1. Introduction
1. Les crimes dits d’«honneur»
sont la manifestation tangible d’une volonté de contrôle et d’une
inégalité de genre profondément ancrée dans nos sociétés. Ils feraient
des centaines de victimes en Europe chaque année et ne sont pas
un phénomène lointain. Meurtres, séquestrations, enlèvements, torture,
mutilations, brûlures, suicides forcés, mariages forcés, thérapies
de conversion sont quelques exemples de crimes dits d’«honneur»,
caractérisés par l’intention de faire respecter un code d’honneur
ou de rétablir le prétendu «honneur» d’une famille. Dans la plupart
des cas, ils sont perpétrés par des proches de la victime ou ordonnés par
sa famille. La violence à l’égard des femmes, la violence domestique
et les violences faites aux personnes LGBTI sont des violations
des droits humains et ne sauraient être justifiées. Invoquer la
défense ou le rétablissement du prétendu «honneur» comme justification
de ces crimes est non seulement inacceptable mais aussi illégal
et contraire aux droits humains.
2. Nonobstant le travail sans relâche de l’Assemblée parlementaire
et de sa commission sur l’égalité et la non-discrimination sur la
prévention et la lutte contre toutes les formes de violences faites
aux femmes, le dernier rapport dédié spécifiquement à la question
des crimes dits d’«honneur» a été discuté il y a plus d’une dizaine
d’années. En 2010, Navenethem Pillay, ancienne Haute Commissaire
des Nations Unies aux droits de l’homme estimait à 5 000 le nombre
de victimes de crimes dits d’«honneur» dans le monde chaque année
. Le nombre
avancé pourrait être sous-estimé.
3. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et
la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (STCE n° 210, “Convention d’Istanbul”), dont nous faisons
inlassablement la promotion et suivons de près la mise en œuvre,
consacre son article 42 à la question de la justification inacceptable
des infractions pénales, y compris les crimes commis au nom du prétendu
«honneur»:
1.
Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires
pour s’assurer que, dans les procédures pénales diligentées à la
suite de la commission de l’un des actes de violence couverts par le
champ d’application de la présente Convention, la culture, la coutume,
la religion, la tradition ou le prétendu «honneur» ne soient pas
considérés comme justifiant de tels actes. Cela couvre, en particulier, les
allégations selon lesquelles la victime aurait transgressé des normes
ou coutumes culturelles, religieuses, sociales ou traditionnelles
relatives à un comportement approprié.
2. Les Parties prennent les
mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’incitation
faite par toute personne à un enfant de commettre tout acte mentionné
au paragraphe 1 ne diminue pas la responsabilité pénale de cette
personne pour les actes commis.
4. Ratifiée par 33
États membres du Conseil de l’Europe,
la Convention est l’instrument international le plus avancé en matière
de lutte contre les violences faites aux femmes et indique très
clairement que la coutume, la tradition ou le prétendu «honneur»
ne sauraient justifier des violences. Il est important de souligner que
la Convention ne demande pas l’instauration d’une infraction pénale
distincte pour les crimes dits d’«honneur». Ces crimes appartiennent
à la sphère du droit pénal et auraient comme motif caché «le rétablissement
de l’honneur familial, le désir d’être considéré comme une personne
qui respecte les traditions ou se conforme aux préceptes religieux,
culturels ou coutumiers perçus comme importants par une communauté
déterminée»
.
La Convention apporte un éclairage nécessaire sur le concept du prétendu «honneur».
Sa définition est complexe
. Elle est étroitement liée aux
normes sociales au sein d’un groupe ou d’une communauté.
5. La Convention des Nations Unies pour l’élimination de toutes
les formes de discrimination à l’égard des femmes demande aux États
parties de «prendre toutes les mesures appropriées, y compris des
dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition
réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination
à l'égard des femmes»
. Dans sa Recommandation
générale no 35 sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le
genre
,
le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination
à l’égard des femmes (CEDEF) recommande aux États parties d’abroger
«les règles de procédure et de preuve discriminatoires, comme (…)
les défenses juridiques ou circonstances atténuantes fondées sur
la culture, la religion ou les prérogatives masculines, telles que
la défense de l’«honneur», les excuses traditionnelles, les pardons
de la part des familles des victimes ou le mariage de la victime
avec l’auteur de son agression sexuelle (…)». L’arsenal juridique
existe au niveau international mais sa retranscription en droit
national n’est pas encore assurée partout.
2. Portée du rapport et méthodes
6. La proposition de résolution
à l’origine de ce rapport souligne que l’Assemblée doit se saisir
de la question des crimes dits d’«honneur» et évaluer la mise en
œuvre de la
Résolution
1681 (2009) «L’urgence à combattre les crimes dits d’honneur»
. Nous avons pu étudier l’étendue
du problème en Europe, analyser les réponses qui y ont été apportées
et suivre les dernières évolutions grâce aux rapports publiés par
le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des
femmes et la violence domestique (GREVIO). Cette question est étroitement
liée à celle des mariages forcés, sur laquelle j’ai déjà pu travailler
au sein de l’Assemblée, mais aussi à la persistance de sociétés
profondément patriarcales.
7. Le présent rapport traite aussi de la question des crimes
dits d’«honneur» dont ont pu être victimes certaines personnes à
la suite de la révélation de leur identité de genre et de leur orientation
sexuelle. Je ne souhaite pas limiter la portée de ce rapport aux
crimes dits d’«honneur» commis à l’encontre des femmes et des filles
uniquement, mais l’élargir aux crimes à l’encontre des personnes
LGBTI. Je me suis par conséquent entretenue avec des représentant·e·s
d’organisations de défense des droits des personnes LGBTI, dont Cianán
B. Russell, de ILGA Europe (23 mars 2021), ainsi que des personnes
ayant été en danger en raison de leur orientation sexuelle ou de
leur identité de genre
.
8. Les crimes dits d’«honneur» sont souvent associés à l’Islam.
Je tiens à souligner qu’il y aussi eu de tels crimes au sein de
communautés hindou, sikh, druze, chrétienne et juive
et que les crimes dits d’«honneur» ne
sont pas liés de manière systématique à la religion ou à la culture.
Ce rapport ne vise pas à stigmatiser l’une ou l’autre communauté
religieuse, mais bien à étudier ce qui peut être fait afin de lutter
plus efficacement contre les crimes dits d’«honneur».
9. Les suicides forcés peuvent être considérés comme étant une
nouvelle forme de crime dit d’«honneur». Des jeunes filles ou jeunes
hommes seraient encouragés ou forcés au nom du prétendu «honneur»
à se suicider afin de «laver l’honneur» de la famille en raison
de leurs relations ou de la conduite qu’ils ou elles auraient eu,
que ce soit dans le refus d’un mariage forcé, une volonté de divorcer
ou une relation en dehors du mariage.
