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Rapport | Doc. 15205 | 06 janvier 2021

Restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteure : Mme Alexandra LOUIS, France, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau. Renvoi 4394 du 29 juin 2018. 2021 - Première partie de session

Résumé

Plus de deux ans après la Résolution 2226 (2018) de l'Assemblée parlementaire, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme observe avec préoccupation que l’espace dévolu à la société civile continue à se rétrécir dans plusieurs États membres du Conseil de l'Europe. Les lois restrictives critiquées par le Conseil de l’Europe – notamment celles concernant l’accès aux fonds de l’étranger – continuent à être appliquées. Certaines ONG font l’objet de campagnes de dénigrement et de nouveaux obstacles au travail des ONG résultent des mesures restrictives liées à la pandémie de covid-19.

Malgré cela, la commission salue les bonnes pratiques de certains États adoptées pour assurer un environnement propice aux activités de la société civile ainsi que les modifications législatives adoptées conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe. Elle se félicite également des dernières évolutions au sein de l’Organisation visant à assurer une meilleure participation des ONG à ses travaux.

La commission appelle les États membres à respecter les normes du droit international en matière des droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression ainsi que les recommandations pertinentes du Conseil de l’Europe, dont celles incluses dans le «Rapport sur le financement des associations» de la Commission de Venise. Les États devraient abroger les lois qui n’y sont pas conformes, s’abstenir d’en adopter de nouvelles de ce type et ne pas harceler les ONG.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 8 décembre 2020.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2226 (2018) et sa Recommandation 2134 (2018) «Nouvelles restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe», sa Résolution 2096 (2016) et sa Recommandation 2086 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?», ses précédentes Résolutions 1660 (2009), 1891 (2012), 2095 (2016) et 2225 (2018) et ses Recommandations 2085 (2016) et 2133 (2018) sur la situation des défenseurs des droits de l'homme dans les États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que ses Résolutions 2300 (2019), 2060 (2015), 1729 (2010) et ses Recommandations 2162 (2019), 2073 (2015) et 1916 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte».
2. L’Assemblée rappelle que les organisations non gouvernementales (ONG) sont une composante essentielle d’une société civile ouverte et démocratique, et contribuent de manière fondamentale au développement et à la réalisation de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Pour assurer le bon fonctionnement de la société civile, les États membres du Conseil de l’Europe sont tenus de garantir notamment le respect des droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression, énoncés aux articles 11 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»), qui sont inextricablement liés et ne peuvent être limités que pour des motifs prévus par la Convention.
3. L’Assemblée rappelle également que le Conseil de l'Europe dispose d’une grande expérience dans l’élaboration de lignes directrices sur la législation relative aux ONG, qui sont contenues notamment dans la Recommandation CM/Rec(2007)14 sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe et les «Lignes directrices conjointes sur la liberté d'association» de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) du 17 décembre 2014. Elle salue l’adoption par le Comité des Ministres de la Recommandation CM/Rec(2018)11 sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l’espace dévolu à la société civile en Europe ainsi que de sa déclaration adoptée à Helsinki le 17 mai 2019 sur ce sujet.
4. Plus de deux ans après sa Résolution 2226 (2018), l'Assemblée observe avec préoccupation que l’espace dévolu à la société civile continue à se rétrécir dans plusieurs États membres du Conseil de l'Europe, surtout pour des ONG qui œuvrent dans le domaine des droits de l’homme. La législation et la réglementation restrictives critiquées auparavant par des organes et des instances du Conseil de l’Europe, dont la Commission de Venise, le Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales et l’Assemblée elle-même, continuent à être appliquées, notamment en Azerbaïdjan, en Fédération de Russie et en Turquie. De plus, certaines ONG font l’objet de campagnes de dénigrement et leurs militants – de menaces et de représailles.
5. L’Assemblée s’inquiète du fait que dans certains États membres les législations imposant aux ONG recevant des fonds de l’étranger des obligations excessives de rapports et de publication et visant à stigmatiser ces ONG n’ont pas été abrogées, malgré les critiques exprimées par des organes et des instances du Conseil de l’Europe. Elle est d’autant plus préoccupée que certains autres États membres ont préparé des propositions de lois s’inspirant apparemment de ces législations. A cet égard, l’Assemblée rappelle que la capacité de solliciter, d’obtenir et d’utiliser des ressources financières et matérielles est essentielle à l’existence et au fonctionnement de toute association et constitue un élément à part entière du droit à la liberté d’association, comme cela a été souligné dans le rapport de la Commission de Venise sur le financement des associations de mars 2019. En imposant aux ONG des obligations pour cause de lutte contre le terrorisme ou le blanchiment d’argent ou pour cause de prévention des influences politiques étrangères, les États doivent faire une distinction entre les «obligations de rapports» et les «obligations de publication» et s’assurer que toute exigence en matière d’information et de transparence soit proportionnée à la taille de l’association et à l’étendue de ses activités.
6. Se référant à sa Résolution 2356 (2020) «Droits et obligations des ONG venant en aide aux réfugiés et aux migrants en Europe», l’Assemblée condamne les différentes attaques contre des ONG qui viennent en aide aux réfugiés et aux migrants et leurs donateurs. Elle réitère son inquiétude quant aux nouvelles réglementations qui durcissent les conditions de travail de ces ONG et criminalisent certaines activités de leurs membres.
7. Se référant à sa Résolution 2338 (2020) «Les conséquences de la pandémie de covid-19 sur les droits de l’homme et l’État de droit», l’Assemblée s’inquiète de l’impact de mesures restrictives adoptées par les États membres du Conseil de l’Europe en cette période et souligne qu’elles ont un effet néfaste sur le fonctionnement de la société civile. Elle souligne que même si, conformément à la Convention, la santé publique peut constituer un but légitime permettant de restreindre les droits au respect de la vie privée (article 8), à la liberté d’expression (article 10) et à la liberté de réunion et d’association (article 11), toute restriction des droits susmentionnés doit être «prévue par la loi», «nécessaire dans une société démocratique» et proportionnée au but légitime poursuivi.
8. Malgré les évolutions négatives susmentionnées, l’Assemblée salue le fait que certains États membres aient amendé leur législation concernant les ONG conformément aux recommandations des organes et instances du Conseil de l’Europe. De plus, il existe, dans la plupart des États membres, un environnement propice aux activités de la société civile et les autorités ont pris des mesures afin d’assurer un financement équitable des ONG et leur participation accrue dans le processus législatif et le débat public.
9. Par conséquent, l’Assemblée exhorte tous les États membres:
9.1. à respecter les normes du droit international en matière des droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression;
9.2. à mettre pleinement en œuvre la Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe ainsi que sa Recommandation CM/Rec(2018)11 sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l’espace dévolu à la société civile en Europe;
9.3. à mettre pleinement et rapidement en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme concernant des violations du droit à la liberté d’association des ONG;
9.4. à abroger et/ou modifier les lois qui entravent le travail libre et indépendant des ONG et à veiller à ce que ces lois soient conformes aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment aux articles 8, 10 et 11 de la Convention;
9.5. à s’abstenir d’adopter de nouvelles lois qui se traduiraient par des restrictions non-nécessaires et disproportionnées des activités des ONG; dans ce contexte, la pandémie de covid-19 ne devrait pas justifier que de telles restrictions soient imposées;
9.6. à faire appel, le cas échéant, à l’expertise du Conseil de l'Europe et en particulier de la Commission de Venise et de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales et de son Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG;
9.7. à faire en sorte que les ONG puissent solliciter, recevoir et utiliser des ressources financières et matérielles, d’origine nationale ou étrangère, sans subir de discrimination ni rencontrer d’obstacles injustifiés, conformément aux recommandations contenues dans le «Rapport sur le financement des associations» de la Commission de Venise;
9.8. à assurer une protection juridique effective des ONG, et notamment, en cas de litige avec les autorités, un contrôle judiciaire conforme aux garanties résultant du droit à un procès équitable (article 6 de la Convention);
9.9. à veiller à ce que les ONG participent véritablement aux processus de consultation portant sur les nouvelles lois qui les concernent et sur d’autres questions importantes ainsi qu’aux débats publics pertinents;
9.10. à garantir un espace dévolu à la société civile, notamment en s’abstenant de tout harcèlement (judiciaire, administratif ou fiscal), de propos publics négatifs, de campagnes de dénigrement contre les ONG et d’actes d’intimidation contre les militants de la société civile.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté par la commission le 8 décembre 2020.

