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Rapport | Doc. 15349 | 23 août 2021

Lutte contre les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Edite ESTRELA, Portugal, SOC

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, renvoi 4531 du 15 septembre 2020. 2021 - Quatrième partie de session

Résumé

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 23 % des décès dans le monde en 2012 (soit 12,6 millions) seraient attribuables à des nuisances environnementales, chiffre qui a certainement augmenté au cours de la dernière décennie. Les causes de cette mortalité nous affectent toutes et tous, qu’il s’agisse de la pollution de l’atmosphère et de l’eau, des conditions sanitaires et d’hygiène insuffisantes, de la diffusion d’agents chimiques et biologiques, de la pollution sonore, des radiations ultraviolettes et ionisantes, des risques professionnels, des pratiques agricoles (pesticides, réutilisation d’eaux usagées), de l’environnement bâti (logements et routes) et des changements climatiques. Force est de constater, néanmoins, que les populations dans les régions les moins développées souffrent bien davantage d’une protection insuffisante contre ces risques que celles des pays développés, et que certains groupes, dont les enfants et les membres des minorités, sont particulièrement exposés.

Le présent rapport identifie les inégalités les plus critiques en matière d’accès au droit à un environnement sûr, sain et propre et formule des recommandations sur la façon de les réduire. Il met l’accent sur le devoir des pays développés d’aider les pays les plus pauvres, dont l’empreinte carbone est infiniment moindre, à gérer les changements climatiques qui les affectent le plus. Le rapport se concentre aussi sur les défis environnementaux spécifiques pour les jeunes, les Roms, les peuples autochtones et les femmes, et énumère un certain nombre de dispositions qui devraient figurer dans toute nouvelle législation.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 23 juin
2021.