10. Ce rapport nous donne la possibilité de relayer les travaux
du GREVIO concernant la prévention et la lutte contre les crimes
dits d’«honneur». Lors de la partie de session d’octobre 2019, j’ai
pu m’entretenir avec le Secrétariat du GREVIO qui m’a fait part
des difficultés rencontrées par le GREVIO dans la recherche de données
chiffrées sur les crimes dits d’«honneur». L’esprit de la Convention
d’Istanbul voudrait que les ordonnances de protection soient prises
pour protéger les femmes de toutes les formes de violence, dont
le risque de crimes dits d’«honneur». Mais souvent, celles-ci ne
couvrent que la violence domestique.
11. J’ai également examiné les travaux du Comité des Nations Unies
sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Je
me suis entretenue avec M. Roland-François Weil, ancien Représentant
du Haut-Commissaire aux Réfugiés des Nations Unies auprès des institutions
européennes à Strasbourg, lors de la partie de session d’octobre
2019.
12. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Mme Jacqueline
Thibault, Présidente de la fondation Surgir (Suisse) lors d’une
réunion bilatérale organisée en vidéoconférence le 15 mai 2020.
La fondation regrette le manque de données spécifiques sur ces crimes
dû au fait qu’ils sont le plus souvent assimilés à des violences domestiques.
J’ai aussi pu suivre la conférence intitulée «Combattre les crimes
commis au nom de l'honneur» organisée virtuellement le 16 septembre
2020 par la fondation Surgir.
13. La commission a tenu sa première audition dans le cadre de
la préparation de ce rapport lors de sa réunion du 10 septembre
2020 avec la participation de M. Nazir Afzal
, ancien Procureur en chef de la Couronne
pour le nord-ouest de l'Angleterre. Il a participé à des enquêtes
sur plusieurs cas emblématiques au Royaume-Uni et est devenu un
porte-parole des hommes engagés dans la lutte contre les violences
faites aux femmes, dont les violences liées au prétendu «honneur».
14. En raison du contexte sanitaire, je n’ai pas pu me rendre
en Turquie mais j’ai eu des rencontres bilatérales virtuelles avec
des interlocutrices et interlocuteurs turcs les 28-30 septembre
2020. Je tiens à remercier M. Yildiz, Président de la délégation
turque auprès de l’Assemblée, de son soutien et remercie également
le secrétariat de la délégation turque
.
15. J’ai pu m’entretenir avec Dr Robert Ermers, qui a effectué
des recherches sur le concept du prétendu «honneur» (25 mars 2021),
avec Mme Natasha Rattu, Directrice de Karma Nirvana au Royaume-Uni
(19 mars 2021) et avec Mme Tanya Lokshina, directrice de l’ONG Human
Rights Watch en Fédération de Russie (18 mars 2021). J’ai reçu une
contribution écrite de la part de l’ONG Humanists International.
16. Enfin, la commission a tenu une audition conjointe avec le
Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence
sur la prévention des crimes dits d’«honneur» et l’assistance aux
victimes le 14 avril 2021, avec la participation de Mme Jasvinder
Sanghera, CBE, Fondatrice de Karma Nirvana et survivante d'abus
fondés sur l'honneur, Royaume-Uni, de Mme Rachel
Eapen Paul, membre du GREVIO au titre de la Norvège et de Mme Isabelle
Gillette-Faye, membre du Haut Conseil français à l'égalité entre
les femmes et les hommes, sociologue, Directrice générale du GAMS
(Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles Féminines, des
Mariages Forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la
santé des femmes et des enfants), France. Je tiens à remercier toutes
les personnes auditionnées et ayant accepté de partager leur témoignage
dans le cadre de la préparation de ce rapport, ainsi que les membres
de la commission et du Réseau parlementaire pour le droit des femmes
de vivre sans violence d’avoir participé activement à nos discussions.
3. Travaux
du GREVIO sur les crimes dits d’«honneur»
17. Les rédacteurs et rédactrices
de la Convention d’Istanbul ont porté une attention particulière
à la question des crimes dits d’«honneur». Ils ont souhaité mettre
un terme à une réduction des peines pour des crimes commis au nom
du prétendu «honneur» et appeler les États à agir avec détermination
afin de prévenir et de lutter contre toutes les formes de violence
à l’égard des femmes, en ne tolérant aucune justification et aucun
motif. Cette Convention est en vigueur depuis 2014 et son mécanisme
de suivi, le GREVIO, a déjà mené plusieurs évaluations de sa mise
en œuvre. Les États parties peuvent choisir d’appliquer ses dispositions
sur la violence domestique aux hommes et aux garçons, dans toute
leur diversité.
3.1. Sensibilisation
et assistance
18. Le GREVIO
félicite de manière générale les
États condamnant clairement toute forme de violence liée au dit
«honneur» et les efforts entrepris en matière de sensibilisation
(notamment la Belgique et la Suède) et appelle les États ne l’ayant
pas encore fait à s’y atteler.
19. Certains États ont adopté des plans spécifiques de prévention
et de lutte contre les crimes dits d’«honneur». Un plan d’action
sur les conflits liés à l’honneur et le contrôle social négatif
a été adopté en 2016 par les autorités danoises pour la période
2017-2020 et 10 millions d’euros ont été alloués pour la mise en œuvre
de ce plan d’action. Néanmoins, le GREVIO regrette qu’il soit centré
sur la culture et non sur le genre, ce qui pourrait contribuer à
alimenter des stéréotypes à l’encontre de certaines communautés.
20. En Suède, les enseignant·e·s reçoivent du matériel pédagogique
sur la sexualité, le mariage forcé et les manifestations de violence
liées au prétendu «honneur». De plus, le personnel éducatif est
formé pour détecter les enfants qui pourraient être victimes de
violences, y compris de violences au nom du prétendu «honneur».
21. Il existe au Danemark une ligne d’assistance téléphonique
24/24 pour les victimes de violence liée à l’honneur. De plus, deux
foyers accueillent des jeunes de 16 à 30 ans qui seraient exposés
à un risque de mariage forcé ou de violence liée au dit «honneur».
En Suède, des services de conseil spécialisés ont été mis en place
pour aider les victimes de violence liée au prétendu «honneur» et
des associations accueillent des jeunes filles devant quitter leur
famille car elles encourent un risque d’être victime d’un crime
dit d’«honneur».
22. En Finlande, une bonne pratique recensée par le GREVIO est
l’existence d’un site d’information disponible en 12 langues (Infopankki.fi)
qui présente des informations sur la violence domestique, les violences sexuelles
et la violence liée au dit «honneur». Le Gouvernement néerlandais
a lui aussi une page d’information sur la violence liée au dit «honneur»
sur son site internet. Il indique que les raisons les plus fréquentes présentées
pour expliquer des faits de violence liée au prétendu «honneur»
seraient des conflits dits d’«honneur», la perte de la virginité
en dehors du mariage, un adultère, une rébellion contre des comportements
traditionnels/traditions, une insulte à un membre de la famille,
le refus d’un mariage forcé, l’homosexualité, le refus de prendre
part à une attaque violente, fondée sur le prétendu «honneur», à
l’encontre d’une autre personne. Cette page donne également les
coordonnées d’une ligne d’assistance téléphonique et d’une messagerie
Whatsapp qui peuvent être contactées en cas de suspicion de crime
dit d’«honneur».
