relever les niveaux de compétences et pour accroître l’employabilité.
42. Le bien-être numérique est menacé, entre autres, par la désinformation, le cyberharcèlement et les problèmes liés à la confidentialité des données. L’Union européenne lance donc une initiative pour l’enseignement de la cybersécurité qui aidera les éducateurs à comprendre les risques encourus et à apprendre aux élèves à utiliser les nouvelles technologies en toute sécurité et en toute confiance. Plusieurs communautés de la connaissance et de l’innovation soutenues par l’Institut européen d’innovation et de technologie mettront en œuvre le programme «Teach the teachers» (Former les enseignants), qui formera 6 000 enseignants d’ici 2020 dans le cadre de cours à distance et traditionnels en face à face. La Commission européenne a en outre créé une Plateforme électronique pour l’éducation et la formation des adultes en Europe (EPALE), un outil multilingue et ouvert destiné aux enseignants, formateurs, chercheurs, universitaires, décideurs ainsi qu’à tous les professionnels du secteur de l’éducation et de la formation des adultes en Europe.

4.2. Soutien financier aux programmes d’éducation numérique

43. L’Union européenne est un bailleur de fonds essentiel pour les pays et leurs gouvernements, un certain nombre d’organisations non gouvernementales, de groupes de réflexion et d’autres groupes qui mènent des activités dans le domaine des TIC et de la technologie dans l’éducation. Plus de 48 000 établissements scolaires en Europe ne disposeraient pas d’une connexion à large bande. Grâce au programme Connected Schools (Ecoles connectées), plus de 16 500 écoles primaires et secondaires espagnoles seront dotées d’un accès à large bande ultrarapide. Ce projet, le plus actif en Europe du sud-ouest, est cofinancé par le Fonds européen de développement régional. D’autre part, l’Union européenne soutient le développement de la coopération entre les pays, notamment par le biais du Réseau scolaire européen (European Schoolnet – EUN), un laboratoire international d’idées qui met en réseau 34 ministères européen de l’Éducation. Il a pour mission de soutenir l’innovation éducative au niveau européen, de mettre en contact tous les acteurs de l’éducation en Europe et de renforcer l’intégration de pratiques d’enseignement et d’apprentissage alignées sur les normes du XXIe siècle pour l’éducation de tous les élèves.
44. Si j’apprécie pleinement les progrès accomplis par les différentes institutions européennes et le soutien financier dont peuvent bénéficier les États membres de l’Union européenne, il me paraît très préoccupant que les pays extérieurs à l’Union ne disposent pas d’une telle aide. Cela pourrait entraîner de nouvelles disparités substantielles et des lignes de fracture sociale au sein de la grande Europe. Il me semble donc nécessaire que les programmes de l’Union européenne pour le financement de projets en dehors de l’Europe des 28 se donnent comme priorité d’intégrer à leurs plans d’aide financière le développement des compétences et des aptitudes numériques et l’assistance technique aux établissements scolaires.
45. Cela étant, je rappelle que tous les États membres du Conseil de l’Europe sont signataires de la Déclaration de l’UNESCO «Saisir les opportunités numériques. Mener la transformation de l’éducation», approuvée à Qingdao en 2015, qui mentionne les principales préoccupations soulevées dans le présent rapport et encourage les gouvernements, les partenaires de l’industrie et toutes les autres parties prenantes de l’éducation «à unir leurs forces et à partager leurs ressources pour créer des écosystèmes d’apprentissage numériques centrés sur l’apprenant, qui soient équitables, dynamiques, responsables et durables» conformément aux Objectifs de développement durable et au programme pour l’Éducation 2030 
			(23) 
			<a href='http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/ED/pdf/Qingdao-Declaration_FR_FINAL.pdf'>http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/ED/pdf/Qingdao-Declaration_FR_FINAL.pdf</a>.

4.3. Les perspectives de l’Union européenne

46. Dans une perspective plus large de création d’un Espace européen de l’éducation à l’horizon 2025, l’Union européenne projette:
  • d’intégrer l’innovation et le numérique dans tous les contextes d’apprentissage;
  • d’introduire un apprentissage personnalisé du numérique pour tous dans tous les États membres: acquisition de compétences dans le cadre d’une expérience d’apprentissage sur mesure pour tous;
  • de mettre en place des bourses de l’UE pour des masters en informatique en vue d’augmenter le nombre de spécialistes en cybersécurité, big data, intelligence artificielle et apprentissage automatique; réserver quelques-unes de ces bourses à des femmes;
  • d’assurer une forte connectivité à tous les établissements scolaires de l’Union européenne en les équipant d’un accès à haut débit ultra-rapide.
