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Rapport | Doc. 15348 | 23 août 2021

Climat et migrations

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Pierre-Alain FRIDEZ, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc.15113, Renvoi 4521 du 26 juin 2020. 2021 - Quatrième partie de session

Résumé

Le changement climatique a des répercussions néfastes sur les conditions de vie de millions de personnes. La hausse du niveau des mers, l’aggravation de la désertification, le manque d’eau potable et d’autres menaces liées à l’environnement peuvent aussi déclencher des conflits, en générant une concurrence pour l’accès aux ressources.

Les États membres du Conseil de l’Europe doivent lutter contre les effets du changement climatique et des catastrophes naturelles afin d’éviter des déplacements massifs de population. Des mesures adéquates d’adaptation au changement climatique ou d’atténuation de celui-ci permettraient aux populations concernées de se sentir plus en sécurité et de ne pas être contraintes de fuir leur pays.

Il conviendrait de renforcer la protection des droits humains des populations contraintes d’émigrer en raison de catastrophes ou de difficultés induites par le changement climatique. Une attention particulière devrait être accordée aux besoins des catégories les plus vulnérables: les enfants, les personnes handicapées, les femmes et les personnes âgées. Les États doivent prévenir la dégradation de l’environnement, qui amplifie les effets du changement climatique. La science et la technologie devraient être mieux utilisées pour servir les populations et sauver des vies. À cet égard, les États pourraient améliorer l’évaluation des tendances migratoires et anticiper les nouveaux phénomènes en réalisant une cartographie dynamique du changement climatique et des mouvements migratoires. La coopération pour le développement et les aides d’urgence dans les pays d’origine des migrants devraient également contribuer à prévenir les migrations induites par le changement climatique et à renforcer la résilience aux catastrophes climatiques dans ces pays, ainsi qu’à protéger les migrants climatiques dans leurs déplacements. Un Fonds de solidarité mondiale pour les migrations climatiques, basé en Europe, pourrait favoriser la mise en œuvre de ces mesures.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 20 avril 2021.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est profondément alarmée par les effets dramatiques du changement climatique et son impact sur la vie de millions de personnes en Europe et au-delà. Les phénomènes extrêmes se multiplient. Des records de température ont récemment été enregistrés sur la banquise de l’Antarctique, la plus grande réserve d’eau douce de la planète. Sa fonte pourrait provoquer une élévation considérable du niveau des mers. Si le réchauffement climatique se poursuit, nous connaissons les conséquences: l’inondation des zones littorales et des deltas, la disparition pure et simple de nombreuses îles et l’augmentation du nombre de régions touchées par les sécheresses et la désertification – rendant impossible toute vie et poussant des dizaines de millions de malheureux qui auront tout perdu à rechercher de la nourriture et une terre plus hospitalière ailleurs dans leur propre pays ou dans un autre pays. Ce phénomène déstabilisant pourrait conduire à des tensions, des conflits et même des guerres.
2. Les efforts actuels pour contenir le changement climatique ne sont pas suffisants. Les résultats ne seront pas perceptibles avant plusieurs décennies. Or, des millions de personnes sont déjà contraintes d’émigrer aujourd’hui. Elles ne peuvent pas se permettre d’attendre que le changement climatique s’inverse. Nous devons donc agir de toute urgence pour prévenir les déplacements massifs dus au changement climatique et aider les migrants à survivre et à vivre dans la dignité dans leur pays d’accueil. Ce faisant, il nous faut également garder à l’esprit que nous devons tout faire pour garantir, en Europe comme ailleurs, le droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable. Ce droit doit devenir une réalité dès que possible afin que les gens se sentent suffisamment en sécurité pour vivre dans leur pays d’origine, où qu’il se trouve.
3. L’Assemblée se félicite de la publication le 15 mai 2020, par les présidences géorgienne, grecque et allemande du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, de la Déclaration conjointe sur les droits de l’homme et l’environnement, qui souligne que la vie et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective de l’humanité à garantir à la fois les droits humains et un environnement sain aux générations futures.
4. Des solutions adéquates sont nécessaires pour relever les défis liés aux migrations causées par le changement climatique. De nouveaux instruments de protection des droits humains doivent être mis en place pour garantir une mise en œuvre efficace du droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable qui pourrait, également, protéger les migrants qui se déplacent à la recherche d’un tel environnement sûr, propre, sain et durable.
5. Ce droit humain «nouvelle génération» doit aussi être incorporé dans les instruments internationaux qui influencent les migrations, tels que les instruments de préparation aux catastrophes et d’adaptation au changement climatique, les stratégies de développement économique ou encore les accords commerciaux et de production d’énergie. Les mesures prises doivent garantir que la conception et la mise en œuvre de tous les projets et programmes adoptent une approche intégrant la dimension de genre. Le Fonds vert pour le climat fournit des orientations et a produit un guide pratique intitulé: «La parité hommes-femmes des projets relatifs au Fonds vert pour le climat» qui favorise l’intégration de l’égalité femmes-hommes dans les interventions sur le changement climatique et le financement de l’action pour le climat.
6. L’Assemblée insiste sur l’importance de mener des efforts conjoints pour renforcer la protection des droits humains des personnes touchées par les migrations induites par le changement climatique en Europe et ailleurs, en agissant sur les piliers suivants: garantir la protection des droits humains des populations contraintes d’émigrer en raison de catastrophes ou de difficultés induites par le changement climatique; utiliser la science et la technologie pour servir les populations et sauver des vies; améliorer la coopération pour le développement et les aides d’urgence dans les pays d’origine des migrants; et prévenir la dégradation de l’environnement qui multiplie les effets du changement climatique.
7. Afin de garantir la protection des droits humains des populations contraintes d’émigrer en raison de catastrophes ou de difficultés induites par le changement climatique, l’Assemblée:
7.1. prend note des pressions exercées actuellement au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour la reconnaissance d’un droit humain à un environnement sain, fondée, entre autres, sur la décision du Comité des droits de l’homme des Nations Unies dans l’affaire Kiribati relative aux mouvements transfrontaliers des personnes cherchant à se protéger des dommages liés au changement climatique;
7.2. rappelle les recommandations formulées dans sa Résolution 2307 (2019) «Un statut juridique pour les ‘réfugiés climatiques’» et demande un statut juridique pour les personnes déplacées ou migrantes pour des raisons liées au climat. Elle note que le terme «réfugié» relève de la compétence de la Convention de 1951 sur les réfugiés et du Protocole de 1967, et que ce terme a un statut juridique spécifique lié à la persécution pour les cinq motifs énumérés de race, de religion, de nationalité, d’appartenance à un groupe social particulier ou d’opinion politique. Cependant, il est nécessaire d’élaborer des politiques spécifiques visant à protéger les personnes obligées de se déplacer en raison du changement climatique. A cet égard, les «Considérations juridiques concernant les demandes de protection internationale formulées dans le contexte des effets néfastes du changement climatique et des catastrophes», publiées par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, fournissent des lignes directrices précieuses pour évaluer les personnes ayant besoin de protection;
7.3. appelle à une approche centrée sur les personnes, systémique et fondée sur les droits humains pour gérer les migrations climatiques. Les cadres des droits de l’homme peuvent efficacement guider les États dans la conception de mesures visant à prévenir les déplacements, à protéger les personnes pendant ces déplacements et à permettre aux migrants de se déplacer en toute sécurité et dans la dignité;
7.4. demande aux États membres du Conseil de l’Europe de fournir une protection adéquate à ceux qui sensibilisent à la dégradation de l’environnement susceptible de causer des déplacements massifs de population – lanceurs d’alerte, organisations de la société civile, journalistes ou autres parties prenantes. Elle se félicite de la directive de l’Union européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (Directive UE 2019/1937 du 23 octobre 2019) et invite les États membres du Conseil de l’Europe non membres de l’Union européenne à mettre en œuvre des instruments similaires au niveau national pour offrir la meilleure protection possible à ceux qui risquent leur vie pour le bien public;
7.5. se félicite des mesures prises par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour sensibiliser la communauté mondiale aux effets du changement climatique et aux besoins de protection des droits humains des personnes particulièrement vulnérables et que les catastrophes induites par le changement climatique poussent à émigrer. Les politiques et programmes relatifs au changement climatique et aux migrations doivent répondre aux besoins des groupes vulnérables qui sont touchés de façon disproportionnée par le changement climatique, tels que les habitants des zones littorales, les populations autochtones, les minorités, les personnes âgées, les femmes et les filles, les enfants et les personnes handicapées;
7.6. se félicite de l'orientation de l'édition 2021 du Forum mondial de la démocratie du Conseil de l'Europe sur l'environnement et le changement climatique et ses effets sur les droits de l'homme et la démocratie. Dans le cadre de la campagne «12 mois, 1 question» du Forum, l'Assemblée prend note de l'attention portée aux catastrophes, aux déplacements et au changement climatique lors du mois de février 2021, au cours de laquelle le Représentant spécial de la Secrétaire Générale sur les migrations et les réfugiés, l'Ambassadeur Drahoslav Štefánek, a désigné le changement climatique comme l'un des plus grands défis pour l'humanité et a fait valoir que le changement climatique peut entraîner des réfugiés climatiques, déplaçant des milliers, voire des millions de personnes dans le futur.
8. En ce qui concerne l’usage de la science et de la technologie au service des populations et pour sauver des vies, l’Assemblée:
8.1. appelle à un usage plus efficace de la science et de la technologie pour améliorer la communication sur les tendances migratoires et leur prévisibilité. Les États devraient établir, au niveau national et international, une cartographie conjointe du changement climatique et des migrations en exploitant les derniers progrès scientifiques et technologiques. La fusion de la cartographie dynamique du changement climatique avec celle des migrations aiderait à définir les tendances migratoires et à établir des prédictions fiables. Les décideurs politiques disposeraient ainsi d’une vision plus claire des lieux que des populations sont susceptibles de quitter (régions/pays), de leurs destinations probables, du nombre de personnes concernées et du moment auquel cela va se produire;
8.2. exhorte les États membres à améliorer les réponses apportées aux risques majeurs (hydrologiques, géophysiques, météorologiques, etc.), les mécanismes d’alerte précoce et les services relatifs à l’écosystème – les services d’approvisionnement (eau douce, matières premières), les services de régulation (purification de l’eau, régulation des maladies) ou les services économiques et culturels, comme le tourisme pour protéger contre les pertes d’emploi;
8.3. appelle à augmenter la responsabilité et la participation des entreprises – y compris les plus avancées sur le plan technologique – en ce qui concerne la prévention des déplacements. Les entreprises jouent un rôle essentiel: ce sont les pionnières du développement et de l’innovation technologique et elles offrent aux migrants et à leurs familles des sources stables de revenus.
9. La coopération pour le développement est indispensable afin que les nouvelles initiatives deviennent réalité. Elle exige toutefois des ressources, une expertise, une organisation et un engagement suffisants de la part de tous les pays impliqués. Pour renforcer la coopération pour le développement et les aides d’urgence dans les pays d’origine des migrants d’Europe et d’ailleurs, l’Assemblée:
9.1. invite les États membres à améliorer la coopération pour le développement afin de répondre aux problèmes de sécurité auxquels les individus sont confrontés: de la sécurité alimentaire et celle de l’eau à la sécurité personnelle et politique, la sécurité énergétique, la sécurité mondiale et environnementale;
9.2. appelle à soutenir davantage les programmes mondiaux pertinents, tels que le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 et ceux mis en œuvre au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et du Pacte mondial sur les réfugiés. L’Assemblée invite les États membres à prêter une attention particulière aux travaux du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement;
9.3. appelle les États membres à mettre en place un Fonds de solidarité mondiale pour les migrations climatiques et à y contribuer, pour aider à la fois les pays d’origine et les pays d’accueil des migrants. La communauté internationale doit renforcer la coopération pour le développement avec les pays qui risquent le plus d’être touchés par le changement climatique, comme les pays d’Afrique subsaharienne ou de la région du Sahel, afin d’améliorer les conditions de vie des populations pour éviter qu’elles ne se sentent contraintes d’émigrer. Ce Fonds de solidarité mondiale pour les migrations climatiques, basé en Europe, pourrait coopérer avec le Fonds vert pour le climat (sous réserve d’obtenir son accréditation) et constituerait un grand pas en avant dans la réalisation des engagements internationaux visant à «ne laisser personne de côté», y compris les migrants, dans un monde frappé par le changement climatique. Des programmes spécifiques devraient être élaborés avec l’appui d’experts issus de tous les États membres du Conseil de l’Europe pour favoriser les avancées technologiques dans les pays qui reçoivent une aide au développement et dans ceux qui la fournissent. Outre l’amélioration des conditions de vie dans les pays d’origine, le Fonds de solidarité mondiale pour les migrations climatiques pourrait également soutenir les migrants eux-mêmes;
9.4. réitère son appel à la coopération avec la Banque de développement du Conseil de l'Europe, lancé dans sa Résolution 2307 (2019). Pour relever les défis posés par les migrations induites par les changements climatiques en Europe, les États membres du Conseil de l'Europe peuvent déjà utiliser les deux fonds fiduciaires gérés par la Banque: le Fonds pour les migrants et les réfugiés créé en 2015 et le Fonds d'investissement social vert créé en mars 2020;
9.5. invite les membres des parlements à rester vigilants et à veiller à ce qu’une approche prenant en compte la dimension de genre soit intégrée dans la conception et la mise en œuvre des projets et des programmes relatifs aux migrations induites par le changement climatique.
10. Les États membres du Conseil de l’Europe doivent agir résolument pour prévenir la dégradation de l’environnement qui multiplie les effets du changement climatique et peut causer des déplacements massifs de population. Pour prévenir la dégradation de l’environnement, l’Assemblée:
10.1. demande à tous les États membres de s’abstenir de déployer de grands projets industriels susceptibles d’avoir des conséquences dramatiques sur la vie des populations, lorsqu’il existe un risque indéniable que ces projets multiplient les effets négatifs du changement climatique sur leur propre territoire ou celui d’un autre État membre. Le respect d’un droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable doit primer sur toute autre considération;
10.2. souligne plus particulièrement l’importance de l’accès à une eau potable de qualité, en tant qu’élément intrinsèque d’un développement sain et durable et droit humain fondamental, et appelle les États membres à prévenir la dégradation de l’environnement qui peut mettre en danger l’accès à l’eau sur leur propre territoire ou sur celui d’un État voisin. Ce faisant, toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour respecter les obligations internationales en matière d’environnement dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière (Convention d’Espoo, 1991). Lorsque des problèmes d’accès à l’eau se posent entre régions ou pays voisins, les négociations internationales doivent permettre de rechercher des solutions appropriées, conformément aux normes et pratiques internationales en matière de droits humains.