23. De manière générale, le GREVIO rapporte que les «données
sur la violence liée à l’honneur sont rares». En Espagne, elles
semblent être collectées uniquement en cas de violence entre partenaires
intimes. La collecte de données est au cœur de la lutte contre les
violences.
3.2. Importance
de l’engagement des forces de police
24. Le GREVIO examine également
le travail des forces de police. Les forces de police danoises et suédoises
utilisent un outil d’évaluation du risque de violence liée à l’honneur
(Assessment of Risk for Honour-Based Violence, PATRIARCH). Aux Pays-Bas,
la police reçoit une formation sur la lutte contre la violence domestique
et la violence liée au dit «honneur». Deux centres nationaux d’expertise
et de traitement des violences fondées sur le prétendu «honneur»
ont été créés. Depuis 2013, les professionnels ont l’obligation légale
de signaler les soupçons de maltraitance, de mutilation génitale
féminine et de violence liée au dit «honneur». Les femmes victimes
de menaces de violence liée au dit «honneur» aux Pays-Bas et dans
leur pays d’origine peuvent demander une autorisation de séjour
humanitaire temporaire d’un an.
3.3. Un
appel clair à renforcer la lutte contre les crimes dits d’«honneur»
25. Le GREVIO n’hésite pas à appeler
les États parties à accorder plus d’attention à la lutte contre
les crimes dits d’«honneur», à renforcer les efforts de sensibilisation
afin de «véhiculer le message que la violence ne doit en aucun cas
être tolérée pour quelque motif que ce soit, y compris les pratiques
préjudiciables qui sont souvent justifiées par des notions de religion,
de tradition ou de prétendu honneur». En Italie, la défense du prétendu
«honneur» est à présent reconnue comme étant une circonstance aggravante
(article 61 du Code pénal). Dans son rapport d’évaluation de référence
sur Monaco, le GREVIO indique que le droit pénal monégasque prévoit
une aggravation de la peine «lorsque le coupable a commis l’infraction
dans l’intention de punir ou de réparer une inconduite prétendument
liée à l’honneur».
26. Le GREVIO examine en détails les décisions de justice. Il
a notamment exprimé sa préoccupation quant à la qualification des
«sentiments blessés» ou de la «déception» en tant que circonstance
atténuante dans certains tribunaux en vue de réduire les peines
en Italie. Il estime qu’un examen approfondi de la jurisprudence et
des critères de qualification des circonstances atténuantes serait
utile. Dans son rapport sur le Portugal, le GREVIO souligne l’importance
d’inscrire dans la loi que le prétendu «honneur ne peut jamais justifier
un crime, pas même dans le cas où un homme aurait été trompé par
une femme». Dans son rapport sur la Turquie, le GREVIO exhorte les
autorités turques à «réfuter l’idée selon laquelle l’honneur et
le prestige d’un homme ou de sa famille seraient intrinsèquement
liés à la conduite, ou à la conduite présumée, des femmes appartenant à
sa famille, idée qui est fondée sur des attitudes patriarcales et
sert à exercer une domination sur les femmes ainsi qu’à restreindre
leur autonomie personnelle». Le GREVIO y affirme que «l’«honneur»
continue d’être considéré comme justifiant des formes extrêmes de
violence, y compris le meurtre, en cas d’infidélité conjugale ou
d’autres transgressions, réelles ou présumées, des rôles des femmes.
Les femmes sont fréquemment accusées de provoquer la violence par
leur «désobéissance».. Il indique que
les peines réduites pour les crimes liés à la coutume ont été supprimées
lors de la révision du code pénal de 2005.
27. Mme Eapen Paul, membre du GREVIO
au titre de la Norvège, a souligné lors de notre audition que les États
parties à la Convention d’Istanbul sont obligés de s’assurer que
la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu
«honneur» ne soient pas vus comme des justifications pour aucune
des formes de violence couverte par la convention. Les violences
faites aux femmes sont injustifiables. Les réductions de peine sur
la base du prétendu «honneur» ne devraient plus être prononcées.
4. Travaux
du Comité des Nations Unies sur l’élimination de la discrimination
à l’égard des femmes sur les crimes dits d’«honneur»
28. J’ai examiné les travaux du
Comité des Nations Unies sur l’élimination de la discrimination
à l’égard des femmes (CEDEF). Le Comité souligne et salue avant
tout l’engagement de la plupart des États dans la lutte contre les
crimes dits «d’honneur» et les encourage à intensifier leurs efforts
en partenariat avec leurs administrations et les actrices et acteurs
de terrain. Comme le GREVIO, il rappelle qu’il est nécessaire de considérer
les crimes dits «d’honneur» comme une violation à part entière des
droits humains et que ces crimes font partie d’un ensemble plus
large de violence à l’égard des femmes. La tradition, la coutume,
la religion ou le prétendu «honneur familial» ne sont pas des justifications
acceptables pour de tels actes. Le Comité des Nations Unies soulève
aussi que certaines catégories de populations (femmes migrantes, issues
de minorités
) ou certaines parties (rurales
) du territoire d’un État membre
peuvent être plus exposées
aux crimes dits d’«honneur».
4.1. La
prévention des crimes dits «d’honneur»
29. En accord avec les recommandations
du Comité, plusieurs États proposent aujourd’hui des formations à
destination des professionnel·le·s travaillant dans les forces de
police ou les services éducatifs. On peut citer l’Autriche qui,
en réponse aux observations formulées en 2013 par le Comité, a développé
et intégré dans sa stratégie nationale de prévention de la violence
à l’école à destination des élèves, des étudiantes et étudiants et
des actrices et acteurs clefs du milieu scolaire, une dimension
relative aux violences (à caractère sexuel) faites aux femmes et
aux filles et en particulier les crimes dits d’«honneur»
.
30. En Suède, le Conseil national de la santé et de la protection
sociale a produit, entre 2012 et 2014, du matériel de formation
concernant des catégories de personnes particulièrement vulnérables
qui peuvent être victimes de violence comme les personnes âgées,
les femmes en situation de handicap, les femmes qui ont des problèmes
d’abus de drogue et d’autres substances, les femmes d’ascendance
étrangère et les personnes soumises à une violence ou oppression
«pour l’honneur»
.
La sensibilisation aux violences liées au prétendu «honneur» peut
passer par d’autres canaux que la formation comme, entre autres,
la création d’un organe de médiation, des campagnes d’information
et pour le changement de comportement ou encore la création d’une ligne
téléphonique d’assistance.
31. Tous les actrices et acteurs et tous les personnels en contact
avec des femmes victimes ou à risque doivent être mobilisés pour
lutter contre les crimes dits d’«honneur». La coopération entre
administrations locales ou régionales et les actrices et acteurs
de terrain, en particulier les ONG, doit permettre une plus grande
cohésion, une plus grande efficacité des actions de lutte contre
les crimes dits «d’honneur» et une meilleure prise en charge des
victimes.