47. Dans son récent rapport 
			(24) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2018-0400_FR.html'>http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2018-0400_FR.html</a>, la commission de la culture et de l’éducation du Parlement européen déplore que l’Union européenne n’ait élaboré aucune stratégie d’ensemble pour les compétences numériques, estimant que les disparités entre États membres montrent bien la nécessité d’une telle stratégie.
48. Elle regrette aussi qu’il n’y ait actuellement pas de système coordonné d’évaluation du niveau de compétence numérique des élèves. Il y a des outils, notamment le Cadre de compétences numériques et SELFIE, mais ils fonctionnent sur le principe de l’auto-évaluation. La commission souligne donc la nécessité de développer un module général d’évaluation du niveau minimum de compétences numériques que les élèves devraient acquérir au cours de leur scolarité et appelle l’OCDE à élaborer un module PISA pour tester le niveau effectif de compétences numériques, ce qui constituerait une première étape. Je suis aussi pleinement convaincu que ce serait un moyen de se faire une idée des méthodes éducatives utilisées et de créer de nouvelles opportunités d’échange de bonnes pratiques. Je note avec satisfaction que l’OCDE a déjà lancé un projet visant à tester en 2024 la capacité des étudiants à apprendre dans un monde numérique.

5. Orientation et pratiques de l’éducation numérique dans les États membres

49. Dans le cadre de mes travaux préliminaires aux fins du présent rapport, je me suis rendu à Tallinn (Estonie) et à Helsinki (Finlande), afin d’observer les défis posés par l’éducation numérique et les solutions proposées dans ces deux pays technologiquement innovants. Les deux pays arrivent en tête des tests PISA de l’OCDE et peuvent s’enorgueillir de leurs systèmes éducatifs avancés dans le domaine numérique. Pourtant, ils sont partis de modèles éducatifs différents et ont adopté des approches différentes pour intégrer les technologies numériques à l’école.
50. Il y a beaucoup à apprendre des expériences estonienne et finlandaise, ainsi que d’autres expériences nationales. Cependant, même les meilleures pratiques ne sauraient être aisément transposables partout. Tous les pays européens ont des systèmes éducatifs très différents en termes d’autonomie des établissements scolaires, de conception des programmes, de statut des enseignants, d’attitudes à l’égard de l’apprentissage, etc. Ces différences ont une valeur car elles contribuent à la diversité et au multiculturalisme de nos sociétés. Cependant, l’adaptabilité et l’ouverture sont essentielles pour motiver les élèves et les enseignants, et l’apprentissage à partir de différentes expériences apporte d’énormes avantages.
51. À première vue, l’Estonie a plutôt donné la priorité à l’introduction des nouvelles technologies dans la classe et l’informatique, la robotique ou des disciplines similaires sont enseignées dans 76 % des écoles; les écoles sont bien équipées (0,77 ordinateur par élève); le wifi gratuit est monnaie courante; l’administration scolaire est fortement numérisée et l’État octroie des fonds pour la modernisation des infrastructures technologiques. Toutefois, la Stratégie 2020 pour l’apprentissage tout au long de la vie est plutôt axée sur une nouvelle approche de l’apprentissage et l’introduction de modèles de compétences numériques pour les élèves et les enseignants. L’utilisation de systèmes numériques et intelligents est largement répandue mais n’est pas considérée comme un objectif en soi. L’Estonie est très attachée à promouvoir des projets cocréatifs associant écoles, universités, industries et partenaires de recherche. Les élèves peuvent travailler en situation réelle avec de vrais partenaires de l’industrie et du milieu universitaire dans le cadre de Living Labs, où ils sont encouragés à concevoir ensemble de nouvelles méthodes d’apprentissage et de nouveaux processus de recherche, ou encore à collecter des données pour démontrer leur impact. De nombreux partenariats université-industrie permettent également de mettre en lien des scénarios d’apprentissage informels et formels.
52. La Finlande est souvent à l’avant-garde de l’innovation dans l’enseignement: autonomie des établissements plutôt que classements; dossiers plutôt que notes d’examen; apprentissage basé sur la recherche plutôt que sur la mémorisation et sujets tirés de la vie réelle parallèlement aux matières traditionnelles. Le programme scolaire national met en avant l’importance d’une approche pluridisciplinaire de l’éducation et introduit le concept d’enseignement et d’apprentissage par les phénomènes (phenomenon-based teaching/learning). Cette approche est beaucoup plus proche de la résolution de problèmes réels et donne aux élèves une compréhension plus claire de la complexité du monde. Les TIC ne sont pas une matière à part entière dans les programmes nationaux finlandais, mais l'une des sept compétences transversales qui doivent être intégrées dans toutes les matières. L'utilisation des TIC est systématiquement intégrée dans différentes matières pendant les 9 années de l’éducation générale de base. Les examens de fin d’études secondaires sont totalement informatisés, ce qui requiert de solides compétences techniques de la part des élèves comme des enseignants. La numérisation des épreuves d’examen permet d’intégrer des épreuves à partir de documents réels, comme des vidéos YouTube ou des pages internet. L’esprit de communauté et le réseautage communautaire sont des ingrédients essentiels du développement et de la modernisation de la formation des enseignants. La Finlande a mis en place un système de soutien par les pairs et de mentorat des enseignants en TIC qui semble très efficace. Les solutions locales, la créativité et l’expérimentation sont largement encouragées. L’objectif des politiques nationales d’éducation numérique est de faire de l’enseignement primaire et secondaire un système éducatif centré sur l’apprenant, avec les enseignants les plus compétents du monde ainsi que sur une culture scolaire ouverte et collaborative.