B. Exposé des motifs par M. Pierre-Alain Fridez, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La Terre se réchauffe. Fin 2019 – début 2020 nous avons connu l’hiver le plus doux depuis le début des relevés météorologiques, à la fin du 19e siècle. Les phénomènes météorologiques extrêmes sont de plus en plus nombreux. Des records de température ont récemment été enregistrés sur la banquise de l’Antarctique, la plus grande réserve d’eau douce de la planète. Si elle fond, le niveau des mers augmentera de plusieurs dizaines de mètres.
2. D’une manière générale, le changement climatique modifie la distribution des populations mondiales, et les déplacements transfrontaliers et à l’intérieur des frontières des pays européens sont des réactions à des phénomènes climatiques à évolution lente. Les feux de végétation se multiplient dans les régions méridionales de l’Espagne, du Portugal et de la France, l’élévation du niveau des mers risque d’affecter de grandes métropoles (Hambourg, Amsterdam, Rotterdam, Londres, Istanbul) et les écosystèmes évoluent en Europe du Nord (Norvège, Suède, Finlande, Russie) 
			(2) 
			<a href='https://environmentalmigration.iom.int/maps'>https://environmentalmigration.iom.int/maps</a>.. Certains craignent que les phénomènes environnementaux ne déclenchent des conflits, car la concentration des populations dans certaines régions génère une concurrence accrue pour l’accès aux ressources.
3. Tandis que le réchauffement climatique se poursuit et que la nature des menaces se précise, nous en connaissons les conséquences: les zones littorales et les deltas seront inondés, de nombreuses îles et terres disparaîtront, davantage de régions seront frappées par la sécheresse et la désertification, etc. Les habitants des régions où la situation ne sera plus viable seront les victimes directes de ces transformations de leur environnement. Ils seront contraints d’émigrer à la recherche de nourriture et d’un autre lieu d’habitation, que ce soit dans leur pays ou dans un autre. Des millions de personnes seront forcées d’émigrer et, dans ce contexte, l’on estime que le changement climatique contraindra près de 50 millions de personnes à quitter leurs foyers dans les pays d’Afrique d’ici à 2050 
			(3) 
			Résolution 2268 (2019) «La coopération pour le développement: un outil de prévention
des crises migratoires».. Ce phénomène aura des effets déstabilisants et pourrait conduire à des tensions, des conflits et même des guerres, les populations devant lutter pour obtenir les maigres ressources disponibles. S’exprimant le 27 février 2020 à Strasbourg à l’occasion d’une conférence organisée par le Conseil de l’Europe sur les enjeux climatiques, l’ancien Premier ministre français Laurent Fabius a déclaré que «le réchauffement climatique [était] une question de guerre ou de paix! Lorsque le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) 
			(4) 
			Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat (GIEC): <a href='https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/'>www.ipcc.ch/languages-2/francais/</a>. reçoit un Prix Nobel, c’est le Prix Nobel de la paix, pas le Prix Nobel de physique ou de chimie. L’Académie des prix Nobel ne s’est pas trompée.» 
			(5) 
			Pour rappel, le 12 octobre
2007, l’ancien vice-Président américain Al Gore et le Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat ont reçu le Prix Nobel de la paix 2007.
Voir «Sécurité et défense de la Suisse. Casser les tabous, oser
les solutions», de Pierre-Alain Fridez, 2020 <a href='https://www.editionsfavre.com/livres/securite-et-defense-de-la-suisse/'>(www.editionsfavre.com/livres/securite-et-defense-de-la-suisse/)</a>.
4. L’impact du réchauffement climatique sur la problématique de l’eau sera dramatique. Les répercussions matérielles revêtiront essentiellement deux formes: trop d’eau dans certaines régions, et trop peu dans d’autres. Selon les rapports successifs du GIEC, il faut s’attendre d’ici à la fin du 21e siècle et sous l’effet de la fonte des glaces, notamment au Groenland, dans l’Arctique et dans l’Antarctique, à une augmentation spectaculaire du niveau des mers qui devrait être proportionnelle à l’intensité du réchauffement climatique constaté. Les experts annoncent une élévation d’au moins 50 cm du niveau des mers, mais certains parlent aussi de 1 à 2 mètres.
5. Ce sera la catastrophe pour les centaines de millions de personnes installées à proximité immédiate de la mer et que la hausse inexorable du niveau de l’eau et l’inondation de leurs foyers contraindra au départ. Pour certains, le danger se présentera sous la forme d’inondations massives provoquées par des phénomènes météorologiques extrêmes, comme lors du passage de l’ouragan Katrina sur la ville américaine de la Nouvelle-Orléans, en 2005. Les côtes dont la pente est insuffisante, comme dans les deltas, et surtout les plus peuplées, sont particulièrement menacées. Le Bangladesh en fournit un exemple caractéristique: un pays très vaste, à forte population et en développement, dépourvu de moyens financiers nécessaires pour se préparer aux risques climatiques. Les îles et îlots peu élevés risquent d’être irrémédiablement submergés, une situation courante dans l’océan Pacifique et dans l’océan Indien.
6. À l’inverse, les régions du monde qui souffrent déjà d’une crise de l’eau, comme le Proche-Orient et l’Afrique subsaharienne, peuvent s’attendre à une aggravation de leur situation. L’Afrique subsaharienne réunit tous les ingrédients menant à une forte émigration parce qu’elle cumule les problèmes de la pauvreté, de la désertification et de l’explosion démographique. Dans ces pays, la population devrait doubler d’ici à 2050. Ces prévisions tiennent compte du fait que la vaste majorité des pays d’Afrique n’ont pas encore terminé leur transition démographique, une expression qui désigne l’évolution relativement courante de la démographie, un passage relativement lent et graduel du régime dit traditionnel, caractérisé par une forte natalité et une forte mortalité, à une situation dite moderne, où la mortalité et la natalité sont faibles, comme dans le monde occidental aujourd’hui. L’Afrique a globalement connu une diminution de la mortalité des personnes âgées accompagnée d’une diminution encore plus forte de la mortalité infantile grâce à une amélioration des soins médicaux et des conditions de vie. Au Niger, une femme donne en moyenne naissance à six ou sept enfants. La population de ce pays est passée de 3 millions d’habitants en 1960 à 23 millions aujourd’hui, et pourrait atteindre 65 millions en 2050. Tous les pays de la région sont confrontés à une situation comparable: une population croissante et de plus en plus pauvre, vivant sur des terres qui sont de moins en moins capables de nourrir leurs enfants – un cocktail qui engendrera immanquablement une émigration massive.