(open)
1. Se référant à sa Résolution … (2021) «Restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe», l’Assemblée parlementaire recommande au Comité des Ministres:
1.1. de pleinement mettre en œuvre sa décision sur «la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l’espace dévolu à la société civile en Europe», adoptée lors de sa 129e session à Helsinki le 17 mai 2019;
1.2. d’appeler les États membres à mettre en œuvre ses Recommandations CM/Rec(2007)14 sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe et CM/Rec(2018)11 sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l’espace dévolu à la société civile en Europe;
1.3. de dresser le bilan des progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces deux recommandations;
1.4. d’organiser des échanges réguliers avec des ONG œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme et de faciliter à ces organisations l’accès aux informations concernant les travaux du Conseil de l’Europe et aux événements qu’il organise;
1.5. de continuer à renforcer les synergies, au sein du Conseil de l'Europe, entre tous les acteurs concernés, en particulier la Secrétaire Générale, la Commissaire aux droits de l’homme, la Conférence des organisations internationales non gouvernementales, l’Assemblée et, le cas échéant, les organes d’experts compétents, ainsi que de créer un groupe de travail composé de représentants de ces entités;
1.6. de donner priorité aux arrêts révélant des problèmes systémiques concernant le respect des droits et libertés des ONG garantis par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, la Convention), lors de l’accomplissement de ses fonctions de surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme;
1.7. de créer un mécanisme permettant de recevoir des alertes sur de nouvelles restrictions éventuelles du droit à la liberté d’association et d’autres droits et libertés des ONG garantis par la Convention dans les États membres, d’analyser ces informations et d’y réagir;
1.8. de continuer à promouvoir les normes européennes et internationales concernant la protection de l’espace dévolu à la société civile et à échanger les bonnes pratiques dans ce domaine, notamment en coopération avec d’autres organisations internationales comme l’Organisation des Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et l’Union européenne.

C. Exposé des motifs par Mme Alexandre Louis, rapporteure

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure

1. Dans sa Résolution 2226 (2018) «Nouvelles restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe», adoptée le 27 juin 2018, l’Assemblée parlementaire, «consciente du rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile dans de nombreux États membres du Conseil de l'Europe», a décidé de «rester saisie de cette question». Le 29 juin 2018, cette question a été renvoyée pour rapport à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (la commission). Lors de sa réunion du 10 septembre 2018, la commission a nommé rapporteure Mme Olena Sotnyk (Ukraine, ADLE). Suite à son départ de l’Assemblée, elle a été remplacée par Lord Donald Anderson (Royaume-Uni, SOC) lors de la réunion du 15 novembre 2019. Ce dernier ayant quitté l’Assemblée en février 2020, la commission m’a nommée rapporteure lors de sa réunion du 29 juin 2020.
2. Lors de sa réunion du 13 décembre 2018, la commission a examiné la note introductive de Mme Sotnyk et l’a autorisée à tenir deux auditions avec des experts. Une première audition a eu lieu lors de la réunion de la commission du 4 mars 2019, avec la participation de:
  • Mme Krista Oinonen, Présidente du Groupe de rédaction Société civile et Institutions nationales des droits de l’homme (CDDH-INST, Conseil de l'Europe), Directrice de l'unité pour les tribunaux et les conventions relatifs aux droits de l'homme et agente du gouvernement finlandais devant la Cour européenne des droits de l'homme, Service juridique, ministère des Affaires étrangères de Finlande;
  • Mme Anna Rurka, Présidente de la Conférence des Organisations internationales non gouvernementales (OING) du Conseil de l'Europe;
  • Mme Eszter Hartay, Conseillère juridique, Centre européen du droit des organisations à but non lucratif (ECNL).
3. La commission a également accepté la demande de la rapporteure d’effectuer une visite d’information en Hongrie, mais cette visite n’a pas eu lieu en raison du départ de l’Assemblée de Mme Sotnyk et de son successeur et ensuite en raison des restrictions imposées à cause de la pandémie de covid-19. Lors de sa réunion du 9 novembre 2020, la commission a tenu une deuxième audition sur ce sujet avec la participation de:
  • M. Jeremy McBride, avocat, Président du Conseil d'experts sur le droit en matière d'ONG, Conférence des OING;
  • Mme Waltraud Heller, responsable de programme – Société civile, coopération institutionnelle et réseaux, Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, Autriche;
  • M. Martin Kuijer, membre de la Commission de Venise pour les Pays-Bas.

1.2. Questions en jeu

4. Les ONG sont une composante essentielle d’une société civile ouverte et démocratique, et contribuent de manière fondamentale au développement et la réalisation de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Les États membres du Conseil de l’Europe sont tenus de garantir le respect des libertés de réunion, d’association et d’expression, énoncées aux articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, la Convention), qui sont inextricablement liées et ne peuvent être limitées que pour des motifs prévus par la Convention. Le Conseil de l'Europe dispose d’une grande expérience dans l’élaboration de lignes directrices sur la législation relative aux ONG, puisqu’il a rédigé notamment la Recommandation CM/Rec(2007)14 sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe et les «Lignes directrices conjointes sur la liberté d'association» de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) du 17 décembre 2014.
5. En avril 2017, le précédent Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe, M. Nils Muižnieks, a observé «une nette tendance à la régression en matière de liberté d’association dans plusieurs pays européens, qui affecte notamment les organisations et les défenseurs des droits de l’homme» 
			(3) 
			Commissaire aux droits
de l’homme, carnet des droits de l’homme du 4 avril 2017, «La marge
de liberté des organisations de défense des droits de l’homme s’amenuise».. Des conclusions similaires figurent dans le rapport du précédent Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, M. Thorbjørn Jagland, intitulé «Situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit. Rôle des institutions. Menaces aux institutions» publié en mai 2018. Selon le Secrétaire Général, «dans un nombre croissant d’États, l’espace dévolu à la société civile se rétrécit et des manifestations publiques pacifiques sont considérées et traitées comme dangereuses» 
			(4) 
			Voir
p. 5 du rapport, ainsi que pp. 55-61.. Le Comité des Ministres, dans sa déclaration adoptée à Helsinki le 17 mai 2019 pendant sa 129e session, ainsi que l’actuelle Secrétaire Générale de l’Organisation, Marija Pejčinović Burić, dans son rapport annuel «Multilatéralisme en 2020 », publié en juin 2020 
			(5) 
			Voir p. 16 du rapport., ont réitéré ces inquiétudes. La question du rétrécissement de l’espace de la société civile et de son impact sur les jeunes et leurs organisations a également été examinée lors d’une réunion consultative organisée par le Conseil consultatif pour la jeunesse (CCJ) du Conseil de l'Europe en novembre 2018 
			(6) 
			Les
7 et 8 novembre 2018, voir le <a href='https://www.coe.int/fr/web/ingo/newsroom/-/asset_publisher/BR9aikJBXnwX/content/shrinking-space-for-civil-society-its-impact-on-young-people-and-their-organisatio-1?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Fen%2Fweb%2Fingo%2Fnewsroom%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_BR9aikJBXnwX%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-4%26p_p_col_count%3D1'>communiqué
de presse</a> de la Conférence des OING..
6. La question des restrictions inappropriées des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe a déjà fait l’objet de deux rapports de notre collègue M. Yves Cruchten (Luxembourg, SOC), en décembre 2015 et mai 2018 
			(7) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/files/22310'>Doc. 13940</a> du 8 janvier 2016 et <a href='https://pace.coe.int/fr/files/24801'>Doc. 14570</a> du 7 juin 2018.. Sur la base de ces deux rapports, l’Assemblée a adopté la Résolution 2096 (2016) et la Recommandation 2086 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?» le 28 janvier 2016, puis la Résolution 2226 (2018) et la Recommandation 2134 (2018) «Nouvelles restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe» le 27 juin 2018.
7. Dans sa Résolution 2226 (2018), l’Assemblée observait avec préoccupation que l’espace dévolu à la société civile s’était rétréci ces dernières années dans plusieurs États membres, principalement sous l’effet de lois restrictives en matière d’enregistrement ou de financement, d’un harcèlement administratif, de campagnes de dénigrement visant certains groupes, et de menaces et d’intimidations contre des dirigeants d’ONG et des militants. Elle appelait l’Azerbaïdjan, la Fédération de Russie, la Hongrie et la Turquie à abroger les lois restrictives et à se conformer aux recommandations formulées dans les avis pertinents de la Commission de Venise. Elle invitait par ailleurs la Roumanie et l’Ukraine à rejeter les projets de loi proposés visant à imposer aux ONG de nouvelles obligations de déclaration financière. La Recommandation 2134 (2018) contient un certain nombre de propositions de mesures concrètes que le Conseil de l'Europe pourrait prendre pour renforcer son dialogue avec les ONG et promouvoir la coopération avec elles. Elle exhorte le Comité des Ministres à créer un mécanisme permettant de recevoir des alertes et d’y réagir en cas de nouvelles restrictions des activités des ONG, et à adopter des lignes directrices sur le financement étranger d’ONG, sur la base d’une étude en cours de finalisation par la Commission de Venise. Le Comité des Ministres a répondu à cette Recommandation en janvier 2019 et a annoncé que le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) examinerait l’opportunité et la faisabilité d’un «mécanisme d’alerte» 
			(8) 
			Réponse à la <a href='https://pace.coe.int/fr/files/24944'>Recommandation
2134 (2018)</a>, <a href='https://pace.coe.int/fr/files/25259'>Doc. 14798</a> du 17 janvier 2019, paragraphe 6. .
8. Dans le même temps, depuis 2006, l’Assemblée et cette commission travaillent sur un sujet connexe, à savoir la situation des défenseurs des droits de l’homme. Le dernier rapport sur ce sujet – celui de M. Egidijus Vareikis (Lituanie, PPE/DC) – a fait l’objet d’un débat à l’Assemblée le 26 juin 2018 
			(9) 
			L’Assemblée
a adopté la <a href='https://pace.coe.int/fr/files/24932'>Résolution 2225
(2018)</a> et la <a href='https://pace.coe.int/fr/files/24933'>Recommandation 2133
(2018)</a> au terme de ce débat. et a rapporté des cas individuels de persécution, principalement en Azerbaïdjan, en Fédération de Russie, en Grèce, en République de Moldova, en Serbie et en Turquie. Par la suite, la commission a décidé de créer une fonction de rapporteur général sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, que j’ai l’honneur d’assumer depuis le 30 janvier 2020, suite au départ de l’Assemblée du premier rapporteur général, M. Raphaël Comte (Suisse, ADLE).