53. En Belgique, la numérisation de l’éducation était l’un des piliers du Pacte pour un Enseignement d’excellence, le document final du travail collaboratif de différents acteurs de l’éducation. Il s’agissait, entre autres, de mettre en place une plateforme pédagogique numérique pour les acteurs de l’éducation (partage des ressources), de créer des espaces de travail numériques dans chaque école, d’améliorer les compétences numériques des enseignants et des élèves et de renforcer la gouvernance numérique dans les écoles et dans l’administration. Par ailleurs, dans le cadre de la stratégie numérique de la Wallonie, «Digital Wallonie» 2016-2019, le Gouvernement wallon veut étendre et pérenniser le système «Digital School» en lançant chaque année un appel à projets pour soutenir des projets numériques à tous les niveaux de l’enseignement. D’après le rapport «Baromètre Digital Wallonia 2018 – Éducation & Numérique 
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			<a href='https://www.digitalwallonia.be/fr/publications/education2018'>https://www.digitalwallonia.be/fr/publications/education2018.</a>», la stratégie d’intégration du numérique est généralement portée par la direction de l’établissement.
54. En Géorgie, l’un des objectifs de la réforme de l’éducation est de créer les ressources pédagogiques qui permettront aux élèves de se familiariser avec les technologies modernes et leurs utilisations; de créer un environnement d’apprentissage technologique favorable; d’aligner le développement professionnel des enseignants sur les exigences actuelles, etc. Les TIC font partie du programme scolaire national. Les enseignants suivront une nouvelle formation, conformément au nouveau plan d’action, et recevront une incitation financière (comme en Pologne, où des conférences et subventions sont prévues pour permettre aux enseignants d’élaborer des programmes d’enseignement).
55. La numérisation est un développement essentiel en Allemagne. Le gouvernement fédéral et les Länder coopèrent dans tous les domaines de l’éducation, en particulier en ce qui concerne la modernisation et la numérisation. L’infrastructure développée dans le cadre du Pacte numérique pour les écoles sera en place à l’échelle nationale au début de 2019.
56. À l’automne 2016, la Conférence permanente des ministres de l’Éducation et des affaires culturelles des Länder (Ständige Konferenz der Kultusminister der Länder – KMK), qui est composée des 16 ministres de l’Éducation des Länder, a décidé que tout élève scolarisé en primaire ou au niveau secondaire inférieur en 2018-2019 devra avoir acquis, à la fin de sa scolarité obligatoire, des compétences numériques dans six domaines de compétences. L’instruction sera également renforcée en utilisant des médias éducatifs numériques dans toutes les matières, de sorte que les programmes d’enseignement devront être modernisés. Vu le peu de financements disponibles pour ce genre de formation au niveau des Länder, le ministère fédéral de l’Éducation et de la recherche (Bundesministerium für Bildung und Forschung – BMBF) a pris des mesures pour améliorer la culture numérique des enseignants. Le BMBF soutient les Länder dans le cadre du programme national «Offensive pour la qualité de la formation des enseignants» (Qualitätsoffensive Lehrerbildung) qui vise à améliorer durablement les contenus d’apprentissage et la structure de l’ensemble du cursus de formation au métier de l’enseignement.
57. Aux Pays-Bas, conformément à la liberté d’enseignement et au mode de fonctionnement du système de financement, les écoles sont libres de choisir la méthode pédagogique qu’elles veulent appliquer et d’y consacrer un budget plus ou moins important. Chaque école décide quels outils TIC seront utilisés ou non et où (à l’école ou à la maison). De ce fait, on constate de grandes disparités dans l’utilisation des TIC entre les secteurs éducatifs, mais aussi entre les écoles et même entre les enseignants (ces derniers sont souvent relativement libres d’utiliser les outils qu’ils veulent en classe). Outre un programme national de formation visant à renforcer les compétences numériques des enseignants du primaire, les Pays-Bas s’enorgueillissent d’avoir mis en place un programme performant qui consiste à envoyer des spécialistes des TIC dans les écoles secondaires pour y donner des conférences. Ils viennent parler de leur travail dans le secteur des TIC ou d’un thème spécifique, comme les big data, la cybersécurité ou la programmation. Par ailleurs, le gouvernement, en collaboration avec des partenaires du réseau et un centre d’expertise, organise des campagnes publiques, mène des recherches et offre des services éducatifs, afin de sensibiliser les jeunes, les enseignants et les éducateurs à la technologie numérique et d’encourager leur sens critique.