(open)
1. L'Organisation des Nations Unies a déclaré dans son Programme pour l'environnement que «les droits de l’homme ne peuvent pas être exercés en l’absence d’un environnement propre et sain» et qu’«une gouvernance environnementale durable n’existe pas si les droits de l’homme ne sont pas respectés». La relation entre l’exercice des droits humains et l’environnement s’affirme de plus en plus, et le droit à un environnement sain est actuellement inscrit dans plus de 100 constitutions dans le monde entier. Pourtant, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme estime qu’au moins trois personnes perdent la vie chaque semaine en tentant de protéger nos droits environnementaux, tandis que beaucoup d’autres sont harcelées, intimidées, traitées comme des criminel·le·s et contraintes de quitter leurs terres.
2. L'Assemblée parlementaire rappelle les 17 objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations Unies, dont l'ambition déclarée est de «mettre fin à la pauvreté, protéger la planète et améliorer la vie et les perspectives de chacun», ainsi que sa Décennie d'action 2020-2030. Elle fait également référence à la pertinence des articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5) qui énoncent le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale, ainsi qu'aux obligations contractées par les États membres du Conseil de l'Europe en adhérant à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992 et en ratifiant l'Accord de Paris de 2015 adopté lors de la 21e Conférence des parties (COP 21).
3. L’Assemblée souhaite rappeler la Convention des Nations Unies de 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Convention d’Aarhus) qui consacre le droit procédural lié à l’environnement et plus précisément vise à soutenir la «démocratie environnementale ».
4. L’Assemblée rappelle également le préambule de l’Accord de Paris selon lequel «les Parties devraient respecter, promouvoir et prendre en considération leurs obligations respectives concernant les droits de l'Homme, le droit à la santé, les droits des peuples autochtones, des communautés locales, des migrants, des enfants, des personnes handicapées et des personnes en situation vulnérable et le droit au développement, ainsi que l'égalité des sexes, l'autonomisation des femmes et l'équité entre les générations».
5. L'Assemblée a traité certaines des questions relatives au changement climatique et à ses conséquences dans ses textes récents, notamment la Résolution 2210 (2018) «Changement climatique et mise en œuvre de l'Accord de Paris» et la Résolution 2307 (2019) «Un statut juridique pour les ‘réfugiés climatiques’». Elle est convaincue que des normes, une législation et des sanctions internationales plus fortes doivent être mises en œuvre afin de garantir le droit à un environnement sûr, sain et propre pour toutes et tous. Dans ce contexte, l'Assemblée se félicite de la déclaration finale de la Conférence de haut niveau sur la protection de l’environnement et les droits de l’homme organisée en février 2020 sous l’égide de la présidence géorgienne du Comité des Ministres, qui a appelé à améliorer les normes juridiques paneuropéennes à la lumière des urgences environnementales et des défis climatiques actuels.
6. Si l'accès au droit fondamental à un environnement sûr, propre et sain est inégalement partagé entre les régions, les pays et les individus, il en va de même pour l'accès aux droits procéduraux qui en découlent, notamment le droit à l'information, la participation à l’élaboration des politiques et à la prise de décision et la formation. L'Assemblée demande instamment à tous les États membres de veiller à ce que les droits environnementaux ne soient pas seulement une réalité pour toutes et tous mais aussi le résultat d’une collaboration entre tous les groupes représentés, en particulier ceux qui sont les plus touchés par le changement climatique et les politiques d'adaptation.
7. Selon la Banque mondiale, les inégalités mondiales ont diminué entre 2008 et 2013 pour la première fois depuis la révolution industrielle mais la crise climatique est en passe d’inverser cette tendance positive. Les effets du changement climatique ont un impact disproportionné sur les pays pauvres car ils augmentent les dommages économiques dus aux conditions météorologiques extrêmes et renchérissent de façon disproportionnée le coût de la réduction des émissions. La crise due à la covid a également rouvert la fracture entre pays riches et pays pauvres.
8. Les personnes touchées par les inégalités d'accès aux droits environnementaux sont prises dans un «cercle vicieux» de discriminations multiples. Celles qui sont déjà victimes de racisme, par exemple, subissent plus durement les effets du changement climatique. Il en va de même pour les groupes les plus pauvres car l'adaptation au climat dépend largement de la richesse des ménages. Les groupes défavorisés sont plus exposés aux effets néfastes du changement climatique, ce qui accroît leur vulnérabilité aux dommages causés par les aléas naturels et réduit leur capacité à y faire face et à se relever.
9. Les personnes socialement désavantagées et les minorités souffrent aussi de la stigmatisation qui les lient à leurs conditions de vie, conditions qui leur sont le plus souvent imposées. Les Roms sont relégués à des endroits situés en marge des zones urbaines, où ils sont obligés de partager les espaces avec des industries polluantes, des décharges, des dépôts d’ordures et d’autres installations contaminées et contaminantes. Leur santé et leur sécurité sont mises en danger, et ils sont également associés à ces images négatives des alentours des lieux qu’ils occupent par le reste de la population. Les Etats membres doivent éloigner les lieux d’accueil des Roms et des Gens du Voyage des zones polluées, travailler avec eux pour dissocier leur mode de vie des stéréotypes stigmatisants et discriminants, et mettre en place des dispositifs qui leur permettent de mener une vie en sécurité et en bonne santé.
10. En ce qui concerne les différences de genre, 70 % des femmes vivant dans les pays les plus durement touchés par les changements climatiques travaillent dans l’agriculture et 70 % des personnes les plus pauvres dans le monde sont des femmes. Le changement climatique a des effets sur les enfants, les personnes âgées, les malades et les personnes en difficulté financière. En moyenne, on compte plus de femmes âgées et/ou souffrant de pauvreté que d’hommes, et ce sont surtout les femmes qui s'occupent des enfants et des malades. Le changement climatique fait donc peser une charge disproportionnée sur les femmes du monde entier.
11. Il convient également de remédier à la sous-représentation des femmes dans les instances décisionnaires: selon l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que le Parlement européen, les femmes sont encore sous-représentées dans les instances décisionnelles mandatées pour gérer la question du changement climatique que ce soit au niveau de l’Union européenne ou au niveau national. En 2011, les femmes occupaient seulement 18,2 % des postes à haut niveau dans les ministères nationaux compétents de l’UE-27 en matière d’environnement, de transport et de politique énergétique. Il est donc essentiel d'intégrer la dimension de genre dans la gestion des politiques environnementales.
12. En ce qui concerne les inégalités en matière de droit à un environnement sûr, sain et propre qui résultent de différences économiques entre les pays et à l’intérieur des pays, l'Assemblée appelle:
12.1. à mettre en œuvre et à renforcer le mécanisme d’aide financière des pays «riches» aux pays «pauvres» prévus dans la Convention des Nations Unies de 1992 sur la diversité biologique, en y ajoutant des obligations supplémentaires des pays développés prévues dans la Convention-cadre de 1992 sur le changement climatique, en particulier l’obligation de fournir une aide financière aux pays en développement et de faciliter le transfert de technologies;
12.2. à renforcer et à rationaliser le mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto de 1997 aux fins de réduire les émissions de gaz à effet de serre;
12.3. à renforcer et à concrétiser l’engagement pris par les pays développés d’aider les pays en voie de développement inhérent aux accords de Paris de 2015, en particulier par la mise en œuvre de l'article 9 de l'Accord de Paris qui prévoit un soutien financier aux fins de l'adaptation aux changements climatiques et à leur atténuation, la mobilisation de moyens de financement de l'action climatique provenant d'un large éventail de sources et un bilan quantitatif et qualitatif régulier sur cette action;
12.4. à respecter et à renforcer le principe de responsabilités communes mais différenciées;
12.5. à réglementer de manière plus stricte les programmes de logement au sein des pays, tirant les leçons de la pandémie de covid-19 qui a montré que pour le bénéfice de l'ensemble de la population, chacun·e doit disposer d'un espace de vie adéquat et de conditions de vie saines, et que l'accès aux espaces verts est essentiel.
13. En ce qui concerne les peuples autochtones, l'Assemblée:
13.1. insiste sur la nécessité pour toute nouvelle législation de puiser dans les connaissances et l'expérience développées au fil des siècles par des communautés dont les traditions ont préservé les liens les plus forts avec le monde vivant et le respect de celui-ci, et qui sont moins anthropocentriques que d’autres, afin que les politiques futures accordent une plus grande priorité à l'environnement en tenant compte de cette vision du monde;
13.2. demande aux pays où vivent des peuples autochtones de veiller à ce qu'ils soient consultés et participent aux décisions relatives à leurs territoires et à leurs modes de vie, et en particulier que les mesures prises au nom de la protection de l'environnement (parcs éoliens, constructions vertes, par exemple) n'affectent pas leur vie et leurs moyens de subsistance;
13.3. encourager et donner les moyens aux représentant·e·s des peuples autochtones de se rencontrer et d'échanger au-delà des frontières nationales et internationales, afin de partager leurs expériences et de renforcer leur position.
14. En ce qui concerne l'accès et la contribution des femmes à la jouissance des droits environnementaux, l'Assemblée appelle:
14.1. à l’octroi d’un financement climatique plus sensible au genre, en particulier aux niveaux local et rural, afin de permettre aux femmes de travailler et de renforcer leurs compétences;
14.2. à l'égalité d'accès à la propriété et aux droits fonciers pour les femmes dans tous les États membres, afin qu'elles se trouvent dans une position sûre à partir de laquelle elles peuvent s'appuyer sur leurs connaissances et leur expérience, notamment à travers la coopération communautaire;
14.3. à l'autonomisation des femmes et des filles pour mener une transition juste vers une économie verte;
14.4. à une collecte de données plus quantitative et qualitative sur le lien genre-environnement, un environnement plus propice pour les femmes et les filles grâce à l'éducation et à la formation.
15. En ce qui concerne les jeunes, l'Assemblée souligne l'absolue nécessité d'associer les organisations de jeunesse ainsi que d’autres jeunes à la conception de tout nouveau cadre juridiquement contraignant pour les droits environnementaux, en tant que condition de sa réussite. Les jeunes ont une conscience aiguë de l'état dans lequel les générations précédentes laissent la planète, ils sont dans l'ensemble plus respectueux de la nécessité de mettre fin aux pratiques de gaspillage et génératrices de dommages, et ont montré leur pouvoir de pression sur les gouvernements et les décideurs. Dans ce contexte, l'Assemblée soutient les propositions actuellement en discussion visant à inclure plus étroitement des représentant·e·s de la jeunesse dans ses travaux.
16. L'Assemblée souligne que tout nouvel instrument juridiquement contraignant spécifique doit s'attaquer à toutes les sources d'inégalités énoncées ci-dessus, dans le but de minimiser les inégalités dans le droit à un environnement sûr, sain et propre. Dans l'esprit de la Convention sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210), un nouveau texte devrait inclure un mécanisme des «quatre P» prévoyant la prévention, la protection, les poursuites et les politiques, en y ajoutant un cinquième «P» qui serait l’engagement des parlements.
17. La justice climatique n'exige pas seulement un accès égal à ces droits, mais aussi le moyen de faire valoir et de défendre ces droits devant les tribunaux. A cette fin également, les Etats membres doivent permettre aux organisations non gouvernementales de défense de l’environnement, telles que Notre Affaire à Tous en France et Oxfam au niveau international, de continuer sans entrave leur travail de sensibilisation et de plaidoyer, afin de changer les mentalités en même temps que les injustices climatiques sont dénoncées.

B. Exposé des motifs par Mme Edite Estrela, rapporteure

(open)

1. Introduction

1.1. Importance de la contribution de l’Assemblée parlementaire

1. Après avoir organisé des débats thématiques sur la crise provoquée par la pandémie de covid-19 et sur l’intelligence artificielle, l’Assemblée parlementaire a pris la décision de suivre le même modèle concernant un autre sujet d’actualité brûlante – à savoir l’environnement et le changement climatique – afin de contribuer aux efforts du Conseil de l’Europe dans ce domaine. Ayant déjà souligné le lien entre l’environnement et les droits humains, l’État de droit et la démocratie, l’Assemblée ne doute pas que cette décision permettra d’apporter une contribution utile et coordonnée aux travaux de l’Organisation en la matière.
2. La déclaration finale de la Conférence de haut niveau sur la protection de l’environnement et les droits de l’homme organisée sous l’égide de la présidence géorgienne du Comité des Ministres, à laquelle a participé le Président de l’Assemblée en raison de l’intérêt marqué qu’il porte à ce sujet, appelle à améliorer les normes juridiques paneuropéennes à la lumière des urgences environnementales et des défis climatiques actuels. Par son action, l’Assemblée prête son concours non seulement aux travaux du Conseil de l’Europe en faveur de l’environnement, des droits humains et de l’État de droit, mais aussi à la réalisation des objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 de l’ONU, lesquels couvrent notamment les questions environnementales.