2. But et structure du rapport

7. Les changements climatiques auront de graves répercussions sur les phénomènes migratoires. L’étude de l’Assemblée parlementaire sur les liens entre le changement climatique et les migrations vient à point nommé pour formuler des recommandations destinées à atténuer leurs conséquences et à se préparer aux événements politiques et pratiques qui accompagneront ces changements. Quand l’Assemblée examine des problèmes liés aux changements climatiques, essentiellement sous l’angle des droits fondamentaux, elle doit garder à l’esprit leur impact du point de vue des migrations et des migrants et de leurs pays d’origine, de transit et de destination.
8. Le présent rapport s’inscrit dans le cadre d’une mobilisation plus large, d’envergure paneuropéenne, visant à atténuer les conséquences dramatiques des changements climatiques afin de protéger d’une part l’environnement et, d’autre part, tous les habitants de notre planète. L’initiative du Président de l’Assemblée pour renforcer les efforts politiques européens en faveur d’un droit fondamental à un environnement sûr, propre, sain et durable donnera lieu à un débat conjoint sans précédent de l’Assemblée en 2021 sur la lutte contre le changement climatique et son impact sur notre avenir sous tous les angles: politique, juridique, économique, social et – le plus important – la perspective des droits humains 
			(6) 
			D’autres
rapports de commissions vont contribuer à préciser la vision paneuropéenne
d’un droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable: Doc 15353 «Crise
climatique et État de droit»; Doc.
15351 «Une démocratie plus participative pour faire face
au changement climatique»; Doc.
15367 «Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité
d’une action renforcée du Conseil de l’Europe» et Doc. 15357 «Politiques
en matière de recherche et protection de l’environnement». Rapports
en préparation: «Inaction face au changement climatique – une violation
des droits de l’enfant» et «Impact des conflits armés sur l’environnement
transfrontalier». . Le présent rapport mettra l’accent sur les aspects liés aux migrations dans le but de répondre aux défis actuels et futurs des migrations induites par les changements climatiques.
9. Aux fins de ce rapport, j’envisage le climat comme un phénomène qui englobe plusieurs aspects: le changement climatique, l’évolution de l’environnement en dehors de l’influence humaine et l’environnement affecté par l’intervention humaine, ainsi que leurs impacts sur les migrations.
10. Le rapport présente les liens entre le changement climatique, l’environnement et les migrations. Il souligne les défis, à commencer par les phénomènes démographiques, et propose des éléments de réponse aux enjeux actuels et futurs. Le rapport élargira également la perspective. Les problèmes migratoires, et en particulier ceux liés au changement climatique, ne peuvent être surmontés en travaillant uniquement au niveau national ou européen. Il faut un effort mondial.

3. Le contexte démographique

11. Si des études de l’ONU 
			(7) 
			Voir les données démographiques
mondiales de l’ONU: <a href='https://population.un.org/wpp/'>https://population.un.org/wpp/</a> et <a href='https://population.un.org/wpp/DataQuery/'>https://population.un.org/wpp/DataQuery</a>. annoncent une augmentation de la population mondiale d’ici à 2100, d’autres travaux prédisent un fort recul de la démographie, notamment dans certains pays d’Europe. Le vieillissement de la population conjugué à une baisse de la natalité aura de profondes conséquences économiques et sociales en Europe 
			(8) 
			L’étude du projet IHME
prédit les contractions suivantes des populations, si les tendances
actuelles se poursuivent: l’Italie comptera 30 millions d’habitants
(contre 60,48 aujourd’hui), la Grèce: 5 millions (contre 10,73 millions
aujourd’hui), l’Espagne: 23 millions (contre 46,80 aujourd’hui),
le Portugal: 4 millions (contre 10,28 aujourd’hui); la France (67 millions) et
l’Allemagne (66 millions, contre 83,15 millions aujourd’hui) auront
pratiquement le même nombre d’habitants: <a href='http://www.healthdata.org/news-release/lancet-world-population-likely-shrink-after-mid-century-forecasting-major-shifts-global'>www.healthdata.org/news-release/lancet-world-population-likely-shrink-after-mid-century-forecasting-major-shifts-global</a>. L’étude suggère que les déclins des populations pourraient
être compensés par l’immigration, les pays encourageant libéralement
l’immigration étant mieux à même de maintenir la taille de leur
population et de soutenir la croissance économique, malgré la baisse
de la natalité.. La forte diminution du nombre total de travailleurs adultes imposables aggravera les pressions sur les systèmes de sécurité sociale et d’assurance maladie. Le risque d’effondrement structurel des systèmes de sécurité sociale, des retraites et de santé pourrait engendrer des tensions supplémentaires et des troubles politiques. Bien gérées, les migrations peuvent apaiser certaines tensions engendrées par le vieillissement de la population et la baisse de la natalité. D’autre part, à mesure que les migrations induites par le changement climatique prendront de l’ampleur, davantage de gens tenteront de gagner l’Europe. Les choix humains politiques d’aujourd’hui (accepter et reconnaître les migrations comme étant un phénomène mondial, et décider quelles sont les meilleures manières de gérer les flux migratoires, ou combattre les migrations) définiront l’évolution de l’Europe au cours des prochaines décennies. Plusieurs études suggèrent qu’une approche libérale de l’immigration aiderait à maintenir la population et la croissance économique.
12. Gardons à l’esprit que les femmes sont plus exposées au risque d’émigration liée au climat: dans plusieurs pays, les pénuries d’eau et la forte désertification induites par le changement climatique contraindront les femmes à parcourir de plus grandes distances pour trouver l’eau nécessaire à la préparation des repas, réunir les bonnes conditions pour accoucher ou prendre soin de leurs enfants. Le rapport soulignera donc aussi les impacts plus spécifiques des migrations et des déplacements induits par le climat sur les femmes ou les hommes.

4. Le cadre des Nations Unies sur le climat et les migrations

13. En termes de gestion migratoire, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (PMM) marque une étape: les politiques internationales reconnaissent et traitent désormais les liens entre les mouvements de population et les changements climatiques. Le PMM identifie clairement les dégradations de l’environnement larvées, les catastrophes naturelles et le changement climatique comme des causes des migrations contemporaines (objectifs 2 et 5 du PMM notamment). Le PMM reconnaît que des mesures d’adaptation aux changements climatiques et d’atténuation de leurs effets dans les pays d’origine doivent être prises en priorité afin d’atténuer les causes des migrations. Il rappelle par ailleurs aux gouvernements l’importance de concevoir des mesures de renforcement des filières de migration régulière, telles que les options de réinstallation planifiée et les modalités de visas, dans les cas où il ne serait plus possible de s’adapter au changement climatique 
			(9) 
			<a href='https://environmentalmigration.iom.int/policy/10-key-takeaways-gcm-environmental-migration'>https://environmentalmigration.iom.int/policy/10-key-takeaways-gcm-environmental-migration</a>.. Ceci est également conforme à la cible 10.7 des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, qui appelle les gouvernements à «faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sans danger, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques de migration planifiées et bien gérées». Le Pacte mondial sur les réfugiés (PMR) aborde en outre les questions environnementales et de mobilité.
14. Dans son rôle de coordinatrice et de secrétariat du Réseau des Nations Unies sur les migrations, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) 
			(10) 
			Je
tiens à exprimer ma gratitude pour les contributions reçues ainsi
que pour la participation à l’échange de vues avec notre commission
de Mme Dina Ionesco, Cheffe de Division
des migrations, de l’environnement et du changement climatique à
l’OIM; les instruments politiques spécifiques sont mentionnés dans
les chapitres correspondants. assiste les États dans la mise en œuvre régionale et nationale des recommandations du PMM et les aide à intégrer les questions climatiques et environnementales dans leurs politiques migratoires. Plusieurs pays mentionnent déjà les problèmes climatiques et environnementaux dans leurs lois, politiques et stratégies nationales de gestion des migrations et des populations déplacées, comme le Ghana, le Kenya et le Nigéria, ou se sont dotés de politiques spécialisées, comme les Vanuatu 
			(11) 
			<a href='https://www.iom.int/sites/default/files/press_release/file/iom-vanuatu-policy-climate-change-disaster-induced-displacement-2018.pdf'>www.iom.int/sites/default/files/press_release/file/iom-vanuatu-policy-climate-change-disaster-induced-</a><a href='https://www.iom.int/sites/default/files/press_release/file/iom-vanuatu-policy-climate-change-disaster-induced-displacement-2018.pdf'>displacement-2018.pdf</a>. et les Fidji 
			(12) 
			<a href='https://www.pacificclimatechange.net/sites/default/files/documents/Displacement Guidelines. In the context of climate change and disasters..pdf'>www.pacificclimatechange.net/sites/default/files/documents/Displacement%20Guidelines.%20In%20the%</a>. <a href='https://www.pacificclimatechange.net/sites/default/files/documents/Displacement Guidelines. In the context of climate change and disasters..pdf'>20context%20of%20climate%20change%20and%20disasters.pdf</a>.. Par contre, un grand nombre de pays ne prêtent pas encore attention aux facteurs environnementaux dans leurs politiques migratoires, et un effort supplémentaire doit encore être consenti à cet égard.
15. Les Conventions de l’ONU sur le changement climatique (CCNUCC) et la désertification (UNCCD) 
			(13) 
			<a href='https://environmentalmigration.iom.int/policy/human-mobility-unccd'>https://environmentalmigration.iom.int/policy/human-mobility-unccd</a>. sont, elles aussi, extrêmement utiles pour traiter la question de la mobilité humaine dans le contexte des changements climatiques, et des initiatives importantes ont été prises dans ces cadres mondiaux ces dernières années, notamment avec la CCNUCC. L’OIM participe activement aux travaux de la CCNUCC depuis 2008, et milite en faveur de la reconnaissance des aspects liés à la mobilité humaine dans les négociations sur le climat 
			(14) 
			<a href='https://environmentalmigration.iom.int/policy/human-mobility-unccd'>https://environmentalmigration.iom.int/policy/human-mobility-unccd</a>..
16. En 2015, l’Accord de Paris adopté lors de la COP21 a mis en place un groupe de travail (Task Force on Displacement (TFD)) 
			(15) 
			<a href='https://unfccc.int/wim-excom/sub-groups/TFD'>https://unfccc.int/wim-excom/sub-groups/TFD#eq-3</a>. chargé d’élaborer des recommandations relatives à des démarches intégrées propres à prévenir et réduire les déplacements de population liés aux effets néfastes des changements climatiques et à y faire face. Les recommandations de la TFD ont été approuvées par la COP24 en 2018, et son mandat a été prolongé de 2 ans jusqu’en 2021. Ces recommandations sont conformes aux objectifs du PMM, qui invite les Parties à la CCNUCC à faciliter des migrations sûres et ordonnées et à améliorer les possibilités de filières de migration régulière dans le contexte du changement climatique.