58. En 2006, la Norvège a instauré un nouveau programme d’enseignement national qui renforce le statut de la compétence numérique, désormais classée cinquième compétence de base à l’école élémentaire (niveau 1-13). Conformément au nouveau Plan général pour la formation des enseignants, la compétence numérique arrive en cinquième position dans le référentiel des compétences de base, quelle que soit la matière. La Stratégie nationale pour la qualité et la coopération en matière de formation des enseignants 2017 prévoit aussi de financer des programmes de formation aux compétences numériques pour les enseignants. Par ailleurs, le ministère de l’Éducation a publié une stratégie en faveur de la numérisation dans l’enseignement primaire, secondaire et professionnel pour 2017-2021, qui poursuit un double objectif: développer les compétences numériques des élèves et améliorer l’offre et les ressources technologiques mises à disposition par les écoles.
59. Le Programme opérationnel «Pologne numérique 2014-2020» vise à renforcer les bases numériques pour favoriser le développement à l’échelle nationale: accès généralisé aux connexions à haut débit, services publics en ligne aussi efficaces que simples à utiliser et amélioration continue du niveau des compétences numériques au sein de la population. Le ministère de l’Éducation et le Centre pour le développement de l’éducation travaillent à la création d’un nouveau contenu pour l’éducation, complété par du matériel électronique pour les disciplines artistiques et des ressources multimédias pour les livres en langues étrangères. Il convient de mentionner également les activités de fondations et d’institutions non gouvernementales dans le domaine de l’éducation (éducation aux médias et éducation numérique).
60. Au Portugal, le programme scolaire est défini au niveau national et axé sur des objectifs; les TIC sont intégrés dans l’ensemble du programme scolaire en tant qu’outils. En 2015, des objectifs d’apprentissage des TIC ont commencé à être fixés pour chaque domaine du système éducatif. Une initiative volontaire de programmation est en cours et les projets qui en découlent favorisent l’intégration des TIC dans les programmes d’études à tous les niveaux de l’éducation. À l’origine, le projet d’enseignement à distance Escola Móvel, conçu et développé par le ministère de l’Éducation, ciblait les enfants issus de familles du milieu du spectacle et du cirque contraints de changer d’école plusieurs fois par an, au gré de l’activité professionnelle de leurs parents, avec à la clé des taux élevés d’abandon et d’échec scolaire. Escola Móvel veut préparer les apprenants aux enjeux du numérique en combinant l’utilisation de la technologie avec le développement de différentes compétences – de base (langue et numérique), scientifique, visuelle, artistique, artistique, multiculturelle – dans toutes les matières. Cet exemple montre comment les salles de classe virtuelles et l’apprentissage à distance peuvent répondre aux besoins éducatifs des apprenants qui n’ont pas accès à l’instruction ordinaire en classe.
61. En Roumanie, la loi n° 1/2011 porte explicitement sur les (principales) compétences numériques. Le programme scolaire de l’enseignement primaire prévoit un enseignement intégré et met la technologie en corrélation avec d’autres disciplines. La fiche d’évaluation des normes professionnelles et des enseignants prévoit l’utilisation des nouvelles technologies pour enseigner. Des manuels numériques sont élaborés pour l’enseignement primaire. Le programme gouvernemental et les stratégies de développement de l’éducation visent à informatiser rapidement et complètement l’enseignement à l’échelle nationale. L’approche consiste à doter tous les établissements scolaires d’équipements informatiques performants, afin d’organiser un enseignement de qualité.
62. En Macédoine du Nord, les programmes scolaires rendent obligatoire l’utilisation des TIC à l’école dans le cadre du processus éducatif (30 % des cours doivent être dispensés en utilisant les TIC), de sorte que l’utilisation d’ordinateurs et d’autres équipements TIC sont essentiels et font partie des plans de cours quotidiens des enseignants. L’Inspection nationale de l’éducation veille à l’application des TIC dans l’éducation.
63. Le ministère de l’Éducation de la Turquie a pris plusieurs initiatives importantes. En 2010, il a lancé le projet FATIH, qui prévoit une connexion internet à haut débit dans toutes les salles de classe, des tableaux blancs interactifs dans toutes les classes de l’enseignement élémentaire (de la 1re à la 8e classe) et du lycée, des tablettes numériques pour tous les élèves – à partie de la 5e classe – ainsi qu'un support complet et de cours de formation en ligne pour les enseignants et les formateurs, destinés à leur permettre de devenir des créateurs de contenus numériques. Depuis 2013, ce sont 190 543 enseignants qui ont ainsi été formés.