2. Récents travaux du Conseil de l’Europe concernant la société civile

9. Le Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) du Conseil de l'Europe a été chargé de préparer un projet d’instrument non contraignant du Comité des Ministres et un guide de bonnes pratiques nationales visant à promouvoir et à protéger l’espace de la société civile. En 2017, le Groupe de rédaction sur la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme (CDDH-INST) a établi un rapport intitulé «Analyse de l’impact des législations, politiques et pratiques nationales actuelles sur les activités des organisations de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des institutions nationales des droits de l’homme» 
			(10) 
			CDDH-INST(2017)R87.. Il a constaté l’existence de plusieurs problèmes, dont l’adoption de nouvelles lois limitant les libertés fondamentales, une approche restrictive des États envers les libertés d’association, de réunion et d’expression, des coupes budgétaires affectant les ONG, des attaques verbales ou des agressions physiques envers les défenseurs des droits de l’homme. Selon le CDDH-INST, l’existence d’un espace dévolu à la société civile n’est pas seulement une question de mise en œuvre des lois: souvent les États omettent de reconnaître le rôle des ONG dans une société démocratique. À la suite de l’approbation dudit document par le Comité des Ministres, un questionnaire a été envoyé aux États membres afin de préparer une compilation bonnes pratiques. Sur la base des réponses reçues, le CDDH-INST a préparé deux documents sur la protection et la promotion de l’espace dévolu à la société civile: un document de synthèse et une compilation des mesures et pratiques en place dans les États membres 
			(11) 
			<a href='about:blank'>CDDH(2018)R4add</a>, 24 septembre 2018..
10. Le CDDH-INST a également élaboré un projet de recommandation sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l’espace dévolu à la société civile en Europe 
			(12) 
			CDDH(2018)16.. Par la suite, le 28 novembre 2018, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation CM/Rec(2018)11 sur ce sujet. Il s’est montré préoccupé par les cas de représailles contre les défenseurs des droits de l’homme et la «réduction de l'espace dévolu à la société civile résultant, notamment, des lois et politiques restrictives et des mesures d'austérité prises récemment par les États membres». Il a également exprimé «la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l'espace dévolu à la société civile en Europe» et a recommandé aux gouvernements des États membres de «garantir que les lois et les pratiques nationales pertinentes soient conformes aux principes énoncés dans l'annexe à cette recommandation, et d’évaluer l'efficacité des mesures prises». Le Comité des Ministres examinera la mise en œuvre de la recommandation cinq ans après son adoption.
11. Le renforcement du rôle et de la participation de la société civile dans les travaux du Conseil de l’Europe a été souligné dans la décision du Comité des Ministres adoptée à sa 129e session à Helsinki le 17 mai 2019. La Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe travaille actuellement sur les mesures concrètes visant à mettre en œuvre cette décision 
			(13) 
			Voir «Multilatéralisme
en 2020», pp. 14-17.. La Conférence des OING encourage le Comité des Ministres à réaliser une évaluation de la mise en œuvre de la Recommandation CM/Rec(2007)14.
12. A plusieurs reprises la Commission de Venise s’est prononcée sur des projets de lois ou des législations affectant les droits fondamentaux et les libertés des ONG 
			(14) 
			Voir notamment la dernière
compilation de ses avis de 2019, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-PI(2019)007-e'>CDL-PI(2019)007</a> (en anglais uniquement).. De plus, la question du financement, notamment étranger, des ONG a été examinée en détail dans son «Rapport sur le financement des associations» de mars 2019 
			(15) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdf=CDL-AD(2019)002-e&lang=fr'>CDL-AD(2019)002</a>, étude no 895/2017, 18 mars
2019 (en anglais uniquement).. La Commission de Venise y élabore des recommandations détaillées concernant la formulation par les États de limitations du droit des associations à rechercher des ressources financières et matérielles. Elle y rappelle que la capacité de solliciter, d’obtenir et d’utiliser des ressources est essentielle à l’existence et au fonctionnement de toute association et constitue un élément à part entière du droit à la liberté d’association 
			(16) 
			Ibidem, paragraphe
126.. Ce droit peut être restreint dans les trois conditions prévues au paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention 
			(17) 
			Ibidem, paragraphe
137., notamment lorsqu’il s’agit d‘exigences en matière d’information et de transparence pour cause de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent ou lorsqu’il faut protéger l’État et ses citoyens contre des ingérences des États étrangers. La Commission de Venise fait une distinction entre les «obligations de rapports» (consistant à informer les autorités sur le financement des ONG) et les «obligations de publication» (consistant à soumettre ces informations au grand public). Ainsi, la lutte contre le terrorisme ou le blanchiment d’argent peut justifier des obligations de rapports, mais les obligations de publication ne sont pas appropriées à cette fin. Ces dernières peuvent être, par contre, utiles pour assurer la transparence dans les activités de lobbying politique. Toute ingérence dans le droit des associations de rechercher des ressources doit remplir les critères de nécessité et de proportionnalité. Ainsi, des exigences en matière d’information et de transparence ne doivent pas représenter une «charge excessive» et doivent être proportionnées à la taille de l’association et à l’étendue de ses activités 
			(18) 
			Ibidem, paragraphe
139.. Les restrictions à la liberté d’association ne peuvent être considérées comme poursuivant des objectifs légitimes que si elles visent un danger réel, et non hypothétique, et doivent utiliser le moyen le moins intrusif. Quant aux sanctions imposées aux associations en cas de manquement aux obligations découlant de la législation sur le financement étranger, elles devraient aussi être proportionnées. La dissolution ne saurait être prononcée pour un simple manquement à ces obligations, mais uniquement en cas de «faute grave», comme le financement du terrorisme ou le blanchiment d’argent 
			(19) 
			Ibidem,
paragraphes 146-149..
13. La Commission de Venise souligne également qu’il peut y avoir un problème de discrimination, lorsque des ONG qui se trouvent dans une situation similaire sont soumises, sans justification objective et raisonnable, à des règles différentes en matière de financement (par exemple en cas de campagnes virulentes contre les associations recevant un financement étranger). Elle met l’accent sur l’importance de recours juridiques effectifs pour permettre aux associations de contester les décisions affectant l’exercice de leurs droits, dont le droit de rechercher, de recevoir et d’utiliser des ressources de toutes les sources disponibles ou de demander la révision de ces décisions devant un tribunal indépendant et impartial 
			(20) 
			Ibidem, paragraphes
149 et 150..
14. Quant à la thématique des ONG œuvrant pour les droits des réfugiés et des autres migrants, en mai 2020, le Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe a établi les «Grandes lignes sur la protection du travail des ONG en faveur des réfugiés et autres migrants» (CONF/EXP(2020)3); elles complètent une étude du Conseil d'experts de décembre 2019 sur l’utilisation du droit pénal pour restreindre les activités de ces ONG (CONF/EXP(2019)1). Selon ces lignes directrices, les lois, les politiques et les pratiques nationales ne devraient pas prévoir certaines interdictions envers ces ONG (par exemple, une interdiction d’aider les réfugiés et les autres migrants, de surveiller leur traitement, de collecter des fonds, de déposer des recours ou d’engager des actions en justice) et devraient notamment protéger les ONG, leurs membres et leur personnel contre toute forme de harcèlement, d’intimidation ou d’agression physique. De plus, le 7 septembre 2020, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l’Assemblée a adopté un rapport intitulé «Droits et obligations des ONG venant en aide aux réfugiés et aux migrants en Europe» 
			(21) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/files/28717'>Doc.15161</a> rapporteur: M. Domagoj Hajduković (Croatie, SOC). Voir
également mon avis sur ce rapport, <a href='https://pace.coe.int/fr/files/28777'>Doc. 15174</a>. qui examine la situation des ONG qui viennent en aide aux réfugiés et aux migrants et met en évidence les différentes attaques contre ces ONG et leurs donateurs.