32. Au Danemark, un organisme national chargé de conseiller les
municipalités sur les violences commises au nom du prétendu «honneur»
a été créé. Dans le cadre du plan refondé en 2016, un groupe de
travail et une équipe de consultant·e·s en sécurité ont été mis
en place pour conseiller les autorités locales dans les cas particuliers
de conflits liés au dit «honneur» ou sur l’adoption de mesures stratégiques
permettant de prévenir ce type de conflit. En Suède, il existe un
véritable réseau national d’institutions traitant de la violence
liée au dit «honneur» et à l’oppression. Ce réseau a également pour
mission de dresser la carte des mesures préventives sous la forme
d’un appui parental universel et ciblé afin d’empêcher la violence
et l’oppression liées aux problèmes d’honneur. Pour le gouvernement,
l’objectif est d’avoir accès à des méthodes qui produisent des résultats
susceptibles d’être diffusés dans le reste du pays.
4.2. L’aide
aux victimes
33. L’aide aux victimes peut prendre
plusieurs formes. Les États peuvent créent des foyers d’accueil
ou des refuges pour les victimes (seul·e·s ou en couple) de toute
forme de violence commise au nom de prétendu «honneur» de la famille
comme c’est le cas au Danemark, au Pays-Bas et en Suède. Des plateformes téléphoniques
ont été créées au Danemark et en Suède soit pour conseiller les
parents, jeunes, jeunes adultes et professionnel·le·s sur la question
des crimes liés au dit «honneur», soit pour soutenir les personnels rencontrant
des victimes.
4.3. La
politique d’asile
34. Le Comité
s’inquiète de l’exposition importante
des femmes migrantes à diverses formes de violence y compris les
crimes dits d’«honneur». En Finlande, une attention particulière
a été portée à la sécurité des migrant·e·s et autres groupes vulnérables
notamment pour identifier les cas de violence commise au nom du prétendu
«honneur» et ce dans le cadre du programme de sécurité interne.
35. Dans plusieurs États membres, la dimension de genre fait partie
de la politique d’asile et les besoins de certains groupes de migrant·e·s
tels que les femmes ou les personnes qui ont fui leurs pays en raison
de persécutions liées au genre et en particulier les violences liées
au dit «honneur» sont pris en compte.
36. En Suisse, la Commission de recours en matière d’asile a développé
une pratique en matière de persécutions liées au genre en lien avec
la notion d’«appartenance à un groupe social déterminé». Parmi les motifs
acceptés, on retrouve les crimes dits d’«honneur»
. En Belgique, environ 19% des demandes
d’asile en 2013 contenaient des motifs liés au genre et 105 personnes
qui craignaient de devenir victime d’un crime dit d’«honneur» se
sont vu garantir le statut de réfugié
.
37. L’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ne dispose
pas de statistiques sur les crimes dits d’«honneur» et sur les demandes
d’asile qui seraient fondées sur le risque d’être victime d’un crime
dit d’«honneur». Le HCR n’a pas non plus de statistiques spécifiques
sur la persécution liée au genre, mais simplement de manière plus
générale sur l’appartenance à un groupe social spécifique. Néanmoins
il est possible d’affirmer que des demandes d’asile ont été attribuées
à des personnes encourant le risque d’être victime d’un crime dit
d’«honneur».
4.4. Lutter
contre la discrimination et les crimes dits d’«honneur»
38. Dans son rapport déposé dans
le cadre du suivi du Royaume-Uni, l’ONG Sisters for Change
estime que 95% des femmes noires
ou issues de minorités font face à des risques de violence basée
sur le prétendu «honneur». L’ONG Rights Watch
explique quant à elle que le
Gouvernement britannique a choisi d’aborder la question de la violence
exercée à l’égard des femmes issues de minorités ethniques, en particulier
la violence basée sur le prétendu «honneur», dans le cadre d’une
stratégie de lutte contre le terrorisme, ce qui pourrait entraîner
de la discrimination ou des préjugés quant à la prise en charge
des victimes. A ce titre, le Comité invite l’État partie à redoubler
d’efforts pour protéger les femmes, notamment les femmes noires
et celles appartenant à des minorités ethniques, contre toutes les
formes de violence, y compris la violence familiale, et contre les
crimes dits d’«honneur».
39. Certaines ONG rapportent que la violence domestique (y compris
pour les crimes dits d’«honneur») à l’encontre des femmes nées à
l'étranger semble stéréotypée dans la société suédoise traditionnelle
et dans les rapports à ce sujet, comme étant le produit d’hommes
issus de certaines cultures ou ayant certaines croyances et nés,
eux aussi, à l’étranger
.
4.5. Poursuite
et sanction des auteurs
40. Certains États parties choisissent
de ne pas inclure les crimes dits d’«honneur» dans leur code pénal. Le
Gouvernement russe indique, à cet égard, qu’il ne prévoit pas d’introduire
dans le Code pénal un complément d’articles disposant un renforcement
des peines pour meurtre ou violence, à l’égard des femmes ou des
filles, commis au nom du prétendu «honneur» ou pour mariage forcé
.
41. Le Comité recommande de dispenser systématiquement aux juges
et aux agent·e·s de la force publique une formation sur la nature
criminelle des crimes dits d’«honneur».
42. Comme le GREVIO, le Comité se dit préoccupé par le fait que
dans certains États des jugements tiennent compte des circonstances
atténuantes ou appliquent des peines plus légères que celles prévues
par la loi
.
43. D’une manière générale, le Comité regrette l’absence de données
chiffrées concernant les crimes dits d’«honneur» dans les rapports
des États examinés. La Belgique a fourni au CEDEF quelques données sur
le nombre d’affaires de violence liée au prétendu «honneur» enregistrées
par les parquets du pays: 17 en 2016, 94 en 2017, 101 en 2018 et
88 en 2019
.
44. Entre 30 et 60 cas de crimes dits d’«honneur» sont enregistrés
chaque année aux Pays-Bas comme un type particulier de violence
faite aux femmes. Aussi, le Centre d’expertise nationale sur la
violence commise au nom de l’honneur soutient la police et lui permet
d’agir en toute sécurité en cas de suspicion. En 2014, le centre
a reçu 460 rapports de violences commises au nom du prétendu «honneur»
et a participé à 11 procès pour meurtre ou homicide.
45. Dans son rapport étatique, la Fédération de Russie souligne
que «dans la mesure où les observations finales ne font état d’aucun
cas concret de violation des droits des femmes ou des filles dans
le Caucase du Nord, il s’avère impossible de confirmer que des pratiques
préjudiciables telles que les mariages précoces ou forcés, les mariages
forcés par enlèvement, les crimes dits «d’honneur», les mutilations
sexuelles féminines et la polygamie sont effectivement des phénomènes
répandus»
.
46. Le Comité recommande également un effort de prise en compte
des crimes dits d’«honneur» et conseille leur pénalisation systématique.
Il demande également aux États d’appliquer de manière effective
les plans de lutte, de former les professionnel·le·s du droit, les
agent·e·s de la force publique et le personnel médical sur la nature
criminelle des crimes dits d’«honneur», et sur les effets néfastes
de ces pratiques sur les droits des femmes, et à veiller à ce que
les femmes victimes de crimes dits d’«honneur» puissent porter plainte
sans craindre de représailles et sans risquer d’être stigmatisées
et à ce qu’elles aient accès à une assistance juridique, sociale,
médicale et psychologique.