1.2. Rôle de la commission sur l’égalité et la non-discrimination

3. La commission sur l’égalité et la non-discrimination a été chargée par le Bureau de l’Assemblée de préparer un rapport sur la lutte contre les inégalités dans l’accès aux droits environnementaux et plus particulièrement sur l’accès sans discrimination à un environnement sain. Le Bureau a précisé que ce rapport devait prendre en considération les éléments suivants:
  • les objectifs de développement durable 3 et 10 des Nations Unies appelant respectivement à «donner les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tous les âges» et à «réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre» ;
  • l’obligation pour les pays ayant les moyens d’assurer un environnement sûr, sain et propre, de s’efforcer de protéger à la fois leur population et les personnes les plus à risque dans les pays moins privilégiés, créant ainsi les conditions d’une « justice climatique » dans l’intérêt de toutes et de tous afin d’éviter des réactions en chaîne de dégradation de l’environnement ;
  • les problèmes sources d’injustices pour les peuples autochtones et les minorités des États membres du Conseil de l’Europe, dont les modes de vie et bien souvent les territoires, sont menacés du fait du changement climatique et des dommages environnementaux ;
  • la vulnérabilité accrue des femmes par rapport au changement climatique et autres problèmes environnementaux, notamment dans les pays en développement où les intéressées tirent souvent leurs revenus d’une activité rurale et agricole, ainsi que le besoin d’intégrer systématiquement la dimension de genre dans les politiques de protection de l’environnement et de coopération au développement.
4. Lors de sa réunion du 15 octobre 2020, la commission m’a désignée comme rapporteure. Mon travail sur un autre rapport de l’Assemblée couvrant le même sujet – au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable et intitulé « Crise climatique et État de droit » – m’a permis d’avoir une vue plus globale des questions soulevées et de veiller à la complémentarité des deux rapports. Dans le présent rapport, j’examine les initiatives déjà lancées pour combler les inégalités environnementales aux niveaux tant international, que national, régional et local.
5. Lors d’une audition tenue le 2 février 2021, des membres de la commission ont rappelé que l’inégalité était à la fois la cause et la conséquence du phénomène croissant des déplacements forcés induits par le changement climatique, ainsi que des problèmes associés à l’accueil et au traitement réservés aux « réfugiés climatiques ». Le présent rapport ne traite pas de ces composantes importantes de l’inégalité d’accès au droit à un environnement sûr, sain et propre dans la mesure où celles-ci sont analysées dans le rapport préparé parallèlement pour la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées 
			(2) 
			Voir
la proposition de résolution «Climat et migrations» (Doc. 15113), ainsi que le rapport adopté par la commission des
migrations, des réfugiés et des personnes déplacées le 20 avril
2021 (Doc. 15348)..

2. Définition des  droits environnementaux 

6. Avant d’examiner les sources principales d’inégalité d’accès aux droits environnementaux, il me paraît important d’en comprendre la portée. L’Assemblée a traité ce sujet dans plusieurs textes récents, dont la Résolution 2210 (2018) «Changement climatique et la mise en œuvre de l’Accord de Paris» et la Résolution 2307 (2019) «Un statut juridique pour les ‘ réfugiés climatiques’».
7. Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, l’exercice des droits humains suppose obligatoirement l’existence d’un environnement sûr, sain et propre 
			(3) 
			Programme des Nations
Unies pour l’Environnement<a href='https://www.unep.org/explore-topics/environmental-rights-and-governance/what-we-do/advancing-environmental-rights/what-1'>,
«Advancing environmental rights, What is the Environment Rights
Initiative» (en anglais ou portugais uniquement).</a>. Par conséquent, aucune gouvernance environnementale durable ne saurait exister sans le respect concomitant des droits humains. Une formulation analogue est reprise dans la déclaration finale de la conférence précitée du Conseil de l’Europe. Pour cette raison, et afin de garantir une définition cohérente et inclusive, j’ai proposé de modifier le titre du présent rapport afin d’intégrer la précision qu’il s’agit du droit à «un environnement sûr, sain et propre», ce qui a été accepté par la commission le 2 février 2021.
8. La relation étroite entre l’exercice de ces droits et l’environnement s’affirme de plus en plus, sachant que le droit à un environnement sain est actuellement inscrit dans plus de 100 constitutions. Pourtant, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme estime qu’au moins trois personnes perdent la vie chaque semaine en tentant de protéger nos droits environnementaux, tandis que beaucoup d’autres sont harcelées, intimidées, traitées comme des criminel·le·s et contraintes de quitter leurs terres 
			(4) 
			Voir, entre autres,
le rapport de l’ONG néerlandaise IUCN, F. Wijdekop, « <a href='https://www.iucn.nl/app/uploads/2021/03/les_defenseurs_de_lenvironnement_et_leur_reconnaissance_selon_le_droit_international_et_regional.pdf'>Les
défenseurs de l’environnement et leur reconnaissance selon le droit
international et régional: une introduction</a> »..
9. Les droits liés à l’environnement sont soit substantiels, soit procéduraux. Les droits substantiels couvrent les effets directs de l’environnement sur l’existence ou l’accès aux droits fondamentaux tels que le droit à la vie, à la liberté d’association et à la non-discrimination; les droits à la santé, à l’alimentation et à un niveau de vie décent; les droits culturels comme le droit d’accéder à un site religieux ou traditionnel, et les droits collectifs affectés par la dégradation de l’environnement, tels que les droits des peuples autochtones 
			(5) 
			Voir à ce propos les <a href='https://www.ohchr.org/FR/Issues/Environment/SREnvironment/Pages/AnnualReports.aspx'>«Rapports
thématiques annuels du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme
et l'environnement</a>».. Les droits procéduraux prévoient les moyens de mettre en œuvre les droits substantiels définis par la loi et régissent notamment l’accès à l’information, la participation aux affaires publiques et l’accès à la justice.
10. Dans mon rapport, j’ai étudié les mesures déployées pour éliminer les discriminations et lisser les inégalités dans l’accès à ces deux types de droits en m’appuyant notamment sur les 16 Principes-cadres relatifs aux droits de l’homme et à l’environnement énoncés par le Rapporteur spécial des Nations Unies 
			(6) 
			<a href='https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Environment/SREnvironment/FP_ReportFrench.PDF'>Principes-cadres
relatifs aux Droits de l’homme et à l’environnement</a>, ONU, 2018., lesquels font la synthèse des principales obligations relatives aux droits humains se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, sain, propre et durable 
			(7) 
			<a href='https://undocs.org/fr/A/HRC/37/59'>A/HRC/37/59</a>, Rapport du Rapporteur spécial sur la question des obligations
relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier
d’un environnement sûr, propre, sain et durable, Conseil des droits
de l’homme de l’ONU, 24 janvier 2018..
11. Le rapport s’est également enrichi des informations présentées lors de l’audition du 2 février, au cours de laquelle la commission a eu l’occasion d’échanger avec Mme Jannie Staffansson, éleveuse de rennes en Suède et représentante du peuple Sâme, et Mme Pegah Moulana, présidente du comité de programmation sur la jeunesse du Conseil consultatif de la jeunesse (CCJ) du Conseil de l’Europe et représentante du British Youth Council au Conseil consultatif, qui a beaucoup travaillé sur l’identification et la dénonciation des injustices climatiques.

3. Les inégalités dans l’accès aux droits environnementaux sont nombreuses et largement répandues

3.1. Santé et environnement

12. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publié en mars 2016, 23 % des décès dans le monde en 2012 (soit 12,6 millions) seraient attribuables à des nuisances environnementales 
			(8) 
			S.
Roy, «<a href='https://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/03/15/24741-126-millions-morts-par-an-cause-lenvironnement'>12,6
millions de morts par an à cause de l'environnement</a>», Le Figaro Santé, 15 mars 2016.. Les causes de cette mortalité nous affectent toutes et tous, qu’il s’agisse de la pollution de l’atmosphère et de l’eau, des conditions sanitaires et d’hygiène insuffisantes, de la diffusion d’agents chimiques et biologiques, de la pollution sonore, des radiations ultraviolettes et ionisantes, des risques professionnels, des pratiques agricoles (pesticides, réutilisation d’eaux usagées), de l’environnement bâti (logements et routes) et des changements climatiques. Force est de constater, néanmoins, que les régions et les populations les plus pauvres souffrent bien davantage d’une protection insuffisante contre ces risques et que certains groupes, dont les enfants et les membres des minorités, sont particulièrement exposés.

3.2. Réduire les inégalités face au changement climatique: un devoir pour tous les pays « riches »

13. La question de la « justice climatique » et de l’impact disproportionné du changement climatique sur les populations les plus pauvres fait partie du débat environnemental depuis le début. Ces inégalités sont flagrantes quand on compare les pays entre eux, mais la question des inégalités et discriminations au sein d’un même pays – relativement peu étudiée jusqu’à présent – mérite également que l’on s’y intéresse 
			(9) 
			S. Nazrul Islam and
J. Winkel, Document de travail 152, «<a href='https://www.un.org/development/desa/publications/working-paper/wp152'>Climate
Change and Social Inequality</a>», Département des affaires économiques et sociales,
Nations Unies, 17 octobre 2017 (en anglais uniquement)..
14. Depuis les années 1990, l’action face au changement climatique est guidée par l’espoir d’une justice climatique 
			(10) 
			«La justice climatique
porte une nouvelle logique d’élaboration et d’articulation des politiques
publiques. Elle permet de préserver le droit à un environnement
sain pour toutes et tous y compris pour les plus démuni.e.s, les
plus exposé.e.s et les plus vulnérables». La
justice climatique: enjeux et perspectives pour la France,
Jean Jouzel et Agnès Michelot, avis du Conseil Economique Social
et Environnemental, Septembre 2016.. Cette dernière implique une bonne répartition des tâches et des responsabilités entre les pays «riches» et ceux en développement. Le Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1997 consacre le principe de «responsabilité commune mais différenciée» 
			(11) 
			Article
10 du Protocole, disponible <a href='https://unfccc.int/resource/docs/convkp/kpfrench.pdf'>ici</a>. Cette notion fait suite au développement du principe
de «dette écologique» à Rio en 1992..
15. La justice climatique veut aboutir à un monde sans «inégalités d’accès à un environnement sain [sûr et propre] et à ses ressources» 
			(12) 
			Cyria Emelianoff, «La
problématique des inégalités écologiques. Un nouveau paysage conceptuel»,
Écologie et Politique, 2007, vol.1, n° 35, pp. 19-31.. Ces inégalités peuvent se classer en quatre catégories: les inégalités d’exposition et d’accès à l’environnement, les inégalités d’impact des changements climatiques, celles induites par les politiques climatiques, et celles liées à l’accès à l’information et à la prise de décisions.
16. 10% des Etats les plus riches rejettent 50% des émissions de CO2 chaque année, alors que 50% des plus pauvres n’en rejettent que 10%. Face à cette réalité, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) en appelle à des «devoirs environnementaux des pays ou groupes sociaux les plus pollueurs» 
			(13) 
			GIEC, 2013: «Changements
climatiques 2013 – Les éléments scientifiques», Contribution du
groupe de travail I au cinquième Rapport d’évaluation du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Cambridge
University Press, Cambridge, Royaume-Uni et New York, NY, USA, 1535
pp.. En outre, les personnes qui vivent dans les pays «pauvres» ont un accès moindre à l’eau, aux soins de santé, à un logement salubre; le changement climatique exacerbe les inégalités préexistantes et renforce ainsi la violation d’une série de droits fondamentaux.

3.3. Un inégal accès individuel aux droits environnementaux

17. Le changement climatique accroît également les inégalités entre les individus, dans l’ensemble des États 
			(14) 
			GIEC, Réchauffement
planétaire de 1.5°C, Chapitre 5, Roy J. et autres, 2018, «Développement
durable, élimination de la pauvreté et réduction des inégalités».
Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement
planétaire de 1.5°C par rapport aux niveaux préindustriels et les
trajectoires associées d’émissions mondiales de gaz à effet de serre,
dans le contexte du renforcement de la parade mondiale au changement
climatique, du développement durable et de la lutte contre la pauvreté
[Masson-Delmotte V., et autres].. Lorsque l’on parle du rôle que doivent tenir les pays «riches» dans la réduction des inégalités, il est nécessaire d’examiner la question des inégalités interpersonnelles et pas uniquement interétatiques comme c’est encore trop le cas aujourd’hui 
			(15) 
			«Climate
Change and Social Inequality», op. cit.. Il faut le rappeler, les inégalités préexistantes (fondées sur les caractéristiques personnelles, les inégalités économiques, politiques, etc.) sont liées et aggravées par le changement climatique.
18. Ainsi, les personnes sujettes à ces inégalités rentrent dans un «cercle vicieux» de discriminations multiples, par exemple les personnes qui subissent déjà le racisme sont plus durement affectées par le changement climatique 
			(16) 
			GIEC
(2014), «Changements climatiques 2014: Incidences, adaptation et
vulnérabilité», New York: Cambridge University Press.. Il en va de même pour les plus pauvres, car l’adaptation au changement climatique passe surtout par la richesse 
			(17) 
			Georgesson, Lucien,
Mark Maslin, Martyn Poessinouw and Steve Howard (2016), «Adaptation
responses to climate change differ between global megacities», Nature Climate Change, pp. 1-6..

3.4. Changement climatique, minorités et peuples autochtones

19. Le 29 mars 2021, la sous-commission sur les droits des minorités de la commission sur l’égalité et la non-discrimination et l’Alliance parlementaire contre la haine (de l’Assemblée) ont organisé un webinaire dans le cadre du Forum mondial de la démocratie du Conseil de l’Europe sur le thème «Droits environnementaux et changement climatique en Europe: entendre la voix des minorités et des peuples autochtones», rejoignant ainsi la campagne thématique du mois de mars «Inégalités, démocratie et changement climatique». Ce webinaire, présidé par le président de la sous-commission, M. František Kopřiva, a été une formidable occasion d’étudier au plus près et en profondeur les défis particuliers du changement climatique auxquels se heurtent certains groupes de la société 
			(18) 
			Les intervenant·e·s
étaient Susanna Israelsson (Unité Arctique et Environnement du Conseil
sâme), Florin Botonogu (président du Centre politique pour les Roms
et les minorités, réseau ERGO, Roumanie), Carl Söderbergh (directeur
des politiques et des communications de l’ONG Minority Rights Group
International) et Natalia Kobylarz (spécialiste du droit de l’environnement
et juriste au greffe de la Cour européenne des droits de l'homme).. J’ai pu demander aux participant·e·s leur avis sur ce que les parlements pourraient faire pour relever ces défis. Parmi leurs réponses figurait la nécessité de réduire la marginalisation politique des minorités, de combattre les stéréotypes liés aux auteurs des dommages climatiques et de s’attaquer au cœur du problème en s’inspirant des modes de vie traditionnels pour apprendre à passer d’une relation entièrement «anthropocentrique» à une relation plus «écocentrique» entre les êtres humains et leur environnement. Ces éléments clés apparaîtront dans les recommandations du rapport.
20. Le changement climatique met en péril le mode de vie, et dans certains cas l'existence même, des peuples autochtones, tant dans le monde entier que dans les États membres du Conseil de l'Europe, tels que le Danemark (Inuits), la Finlande, la Norvège et la Suède (Sâmes), ainsi que la Fédération de Russie (Sâmes et autres groupes). Les discriminations dans ces cas visent clairement les droits substantiels et procéduraux. Les minorités et les « petits peuples » sont souvent les premiers affectés par ces changements, dans la mesure où ils dépendent davantage de leur territoire (avec lequel ils entretiennent une relation forte) pour leur subsistance et ont du mal à faire entendre leur voix dans le cadre de la prise des décisions – aux niveaux national et international – relatives à l’environnement 
			(19) 
			Voir, par exemple,
les travaux consacrés par l’UNESCO aux <a href='https://fr.unesco.org/sids'>Petits États insulaires en
développement</a>, «État des lieux et perspectives»..
21. L’identité des minorités ethniques et des peuples autochtones est étroitement liée à un savoir traditionnel. À mesure que l’environnement de la planète change ou que les groupes minoritaires sont obligés de quitter leurs territoires historiques à la suite de catastrophes naturelles ou d’une lente détérioration du climat, les spécificités culturelles de ces groupes tendent à disparaître en raison d’une déconnexion entre leur milieu naturel et les schémas culturels qui les ont faits naître. L’adaptation du mode de vie conduit à une érosion de la diversité culturelle, voire à l’extinction de cultures minoritaires, y compris au niveau linguistique, et des perceptions uniques par ces populations du monde dans lequel nous vivons. Les représentant·e·s des jeunes avec lesquel·le·s j’ai pu échanger sont parfaitement conscient·e·s de la manière dont cette évolution affecte leur identité et leur patrimoine spécifiques en imposant une homogénéisation assortie d’un manque de diversité culturelle, biologique et linguistique. À cet égard, la corrélation entre biodiversité et diversité culturelle mériterait des recherches et une attention plus approfondies.
22. Un des effets pervers des mesures visant à atténuer les effets du changement climatique a été décrit par la représentante du peuple Sâme lors du webinaire du 29 mars: l’installation d’un nombre croissant d’éoliennes et autres «constructions vertes» en Laponie, sans concertation avec les habitants sâmes, a entraîné la réduction des terres des populations autochtones et la destruction de la biodiversité. Cela illustre l’injuste répartition du fardeau de la lutte contre le changement climatique et révèle des modèles d’inégalité et d’injustice où les autochtones n’ont pas leur mot à dire sur la gestion des terres.
23. Une autre question problématique pour les populations autochtones est le concept d’écocentrisme mentionné plus haut, qui peut aboutir à un modèle de «conservation forteresse», dans lequel l’accès à la nature est interdit au nom de sa protection. Dans certains cas, ce modèle peut conduire à l’expulsion des populations autochtones de leurs terres et les priver de ressources.

3.4.1. Le cas particulier des Roms: intersectionnalité et « racisme environnemental »

24. Le changement climatique aggrave de plusieurs manières la situation discriminatoire dont souffrent les communautés roms. Tout d’abord, les habitations des Roms sont souvent reléguées aux marges des zones résidentielles et occupent des terrains vagues non entretenus – servant normalement à divers types de décharges ou de sites d’enfouissement situés à proximité immédiate de grands axes routiers pollués – où ils sont fréquemment privés de services environnementaux de base tels que l’approvisionnement en eau potable, la voirie et la gestion des déchets. Les Roms sont donc affectés de manière disproportionnée par les nuisances environnementales telles que la pollution et la dégradation de l’environnement, la contamination des sites ou les industries polluantes. Aborder correctement la question de la justice climatique suppose par conséquent un approfondissement et une documentation du concept de racisme environnemental et de ses liens avec la discrimination et l’exclusion 
			(20) 
			See Heidegger, P. and
Wiese, K. (2020), «<a href='http://www.eeb.org/library/pushed-to-the-wastelands'>Pushed
to the wastelands: Environmental racism against Roma communities
in Central and Eastern Europe</a>», European Environmental Bureau, Bruxelles..
25. Cette marginalisation peut également se traduire par un «blâme de la victime». En effet, les Roms sont si étroitement associés à l'environnement dégradé dans lequel ils sont contraints de vivre qu'ils sont perçus comme perpétuant sa détérioration. Les médias, notamment, ont tendance à décrire les Roms comme faisant partie intégrante du problème, et non comme les premières victimes de la pollution et de la pauvreté, une combinaison qui les oblige à vivre à côté des décharges, par exemple. En outre, certaines pratiques exclusivement liées à leur situation d’extrême pauvreté (le fait de brûler des ordures pour se chauffer, par exemple) stigmatisent encore un peu plus les Roms comme contribuant à la pollution et aux dommages environnementaux.
26. Quelles que soient les circonstances, des informations disponibles et accessibles aux populations autochtones et aux minorités permettraient à celles-ci de donner leur consentement éclairé et de participer réellement aux décisions qui concernent leur environnement immédiat – avec des répercussions évidentes, aujourd’hui largement identifiées, sur l’environnement dans son ensemble. Parmi les recommandations des différentes personnes que j’ai pu entendre à ce sujet, la nécessité de renforcer les institutions autochtones, de créer des «centres de compétences» et de promouvoir des méthodes de collecte de données pilotées par les communautés a été particulièrement soulignée.

3.5. Impact différencié des changements climatiques entre les hommes et les femmes

27. Dans beaucoup de pays, en particulier les pays en développement et les régions les moins avantagées économiquement, les femmes sont davantage affectées par les conditions météorologiques extrêmes et d’autres impacts du changement climatique, notamment parce que leur subsistance dépend plus de leurs activités agricoles et des récoltes entre autres. 70% des femmes vivant dans les pays les plus durement touchés par les changements climatiques travaillent dans l’agriculture. Et 70% des personnes les plus pauvres dans le monde sont des femmes 
			(21) 
			Notre
Affaire A Tous, «Changement climatiques et inégalités de genre»,
Inégalités climatiques, Clothilde Baudouin, 23 mars 2021.. La dimension de genre devrait par conséquent être intégrée à la gestion des politiques environnementales et à tout dispositif juridique de coopération au développement.
28. La sous-représentation des femmes dans les instances décisionnaires est également frappante: selon l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que le Parlement européen lui-même, les femmes sont encore sous-représentées dans les instances décisionnelles mandatées pour gérer la question du changement climatique, que ce soit au niveau de l’Union européenne ou des États membres 
			(22) 
			Voir, par exemple,
le <a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2017-0403_FR.pdf'>«Rapport
sur les femmes, l’égalité des genres et la justice climatique</a>», rapporteure: Linnéa Engström, Commission des droits
de la femme et de l’égalité des genres, Parlement européen, 18 décembre
2017.. En 2011, les femmes occupaient seulement 18,2 % des postes à haut niveau dans les ministères nationaux compétents de l’UE-27 en matière d’environnement, de transport et de politique énergétique. Bien que certains progrès aient été accomplis depuis, une véritable mixité est encore loin d’être atteinte.
29. Un grand nombre de femmes se trouvent ainsi dans une situation précaire et ont le plus grand mal à faire face aux changements climatiques. De par cette situation, les femmes sont 14 fois plus exposées que les hommes au risque de mourir d’une catastrophe naturelle 
			(23) 
			Bureau des Nations
Unies pour la Réduction des Risques de Catastrophes, «To build the
resilience of nations and communities to disasters, we need equal
and active participation of men and women in disaster risk reduction»,
Rapport, 2011. Il existe également un risque accru de violences faites aux femmes lors des déplacements de populations liés aux changements climatiques 
			(24) 
			«Rapport sur les inégalités
climatiques», Notre Affaire A Tous, 2020; «Climat: les femmes et
les filles sont parmi les plus impactées par le changement climatique,
Il est temps d’agir!», Rapport Evicted by Climate Change, CARE,
Juillet 2020.. Les femmes enceintes sont dans une situation de particulière vulnérabilité; les canicules augmentent les chances d’un accouchement prématuré. Le fait de vivre dans une zone polluée ou dans une zone à risque, augmente les chances d’avoir un enfant en mauvaise santé et les inégalités salariales empêchent parfois les femmes d’accéder aux soins 
			(25) 
			Rapport Changement
climatique, genre et santé, OMS, 2016..
30. Par ailleurs, les femmes sont sur-représentées dans les emplois du secteur des soins de santé, dont 90% sont occupés par des femmes 
			(26) 
			«Surmortalité, mariage
forcé, déscolarisation … les femmes sont les premières victimes
du réchauffement climatique», Marina Fabre, Novethic, 2021. Elles sont ainsi de plus en plus actives et demandées avec les changements climatiques, ce qui fait peser une charge supplémentaire sur leurs épaules. Les changements climatiques affectent les enfants, les plus âgé·e·s, les malades et les personnes en difficulté financière. En moyenne, plus de femmes que d’hommes sont âgées et/ou en situation de pauvreté. Et ce sont des femmes qui s’occupent des enfants et des malades 
			(27) 
			Gender,
Climate Change and Health, OMS, 2011.. Les changements climatiques font ainsi peser un fardeau disproportionné sur les épaules des femmes à travers le monde.
31. Les inégalités économiques entre les femmes et les hommes se traduisent par la difficile protection de certaines femmes, en particulier les femmes célibataires et les femmes âgées, contre les effets des changements climatiques 
			(28) 
			Review of the Implementation
in the EU of aera K of the Beijing Platform for Action: Women and
the Environment. Gender Equality and Climate Change, European Institute
for Gender Equality.. Par exemple, pendant la canicule de 2003, au Portugal, deux fois plus de femmes que d’hommes ont trouvé la mort 
			(29) 
			Nogueira,
P. J. et al., 2005, «Mortality in Portugal associated with the heatwave
of August 2003: early estimation of effect, using a rapid method»,
Eurosurveillance: bulletin européen sur les maladies transmissibles,
10(7), pp. 150–153..
32. Cet impact disproportionné des changements climatiques sur les femmes par rapport aux hommes dissone avec le constat suivant: en moyenne, les femmes consomment moins d’énergie que les hommes et sont plus sensibles à la protection de l’environnement. Par exemple, en Grèce les hommes consomment environ 39% d’énergie de plus que les femmes. En Suède, ce chiffre est de 22%. En particulier, les femmes consomment moins d’électricité que les hommes de manière générale 
			(30) 
			TNS Emnid,
2010, «Männer sind die wahren Warmduscher», E WIE EINFACH-Studie
zu Geschlechterrollen beim Stromverbrauch, TNS Emnid, Köln, Germany.. Les femmes utilisent plus de transports en commun que les hommes et ont une consommation des transports moins énergivore que les hommes 
			(31) 
			Oldrup, H. and Romer
Christensen, H., 2007, TRANSGEN, «Gender mainstreaming European
transport research and policies building the knowledge base and
mapping good practices», Coordination for Gender Studies, University
of Copenhagen, Denmark.. Les femmes produisent moins de gaz à effet de serre que les hommes 
			(32) 
			Alber, G. and Roehr,
U., 2006, «Climate protection — What’s gender got to do with it?»,
Women & Environments International Magazine, 70, p. 17. et se comportent généralement de manière plus responsable face aux changements climatiques.
33. Face à ces constats, la problématique majeure est celle du déficit de participation, d’information et de formation des femmes. Cette problématique est connue de longue date. En 1995 à Beijing lors de la conférence mondiale sur les femmes, une déclaration indique que «les femmes ont un rôle fondamental à jouer dans l’adoption de modes de consommation, de production et de gestion des ressources naturelles durables et écologiquement rationnels». Cette même déclaration contient un point «K» dont le premier objectif dispose qu’il est nécessaire d’ «assurer une participation active des femmes aux prises de décisions concernant l’environnement à tous les niveaux».
34. Cet objectif constitue la pierre angulaire de la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce n’est qu’avec cet objectif rempli qu’il sera possible d’atteindre pleinement le 13ème objectif de développement durable. Pour atteindre une égalité dans la participation, il est fondamental d’assurer une égalité de formation et d’information, cela permettant un meilleur accès aux structures qui construisent la lutte contre les changements climatiques 
			(33) 
			<a href='https://www.un.org/womenwatch/daw/beijing/pdf/BDPfA F.pdf'>Déclaration
et Programme d’action de Beijing</a>, La quatrième Conférence mondiale sur les femmes, ONU
Femmes, 15 septembre 1995.. La participation des femmes est un prérequis à la lutte contre les changements climatiques 
			(34) 
			Review of the Implementation
in the EU of aera K of the Beijing Platform for Action, op. cit.; or, leur participation aux prises de décisions qui intéressent l’environnement est encore loin d’égaler celle des hommes 
			(35) 
			Hemmati, M. and Roehr,
U., 2007, «Gender and Climate Change: Existing Research, Knowledge
Gaps, and Priorities for the Future»; Schalatek, L., 2011, «Zwischen
Geschlechterblindheit und Gender Justice, Gender und Klimawandel
in der inter- und transnationalen Politik»; A. Brunnengräber (ed.),
«Zivilisierung des Klimaregimes – NGOs und soziale Bewegungen in
der nationalen, europäischen und internationalen Klimapolitik»,
Heinrich Böll Stiftung, Berlin, Germany.. Si depuis les années 1990 leur implication augmente, les femmes restent sous-représentées, que ce soit dans les sphères de prise de décisions politiques mais aussi dans l’industrie, en particulier dans le secteur de l’énergie. Dans l’ensemble des secteurs, que ce soit au niveau politique ou de l’industrie, la part des femmes est généralement inférieure à 30% 
			(36) 
			Review of
the Implementation in the EU of aera K of the Beijing Platform for
Action: Women and the Environment. Gender Equality and Climate Change,
European Institute for Gender Equality.. Il est aujourd’hui nécessaire d’assurer une égale participation des femmes à tous les niveaux (national, européen, international) et cela passe par l’égal accès à l’information et à la formation.

3.6. Inégalités en matière d’information et de participation

35. La Convention d’Aarhus des Nations Unies de 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement 
			(37) 
			<a href='https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXVII-13&chapter=27&clang=_fr'>Convention
des Nations Unies sur l'accès à l'information, la participation
du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière
d'environnement</a>, Aarhus (Danemark), 25 juin 1998. Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2161,
p. 447. (signée par la Communauté européenne en 1998 et approuvée au nom de l’Union en mars 2018) vise le droit procédural lié à l’environnement et plus précisément « la démocratie environnementale ». Selon cette convention, « afin d’être en mesure de faire valoir ce droit et de s’acquitter de ce devoir, les citoyens doivent avoir accès à l’information, être habilités à participer au processus décisionnel et avoir accès à la justice en matière d’environnement, étant entendu qu’ils peuvent avoir besoin d’une assistance pour exercer leurs droits ». Ce texte servira de base à ma formulation de recommandations sur l’obligation d’informer les citoyen·ne·s et d’assurer leur participation.
36. La contribution du Conseil consultatif de la jeunesse du Conseil de l’Europe (CCJ) m’a aidée à approfondir la question de la participation au débat et, en particulier, aux stratégies élaborées pour accompagner et atténuer les effets de ce qui est devenu une véritable crise climatique. Les éléments ci-dessous s’inspirent largement des commentaires reçus des représentant·e·s du CCJ.

3.7. Action de la jeunesse pour la justice climatique

37. L’intérêt et l’engagement des jeunes pour les questions liées au changement climatique ont suscité un mouvement mondial traduisant le refus des intéressé·e·s d’être des victimes passives de la crise climatique. Des jeunes agissant individuellement ou en groupe exigent, publiquement et à voix haute, une action immédiate et une justice climatique de la part des décisionnaires du monde entier. Les effets négatifs du changement climatique induits par des décennies de surexploitation des ressources naturelles pèseront le plus durablement sur les générations nées pendant cette période particulière où les effets de « l’Anthropocène » commencent seulement à être compris, de sorte que les mesures de préservation – ou idéalement de renouvellement – de l’environnement demeurent isolées et inadéquates quant à l’urgence d’agir.
38. Selon le CCJ, il est impératif d’impliquer les jeunes dans la lutte contre la crise climatique et d’adopter des mesures durables pour inverser les effets de cette dernière afin de réduire les obstacles à leur autonomie, leur développement personnel et professionnel et leur pleine participation à la société. Les jeunes n’ont jamais connu un monde sans réchauffement climatique et font maintenant l’expérience directe des conséquences désastreuses du changement climatique. Il est donc devenu impératif non seulement d’impliquer les jeunes dans l’élaboration des stratégies environnementales, mais aussi de réduire le fardeau imposé à leur génération en matière d’adaptation et de changement de mentalité, d’attitude et de comportement. Une approche intergénérationnelle et la possibilité pour les jeunes de participer pleinement à l’élaboration des stratégies d’adaptation et de politiques encourageant le changement apparaissent donc fondamentales.
39. Afin de lutter contre le changement climatique, ou du moins de s’y adapter, il conviendrait d’accroître la participation des jeunes et d’associer celles et ceux issus des minorités ethniques et des communautés autochtones aux efforts liés au climat, ainsi que de leur accorder la possibilité de partager leur savoir-faire et de répondre à leurs préoccupations.

4. Conclusions et recommandations

40. Comme indiqué précédemment, les sources de discrimination et d’inégalités dans l’accès au droit à un environnement sûr, sain et propre se caractérisent par leur multitude et leur gravité, les victimes étant souvent exposées à une accumulation d’injustices liées à la pauvreté, l’exclusion sociale ou la marginalisation, le manque de structures et de forums permettant de réclamer la justice climatique, le défaut de reconnaissance de la portée et de l’impact du changement climatique et l’absence de reconnaissance des droits environnementaux et d’autres facteurs. L’objectif de ce rapport est de montrer comment ces manifestations d’inégalité sont liées aux conditions environnementales et que, tout comme l’inégalité entre les hommes et les femmes conduit à la violence sexiste, l’inégalité d’accès aux droits environnementaux conduit à un cercle vicieux d’oppression et de besoins.
41. L’Assemblée préconise un nouvel instrument juridiquement contraignant pour protéger le droit à un environnement sûr, sain et propre. Jusqu’à présent, la forme que devrait prendre ce texte n’a pas fait l’objet d’un accord: devrait-il s’agir d’un nouveau protocole à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5), de la révision d’une convention existante ou de la rédaction d’un nouveau traité autonome ? D’un accord-cadre ou d’une charte ? En tout cas, il existe un consensus sur la nécessité de traduire les droits environnementaux en un corpus auquel les États membres du Conseil de l’Europe pourraient adhérer et qu’ils pourraient mettre en œuvre.
42. Dans cette optique, la série de recommandations que je propose ici devra être reprise dans le type d’instrument finalement choisi, quelle que soit sa forme, et pourra être modulée en fonction des obligations souscrites par les signataires. Ainsi, le devoir de solidarité entre les nations et les diverses communautés dans l’action en faveur du climat et de l’environnement devrait être énoncé d’emblée dans tout nouveau texte visant à garantir le droit à un environnement sûr, sain et propre. Une attention particulière devrait être accordée à la nécessité de mesurer, d’atténuer et d’empêcher les pays de s’engager dans des activités industrielles et agricoles ayant un impact négatif à la fois à l’intérieur et au-delà de leurs frontières.
43. Il faudrait également énoncer l’obligation d’adopter des dispositions spécifiques pour garantir un accès universel et égal au droit à un environnement sûr, sain et propre à tous les groupes de la société, en identifiant les personnes les plus vulnérables aux effets négatifs du changement climatique et les plus discriminées: femmes, jeunes, membres de minorités et de populations autochtones et personnes socialement défavorisées. Il est également nécessaire de faire en sorte que les conditions de vie garantissent un environnement propre et sain pour toutes et tous, notamment en réglementant les programmes d'aménagement du territoire et de logement pour offrir un espace suffisant à l'intérieur et à l'extérieur des zones bâties, avec des espaces verts accessibles. La situation spécifique des Roms devrait également être prise en compte et des mesures visant à dissiper la discrimination et le «racisme climatique» devraient être énoncées dans la législation.
44. Toutes les politiques et stratégies devraient intégrer la dimension de genre et tenir compte, en particulier, de la situation des femmes en tant que premières victimes de la détérioration de l’environnement, tant dans les zones rurales qu’urbaines, en leur qualité de gardiennes de la diversité culturelle menacée par la réduction de la biodiversité qui va de pair avec l’appauvrissement culturel, et fondées à ce titre à apporter leur contribution majeure et éclairée à la recherche de solutions à la crise climatique. De la même manière que pour les peuples autochtones, l'expérience de longue date des femmes et leur proximité souvent étroite avec les défis environnementaux – dans l'agriculture dans les zones rurales, dans l'accueil et la prise en charge des familles en situation difficile – devraient être utilisées pour identifier les problèmes et les bonnes pratiques pour le futur.
45. Dans la perspective de la création d’un nouvel instrument pour protéger le droit à un environnement sûr, sain et propre, il convient de prendre en compte deux facteurs importants afin de favoriser l’égalité d’accès à ce droit. Le premier est la nécessité d’étudier d’autres expériences législatives, y compris en dehors de l’Europe – par exemple, celles qui concernent les populations autochtones, leurs traditions et leurs territoires. Un cas intéressant est celui de la Colombie, qui a doté la région de l’Amazonie colombienne de la personnalité juridique en réponse à une plainte déposée contre les autorités gouvernementales par 25 jeunes de villes de l’Amazonie, qui seraient les plus touchées par le changement climatique à travers la déforestation. Ces jeunes ont allégué la violation de leur droit à «jouir d’un environnement sain» ainsi que de leur droit à la vie et à la santé.
46. Le présent rapport n’a pas vocation à établir le fondement juridique de ce type de législation, ni même à promouvoir un modèle en particulier. Toutefois, si l’on veut s’attaquer aux causes du changement climatique et s’efforcer de minimiser les inégalités dans l’application des droits environnementaux, il convient de réfléchir plus avant à la relation entre l’environnement et l’humanité elle-même. La préservation des éléments qui constituent notre environnement doit être placée bien plus haut sur l’échelle des priorités qu’elle ne l’est actuellement, et des sanctions doivent pouvoir s’appliquer de façon plus universelle en cas de dommages et de dégradation. Ce changement doit en outre s’accompagner d’une meilleure compréhension du fait que la protection des droits environnementaux de toutes les communautés est bénéfique – voire une condition préalable – à la jouissance de ces droits par toutes et tous, aujourd’hui et dans un avenir proche.
47. La diversité culturelle doit être reconnue comme un moyen de protéger la biodiversité, qui est au cœur de la stabilité environnementale. Par conséquent, la préservation des cultures minoritaires est essentielle, non seulement pour garantir que les populations qui vivent selon ces cultures soient autorisées à exercer leur droit en ce sens, mais aussi pour préserver l’environnement tel que nous le connaissons, indispensable à l’épanouissement de la vie humaine. Les futurs cadres juridiques doivent donc prévoir des dispositions relatives à la nécessité de protéger et de promouvoir les cultures diverses et minoritaires.
48. Il conviendrait de traiter la question des inégalités en matière de participation et de prise de décision afin que tous les groupes sous-représentés décrits ci-dessus puissent faire entendre leur voix au moment d’adopter des décisions et politiques concernant leur environnement et les droits qui s’y rattachent. Le droit à un environnement sain ne pourra être exercé que par le plus grand nombre possible d’habitant·e·s de la planète, et l’atténuation des dommages climatiques ne pourra s’avérer efficace que si la connaissance de notre planète et la responsabilité de la gestion de ses ressources sont partagées par l’ensemble de la société.
49. Le renforcement des inégalités par le changement climatique ne s’arrêtera pas si rien n’est fait. Il faut ainsi allier lutte contre les inégalités, contre la pauvreté et contre le changement climatique. Cela pour que toutes et tous puissent jouir du droit à un environnement sûr, sain et propre. Il est d’abord nécessaire de continuer à mettre en œuvre et de renforcer certaines bonnes pratiques liées à la protection de l’environnement et aux politiques de développement durable:
  • mettre en œuvre et renforcer le mécanisme d’aide financière des pays «riches» aux pays «pauvres» prévu dans la Convention de 1992 sur la diversité biologique, en y ajoutant des obligations supplémentaires des pays «riches» prévues dans la Convention-cadre de 1992, en particulier l’obligation d’aide financière aux pays en développement et de transfert de technologies;
  • renforcer et rationaliser le mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto de 1997, en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre;
  • renforcer et mettre en œuvre la volonté d’aide des pays «riches» aux pays «pauvres» inhérent aux accords de Paris de 2015, en particulier, mettre en œuvre, à tous les niveaux, l’article 9 de l’Accord de Paris;
  • respecter et renforcer le principe de responsabilité commune mais différenciée.
50. Ensuite, il est nécessaire de prendre une série de mesures pour que les pays développés luttent efficacement contre les inégalités tout en protégeant l’environnement et en assurant un développement «vert» des pays en voie de développement. Il faut inclure les effets redistributifs et la notion d’équité dans les politiques de lutte contre le dérèglement climatique, dans les politiques d’adaptation et dans celles de promotion du droit à un environnement sûr, sain et propre. En particulier, il faut répartir les coûts d’atténuation des effets du changement climatique en répartissant les bénéfices environnementaux et en partageant les plans d’action ainsi que les financements.
51. Les politiques d’atténuation doivent être rationalisées pour prendre en compte les inégalités et les réduire à long terme, en mettant en œuvre le principe de «responsabilité commune mais différenciée», en trouvant des indicateurs précis d’évaluation de la mise en œuvre de ce principe, en atteignant la neutralité carbone au plan universel dans le respect des spécificités de tous les pays. La nécessité de faire disparaitre les inégalités doit être intégrée à toute action de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au climat. Cela devra passer par une bonne gestion des taxes ayant pour but le financement de la lutte contre le réchauffement climatique 
			(38) 
			Berry Audrey, 2019,
«The Distributional Effects of a Carbon Tax and Its Impact on Fuel
Poverty: A Microsimulation Study in the French Context», n° 124,
janvier, pp. 81-94., par la rationalisation du principe du «pollueur payeur» et par la promotion de projets qui protègent et font participer les plus vulnérables.
52. Enfin, comme dans toutes les mesures nécessaires à la réduction des inégalités d’accès aux droits environnementaux, il faut favoriser l’aide financière et technologique, la coopération interétatique et l’information, la participation et la formation des plus vulnérables. Le travail essentiel des organisations non gouvernementales nationales et internationales dans ce domaine doit également être reconnu, et leur œuvre de sensibilisation et de plaidoyer encouragée.