1. Introduction
1. La Terre se réchauffe. Fin
2019 – début 2020 nous avons connu l’hiver le plus doux depuis le
début des relevés météorologiques, à la fin du 19e siècle.
Les phénomènes météorologiques extrêmes sont de plus en plus nombreux.
Des records de température ont récemment été enregistrés sur la
banquise de l’Antarctique, la plus grande réserve d’eau douce de
la planète. Si elle fond, le niveau des mers augmentera de plusieurs dizaines
de mètres.
2. D’une manière générale, le changement climatique modifie la
distribution des populations mondiales, et les déplacements transfrontaliers
et à l’intérieur des frontières des pays européens sont des réactions
à des phénomènes climatiques à évolution lente. Les feux de végétation
se multiplient dans les régions méridionales de l’Espagne, du Portugal
et de la France, l’élévation du niveau des mers risque d’affecter
de grandes métropoles (Hambourg, Amsterdam, Rotterdam, Londres,
Istanbul) et les écosystèmes évoluent en Europe du Nord (Norvège,
Suède, Finlande, Russie)
. Certains craignent que les phénomènes
environnementaux ne déclenchent des conflits, car la concentration
des populations dans certaines régions génère une concurrence accrue
pour l’accès aux ressources.
3. Tandis que le réchauffement climatique se poursuit et que
la nature des menaces se précise, nous en connaissons les conséquences:
les zones littorales et les deltas seront inondés, de nombreuses
îles et terres disparaîtront, davantage de régions seront frappées
par la sécheresse et la désertification, etc. Les habitants des
régions où la situation ne sera plus viable seront les victimes
directes de ces transformations de leur environnement. Ils seront
contraints d’émigrer à la recherche de nourriture et d’un autre
lieu d’habitation, que ce soit dans leur pays ou dans un autre.
Des millions de personnes seront forcées d’émigrer et, dans ce contexte,
l’on estime que le changement climatique contraindra près de 50 millions
de personnes à quitter leurs foyers dans les pays d’Afrique d’ici
à 2050
. Ce phénomène aura des
effets déstabilisants et pourrait conduire à des tensions, des conflits
et même des guerres, les populations devant lutter pour obtenir
les maigres ressources disponibles. S’exprimant le 27 février 2020
à Strasbourg à l’occasion d’une conférence organisée par le Conseil
de l’Europe sur les enjeux climatiques, l’ancien Premier ministre
français Laurent Fabius a déclaré que «le réchauffement climatique
[était] une question de guerre ou de paix! Lorsque le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
reçoit un Prix Nobel, c’est le Prix
Nobel de la paix, pas le Prix Nobel de physique ou de chimie. L’Académie
des prix Nobel ne s’est pas trompée.»
4. L’impact du réchauffement climatique sur la problématique
de l’eau sera dramatique. Les répercussions matérielles revêtiront
essentiellement deux formes: trop d’eau dans certaines régions,
et trop peu dans d’autres. Selon les rapports successifs du GIEC,
il faut s’attendre d’ici à la fin du 21e siècle
et sous l’effet de la fonte des glaces, notamment au Groenland,
dans l’Arctique et dans l’Antarctique, à une augmentation spectaculaire
du niveau des mers qui devrait être proportionnelle à l’intensité
du réchauffement climatique constaté. Les experts annoncent une
élévation d’au moins 50 cm du niveau des mers, mais certains parlent aussi
de 1 à 2 mètres.
5. Ce sera la catastrophe pour les centaines de millions de personnes
installées à proximité immédiate de la mer et que la hausse inexorable
du niveau de l’eau et l’inondation de leurs foyers contraindra au
départ. Pour certains, le danger se présentera sous la forme d’inondations
massives provoquées par des phénomènes météorologiques extrêmes,
comme lors du passage de l’ouragan Katrina sur la ville américaine
de la Nouvelle-Orléans, en 2005. Les côtes dont la pente est insuffisante,
comme dans les deltas, et surtout les plus peuplées, sont particulièrement
menacées. Le Bangladesh en fournit un exemple caractéristique: un
pays très vaste, à forte population et en développement, dépourvu
de moyens financiers nécessaires pour se préparer aux risques climatiques.
Les îles et îlots peu élevés risquent d’être irrémédiablement submergés,
une situation courante dans l’océan Pacifique et dans l’océan Indien.
6. À l’inverse, les régions du monde qui souffrent déjà d’une
crise de l’eau, comme le Proche-Orient et l’Afrique subsaharienne,
peuvent s’attendre à une aggravation de leur situation. L’Afrique
subsaharienne réunit tous les ingrédients menant à une forte émigration
parce qu’elle cumule les problèmes de la pauvreté, de la désertification
et de l’explosion démographique. Dans ces pays, la population devrait
doubler d’ici à 2050. Ces prévisions tiennent compte du fait que
la vaste majorité des pays d’Afrique n’ont pas encore terminé leur transition
démographique, une expression qui désigne l’évolution relativement
courante de la démographie, un passage relativement lent et graduel
du régime dit traditionnel, caractérisé par une forte natalité et
une forte mortalité, à une situation dite moderne, où la mortalité
et la natalité sont faibles, comme dans le monde occidental aujourd’hui.
L’Afrique a globalement connu une diminution de la mortalité des
personnes âgées accompagnée d’une diminution encore plus forte de
la mortalité infantile grâce à une amélioration des soins médicaux
et des conditions de vie. Au Niger, une femme donne en moyenne naissance
à six ou sept enfants. La population de ce pays est passée de 3 millions
d’habitants en 1960 à 23 millions aujourd’hui, et pourrait atteindre
65 millions en 2050. Tous les pays de la région sont confrontés
à une situation comparable: une population croissante et de plus
en plus pauvre, vivant sur des terres qui sont de moins en moins
capables de nourrir leurs enfants – un cocktail qui engendrera immanquablement
une émigration massive.
2. But et structure du rapport
7. Les changements climatiques
auront de graves répercussions sur les phénomènes migratoires. L’étude de
l’Assemblée parlementaire sur les liens entre le changement climatique
et les migrations vient à point nommé pour formuler des recommandations
destinées à atténuer leurs conséquences et à se préparer aux événements
politiques et pratiques qui accompagneront ces changements. Quand
l’Assemblée examine des problèmes liés aux changements climatiques,
essentiellement sous l’angle des droits fondamentaux, elle doit garder
à l’esprit leur impact du point de vue des migrations et des migrants
et de leurs pays d’origine, de transit et de destination.
8. Le présent rapport s’inscrit dans le cadre d’une mobilisation
plus large, d’envergure paneuropéenne, visant à atténuer les conséquences
dramatiques des changements climatiques afin de protéger d’une part l’environnement
et, d’autre part, tous les habitants de notre planète. L’initiative
du Président de l’Assemblée pour renforcer les efforts politiques
européens en faveur d’un droit fondamental à un environnement sûr, propre,
sain et durable donnera lieu à un débat conjoint sans précédent
de l’Assemblée en 2021 sur la lutte contre le changement climatique
et son impact sur notre avenir sous tous les angles: politique,
juridique, économique, social et – le plus important – la perspective
des droits humains
. Le présent rapport mettra l’accent
sur les aspects liés aux migrations dans le but de répondre aux
défis actuels et futurs des migrations induites par les changements
climatiques.