3. Restrictions aux activités des ONG

3.1. Remarques générales

15. D’après des études réalisées par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) (dont le mandat géographique couvre actuellement les 27 États membres de l’Union européenne ainsi que la Macédoine du Nord et la Serbie), plusieurs problèmes entravent aujourd’hui les activités de la société civile: des changements juridiques qui ont un effet négatif, ou une mauvaise mise en œuvre de la législation; des obstacles pour accéder aux ressources financières et assurer leur pérennité; des difficultés pour avoir accès aux décideurs et contribuer à l’élaboration des lois et des politiques; des agressions et des actes de harcèlement contre les défenseurs des droits de l’homme, y compris des propos négatifs visant à délégitimer et stigmatiser les ONG 
			(22) 
			FRA, <a href='about:blank'>«Challenges facing civil society organisations
working on human rights in the EU</a>», rapport, janvier 2018, pp. 7-13; et <a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2020/civic-space-experiences'>Civic
space – experiences of organisations in 2019. Second Consultation</a>, 2020 (anglais uniquement).. En ce qui concerne les restrictions aux activités des ONG résultant du cadre juridique, elles peuvent être intentionnelles (souvent adoptées de manière délibérée en violation des normes du droit international) ou non-intentionnelles (résultant d’une mauvaise législation). Elles ont, dans tous les cas, un effet dissuasif sur le fonctionnement de la société civile et il semble qu’elles suivent des modèles qui se répètent dans plusieurs pays; par exemple, plusieurs États les imposent par le biais de lois affectant directement les droits à la liberté de réunion et d’association ou de lois régissant d’autres questions comme les impôts, le statut des organisations d’utilité publique, la protection des données, la transparence ou le lobbying. Elles s’inscrivent très souvent dans un contexte général d’actes intimidation contre les défenseurs des droits humains, des journalistes, des syndicats et des institutions nationales de protection des droits de l’homme.
16. Vu l’ampleur de cette problématique et les travaux de mon prédécesseur, je me focaliserai uniquement sur les problèmes liés au cadre juridique et son application. Le dernier rapport de M. Cruchten faisait le point sur l’évolution de la situation de la société civile dans les États membres du Conseil de l'Europe entre fin 2015 et mai 2018. Il portait essentiellement sur la situation de la société civile en Fédération de Russie, en Azerbaïdjan, en Turquie et en Hongrie, et dans une moindre mesure en Roumanie et en Ukraine. Cependant, dans certains autres États membres les activités des ONG ont été soumises à de nouvelles restrictions ou des réformes à cette fin sont en cours.