5. Suicides
forcés et suicides dits d’«honneur»
47. Les suicides forcés peuvent
aussi entrer dans la catégorie de crimes dits d’«honneur». Mme Yaël Mellul
,
ancienne avocate, s’est battue pour la reconnaissance des suicides
forcés en France. «Le suicide d'une femme victime de harcèlement
intervient lorsque son altération mentale est fatale, cet acte devenant l'aboutissement
du processus, une libération et l'unique solution pour sortir de
cet enfer». Elle souligne aussi que «la victime se suicide comme
un acte ultime de libération de toutes les souffrances endurées,
mais aussi parce que la honte et la culpabilité deviennent insupportables»
. En 2018, 217 femmes se seraient
donné la mort en France à la suite de violences au sein du couple.
48. Certaines ONG signalent qu’en raison du risque de ces peines
élevées, les femmes et les filles sont parfois poussées à se suicider
afin de préserver la réputation de leur famille
.
Ainsi, les crimes dits d’«honneur» sont rarement signalés ou sont
souvent ignorés puisque, d’un côté, certains considèrent que le prétendu
«honneur» peut être la justification d’un crime, et, d’un autre
côté, ces meurtres sont souvent déguisés en suicides.
49. Néanmoins, tous les suicides forcés ne peuvent pas être assimilés
à des crimes dits d’«honneur». L’expression suicide dit d’«honneur»
est par conséquent aussi utilisée. Lors du colloque du 8 mars 2010
au Sénat français
,
Mme Jacqueline Thibault, présidente de
la Fondation Surgir, a indiqué que le nombre de suicides de femmes
avait fortement augmenté en Turquie après la révision du Code pénal
de 2005. Ces suicides seraient commis sous pression de la famille
et pourraient être considérés comme étant des suicides dits d’«honneur».
Le GREVIO s’est également inquiété de rapports faisant état d’affaires
dans lesquelles des femmes et des filles auraient été poussées ou
contraintes au suicide. En cas de suspicion de suicide provoqué ou
forcé, une enquête est menée. Le Code pénal turc qualifie les suicides
forcés de meurtres
. Le Gouvernement turc avait adopté
un plan d’action national contre la violence à l’égard des femmes
pour la période 2016-2020, prévoyant que des recherches soient menées
sur «les cas mortels de violence à l’égard des femmes, les suicides
suspects de femmes et les meurtres commis au nom des traditions
et de l’«honneur»»
.
50. Nous devons aussi différencier les suicides forcés, suicides
dits d’«honneur», des meurtres déguisés en suicides. Il est difficile
d’avoir des chiffres précis ou même une échelle de grandeur de ce
phénomène mais il me semble pertinent de vérifier si la formation
du personnel judiciaire leur donne les outils nécessaires afin de les
détecter et si des autorités au sein de l’un ou l’autre État membre
du Conseil de l’Europe ont pris des mesures en vue de les prévenir.
6. Crimes
dits d’«honneur» à l’encontre des personnes LGBTI
51. Les personnes LGBTI peuvent
aussi être victimes de crimes dits d’«honneur» perpétrés par des membres
de leur famille ou des proches en raison de la non-acceptation de
leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Ces crimes
constituent une forme de violence fondée sur le genre qui ne saurait
être acceptée ou tolérée au nom de quelque culture ou tradition
que ce soit. Il n’existe pas encore, à ma connaissance, d’étude
de grande envergure sur cette question. Les informations dont nous
disposons se fondent sur divers témoignages.
52. Dans son rapport annuel pour l’année 2019, l’organisation
ILGA fait état du harcèlement et dupassage à tabac d’un homme homosexuel
par sa famille car il aurait porté atteinte à leur prétendu «honneur».
Il aurait aussi été expulsé de son village en Azerbaïdjan pour cette
même raison
.
53. Le cas de Roşin Çiçek
a fait la une
des journaux en Turquie et au-delà. Roşin, adolescent de 17 ans, a
été tué par son père et son oncle en raison de l’atteinte portée
au prétendu «honneur» de sa famille par le fait qu’il était homosexuel.
Son père et son oncle ont été condamnés à la prison à vie. Ahmed
Yildiz, un jeune homosexuel turc, a été tué en 2008 par son père
à la suite de la révélation de son orientation sexuelle. Il avait signalé
à la police être en danger. Son père est toujours recherché à ce
jour.
54. Il est devenu indéniablement plus difficile pour les ONGs
de protection et de promotion des droits des personnes LGBTI de
faire leur travail en Turquie ces dernières années. Il m’a été dit
que les auteurs de crimes envers les personnes LGBTI savent qu’ils
ne seront pas punis. Les personnes LGBTI sont tenues de s’invisibiliser
afin de pouvoir continuer leur action, et n’utilisent plus ou peu
le drapeau arc-en-ciel. Un contexte défavorable à la promotion des
droits des personnes LGBTI n’est en général guère favorable à la
protection des droits des femmes.
55. Je souhaite également faire référence aux travaux de Piet
De Bruyn sur les persécutions dont sont victimes les personnes LGBTI
en République tchétchène ces dernières années
. La persécution, ordonnée au plus
haut niveau, serait relayée par les familles. Selon Amnesty International
et le Russian LGBT Network, une deuxième vague de persécution aurait
débuté en janvier 2019. «La police aurait exigé que les familles
des gays et des lesbiennes se livrent à des crimes «d’honneur» contre
leurs proches et en fournissent la preuve»
.
56. Dans son rapport, M. De Bruyn souligne qu’«Être LGBTI signifie
aller à l’encontre de la soi-disant société traditionnelle où un
couple est composé d’une femme et d’un homme. En République tchétchène,
les personnes qui révèlent leur homosexualité sont souvent rejetées
par leur famille. L’homosexualité est considérée comme une maladie
et une provocation. Les personnes LGBTI sont contraintes de dissimuler
leur orientation sexuelle et de mener une vie secrète. Elles craignent
d’être rejetées, battues, torturées, enlevées, voire tuées si elles
essayent de faire leur «coming out». Lorsque la police ou les forces
de sécurité découvrent qu’une personne est LGBTI, elles la menacent
systématiquement d’en parler à sa famille si cette personne ne leur
donne pas une certaine somme d’argent»
. Ramzan Kadyrov, président de la
République de Tchétchénie, a directement appelé les familles des
personnes LGBTI à régler leur situation en famille. Ses attaques
à l’encontre des personnes LGBTI ont lieu dans un contexte oppressant
pour les femmes, auxquelles un code vestimentaire et un comportement
dit vertueux sont imposés.
57. Selon Human Rights Watch, en République tchétchène, «l'homosexualité
est généralement considérée comme une atteinte grave au prétendu
«honneur» de la famille. Les hauts fonctionnaires tchétchènes alimentent
cette attitude en approuvant publiquement les «crimes d'honneur»
commis contre des hommes homosexuels et bisexuels»
.
58. Les personnes transgenres peuvent aussi se trouver en danger.
J’ai reçu le témoignage d’Inaya Zarakhel, femme transgenre ayant
quitté le Pakistan en raison de menaces pesant sur sa famille après
avoir révélé son identité de genre. Sa mère la soutenait mais elle
est partie, en raison du risque de crime dit d’«honneur». Elle a
parlé de son expérience en tant que femme transgenre au Pakistan.