9. Aux fins de ce rapport, j’envisage le climat comme un phénomène
qui englobe plusieurs aspects: le changement climatique, l’évolution
de l’environnement en dehors de l’influence humaine et l’environnement affecté
par l’intervention humaine, ainsi que leurs impacts sur les migrations.
10. Le rapport présente les liens entre le changement climatique,
l’environnement et les migrations. Il souligne les défis, à commencer
par les phénomènes démographiques, et propose des éléments de réponse aux
enjeux actuels et futurs. Le rapport élargira également la perspective.
Les problèmes migratoires, et en particulier ceux liés au changement
climatique, ne peuvent être surmontés en travaillant uniquement
au niveau national ou européen. Il faut un effort mondial.
3. Le
contexte démographique
11. Si des études de l’ONU
annoncent une augmentation de la
population mondiale d’ici à 2100, d’autres travaux prédisent un
fort recul de la démographie, notamment dans certains pays d’Europe.
Le vieillissement de la population conjugué à une baisse de la natalité
aura de profondes conséquences économiques et sociales en Europe
. La forte diminution du nombre
total de travailleurs adultes imposables aggravera les pressions
sur les systèmes de sécurité sociale et d’assurance maladie. Le
risque d’effondrement structurel des systèmes de sécurité sociale,
des retraites et de santé pourrait engendrer des tensions supplémentaires
et des troubles politiques. Bien gérées, les migrations peuvent
apaiser certaines tensions engendrées par le vieillissement de la
population et la baisse de la natalité. D’autre part, à mesure que
les migrations induites par le changement climatique prendront de
l’ampleur, davantage de gens tenteront de gagner l’Europe. Les choix humains
politiques d’aujourd’hui (accepter et reconnaître les migrations
comme étant un phénomène mondial, et décider quelles sont les meilleures
manières de gérer les flux migratoires, ou combattre les migrations) définiront
l’évolution de l’Europe au cours des prochaines décennies. Plusieurs
études suggèrent qu’une approche libérale de l’immigration aiderait
à maintenir la population et la croissance économique.
12. Gardons à l’esprit que les femmes sont plus exposées au risque
d’émigration liée au climat: dans plusieurs pays, les pénuries d’eau
et la forte désertification induites par le changement climatique
contraindront les femmes à parcourir de plus grandes distances pour
trouver l’eau nécessaire à la préparation des repas, réunir les
bonnes conditions pour accoucher ou prendre soin de leurs enfants.
Le rapport soulignera donc aussi les impacts plus spécifiques des
migrations et des déplacements induits par le climat sur les femmes
ou les hommes.
4. Le
cadre des Nations Unies sur le climat et les migrations
13. En termes de gestion migratoire,
le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (PMM)
marque une étape: les politiques internationales reconnaissent et
traitent désormais les liens entre les mouvements de population
et les changements climatiques. Le PMM identifie clairement les
dégradations de l’environnement larvées, les catastrophes naturelles
et le changement climatique comme des causes des migrations contemporaines
(objectifs 2 et 5 du PMM notamment). Le PMM reconnaît que des mesures d’adaptation
aux changements climatiques et d’atténuation de leurs effets dans
les pays d’origine doivent être prises en priorité afin d’atténuer
les causes des migrations. Il rappelle par ailleurs aux gouvernements l’importance
de concevoir des mesures de renforcement des filières de migration
régulière, telles que les options de réinstallation planifiée et
les modalités de visas, dans les cas où il ne serait plus possible
de s’adapter au changement climatique
. Ceci est également conforme à la
cible 10.7 des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations
Unies, qui appelle les gouvernements à «faciliter la migration et
la mobilité de façon ordonnée, sans danger, régulière et responsable,
notamment par la mise en œuvre de politiques de migration planifiées
et bien gérées». Le Pacte mondial sur les réfugiés (PMR) aborde
en outre les questions environnementales et de mobilité.
14. Dans son rôle de coordinatrice et de secrétariat du Réseau
des Nations Unies sur les migrations, l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM)
assiste les États
dans la mise en œuvre régionale et nationale des recommandations
du PMM et les aide à intégrer les questions climatiques et environnementales dans
leurs politiques migratoires. Plusieurs pays mentionnent déjà les
problèmes climatiques et environnementaux dans leurs lois, politiques
et stratégies nationales de gestion des migrations et des populations
déplacées, comme le Ghana, le Kenya et le Nigéria, ou se sont dotés
de politiques spécialisées, comme les Vanuatu
et les Fidji
. Par contre, un grand nombre de
pays ne prêtent pas encore attention aux facteurs environnementaux
dans leurs politiques migratoires, et un effort supplémentaire doit
encore être consenti à cet égard.
15. Les Conventions de l’ONU sur le changement climatique (CCNUCC)
et la désertification (UNCCD)
sont, elles aussi, extrêmement utiles
pour traiter la question de la mobilité humaine dans le contexte
des changements climatiques, et des initiatives importantes ont
été prises dans ces cadres mondiaux ces dernières années, notamment
avec la CCNUCC. L’OIM participe activement aux travaux de la CCNUCC
depuis 2008, et milite en faveur de la reconnaissance des aspects
liés à la mobilité humaine dans les négociations sur le climat
.
16. En 2015, l’Accord de Paris adopté lors de la COP21 a mis en
place un groupe de travail (
Task Force
on Displacement (TFD))
chargé d’élaborer des recommandations
relatives à des démarches intégrées propres à prévenir et réduire
les déplacements de population liés aux effets néfastes des changements
climatiques et à y faire face. Les recommandations de la TFD ont
été approuvées par la COP24 en 2018, et son mandat a été prolongé
de 2 ans jusqu’en 2021. Ces recommandations sont conformes aux objectifs
du PMM, qui invite les Parties à la CCNUCC à faciliter des migrations
sûres et ordonnées et à améliorer les possibilités de filières de
migration régulière dans le contexte du changement climatique.
5. Contextes
politiques et juridiques: initiatives du Conseil de l’Europe sur
l’environnement et les droits humains
17. Le 27 février 2020, la Conférence
de haut niveau – Protection de l’environnement et droits de l’homme, à
Strasbourg, a mis l’accent sur le lien entre la protection de l’environnement
et les droits humains et sur l’importance de la loi pour garantir
le respect des droits et la mise en œuvre des engagements politiques librement
consentis par les États
.
18. M. Christos Giakoumopoulos, Directeur général Droits de l’homme
et État de droit (DGI Conseil de l’Europe), a observé que les thèmes
de l’environnement et des droits humains «transcendent par nature
les frontières nationales et se prêtent à ce titre parfaitement
à une coopération transnationale. Le Conseil de l’Europe a clairement
un rôle à jouer dans le développement de cette coopération, en s’appuyant
sur ses normes et instruments, pour certains sans équivalent au
niveau européen et même international, et en prenant des initiatives
pour les adapter, les renforcer ou les compléter. Nous avons entendu
des voix en faveur d’un protocole additionnel à la Convention européenne
des droits de l’homme; d’un instrument juridiquement contraignant
dédié à part entière à la protection de l’environnement; de ratifications
des instruments sectoriels existants; de lignes directrices et des
recommandations spécifiques à adresser aux gouvernements de nos États
membres».