64. Le réseau d’information pédagogique (EBA) est une autre initiative gouvernementale visant à favoriser l’utilisation efficace, grâce à l’informatique, de matériels pédagogiques numériques et à garantir l’intégration de la technologie dans l’éducation. Des matériels pédagogiques numériques (vidéos, logiciels et jeux éducatifs, par exemple) et des outils permettant de créer des ressources multimédias (ideaLStudio, EBA Sunum, Eutdyo et Xerte) sont mis gratuitement à la disposition des élèves et des enseignants. EBA est aussi un portail donnant accès à d’autres plates-formes en ligne, telles que Khan Academy, Da Vinci Learning et Lingus. Avec EBA, les élèves peuvent utiliser les matériels pédagogiques numériques à l’école et à la maison, à tout moment et en tout lieu.
65. Le ministère de l’Éducation nationale a lancé solennellement un processus de réforme des programmes qui tient compte du fait que les aptitudes et compétences numériques sont des compétences essentielles pour tous les élèves, y compris les élèves des filières professionnelles, et vise à les promouvoir. Enfin, la Turquie collabore activement aux projets de citoyenneté numérique du réseau scolaire européen (European Schoolnet).
66. Le Royaume-Uni a été le premier pays de l’Union européenne, en 2014, à inscrire le codage informatique dans les programmes du primaire et du secondaire – les élèves ont des cours d’informatique à partir de l’âge de 4-5 ans. Par ailleurs, il ressort de la Stratégie numérique du Royaume-Uni présentée en mars 2017 que les obstacles que rencontrent les écoles dans les régions non connectées à une infrastructure numérique appropriée seront en partie levés et que le Network of Teaching Excellence in Computer Science (Réseau d’excellence de l’enseignement de l’informatique) sera doté d’un budget pour aider enseignants et chefs d’établissement à développer leur connaissance et leur compréhension de la technologie. Ce réseau de plus de 350 professeurs propose un développement professionnel continu afin d’aider les enseignants à mettre en œuvre le programme en informatique. La stratégie vise parallèlement à inciter les diplômés en informatique à choisir l’enseignement, grâce à de généreuses bourses. Les spécialistes de l’éducation encouragent également l’inclusion numérique en renforçant le rôle des bibliothèques pour en faire des fournisseurs d’accès numérique, de formation et de soutien sollicités par la population locale. Enfin, les bibliothèques soutiennent des initiatives à visée transformatrice comme les Code Clubs (plus de 5 000 font appel à des volontaires et utilisent des contenus en ligne de pointe pour donner aux jeunes la possibilité d’apprendre à programmer).

6. L’éducation à la citoyenneté numérique et le Conseil de l’Europe

67. En matière d’éducation numérique, l’une des principales questions qui se posent est celle de son but ultime: suffit-il de moderniser les systèmes éducatifs pour promouvoir les aptitudes et compétences répondant aux besoins du marché du travail, ou s’agit-il d’éduquer les «natifs du numérique» pour qu’ils deviennent des «citoyens numériques» responsables, qui savent se comporter dans le monde numérique de manière appropriée, responsable et intelligente, et qui sont conscients des conséquences de leurs activités en ligne, bonnes et mauvaises? Les deux aspects requièrent une action conjointe, aux niveaux gouvernemental et intergouvernemental, par la coordination et la complémentarité.
68. Cela fait des années que le Conseil de l'Europe œuvre pour l’éducation à la citoyenneté démocratique, ce dont témoigne son Cadre de référence des compétences pour une culture démocratique. S’agissant de la vie numérique des personnes, et notamment des enfants, le Conseil de l'Europe, qui ciblait son action sur leur sécurité et leur protection, a maintenant pour priorité de favoriser, par l’éducation, leur participation sans danger, efficace, critique et responsable, dans un monde où les technologies numériques et les médias sociaux sont omniprésents. En 2016, le Comité directeur du Conseil de l’Europe pour les politiques et pratiques éducatives (CDPPE) a lancé un nouveau projet intergouvernemental intitulé «Éducation à la citoyenneté numérique» (ECN), dont l’objectif est de contribuer à redéfinir le rôle que joue l’éducation pour permettre à tous les enfants d’acquérir les compétences dont ils ont besoin en tant que citoyens numériques pour participer activement et de manière responsable à la société démocratique, que ce soit hors ligne ou en ligne.
69. Le projet ECN identifie plusieurs problèmes qui ont à voir avec le besoin de compétences transversales pour avoir accès aux technologies, communiquer, participer et créer en ligne, ainsi qu’avec la fracture numérique, qui concerne l’accès à la «vie numérique» et le fait d’en être exclu par manque de compétences. L’absence de sensibilisation à l’importance de la citoyenneté numérique prévaut parmi les enseignants, les familles, les directeurs d’écoles, les institutions de formation et les pouvoirs publics.