5. Contextes politiques et juridiques: initiatives du Conseil de l’Europe sur l’environnement et les droits humains

17. Le 27 février 2020, la Conférence de haut niveau – Protection de l’environnement et droits de l’homme, à Strasbourg, a mis l’accent sur le lien entre la protection de l’environnement et les droits humains et sur l’importance de la loi pour garantir le respect des droits et la mise en œuvre des engagements politiques librement consentis par les États 
			(16) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/human-rights-rule-of-law/human-rights-and-the-environment'>www.coe.int/fr/web/human-rights-rule-of-law/human-rights-and-the-environment</a>..
18. M. Christos Giakoumopoulos, Directeur général Droits de l’homme et État de droit (DGI Conseil de l’Europe), a observé que les thèmes de l’environnement et des droits humains «transcendent par nature les frontières nationales et se prêtent à ce titre parfaitement à une coopération transnationale. Le Conseil de l’Europe a clairement un rôle à jouer dans le développement de cette coopération, en s’appuyant sur ses normes et instruments, pour certains sans équivalent au niveau européen et même international, et en prenant des initiatives pour les adapter, les renforcer ou les compléter. Nous avons entendu des voix en faveur d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme; d’un instrument juridiquement contraignant dédié à part entière à la protection de l’environnement; de ratifications des instruments sectoriels existants; de lignes directrices et des recommandations spécifiques à adresser aux gouvernements de nos États membres».
19. Les principaux traités pertinents évoqués lors de la conférence sont la Convention des Nations Unies sur l’accès à l’information, la participation du public aux processus décisionnels et l’accès à la justice en matière d’environnement (Aarhus, 1998), qui mentionne spécifiquement le «droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être» (article 1). Parmi les autres traités, mentionnons les Conventions suivantes du Conseil de l’Europe:
  • Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE n° 5, Rome, 1950);
  • Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163, Strasbourg, 1996);
  • Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (STE n° 104, Berne, 1979);
  • Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (STE n° 150, Lugano, 1993);
  • Convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal (STE n° 172, Strasbourg, 1998);
  • Convention européenne du paysage (STE n° 176, Florence, 2000);
  • Convention sur l’accès aux documents publics (STE n° 205, Tromsø, 2010).
20. Il a été décidé, à cette occasion, que le Manuel sur les droits de l’homme et l’environnement – Principes tirés de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, publié par le Conseil de l’Europe en 2006/2012, devait être actualisé. En effet, ce manuel ne mentionne pas la protection des droits des migrants fuyant des catastrophes induites par le changement climatique. La protection de l’environnement est cruciale en raison de son impact sur nos vies. De plus, l’on ne saurait sous-estimer son importance, compte tenu du rôle déclencheur des facteurs environnementaux dans les migrations et les déplacements massifs de populations partout sur la planète.
21. Les pays les plus développés devraient assumer une plus grande responsabilité, car ils possèdent les grandes industries qui font pression sur les milieux naturels – comme l’exploitation minière qui empoisonne les sols et compromet l’approvisionnement en eau, l’agriculture intensive responsable du déboisement, un commerce international non respectueux de l’environnement, etc. Les dommages causés à l’environnement aux niveaux local et régional engendrent un impact cumulé sur le climat à l’échelle mondiale. Les choses changent quand des mesures juridiques sont prises – que des responsabilités civiles et/ou pénales sont établies – contre les dégradations de l’environnement. Les initiatives législatives assureront à terme une meilleure protection à la fois des personnes et de l’environnement et, par voie de conséquence, auront un impact positif sur les migrations provoquées par le climat 
			(17) 
			Voir
le rapport de la commission des questions juridiques et des droits
de l’homme «Examen des questions de responsabilité civile et pénale
dans le contexte du changement climatique», Doc. 15362..
22. Les présidences géorgienne, grecque et allemande du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe ont publié, le 15 mai 2020, une Déclaration conjointe sur les droits de l’homme et l’environnement 
			(18) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016809e59f9'>https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016809e59f9</a>., «gardant à l’esprit que la vie et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective de l’humanité à garantir à la fois les droits de l’homme et un environnement sain aux générations futures». La Déclaration appelle le Comité des Ministres «à inviter son Comité Directeur pour les droits de l’homme (CDDH) à élaborer un projet d’instrument non contraignant sur les droits de l’homme et l’environnement pour adoption éventuelle par le Comité des Ministres au plus tard pour la fin de l’année prochaine».
23. Des solutions adéquates sont nécessaires pour relever les défis liés aux migrations causées par le changement climatique. Il convient de mettre en place de nouveaux instruments de protection des droits humains pour garantir une mise en œuvre efficace du droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable, qui pourraient également protéger les personnes qui émigrent en quête d’un tel environnement. Ce droit humain «nouvelle génération» doit aussi être incorporé dans les instruments internationaux qui ont un effet sur les migrations, tels que les instruments de préparation aux catastrophes et d’adaptation au changement climatique, les stratégies de développement économique ou encore les accords commerciaux et de production d’énergie. En outre, les mesures prises doivent garantir que la conception et la mise en œuvre de tous les projets et programmes adoptent une approche intégrant la dimension de genre.

6. Travaux récents de l’Assemblée parlementaire sur l’environnement et les migrations

24. La Résolution 2307 (2019) «Un statut juridique pour les ‘réfugiés climatiques’» souligne la nécessité de prendre des mesures spécifiques pour élever le seuil de résilience des communautés locales, améliorer la capacité de réaction et de gestion des catastrophes au niveau national et améliorer la coordination, la médiation et le financement. Le rapport déclare explicitement que la définition du terme «réfugié» relève du cadre des Conventions de Genève. Nonobstant ce qui précède, comme l’ajoute la Résolution, l’Assemblée considère que «l’absence de définition juridiquement contraignante des ‘réfugiés climatiques’ n’empêche pas l’élaboration de politiques spécifiques visant à protéger les personnes obligées de se déplacer en raison du changement climatique». Sur la base de ces éléments, ce rapport examinera les faits nouveaux et les solutions envisageables.
25. Par ailleurs, des résolutions antérieures, la Résolution 2115 (2016) «Les migrations forcées: un nouvel enjeu» et la Résolution 1655 (2009) «Les migrations et déplacements induits par les facteurs environnementaux: un défi pour le 21e siècle», soulignent l’interaction entre les perturbations de l’environnement et les migrations.

7. Éléments de réponse aux défis actuels et futurs

26. Suite à l’appel à la mobilisation lancé par l’Assemblée dans sa Résolution 2307 (2019), une série de mesures supplémentaires devraient être prises afin d’atténuer les conséquences du changement climatique pour les populations risquant d’être forcées d’émigrer.
27. Ce rapport est une contribution au débat par lequel l’Assemblée définira sa vision et sa mobilisation en faveur de solutions appropriées. Après une analyse des défis migratoires engendrés par la détérioration de l’environnement imputable au changement climatique ou aux catastrophes d’origine humaine, je proposerai une série de mesures applicables aux niveaux national, européen et mondial.
28. Deux types de solutions doivent être envisagées: premièrement, celles visant à protéger les personnes – y compris les plus vulnérables, comme les enfants – contre les conséquences désastreuses du changement climatique; deuxièmement, les solutions visant à protéger l’environnement, tout en tenant compte des implications pour les droits humains dans les mesures pour le climat.

7.1. Améliorer la communication sur les tendances migratoires et leur prévisibilité

29. La cartographie du changement climatique et une comparaison de ses résultats avec la cartographie des migrations en cours pourraient améliorer la prévisibilité des futures tendances migratoires. Le changement climatique affecte toutes les régions du monde, mais les impacts varient fortement d’une région et d’un endroit à l’autre et sont difficiles à prévoir avec précision. Les retombées locales et la vulnérabilité des populations dépendent fortement de l’exposition locale, du niveau de développement et de la capacité d’adaptation, des évolutions démographiques et économiques futures et des politiques d’atténuation et d’adaptation mises en œuvre, ou non, dans les prochaines années. La préparation aux catastrophes est un aspect essentiel, comme l’a relevé l’Assemblée dans la Résolution 2307 (2019). La prévisibilité des tendances migratoires en est un autre. Le Portail sur la migration environnementale (de l’OIM) offre un outil qui aide à prédire les futurs mouvements de population induits par l’environnement 
			(19) 
			<a href='https://environmentalmigration.iom.int/maps'>https://environmentalmigration.iom.int/maps</a>.. Aujourd’hui, il cartographie:
  • les principaux risques et impacts climatiques (hausse ou baisse des précipitations, hausse des extrêmes de précipitations lors des moussons, fréquence accrue des cyclones, désertification, fréquence accrue des feux de végétation, fonte des glaciers et du permafrost, blanchiment des coraux);
  • les principales conséquences (épuisement des stocks de poisson et pertes de diversité biologique, changements néfastes pour l’agriculture, pénuries d’eau);
  • la modification des écosystèmes (y compris dans les régions de montagne);
  • les défis sociaux connexes (populations autochtones vulnérables, grandes villes et régions fortement peuplées affectées par l’élévation du niveau des mers et d’autres risques).
30. Les cartes identifient également les «points chauds» du changement climatique – des secteurs qui subissent l’effet conjugué de plusieurs risques climatiques extrêmes et qui devraient être particulièrement affectés.
31. La fusion de la cartographie dynamique du changement climatique avec celle des migrations aiderait à définir les tendances migratoires et à établir des prédictions fiables. Les décideurs politiques pourraient disposer d’une vision plus claire des lieux que des populations sont susceptibles de quitter (régions/pays), de leurs destinations probables, des nombres de personnes concernées et des échéances. De tels systèmes d’alerte précoce sont indispensables pour protéger la vie des personnes qui risquent d’être contraintes d’entreprendre des déplacements périlleux.
32. Une cartographie dynamique du changement climatique est déjà réalisée par plusieurs programmes, comme le Copernicus Climate Change Service (C3S) 
			(20) 
			<a href='https://climate.copernicus.eu/'>https://climate.copernicus.eu/</a> et <a href='https://vito.be/en/news/copernicus-monitoring-state-world%E2%80%99s-climate'>https://vito.be/en/news/copernicus-monitoring-state-world%E2%80%99s-climate</a>.. La modélisation du changement climatique est aussi souvent utilisée dans les analyses économiques modernes 
			(21) 
			<a href='https://climate.copernicus.eu/index.php/climate-hazards-data-prepare-financial-institutions-future'>Voir,
par exemple, https://climate.copernicus.eu/index.php/climate-hazards-data-prepare-financial-institutions-future</a>..
33. L’actuelle cartographie des migrations, réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (base de données sur les migrations internationales 
			(22) 
			<a href='https://www.oecd-ilibrary.org/fr/social-issues-migration-health/data/statistiques-de-l-ocde-sur-les-migrations-internationales_mig-data-fr'>www.oecd-ilibrary.org/fr/social-issues-migration-health/data/statistiques-de-l-ocde-sur-les-migrations-internationales_mig-data-fr.</a>) est aussi un outil précieux, mais elle s’appuie principalement sur des rapports établis a posteriori et ne permet pas d’estimer la probabilité de mouvements massifs de personnes poussées par le changement climatique. Même s’il repose également sur des rapports établis a posteriori, le projet de l’OIM sur les migrants disparus propose des outils dynamiques de cartographie importants pour les initiatives d’intervention d’urgence 
			(23) 
			<a href='https://missingmigrants.iom.int/region/mediterranean'>https://missingmigrants.iom.int/region/mediterranean</a>..
34. Enfin, il est possible de prédire les mouvements massifs de populations à l’issue de conflits. De tels déplacements induits par le changement climatique ne peuvent toutefois pas encore être anticipés avec une précision suffisante. Il est donc urgent d’intensifier la coopération intersectorielle et d’améliorer l’accès à des technologies de pointe pour les mettre au service de la protection des droits humains.