19. Les principaux traités pertinents évoqués lors de la conférence
sont la Convention des Nations Unies sur l’accès à l’information,
la participation du public aux processus décisionnels et l’accès
à la justice en matière d’environnement (Aarhus, 1998), qui mentionne
spécifiquement le «droit de chacun, dans les générations présentes
et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé
et son bien-être» (article 1). Parmi les autres traités, mentionnons
les Conventions suivantes du Conseil de l’Europe:
- Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE n° 5, Rome, 1950);
- Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163, Strasbourg,
1996);
- Convention relative à la conservation de la vie sauvage
et du milieu naturel de l’Europe (STE n° 104, Berne, 1979);
- Convention sur la responsabilité civile des dommages résultant
d’activités dangereuses pour l’environnement (STE n° 150, Lugano,
1993);
- Convention sur la protection de l’environnement par le
droit pénal (STE n° 172, Strasbourg, 1998);
- Convention européenne du paysage (STE n° 176, Florence,
2000);
- Convention sur l’accès aux documents publics (STE n° 205,
Tromsø, 2010).
20. Il a été décidé, à cette occasion, que le Manuel sur les droits
de l’homme et l’environnement – Principes tirés de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme, publié par le Conseil
de l’Europe en 2006/2012, devait être actualisé. En effet, ce manuel
ne mentionne pas la protection des droits des migrants fuyant des
catastrophes induites par le changement climatique. La protection
de l’environnement est cruciale en raison de son impact sur nos
vies. De plus, l’on ne saurait sous-estimer son importance, compte
tenu du rôle déclencheur des facteurs environnementaux dans les
migrations et les déplacements massifs de populations partout sur
la planète.
21. Les pays les plus développés devraient assumer une plus grande
responsabilité, car ils possèdent les grandes industries qui font
pression sur les milieux naturels – comme l’exploitation minière
qui empoisonne les sols et compromet l’approvisionnement en eau,
l’agriculture intensive responsable du déboisement, un commerce
international non respectueux de l’environnement, etc. Les dommages
causés à l’environnement aux niveaux local et régional engendrent
un impact cumulé sur le climat à l’échelle mondiale. Les choses changent
quand des mesures juridiques sont prises – que des responsabilités
civiles et/ou pénales sont établies – contre les dégradations de
l’environnement. Les initiatives législatives assureront à terme
une meilleure protection à la fois des personnes et de l’environnement
et, par voie de conséquence, auront un impact positif sur les migrations
provoquées par le climat
.
22. Les présidences géorgienne, grecque et allemande du Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe ont publié, le 15 mai 2020,
une Déclaration conjointe sur les droits de l’homme et l’environnement
, «gardant à l’esprit que la vie
et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective
de l’humanité à garantir à la fois les droits de l’homme et un environnement
sain aux générations futures». La Déclaration appelle le Comité
des Ministres «à inviter son Comité Directeur pour les droits de
l’homme (CDDH) à élaborer un projet d’instrument non contraignant
sur les droits de l’homme et l’environnement pour adoption éventuelle
par le Comité des Ministres au plus tard pour la fin de l’année
prochaine».
23. Des solutions adéquates sont nécessaires pour relever les
défis liés aux migrations causées par le changement climatique.
Il convient de mettre en place de nouveaux instruments de protection
des droits humains pour garantir une mise en œuvre efficace du droit
humain à un environnement sûr, propre, sain et durable, qui pourraient
également protéger les personnes qui émigrent en quête d’un tel
environnement. Ce droit humain «nouvelle génération» doit aussi
être incorporé dans les instruments internationaux qui ont un effet
sur les migrations, tels que les instruments de préparation aux
catastrophes et d’adaptation au changement climatique, les stratégies
de développement économique ou encore les accords commerciaux et de
production d’énergie. En outre, les mesures prises doivent garantir
que la conception et la mise en œuvre de tous les projets et programmes
adoptent une approche intégrant la dimension de genre.
6. Travaux
récents de l’Assemblée parlementaire sur l’environnement et les
migrations
24. La
Résolution 2307 (2019) «Un statut juridique pour les ‘réfugiés climatiques’»
souligne la nécessité de prendre des mesures spécifiques pour élever
le seuil de résilience des communautés locales, améliorer la capacité
de réaction et de gestion des catastrophes au niveau national et
améliorer la coordination, la médiation et le financement. Le rapport
déclare explicitement que la définition du terme «réfugié» relève
du cadre des Conventions de Genève. Nonobstant ce qui précède, comme
l’ajoute la Résolution, l’Assemblée considère que «l’absence de
définition juridiquement contraignante des ‘réfugiés climatiques’
n’empêche pas l’élaboration de politiques spécifiques visant à protéger
les personnes obligées de se déplacer en raison du changement climatique».
Sur la base de ces éléments, ce rapport examinera les faits nouveaux
et les solutions envisageables.
25. Par ailleurs, des résolutions antérieures, la
Résolution 2115 (2016) «Les migrations forcées: un nouvel enjeu» et la
Résolution 1655 (2009) «Les migrations et déplacements induits par les facteurs environnementaux:
un défi pour le 21e siècle», soulignent
l’interaction entre les perturbations de l’environnement et les
migrations.
7. Éléments
de réponse aux défis actuels et futurs
26. Suite à l’appel à la mobilisation
lancé par l’Assemblée dans sa
Résolution
2307 (2019), une série de mesures supplémentaires devraient être
prises afin d’atténuer les conséquences du changement climatique pour
les populations risquant d’être forcées d’émigrer.
27. Ce rapport est une contribution au débat par lequel l’Assemblée
définira sa vision et sa mobilisation en faveur de solutions appropriées.
Après une analyse des défis migratoires engendrés par la détérioration
de l’environnement imputable au changement climatique ou aux catastrophes
d’origine humaine, je proposerai une série de mesures applicables
aux niveaux national, européen et mondial.
28. Deux types de solutions doivent être envisagées: premièrement,
celles visant à protéger les personnes – y compris les plus vulnérables,
comme les enfants – contre les conséquences désastreuses du changement
climatique; deuxièmement, les solutions visant à protéger l’environnement,
tout en tenant compte des implications pour les droits humains dans
les mesures pour le climat.
7.1. Améliorer
la communication sur les tendances migratoires et leur prévisibilité
29. La cartographie du changement
climatique et une comparaison de ses résultats avec la cartographie des
migrations en cours pourraient améliorer la prévisibilité des futures
tendances migratoires. Le changement climatique affecte toutes les
régions du monde, mais les impacts varient fortement d’une région
et d’un endroit à l’autre et sont difficiles à prévoir avec précision.
Les retombées locales et la vulnérabilité des populations dépendent
fortement de l’exposition locale, du niveau de développement et
de la capacité d’adaptation, des évolutions démographiques et économiques
futures et des politiques d’atténuation et d’adaptation mises en œuvre,
ou non, dans les prochaines années. La préparation aux catastrophes
est un aspect essentiel, comme l’a relevé l’Assemblée dans la
Résolution 2307 (2019). La prévisibilité
des tendances migratoires en est un autre. Le Portail sur la migration
environnementale (de l’OIM) offre un outil qui aide à prédire les
futurs mouvements de population induits par l’environnement
. Aujourd’hui, il cartographie:
- les principaux risques et impacts
climatiques (hausse ou baisse des précipitations, hausse des extrêmes de
précipitations lors des moussons, fréquence accrue des cyclones,
désertification, fréquence accrue des feux de végétation, fonte
des glaciers et du permafrost, blanchiment des coraux);
- les principales conséquences (épuisement des stocks de
poisson et pertes de diversité biologique, changements néfastes
pour l’agriculture, pénuries d’eau);
- la modification des écosystèmes (y compris dans les régions
de montagne);
- les défis sociaux connexes (populations autochtones vulnérables,
grandes villes et régions fortement peuplées affectées par l’élévation
du niveau des mers et d’autres risques).