«En menant la transition vers mon vrai genre, j’ai fait honte à
ma famille», m’a-t-elle dit. Après avoir passé un an dans un centre
d’accueil de demandeurs d’asile, elle a obtenu une réponse favorable
à sa demande d’asile aux Pays Bas. Elle a souligné lors de notre
entretien que le concept de l’«honneur» était fluctuant et pouvait
prendre un sens différent selon l’endroit. Elle recommande de créer
un système de soutien aux personnes ayant fui les violences fondées
sur le prétendu «honneur» dans les centres pour demandeurs d’asile
et d’assurer la sécurité de toutes les personnes qui y vivent, et
de manière générale des personnes ayant fui des violences fondées sur
le genre.
59. Je souhaite également mentionner les thérapies de conversion
dont sont victimes certaines personnes en raison de la volonté de
leur proches de leur faire changer d’orientation sexuelle ou d’identité
de genre. Ces thérapies sont traumatisantes, violentes et devraient
être interdites. Elles viseraient à préserver un dit «honneur» d’une
famille ou d’un parent alors qu’elles sont humiliantes et intolérantes.
Victor Madrigal-Borloz, Expert indépendant sur l'orientation sexuelle
et l'identité de genre des Nations Unies, a appelé les États à «travailler
ensemble pour interdire les pratiques de thérapie de conversion
à l'échelle mondiale» lors de la présentation de son rapport au
Conseil des droits de l’homme en juillet 2020. Il a décrit ces pratiques
comme étant «intrinsèquement discriminatoires, cruelles, inhumaines
et dégradantes et que selon la sévérité de ces pratiques, ou de
la souffrance ou douleur physique ou mentale qu'elles infligent
à la victime, elles peuvent être assimilées à des actes de torture
». J’ai reçu le
témoignage bouleversant d’un homme dont le compagnon a subi une
opération du cerveau, imposée par sa famille contre sa volonté,
visant à faire de lui un hétérosexuel. Les violences dont peuvent
être victimes les personnes LGBTI en raison de leur orientation
sexuelle et/ou de leur identité de genre sont intolérables et nous
devons agir afin de permettre à toutes et à tous de vivre sereinement
et libre de toute violence.
60. Des mariages forcés seraient organisés afin de cacher l’orientation
sexuelle de l’un des époux et de donner l’image d’un couple hétérosexuel
à la société. En 2019, au Royaume-Uni, sur 1 142 mariages forcés, 2%
des victimes s’identifiaient lesbiennes, gays, transsexuelles ou
bisexuelles
.
61. Nous ne pouvons dissocier les attaques faites aux droits des
femmes des discriminations et violences à l’encontre des personnes
LGBTI. Je suis d’avis que tout est intrinsèquement lié et que les
crimes dits d’«honneur» se produisent dans des sociétés où l’égalité de
genre n’est pas acquise. Renforcer la lutte contre les crimes dits
d’«honneur» implique de travailler en profondeur et de manière transversale
sur les questions d’égalité de genre. Promouvoir et protéger les
droits des personnes LGBTI permet de lutter plus efficacement contre
les crimes dits d’«honneur».
7. Royaume-Uni
62. Le Royaume-Uni n’a pas encore
ratifié la Convention d’Istanbul et ne fait donc pas encore l’objet de rapports
du GREVIO. Néanmoins, ce pays se caractérise par une attention particulière
portée à cette thématique. L’ONG Karma Nirvana estime qu’il y aurait
environ 12 victimes de crimes dits d’«honneur» par an au Royaume-Uni;
ce chiffre serait sous-estimé. Les crimes dits d’«honneur» qui auraient
été commis à l’étranger ne sont pas comptabilisés, et ils peuvent
être assimilés à une forme de crime organisé qui pourrait s’exporter.
63. L’histoire tragique de Banaz Mahmood a fait l’objet d’un documentaire
diffusé
à travers le monde. Les policiers chargés de l’enquête expliquent
très clairement que sa famille souhaitait tout simplement faire disparaître
toute trace de son existence. Il n’y avait aucune photo de Banaz
dans la maison de ses parents, aucune volonté affichée de ses parents
de la retrouver ou de poursuivre les auteurs de son meurtre. Sa
famille, qui était censée la protéger, a commandité son assassinat
car elle avait porté atteinte au dit «honneur» de sa famille.
64. Banaz a grandi dans une famille kurde venue d’Irak en 2005,
vivant à cheval entre la culture kurde et la culture britannique.
Elle a été victime d’une mutilation génitale féminine, comme les
autres jeunes filles de sa famille. Ses parents avaient arrangé
un mariage précoce pour elle et Banaz s’était résolue à épouser
le mari qui avait été choisi pour elle. Son époux l’a violée et
battue à plusieurs reprises. Il lui disait qu’il la tuerait si elle en
parlait à qui que ce soit. «J’étais comme sa chaussure, à sa disposition,
et il me chaussait à chaque fois qu’il le souhaitait». Elle était
allée se réfugier chez ses parents, qui l’encourageaient à retourner
chez son mari pour qui ils avaient apparemment une grande estime.
On lui a dit qu’un divorce serait source de honte pour toute la
famille. Banaz s’est tout de même enfuie, ne supportant plus les
violences de son époux. Elle est allée plusieurs fois au poste de
police afin de parler des violences qu’elle subissait, dont le viol
marital. Aucune mesure de protection n’a été mise en place.
65. Elle a rencontré Rahmat peu de temps après avoir quitté son
époux et ils ont vécu leur histoire en cachette. Ils ont néanmoins
été aperçus un jour en train de s’embrasser dans la rue; la famille
de Banaz en a été informée et a décidé d’organiser son assassinat.
Elle est parvenue à s’échapper lors de la première tentative, et
a raconté son histoire à l’hôpital où elle a fait soigner ses blessures.
Son témoignage a été filmé par son compagnon Rahmat. Elle a laissé
une lettre à la police indiquant clairement les personnes qui allaient certainement
la tuer. Elle a été tuée par trois hommes, dans la maison de ses
parents, et son corps a été mis dans une valise et enterré. Deux
des trois hommes sont parvenus à partir en Irak et y ont célébré
ce meurtre. L’équipe britannique en charge de l’enquête est parvenue
à obtenir leur extradition et ils ont été condamnés à la prison
à perpétuité au Royaume-Uni.
66. Dans ce documentaire, j’ai été fortement marquée par le témoignage
de la sœur de Banaz qui a fui sa famille et vit cachée depuis qu’elle
a témoigné contre sa famille dans le cadre de cette enquête. Les
policiers et enquêteurs disent aussi n’avoir pas mené l’enquête
pour la famille de Banaz, mais pour la victime elle-même et sa mémoire.
Ils ont regretté l’absence de protection en dépit de nombreux signaux
d’alerte. Les esprits ont été fortement marqués par ce qui est arrivé
à Banaz.