7.2. Agir sur les «causes d’émigration» des migrations climatiques

35. Il faut intensifier les efforts d’orientation des réponses des pouvoirs publics autour des principales «causes d’émigration» 
			(24) 
			<a href='https://environmentalmigration.iom.int/infographics'>https://environmentalmigration.iom.int/infographics</a>., notamment en matière de migrations climatiques. Cela suppose de mener une réflexion fondée sur des recherches précises et une analyse comparative des tendances du changement climatique et des migrations. Les pays pourraient actualiser leurs réponses:
  • par une action positive sur les causes de mobilité, qui sont déterminées par le sentiment de sécurité des personnes: sécurité alimentaire, sécurité vis-à-vis de l’eau, sécurité économique, sécurité personnelle et politique, sécurité énergétique et sécurité mondiale et environnementale;
  • par la prévention des déplacements massifs causés par des phénomènes environnementaux grâce à une amélioration de la gestion des risques majeurs: risques hydrologiques (inondations, glissements de terrain), risques géophysiques (séismes), risques météorologiques (températures extrêmes, vagues de chaleur), risques climatologiques (sécheresses, incendies de forêt), phénomènes littoraux (élévation du niveau de la mer, érosion du littoral), changements des écosystèmes (déboisement, dégradation des sols, acidification des océans, surpêche) et dégradation de l’environnement par des projets d’infrastructures (routes, barrages, exploitation minière);
  • par une action visant à améliorer les services des écosystèmes: services d’approvisionnement (nourriture, eau douce, matières premières), services de régulation (régulation climatique, purification de l’eau, régulation des maladies) et services économiques et culturels (comme le tourisme pour protéger contre les pertes d’emplois).
36. Pour agir sur les «causes de l’émigration», certains pays déploient des programmes structurés dans les zones géographiques les plus touchées par le changement climatique. C’est le cas, par exemple, de la partie sud de la République de Moldova, où la fréquence des sécheresses est plus élevée et où la désertification s’intensifie par rapport aux autres régions 
			(25) 
			Des actions spécifiques
ont été menées dans le cadre du programme «Climate Forum East» (CFE II)
financé par l’Union européenne, la Coopération autrichienne pour
le développement et la Croix-Rouge autrichienne. Des plans d’action
locaux sur l’adaptation au changement climatique ont été mis en
œuvre dans plusieurs villages, dont Slobozia Mare (district de Cahul),
dans le sud du pays.. Une série de projets de réaménagement des infrastructures a été mis en œuvre par le biais de programmes de coopération pour le développement afin de renforcer l’adaptation au changement climatique et améliorer l’accès à l’eau 
			(26) 
			Plan d’action local
sur l’adaptation au changement climatique, Slobozia Mare, district
de Cahul, République de Moldova, Programme coordonné par l’association
publique «Wisdom» avec le soutien de l’association publique «EcoContact».
Un autre programme a été mis en œuvre dans le village de Palanca,
district de Stefan Voda.. L’accès à l’eau est devenu une question encore plus critique dans le pays depuis qu’un grand projet industriel mené par l’Ukraine à Novodnestrovsk – six centrales hydroélectriques installées en cascade en amont du fleuve Dniester/Nistru – a entraîné une diminution considérable de l’approvisionnement en eau en République de Moldova. Ce projet aurait également modifié la qualité et la température de l’eau, affectant l’écosystème et menaçant l’approvisionnement global en eau pour les personnes qui vivent dans le bassin du Dniester/Nistru. Comme pour d’autres problèmes de même nature, la meilleure solution consiste à parvenir à un règlement négocié avec la participation d’observateurs internationaux.
37. Le Conseil de l’Europe a souligné par le passé l’importance de l’accès à une eau potable de qualité, en tant qu’élément intrinsèque d’un développement sain et durable et droit humain fondamental. La dégradation de l’environnement ou toute autre action délibérée menant à une pénurie d’eau est extrêmement dangereuse. Le Conseil de l’Europe a déjà soulevé ces questions dans la Résolution 1809 (2011) «L’eau: une source de conflits», la Résolution 1940 (2013) «La situation au Proche-Orient» appelant à garantir l’accès à l’eau de la population arabe de Palestine, la Résolution 2085 (2016) «Les habitants de régions frontalières de l’Azerbaïdjan sont délibérément privés d’eau», relative aux barrages de Sarsang et de Madagiz, et la Résolution 2142 (2017) «La crise humanitaire à Gaza», dénonçant les défaillances de l’approvisionnement en eau à Gaza. L’Assemblée aurait besoin de préparer un nouveau rapport sur l’accès à l’eau sous l’angle du nouveau droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable, car cette question reste cruciale dans plusieurs pays.
38. Les modifications anthropiques de l’environnement viennent s’ajouter aux défis liés au changement climatique, multipliant ses effets négatifs. Des mesures spécifiques doivent être prises pour prévenir les altérations de l’environnement qui pourraient limiter l’accès à l’eau. Lorsque des problèmes d’accès à l’eau se posent entre régions ou pays voisins, les négociations internationales doivent permettre de rechercher des solutions appropriées, conformément aux normes et pratiques internationales en matière de droits humains. Ces mesures doivent être guidées par les obligations internationales en matière d’environnement fixées par la Convention des Nations Unies sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière (Convention d’Espoo, 1991).

7.3. Assister les migrants pendant leur déplacement pour éviter les pertes de vies humaines

39. En 2018, la Task Force on Displacement, qui agit au niveau mondial, a formulé une série de recommandations à l’intention des pays afin de porter assistance aux migrants climatiques contraints de quitter leurs foyers. Elle a «souligné la nécessité de prendre des mesures collectives et multisectorielles afin de i) limiter les déplacements humains forcés et mal gérés, ii) apporter une assistance et une protection aux migrants déplacés par le changement climatique, iii) faciliter les migrations dans le contexte des changements climatiques et environnementaux, iv) favoriser les filières de migration régulière en tenant compte des besoins des marchés de l’emploi, et v) promouvoir les emplois décents et la création d’emplois, y compris dans l’économie "verte"» 
			(27) 
			Task Force on Displacement, rapport
du 17 septembre 2018, page 23: <a href='https://environmentalmigration.iom.int/iom-pdd-task-force-displacement-stakeholder-meeting'>https://environmentalmigration.iom.int/iom-pdd-task-force-displacement-stakeholder-meeting</a>..
40. En 2019, l’Assemblée a également décidé que l’absence de définition juridiquement contraignante des «réfugiés climatiques» n’empêchait nullement l’élaboration de politiques spécifiques visant à protéger les personnes obligées de se déplacer en raison du changement climatique 
			(28) 
			Résolution 2307 (2019) «Un statut juridique
pour les ‘réfugiés climatique’».. Les États membres ont été invités à adopter une approche plus proactive de la protection des victimes de catastrophes naturelles et d’origine humaine. La Résolution 2307 (2019) mentionne une série de mesures spécifiques à cet égard:
  • «5.3.1. […] mise en œuvre de mécanismes tels que la Convention de 2009 de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala) devrait être encouragée par des programmes européens de coopération au développement.
  • 5.3.2. l’obligation de protéger les personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) pour des raisons environnementales doit être considérée comme le premier niveau de protection juridique dans la législation de chaque État membre. L’accueil des victimes de catastrophes naturelles sur le territoire des États membres devrait être prévu en droit interne, notamment avec l’octroi d’un permis de séjour temporaire;
  • 5.3.3. la création d’un fonds international de solidarité pour assurer la protection des personnes contraintes d’émigrer à la suite de catastrophes climatiques devrait être étudiée. Par ailleurs, la coopération avec la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) pourrait être envisagée, conformément à la Déclaration sur les Principes européens pour l’environnement signée par la CEB le 30 mai 2006 ainsi que par la Commission européenne et plusieurs autres institutions financières internationales (la Banque européenne d’investissement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Nordic Environment Finance Corporation, la Banque nordique d’investissement), dans un effort commun de mise en œuvre du droit fondamental des générations présentes et futures de vivre dans un environnement sain.»
41. Pour relever les défis posés par les migrations induites par les changements climatiques en Europe, les États membres peuvent déjà utiliser les deux fonds fiduciaires gérés par la Banque de développement du Conseil de l'Europe: le Fonds pour les migrants et les réfugiés (MRF) 
			(29) 
			<a href='https://coebank.org/fr/donors-and-trust-funds/migrant-and-refugee-fund/'>Migrant
and Refugee Fund (MRF), CEB (coebank.org).</a> créé en 2015 et le Fonds d'investissement social vert (GSIF) 
			(30) 
			<a href='https://coebank.org/fr/donors-and-trust-funds/ceb-green-social-investment-fund/'>https://coebank.org/fr/donors-and-trust-funds/ceb-green-social-investment-fund/</a>. créé en mars 2020.
42. Les migrants d’Europe sont aussi plus exposés à des risques environnementaux comme la mauvaise qualité de l’air intérieur, les séquelles des canicules ou du froid et la pollution de l’air, parce qu’ils sont en général socialement défavorisés et vivent dans des quartiers pauvres 
			(31) 
			<a href='https://www.eea.europa.eu/publications/healthy-environment-healthy-lives'>https://www.eea.europa.eu/publications/healthy-environment-healthy-lives</a>.. Ces aspects ne doivent pas être négligés dans les efforts actuels d’élaboration de mesures des pouvoirs publics visant à promouvoir un «droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable». Ils devraient être pris en compte dans les initiatives futures du Conseil de l’Europe, y compris l’élaboration d’un éventuel nouveau protocole à la Convention européenne des droits de l’homme ou d’une nouvelle convention consacrant ce droit et définissant les conditions à remplir pour le rendre effectif.
43. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a prévenu la communauté mondiale des conséquences larvées du changement climatique et des besoins en protection des droits humains des migrants transfrontaliers 
			(32) 
			«The slow onset effects
of climate change and human rights protection for cross-border migrants»
(Les effets larvés du changement climatique et la protection des
droits humains des migrants transfrontaliers) (2018) <a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/37/35'>A/HRC/37/35</a>.. Il a souligné que les politiques et programmes de gestion du changement climatique et des migrations devraient répondre aux différents besoins des personnes vulnérables, en veillant à la protection de chacun, sans discrimination fondée sur le statut d’immigration et la nationalité. Certains groupes sont particulièrement vulnérables, car ils sont affectés de manière disproportionnée par l’évolution du climat, comme les habitants des régions littorales, les peuples autochtones, les minorités, les personnes âgées, les femmes et les filles, les enfants et les personnes handicapées.