30. Les cartes identifient également les «points chauds» du changement
climatique – des secteurs qui subissent l’effet conjugué de plusieurs
risques climatiques extrêmes et qui devraient être particulièrement affectés.
31. La fusion de la cartographie dynamique du changement climatique
avec celle des migrations aiderait à définir les tendances migratoires
et à établir des prédictions fiables. Les décideurs politiques pourraient disposer
d’une vision plus claire des lieux que des populations sont susceptibles
de quitter (régions/pays), de leurs destinations probables, des
nombres de personnes concernées et des échéances. De tels systèmes d’alerte
précoce sont indispensables pour protéger la vie des personnes qui
risquent d’être contraintes d’entreprendre des déplacements périlleux.
32. Une cartographie dynamique du changement climatique est déjà
réalisée par plusieurs programmes, comme le Copernicus Climate Change
Service (C3S)
. La modélisation du changement climatique
est aussi souvent utilisée dans les analyses économiques modernes
.
33. L’actuelle cartographie des migrations, réalisée par l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE) (base de données
sur les migrations internationales
) est aussi un outil précieux, mais elle
s’appuie principalement sur des rapports établis a posteriori et
ne permet pas d’estimer la probabilité de mouvements massifs de
personnes poussées par le changement climatique. Même s’il repose
également sur des rapports établis a posteriori, le projet de l’OIM
sur les migrants disparus propose des outils dynamiques de cartographie
importants pour les initiatives d’intervention d’urgence
.
34. Enfin, il est possible de prédire les mouvements massifs de
populations à l’issue de conflits. De tels déplacements induits
par le changement climatique ne peuvent toutefois pas encore être
anticipés avec une précision suffisante. Il est donc urgent d’intensifier
la coopération intersectorielle et d’améliorer l’accès à des technologies
de pointe pour les mettre au service de la protection des droits
humains.
7.2. Agir
sur les «causes d’émigration» des migrations climatiques
35. Il faut intensifier les efforts
d’orientation des réponses des pouvoirs publics autour des principales «causes
d’émigration»
, notamment en matière de migrations
climatiques. Cela suppose de mener une réflexion fondée sur des
recherches précises et une analyse comparative des tendances du
changement climatique et des migrations. Les pays pourraient actualiser
leurs réponses:
- par une action
positive sur les causes de mobilité, qui sont déterminées par le
sentiment de sécurité des personnes: sécurité alimentaire, sécurité
vis-à-vis de l’eau, sécurité économique, sécurité personnelle et
politique, sécurité énergétique et sécurité mondiale et environnementale;
- par la prévention des déplacements massifs causés par
des phénomènes environnementaux grâce à une amélioration de la gestion
des risques majeurs: risques hydrologiques (inondations, glissements
de terrain), risques géophysiques (séismes), risques météorologiques
(températures extrêmes, vagues de chaleur), risques climatologiques
(sécheresses, incendies de forêt), phénomènes littoraux (élévation
du niveau de la mer, érosion du littoral), changements des écosystèmes
(déboisement, dégradation des sols, acidification des océans, surpêche)
et dégradation de l’environnement par des projets d’infrastructures
(routes, barrages, exploitation minière);
- par une action visant à améliorer les services des écosystèmes:
services d’approvisionnement (nourriture, eau douce, matières premières),
services de régulation (régulation climatique, purification de l’eau,
régulation des maladies) et services économiques et culturels (comme
le tourisme pour protéger contre les pertes d’emplois).
36. Pour agir sur les «causes de l’émigration», certains pays
déploient des programmes structurés dans les zones géographiques
les plus touchées par le changement climatique. C’est le cas, par
exemple, de la partie sud de la République de Moldova, où la fréquence
des sécheresses est plus élevée et où la désertification s’intensifie
par rapport aux autres régions
. Une série de projets de
réaménagement des infrastructures a été mis en œuvre par le biais
de programmes de coopération pour le développement afin de renforcer
l’adaptation au changement climatique et améliorer l’accès à l’eau
. L’accès à l’eau est
devenu une question encore plus critique dans le pays depuis qu’un
grand projet industriel mené par l’Ukraine à Novodnestrovsk – six
centrales hydroélectriques installées en cascade en amont du fleuve
Dniester/Nistru – a entraîné une diminution considérable de l’approvisionnement
en eau en République de Moldova. Ce projet aurait également modifié
la qualité et la température de l’eau, affectant l’écosystème et
menaçant l’approvisionnement global en eau pour les personnes qui
vivent dans le bassin du Dniester/Nistru. Comme pour d’autres problèmes
de même nature, la meilleure solution consiste à parvenir à un règlement
négocié avec la participation d’observateurs internationaux.
37. Le Conseil de l’Europe a souligné par le passé l’importance
de l’accès à une eau potable de qualité, en tant qu’élément intrinsèque
d’un développement sain et durable et droit humain fondamental.
La dégradation de l’environnement ou toute autre action délibérée
menant à une pénurie d’eau est extrêmement dangereuse. Le Conseil
de l’Europe a déjà soulevé ces questions dans la
Résolution 1809 (2011) «L’eau: une source de conflits», la
Résolution 1940 (2013) «La situation au Proche-Orient» appelant à garantir
l’accès à l’eau de la population arabe de Palestine, la
Résolution 2085 (2016) «Les habitants de régions frontalières de l’Azerbaïdjan
sont délibérément privés d’eau», relative aux barrages de Sarsang
et de Madagiz, et la
Résolution
2142 (2017) «La crise humanitaire à Gaza», dénonçant les défaillances
de l’approvisionnement en eau à Gaza. L’Assemblée aurait besoin
de préparer un nouveau rapport sur l’accès à l’eau sous l’angle
du nouveau droit humain à un environnement sûr, propre, sain et
durable, car cette question reste cruciale dans plusieurs pays.
38. Les modifications anthropiques de l’environnement viennent
s’ajouter aux défis liés au changement climatique, multipliant ses
effets négatifs. Des mesures spécifiques doivent être prises pour
prévenir les altérations de l’environnement qui pourraient limiter
l’accès à l’eau. Lorsque des problèmes d’accès à l’eau se posent
entre régions ou pays voisins, les négociations internationales
doivent permettre de rechercher des solutions appropriées, conformément
aux normes et pratiques internationales en matière de droits humains. Ces
mesures doivent être guidées par les obligations internationales
en matière d’environnement fixées par la Convention des Nations
Unies sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte
transfrontière (Convention d’Espoo, 1991).