67. Nous avons également entendu le témoignage de Jasvinder Sanghera
lors de notre audition. Lorsqu’elle a eu 14 ans, son père lui a
donné une photo d’un homme bien plus âgé qu’elle, un homme qu’elle
était destinée à épouser. Elle a refusé car elle voulait continuer
à aller à l’école. Rêver d’indépendance lui était interdit, l’indépendance
aurait été un déshonneur pour la famille. Toutefois, elle a osé
dire non à son père. Elle fut, en conséquence, mise à l’écart de
l’école et enfermée à clef dans sa propre maison. Elle s’est échappée
de chez elle à l’âge de 16 ans. Elle a expliqué à sa famille qu’elle
tenait à décider avec qui elle voulait se marier. Sa famille n’était
pas du même avis et a considéré que leur fille les avait déshonorés.
Ses parents ont ainsi rompu tout contact avec elle. Elle a aussi
raconté l’histoire de sa sœur, victime de violences, dont la parole
n’a pas été écoutée.
68. Elle a donné des exemples de situations qui «souillent» l’honneur
de la famille: refuser un mariage arrangé, avoir des relations hors
mariage, s’intégrer, avoir des réseaux sociaux, chercher de l’aide,
partir de chez soi ou divorcer. Elle a créé l’association Karma
Nirvana en 1993 pour donner la parole aux victimes de crimes dits
d’«honneur», les protéger et sauver des vies. Son association souligne
le rôle des familles qui commettent les crimes dits d’«honneur».
Les victimes ne sont pas assez écoutées quand elles signalent leur situation
aux autorités et ces dernières ont trop tendance à se tourner vers
les familles, qui sont les auteurs des crimes. D’après Mme Sanghera,
«les crimes dits d’«honneur» sont bien une conséquence des structures patriarcales
de nos sociétés. Mais il ne faut pas sous-estimer le fait que des
femmes contribuent à perpétuer les crimes d’honneur et qu’elles
les cultivent». Elle a insisté sur le rôle fondamental de l’école:
«pendant notre jeunesse, nous sommes largement conditionnés par
notre famille. C’est elle qui nous éduque en partie et nous donne
les codes de ce que l’on peut faire ou ne pas faire. Il n’y a pas
de livre qui nous apprend ce qu’est l’honneur. Cela nous est inculqué
par nos parents, par ceux que l’on aime le plus. Et si l’on transgresse
le «code d’honneur», nous apprenons qu’il y a des sanctions (…)
La clef de la lutte contre les crimes d’honneur est l’éducation.
Il faut développer l’esprit critique des jeunes et faire en sorte
que les professionnel·e·s n’ignorent pas l’existence des crimes
d’honneur».
69. Nazir Afzal, qui a été le procureur d’une centaine de crimes
dits d’«honneur» au Royaume-Uni, a souligné que ces crimes traduisaient
une volonté de contrôle. «Vous ne pouvez pas simplement dire, revenez
demain. Il n'y aura pas de lendemain. Le premier contact est le
contact le plus important. Lorsque cette personne demande de l'aide,
vous devez être en mesure de l'aider et de signaler l’incident immédiatement. Sinon,
vous ne faites qu'ajouter aux facteurs de risque auxquels la personne
est confrontée». Il est selon lui impossible de rationnaliser ce
que des personnes font au nom du prétendu «honneur». Dans la plupart
des cas dont il s’est occupé, l’auteur du crime n’avait ressenti
aucune culpabilité ou honte et avait été soutenu par son entourage,
ce qui n’est pas le cas pour des faits de violence domestique par
exemple.
70. D’après M. Afzal, les auteurs de crimes dits d’«honneur» ne
pensent pas avoir à faire face aux conséquences et à répondre de
leurs actes. Souvent, les crimes dits d’«honneur» relèvent du crime
organisé. Dans un cas sur huit au Royaume-Uni, il a été fait appel
à des tueurs à gage qui n’auraient pas été rémunérés car ils étaient
d’avis que c’était la chose à faire afin de restaurer le prétendu
«honneur». Il y a des victimes de tous les âges et des raisons invoquées
diverses, telles que la propriété, la sexualité, l’identité de genre
ou l’orientation sexuelle. Ces crimes sont fortement liés à la culture,
qui donne puissance au dit pouvoir masculin et vise à empêcher les
femmes de faire des choix. Un homme de 21 ans né en Angleterre et
y ayant grandi, lui a dit qu’un homme était comme une pièce d’or,
qui peut se nettoyer si elle a été salie dans la boue, alors qu’une
femme était considérée comme un bout de soie, qui serait tâché pour
toujours après être tombée dans la boue. Le concept du prétendu
«honneur» est très fort; un frère aimant sa sœur peut aller jusqu’à
la tuer au nom du prétendu «honneur». Ce crime vise à contrôler
les femmes. «Si nous nous attaquons à la masculinité et au patriarcat,
nous réduirons l’incidence des crimes dits d’«honneur» et des meurtres»,
a-t-il souligné lors de notre audition.
71. Au Royaume-Uni, 120 000 agents des forces de police ont été
formés à la détection de violences fondées sur le prétendu «honneur».
Des agents spécialisés ont été mis en poste au sein des services
sociaux, d’aide à l’enfance et de police. Les forces de police ont
maintenant la possibilité d'enregistrer, sur une base volontaire,
si un crime a été commis dans le contexte de la préservation du
prétendu «honneur» d'une famille ou d'une communauté.
72. Partout dans le monde, la pandémie de covid 19 a eu pour conséquence
une augmentation des violences à l’égard des femmes, notamment en
raison des confinements. J’ai pu obtenir quelques informations sur
son impact spécifique concernant les victimes de violences fondées
sur le prétendu «honneur» au Royaume-Uni lors de mon échange avec
la représentante de Karma Nirvana. Elle a indiqué que, selon ses données,
le nombre de personnes ayant fui des violences fondées sur le prétendu
«honneur» ou des mariages forcés avait augmenté de 35% entre 2019
et 2020. Le nombre d’appels à leur ligne d’assistance concernant de
nouveaux cas a également augmenté de 16%. Les déplacements ont été
fortement limités en raison des restrictions, plus de personnes
ont cherché de l’aide en contactant des numéros d’assistance. La
situation est toujours fragile à ce jour.
8. Renforcer
la lutte contre les crimes dits d’ «honneur» par des mesures concrètes
73. Le renforcement de la lutte
contre les crimes dits d’«honneur» s’inscrit dans un renforcement
plus général de la lutte contre les violences à tous les niveaux.
Celui-ci passe par la ratification et la mise en œuvre de la Convention
d’Istanbul, si cela n’est pas encore le cas, et le renforcement
des dispositions législatives nationales relatives à la prévention
et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
Nous devons continuer à promouvoir cette Convention et contrer les
attaques et désinformations dont elle fait l’objet. Il est primordial
d’avoir une définition claire des crimes dits d’«honneur» dans les législations
nationales, dans le respect des dispositions de la Convention d’Istanbul.
74. Des actions au niveau de la police, de la justice et des systèmes
éducatifs peuvent contribuer à lutter efficacement contre les crimes
dits d’«honneur». La vulnérabilité des personnes LGBTI aux crimes
dits d’«honneur» doit aussi être reconnue et la protection des personnes
LGBTI devrait faire partie des plans d’actions visant à prévenir
et à lutter contre ces crimes. Nous devons utiliser une approche
intersectionnelle dans nos travaux de lutte contre les discriminations
et les violences afin de recommander des actions efficaces et non-stigmatisantes.