7.4. Élaborer une approche axée sur les personnes, systémique et fondée sur les droits humains

44. La gestion du changement climatique doit envisager les systèmes dans leur globalité et s’appuyer sur des plateformes viables ralliant les entreprises, les villes et des acteurs non-étatiques, mobilisés et collaborant afin de soutenir les gouvernements et d’accélérer les changements structurels nécessaires pour réduire les émissions et améliorer la résilience des populations.
45. Les migrations et les transferts d’argent vers les pays d’origine peuvent faciliter l’adaptation de ces derniers au changement climatique. Il pourrait donc être intéressant d’étudier l’impact des décisions relatives aux politiques de gestion des migrations dans le cadre des négociations internationales sur le climat.
46. Les politiques axées sur les personnes mises en œuvre à un niveau systémique pourraient aider à alléger les pressions et à définir des solutions meilleures pour tous. L’OIM a souligné que les approches respectueuses des droits fondamentaux sont essentielles à toutes les étapes de la gestion des migrations et pour tous les types de migrations. Les cadres des droits humains peuvent efficacement guider les États dans la conception de mesures visant à prévenir les déplacements, à protéger les personnes pendant leur périple et à permettre aux migrants de se déplacer en toute sécurité et dans la dignité. Certaines initiatives nationales et régionales respectent déjà une approche fondée sur les droits humains et méritent d’être présentées comme de bonnes pratiques:
  • le Protocole sur la libre circulation des personnes (2020) de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) marque une avancée significative en vue de combler les lacunes en matière de protection des personnes déplacées au-delà des frontières du fait de catastrophes. Il autorise les citoyens des États membres de l’IGAD à franchir les frontières «en prévision, pendant ou après des catastrophes», et à séjourner dans un autre pays aussi longtemps que le retour dans leur pays d’origine «n’est pas possible ou raisonnable» 
			(33) 
			<a href='https://news.trust.org/item/20200228175003-4k8dq'>https://news.trust.org/item/20200228175003-4k8dq</a>..
  • les Lignes directrices des Fidji sur la réinstallation des populations déplacées du fait de catastrophes dans le cadre des effets du changement climatique (2019) couvrent les interventions nécessaires avant, pendant et après les déplacements et se fondent sur des approches holistiques, centrées sur les personnes, inclusives et s’appuyant sur les droits humains 
			(34) 
			<a href='https://www.pacificclimatechange.net/sites/default/files/documents/Displacement Guidelines. In the context of climate change and disasters..pdf'>www.pacificclimatechange.net</a>.. Ces Lignes directrices sont complétées par un autre document consacré à la réinstallation planifiée 
			(35) 
			<a href='https://www.refworld.org/docid/5c3c92204.html'>www.refworld.org/docid/5c3c92204.html</a>..
  • la Stratégie nationale de 2015 du Bangladesh sur la gestion des catastrophes et des déplacements internes induits par le climat, ainsi que sa version révisée de 2020, sont le fruit d’un processus consultatif impliquant toutes les parties concernées. Cette Stratégie suit une approche fondée sur les droits humains; elle énonce des interventions programmées visant à protéger les personnes pendant leurs déplacements liés aux catastrophes et prévoit des mesures de prévention et d’adaptation visant à atténuer les causes des changements de l’environnement.
47. L’approche fondée sur les droits humains implique aussi la participation active des personnes affectées par les migrations induites par le changement climatique. La société civile devrait avoir la possibilité de faire entendre la voix de tels migrants. Le Représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU sur les droits de l’homme des migrants (2011-2017), M. François Crépeau, a observé qu’un aspect marquant du débat contemporain sur les migrations induites par le climat est que l’on n’entend pas la voix des migrants eux-mêmes. C’est partiellement lié à un manque de prise de conscience de leur part: les migrants «climatiques» se considèrent rarement comme tels (et nombre d’entre eux n’ont jamais entendu parler de cette notion). C’est peut-être aussi, en partie, lié à la réticence générale des migrants (surtout s’ils sont vulnérables ou en situation irrégulière) d’exprimer leurs préoccupations ou de dénoncer les violations de leurs droits dont ils sont victimes. Il est donc hautement souhaitable que les États soutiennent activement la constitution et la viabilité des organisations représentatives des migrants et leur donnent la parole, dès que possible, y compris en leur assurant une formation et un renforcement des capacités au niveau local 
			(36) 
			A/67/299, Note du Secrétaire
Général, Assemblée générale des Nations Unies, para. 87..

7.5. Augmenter la responsabilité des entreprises et leur participation à la prévention des déplacements

48. Les entreprises jouent un rôle essentiel: ce sont les pionnières du développement et de l’innovation technologique. Comme les flux migratoires s’orientent vers des sources stables de revenus, il faut reconnaître le rôle des entreprises qui offrent ces revenus stables. Les entreprises, y compris les plus avancées sur le plan technologique, devraient participer à la prévention des déplacements de population. L’idéal serait que, d’une part, les entreprises adoptent un fonctionnement respectueux de la nature et que, d’autre part, elles gardent à l’esprit l’impact de leurs activités sur les migrations. Cette problématique pourrait être approfondie dans le cadre d’un futur rapport de l’Assemblée.

7.6. Améliorer la gestion des migrations

49. L’élaboration d’une approche systémique implique également de repenser la gestion des migrations pour la rendre conforme aux nouveaux objectifs. Bien administrées, les migrations peuvent jouer un rôle positif dans les initiatives de l’Europe en faveur du climat, notamment par les transferts de fonds et de technologie vers les pays d’origine. Des migrations bien gérées peuvent aussi aider l’Europe à surmonter certains de ses problèmes futurs, comme le maintien de sa démographie et de sa croissance économique, et l’apport de nouvelles ressources et d’une valeur ajoutée dans les projets agricoles nécessitant beaucoup de main d’œuvre.
50. La gestion des migrations pourrait également bénéficier d’une meilleure intégration de l’égalité de genre dans toutes ses dimensions, en s’inspirant de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité. Les membres de parlements doivent rester vigilants et veiller à ce qu’une approche prenant en compte la dimension de genre soit intégrée dans la conception et la mise en œuvre des projets et des programmes relatifs aux migrations induites par le changement climatique. Ce faisant, ils pourraient mettre en œuvre une série de mesures particulières, telles que celles proposées par le Fonds vert pour le climat (FVC) 
			(37) 
			Le
Fonds vert pour le climat (FVC) est une entité opérationnelle créée
au sein de la CCNUCC pour aider les pays en développement dans leurs
pratiques d’adaptation et d’atténuation des effets du changement
climatique. Le FVC est basé à Incheon, en Corée du Sud. Il a été
créé par 194 gouvernements pour limiter ou réduire les émissions
de gaz à effet de serre dans les pays en développement et pour aider
les sociétés vulnérables à s’adapter aux conséquences inévitables du
changement climatique. Il est dirigé par un conseil d’administration
composé de 24 membres et assisté par un secrétariat, <a href='https://www.greenclimate.fund/'>https://www.greenclimate.fund</a>.. Ils ont décidé de conditionner l’accès au financement des projets d’adaptation et d’atténuation du climat à l’existence de plans d’action spécifiques intégrant la dimension de genre. En outre, le guide pratique sur «La parité hommes-femmes des projets relatifs au Fonds vert pour le climat» aide les demandeurs à intégrer l’égalité entre les femmes et les hommes dans les interventions sur le changement climatique et le financement de l’action pour le climat, en général. En conséquence, des plans d’action en faveur de l’égalité de genre («Plans d’action genre») ont été mis en place, avec des objectifs et des critères de référence pour chaque demande de financement pour tous les projets 
			(38) 
			<a href='https://www.greenclimate.fund/'>www.greenclimate.fund/</a>..

7.7. Renforcer la coopération au développement et les aides d’urgence

51. Les États membres du Conseil de l’Europe devraient œuvrer à l’échelle de la planète pour limiter le changement climatique et ses conséquences. Comme je l’ai mentionné dans mon rapport antérieur intitulé «La coopération pour le développement: un outil de prévention des crises migratoires», la coopération au développement limite les inégalités, mais pourrait aussi contribuer à éviter une forte augmentation des flux migratoires à l’avenir 
			(39) 
			Doc. 14830.. Investir dans la protection de ceux qui n’ont pas quitté leur pays mais sont «sur le départ» aiderait à éviter une fuite des cerveaux et la perte de main-d’œuvre qualifiée dans les pays d’origine améliorant ainsi, à terme, les perspectives de développement et la viabilité des réformes économiques de ces pays. La Résolution 2268 (2019) souligne que les gouvernements européens devraient poursuivre et intensifier leur coopération pour le développement et diversifier le financement, «en mettant l’accent sur des programmes durables pour l’éducation, la santé et les infrastructures».
52. En outre, l’aide d’urgence doit être apportée en temps utile. Ce soutien ne devrait pas se limiter à une assistance alimentaire. Parfois, d’autres types d’aide sont nécessaires. Considérons les récents événements qui ont infligé à certaines régions d’Éthiopie de dramatiques pertes de récoltes. Ils se sont ajoutés au conflit dans le nord de l’Éthiopie, dans la région du Tigré 
			(40) 
			<a href='https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/12/ethiopia-international-humanitarian-aid-must-be-allowed-into-tigray-refugee-camps-amid-food-shortage-warning/'>Éthiopie:
L’aide humanitaire internationale doit parvenir jusqu’aux camps
de réfugié·e·s du Tigré alors que la pénurie alimentaire menace</a>, Amnesty International.. Un million de personnes sont confrontées à une pénurie alimentaire engendrée par la prolifération extrême de criquets, induite par la hausse des températures 
			(41) 
			<a href='https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-04-13/a-million-people-face-food-shortage-in-ethiopia-due-to-locusts'>A
Million People Face Food Shortage in Ethiopia Due to Locusts – Bloomberg</a>.. Environ 200 000 hectares de terres agricoles ont été ravagés par ces insectes, provoquant la perte de plus de 356 000 tonnes de céréales comme le sorgho, le maïs et le blé. Les rapports révèlent que la prolifération des criquets pourrait être enrayée si l’on répandait suffisamment de pesticides. Par comparaison avec les normes européennes, à peine 10 % des doses nécessaires ont été mises en œuvre. Par conséquent, de nouveaux déplacements sont à prévoir, les personnes étant poussées à l’exil parce que les États n’ont pas les moyens de traiter ces problèmes. Globalement, la Banque mondiale estime que 500 millions de dollars sont nécessaires pour combattre la prolifération des criquets en Afrique et au Proche-Orient, et vient de lancer un nouveau programme à cette fin 
			(42) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ethiopia/invasion-de-criquets-p-lerins-500-millions-de-dollars-pour-soutenir-la-lutte'>Invasion
de criquets pèlerins: 500 millions de dollars pour soutenir la lutte
antiacridienne, préserver la sécurité alimentaire et protéger les
moyens de subsistance – Éthiopie | ReliefWeb</a>..