7.3. Assister
les migrants pendant leur déplacement pour éviter les pertes de
vies humaines
39. En 2018, la
Task Force on Displacement, qui
agit au niveau mondial, a formulé une série de recommandations à
l’intention des pays afin de porter assistance aux migrants climatiques
contraints de quitter leurs foyers. Elle a «souligné la nécessité
de prendre des mesures collectives et multisectorielles afin de i) limiter
les déplacements humains forcés et mal gérés, ii) apporter une assistance
et une protection aux migrants déplacés par le changement climatique,
iii) faciliter les migrations dans le contexte des changements climatiques
et environnementaux, iv) favoriser les filières de migration régulière
en tenant compte des besoins des marchés de l’emploi, et v) promouvoir
les emplois décents et la création d’emplois, y compris dans l’économie
"verte"»
.
40. En 2019, l’Assemblée a également décidé que l’absence de définition
juridiquement contraignante des «réfugiés climatiques» n’empêchait
nullement l’élaboration de politiques spécifiques visant à protéger
les personnes obligées de se déplacer en raison du changement climatique
. Les États membres ont été invités à
adopter une approche plus proactive de la protection des victimes
de catastrophes naturelles et d’origine humaine. La
Résolution 2307 (2019) mentionne une série de mesures spécifiques à cet égard:
- «5.3.1. […] mise en œuvre de
mécanismes tels que la Convention de 2009 de l’Union africaine sur
la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique
(Convention de Kampala) devrait être encouragée par des programmes
européens de coopération au développement.
- 5.3.2. l’obligation de protéger les personnes déplacées
à l’intérieur du pays (PDI) pour des raisons environnementales doit
être considérée comme le premier niveau de protection juridique
dans la législation de chaque État membre. L’accueil des victimes
de catastrophes naturelles sur le territoire des États membres devrait
être prévu en droit interne, notamment avec l’octroi d’un permis
de séjour temporaire;
- 5.3.3. la création d’un fonds international de solidarité
pour assurer la protection des personnes contraintes d’émigrer à
la suite de catastrophes climatiques devrait être étudiée. Par ailleurs,
la coopération avec la Banque de développement du Conseil de l’Europe
(CEB) pourrait être envisagée, conformément à la Déclaration sur
les Principes européens pour l’environnement signée par la CEB le 30
mai 2006 ainsi que par la Commission européenne et plusieurs autres
institutions financières internationales (la Banque européenne d’investissement,
la Banque européenne pour la reconstruction et le développement,
la Nordic Environment Finance Corporation, la Banque nordique d’investissement),
dans un effort commun de mise en œuvre du droit fondamental des
générations présentes et futures de vivre dans un environnement
sain.»
41. Pour relever les défis posés par les migrations induites par
les changements climatiques en Europe, les États membres peuvent
déjà utiliser les deux fonds fiduciaires gérés par la Banque de
développement du Conseil de l'Europe: le Fonds pour les migrants
et les réfugiés (MRF)
créé en 2015 et le Fonds d'investissement
social vert (GSIF)
créé en mars 2020.
42. Les migrants d’Europe sont aussi plus exposés à des risques
environnementaux comme la mauvaise qualité de l’air intérieur, les
séquelles des canicules ou du froid et la pollution de l’air, parce
qu’ils sont en général socialement défavorisés et vivent dans des
quartiers pauvres
. Ces aspects ne doivent pas être négligés
dans les efforts actuels d’élaboration de mesures des pouvoirs publics
visant à promouvoir un «droit humain à un environnement sûr, propre,
sain et durable». Ils devraient être pris en compte dans les initiatives futures
du Conseil de l’Europe, y compris l’élaboration d’un éventuel nouveau
protocole à la Convention européenne des droits de l’homme ou d’une
nouvelle convention consacrant ce droit et définissant les conditions
à remplir pour le rendre effectif.
43. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a prévenu
la communauté mondiale des conséquences larvées du changement climatique
et des besoins en protection des droits humains des migrants transfrontaliers
. Il a souligné que les politiques
et programmes de gestion du changement climatique et des migrations
devraient répondre aux différents besoins des personnes vulnérables,
en veillant à la protection de chacun, sans discrimination fondée
sur le statut d’immigration et la nationalité. Certains groupes
sont particulièrement vulnérables, car ils sont affectés de manière
disproportionnée par l’évolution du climat, comme les habitants
des régions littorales, les peuples autochtones, les minorités,
les personnes âgées, les femmes et les filles, les enfants et les
personnes handicapées.
7.4. Élaborer
une approche axée sur les personnes, systémique et fondée sur les
droits humains
44. La gestion du changement climatique
doit envisager les systèmes dans leur globalité et s’appuyer sur des
plateformes viables ralliant les entreprises, les villes et des
acteurs non-étatiques, mobilisés et collaborant afin de soutenir
les gouvernements et d’accélérer les changements structurels nécessaires
pour réduire les émissions et améliorer la résilience des populations.
45. Les migrations et les transferts d’argent vers les pays d’origine
peuvent faciliter l’adaptation de ces derniers au changement climatique.
Il pourrait donc être intéressant d’étudier l’impact des décisions
relatives aux politiques de gestion des migrations dans le cadre
des négociations internationales sur le climat.
47. L’approche fondée sur les droits humains implique aussi la
participation active des personnes affectées par les migrations
induites par le changement climatique. La société civile devrait
avoir la possibilité de faire entendre la voix de tels migrants.
Le Représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU sur les droits
de l’homme des migrants (2011-2017), M. François Crépeau, a observé
qu’un aspect marquant du débat contemporain sur les migrations induites
par le climat est que l’on n’entend pas la voix des migrants eux-mêmes.
C’est partiellement lié à un manque de prise de conscience de leur
part: les migrants «climatiques» se considèrent rarement comme tels
(et nombre d’entre eux n’ont jamais entendu parler de cette notion).
C’est peut-être aussi, en partie, lié à la réticence générale des
migrants (surtout s’ils sont vulnérables ou en situation irrégulière)
d’exprimer leurs préoccupations ou de dénoncer les violations de
leurs droits dont ils sont victimes. Il est donc hautement souhaitable
que les États soutiennent activement la constitution et la viabilité
des organisations représentatives des migrants et leur donnent la
parole, dès que possible, y compris en leur assurant une formation
et un renforcement des capacités au niveau local
.
7.5. Augmenter
la responsabilité des entreprises et leur participation à la prévention
des déplacements
48. Les entreprises jouent un rôle
essentiel: ce sont les pionnières du développement et de l’innovation technologique.
Comme les flux migratoires s’orientent vers des sources stables
de revenus, il faut reconnaître le rôle des entreprises qui offrent
ces revenus stables. Les entreprises, y compris les plus avancées
sur le plan technologique, devraient participer à la prévention
des déplacements de population. L’idéal serait que, d’une part,
les entreprises adoptent un fonctionnement respectueux de la nature
et que, d’autre part, elles gardent à l’esprit l’impact de leurs
activités sur les migrations. Cette problématique pourrait être
approfondie dans le cadre d’un futur rapport de l’Assemblée.
7.6. Améliorer
la gestion des migrations
49. L’élaboration d’une approche
systémique implique également de repenser la gestion des migrations pour
la rendre conforme aux nouveaux objectifs. Bien administrées, les
migrations peuvent jouer un rôle positif dans les initiatives de
l’Europe en faveur du climat, notamment par les transferts de fonds
et de technologie vers les pays d’origine. Des migrations bien gérées
peuvent aussi aider l’Europe à surmonter certains de ses problèmes
futurs, comme le maintien de sa démographie et de sa croissance
économique, et l’apport de nouvelles ressources et d’une valeur
ajoutée dans les projets agricoles nécessitant beaucoup de main d’œuvre.