70. Le projet ECN repose sur les résultats du programme d’Éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme (ECD/EDH), mis en œuvre de longue date par le Conseil de l’Europe, et sur les premiers résultats du projet Compétences pour une culture démocratique. Le point de départ du projet était de savoir si c’était une bonne chose que les enfants aient deux vies – une vie relativement déconnectée à l’école et une vie saturée par les technologies numériques en dehors de l’école – ou s’ils ne pourraient pas réunir l’une et l’autre en une seule et même vie d’apprenant et de citoyen numérique.
71. Pour permettre à tous les enfants de s’épanouir pleinement, comme élèves et comme citoyens, dans un monde d’une grande diversité numérique, le projet ECN s’est attaché à promouvoir des politiques visant à encourager des mesures positives et à encourager l’autonomie des jeunes, au détriment des politiques axées uniquement sur la sécurité et la protection ou le contrôle des comportements. La responsabilité du secteur éducatif et de ses principaux acteurs doit en outre être revue.
72. L’un des principaux problèmes que l’ECN a permis d’identifier est l’absence de définitions communes de concepts et protocoles essentiels pour approfondir la citoyenneté numérique et éduquer à la citoyenneté numérique. À la suite de discussions avec un groupe d’experts, le projet a défini l’ECN comme l’acquisition des compétences nécessaires (valeurs, capacités, attitudes, connaissances et compréhension critique) pour s’engager de façon positive et critique dans l’environnement numérique et pratiquer des formes de participation sociale respectueuses des droits de l’homme et de la dignité par une utilisation responsable de la technologie.
73. Jusqu’à présent, le projet ECN a constitué un groupe d’experts, passé en revue les publications sur le sujet, mené des consultations multipartites et organisé une conférence de travail, en septembre 2017 à Strasbourg. Au terme de ce travail, un modèle conceptuel a été élaboré sur la base de dix domaines de la citoyenneté numérique pertinents pour le secteur éducatif. Ces dix domaines ont été regroupés dans trois catégories:
  • présence en ligne (accès et inclusion; apprentissage et créativité; éducation aux médias et à l’information);
  • bien-être en ligne (éthique et empathie; santé et bien-être; présence et communication sur internet);
  • droits en ligne (participation active; rôles et responsabilités; respect de la vie privée et sécurité; sensibilisation des consommateurs).
74. Ces activités ont conduit à un large éventail de recommandations, dont l’une est de diffuser une définition commune de l’ECN pour permettre aux gouvernements, à la société civile, à l’industrie et au monde universitaire de travailler sur une même base et d’élaborer une approche intégrée et multipartite. Des MOOCs (Massive Open Online Courses), des ressources en ligne et hors ligne sont aussi nécessaires pour enseigner une utilisation responsable des nouvelles technologies. Parmi les autres recommandations, on peut citer:
  • redoubler d’efforts pour faire participer les familles aux initiatives de citoyenneté numérique;
  • nommer un responsable de la politique numérique dans les écoles;
  • publier des plans de cours et illustrer les possibilités d’apprentissage pour les ressources les plus intéressantes;
  • mettre en œuvre des mécanismes de suivi solides pour identifier les nouvelles tendances et les effets secondaires positifs et négatifs;
  • mener des recherches pour mieux comprendre les fenêtres de développement pour enseigner et inculquer des valeurs, des attitudes, des compétences, des connaissances et une pensée critique.
75. Le projet ECN travaille actuellement à l’élaboration d’un cadre politique, qui devrait être soumis au Comité des Ministres vers la fin de 2019. Ce cadre servira d’orientation aux États membres pour l’élaboration de cadres nationaux d’ECN. Le projet a donné lieu à la publication d’un manuel d’éducation à la citoyenneté numérique, destiné aux élèves, aux enseignants, aux parents et aux décideurs du secteur de l’éducation. Le manuel propose des informations, des outils et de bonnes pratiques pour favoriser le développement de ces compétences en restant fidèle à la vocation du Conseil de l'Europe consistant à protéger les enfants mais aussi à les rendre plus autonomes et à leur permettre de vivre ensemble, dans l’égalité, dans les sociétés démocratiques d’aujourd’hui marquées par la diversité culturelle, en ligne et hors ligne. Le projet encourage la coopération avec le secteur privé en vue de développer des ressources et de mettre en œuvre des projets communs pour la promotion de la citoyenneté numérique. Des lignes directrices destinées à régir les partenariats entre les établissements d’enseignement et le secteur privé seront mises au point cette année. Un kit a aussi été conçu pour les professionnels qui forment les enseignants à l’éducation à la citoyenneté numérique. Des groupes de discussion avec des parents ont été mis en place dans cinq États membres (Croatie, Grèce, Belgique, France et Allemagne) pour évaluer la connaissance et la compréhension de la citoyenneté démocratique par les parents et pour réfléchir aux meilleurs moyens d’atteindre les parents et de les informer.