7.8. Poursuivre les responsables de dégradations majeures de l’environnement

53. Les dégradations de l’environnement peuvent déclencher l’émigration. Il est important de poursuivre les responsables de graves dommages à l’environnement pour éviter que de telles affaires ne se reproduisent à l’avenir. Tant la responsabilité civile que la responsabilité pénale sont nécessaires. De plus, cela contribue à la sensibilisation et au sentiment de responsabilité des décideurs. Par exemple, une récente décision du Conseil d’État français 
			(43) 
			Décision
du Conseil d’État, Article 1: Une astreinte est prononcée à l’encontre
de l’État, s’il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant
la notification de la présente décision, exécuté la décision du
Conseil d’État du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées
au point 11 des motifs de la présente décision, et jusqu’à la date
de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 10 millions
d’euros par semestre, à compter de l’expiration du délai de six
mois suivant la notification de la présente décision. <a href='https://juricaf.org/arret/FRANCE-CONSEILDETAT-20200710-428409'>https://juricaf.org/arret/FRANCE-CONSEILDETAT-20200710-428409</a>. a ordonné de prendre des mesures de réduction de la pollution de l’air.
54. Les aspects de la responsabilité pénale et civile en cas de dégradation de l’environnement seront examinés par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme 
			(44) 
			Voir Doc. 15362.. Une étude paneuropéenne a été lancée par le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) afin d’évaluer la situation actuelle dans les États membres du Conseil de l’Europe.

7.9. Protéger les lanceurs d’alerte et les défenseurs des droits liés à l’environnement

55. Pourquoi parler des défenseurs des droits liés à l’environnement dans un rapport sur les migrations? En fait, il existe un lien étroit entre les deux. Il s’avère qu’à chaque catastrophe majeure, écologique ou d’origine humaine, des alertes avaient été données, souvent par des organisations de la société civile ou par des individus concernés, et que les autorités avaient choisi de les ignorer. Des déplacements massifs auraient pu être évités si des mesures avaient été prises en réponse aux alertes. Le déboisement en Amazonie a été dénoncé par les organisations locales de la société civile, que les autorités ont fait taire, souvent en raison d’une forte corruption. Ce scénario s’est fréquemment répété en Asie, en Afrique et en Amérique latine mais également, dans une certaine mesure, en Europe. Les mouvements massifs de personnes à la recherche d’un nouveau lieu de vie deviennent alors inévitables.
56. Les organisations de la société civile ou les citoyens qui alertent le public sur les problèmes de changement climatique et de protection de l’environnement devraient disposer de moyens de communication adéquats pour formuler leurs préoccupations avant qu’il ne soit trop tard. En outre, les tentatives de réduire au silence les défenseurs des droits liés à l’environnement devraient être sanctionnées, et des mesures de réparation devraient être prises le plus rapidement possible.
57. Je me félicite donc de l’adoption de la directive de l’Union européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (Directive UE 2019/1937 du 23 octobre 2019), qui couvre les personnes dénonçant des actes répréhensibles susceptibles de porter atteinte à l’intérêt public, par exemple en causant des dommages à l’environnement, à la santé publique et à la sécurité des consommateurs ainsi qu’aux finances publiques. J’espère que les pays hors Union Européenne pourront mettre en œuvre des instruments similaires au niveau national afin d’offrir la meilleure protection possible à ceux qui risquent souvent leur vie pour le bien public 
			(45) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2019/10/07/better-protection-of-whistle-blowers-new-eu-wide-rules-to-kick-in-in-2021/'>www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2019/10/07/better-protection-of-whistle-blowers-new-eu-wide-rules-to-kick-in-in-2021/</a>..

7.10. Intégrer les considérations liées aux migrations dans le Pacte vert pour l’Europe

58. Malgré les multiples incidences des migrations sur les initiatives européennes en faveur du climat, elles sont relativement absentes des documents déjà publiés dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe (European Green Deal, EGD). Les migrants ne sont pas reconnus comme des parties prenantes, des bénéficiaires ou des facilitateurs potentiels des réalisations du Pacte vert. Une intégration des migrations dans ce Pacte permettrait d’assurer de la cohérence avec les engagements mondiaux de l’Accord de Paris, du Pacte mondial pour les migrations et le Cadre de Sendai 
			(46) 
			<a href='https://environmentalmigration.iom.int/blogs/migration-and-european-green-deal'>https://environmentalmigration.iom.int/blogs/migration-and-european-green-deal</a>..
59. Dans ce contexte, les parlements nationaux des États membres du Conseil de l’Europe qui sont membres de l’Union européenne pourraient contribuer à faciliter l’intégration des politiques migratoires dans le Pacte vert, notamment dans les trois domaines suivants:
  • le dispositif des Migrations sûres, ordonnées et régulières pourrait être mis à profit pour soutenir la transition verte et lutter contre les causes climatiques des migrations. Les transferts de fonds peuvent promouvoir l’adaptation et renforcer la résilience des communautés d’origine. Les migrations circulaires ou saisonnières peuvent offrir une stratégie de gestion des risques aux ménages exposés au changement climatique, mais aussi pour compenser les pénuries du marché de l’emploi.
  • Le Mécanisme de Transition Juste et le Fonds de Transition Juste devraient prendre en compte le rôle des migrants, de leurs familles et de leurs communautés dans la main-d’œuvre et la chaîne d’approvisionnement, et veiller à ce que les migrants puissent accéder à une protection sociale adéquate et à des possibilités de reconversion professionnelle.
60. L’Union européenne pourrait promouvoir les principes et pratiques du Pacte vert dans son action extérieure, et notamment ceux qui sont à l’intersection entre les migrations, le changement climatique et la transition écologique.

7.11. Soutenir les programmes mondiaux pertinents

61. La Plateforme pour les déplacements liés aux catastrophes (PDD), une initiative des États qui a vu le jour en 2016 pour assurer le suivi des travaux de l’initiative Nansen, a lancé une série de mesures visant à mieux protéger les personnes déplacées au-delà des frontières dans le contexte des catastrophes et du changement climatique 
			(47) 
			<a href='https://environmentalmigration.iom.int/policy/platform-disaster-displacement'>https://environmentalmigration.iom.int/policy/platform-disaster-displacement</a>.. Aux côtés de ses principaux partenaires, l’OIM et le HCR, la PDD collabore depuis sa création avec les États intéressés à la mise en œuvre des recommandations de l’Agenda pour la protection des personnes déplacées à l’extérieur de leur propre pays en raison d’une catastrophe et des changements climatiques, qui résulte de l’Initiative Nansen. Cet Agenda propose aux États une boîte à outils pour mieux prévenir et préparer les déplacements avant la survenue d’une catastrophe. L’Union européenne est l’un des membres les plus actifs du Groupe de pilotage de la PDD. Tous les États membres du Conseil de l’Europe devraient être encouragés à participer activement à ses travaux.
62. Des initiatives pertinentes existent également dans le domaine de la gestion des catastrophes et la plupart des stratégies de réduction des risques de catastrophes préparées pour la mise en œuvre du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 évoquent les problèmes de mobilité humaine (déplacement, migration, évacuation, réinstallation) 
			(48) 
			Michelle
Yonetani, «Mapping the baseline.To what extent are displacement
and other forms of human mobility integrated in national and regional
disaster risk reduction strategies?», octobre 2018, étude réalisée
dans le cadre du plan de travail 2016-2019 du PDD, <a href='https://www.preventionweb.net/files/65230_07052019mappingthebaselineweb.pdf'>www.preventionweb.net/files/65230_07052019mappingthebaselineweb.pdf</a>.. L’OIM a élaboré, en coopération avec plusieurs partenaires internationaux, des orientations pour passer «des paroles aux actes» en matière de déplacements suite aux catastrophes 
			(49) 
			<a href='https://www.undrr.org/publication/words-action-guidelines-disaster-displacement-how-reduce-risk-address-'>www.undrr.org/publication/words-action-guidelines-disaster-displacement-how-reduce-risk-address-impacts-and#:~:text=The%20development%20of%20this%20Words,as%20set%20out%20in%20the</a>., afin d’aider les gouvernements à intégrer ces derniers et d’autres formes semblables de mobilité humaine dans les stratégies régionales, nationales, sous-nationales et locales de réduction des risques de catastrophes, conformément au Cadre de Sendai.
63. Certains cadres politiques régionaux sont également intéressants du point de vue de la mobilité humaine dans le contexte du changement climatique et des catastrophes. Ainsi, le Convention de Kampala mentionne le changement climatique parmi les causes de déplacement dans sa définition régionale des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, tout comme le Protocole de 2020 de l’IGAD sur la liberté de circulation, mentionné ci-dessus. La Conférence sud-américaine sur les migrations et la Conférence régionale sur les migrations ont conçu un instrument régional non contraignant pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières et sur les migrants dans les pays affectés par des catastrophes 
			(50) 
			<a href='https://disasterdisplacement.org/wp-content/uploads/2019/06/CSM-Lineamientos-regionales-personas-desplazadas-por-desastres_compressed.pdf'>https://disasterdisplacement.org/wp-content/uploads/2019/06/CSM-Lineamientos-regionales-personas-</a><a href='https://disasterdisplacement.org/wp-content/uploads/2019/06/CSM-Lineamientos-regionales-personas-desplazadas-por-desastres_compressed.pdf'>desplazadas-por-desastres_compressed.pdf</a>.. D’importants efforts régionaux sont actuellement consentis dans la région pacifique afin de réduire les risques et l’impact des catastrophes sur les personnes en danger de déplacement dans les petits États insulaires en voie de développement 
			(51) 
			C’est l’objectif du
projet Pacific Response to Disaster Displacement (PRDD),
financé par l’Union européenne et dirigé par l’IDMC, dont l’OIM
et le PDD sont les principaux partenaires, <a href='https://environmentalmigration.iom.int/projects/pacific-response-disaster-displacement-prdd'>https://environmentalmigration.iom.int/projects/pacific-</a><a href='https://environmentalmigration.iom.int/projects/pacific-response-disaster-displacement-prdd'>response-disaster-displacement-prdd</a>., renforcer les capacités des communautés affectées par le changement climatique grâce à des activités de formation et de développement des compétences et renforcer la capacité des gouvernements de promouvoir la mobilité de la main-d’œuvre dans le contexte du changement climatique 
			(52) 
			L’OIM dirige un projet
réunissant plusieurs partenaires et financé par le Fonds d’affectation
spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine, qui vise à
améliorer la protection des migrants et à renforcer les capacités
des communautés affectées par le changement climatique et les catastrophes
dans la région Pacifique: 
			(52) 
			<a href='https://environmentalmigration.iom.int/projects/enhancing-protection-and-empowerment-migrants-and-communities-affected-climate-change-and'>https://environmentalmigration.iom.int/projects/enhancing-protection-and-empowerment-migrants-and-
communities-affected-climate-change-and</a>..
64. L’OIM demande toutefois plus de cohérence entre ces différents cadres politiques mondiaux, en particulier l’Accord de Paris, le Pacte mondial pour les migrations et le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe. Il est donc important que le Conseil de l’Europe veille à ce que ses efforts soient cohérents avec les travaux correspondants menés par ailleurs, comme ceux de la TFD de la CCNUCC et la mise en œuvre des orientations pour passer «des paroles aux actes» en matière de déplacements suite aux catastrophes. De plus, comme les conséquences larvées des changements qui surviennent dans l’environnement devraient continuer d’influencer les tendances mondiales en matière d’urbanisation, l’OIM encourage également l’élaboration de politiques urbaines favorisant l’intégration des migrants afin de ne pas engendrer des risques futurs et de construire des sociétés plus durables.
65. La nécessité d’agir sans tarder a une fois de plus été soulignée par le Sommet de 2020 sur l’ambition climatique 
			(53) 
			<a href='https://www.climateambitionsummit2020.org/fr.php'>www.climateambitionsummit2020.org/fr.php</a>. qui s’est tenu le 12 décembre à l’initiative des Nations Unies, du Royaume-Uni et de la France, en partenariat avec le Chili et l’Italie. Des dirigeants des gouvernements, des entreprises et de la société civile se sont réunis en ligne pour appeler à l’action afin de limiter la hausse des températures mondiales à 1,5°C. Les pays ont défini de nouveaux engagements dans le cadre des trois piliers de l’Accord de Paris: l’atténuation, l’adaptation et les engagements financiers, y compris de nouvelles contributions déterminées au niveau national, des stratégies à long terme définissant une feuille de route pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone; des engagements financiers pour le climat en faveur des plus vulnérables; et d’ambitieux plans d’adaptation. Le Sommet a également offert une plateforme aux représentants de la société civile, des jeunes et des peuples autochtones, dont beaucoup subissent de manière disproportionnée les impacts du changement climatique.
66. Globalement, les États membres devraient soutenir davantage les programmes mondiaux pertinents, tels que le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 et ceux mis en œuvre au titre de la CCNUCC, du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et du Pacte mondial sur les réfugiés, et prêter une attention particulière aux travaux du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement 
			(54) 
			<a href='https://www.ohchr.org/FR/Issues/Environment/SREnvironment/Pages/SRenvironmentIndex.aspx'>www.ohchr.org/FR/Issues/Environment/SREnvironment/Pages/SRenvironmentIndex.aspx</a>..