50. La gestion des migrations pourrait également bénéficier d’une
meilleure intégration de l’égalité de genre dans toutes ses dimensions,
en s’inspirant de la
Résolution
1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes,
la paix et la sécurité. Les membres de parlements doivent rester
vigilants et veiller à ce qu’une approche prenant en compte la dimension
de genre soit intégrée dans la conception et la mise en œuvre des projets
et des programmes relatifs aux migrations induites par le changement
climatique. Ce faisant, ils pourraient mettre en œuvre une série
de mesures particulières, telles que celles proposées par le Fonds
vert pour le climat (FVC)
. Ils ont décidé de conditionner
l’accès au financement des projets d’adaptation et d’atténuation
du climat à l’existence de plans d’action spécifiques intégrant
la dimension de genre. En outre, le guide pratique sur «La parité
hommes-femmes des projets relatifs au Fonds vert pour le climat»
aide les demandeurs à intégrer l’égalité entre les femmes et les
hommes dans les interventions sur le changement climatique et le
financement de l’action pour le climat, en général. En conséquence,
des plans d’action en faveur de l’égalité de genre («Plans d’action
genre») ont été mis en place, avec des objectifs et des critères
de référence pour chaque demande de financement pour tous les projets
.
7.7. Renforcer
la coopération au développement et les aides d’urgence
51. Les États membres du Conseil
de l’Europe devraient œuvrer à l’échelle de la planète pour limiter
le changement climatique et ses conséquences. Comme je l’ai mentionné
dans mon rapport antérieur intitulé «La coopération pour le développement:
un outil de prévention des crises migratoires», la coopération au développement
limite les inégalités, mais pourrait aussi contribuer à éviter une
forte augmentation des flux migratoires à l’avenir
. Investir dans la protection de
ceux qui n’ont pas quitté leur pays mais sont «sur le départ» aiderait
à éviter une fuite des cerveaux et la perte de main-d’œuvre qualifiée
dans les pays d’origine améliorant ainsi, à terme, les perspectives
de développement et la viabilité des réformes économiques de ces pays.
La
Résolution 2268 (2019) souligne que les gouvernements européens devraient poursuivre
et intensifier leur coopération pour le développement et diversifier
le financement, «en mettant l’accent sur des programmes durables
pour l’éducation, la santé et les infrastructures».
52. En outre, l’aide d’urgence doit être apportée en temps utile.
Ce soutien ne devrait pas se limiter à une assistance alimentaire.
Parfois, d’autres types d’aide sont nécessaires. Considérons les
récents événements qui ont infligé à certaines régions d’Éthiopie
de dramatiques pertes de récoltes. Ils se sont ajoutés au conflit dans
le nord de l’Éthiopie, dans la région du Tigré
. Un million
de personnes sont confrontées à une pénurie alimentaire engendrée
par la prolifération extrême de criquets, induite par la hausse
des températures
. Environ 200 000 hectares de terres
agricoles ont été ravagés par ces insectes, provoquant la perte
de plus de 356 000 tonnes de céréales comme le sorgho, le maïs et
le blé. Les rapports révèlent que la prolifération des criquets
pourrait être enrayée si l’on répandait suffisamment de pesticides.
Par comparaison avec les normes européennes, à peine 10 % des doses
nécessaires ont été mises en œuvre. Par conséquent, de nouveaux déplacements
sont à prévoir, les personnes étant poussées à l’exil parce que
les États n’ont pas les moyens de traiter ces problèmes. Globalement,
la Banque mondiale estime que 500 millions de dollars sont nécessaires
pour combattre la prolifération des criquets en Afrique et au Proche-Orient,
et vient de lancer un nouveau programme à cette fin
.
7.8. Poursuivre
les responsables de dégradations majeures de l’environnement
53. Les dégradations de l’environnement
peuvent déclencher l’émigration. Il est important de poursuivre
les responsables de graves dommages à l’environnement pour éviter
que de telles affaires ne se reproduisent à l’avenir. Tant la responsabilité
civile que la responsabilité pénale sont nécessaires. De plus, cela
contribue à la sensibilisation et au sentiment de responsabilité
des décideurs. Par exemple, une récente décision du Conseil d’État
français
a ordonné de prendre des mesures
de réduction de la pollution de l’air.
54. Les aspects de la responsabilité pénale et civile en cas de
dégradation de l’environnement seront examinés par la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme
.
Une étude paneuropéenne a été lancée par le Centre européen de recherche
et de documentation parlementaires (CERDP) afin d’évaluer la situation
actuelle dans les États membres du Conseil de l’Europe.
7.9. Protéger
les lanceurs d’alerte et les défenseurs des droits liés à l’environnement
55. Pourquoi parler des défenseurs
des droits liés à l’environnement dans un rapport sur les migrations?
En fait, il existe un lien étroit entre les deux. Il s’avère qu’à
chaque catastrophe majeure, écologique ou d’origine humaine, des
alertes avaient été données, souvent par des organisations de la
société civile ou par des individus concernés, et que les autorités
avaient choisi de les ignorer. Des déplacements massifs auraient
pu être évités si des mesures avaient été prises en réponse aux
alertes. Le déboisement en Amazonie a été dénoncé par les organisations
locales de la société civile, que les autorités ont fait taire,
souvent en raison d’une forte corruption. Ce scénario s’est fréquemment
répété en Asie, en Afrique et en Amérique latine mais également,
dans une certaine mesure, en Europe. Les mouvements massifs de personnes
à la recherche d’un nouveau lieu de vie deviennent alors inévitables.
56. Les organisations de la société civile ou les citoyens qui
alertent le public sur les problèmes de changement climatique et
de protection de l’environnement devraient disposer de moyens de
communication adéquats pour formuler leurs préoccupations avant
qu’il ne soit trop tard. En outre, les tentatives de réduire au silence
les défenseurs des droits liés à l’environnement devraient être
sanctionnées, et des mesures de réparation devraient être prises
le plus rapidement possible.
57. Je me félicite donc de l’adoption de la directive de l’Union
européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations
du droit de l’Union (Directive UE 2019/1937 du 23 octobre 2019),
qui couvre les personnes dénonçant des actes répréhensibles susceptibles
de porter atteinte à l’intérêt public, par exemple en causant des
dommages à l’environnement, à la santé publique et à la sécurité
des consommateurs ainsi qu’aux finances publiques. J’espère que
les pays hors Union Européenne pourront mettre en œuvre des instruments
similaires au niveau national afin d’offrir la meilleure protection
possible à ceux qui risquent souvent leur vie pour le bien public
.
7.10. Intégrer
les considérations liées aux migrations dans le Pacte vert pour
l’Europe
58. Malgré les multiples incidences
des migrations sur les initiatives européennes en faveur du climat,
elles sont relativement absentes des documents déjà publiés dans
le cadre du Pacte vert pour l’Europe (European Green Deal, EGD).
Les migrants ne sont pas reconnus comme des parties prenantes, des
bénéficiaires ou des facilitateurs potentiels des réalisations du
Pacte vert. Une intégration des migrations dans ce Pacte permettrait d’assurer
de la cohérence avec les engagements mondiaux de l’Accord de Paris,
du Pacte mondial pour les migrations et le Cadre de Sendai
.