3.2. Exemples de restrictions

17. En ce qui concerne la Fédération de Russie, des préoccupations ont été exprimées au sujet de la mise en œuvre de la loi controversée du 4 juin 2014 (amendant la loi sur les organisations non-commerciales no 121-FZ du 20 juillet 2012), qui contraint les ONG recevant des dons étrangers à s’enregistrer comme «agents étrangers», et de la loi du 23 mai 2015 sur les «organisations indésirables» (loi no 129-FZ amendant la loi no 272, qui a été amendée ensuite le 27 décembre 2018), qui a entraîné la fermeture de certaines organisations donatrices internationales. Au moment de l’adoption du rapport de M. Cruchten, 79 ONG étaient inscrites dans le registre des «agents étrangers» et 14 dans celui des «organisations indésirables» 
			(23) 
			Paragraphes 8 et 9
du rapport.. A ce jour, le site du ministère de la Justice ne contient plus d’informations sur les ONG inscrites comme «agents étrangers» et le nombre d’«organisations indésirables» est de 29 (dont les organisations European Endowment for Democracy, fondée par l’Union européenne et ses États membres pour promouvoir la démocratie auprès de ses voisins de l’Europe de l’Est, et Ukrainian World Congress, agissant pour les droits de la diaspora ukrainienne, qui y ont été incluses au cours des derniers mois) 
			(24) 
			Au 20 octobre 2020, <a href='https://minjust.gov.ru/ru/documents/7756/'>https://minjust.gov.ru/ru/documents/7756/.</a>.
18. La législation sur les «agents étrangers» et les «organisations indésirables» continue à être invoquée contre les ONG, notamment les ONG de défense des droits humains, et leurs membres font également l’objet de poursuites pénales. En 2019, le ministère de la Justice a ouvert des procédures administratives contre plusieurs ONG accusées de violations de la loi relative aux «agents étrangers». Par conséquent, plusieurs organisations très réputées, dont le Centre russe Mémorial de défense des droits humains et la Société internationale d’histoire et de défense des droits humains Mémorial international, ont été condamnées à de lourdes amendes 
			(25) 
			Amnesty International, <a href='https://www.amnesty.org/fr/countries/europe-and-central-asia/russian-federation/report-russian-federation/'>Russie
2019</a>.. Selon les autorités, ces sanctions ont été appliquées car Memorial est financé par les États-Unis, mène des activités politiques et refuse de s’enregistrer en tant qu’«agent étranger». En octobre 2019, le ministre de la Justice a demandé à la Cour suprême de dissoudre le Mouvement des droits humains, une organisation qui chapeaute des organisations régionales de défense des droits humains et qui est dirigée par le militant vétéran Lev Ponomarev; selon les autorités, elle n’aurait pas respecté certains engagements résultant de ses propres statuts 
			(26) 
			Voir la déclaration
de la Commissaire aux droits de l’homme du 16 octobre 2019, <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/country-monitoring/russian-federation?p_p_id=101_INSTANCE_B0bLQuQxf9V7&p_p_lifecycle=0&p_p_state=normal&p_p_mode=view&p_p_col_id=column-1&p_p_col_pos=1&p_p_col_count=2&_101_INSTANCE_B0bLQuQxf9V7_delta=10&_101_INSTANCE_B0bLQuQxf9V7_keywords=&_101_INSTANCE_B0bLQuQxf9V7_advancedSearch=false&_101_INSTANCE_B0bLQuQxf9V7_andOperator=true&p_r_p_564233524_resetCur=false&_101_INSTANCE_B0bLQuQxf9V7_cur=1'>«The
Commissioner urges the authorities of the Russian Federation to
discontinue the liquidation proceedings against All-Russia Movement
for Human Rights»</a> (en anglais uniquement).. Cette organisation a été liquidée le 30 janvier 2020, mais ses employés ont par la suite crée une nouvelle organisation «le Mouvement pour les droits humains», sans personnalité juridique. En juillet 2020, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’est inquiétée de l’inculpation du défenseur des droits de l’homme Semyen Simonov dont l’ONG, le Centre méridional des droits humains, n’a pas payé une amende infligée sur la base de la loi sur les «agents étrangers» et a dû cesser ses activités 
			(27) 
			Déclaration
de la Commissaire aux droits de l’homme du 20 juillet 2020, La commissaire
demande aux autorités russes d’abandonner les poursuites contre
le défenseur des droits de l’homme Semyen Simonov.. Des procédures pénales ont également été engagées contre la militante Aleksandra Koroleva, dont l’organisation Ecodefence, basée à Kaliningrad, n’a pas payé des amendes qui lui avaient été infligées pour non-respect des obligations concernant les «agents étrangers» 
			(28) 
			<a href='https://www.hrw.org/news/2019/06/25/russia-environmentalist-faces-criminal-charges'>www.hrw.org/news/2019/06/25/russia-environmentalist-faces-criminal-charges.</a>. La requête portée devant la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) concernant l’application de la loi sur les «agents étrangers» a été communiquée aux autorités russes le 22 mars 2017 et est toujours pendante 
			(29) 
			Edodefence
et autres c. Russie (requête n° 9988/13) et 48 autres
requêtes..
19. En application de la législation sur les «organisations indésirables», tout contact avec ces organisations est considéré comme une infraction. Ainsi, plusieurs ONG russes ont dû acquitter de lourdes amendes sous prétexte qu’elles auraient eu des liens avec des «organisations indésirables». Par exemple, en avril 2019, l’ONG Veille écologique pour le Caucase du Nord, basée dans la région de Krasnodar, a été condamnée pour avoir partagé des liens vers des blogs publiés auparavant sur le site de l’organisation «indésirable» Russie ouverte. Dans l’ouest de la Sibérie, l’association Jeunes Journalistes de l’Altaï a été condamnée à une amende parce qu'elle avait laissé sur son site un lien hypertexte inactif vers une autre organisation «indésirable», l’Open Society Institute 
			(30) 
			Voir
note de bas page n° 29..
20. Les autorités russes soulignent que la législation sur les «agents étrangers» a été adoptée afin d’obliger des militants engagés dans des activités politiques à révéler leurs sources de financement étranger et qu’elle prévoit une procédure permettant de rayer du registre des «agents étrangers» des ONG qui cessent de mener des activités politiques ou recevoir des fonds étrangers. Les organisations incluses dans le registre des agents étrangers ne se voient pas interdire leurs activités. Une organisation étrangère ou internationale peut être considérée comme «indésirable» si elle interfère dans des élections, des référendums ou des campagnes électorales en Russie. Les modifications législatives controversées ont été adoptées afin de répondre aux tentatives d’autres États d’influencer la politique interne russe et afin d’assurer une meilleure transparence des activités des ONG russes, étrangères et internationales.
21. Le 2 décembre 2019, une nouvelle loi – la loi fédérale N 426-FZ «portant modification de la loi de la Fédération de Russie sur les médias de masse et la loi fédérale sur l'information, les technologies de l'information et la protection de l'information» – a été adoptée; elle permet de qualifier d’agent étranger toute personne qui diffuse des informations et autres contenus et reçoit des fonds de l’étranger 
			(31) 
			Voir la déclaration
de la Commissaire aux droits de l’homme du 21 novembre 2019, <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/commissioner-calls-on-the-state-duma-of-the-russian-federation-to-refrain-from-adopting-the-new-bill-on-foreign-agents'>La
Commissaire appelle la Douma de la Fédération de Russie à rejeter
le projet de loi sur les «agents étrangers»</a>.. De plus, le 10 novembre dernier, le gouvernement a déposé à la Douma une nouvelle proposition d’amendement de la législation sur les organisations non-commerciales concernant le registre des «agents étrangers». Elle prévoit de nouvelles obligations concernant les documents qui doivent être soumis au ministre de la Justice et élargit le catalogue des ONG qui peuvent être considérées comme «agents étrangers».
22. S’agissant de l’Azerbaïdjan, en octobre 2017 l’Assemblée avait évalué d’un œil critique la situation de ce pays dans ses Résolutions 2184 (2017) et 2185 (2017), du fait de représailles ayant visé de nombreux militants et d’une législation restrictive sur les ONG. Même si certaines règles ont été simplifiées, les ONG et leurs donateurs restent obligés d’obtenir l’autorisation des autorités et les procédures sont lourdes. Il semble que la situation des ONG indépendantes ne se soit pas améliorée depuis le rapport de M. Cruchten de juin 2018 
			(32) 
			Voir la communication
des ONG EHRAC et Amnesty International soumise au Comité des Ministres
dans le cadre de l’examen des affaires du groupe Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan; <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=09000016809e4fc2'>DH-DD(2020)405</a> du 7 mai 2020.; une initiative parlementaire visant à modifier le cadre législatif existant aurait été stoppée en raison des événements liés à la pandémie de covid-19.
23. Dans un groupe d’affaires qui concernent des militants de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme ayant fait l’objet de poursuites pénales, la Cour a jugé que ces poursuites étaient constitutives d’un détournement du droit pénal destiné à les sanctionner et à les réduire au silence (violations de l’article 18 combiné à l’article 5 de la Convention, ainsi qu’à l’article 8 dans une affaire) 
			(33) 
			Rasul Jafarov c. Azerbaïdjan, requête
no 69981/14, arrêt du 17 mars 2016; Ilgar Mammadov (no 2) c. Azerbaïdjan, requête no 919/15,
arrêt du 16 novembre 2017; Mammadli c. Azerbaïdjan, requête
no 47145/14, arrêt du 19 avril 2018; Rashad Hasanov et autres c. Azerbaïdjan, requête
no48653/13+, arrêt du 7 juin 2018; Aliyev c. Azerbaïdjan, requête no 68762/14+,
arrêt du 20 septembre 2018 et Natig Jafarov, requête
n° 64581/16, arrêt du 7 novembre 2019.. La Cour a observé qu’il existait «une troublante tendance marquée à l’arrestation et à la détention arbitraires de personnes critiques à l’égard du gouvernement, de militants de la société civile et de défenseurs des droits de l’homme au moyen de poursuites engagées en guise de représailles et d’un détournement du droit pénal au mépris de la prééminence du droit» 
			(34) 
			Aliyev c. Azerbaïdjan, voir ci-dessus,
paragraphe 223.. Ces arrêts ont également été examinés en détail dans le rapport de la commission sur les «cas signalés de prisonniers politiques en Azerbaïdjan» et la Résolution 2322 (2020) de l’Assemblée du 30 janvier 2020 
			(35) 
			Voir le rapport de
Mme Thorhildur Sunna Ævarsdottir (Islande,
SOC), <a href='https://pace.coe.int/fr/files/28320'>Doc. 15020</a> du 18 décembre 2019.. Le Comité des Ministres examine actuellement la mise en œuvre de ces arrêts 
			(36) 
			Pour le dernier examen
de ce groupe d’affaires, voir les notes sur l’ordre du jour de la
1377bis réunion, <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=09000016809f49e1'>CM/Notes/1377bis/H46-3</a>.; cependant les questions relatives au cadre législatif régissant l’enregistrement et le fonctionnement des ONG sont examinées dans le cadre d’un autre groupe d’affaires concernant des violations du droit à la liberté d’association (groupe d’affaires Ramazanova et autres c. Azerbaïdjan 
			(37) 
			Requête n° <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>44363/02</a>, arrêt du 1 février 2007. Voir la <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>description de ce groupe</a> d’affaires dans HUDOC-EXEC.).
24. En Turquie, depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016, plus de 1 400 associations et plus d’une centaine de fondations ont été définitivement dissoutes sur la base de décrets d’urgence, et leurs avoirs ont été confisqués 
			(38) 
			Le dernier rapport
de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de
l’homme et l’Association des droits de l’homme (une ONG turque),
confirme ces données et annonce la publication d’un rapport sur
la liberté d’association en Turquie encore cette année; «Turkey.
A Perpetual Emergency: Attacks on Freedom of Assembly in Turkey
and Repercussions for Civil Society», juillet 2020, p. 9. Selon
certaines sources, il se peut que les biens de certaines de ces
ONG aient été transférés aux ONG pro-gouvernementales.. Parmi les associations dissoutes figuraient des associations œuvrant pour la protection des droits de l’homme, des droits des femmes et des enfants, ainsi que des associations culturelles et luttant contre la pauvreté. D’après les autorités, ces mesures étaient nécessaires pour lutter contre des organisations terroristes telles que le FETŐ/FDY 
			(39) 
			Acronyme de «Organisation
terroriste güleniste/structure d’État parallèle», terme utilisé
dans les documents officiels turcs pour désigner le mouvement de
Fethullah Gülen. ou le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). Il convient de noter que les ONG dissoutes n’ont pas pu contester ces mesures devant un juge. Seule la création, en 2017, de la Commission d’enquête sur les mesures prises sous le régime d’urgence leur a offert une voie de recours; cependant, son indépendance et la transparence de ses travaux sont contestées par plusieurs acteurs de la société civile turque et ont été mises en cause par l’Assemblée. 
			(40) 
			Voir
la <a href='https://pace.coe.int/fr/files/24680'>Résolution
2209 (2018)</a> «État d’urgence: questions de proportionnalité relatives
à la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne
des droits de l’homme». L’état d’urgence a été levé le 18 juillet 2018, mais un grand nombre des mesures prises pendant l’état d’urgence sont toujours en vigueur 
			(41) 
			Amnesty International,
«Fin de l’état d’urgence. Il faut désormais prendre au plus vite
les mesures nécessaires pour redonner leur place aux droits humains»,
18 juillet 2018. et ont un effet dissuasif sur le travail de la société civile. Plusieurs dizaines de défenseurs des droits de l’homme font l’objet d’une enquête ou de poursuites pénales, et sont détenus par la police ou emprisonnés en raison de leur travail de défense des droits humains. En tant que rapporteure générale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, j’ai condamné les condamnations des dirigeants d’Amnesty International turque et d’autres militants dans le «procès de Büyükada» ainsi que les procédures pénales lancées contre Osman Kavala 
			(42) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/7805/la-rapporteure-generale-exprime-son-inquietude-face-a-la-nouvelle-arrestation-d-osman-kavala'>«La
rapporteure générale exprime son inquiétude face à la nouvelle arrestation
d'Osman Kavala</a>», 28 février 2020, <a href='https://pace.coe.int/fr/news/7889/covid-19-des-rapporteurs-demandent-la-liberation-immediate-d-osman-kavala-apres-la-decision-de-la-cour-de-strasbourg-'>«COVID-19:
des rapporteurs demandent la libération immédiate d'Osman Kavala
après la décision de la Cour de Strasbourg</a>», 13 mai 2020, déclaration faite conjointement avec
les corapporteurs de la commission de suivi et <a href='https://pace.coe.int/fr/news/7954/des-rapporteur-es-vivement-preoccupe-es-par-la-condamnation-de-quatre-defenseurs-des-droits-de-l-homme-en-turquie'>«Des rapporteur-es
vivement préoccupé-es par la condamnation de quatre défenseurs des
droits de l’homme en Turquie</a>», 9 juillet 2020, déclaration faite conjointement avec
les corapporteurs de la commission de suivi., figure de premier plan de la société civile, dont la détention provisoire a été jugée contraire à l’article 18 en conjonction avec l’article 5.1 de la Convention par la Cour 
			(43) 
			Kavala
c. Turquie, requête n° 28749/18, arrêt du 10 décembre
2019..
