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Résolution 2305 (2019)

Sauver des vies en Méditerranée: le besoin d’une réponse urgente

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 3 octobre 2019 (33e séance) (voir Doc. 14971, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Domagoj Hajduković). Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2019 (33e séance).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle avoir attiré l’attention sur la tragédie qui se joue en Méditerranée depuis sa Résolution 1872 (2012) «Vies perdues en Méditerranée: qui est responsable?». D’autres textes ont suivi, en particulier la Résolution 1999 (2014) «Le ̏bateau cercueil̋: actions et réactions», la Résolution 2000 (2014) sur l’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes, la Résolution 2050 (2015) «La tragédie humaine en Méditerranée: une action immédiate est nécessaire» et la Résolution 2088 (2016) «La Méditerranée: une porte d’entrée pour les migrations irrégulières». Le 27 juin 2018, l’Assemblée a tenu un débat d’urgence intitulé «Les obligations internationales des États membres du Conseil de l’Europe: protéger les vies en mer» et adopté plusieurs autres textes dans lesquels il est question de la situation en mer Méditerranée et de la nécessité de trouver des solutions.
2. L’Assemblée demeure consternée par le nombre élevé de vies perdues en Méditerranée par des migrants tentant désespérément de rejoindre l’Europe sur des embarcations de fortune. Elle appelle les États membres à respecter leurs obligations internationales et à coordonner leurs efforts pour protéger les vies en mer. Bien que les flux migratoires aient désormais diminué et ne représentent plus qu’une faible proportion des chiffres enregistrés en 2015, la situation peut encore être qualifiée d’urgente. Dans le cas de la Grèce, par exemple, le nombre de migrants a augmenté de 150 % au cours des derniers mois. Dans les six dernières années, près de 20 000 personnes sont mortes lors de leur périlleux voyage à travers la Méditerranée. Cette situation est intenable et il convient d’y remédier sans délai. L’Assemblée se félicite de l’accord émergeant entre certains États membres de l’Union européenne sur la réinstallation de personnes sauvées en mer par des organisations non gouvernementales (ONG) et autres, et exhorte d'autres États à rejoindre cet accord. De même, elle appelle chaque pays membre de l’Union européenne à prendre ses responsabilités, et elle accueille favorablement la volonté des États méditerranéens à coopérer.
3. Les opérations aéronavales successives Triton et Sophia (actuellement uniquement aériennes), menées par l’Union européenne, ont permis de faire baisser de près de 32 % les arrivées sur les côtes italiennes entre novembre 2016 et novembre 2017, et de sauver plus de 200 000 vies depuis 2014. Toutefois, la priorité que continue d’accorder l’Union européenne au contrôle des frontières et sa tendance à promouvoir l’externalisation du traitement des demandes d’asile vers des pays et régions en dehors de ses frontières n’ont pas produit de résultats convaincants et pourraient même avoir accru les risques que courent les réfugiés et les demandeurs d’asile, qui sont prêts à s’exposer à de plus grands dangers dans leurs efforts pour se mettre en sécurité.