59. Dans ce contexte, les parlements nationaux des États membres
du Conseil de l’Europe qui sont membres de l’Union européenne pourraient
contribuer à faciliter l’intégration des politiques migratoires
dans le Pacte vert, notamment dans les trois domaines suivants:
- le dispositif des Migrations
sûres, ordonnées et régulières pourrait être mis à profit pour soutenir
la transition verte et lutter contre les causes climatiques des
migrations. Les transferts de fonds peuvent promouvoir l’adaptation
et renforcer la résilience des communautés d’origine. Les migrations
circulaires ou saisonnières peuvent offrir une stratégie de gestion
des risques aux ménages exposés au changement climatique, mais aussi
pour compenser les pénuries du marché de l’emploi.
- Le Mécanisme de Transition Juste et le Fonds de Transition
Juste devraient prendre en compte le rôle des migrants, de leurs
familles et de leurs communautés dans la main-d’œuvre et la chaîne d’approvisionnement,
et veiller à ce que les migrants puissent accéder à une protection
sociale adéquate et à des possibilités de reconversion professionnelle.
60. L’Union européenne pourrait promouvoir les principes et pratiques
du Pacte vert dans son action extérieure, et notamment ceux qui
sont à l’intersection entre les migrations, le changement climatique
et la transition écologique.
7.11. Soutenir
les programmes mondiaux pertinents
61. La Plateforme pour les déplacements
liés aux catastrophes (PDD), une initiative des États qui a vu le jour
en 2016 pour assurer le suivi des travaux de l’initiative Nansen,
a lancé une série de mesures visant à mieux protéger les personnes
déplacées au-delà des frontières dans le contexte des catastrophes
et du changement climatique
. Aux côtés de ses principaux partenaires,
l’OIM et le HCR, la PDD collabore depuis sa création avec les États
intéressés à la mise en œuvre des recommandations de l’Agenda pour
la protection des personnes déplacées à l’extérieur de leur propre
pays en raison d’une catastrophe et des changements climatiques,
qui résulte de l’Initiative Nansen. Cet Agenda propose aux États
une boîte à outils pour mieux prévenir et préparer les déplacements
avant la survenue d’une catastrophe. L’Union européenne est l’un
des membres les plus actifs du Groupe de pilotage de la PDD. Tous
les États membres du Conseil de l’Europe devraient être encouragés
à participer activement à ses travaux.
62. Des initiatives pertinentes existent également dans le domaine
de la gestion des catastrophes et la plupart des stratégies de réduction
des risques de catastrophes préparées pour la mise en œuvre du Cadre de
Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 évoquent
les problèmes de mobilité humaine (déplacement, migration, évacuation,
réinstallation)
. L’OIM a élaboré, en coopération
avec plusieurs partenaires internationaux, des orientations pour
passer «des paroles aux actes» en matière de déplacements suite
aux catastrophes
, afin d’aider les gouvernements
à intégrer ces derniers et d’autres formes semblables de mobilité
humaine dans les stratégies régionales, nationales, sous-nationales
et locales de réduction des risques de catastrophes, conformément
au Cadre de Sendai.
63. Certains cadres politiques régionaux sont également intéressants
du point de vue de la mobilité humaine dans le contexte du changement
climatique et des catastrophes. Ainsi, le Convention de Kampala mentionne
le changement climatique parmi les causes de déplacement dans sa
définition régionale des personnes déplacées à l’intérieur de leur
pays, tout comme le Protocole de 2020 de l’IGAD sur la liberté de circulation,
mentionné ci-dessus. La Conférence sud-américaine sur les migrations
et la Conférence régionale sur les migrations ont conçu un instrument
régional non contraignant pour la protection des personnes déplacées
au-delà des frontières et sur les migrants dans les pays affectés
par des catastrophes
. D’importants efforts régionaux
sont actuellement consentis dans la région pacifique afin de réduire
les risques et l’impact des catastrophes sur les personnes en danger
de déplacement dans les petits États insulaires en voie de développement
, renforcer les capacités des communautés
affectées par le changement climatique grâce à des activités de
formation et de développement des compétences et renforcer la capacité
des gouvernements de promouvoir la mobilité de la main-d’œuvre dans
le contexte du changement climatique
.
64. L’OIM demande toutefois plus de cohérence entre ces différents
cadres politiques mondiaux, en particulier l’Accord de Paris, le
Pacte mondial pour les migrations et le Cadre de Sendai pour la
réduction des risques de catastrophe. Il est donc important que
le Conseil de l’Europe veille à ce que ses efforts soient cohérents
avec les travaux correspondants menés par ailleurs, comme ceux de
la TFD de la CCNUCC et la mise en œuvre des orientations pour passer
«des paroles aux actes» en matière de déplacements suite aux catastrophes.
De plus, comme les conséquences larvées des changements qui surviennent
dans l’environnement devraient continuer d’influencer les tendances
mondiales en matière d’urbanisation, l’OIM encourage également l’élaboration
de politiques urbaines favorisant l’intégration des migrants afin
de ne pas engendrer des risques futurs et de construire des sociétés
plus durables.
65. La nécessité d’agir sans tarder a une fois de plus été soulignée
par le Sommet de 2020 sur l’ambition climatique
qui s’est tenu le 12 décembre à
l’initiative des Nations Unies, du Royaume-Uni et de la France, en
partenariat avec le Chili et l’Italie. Des dirigeants des gouvernements,
des entreprises et de la société civile se sont réunis en ligne
pour appeler à l’action afin de limiter la hausse des températures
mondiales à 1,5°C. Les pays ont défini de nouveaux engagements dans
le cadre des trois piliers de l’Accord de Paris: l’atténuation, l’adaptation
et les engagements financiers, y compris de nouvelles contributions
déterminées au niveau national, des stratégies à long terme définissant
une feuille de route pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone;
des engagements financiers pour le climat en faveur des plus vulnérables;
et d’ambitieux plans d’adaptation. Le Sommet a également offert
une plateforme aux représentants de la société civile, des jeunes et
des peuples autochtones, dont beaucoup subissent de manière disproportionnée
les impacts du changement climatique.
66. Globalement, les États membres devraient soutenir davantage
les programmes mondiaux pertinents, tels que le Cadre de Sendai
pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 et ceux mis
en œuvre au titre de la CCNUCC, du Pacte mondial pour des migrations
sûres, ordonnées et régulières et du Pacte mondial sur les réfugiés,
et prêter une attention particulière aux travaux du Rapporteur spécial
des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement
.
7.12. Garantir
le financement pour une coopération en matière de développement
menée par l’Europe
67. Les États membres du Conseil
de l’Europe devraient pouvoir mettre en place des programmes spécifiques
pour contribuer à relever les défis liés aux migrations induites
par le climat. Un Fonds de solidarité mondiale pour les migrations
climatiques devrait être créé pour aider les pays concernés. La
communauté internationale devrait renforcer la coopération au développement
avec les pays les plus susceptibles d’être touchés par le changement
climatique, comme les pays de la région du Sahel, afin d’améliorer
les conditions de vie des populations et éviter ainsi qu’elles ne
se sentent contraintes d’émigrer. Ceux qui n’ont d’autre choix que
d’émigrer auront besoin d’être aidés pour éviter les pertes de vies
humaines. Il importe d’assurer des voies de migration sûres pour
que ces personnes puissent être accueillies correctement. L’Europe
doit se tenir prête à jouer son rôle pour accompagner ce phénomène.