25. Lors de sa visite en Turquie en juillet 2019, la Commissaire aux droits de l’homme a exprimé ses inquiétudes à cet égard et a noté que les pressions contre la société civile prennent des formes variées comme le durcissement d’un cadre législatif et réglementaire déjà répressif, la fermeture d’organisations de la société civile sans décision de justice ni recours effectif, un discours politique toxique et des campagnes de dénigrement dans les médias pro-gouvernementaux, ainsi que de nombreuses procédures pénales lancées contre des défenseurs des droits de l'homme 
			(44) 
			Voir
sa déclaration du 8 juillet 2019, <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/turkey-needs-to-put-an-end-to-arbitrariness-in-the-judiciary-and-to-protect-human-rights-defenders'>«La
Turquie doit mettre fin à l’arbitraire dans le système judiciaire
et protéger les défenseurs des droits de l’homme»</a>, ainsi que son rapport produit suite à cette visite: <a href='https://rm.coe.int/report-on-the-visit-to-turkey-by-dunja-mijatovic-council-of-europe-com/168099823e'>«Report
Following Her Visit to Turkey from 1 to 5 July 2019</a>», CommDH(2020)1 (en anglais uniquement), 19 février
2020, paragraphes 126-166.. La Commissaire s’est également préoccupée d’un amendement de l’article 27 de la loi sur les associations, qui permet au Président de la République de déterminer de manière discrétionnaire quelles ONG sont d’utilité publique. De plus, en avril 2020, le Conseil sur le droit en matière d’ONG de la Conférence des OING a critiqué les amendements aux articles 23 et 32 de la loi sur les associations (introduits par la loi no 7226 publiée dans le Journal officiel du 26 mars 2020), qui obligent toute association à notifier aux autorités locales compétentes des données personnelles concernant leurs membres ainsi que tout changement concernant leur appartenance à l’association sous peine d’amende et les a jugé contraires aux articles 8 et 11 de la Convention 
			(45) 
			CONF/EXP(2020)2, <a href='about:blank'>«Opinion on the Compatibility
of Amendments to the Turkish Law on Associations with European Standards»</a>, avril 2020, paragraphes 39-40 (anglais uniquement).. Le 16 octobre 2020, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) de l’Assemblée a fermement condamné les nouvelles mesures de répression de l'opposition politique et de la dissidence civile ces derniers mois en Turquie et a demandé instamment aux autorités turques de «prendre des mesures significatives» pour améliorer les normes dans le domaine de la démocratie, de l'État de droit et des droits de l'homme. Elle a notamment critiqué les pressions indues continuelles exercées sur des défenseurs des droits de l’homme et d’autres militants de la société civile 
			(46) 
			Doc. 15171 «Nouvelle répression de l’opposition politique et de
la dissidence civile en Turquie: il est urgent de sauvegarder les
normes du Conseil de l’Europe», corapporteurs MM. Thomas Hammarberg
(Suède, SOC) et John Howell (Royaume-Uni, CE/AD).. Depuis 2018, le nombre d’ONG turques a baissé de 11 millions à 8 millions.
26. En ce qui concerne la Hongrie, les deux rapports de M. Cruchten de 2015 et 2018 faisaient état d’un certain nombre de problèmes, comme l’existence d’une «défiance générale et mutuelle entre les ONG et les autorités» et les campagnes de diffamation organisées dans les médias, notamment contre l’organisation Open Society Foundations, fondée par le financier milliardaire George Soros 
			(47) 
			Pour plus d’infos,
voir également les informations du Comité Helsinki hongrois: 
			(47) 
			<a href='https://www.helsinki.hu/en/timeline-of-governmental-attacks-against-ngos/'>www.helsinki.hu/en/timeline-of-governmental-attacks-against-ngos/#.</a>. Le 13 juin 2017, le Parlement hongrois a adopté une loi contraignant les ONG qui reçoivent des dons étrangers de 24 000 EUR ou plus à s’enregistrer comme organisations «financées par des capitaux étrangers» («loi sur la transparence des organisations recevant de l’aide de l’étranger») et prévoyant des sanctions pour le non-respect de cette obligation, malgré les critiques émises par plusieurs instances du Conseil de l’Europe 
			(48) 
			Voir notamment l’avis
de la Commission de Venise du 20 juin 2017, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2017)015-f'>CDL-AD(2017)015-f</a>, avis n° 889/2017.. Suite à une procédure d’infraction lancée par la Commission européenne, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée sur cette loi dans un arrêt (de Grande Chambre) du 18 juin 2020 (affaire C-78/18, Commission c. Hongrie). Dans le dispositif de cet arrêt, la CJUE a conclu qu’en adoptant la loi en question «la Hongrie a introduit des restrictions discriminatoires et injustifiées à l’égard des dons étrangers accordés aux organisations de la société civile», en violation des obligations qui lui incombent au titre de l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (qui interdit les restrictions aux mouvements des capitaux au sein de l’Union européenne et entre ses États membres et les pays tiers) ainsi que des articles 7, 8 et 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (qui consacrent respectivement les droits au respect de la vie privée et familiale, à la protection des données à caractère personnel et à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association).
27. Le 20 juin 2018, le Parlement hongrois a adopté la loi «Stop Soros», deux jours avant que la Commission de Venise, conjointement avec l’OSCE/BIDDH adopte un avis sur le projet de loi (le 22 juin 2018). Cette loi criminalise certaines activités d’ONG visant à aider les migrants en situation irrégulière et a été critiquée à ce titre par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH comme étant contraire aux articles 10 et 11 de la Convention 
			(49) 
			Avis n° 919/2018, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2018)013-f'>CDL-AD(2018)013</a> du 25 juin 2018.. Après l’adoption de la Résolution 2226 (2018) de l’Assemblée, le 20 juillet 2018, le Parlement hongrois a adopté une loi modifiant certaines lois fiscales et autres lois connexes, et relative à la taxe sur l’immigration. Cette loi impose une taxe de 25% sur les dons ou financements versés à tout groupe qui «soutient les migrations». À la demande de ma prédécesseure Mme Sotnyk, le 8 octobre 2018, la commission a saisi la Commission de Venise pour avis sur la compatibilité de l’article 263 de cette nouvelle loi avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme. La Commission de Venise, conjointement avec l’OSCE/BIDDH, a rendu son avis le 17 décembre 2018 et a conclu que les effets de cette loi constituent une restriction non-nécessaire et disproportionnée à la liberté des associations de déterminer leurs objectifs et activités et que, par conséquent, il s’agit d’une interférence disproportionnée à leur droit à la liberté d’association. La taxe sur l’immigration s’apparente également à une interférence non-justifiée dans le droit à la liberté d’expression des ONG, car elle limite leurs capacités à entreprendre des activités dans le domaine de la recherche, de l’éducation et du plaidoyer sur des questions liées au débat public 
			(50) 
			Avis n° 941/2018, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2018)035-e'>CDL-AD(2018)035</a> (en anglais) du 17 décembre 2018, paragraphe 78. . De plus, le 28 septembre 2018, l’ONG Open Society Foundations a déposé une requête auprès de la Cour pour contester les deux lois (c’est-à-dire celles de juin et juillet 2018) 
			(51) 
			<a href='https://www.opensocietyfoundations.org/litigation/open-society-institute-budapest-v-hungary'>www.opensocietyfoundations.org/litigation/open-society-institute-budapest-v-hungary..</a>.
28. Il semble certains autres États membres du Conseil de l’Europe envisagent d’adopter des législations visant à imposer des obligations de publication aux ONG recevant des fonds de l’étranger. En Ukraine, en septembre 2018, l’un des partis de la coalition au pouvoir – le Front populaire – et le président de l’époque Petro Porochenko avaient demandé le dépôt d’un projet de loi visant à enregistrer certains organes comme «des agents œuvrant sous l’influence d’un État agresseur»  
			(52) 
			Observatoire
pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, «Ukraine:
Adoption of a “Foreign Agents” law would threaten human rights work»,
communiqué de presse du 19 octobre 2018., mais cette initiative n’a pas abouti. En Bulgarie, le 3 juillet 2020, un projet de loi visant à amender la loi sur les personnes morales à but non lucratif a été introduit au parlement par un groupe de parlementaires d’un parti de la coalition gouvernementale (les Parti des Patriotes Unis) 
			(53) 
			Observatoire
pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, <a href='https://www.fidh.org/en/issues/human-rights-defenders/bulgarian-draft-ngo-law-violates-eu-law-and-stigmatizes-groups'>«Bulgarian
draft NGO law violates EU law and stigmatizes groups receiving foreign
funding»</a>, 21 juillet 2020, et déclaration de la Présidente de
la Conférence des OING du 9 juillet 2020, <a href='about:blank'>«Les amendements proposés à la loi sur les
personnes morales à but non lucratif en Bulgarie sont préoccupants»</a>.. Ce projet vise à imposer une nouvelle obligation aux organisations à but non lucratif d’utilité publique qui reçoivent plus de 1 000 levs bulgares (environ 500 euros) d’une personne physique ou morale étrangère et à les obliger à déclarer ces fonds au ministère de la Justice, qui tiendra un registre spécial à cette fin. De lourdes sanctions, y compris la dissolution de l’ONG, sont prévues en cas de non-respect de ces règles. En Pologne, le 7 août 2020, le ministre de la Justice a annoncé un projet gouvernemental de «loi sur la transparence du financement des organisations non-gouvernementales» 
			(54) 
			Article dans Rzeczpospolita du 7 août 2020, «Projekt
ustawy o transparentności finansowania organizacji pozarządowych».. Ce projet prévoit la création, auprès du ministère de la Justice, d’un registre électronique public d’ONG financées pour au moins 10% par des entités étrangères. Toute ONG recevant plus de 30% de ses fonds de l’étranger devra indiquer, au grand public, par tout moyen visuel, qu’elle est «une organisation non-gouvernementale qui est inscrite au registre des organisations non-gouvernementales recevant de l’aide provenant des fonds étrangers». Le ministre de la Justice pourra infliger des amendes allant de 3 000 à 50 000 PLN (environ 800 à 12 000 EUR).
29. Le rapport de M. Cruchten faisait également référence à la situation en Roumanie et en Ukraine, où certains projets de loi, critiqués par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH 
			(55) 
			Concernant la Roumanie,
avis nos 914/2017, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2018)004-f'>CDL-AD(2018)004</a> du 16 mars 2018 et, concernant l’Ukraine, avis 912/2018, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2018)006-f'>CDL-AD(2018)006</a> du 16 mars 2018., étaient en cours d’élaboration afin d’imposer des obligations de déclaration supplémentaires aux ONG. La proposition de loi roumaine (no 140/2017) portant modification de l’ordonnance gouvernementale no 26/2000 sur les associations et les fondations visait à transposer, en droit roumain, la Directive 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les recommandations pertinentes du MONEYVAL. Elle imposait plusieurs types de déclarations financières aux ONG (associations et fondations) et définissait de manière très large le terme de «bénéficiaire effectif» utilisé dans la directive (en englobant les associations, alors que la directive l’emploie seulement envers les fondations). Elle a été adoptée par le parlement le 26 novembre 2018, mais a été déclarée partiellement inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle le 23 janvier 2019 et renvoyée au parlement 
			(56) 
			Civic Space Watch, <a href='about:blank'>«Romania: The government is
fighting terrorism with red tape, forcing NGOs to send thousands of
TINs to ministries»</a>, 23 janvier 2019.. Par la suite, une nouvelle version de cette loi (no 129/2019) a été adoptée, qui ne mentionne ni les associations ni les fondations parmi les entités obligées de faire des déclarations financières et rétrécit le champ d’application de la notion de «bénéficiaire effectif».
30. Concernant les dispositions controversées de la loi ukrainienne sur la prévention de la corruption obligeant les militants anti-corruption à déposer des déclarations électroniques (critiquée notamment par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH), le 6 juin 2019, la Cour constitutionnelle les a déclarées inconstitutionnelles et les a jugées nulles et caduques. Par la suite, le 2 octobre 2019, le parlement ukrainien a amendé la loi sur la prévention de la corruption: l’obligation de présenter des déclarations électroniques incombe uniquement aux membres des ONG qui participent à des procédures de sélection auprès de certains organismes étatiques (service civil, collectivités territoriales ou magistrature).
31. Concernant la Grèce, le Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG s’est dit préoccupé par la nouvelle réglementation concernant les exigences d’enregistrement et de certification pour les ONG (grecques et étrangères) travaillant sur l'asile, la migration et l'inclusion sociale, qu’il a jugée contraire aux articles 8 et 11 de la Convention 
			(57) 
			L’article
66 de la loi 4636/19 du 1 novembre 2019, l’article 191 de la loi
4662/2020 du 7 février 2020, la décision ministérielle 3063/2020
du 14 avril 2020 et l’article 58 de la loi 4686/2020 du 8 mai 2020.
Voir, en anglais uniquement: «Opinion on the compatibility with
European standards of recent and planned amendments to the Greek
legislation on NGO registration», CONF/EXP(2020)4, 2 juillet 2020,
paragraphes 105 et 106.. Pour être enregistrées, de telles ONG doivent soumettre de multiples documents, dont des traductions et des copies certifiées des documents étrangers; le ministre des Migrations et de l’Asile dispose d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard. Les ONG recevant des fonds publics ou travaillant dans des établissements de l’État doivent être «certifiées» (ce qui requiert la soumission d’une panoplie additionnelle de documents) et les membres et employés des ONG qui travaillent dans des établissements d'État doivent également être enregistrés.
32. De plus, le Comité des Ministres 
			(58) 
			Dans le cadre de l’examen
des trois arrêts de la Cour du groupe Bekir-Ousta
et autres c. Grèce, requête 35151/05, arrêt du 11 juillet
2007, voir sa dernière décision adoptée lors de la 1377bis réunion
(1-3 septembre 2020), CM/Del/Dec(2020)1377bis/H46-12. Cette question
a été également examinée par les rapporteurs de la commission sur
la mise en œuvre des arrêts de la Cour, voir le dernier rapport
à ce sujet adopté par la commission lors de sa réunion du 5 juin
2020, rapporteur M. Constantinos Efstathiou (Chypre, SOCE), <a href='https://pace.coe.int/fr/files/28658'>Doc. 15123</a> du 15 juillet 2020, paragraphe 80. et la Présidente de la Conférence des OING 
			(59) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/ingo/newsroom/-/asset_publisher/BR9aikJBXnwX/content/on-freedom-of-association-in-greece?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Ffr%2Fweb%2Fingo%2Fnewsroom%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_BR9aikJBXnwX%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-4%26p_p_col_count%3D1'>Déclaration
d’Anna Rurka, Présidente de la Conférence des OING, sur le cas de
l’Union turque de Xanthi (Tourkiki Enosi Xanthis) sur la liberté
d’association en Grèce</a>, 15 octobre 2020. se sont récemment inquiétés du fait que les demandes d'enregistrement de trois associations (dont Tourkiki Enosi Xanthis) n'ont toujours pas été réexaminées par les tribunaux nationaux à la lumière de la jurisprudence de la Cour. En conséquence, deux des associations concernées ne sont toujours pas enregistrées et Tourkiki Enosi Xanthis reste dissoute douze ans après les arrêts de la Cour.