7.12. Garantir le financement pour une coopération en matière de développement menée par l’Europe

67. Les États membres du Conseil de l’Europe devraient pouvoir mettre en place des programmes spécifiques pour contribuer à relever les défis liés aux migrations induites par le climat. Un Fonds de solidarité mondiale pour les migrations climatiques devrait être créé pour aider les pays concernés. La communauté internationale devrait renforcer la coopération au développement avec les pays les plus susceptibles d’être touchés par le changement climatique, comme les pays de la région du Sahel, afin d’améliorer les conditions de vie des populations et éviter ainsi qu’elles ne se sentent contraintes d’émigrer. Ceux qui n’ont d’autre choix que d’émigrer auront besoin d’être aidés pour éviter les pertes de vies humaines. Il importe d’assurer des voies de migration sûres pour que ces personnes puissent être accueillies correctement. L’Europe doit se tenir prête à jouer son rôle pour accompagner ce phénomène.
68. Plusieurs initiatives ont été lancées ces dernières années pour aider les États à introduire des changements dans le but de soutenir la transition verte. Le programme «Villes vertes» de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) – pour lequel un montant total de 87 millions d’euros a été débloqué en 2019 – en est un exemple. Ce programme est financé par le FVC. Le projet de la BERD est un excellent exemple, mais il ne couvre pas les coûts nécessaires pour répondre aux besoins des migrants climatiques qui arrivent en Europe ni les projets dans leurs pays d’origine qui pourraient leur permettre de vivre dignement dans leurs pays respectifs.
69. Le FVC finance des projets qui aident des pays d’Asie, d’Afrique et d’Europe de l’Est, mais tous les États membres du Conseil de l’Europe n’ont pas leur mot à dire dans les négociations qui se tiennent à Incheon. Nous aurions beaucoup à apprendre de certains des projets financés par le FVC. Certains sont conçus pour aider les pays à améliorer leur résilience face au changement climatique, ce qui peut permettre de prévenir les migrations dues aux catastrophes. Le programme de travail 2021 du FVC vise un objectif de 1,78 à 2,26 milliards de dollars en matière de programmation 
			(55) 
			<a href='https://www.greenclimate.fund/document/work-programme-secretariat-2021-and-administrative-budget'>Programme
de travail du secrétariat pour 2021 et budget administratif (en
anglais), Fonds vert pour le climat</a>. Tous les documents approuvés par le conseil d’administration
du Fonds vert sont disponibles en ligne sous la référence de chaque
réunion: <a href='https://www.greenclimate.fund/boardroom/meetings'>www.greenclimate.fund/boardroom/meetings</a>.. Cela dit, compte tenu de l’importance géostratégique pour l’Europe de certains programmes mis en œuvre dans d’autres parties du monde – notamment en ce qui concerne leur impact sur les migrations vers l’Europe –, la création d’un organisme européen pour traiter ces questions est indispensable.
70. Un Fonds de solidarité mondiale pour les migrations climatiques, basé en Europe, qui pourrait coopérer avec le Fonds vert pour le climat (sous réserve d’obtenir son accréditation 
			(56) 
			<a href='https://www.greenclimate.fund/document/gcf-b27-03'>www.greenclimate.fund/document/gcf-b27-03</a>.), constituerait un grand pas en avant dans la réalisation des engagements internationaux visant à «ne laisser personne de côté», y compris les migrants, dans un monde frappé par le changement climatique. Des programmes spécifiques pourraient être élaborés avec l’appui d’experts issus de tous les États membres du Conseil de l’Europe, favorisant les avancées technologiques dans les pays qui reçoivent une aide au développement et dans ceux qui la fournissent. Outre l’amélioration des conditions de vie dans les pays d’origine, le Fonds de solidarité mondiale pour les migrations climatiques pourrait également soutenir les migrants eux-mêmes. Des mécanismes de protection des personnes contraintes de se déplacer en raison du changement climatique devraient être mis en place. Ce serait là une véritable contribution européenne à la protection des droits humains et de la dignité des populations les plus vulnérables du monde.

8. Une étude de cas: les îles Kiribati

71. En janvier 2020 (quelques mois après l’adoption de la Résolution 2307 (2019) de l’Assemblée), le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a publié sa décision dans une affaire qui ouvrira la voie aux recours futurs dans le domaine du climat. Il s’agit de la première décision d’un organe créé en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme des Nations Unies concernant la plainte d’une personne réclamant la protection au titre de «l’asile» en invoquant les conséquences du changement climatique 
			(57) 
			Le Comité des droits
de l’homme: <a href='https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/CCPR/Pages/CCPRIndex.aspx'>www.ohchr.org/FR/HRBodies/CCPR/Pages/CCPRIndex.aspx</a> et <a href='https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR/C/127/D/2728/2016&Lang=en'>https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CCPR/C/127/D/2728/2016&Lang=fr</a>.. Je tiens à souligner l’importance de cette décision, même si j’aurais préféré une issue différente.
72. Le Comité a très justement fait observer que la dégradation de l’environnement, le changement climatique et le développement non durable sont parmi les menaces les plus pressantes et les plus graves pour l’aptitude des générations présentes et futures de jouir du droit à la vie; elle peut compromettre la jouissance effective du droit à la vie, peut nuire au bien-être des personnes et mener à une violation de ce droit à la vie. [paragraphes 9.4 et 9.5]. Le Comité a admis que dans les Kiribati, patrie du requérant, les sources d’eau douce se sont taries en raison de la contamination par l’eau salée induite par l’élévation du niveau de la mer, et reconnaît les difficultés causées par le rationnement de l’eau [paragraphe 9.8.]. Il admet également que les événements soudains (comme de fortes tempêtes et des inondations) et des processus progressifs comme l’élévation du niveau de la mer, la salinisation et la dégradation des sols peuvent motiver des personnes à franchir les frontières et à rechercher une protection contre des dommages liés au changement climatique [paragraphe 9.11].
73. Le Comité a toutefois décidé que dans le cas spécifique de M. Teitiota, les tribunaux de la Nouvelle-Zélande n’ont pas violé son droit à la vie au moment des faits et que, par conséquent, lui et sa famille pouvaient être renvoyés vers les Kiribati. Même s’il accepte l’affirmation de l’auteur que la hausse du niveau de la mer finira par rendre inhabitable la République des Kiribati, le Comité estime que l’échéance de 10 à 15 ans avancée par M. Teitiota laisse à la République des Kiribati du temps pour prendre, avec l’aide de la communauté internationale, des mesures résolues visant à protéger voire, si nécessaire, à réinstaller, sa population. Le Comité note par ailleurs la déclaration du tribunal de Nouvelle-Zélande selon laquelle l’auteur semblait reconnaître qu’il invoquait non pas un risque de dommage spécifique pour sa personne, mais un risque général pour l’ensemble des habitants des Kiribati.
74. Je déplore que M. Teitiota et sa famille n’aient pas eu la possibilité de choisir entre la Nouvelle-Zélande et un retour aux Kiribati. Je suis certain que de meilleures solutions pourraient avoir été trouvées. À mon sens, M. Teitiota a joué le rôle de donneur d’alerte en cherchant à sensibiliser la communauté internationale au danger imminent et aux risques pour la vie des populations autochtones des îles du Pacifique.
75. Les opinions dissidentes de deux membres du Comité sont de bons indicateurs du fait que l’actuel manque de protection juridique pour les réfugiés climatiques en vertu de la Convention relative au statut des réfugiés et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques devrait être résolu. Comme le déclare M. Duncan Laki Muhumuza, membre du Comité, dans son opinion individuelle (dissidente), il est certes louable que les Kiribati prennent des mesures d’adaptation pour limiter les vulnérabilités existantes et remédier aux nuisances du changement climatique, mais il est clair que les conditions de vie restent incompatibles avec les normes de dignité de l’auteur imposées par le Pacte. Le fait que ce soit une réalité pour de nombreuses autres personnes du pays ne rend pas ces conditions plus dignes pour les intéressés. La démarche de la Nouvelle-Zélande s’apparente davantage à renvoyer une personne qui se noie dans un navire en train de sombrer, avec pour seule «justification» qu’après tout il y a d’autres passagers à bord. Même si les Kiribati font le nécessaire pour lutter contre les problèmes, tant que les conditions restent désastreuses, la vie et la dignité des personnes restent compromises 
			(58) 
			Une affaire historique
portée devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU ouvre la
voie à des demandes d’asile motivées par le changement climatique: 
			(58) 
			<a href='https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25482&LangID=E'>www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25482&LangID=E</a>..
76. J’aimerais donc lancer un appel à une approche plus positive et à des politiques et stratégies de préparation aux catastrophes tournées vers l’avenir en matière de changement climatique, afin d’assurer la protection future des personnes.