76. Dans ce contexte, il importe aussi de mentionner la campagne du Conseil de l'Europe intitulée «S’exprimer en toute liberté, apprendre en toute sécurité – des écoles démocratiques pour tous», qui est un moyen essentiel de mettre en œuvre le Cadre de référence des compétences pour une culture démocratique. Une composante majeure de ce projet est le réseau des écoles démocratiques: il rassemblera des centaines d’établissements scolaires dans tous les États membres, qui pourront partager leurs bonnes pratiques concernant la mise en œuvre du Cadre, y compris des activités de promotion des compétences numériques.
77. Enfin, les lignes directrices du Conseil de l'Europe relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique ont été adoptées en juillet 2018. Elles visent à aider les États et les autres parties prenantes à adopter une approche stratégique globale pour défendre l’intérêt supérieur de l’enfant dans le monde complexe de l’environnement numérique. Parmi les nombreux thèmes traités dans les lignes directrices figure le droit des enfants à l’éducation, envisagé sous l’angle des compétences numériques (y compris la maîtrise des médias et de l’information, et l’éducation à la citoyenneté numérique) et sous l’angle des programmes et ressources en matière d’éducation, qui doivent rendre les enfants capables d’agir dans l’environnement numérique et doivent favoriser leur éducation sous toutes ses formes.

7. Conclusions et recommandations

78. Le niveau d’utilisation des technologies numériques dans l’éducation varie d’un État membre et d’une région à l’autre, parfois même d’une commune à l’autre dans un même pays. Il existe également de grandes disparités entre les différents secteurs de l’éducation. Les bonnes pratiques n’étant pas aisément transposables, il est très difficile de formuler des recommandations générales pour les États membres. Néanmoins, il est possible de définir des lignes directrices sur les principes et les politiques.
79. Tout d’abord, j’insiste sur la nécessité d’investir suffisamment et durablement dans l’éducation publique. En matière d’éducation, les politiques publiques doivent être fondées sur le principe de l’éducation inclusive et s’efforcer de réduire les inégalités sociales, de genre, économiques, culturelles et géographiques. L’État doit financer les équipements TIC, matériels, logiciels et autres moyens techniques, ainsi que leur remplacement régulier, afin de garantir l’égalité d’accès à l’éducation. À court terme, chaque établissement devrait proposer à chaque apprenant et à chaque équipe d’enseignants un apprentissage numérique. À long terme, il est essentiel que les enseignants soient formés pour acquérir les aptitudes et les compétences dont ils ont besoin pour servir de modèle à leurs élèves.
80. Le pouvoir transformateur d’une technologie est une question de choix et de circonstances. Le défi de la transformation numérique réside davantage dans l’intégration de nouveaux types d’enseignement que dans les obstacles technologiques à surmonter. À cet égard, comme j’ai pu l’observer, c’est dans les pays qui développent la liberté académique et l'autonomie institutionnelle que l’éducation numérique a véritablement décollé.
81. Si à elles seules les technologies numériques ne peuvent pas transformer l'éducation, elles ont un potentiel énorme pour faire évoluer les pratiques d'enseignement et d'apprentissage dans les écoles et ouvrir de nouveaux environnements d'apprentissage. Elles peuvent faciliter la mise en place de modèles pédagogiques innovants, d’exercices de simulation comme les laboratoires virtuels ou à distance, de collaborations internationales, de l’évaluation formative en temps réel et de l’évaluation fondée sur les compétences – les enseignants pourraient suivre l’évolution des apprenants en temps réel et adapter leur enseignement en conséquence – ainsi que de l'apprentissage en ligne, des ressources éducatives ouvertes et des MOOCs. Le recours aux TIC, à la robotique, à l’intelligence artificielle ou à toute autre technologie intelligente ne doit être qu’un moyen pour enseigner et apprendre, et non un objectif éducatif en soi. Je suis favorable à un modèle éducatif (de type finlandais) où les TIC ne sont pas une matière à part entière dans les programmes nationaux, mais une compétence transversale parmi d’autres intégrée dans toutes les matières.
82. Lutter contre la fracture socio-numérique est capital. Les TIC peuvent soutenir l’apprentissage personnalisé et promouvoir les possibilités d’apprentissage individuel pour tous. Développer des aptitudes et compétences numériques devrait être considéré comme complémentaire à l’acquisition d’autres compétences sociales, civiles et interculturelles essentielles; elles devraient aider les apprenants à identifier et à traiter l’information de façon critique quand ils travaillent individuellement, en équipe ou dans le cadre d’un apprentissage par projet, et les aider à devenir des citoyens sensibilisés au numérique et des citoyens démocratiques actifs.