3.3. Exemples de bonnes pratiques

33. Malgré ces évolutions négatives il existe, dans la plupart des États membres, un environnement propice aux activités de la société civile. Quant aux États membres de l’Union européenne, de bonnes pratiques ont été rapportées dans le rapport de la FRA de 2018 concernant le financement public des ONG et leur implication dans les débats publics et les procédures législatives (notamment en Croatie, Estonie et Slovénie) 
			(60) 
			Voir pp. 29-30 et 40-45
de ce rapport.. Le Rapport 2020 de la Commission européenne sur «La situation de l’état de droit dans l’Union européenne» souligne le rôle important de la société civile dans des débats sur l’état de droit en qualité de contre-pouvoir 
			(61) 
			Voir p. 27 de ce rapport.. Il note également qu’en Croatie, le gouvernement est sur le point d’adopter un plan national visant à améliorer le système de soutien juridique, financier et institutionnel aux activités des organisations de la société civile et qu’en Slovénie, la stratégie nationale de développement du secteur non gouvernemental et du bénévolat vise à améliorer le soutien aux organisations non gouvernementales d’ici à 2023.
34. Au sein du Conseil de l’Europe, des évolutions positives ont été signalées par la Conférence des OING. En République de Moldova, en mai 2020, le parlement a relancé son examen du projet de loi no 109 sur les organisations non commerciales qui avait fait l’objet d’une première lecture en mai 2018; ce projet de loi constituerait une amélioration de la réglementation actuelle des entités juridiques à but non lucratif, notamment en étendant la possibilité de créer des associations à toutes les personnes physiques et morales 
			(62) 
			Cette
décision a été saluée par Anna Rurka
et le Président du Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG, Jeremy
McBride: <a href='https://www.coe.int/fr/web/ingo/newsroom/-/asset_publisher/BR9aikJBXnwX/content/call-to-the-parliament-of-moldova-to-pass-draft-law-no-109-on-non-commercial-organizations?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Ffr%2Fweb%2Fingo%2Fnewsroom%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_BR9aikJBXnwX%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-4%26p_p_col_count%3D1'>«Appel
au Parlement de Moldova pour adopter le projet de loi n ° 109 sur
les organisations non commerciales</a>», 7 mai 2020.. Au Royaume-Uni, en octobre 2018, le gouvernement a publié, pour la première fois depuis 15 ans, la Stratégie pour la société civile, après une consultation publique en mai 2018 
			(63) 
			Rapport
sur la visite d’information de la Conférence des OING au Royaume-Uni
des 20-21 mai 2018 et 16 octobre 2018, <a href='https://rm.coe.int/report-visit-of-the-conference-of-ingos-to-uk-2018/168098146f'>«Civil
participation in the decision-making process</a>» (en anglais uniquement), octobre 2018..