68. Plusieurs initiatives ont été lancées ces dernières années
pour aider les États à introduire des changements dans le but de
soutenir la transition verte. Le programme «Villes vertes» de la
Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) –
pour lequel un montant total de 87 millions d’euros a été débloqué
en 2019 – en est un exemple. Ce programme est financé par le FVC.
Le projet de la BERD est un excellent exemple, mais il ne couvre
pas les coûts nécessaires pour répondre aux besoins des migrants
climatiques qui arrivent en Europe ni les projets dans leurs pays
d’origine qui pourraient leur permettre de vivre dignement dans
leurs pays respectifs.
69. Le FVC finance des projets qui aident des pays d’Asie, d’Afrique
et d’Europe de l’Est, mais tous les États membres du Conseil de
l’Europe n’ont pas leur mot à dire dans les négociations qui se
tiennent à Incheon. Nous aurions beaucoup à apprendre de certains
des projets financés par le FVC. Certains sont conçus pour aider
les pays à améliorer leur résilience face au changement climatique,
ce qui peut permettre de prévenir les migrations dues aux catastrophes.
Le programme de travail 2021 du FVC vise un objectif de 1,78 à 2,26 milliards
de dollars en matière de programmation
. Cela dit, compte tenu de l’importance
géostratégique pour l’Europe de certains programmes mis en œuvre
dans d’autres parties du monde – notamment en ce qui concerne leur
impact sur les migrations vers l’Europe –, la création d’un organisme
européen pour traiter ces questions est indispensable.
70. Un Fonds de solidarité mondiale pour les migrations climatiques,
basé en Europe, qui pourrait coopérer avec le Fonds vert pour le
climat (sous réserve d’obtenir son accréditation
), constituerait un grand pas en avant
dans la réalisation des engagements internationaux visant à «ne
laisser personne de côté», y compris les migrants, dans un monde
frappé par le changement climatique. Des programmes spécifiques
pourraient être élaborés avec l’appui d’experts issus de tous les
États membres du Conseil de l’Europe, favorisant les avancées technologiques
dans les pays qui reçoivent une aide au développement et dans ceux
qui la fournissent. Outre l’amélioration des conditions de vie dans
les pays d’origine, le Fonds de solidarité mondiale pour les migrations
climatiques pourrait également soutenir les migrants eux-mêmes.
Des mécanismes de protection des personnes contraintes de se déplacer
en raison du changement climatique devraient être mis en place.
Ce serait là une véritable contribution européenne à la protection
des droits humains et de la dignité des populations les plus vulnérables
du monde.
8. Une
étude de cas: les îles Kiribati
71. En janvier 2020 (quelques mois
après l’adoption de la
Résolution
2307 (2019) de l’Assemblée), le Comité des droits de l’homme des
Nations Unies a publié sa décision dans une affaire qui ouvrira
la voie aux recours futurs dans le domaine du climat. Il s’agit
de la première décision d’un organe créé en vertu d’instruments
relatifs aux droits de l’homme des Nations Unies concernant la plainte
d’une personne réclamant la protection au titre de «l’asile» en
invoquant les conséquences du changement climatique
. Je tiens à souligner l’importance
de cette décision, même si j’aurais préféré une issue différente.
72. Le Comité a très justement fait observer que la dégradation
de l’environnement, le changement climatique et le développement
non durable sont parmi les menaces les plus pressantes et les plus
graves pour l’aptitude des générations présentes et futures de jouir
du droit à la vie; elle peut compromettre la jouissance effective
du droit à la vie, peut nuire au bien-être des personnes et mener
à une violation de ce droit à la vie. [paragraphes 9.4 et 9.5].
Le Comité a admis que dans les Kiribati, patrie du requérant, les
sources d’eau douce se sont taries en raison de la contamination
par l’eau salée induite par l’élévation du niveau de la mer, et reconnaît
les difficultés causées par le rationnement de l’eau [paragraphe 9.8.].
Il admet également que les événements soudains (comme de fortes
tempêtes et des inondations) et des processus progressifs comme l’élévation
du niveau de la mer, la salinisation et la dégradation des sols
peuvent motiver des personnes à franchir les frontières et à rechercher
une protection contre des dommages liés au changement climatique [paragraphe 9.11].
73. Le Comité a toutefois décidé que dans le cas spécifique de
M. Teitiota, les tribunaux de la Nouvelle-Zélande n’ont pas violé
son droit à la vie au moment des faits et que, par conséquent, lui
et sa famille pouvaient être renvoyés vers les Kiribati. Même s’il
accepte l’affirmation de l’auteur que la hausse du niveau de la
mer finira par rendre inhabitable la République des Kiribati, le
Comité estime que l’échéance de 10 à 15 ans avancée par M. Teitiota
laisse à la République des Kiribati du temps pour prendre, avec
l’aide de la communauté internationale, des mesures résolues visant
à protéger voire, si nécessaire, à réinstaller, sa population. Le
Comité note par ailleurs la déclaration du tribunal de Nouvelle-Zélande
selon laquelle l’auteur semblait reconnaître qu’il invoquait non
pas un risque de dommage spécifique pour sa personne, mais un risque
général pour l’ensemble des habitants des Kiribati.
74. Je déplore que M. Teitiota et sa famille n’aient pas eu la
possibilité de choisir entre la Nouvelle-Zélande et un retour aux
Kiribati. Je suis certain que de meilleures solutions pourraient
avoir été trouvées. À mon sens, M. Teitiota a joué le rôle de donneur
d’alerte en cherchant à sensibiliser la communauté internationale
au danger imminent et aux risques pour la vie des populations autochtones
des îles du Pacifique.
75. Les opinions dissidentes de deux membres du Comité sont de
bons indicateurs du fait que l’actuel manque de protection juridique
pour les réfugiés climatiques en vertu de la Convention relative
au statut des réfugiés et du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques devrait être résolu. Comme le déclare M. Duncan
Laki Muhumuza, membre du Comité, dans son opinion individuelle (dissidente),
il est certes louable que les Kiribati prennent des mesures d’adaptation
pour limiter les vulnérabilités existantes et remédier aux nuisances
du changement climatique, mais il est clair que les conditions de
vie restent incompatibles avec les normes de dignité de l’auteur
imposées par le Pacte. Le fait que ce soit une réalité pour de nombreuses
autres personnes du pays ne rend pas ces conditions plus dignes
pour les intéressés. La démarche de la Nouvelle-Zélande s’apparente
davantage à renvoyer une personne qui se noie dans un navire en
train de sombrer, avec pour seule «justification» qu’après tout
il y a d’autres passagers à bord. Même si les Kiribati font le nécessaire pour
lutter contre les problèmes, tant que les conditions restent désastreuses,
la vie et la dignité des personnes restent compromises
.
76. J’aimerais donc lancer un appel à une approche plus positive
et à des politiques et stratégies de préparation aux catastrophes
tournées vers l’avenir en matière de changement climatique, afin
d’assurer la protection future des personnes.