83. Il est essentiel que les nouveaux modèles d’apprentissage soient axés sur une éducation de qualité. Une «commercialisation» de l’éducation risque de compromettre la qualité de l’enseignement et d’entraîner une déprofessionnalisation. Une éducation de qualité incluant les TIC implique de mettre au premier plan la communauté dans laquelle les élèves apprennent. C’est au sein d’équipes, de classes et dans l’échange avec les autres membres de la communauté d’apprenants que la capacité à résoudre les problèmes et le jugement critique se développent le mieux. Les enseignants ont un rôle clé à jouer dans la mise en place d’un environnement d’apprentissage propice à une communauté où les apprenants communiquent entre eux.
84. Parallèlement, les gouvernements doivent aussi s’intéresser sérieusement à la sécurité en ligne, à la cybersécurité, ainsi qu’à l’éducation aux médias et aux dangers potentiels d’une société numérisée. Ils devraient également s’attaquer à d’autres enjeux numériques, notamment la promotion de la pensée critique, la prévention du cyberharcèlement, la nétiquette et la prévention de l’endoctrinement via internet et les réseaux sociaux. Dans ce contexte, je salue les efforts déployés par le Conseil de l’Europe pour promouvoir les principes et les outils de l’éducation à la citoyenneté numérique afin de doter les enfants et les jeunes des outils, des connaissances et des compétences dont ils ont besoin pour naviguer en toute sécurité.
85. Le poids de la transformation des écoles numériques repose en grande partie sur les épaules des enseignants et des éducateurs, qui ont besoin de toutes nouvelles compétences, mais aussi d'un environnement, d'une infrastructure, de matériels et d'un soutien en matière de leadership adéquats. Pour que les enseignants et les éducateurs soient compétents, à l’aise avec les outils numériques et motivés, les gouvernements doivent financer la formation initiale et continue des enseignants de façon satisfaisante et durable. Je crois que tous les enseignants doivent être formés aux TIC, particulièrement utiles d’un point de vue intersectoriel. De plus, les enseignants devraient être effectivement associés à l’élaboration et à l’évaluation des nouveaux programmes, cours, programmes d’études, validations et ressources pédagogiques. Chaque enseignant devrait pouvoir choisir et varier les méthodes, matériels et approches pédagogiques ainsi que les méthodes d’évaluation en toute autonomie.
86. Il est important aussi, selon moi, de promouvoir le renforcement de la perspective de genre dans la numérisation. L’élimination des écarts femmes-hommes est cruciale dans ce contexte. Les femmes sont nettement moins représentées dans les domaines des STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), au niveau scolaire comme universitaire. Des efforts ciblés doivent donc être faits pour attirer les filles et les femmes dans ces secteurs dès leur plus jeune âge. Les techniques d’enseignement innovantes utilisant la robotique, l’intelligence artificielle, mais aussi l’acquisition de compétences en informatique, en programmation ou en cybersécurité dans le cadre de projets pratiques et du codage en équipe, peuvent leur offrir de bonnes perspectives d’emploi. La réduction de la ségrégation professionnelle, associée à des politiques permettant de concilier vie professionnelle et vie privée par le biais de l’éducation numérique, est essentielle pour promouvoir la participation des femmes au marché du travail.
87. En conclusion, afin d’être à la hauteur dans un monde où les technologies se développent rapidement et où les marchés sont concurrentiels, l’éducation en Europe doit devenir beaucoup plus participative, transversale et connectée à la vie réelle, et surtout, le développement de l’éducation numérique ne doit pas produire d’exclusion sociale. À cette fin, les gouvernements européens et les institutions européennes doivent concevoir des environnements d’apprentissage innovants et stimulants de la petite enfance au niveau universitaire et au-delà. Il faut pour cela repenser le rôle de l’éducation dans sa globalité, investir dans les infrastructures, revoir l’organisation, réorganiser la formation des enseignants, créer des ressources éducatives numériques et des logiciels éducatifs performants.
88. La transformation numérique exige que les citoyens, les écoles, les organisations et les sociétés apprennent en permanence de nouvelles façons de travailler et de gérer les affaires courantes. Il est donc de la plus haute importance de développer l’apprentissage tout au long de la vie, les compétences en matière de recherche et les projets de cocréation avec l’industrie, la recherche et les partenaires éducatifs.
89. Nous n’en sommes qu’au début – plusieurs pays expérimentent actuellement différentes approches et différents modèles. À cet égard, le Conseil de l’Europe, en coopération avec l’Union européenne et d’autres acteurs nationaux et internationaux, pourrait jouer un rôle clé dans le développement des outils qui contribueront au suivi de leur mise en œuvre et à l’évaluation de leur impact.