3.4. La société civile en période de pandémie de covid-19

35. La pandémie de covid-19 a eu un impact très négatif sur les activités des ONG et l’espace dévolu à la société civile. Les mesures restrictives adoptées par les États en cette période ont considérablement réduit les droits fondamentaux et libertés dont jouissent les ONG et leurs membres, notamment leurs droits au respect de la vie privée, à la liberté d’expression (et notamment la liberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées), de réunion et d’association et leur liberté de circulation 
			(64) 
			Nations Unies, Bureau
du Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme, <a href='https://bangkok.ohchr.org/wp-content/uploads/2020/05/CivicSpaceandCovid.pdf'>«Civic
Space and Covid-19: Guidance</a>» (en anglais). Pour plus d’informations sur les mesures
prises par les pays, voir le site d’International Center for Not-for-Profit Law
(ICNL) <a href='https://www.icnl.org/covid19tracker/'>Covid-19 Civic
Freedom Tracker</a>, ainsi que le site de European Center for Not-for-Profit
Law (ECNL), <a href='https://ecnl.org/focus-areas/covid-19-and-civic-freedoms'>Covid-19
and Civic Freedoms</a>.. Très souvent, les ONG n’ont été consultées ni sur ces mesures ni sur les stratégies gouvernementales concernant la protection de la santé publique 
			(65) 
			<a href='https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25788&LangID=E'>«States
responses to Covid 19 threat should not halt freedoms of assembly
and association – UN expert on the rights to freedoms of peaceful
assembly and of association», Clément Voule</a>, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits
à la liberté de réunion pacifique et à liberté d’association, 14
avril 2020..
36. Certaines déclarations d’état d’urgence et certaines dérogations à la Convention ont été critiquées par des représentants d’ONG, qui considèrent que la portée, la durée et les effets de ces mesures limitent davantage leurs droits et libertés 
			(66) 
			Voir le rapport «Multilatéralisme
2020», op. cit., p. 16, ainsi
que le rapport d’Amnesty International, «Policing the Pandemic.
Human rights violations in the enforcement of covid-19 measures
in Europe», 2020.. Le 8 avril 2020, la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe a publié une «boîte à outils» à l’intention de l’ensemble des gouvernements européens sur le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit pendant la crise de covid-19 
			(67) 
			<a href='https://rm.coe.int/sg-inf-2020-11-respecter-la-democratie-l-etat-de-droit-et-les-droits-d/16809e1f3f'>Document
d’information: «Respecter la démocratie, l'état de droit et les
droits de l'homme dans le cadre de la crise sanitaire du COVID-19»</a>, pp. 6-7.. Elle a rappelé que les droits et libertés consacrés par les articles 10 et 11 de la Convention (liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique) ne peuvent être restreints que si ces restrictions sont prévues par la loi et proportionnées au but légitime poursuivi, y inclus la protection de la santé. Si des restrictions plus strictes aux droits susmentionnés sont susceptibles d’être justifiées en temps de crise, les sanctions pénales sévères doivent, en revanche, faire l'objet d'un contrôle strict. La Conférence des OING travaille actuellement sur un questionnaire sur l’impact de la pandémie sur les activités des ONG. L’Assemblée s’est déjà penchée sur les «Les conséquences de la pandémie de covid-19 sur les droits de l’homme et l’État de droit» dans sa Résolution 2338 (2020) 
			(68) 
			Adoptée
le 13 octobre 2020 par la Commission permanente, sur la base du
rapport de la commission, rapporteur: M. Vladimir Vardanyan (Arménie,
PPE/DC), <a href='https://pace.coe.int/fr/files/28679'>Doc. 15139</a> du 16 septembre 2020..

4. Conclusion

37. Je souscris pleinement aux conclusions de mes prédécesseurs et d’autres organes du Conseil de l'Europe, selon lesquels la situation de la société civile dans certains États membres exige une attention accrue de la part de l’Assemblée et du Conseil de l’Europe tout entier et il existe une tendance inquiétante à adopter de nouvelles lois restreignant la liberté d’association et à lancer des campagnes de dénigrement contre des ONG et leurs dirigeants. Dans le cadre de ce rapport, je me suis essentiellement focalisée sur les mesures législatives qui ont été prises dans certains États membres afin de limiter l’espace dévolu à la société civile (notamment celles concernant les restrictions de l’accès au financement, provenant notamment de sources étrangères ou les obligations d’enregistrement ou de rapport excessives) et sur leurs effets.
38. Au cours de ces deux dernières années, les ONG dans les pays mentionnés dans le rapport de M. Cruchten ont fait l’objet de nouvelles restrictions, parce que de nouvelles lois restrictives ont été adoptées et/ou parce que les législations restrictives en vigueur ont continué à être appliquées. Il est surtout inquiétant de constater que non seulement les législations controversées n’ont pas été abrogées mais qu’elles ont été amendées de manière à limiter davantage l’espace dévolu à la société civile (notamment en Russie et en Turquie). Comme souligné dans les travaux de la FRA, les restrictions imposées aux activités des ONG dans différents pays suivent certains modèles. Ainsi, il est particulièrement préoccupant que la législation russe sur les «agents étrangers» semble inspirer certains États de l’Union européenne qui ont déjà adopté (Hongrie) ou envisagent d’adopter des lois imposant des obligations spécifiques aux ONG recevant des fonds de l’étranger (Bulgarie et Pologne). A cet égard, je rappelle que le droit à la liberté d’association accorde aux ONG la liberté de solliciter, d’obtenir et d’utiliser des ressources, dont des ressources étrangères, ce que le rapport de la Commission de Venise sur le financement des associations de mars 2019 confirme clairement.
39. L’autre tendance inquiétante consiste à adopter des réglementations qui durcissent les conditions de travail des ONG aidant les réfugiés et les autres migrants et qui criminalisent les activités de leurs membres (comme en Grèce). Ce problème a déjà été soulevé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.
40. La pandémie de covid-19 a ajouté de nouveaux obstacles aux travaux des ONG, en limitant les possibilités de rassemblements et de déplacements de leurs membres et militants et leur accès aux informations et au débat public. De plus, des mesures de surveillance par le biais de nouvelles technologies exposent les militants à des risques des violations de leur droit à la vie privée. L’Assemblée s’est déjà penchée sur l’impact de la pandémie sur les droits de l’homme et l’État de droit, mais il me semble qu’un examen plus détaillé de l’impact de ces mesures sur la situation de la société civile serait utile dans les prochains mois.
41. Certaines mesures, réduisant l’espace dévolu à la société civile, ont été prises délibérément en violation des normes internationales sur le droit à la liberté d’association et d’autres droits humains et de libertés fondamentales. Ainsi, je souhaite souligner que, malgré ces mauvaises pratiques, les normes internationales dans ce domaine n’ont pas changé (ce que démontrent notamment les derniers travaux de la Commission de Venise et certains arrêts de la Cour) et doivent toujours être respectées. Les restrictions à ces libertés doivent être proportionnées et nécessaires dans une «société démocratique» et les ONG, si elles sont sanctionnées pour de quelconques actes ou omissions, doivent pouvoir disposer de voies de recours devant un juge.
42. L’examen des cas présentés ci-dessus ainsi que les travaux des organes du Conseil de l’Europe et de la FRA démontrent que les agressions et actes de harcèlement contre des militants de la société civile, orchestrés soit directement ou indirectement par les autorités de l’État soit par des personnes privées, sont monnaie courante. Les militants qui travaillent sur les questions des droits de l’homme ou sur d’autres sujets politiquement sensibles (comme la lutte contre la corruption ou les droits des LGBTI ou des migrants) sont particulièrement victimes de tels actes. De plus, certains pays choisissent un discours négatif visant à discréditer et stigmatiser les ONG et leurs militants. C’est très alarmant. En tant que rapporteure générale de l’Assemblée sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, j’ai déjà réagi, par le biais de déclarations publiques, à certains événements préoccupants et je vais continuer à suivre ces questions de près et en informerai la commission le moment venu.
43. Malgré ces évolutions négatives, il convient néanmoins de saluer certaines améliorations. Dans certains pays, des lois ont été amendées conformément aux recommandations d’instances européennes comme la Commission de Venise (notamment en Roumanie et en Ukraine). De plus, certains États ont pris des mesures afin de faciliter l’accès aux fonds publics, selon des règles transparentes et claires, et des stratégies de coopération avec la société civile ont été développées au niveau gouvernemental.
44. Pour conclure, il convient de saluer les derniers travaux du Conseil de l’Europe concernant la protection et la promotion de l’espace dévolu à la société civile et le renforcement de la participation de cette dernière dans les travaux de l’Organisation. Depuis le rapport de mon prédécesseur, il y a eu une importante avancée dans ce domaine. Je ne peux qu’inciter davantage les organes et les instances compétentes du Conseil de l’Europe à finaliser leurs travaux visant à mettre en œuvre la déclaration de Helsinki du Comité des Ministres du 17 mai 2019.