75. La formation des forces de police paraît également très importante
afin de garantir un accueil bienveillant pour les victimes, un accompagnement
efficace et une prévention de futures violences. Une formation adéquate
pourrait aider à détecter des risques de crimes dits d’«honneur»
et à prendre des mesures appropriées. Les enquêteurs et enquêtrices
devraient aussi être formés. La création d’unités spéciales dédiées à
la lutte contre la violence fondée sur le prétendu «honneur» pourrait
être envisagée. La violence fondée sur le prétendu «honneur» doit
faire l’objet de condamnations claires.
76. Les ordonnances de protection sont un moyen concret de permettre
d’éloigner une victime potentielle d’un crime dit d’«honneur» des
personnes qui pourraient la mettre en danger. Leur utilisation devrait
être encouragée. Le prétendu «honneur» est présenté par certains
comme une justification d’un crime, mais celui-ci peut aussi rendre
le départ d’une victime potentielle plus difficile.
77. Il est essentiel d’investir plus massivement dans des activités
de sensibilisation et de prévention. Les médias devraient soutenir
le lancement de campagnes d’informations visant à prévenir les violences,
y compris les violences liées au prétendu «honneur», et à promouvoir
l’égalité de genre. La couverture journalistique de faits de violences
résume souvent en crime dit d’«honneur» un fait de violence à l’égard
d’une femme au sein d’une famille d’immigré·e·s. Des programmes
de sensibilisation spécifiquement à l’attention des hommes devraient
être établis. Cela contribuera à faire évoluer les mentalités pour
que les hommes ne voient plus leur épouse, fille, sœur ou cousine
comme des objets de propriété. Selon l’ONG Humanists international, le concept
du prétendu «honneur» masculin trouve son origine dans une objectisation
des femmes, qui passeraient du contrôle de leur père à celui de
leur époux.
78. L’éducation à l’égalité de genre dès le plus jeune âge joue
un rôle fondamental dans la réalisation de l’égalité à l’âge adulte.
Des programmes de promotion de l’égalité de genre devraient figurer
au sein des programmes éducatifs. Ils doivent contribuer à ancrer
l’égalité profondément dans les mentalités.
79. L’accueil des victimes ou victimes potentielles dans des structures
spécifiques devrait être assuré. La prévention et la lutte contre
les crimes dits d’«honneur» ont une dimension de genre et les besoins
en termes d’assistance peuvent être différents selon le genre de
la victime. Des financements adéquats devraient être garantis pour
la création et le fonctionnement de ces structures, leur mise en
sécurité, la formation du personnel, y compris à la détection et
à la prévention de crimes dits d’«honneur», ainsi qu’un suivi des
victimes. La mise en place de ligne d’assistance téléphonique en
plusieurs langues devrait être soutenue par les autorités.
80. Des responsables politiques ont appelé directement leurs communautés
à protéger leur dit «honneur» ainsi que le prétendu «honneur» de
leurs familles. De tels propos devraient être dénoncés vigoureusement
et ne plus être tolérés. Un appel à la violence est en soi une forme
de violence. Le non-respect de certaines traditions ne peut en aucun
cas justifier la moindre forme de violence. La non-acceptation de
l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle d’un·e membre de
la famille ne devrait pas être source de violences.
81. Le rôle des mères devrait également être souligné. Elles peuvent
demander la perpétration d’un crime dit d’«honneur» ou le perpétrer
elles-mêmes. Elles peuvent aussi ne rien faire pour en empêcher
la réalisation. Elles ne devraient pas être oubliées lors d’activités
de sensibilisation et de prévention.
82. Les personnes victimes de violences liées au prétendu «honneur»
ou victimes potentielles de crimes dits d’«honneur» devraient pouvoir
trouver refuge dans un autre État si nécessaire et leurs demandes
d’asile acceptées.
83. Il ne peut y avoir de lutte efficace contre les crimes dits
d’«honneur» sans une collecte de données. Assurer une collecte de
données systématique sur la violence à l’égard des femmes, la violence
domestique et les violences faites aux personnes LGBTI et recenser
les cas de violences fondées sur l’«honneur» sont des éléments essentiels
de la lutte.
9. Conclusions
84. Étudier la question des crimes
dit d’«honneur» implique de s’intéresser à un contexte plus général
qui tolère ce type de violence. Grandir dans des familles où les
mouvements, l’apparence et les comportements sont surveillés et
contrôlés, où l’homosexualité n’est pas acceptée, où l’identité
de genre est reniée, est compliqué. La réputation collective, celle
de la famille et de la communauté au sens large, a toujours une
place très importante. Ce rapport est dédié à la question des crimes
dits d’«honneur» mais plus largement, il permet de dénoncer un système
d’oppression lié au prétendu «honneur».
85. Lors du traitement de cas de crimes dits d’«honneur», l’accent
est davantage mis sur le comportement de la victime qui aurait apporté
honte, embarras et déshonneur à sa famille plutôt qu’au caractère
violent, cruel et inacceptable du crime. Les violences et crimes
dits d’«honneur» sont souvent des crimes de nature collective, organisée
et collaborative. Ils sont la plupart du temps préparés et prémédités.
Dans certains cas, ils seraient même célébrés. Le traitement médiatique
des crimes dits d’«honneur» devrait lui aussi changer.
86. Certains chercheurs contestent l’utilisation de l’expression
crime dit d’«honneur» car il n’y a aucun honneur dans de tels crimes
.
M. Kofi Annan, lorsqu’il était Secrétaire général des Nations Unies,
parlait de crimes honteux plutôt que de crimes dits d’«honneur».
87. La prévention et la lutte contre la violence à l’égard des
femmes et des filles sont présentées comme une priorité par la plupart
de nos gouvernements. Cependant, les moyens nécessaires ne sont
pas encore mis à disposition pour une action efficace contre les
violences. Je suis d’avis que le renforcement de la lutte contre les
crimes dits d’«honneur» se fera grâce à une décision politique d’en
faire une priorité et d’octroyer les moyens nécessaires à la prévention
et à l’assistance aux victimes, quel que soit leur profil.
88. Sans prise de conscience collective, nous ne parviendrons
pas à un changement durable. La perpétuation de cultures patriarcales
au sein desquelles des violences fondées sur le prétendu «honneur», à
l’encontre de femmes ou d’hommes, sont tolérées est incompatible
avec les avancées portées par le Conseil de l’Europe, depuis sa
création, sur la protection des droits humains. Il est de notre
devoir de dénoncer toute pratique discriminatoire ou violence fondée
sur le genre et de n’accepter aucune justification, qu’elle trouve
son origine dans un prétendu «honneur», une prétendue «tradition»,
un code de coutume ou une pratique religieuse. Nous devons renouveler
à cet effet notre engagement pour la prévention et la lutte contre
la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et continuer
à promouvoir aussi énergiquement que possible la ratification et
la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la
prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique.