1. Introduction
1. La pandémie de covid-19 a bouleversé
nos sociétés et l’ensemble de l’écosystème sportif. Peu de secteurs
ont connu des effets négatifs aussi importants et immédiats sur
leur chaîne de valeur que le sport.
2. La suspension des compétitions et l’annulation d’activités
sportives, conjuguées aux restrictions à la mobilité et aux confinements,
ont entraîné d’énormes pertes de recettes, des difficultés de trésorerie,
des pertes d’emploi, l’éloignement des bénévoles et, pour les athlètes
et les entraîneurs, un manque de soutien financier de la part de
sponsors privés, de subventions publiques, de bourses et de stages.
3. Le sport de masse, qui a été en grande partie paralysé, est
l’un des secteurs les plus durement touchés par la crise. Comme
cela a été noté
, le mouvement sportif
est organisé autour de petits clubs et d’associations à but non
lucratif qui jouent un rôle déterminant en permettant à de nombreux
citoyens, notamment des groupes cibles défavorisés et vulnérables,
de participer à des activités sportives financièrement abordables
et de pratiquer un sport ou de faire de l’exercice physique au quotidien.
4. Ces petits clubs et associations, qui constituent l’épine
dorsale du mouvement sportif en Europe, nourrissent la participation
locale et l’appartenance communautaire et jouent un rôle social,
éducatif et culturel incontestable. La crise engendrée par la pandémie
les a exposés au risque de faillite et de fermeture; leur disparition
aurait des retombées négatives considérables non seulement en termes
économiques, mais aussi de santé publique et de lien social.
5. En Europe, dès le début de la crise sanitaire en mars 2020,
les autorités publiques, les instances dirigeantes du sport, les
organisations de supporters et les autres parties prenantes du sport
ont tenté de limiter les dégâts tout en se conformant aux sévères
restrictions sanitaires. Néanmoins, devant faire face à de multiples
urgences liées à la pandémie, dans le secteur de la santé d’abord
puis dans l’ensemble du système économique et social, tous les gouvernements
européens n’ont pas été en mesure de prendre des mesures solides
pour soutenir d’urgence le sport.
6. Aujourd’hui, tous les États sont face à la même situation
d’incertitude, qui devient la nouvelle «norme». Ils sont tous confrontés
aux mêmes défis, y compris favoriser l’activité physique des personnes,
reprendre les activités sportives au niveau scolaire, aider les
athlètes à maintenir leur niveau de performance, planifier la reprise
des événements sportifs en tenant compte des attentes du public
(spectateurs) afin de garantir un accès aussi large que possible
à ces évènements tout en garantissant les conditions les plus sûres
pour éviter les contaminations, et réfléchir à l’avenir.
7. Dans ce rapport, j’examinerai l'impact de la crise sanitaire
mondiale sur le secteur du sport en Europe, en tenant compte des
trois dimensions de la gestion de crise: réponse, redressement et
sortie de crise. Je me concentrerai sur l’impact, les mesures déjà
prises, les défis auxquels le sport professionnel et amateur, l’industrie
du sport et le sport en tant qu’activité physique et de bien-être
doivent faire face, ainsi que les mesures politiques qu’il faudrait
prendre de toute urgence
.
2. Impact de la pandémie de covid-19 sur
l’industrie du sport et le secteur du sport professionnel
2.1. L’industrie
du sport et le sponsoring
8. Le monde sportif est une industrie
de plusieurs milliards de dollars, qui emploie un grand nombre de personnes
dans de nombreux secteurs liés entre eux, dont le marketing, le
tourisme, la restauration, les médias, le sponsoring, la gestion
d’événements et l'habillement. Dans la seule Union européenne, le
secteur du sport représente 2,12% du PIB et 2,72% de l’emploi
. Le sport utilise également
plus de biens intermédiaires que la moyenne des secteurs, et génère
ainsi des revenus importants dans d’autres branches. Compte tenu
de la forte incidence du sport en termes d’emploi et de part du
PIB, il est bien sûr vital de protéger les emplois dans ce secteur.
9. L’industrie du sport présente des atouts économiques et sociaux
qui pourraient contribuer à faire face à la crise économique provoquée
par la pandémie. Toutefois, une récente étude de l’Union européenne
a évalué à 15% (47 millions d’euros) la baisse du PIB directement
lié au sport et à 16% la perte des emplois relevant du domaine sportif
(845 000) en 2020
. Les
industries directement et indirectement liées au sport ont conscience de
l’échec de beaucoup des modèles commerciaux actuels et éprouvent
le besoin de changer de stratégies commerciales à court et à long
terme. Ceci touche un grand nombre d’emplois et d’entrepreneurs.
10. En ce qui concerne le sponsoring, une étude récente, menée
par l'Association européenne du sponsoring (ESA) et Nielsen Sports
, a établi que, si le marché global
du sponsoring en Europe a baissé de près d'un quart (23%) en 2020
et que le sponsoring de l'industrie musicale a même chuté de 60
à 70%, le secteur européen du sponsoring sportif a connu une baisse
relativement faible, de 9%, pour atteindre 18,42 milliards d'euros.
Le marché italien du sponsoring a été le plus durement touché par
la pandémie, subissant une baisse de 33% d'une année sur l'autre,
et la France a connu la deuxième plus forte baisse (32%). Les autres
pays ayant subi des baisses significatives sont l'Irlande (26%),
l'Espagne (23%) et l'Allemagne (22%).
11. Le football a continué à dominer le marché européen du sponsoring,
avec 49% du total des contrats. L'intérêt croissant pour les jeux
en ligne pendant le confinement a permis au e-sport de se hisser
à la deuxième place avec 12% du total du sponsoring, suivi du handball,
du basket-ball et du rugby à XV. L'étude souligne aussi que les
grands détenteurs de droits sportifs ont pu maintenir, voire augmenter
légèrement, leur volume de sponsoring pendant la pandémie, mais
que les petits détenteurs de droits – qui dépendent davantage de
la fréquentation des supporters – ont subi des baisses beaucoup
plus importantes.
12. On pense que les prolongations de contrat deviendront plus
difficiles à l'avenir, en raison de difficultés économiques ou de
la réduction des dépenses de marketing dans certains secteurs ou
entreprises. Toutefois, malgré l'impact continu de la covid-19,
l'étude met en évidence des signes de reprise: le secteur du sponsoring est
résilient et créatif, et il y a lieu de faire preuve d’optimisme.
2.2. Les
perturbations du calendrier sportif et leurs conséquences économiques
et financières
13. La pandémie de covid-19 a donné
lieu à la plus importante perturbation du calendrier sportif, à
tous les échelons (mondial, continental, national et local), depuis
la seconde guerre mondiale. L'annulation ou le report de compétitions
sportives a sûrement été l’une des conséquences les plus visibles
de la pandémie de covid-19. Toutefois, les organisations sportives
ont été touchées différemment. Par exemple, alors que le football professionnel
européen, nonobstant des pertes financières considérables, même
si les matches se sont déroulés sans public, a pu compter sur la
répartition des recettes des droits de télédiffusion (avec néanmoins des
écarts considérables entre les clubs et les ligues de plus haut
niveau et les autres), d'autres sports d'équipe comme le volley-ball,
le handball ou le hockey sur glace, qui dépendent davantage des
revenus de la vente de billets, ont beaucoup plus de difficultés
.
14. Le report des grandes manifestations sportives de l'été 2020
a eu un impact non seulement sur les jeux et les athlètes, mais
aussi sur l'industrie du sport en général et sur les pays organisateurs.
D'un point de vue économique, le coût du report des Jeux olympiques
de Tokyo 2020 à 2021, par exemple, a été estimé à 5,8 milliards
$US, y compris le coût de l'entretien des sites inutilisés
. Le coût officiel de l'organisation
des Jeux durant l’été 2021 a atteint le chiffre record de 15,4 milliards
$US, soit une augmentation de trois milliards $US
.
15. Non moins importante et complexe a été la question de la redéfinition
du calendrier des compétitions internationales, notamment en raison
de l'évolution imprévisible de la pandémie de covid-19, dans les principaux
sports olympiques (tels que la natation et l'athlétisme avec des
championnats du monde prévus pour l'été 2021) et pour lesquels un
plus grand nombre de places de qualification étaient encore ouvertes, puisque
seuls 57% des quelque 11 000 athlètes étaient qualifiés pour Tokyo
lorsque la décision de report a été annoncée.
16. Les mandats du Comité international olympique (CIO), des Comités
nationaux olympiques (CNO) et de nombreuses organisations sportives
internationales et nationales, comme c'est le cas de la grande majorité des
pays européens, sont alignés sur la date des Jeux et les cycles
olympiques, qui constituent aussi une référence en matière de programmation
sportive, de responsabilité et de soutien aux politiques publiques.
Les changements de calendrier peuvent également avoir des implications
juridiques, affectant potentiellement les contrats de sponsoring
et de diffusion ainsi que les contrats et transferts de joueurs.
17. Tous cela peut aider à comprendre les prises de position en
faveur du maintien des Jeux olympiques de 2020, malgré la crise
sanitaire
, et pourquoi ils
ont finalement eu lieu en 2021; selon des sondages, près de 80%
des Japonais auraient souhaité qu’ils soient à nouveau reportés
ou annulés. Les médias ont parlé «d’entêtement» des organisateurs
et
ont stigmatisé la nature fondamentalement rigide et descendante
du processus décisionnel olympique
. En effet, on peut s'interroger sur
la fiabilité de l'évaluation des risques justifiant le maintien
des Jeux malgré les graves préoccupations sanitaires. La fierté
nationale et l'obstination politique ont sans doute eu une influence,
mais des considérations financières et juridiques ont pesé également
très lourdement sur cette décision.
18. Le CIO, le comité d'organisation des Jeux olympiques de Tokyo
et les autorités de la ville étaient parties au contrat de ville
hôte; la non-exécution des obligations y contenues aurait exposé
ces parties à des milliards de dollars de dommages et intérêts,
ainsi qu'à des atteintes massives à la réputation des sponsors,
des fournisseurs, des assureurs et des détenteurs de droits de télévision,
dans le cadre d'un litige prévisiblement très long.
19. Et ce, sans compter l’obligation de rembourser les billets
aux supporters, les coûts liés aux délais d'emménagement dans les
appartements du village olympique après les Jeux
et un large éventail de prestations
de services et de contrats à renégocier. Peu de ces contrats contenaient
de clauses d'assurance «interruption d'activité», «force majeure»
et «calamité» pour couvrir les jours de match et les autres pertes
de revenus.
20. Mais l'enjeu était bien plus important: trois milliards $US
en droits de diffusion et sponsoring. L’annulation des Jeux aurait
eu un impact financier majeur pour des centaines de CNO et de fédérations sportives,
car bon nombre dépendent très largement de l'argent généré par les
Jeux olympiques et, pour cette raison, se sont engagés à «soutenir
pleinement» les décisions du CIO, à quelques exceptions près.
21. La viabilité de la grande majorité des 28 fédérations sportives
internationales permanentes qui participent au programme olympique
(plus les cinq invitées à Tokyo) dépend de la répartition des 590 millions $US
de recettes des Jeux. Nombre de ces fédérations internationales
ne peuvent tout simplement pas survivre sans ces recettes. Les fédérations
de sports d’hiver se trouvent dans une situation analogue.
22. De même, les CNO, les fédérations nationales et les athlètes
dépendent, pour leur préparation aux Jeux, de ces revenus, distribués
par le biais des programmes de la solidarité olympique, alignés
sur la date des Jeux (2020), avec un impact particulier sur les
pays en développement où les autres sources de revenus sont rares, mais
aussi sur les athlètes qui, en raison de la suspension des compétitions,
voient leurs primes diminuer et le sponsoring en crise.
2.3. Autres
préoccupations pour le sport professionnel
23. Outre l'impact financier dévastateur
des pertes de recettes dues à l'annulation de compétitions, de tournois,
de manifestations, de séminaires, etc., les organisations sportives
ont également perdu une part importante de revenus réguliers provenant
de différents types de cotisations (adhésions, licences, participations
ou abonnements). Par exemple, les grands clubs sportifs allemands
ont perdu 20% de leurs adhésions. La Fédération française de lutte
a perdu 44,08% de ses membres
.
24. Les organisations sportives ont à faire face à des frais fixes
(notamment les dépenses de personnel et les frais de location ou
le remboursement de crédits immobiliers liés aux infrastructures)
qu’elles doivent couvrir indépendamment de la perte de leurs recettes;
leur équilibre financier se trouve également affecté par les coûts
liés aux tests et au respect des mesures sanitaires en place. Par
ailleurs, ces organisations (et leur capacité d’action) ont été
ultérieurement affaiblies par les licenciements d'employés
, d'athlètes, d'entraîneurs
et d'autres travailleurs, en particulier ceux dont les salaires
dépendent des sources de revenus susmentionnées: la sécurité de
l’emploi n’est plus de mise aujourd’hui dans le secteur du sport
.
25. Comme dans le cadre des autres activités économiques, les
relations de travail dans le monde sportif ont été fortement impactées.
Les employeurs dans le secteur du sport ont eu recours au chômage
partiel et ont diminué les salaires des employés en réduisant le
temps de travail, en demandant des mesures nationales de suspension
temporaire des relations d’emploi et d'autres mesures générales
extraordinaires et immédiates de protection des emplois, des employés
et des indépendants pour surmonter l'impact de la crise. Les joueurs des
équipes professionnelles ont dû accepter des réductions massives
de leurs rémunérations (dans certains cas de plus de 50%).
26. La crise a aussi des répercussions sur le marché des transferts
et la valeur des athlètes. Certains craignent que les grands clubs
ne tentent de profiter de la situation et de conclure des accords
à bas prix avec des athlètes de clubs incapables de faire face correctement
à la perte de revenus causée par la perturbation de leurs activités.
27. Les données disponibles
indiquent que le coût, pour les dix
premières ligues de football européennes, de la fin de la saison
2019-2020 à huis-clos pourrait avoir érodé la valeur des joueurs
de 18%, entraînant une détérioration de la situation financière
globale des clubs. Cette situation a également accentué le risque
que d’aucuns se laissent tenter par la voie des compétitions séparées
et des tournois fermés, comme la récente tentative de lancer une
Super League européenne de football l’a montré.
28. Presque tous les pays ont des programmes de financement général
pour le sport, mais les organisations ont très souvent des difficultés
à postuler en raison de la lourdeur de la bureaucratie et les conditions d’éligibilité
peuvent parfois porter à exclure certaines organisations sportives
de ces programmes.
29. Seul un nombre limité de pays ont déjà mis en place des programmes
de financement sur mesure pour le sport professionnel, et la taille
de ces programmes de financement spécifiques varie beaucoup. Si
l'on compare l'Allemagne et la France, l'Allemagne a alloué deux
fois 200 millions d'euros au sport professionnel, et la France 120 millions
d'euros. Cependant, un certain nombre de pays européens ne disposent
d'aucun programme spécifique, ni pour les clubs, ni pour les athlètes.
Certains pays ont pris des mesures concernant les déductions fiscales
ou les abonnements à prix réduit/gratuits ou le soutien aux investissements
dans les infrastructures. Ces types d'incitations sont très utiles
et pourraient être utilisés par d'autres pays.
2.4. Les
athlètes, les entraîneurs et les arbitres
30. Les athlètes, les entraîneurs,
les arbitres et les autres personnels sportifs ont été touchés très lourdement
par la pandémie. Les athlètes ont perdu la possibilité de participer
à des compétitions et parfois aussi leurs entraîneurs et la possibilité
de s’entraîner. L’arrêt forcé les a privés de leur forme physique
et de la possibilité de progresser, outre que de leurs sources de
revenus (par exemple: les primes, le sponsoring privé ou le soutien
financier public, sous la forme de bourses ou de stages).
31. Une récente enquête allemande auprès d’athlètes olympiques
allemands
a
montré que ces derniers avaient perdu en moyenne 1 300 euros par
mois. On peut imaginer que, dans de nombreux autres pays, la situation
est bien plus grave. Bon nombre d’athlètes ont le statut d'indépendants
et, dans certains pays, n'ont dès lors qu'un accès très limité aux
compensations financières et aux fonds publics. Cela s'applique
aussi à de nombreux indépendants qui opèrent souvent dans le cadre
de «l’économie à la tâche»: souvent, ils ont été laissés pour compte
et ne bénéficient pas des différents types de soutien public en
faveur du maintien de l’emploi dans les entreprises.
32. On sait qu'un nombre toujours plus grand d'athlètes ont des
problèmes de santé mentale en raison des difficultés liées à l'annulation
de compétitions et à la perte de revenus, mais aussi à cause de
la pression exercée sur eux afin qu'ils reprennent leurs activités
sportives dans des conditions dangereuses et non protégées, notamment
dans les compétitions de niveau inférieur, ce qui entraîne une augmentation
des cas de troubles de stress émotionnel et psychologique.
3. Les
dangers pour le «sport pour tous» et les préoccupations de santé
publique
33. La pandémie de covid-19 a eu
un effet particulièrement dévastateur sur le sport semi-professionnel
et amateur ainsi que sur l'activité physique et le bien-être des
citoyens européens et, en particulier, sur les groupes les plus
défavorisés ou vulnérables, mettant en lumière et même renforçant
les inégalités socio-économiques préexistantes. L’impact de la pandémie
sur l’accès aux structures sportives associatives ou privées est
tout aussi évident
.
34. En Europe, le mouvement sportif est organisé autour d’un microcosme
de petits clubs et d’associations à but non lucratif qui permettent
à de nombreux citoyens d’avoir accès à des activités sportives financièrement abordables
et de pratiquer un sport ou de faire de l’exercice physique au quotidien.
Il faut préserver ces structures, qui contribuent grandement au
développement de jeunes talents et constituent la base de la chaîne de
valeur du sport européen du risque de fermeture en raison de la
crise pour éviter de mettre en danger l'avenir de tout le sport
de masse en Europe.
35. En raison de la fermeture des gymnases, stades, clubs de fitness,
piscines, studios de danse, centres de physiothérapie, spas, parcs
et autres terrains de jeux, la plupart des personnes n’ont pas été
en mesure de pratiquer leurs activités sportives régulières en dehors
de leur domicile.
36. Dans ces conditions, bon nombre de personnes – enfants comme
adultes – ont eu tendance à moins se dépenser physiquement, à passer
plus de temps devant les écrans, à avoir un rythme de sommeil irrégulier,
à adopter de mauvaises habitudes alimentaires ainsi qu’un mode de
vie sédentaire, ce qui se traduit par une prise de poids et une
perte de forme physique. Les familles à faible revenu sont particulièrement
vulnérables aux effets néfastes des règles imposant de rester chez
soi, car elles vivent généralement dans des logements précaires
et des espaces plus exigus, rendant difficile la pratique de tout
exercice physique, ce qui est très loin de répondre aux objectifs
de l'Organisation mondiale de la santé en la matière
.
37. La pratique sportive rend les personnes gens plus résistantes
et plus résilientes face à des pathologies covid, en réduisant certains
facteurs de comorbidité comme l’obésité, le diabète, les maladies
cardio-vasculaires, les cancers et les maladies dites «non transmissibles»,
liées à l’environnement et au mode de vie, alors que le défaut d’accès
à des activités sportives ou à des exercices réguliers affaiblit
le système immunitaire et la santé physique, en favorisant l’apparition
ou l’aggravation de maladies et de la multimorbidité liées à un
mode de vie sédentaire. L’impossibilité de pratiquer une activité
physique ou sportive peut également avoir des répercussions sur
la santé mentale, et exacerber le stress ou l’anxiété que beaucoup
de gens ressentent face à l’isolement de la vie sociale normale
. Dans l'ensemble, nous avons des
raisons de nous inquiéter sérieusement des effets de la covid-19
sur la santé publique.
38. La communauté mondiale a réagi rapidement en créant des contenus
en ligne adaptés aux différents publics, depuis les tutoriels gratuits
sur les médias sociaux jusqu’aux cours virtuels auxquels toute la
famille peut participer. Ces offres en ligne permettent de faciliter
l’accès à des instructeurs ou des cours qui seraient sans cela hors
de portée et elles ont démontré un certain potentiel pour rendre
plus actives des personnes qui avaient un mode de vie très sédentaire.
En revanche, les inégalités et la fracture numérique, déjà importantes auparavant,
ainsi que les risques d’activité physique non surveillée et techniquement
non supervisée, s’en sont trouvées aggravées. Il est primordial
que les différents modules d’activité physique en ligne déployés respectent
les normes en matière d’égalité entre les femmes et les hommes,
de non-discrimination, de sécurité et de qualité, et soient accessibles
au plus grand nombre de personnes.
39. L'innovation technologique et le développement économique
général ont accéléré la tendance négative des modes de vie sédentaires.
Il est plus qu'alarmant de constater que les enfants d'aujourd'hui
consacrent moins de temps à l'exercice en plein air que les détenus
. L'inactivité physique des
enfants est si grave que cette génération pourrait être la première
dans l'histoire de l'humanité à avoir une espérance de vie plus
brève que celle de leurs parents. Certains considèrent l'inactivité
comme la deuxième pandémie à long terme qui, sans effort considérable,
risque d'être exacerbée par les conditions créées par la covid-19
et de perdurer après le rétablissement
de la pandémie actuelle, entraînant une plus grande inégalité dans
la santé et le bien-être de la population.
40. La fermeture des établissements scolaires et d’enseignement
a également eu des conséquences significatives dans le domaine de
l’éducation physique et sportive, qui est un moyen efficace de favoriser
la forme physique, le bien-être mental et les attitudes et comportements
sociaux lorsque les populations sont confinées. «Alors que nous
pouvons espérer que les responsables politiques privilégient le
sport et l’activité physique, compte tenu de leurs effets positifs
incontestés sur le plan social et physique, l’augmentation de la dette
nationale risque d’engendrer de nouvelles coupes budgétaires plutôt
que des investissements dans l’offre de sport, aux dépens de ceux
qui ont le plus besoin des possibilités de participation proposées
par la communauté et de l’important retour social sur investissement
qui en découle généralement»
.
4. Les
préoccupations en matière de gouvernance et d’intégrité du sport
41. La vitalité du mouvement sportif
tel qu’il est organisé aujourd’hui, mais aussi les valeurs du «sport
pour tous» que le Conseil de l’Europe soutient, sont aujourd’hui
en danger, notamment à cause des tensions entre une vision du sport
comme «bien public» et la montée en puissance d’un modèle commercial
de «sport spectacle» où la poursuite par les uns d’intérêts financiers
colossaux peut impliquer la mise à mort économique des autres. Reconnaître
l’importance du sport comme secteur de l’économie européenne et
mondiale, y compris dans le cadre des plans de relance, ne doit
pas nous amener à oublier son rôle social et en tant que vecteur
de valeurs, voire à sacrifier la sauvegarde de ces valeurs à une
pure logique de «marché».
42. Nous sommes conscients que le mouvement sportif traditionnel
s’est développé grâce aux recettes de la commercialisation des événements
sportifs. Cela a été une bonne chose; mais les risques de dérives
sont bien réels: les dirigeants du mouvement sportif ne doivent
pas oublier le rôle véritable du sport et se transformer en chefs
d’entreprise ayant pour but de maximiser les recettes de leurs fédérations
ou organisations. Par ailleurs, on trouve sans doute parmi les entrepreneurs
privés actifs dans l’événementiel sportif ceux qui défendent une
vision éthique du sport. Nous ne sommes pas là pour défendre des
positions de pouvoir détenus par les uns et nier le rôle et les
attentes légitimes des autres. Il faut réfléchir à un système où
tous les acteurs puissent avoir leur juste place, avec pour objectif
commun un sport sain, propre, accessible à tous tant en termes de
pratique que de spectacle. Entre la défense à outrance de positions
de monopole peu justifiables et la libération du marché comme si
le sport était une marchandise comme les autres, je crois qu’il est
possible de trouver des solutions plus justes.
43. L’équilibre délicat – probablement encore imparfait – entre
la sauvegarde des «affaires» et celle des «valeurs» sportives
, que
le mouvement sportif doit lui aussi contribuer à assurer, est devenu
néanmoins extrêmement instable, notamment du fait de la remise en
question du rôle et des compétences des grandes organisations sportives
et des fédérations sportives faîtières, couplée avec la volonté
affichée par d’aucuns de se lancer dans l’organisation de compétitions
fermées, qui ne seraient plus basées sur les mérites et les résultats
sportifs mais sur la renommée des participants (athlètes ou équipes)
et sur leur capacité à attirer le public, en affranchissant entièrement
cette élite des mécanismes de solidarité existants. Ces derniers semblent
au demeurant déjà inadéquats, par exemple, pour empêcher que le
fossé entre le sport d’élite et le sport de masse se creuse, ou
pour assurer un soutien financier adéquat au développement (professionnel
et humain) des jeunes athlètes ou à la formation des arbitres ou
des officiels.
44. La crise engendrée par l’épidémie de covid-19 n’a fait qu’exacerber
cette situation. Nous ne devons pas mettre en péril, par nos décisions,
les valeurs de solidarité et d’inclusion qui trouvent toute leur
place dans la
Charte européenne du sport du Conseil de l’Europe.
45. Cette Charte, dans l’article 1, engage les gouvernements des
États membres du Conseil de l’Europe à promouvoir le sport en tant
que facteur important du développement humain, en prenant les mesures nécessaires
afin de «donner à chaque individu la possibilité de pratiquer le
sport» et de «développer les bases morales et éthiques du sport,
ainsi que la dignité humaine et la sécurité de ceux qui participent
à des activités sportives, en protégeant le sport, les sportifs
et les sportives de toute exploitation à des fins politiques, commerciales
et financières, et de pratiques abusives et avilissantes, y compris
l'abus de drogues ainsi que le harcèlement et l'abus sexuels, en
particulier des enfants, des jeunes et des femmes.».
46. Cette Charte nous rappelle aussi que «Le rôle des pouvoirs
publics étant essentiellement complémentaire à l'action des mouvements
sportifs, la coopération étroite avec les organisations sportives
non gouvernementales est indispensable à la réalisation des buts
de la présente Charte, ainsi que, le cas échéant, la mise en place
de mécanismes pour le développement et la coordination du sport»
(article 3.1.) et que «Il conviendra d'encourager et de développer
l'esprit et le mouvement du volontariat, notamment en favorisant l'action
des organisations sportives bénévoles» (article 3.2.).
47. Si le mouvement sportif n'était plus en mesure de remplir
sa mission, les pouvoirs publics seraient encore plus sollicités
pour compenser financièrement les activités permanentes de millions
de bénévoles, le développement du sport de masse, le rôle du sport
dans l'inclusion sociale, l'accès abordable aux installations sportives,
entre autres, et pour mener des politiques publiques dans ces différents
domaines.
48. Dans le contexte de la crise financière provoquée par la pandémie
de covid-19, les tensions séparatistes ne peuvent que renforcer
le stress économique causé par l’interruption des compétitions auxquelles
les recettes des organisations sportives sont liées; cela porte
également atteinte à la consolidation et à la poursuite des réformes
de gouvernance des organisations sportives visant, entre autres,
à renforcer les systèmes de démocratie interne, l’équilibre entre
les sexes, l’inclusivité et la participation dans les processus
décisionnels, la transparence financière et la responsabilité. En
cascade, cela peut également réduire les capacités de lutte contre
les diverses formes de corruption dans le sport, que la crise elle-même
tend à renforcer.
49. À cet égard, selon EUROPOL
, les groupes criminels ont exploité
les situations changeantes au cours de la pandémie de covid-19.
L'on s'attend à ce que la criminalité organisée profite des vulnérabilités
financières qui affaiblissent le sport européen, faisant peser de
graves menaces sur l'intégrité du sport, notamment, mais pas uniquement,
en ce qui concerne la manipulation des compétitions sportives, étant
donné que les problèmes d'infiltration de la criminalité organisée
dans le sport et de manipulation des compétitions sportives liée
aux paris sont en pleine expansion.
50. Les enquêtes, les condamnations et les sanctions liées à la
fraude sportive ont grimpé en flèche en Europe en 2020 avec la réapparition
des compétitions fantômes dans le seul but de parier. Les paris
illégaux restent un vecteur de corruption sérieux, complexe et technologiquement
sophistiqué pour les organismes chargés de l'application de la loi
dans le monde entier, selon le Baromètre de la corruption dans le
sport
, transformant le sport en un terrain
hautement vulnérable et fertile pour l'infiltration criminelle qui
prospère grâce à des revenus élevés et des risques réduits. On peut
aussi envisager que la réouverture des stades puisse s’accompagner
d’une hausse de la vente illégale de billets, et on peut également
craindre que d’aucuns puissent chercher dans le dopage une solution
au manque d’entraînement. Il faut que les autorités publiques et
les organisations sportives restent très vigilantes.
51. Enfin, les difficultés financières engendrent aussi des risques
accrus de corruption et d’infiltration de la criminalité dans les
structures sportives. La réponse à ces risques passe, tout d’abord
par des actions significatives et tangibles favorisant la responsabilité,
la transparence, la démocratie et la bonne gouvernance des organisations
sportives, afin que les manquements à l'intégrité soient détectés,
poursuivis et sanctionnés; il ne faut laisser aucune place à l'impunité.
5. Surmonter
la crise: les pistes à suivre
52. Toute crise peut être un mal
pour un bien, et la pandémie de covid-19 permet aux autorités de
tirer un certain nombre d’enseignements. Cette crise a contribué
à révéler certaines défaillances de la gouvernance, les points faibles
des politiques publiques et un certain nombre de fractures préexistantes.
Mais ces circonstances exceptionnelles sont maintenant l’occasion
d’innover, de repenser et réévaluer les priorités à long terme.
53. Cela doit être le cas pour les politiques du sport aussi.
Les autorités publiques et toutes les parties prenantes de l’écosystème
sportif (y compris les instances dirigeantes, les organisateurs
de compétitions, les clubs, les propriétaires/investisseurs, les
athlètes, les radiodiffuseurs, les sponsors, les prestataires et
les supporters) doivent collaborer afin d’atténuer les effets néfastes
de la crise, de préserver la pérennité du mouvement sportif européen
et veiller à ce que le sport continue de prodiguer ses bienfaits
à la société dans son ensemble et à chacun individuellement.
54. Les nouvelles vagues de la pandémie et les incertitudes quant
à son évolution, avec l’apparition de nouveaux variants du virus
qui risquent d’affaiblir l’efficacité de la vaccination, suscitent
de sérieuses préoccupations et continuent de repousser la fin de
cette crise sanitaire, économique et sociale qui n’épargne personne.
L’activité sportive pourrait aider à en atténuer quelques effets
négatifs, grâce à des mécanismes contribuant à la santé, à la socialisation,
à l’éducation et à un sentiment général de bien-être mental et physique
car elle favorise le bien-être mental et physique, ainsi que la
socialisation. Il est donc de la plus haute importance que les pouvoirs
publics accordent toute l’attention requise au sport dans le cadre
de l’élaboration des mesures en réponse à la crise.
55. Outre les pertes financières liées à la vente de billets,
aux revenus de sponsoring et de diffusion et aux cotisations des
membres, les obstacles qui empêchent la communauté et les groupes
vulnérables d'accéder à des activités physiques et sportives abordables
constituent un problème essentiel à résoudre. Des mesures ont été
mises en place par les États européens, mais de manière très limitée
et en se concentrant sur le contrôle immédiat des dommages et sur
une approche réactive, le plus souvent pour injecter des liquidités
et un soutien financier aux organisations sportives. Mais le secteur
du sport a besoin de bien plus que cela. Je propose donc de prendre
en considération les lignes d’actions et les propositions concrètes
suivantes.
5.1. Pistes
de réflexion pour les États membres
5.1.1. La
reconnaissance de la valeur sociale et économique du sport
56. Il est nécessaire, tout d’abord,
de mieux reconnaître la valeur sociale et économique du sport, son impact
bénéfique sur la santé et la qualité de vie (et les effets nocifs
sur la santé physique et mentale résultant du manque d’activité
physique), et son impact éducatif ainsi que son rôle en tant que
facteur d’inclusion sociale et d’intégration dans la communauté.
Il faut favoriser une reprise non seulement des compétitions au
sommet du sport professionnel, mais aussi des activités sportives
de base. Il faut reconnaître la valeur du sport et de l’activité
physique en tant que facteurs de développement humain et de bien-être
personnel et collectif, ainsi que de développement social et de
croissance économique, voire sa contribution à la réalisation des
objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
5.1.2. L’intégration
du sport dans les stratégies de relance et de développement durable
57. Le secteur du sport ne reçoit
pas la même attention que d'autres secteurs comme la santé, l'éducation et
la culture, par exemple. Dans les circonstances actuelles de pandémie
étendue, les gouvernements devraient réfléchir à mettre en place
des régimes de soutien spécifiques pour le sport, qui devraient
figurer dans les agendas politiques en tant que priorité intersectorielle
et stratégique.
58. Par ailleurs, il conviendrait de renforcer la recherche sur
l'impact sanitaire, social et économique de la pandémie sur les
activités physiques et sportives en Europe, afin d'élaborer des
politiques fondées sur des données et des preuves, et axées sur
la résolution de problèmes, pour surmonter la crise
et ouvrir la voie à une approche
européenne coordonnée en matière de sport.
59. Il faut adopter une approche transversale pour les politiques
sportives et mettre en valeur les interconnections fortes du sport
avec d'autres secteurs, comme la santé, l'éducation, le tourisme,
la construction, le transport, la recherche et l'innovation, la
transition numérique, la transformation verte, les médias et le
commerce de détail. Il faut également mettre en exergue l’effet
de levier que la promotion du sport et de l'activité physique peut
avoir dans tous ces secteurs, de même que le rôle du sport en tant
que facteur d’inclusion sociale et de lutte contre les inégalités.
60. Il est essentiel d'intégrer le sport dans les mécanismes et
les plans européens et nationaux de relance et de résilience et
de faire de sorte que le sport soit éligible aux fonds et mécanismes
nationaux qui sont établis pour l’assistance et l’aide d'urgence.
Il faudrait développer des programmes de soutien financier destinés
aux organisations et aux clubs sportifs, en mettant en place des
procédures d’accès aux financements qui soient simples et rapides,
et en assouplissant les conditions d’éligibilité, du moins temporairement,
afin que le plus grand nombre de destinataires potentiels puissent
en bénéficier. Dans ce contexte, on pourrait également adopter des
mesures incitatives de l’offre, visant le développement des activités
de sport-santé ou d’activités adaptés pour des publics spécifiques
(par exemple: sport prescrit sur ordonnance ou chèques sport pouvant être
distribués aux personnes ayant un accès plus limité aux activités
sportives, à utiliser pour payer les cotisations ou les activités
sportives).
61. Il faut aussi songer à des mesures de soutien financier spécifiques
pour les athlètes afin de les aider à surmonter la crise. Dans une
perspective à plus long terme, il conviendrait de réfléchir également
à un cadre cohérent pour soutenir leur développement professionnel
et humain, y compris par le tutorat, l'éducation et le renforcement
des capacités dans des domaines clés (comme par exemple, la formation
aux médias, la gestion financière, le marketing, la gestion des
risques et des carrières), et pour favoriser les possibilités de
double carrière.
62. Les mesures de soutien au sport méritent d’être intégrées
dans les stratégies de développement économique et social durable,
y compris les stratégies de spécialisation intelligente
et
les stratégies de développement régional ou local pertinentes
.
Il faut prendre en considération le développement des infrastructures
sportives et d’un environnement favorable aux activités sportives
et à l’exercice physique pouvant faciliter l’accès au sport pour
tous. Il faut que le secteur sportif puisse bénéficier du Fonds
européen de développement régional, du Fonds de cohésion, du Fonds
social européen Plus, d'EU4Health et d'autres instruments financiers
de l'Union européenne.
63. Dans ce contexte, je souhaite rappeler que tous les États
n’ont pas les mêmes capacités de réponse à la crise; j’appelle donc
à faire preuve de solidarité, par exemple en envisageant un accès
plus large des États non membres de l’Union européenne aux fonds
européens disponibles et en développant des partenariats transfrontaliers
dans le domaine du sport.
5.1.3. Un
soutien ciblé au sport pour tous
64. Dans la définition des mesures
de soutien financier au sport, il ne faut pas songer seulement aux grandes
organisations, mais aussi aux organismes de base: il faut qu’une
part équitable des ressources allouées par les budgets nationaux
au secteur sportif soit consacrée à soutenir la relance du sport
de masse et apporter un soutien ciblé aux plus vulnérables (athlètes
amateurs, bénévoles, petits clubs de base). Cela s’applique aussi
aux fonds distribués par les collectivités régionales et locales,
qui ont un rôle clé dans ce domaine.
65. En outre, même lorsque des possibilités d'aide financière
existent, les petites organisations ne sont pas toujours au courant
de ces options et manquent de ressources ou de compétences pour
présenter avec succès leurs demandes. Pour briser ce cercle vicieux,
il conviendrait d’offrir aux petites structures (notamment celles qui
dépendent d'une main-d'œuvre bénévole) assistance et conseil, et
de simplifier (autant que faire se peut) les conditions d’accès
à l’aide ou aux subventions publiques, dont le montant devrait tenir
compte non seulement des pertes de recettes à compenser, mais également
de l’augmentation de certains coûts, dont ceux, nouveaux, liés à
la mise en œuvre des mesures sanitaires.
66. Les autorités publiques devraient favoriser l’accès des familles
à faible revenu et de leurs enfants à la pratique des activités
sportives, tant pendant les périodes à venir qui pourraient être
encore marquées par des restrictions liées à la pandémie de covid-19,
que lors de la progressive normalisation des conditions de vie sociale,
une fois que la pandémie sera réellement maitrisée. Par ailleurs,
les systèmes éducatifs doivent valoriser le sport et l'éducation
physique et trouver des moyens innovants d'encourager le sport et
les activités de plein air dans le programme scolaire pendant les
mesures de lutte contre la pandémie et au-delà. Il faut aussi inciter,
en parallèle, les instances de chaque sport ainsi que les clubs
sportifs à développer des offres adaptées aux divers publics, en
visant aussi le développement du sport féminin.
67. Les avertissements médicaux sur les dommages mentaux et physiques
dus au manque de sport et d'activités physiques devraient inciter
les autorités publiques à privilégier le maintien des activités
sportives autant que possible, en particulier en ce qui concerne
les sports de plein air.
5.2. Pistes
de réflexion pour le mouvement sportif international
68. Le calendrier sportif européen
est de plus en plus encombré de compétitions qui se chevauchent,
ce qui est aggravé par l'annulation et le report de manifestations
nationales et internationales. Les instances dirigeantes du sport
international, sous la coordination du CIO et en collaboration avec
les autorités compétentes, devraient développer une approche harmonisée
et à long terme. J’envisage à cet égard les pistes d’amélioration
suivantes.
5.2.1. Assurer
des processus décisionnels ouverts, participatifs et transparents
69. Il est indispensable d’avoir
des processus décisionnels ouverts, participatifs et transparents
au sujet de la poursuite ou l'annulation/le report de compétitions
sportives internationales. L’appel au caractère inclusif et à la
transparence du processus décisionnel concernant les grands événements
sportifs n’est pas nouveau, mais dans le contexte actuel ces exigences
acquièrent une nouvelle signification et encore plus d’importance.
70. Les enjeux de santé publique et les enjeux financiers ne sont
pas facilement conciliables et la recherche de solutions équilibrées
et réfléchies, fondées sur des éléments factuels et des évaluations
fiables, ne peut se faire dans l’opacité et sans l’écoute attentive
de toutes les parties prenantes. Les médias peuvent jouer, à cet égard,
un rôle déterminant et leur possibilité de suivre de près les processus
décisionnels devrait être renforcée.
5.2.2. Renforcer
la coordination dans la définition du calendrier des compétitions
sportives
71. Il faut aboutir à une plus
grande coordination dans la définition du calendrier des compétitions
sportives internationales majeures (tant au niveau mondial que continental)
et il faut accepter l’idée qu’il est dangereux de surcharger ce
calendrier: la planification devrait se faire en ayant conscience
que le monde devra cohabiter avec la covid-19 pendant un certain
temps encore et que les risques de nouvelles pandémies dans notre monde
globalisé seront toujours présents.
5.2.3. Renforcer
la solidarité et mieux prévoir et pallier les risques financiers
72. Pour accompagner le redressement
financier du secteur du sport, il faudrait probablement renforcer
les mécanismes de solidarité et assurer une répartition plus équilibrée
des recettes liées à la vente des droits de diffusion. C’est néanmoins
un thème extrêmement complexe et la question de savoir où il convient
de fixer le point d’équilibre n’est pas consensuelle. Il faut néanmoins
avoir une vraie réflexion sur la manière dont la solidarité financière
doit jouer, du sport de haut niveau vers le sport de masse, ainsi
qu’entre les différents sports et à travers le monde.
73. Il faut également un examen sérieux des contrats (par exemple,
mais pas seulement, ceux avec les villes hôtes et autres sites pour
l'organisation des Jeux olympiques et d'autres grandes compétitions internationales,
ou ceux de diffusion), afin de mieux prévoir et couvrir les risques
que d’autres vagues de pandémie (ou de semblables fléaux) peuvent
engendrer.
74. Enfin, il me semble nécessaire d’étudier la mise en place
de garanties financières et de mécanismes de compensation dans le
système de financement des CNO et des fédérations sportives, afin
que l’annulation ou le report d'un événement majeur (au niveau mondial
et peut-être aussi continental) n’entraîne pas l'effondrement du
système de financement qui assure la stabilité financière du sport
en question.
75. A cet égard, je proposerais de réfléchir à la création de
fonds de réserves propres à chaque fédération internationale et
de fonds de solidarités au niveau de grandes organisations faîtières
mondiales, qu’il faudrait alimenter avec des pourcentages minima
de recettes de chaque événement majeur qu’elles organisent, jusqu’à
atteindre des niveaux suffisamment élevés. Des mécanismes d’assurance
collective pourraient être mis en place, du moins de façon transitoire.
Les CNO devraient également prendre en considération la mise en
place de fonds de réserve et dialoguer avec les autorités nationales
pour voir comment celles-ci peuvent favoriser et soutenir ce processus,
en tenant compte de l’importance du sport comme fabrique de capital
social et de son rôle dans l’écosystème économique de chaque pays.
L’objectif doit être de garantir la résilience du système du sport
et la promotion d’une solidarité mutuellement bénéfique à tous les
niveaux.
5.3. Des
enjeux qui appellent une collaboration renforcée entre les autorités
publiques et le Mouvement sportif international
76. Une révision de la Charte européenne
du sport est en cours et le projet de Charte révisée
reflète nos préoccupations actuelles.
Entre autres, le projet stipule clairement que «le sport est essentiel
pour le développement personnel et contribue à l'exercice des droits
à la santé, à l'éducation, à la culture et à la participation à
la vie de la communauté» et que «l’accès au sport pour tous est
considéré comme un droit fondamental, en ajoutant que «tout être
humain a le droit inaliénable d’accéder au sport dans un environnement
sain, à l'intérieur et à l'extérieur des établissements scolaires)
(article 10.1). Il appelle les organisations du mouvement sportif
qui tirent des revenus du marché du divertissement sportif «à assurer
la solidarité financière du sport de haut niveau vers le sport de
masse, mais également entre les différents sports et à travers le
monde» (article 4.4). Il demande que l’organisation des compétitions
sportives de haut niveau et professionnelles se fasse «dans le respect
du principe d’ouverture dans les compétitions sportives, en donnant
la priorité au mérite sportif» (article 14.3). Il prône une coopération
multi-acteurs, en réaffirmant que le mouvement sportif «est le principal
partenaire des pouvoirs publics dans la mise en œuvre des politiques sportives»
(article 4.1) et que «le rôle des pouvoirs publics est avant tout
de compléter les actions du mouvement sportif et du secteur des
entreprises» (article 3.1).
77. En effet, Il me semble évident que, pour répondre efficacement
à la crise, nous avons besoin de travailler ensemble. Cela s’applique
à tous les domaines, mais je souhaite souligner particulièrement
ce besoin de collaboration à quatre égards.
5.3.1. La
promotion de l’activité sportive et du sport pour tous
78. Le sport et l'activité physique
sont essentiels pour la santé, l'inclusion sociale et comme facteur d'éducation
pour tous les âges de la population. Encourager des modes de vie
actifs et promouvoir l’activité sportive à tous les niveaux, notamment
parmi la jeune génération, devrait être un objectif auquel toutes
les parties prenantes devraient s'attacher.
79. Les gouvernements devraient valoriser la capacité et la volonté
des acteurs du mouvement sportif de jouer un rôle actif dans la
promotion d'un mode de vie sain et physiquement actif; les autorités
publiques et les organisations sportives doivent davantage collaborer
pour créer les conditions qui facilitent et normalisent l'accès
à l'activité physique et au sport, afin que la population puisse
bénéficier des effets protecteurs d'une activité physique régulière.
80. Les organisations et clubs sportifs ont également la responsabilité
d'évoluer et de se moderniser. En particulier, ils doivent adapter
encore davantage leurs services aux besoins des athlètes et des
membres. La numérisation pourrait être un moteur à cet égard. La
réponse à la pandémie a montré à quel point les initiatives numériques
sont devenus importantes. Divers outils en ligne ont déjà été développés,
couvrant la publicité, l’entraînement en ligne, l'engagement des
supporters, l'activation des sponsors et le financement participatif (crowdfunding). Ces outils permettent
de mettre en place des formes de participation à distance aux activités sportives,
mais aussi de préserver l'engagement des membres au niveau des clubs,
et donc d’améliorer la résilience et de favoriser une reprise rapide.
Ainsi, la transition numérique doit être de plus en plus intégrée dans
les stratégies de l'offre, même s’il ne faut pas délaisser les modèles
éprouvés d'offre en personne.
5.3.2. La
protection des athlètes et des participants aux événements sportifs
81. Les organisations faîtières,
les fédérations internationales, les organisateurs de manifestations sportives
et les autres instances dirigeantes du sport doivent prendre des
mesures afin que les tournois de qualification et les Jeux olympiques
et paralympiques, ainsi que les compétitions internationales organisées par
les diverses fédérations, puissent se dérouler en toute sécurité
dans des conditions saines et protégées. Les athlètes et les autres
personnes impliquées ne doivent pas être contraints à mettre en
balance leur participation avec leur santé et celle des autres
. Il est également souhaitable que
les athlètes qui participent à des compétitions internationales
– et pas seulement aux Jeux olympiques – puissent se faire vacciner
en priorité; cela demande une action concertée des autorités nationales
et des autorités sportives.
82. Il faudrait en premier lieu définir des directives et des
exigences sanitaires claires pour la tenue de compétitions, afin
d’assurer une protection efficace de la santé tant des athlètes
participants aux événements sportifs que de toutes les autres personnes
impliquées (entraineurs, juges et arbitres, personnel médical, personnel
chargé de la sécurité, personnel d’accueil du public, etc.), et
bien entendu du public.
83. Cela exigerait, par exemple, l’accès à la vaccination pour
tous les athlètes et toutes ces personnes dont le travail est essentiel
à la bonne réussite des événements, mais aussi la conclusion d’accords
de reconnaissance mutuelle des vaccinations et des tests de dépistage
entre le pays d'origine et le pays de destination, et une approche
pragmatique et harmonisée (sinon uniforme) quant aux règles de quarantaine (soit
les périodes d’isolement/confinement à observer par précaution après
l’arrivée dans le pays de destination) et autres règles sanitaires.
84. Il n’est pas simple de prévoir les évolutions de la pandémie
et les circonstances sanitaires peuvent changer (comme nous en avons
fait l’expérience) très rapidement. Tout nouvel arrêt ou report
des compétitions pouvant être nécessaires pour faire face à des
risques sanitaires majeurs fait augmenter le danger que des emplois
soient perdus et que la performance des athlètes fléchisse. Les
instances dirigeantes du sport sont donc sous pression et on s’attend
à ce qu'elles introduisent des mécanismes aptes à pallier ces risques.
Il n’est plus suffisant de savoir répondre vite aux situations muables:
il faut prévenir et agir de façon proactive.
85. Ainsi, il est important de promouvoir le partage d’expérience
et d’informations sur l'efficacité des mesures mises en place en
ce qui concerne, par exemple, les exigences en matière de santé
et de sécurité, les possibilités d’entraînement, les droits et les
devoirs des athlètes pendant le confinement et l'accès aux ressources
covid-19 (comme les équipements de protection individuelle ou les
équipements de contrôle, en particulier pour les athlètes de haut
niveau)
.
86. Comme les pays européens imposent des mesures sanitaires différentes
pour la pratique du sport, il est plus qu'essentiel de garantir
des conditions de concurrence équitables pour tous les athlètes.
Certains pays ne donnent accès aux installations d'entraînement
qu'aux membres de leurs propres équipes nationales. D’autres ne
disposent pas d'installations sportives spécifiques; leurs athlètes
ont l'habitude de s'entraîner à l'étranger. Il ne devrait y avoir
aucune discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne
l’accès aux installations d'entraînement: elles devraient rester
ouvertes à tous les athlètes en compétition, quelles que soient
les couleurs du pays qu'ils représentent.
87. Par ailleurs, dans le cadre des grands événements sportifs
qui reprennent progressivement avec la sortie de la crise, il faut
plus que jamais prêter toute l’attention requise aux questions concernant
la sécurité, la sûreté et les services aux spectateurs. La Convention
du Conseil de l’Europe sur une approche intégrée de la sécurité,
de la sûreté et des services lors des matches de football et autres
manifestations sportives (STCE no 218,
Convention de Saint-Denis) est le seul instrument international
contraignant qui établit une approche intégrée autour de ces trois
piliers interdépendants. Tous les États membres devraient la ratifier
et tous les acteurs du monde sportif devraient contribuer à sa mise
en œuvre
88. Je souhaite souligne également l’importance d’impliquer davantage
les supporters et les sportifs (ainsi que les organisations qui
les représentent) dans toutes les étapes du processus décisionnel
des autorités de santé et de sécurité publiques et des organismes
sportifs, notamment (mais pas seulement) en ce qui concerne les
restrictions mises en place pour préserver la santé et la sécurité.
La participation active des supporters et des sportifs à toutes
les étapes de l'organisation d'un événement sportif accroît la légitimité
et la compréhension des mesures restrictives, renforçant ainsi la
confiance des supporters et leur consentement au respect des règles.
Dans ce contexte, une attention particulière devra être portée aux
besoins et attentes des familles, des enfants, des femmes, des personnes
âgées et des personnes handicapées, de façon à assurer un environnement
plus inclusif et accessible dans les événements sportifs.
5.3.3. La
sauvegarde de l’intégrité des compétitions sportives
89. Le flux des aides financières
ne doit pas profiter à la corruption. Il faut que le niveau de surveillance
et d’exigence de la part de ceux qui financent et investissent dans
le sport augmente et que le respect des normes d'intégrité les plus
élevées conditionne l'octroi d'un soutien financier ou en nature
au sport: des gouvernements aux sponsors; des diffuseurs aux investisseurs;
des donateurs aux loteries nationales.
90. Le parrainage du sport par l'industrie des paris doit être
correctement réglementé et supervisé, en intégrant des dispositions
sur les conflits d'intérêts, le jeu responsable, la recherche et
l'échange de renseignements, l'éducation, la formation, la réglementation
et la prévention de la manipulation des compétitions sportives.
91. Il est essentiel de développer et de renforcer la coopération
entre le secteur public et le secteur privé afin de garantir une
approche multipartite et multidisciplinaire cohérente pour lutter
efficacement contre la corruption dans les compétitions sportives.
Cette approche requiert la participation de toutes les parties prenantes
concernées, notamment les services répressifs, les autorités judiciaires,
les organismes sportifs, les autorités de régulation et autres autorités
publiques, les opérateurs de paris, ainsi que les sociétés privées fournissant
des services de surveillance et d'intégrité des paris, et le grand
public. Les systèmes de signalement protégés et les mécanismes d'alerte
devraient également être développés. Une coopération et une coordination
accrues entre les différentes parties prenantes peuvent également
être bénéfiques pour sensibiliser et relever les défis liés à l'expertise
limitée dans ce domaine
.
92. Les États membres du Conseil de l'Europe doivent adopter des
lois et des sanctions appropriées pour préserver l'intégrité des
compétitions sportives contre les manipulations, et mettre en place,
en collaboration avec les organisations sportives, des programmes
de sensibilisation et de formation à l'éthique et à l'intégrité du
sport, afin de s'assurer que chaque athlète, entraîneur et partie
prenante à la compétition comprenne les principes du fair-play et sache comment reconnaître,
résister et signaler les manipulations de compétitions sportives,
tout en plaçant la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe
sur la manipulation des compétitions sportives (STCE no 215,
Convention de Macolin) en tête de leurs agendas politiques et en investissant
les ressources financières et humaines appropriées dans la promotion,
la mise en œuvre et une politique de communication appropriée pour
la Convention.