4. L’Assemblée se félicite de l’engagement des organisations non gouvernementales, mais insiste sur le fait qu’il est du devoir des États d’empêcher qu’on puisse périr en Méditerranée. Face au déni des droits fondamentaux auxquels continuent de se heurter les migrants en Méditerranée, l’Assemblée, soucieuse d’éviter davantage de morts tragiques et de donner aux migrants le droit d’obtenir la protection internationale et l’accès aux procédures d’asile, demande instamment aux États membres:
4.1. de placer le sauvetage des hommes, des femmes et des enfants en Méditerranée au-dessus de toute considération politique ou autre et d’en faire un impératif pour garantir la mise en œuvre des principes universels qui sous-tendent le respect de la vie humaine et l’assistance aux personnes en danger de mort;
4.2. en rappelant la Résolution 2299 (2019) «Politiques et pratiques en matière de renvoi dans les États membres du Conseil de l'Europe», de s’abstenir de toute action qui entraîne des renvois ou des expulsions collectives, car ces actes constituent une violation du droit international sur l’asile: le droit d’asile, le droit à la protection contre le refoulement et le droit d’accès à la procédure d’asile;
4.3. de consacrer une attention spéciale à l’assistance aux réfugiés et aux migrants vulnérables comme les enfants, les personnes appartenant aux communautés LGBT+, les femmes, les personnes handicapées et celles ayant besoin d’un soutien médical ou psychologique spécial;
4.4. de lancer une nouvelle mission de secours de l'Union européenne;
4.5. de mener une action unifiée, conformément à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197), pour faire cesser la traite des êtres humains et combattre le trafic d’individus, en coopération avec d’autres organisations internationales;
4.6. de respecter les dispositions des conventions internationales, en particulier la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes, ainsi que le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée;
4.7. de respecter le principe de non-refoulement, notamment dans le contexte d’opérations de sauvetage conjoint, où l’interdiction du refoulement ne saurait être collectivement éludée, en vertu des obligations découlant de la législation concernant les réfugiés et de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5);
4.8. de contribuer, pour les pays concernés, à la mise en œuvre du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, et du Pacte mondial sur les réfugiés, des Nations Unies;
4.9. d’appuyer toutes les propositions visant à mettre en œuvre une relocalisation plus efficace, et de partager ainsi les responsabilités pour la gestion des migrations sur la base d’une solidarité fiable et efficace;
4.10. de saluer l’accord conclu à Malte par les ministres de l’Intérieur de l’Allemagne, de la Finlande, de la France, de l’Italie et de Malte, le 23 septembre 2019, en espérant vivement que le plus d’États membres de l’Union européenne possible s’y associeront;
4.11. de veiller à ce que ces initiatives soient prises dans le plein respect des principes énoncés par l’Assemblée dans ses précédentes résolutions et recommandations, ainsi que par d’autres instances du Conseil de l’Europe, en particulier la Commissaire aux droits de l’homme dans sa recommandation de juin 2019 intitulée «Combler le manque de protection des réfugiés et des migrants en Méditerranée»;
4.12. de s’assurer en outre que toute mesure prise est conforme aux normes et aux principes proposés par les partenaires internationaux, notamment la proposition conjointe de 2018 du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de l’Organisation internationale pour les migrations, en faveur d’un mécanisme de débarquement régional;
4.13. d’autoriser les organisations non gouvernementales, comme indiqué dans des textes antérieurs de l’Assemblée, à effectuer leurs missions de sauvetage en Méditerranée, en reconnaissant leur capacité à organiser rapidement les secours, et en s’abstenant de stigmatiser les travaux des ONG;
4.14. en particulier, de faire en sorte que les capitaines de tous les navires secourant les migrants et les réfugiés en Méditerranée puissent les débarquer dans le premier port sûr (comme prévu par la loi maritime internationale) et que, une fois secourus en mer, les migrants soient amenés dans des lieux d’accueil sûrs qui répondent à leurs besoins essentiels: des conditions de vie décentes, le respect de leur droit de demander l’asile et des procédures en la matière appliquées de manière efficace. Une attention particulière devrait être apportée aux soins et aux conditions d’accueil des enfants, ainsi qu’à un soutien et à des informations adaptés aux enfants;
4.15. d’augmenter les voies régulières et légales vers l’Europe par le biais de programmes de réinstallation, de visas humanitaires et de procédures plus rapides de regroupement familial, entre autres, afin que ces personnes aient recours à ces possibilités plutôt que de s’embarquer dans une traversée irrégulière et mortelle de la Méditerranée;
4.16. de réexaminer la formation, le financement, l’équipement et le soutien logistique des garde-côtes libyens, fournis par l’Union européenne et par ses États membres. Une condition préalable à toute coopération devrait être la pleine application des normes des droits de l’homme énoncées par le Conseil de l'Europe et d’autres institutions européennes et internationales, ainsi que le plein respect de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et des traités connexes des Nations Unies.
5. L’Assemblée exhorte également l’Union européenne à accélérer ses travaux concernant la révision du Règlement de Dublin, ainsi que l’accord et les normes concernant les pays tiers sûrs, sans mettre indûment l’accent sur l’externalisation du traitement des demandes d’asile. Elle recommande que les futures présidences de l’Union européenne accordent une priorité plus grande aux efforts visant à mettre un terme aux morts évitables en Méditerranée et qu’elles tirent parti des débats positifs en cours parmi les États membres qui souhaitent partager la responsabilité de l’accueil et de l’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile, afin de garantir un partage égal de la responsabilité entre les États membres.