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Rapport | Doc. 15494 | 07 avril 2022

Pour une évaluation des moyens et des dispositifs de lutte contre l'exposition des enfants aux contenus pornographiques

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Dimitri HOUBRON, France, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15077, Renvoi 4507 du 7 mai 2020. 2022 - Deuxième partie de session

Résumé

L’Assemblée parlementaire est vivement préoccupée par l’exposition sans précédent des enfants aux images pornographiques, qui nuit à leur développement psychique et physique. Cette exposition augmente les risques de construction de stéréotypes sexistes nuisibles, d’addiction à la pornographie et de relations sexuelles précoces et malsaines, et entraîne des difficultés à instaurer par la suite des relations équilibrées et respectueuses. L’exposition précoce à la pornographie brouille les limites de la curiosité normale à l’égard de la sexualité et celles des comportements socialement acceptables. Elle nuit au respect de la dignité humaine, de la vie privée et de l’intégrité physique. Les services répressifs signalent une impressionnante flambée des cas de comportements sexuels préjudiciables de la part d’enfants.

Pour mieux protéger les enfants contre l'exposition à de tels contenus, l’Assemblée invite les États membres à examiner les lacunes dans la législation et les pratiques pertinents; à s’assurer que tous les appareils intègrent par défaut des outils faciles à utiliser de contrôle parental et de filtrage et blocage des annonces; à favoriser l’utilisation d’outils de vérification de l’âge, en tenant compte des enseignements tirés des expériences passées; à soutenir le débat public et les mesures de sensibilisation aux méfaits de la pornographie; à instaurer, ou développer davantage, une éducation à la sexualité complète et adaptée à l’âge dans les établissements scolaires; à rendre disponibles et accessibles des permanences téléphoniques et lignes d’assistance offrant une aide aux enfants rencontrant des problèmes liés à l’exposition à la pornographie.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 17 mars 2022.

(open)
1. L’exposition des enfants aux contenus pornographiques suscite une préoccupation croissante en Europe et à travers le monde. Des enfants, dans certains cas très jeunes, consultent et partagent des contenus pornographiques à la maison, à l’école, avec des amis dans leur quartier ou en ligne. Il n’est pas rare que des enfants découvrent par hasard, sans vraiment les chercher, des contenus pornographiques sur des appareils numériques.
2. L’Assemblée parlementaire est vivement préoccupée par l’exposition sans précédent des enfants aux images pornographiques, qui nuit à leur développement psychique et physique. Cette exposition augmente les risques de construction de stéréotypes sexistes nuisibles, d’addiction à la pornographie et de relations sexuelles précoces et malsaines, et entraîne des difficultés à instaurer par la suite des relations équilibrées et respectueuses.
3. L’exposition précoce à la pornographie brouille les limites de la curiosité normale à l’égard de la sexualité et celles des comportements socialement acceptables et nuit au respect de la dignité humaine, de la vie privée et de l’intégrité physique. Les services répressifs signalent une impressionnante flambée des cas de comportements sexuels préjudiciables de la part d’enfants.
4. L’Assemblée note avec préoccupation que ces dernières décennies, l’essor des technologies de l’information et de la communication a donné à tous les internautes, y compris les enfants, la possibilité d’accéder facilement à une quantité quasi-illimitée de contenus pornographiques. Bien que de rares personnes avancent l’argument selon lequel il serait acceptable que les enfants aient accès à la pornographie, les moyens et dispositions en place ne mettent pas les enfants à l’abri des contenus nocifs. En outre, en l’absence d’éducation à la sexualité complète et adaptée à leur âge assurée par l’école ou par les parents, beaucoup d’enfants recherchent des informations sur la sexualité et arrivent sans le vouloir sur des sites pornographiques.
5. L’Assemblée rappelle ses Résolution 2412 (2021) «Dimension de genre et effets de la pornographie sur les droits humains», Résolution 2330 (2020) «Lutte contre la violence sexuelle à l’égard des enfants: renforcer l’action et la coopération en Europe», Résolution 2119 (2016) «Lutter contre l’hypersexualisation des enfants» et Résolution 1835 (2011) «La pornographie violente et extrême», ainsi que la Recommandation CM(2018)7 «Lignes directrices relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique», et réitère son engagement à protéger les enfants de la violence, conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, au Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Cible 16.2 – Mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants) et à la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201, Convention de Lanzarote).
6. À la lumière des considérations qui précèdent, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe:
6.1. à examiner les moyens et dispositions existants pour combattre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques en vue de remédier aux lacunes dans la législation et les pratiques, afin de mieux protéger les enfants de l’exposition à de tels contenus;
6.2. à s’assurer que tous les appareils intègrent par défaut des outils faciles à utiliser de contrôle parental et de filtrage et blocage des annonces, et que de tels outils sont toujours activés dans les espaces publics, tels que les établissements scolaires, bibliothèques et maisons des jeunes; à soutenir la sensibilisation aux outils disponibles, notamment à travers des informations fournies par les établissements scolaires, des formations sur le lieu de travail et des campagnes d’information assurées par les pouvoirs publics;
6.3. à veiller à ce que les sites internet destinés à un public majeur soient obligatoirement étiquetés comme «réservés aux adultes»;
6.4. à favoriser l’utilisation d’outils de vérification de l’âge, et en particulier:
6.4.1. à élaborer une législation imposant l’utilisation d’outils de vérification de l’âge à la fois aux sites internet spécialisés dans l’hébergement de contenus pour adultes et aux médias et réseaux sociaux généralistes qui comportent des contenus pour adultes;
6.4.2. à garantir des outils adaptés aux usagers, simples, sûrs, efficaces et respectant la confidentialité des données des usagers, et à veiller à ce qu’ils ne puissent être détournés à des fins de collecte de données, ce qui rendrait possible le chantage ou l’usurpation d’identité;
6.4.3. à veiller à ce que les fournisseurs d’outils de vérification de l’âge soient individuellement approuvés et soumis à des contrôles par le biais d’une procédure de vérification formelle menée par un organisme reconnu; ce processus de certification devrait porter non seulement sur l’efficacité globale de la vérification de l’âge et sur son respect de la vie privée, mais aussi sur la sécurité et la défense contre les intrusions dans les infrastructures de stockage des données;
6.4.4. à rendre obligatoire la conformité aux exigences de vérification de l’âge; à traiter le problème des moteurs de recherche qui mettent en avant des sites non conformes parce que les usagers favorisent les sites ne demandant pas d’informations personnelles, ce qui accroît leur «taux de rebond» et place les sites conformes dans une situation commerciale défavorable;
6.4.5. à envisager la mise en place d’une «liste noire» d’URL, pour les domaines qui enfreignent la législation ou font l’objet d’une enquête dans ce cadre, et d’une «liste blanche» pour les domaines qui ont mis en place des processus de vérification de l’âge accrédités;
6.4.6. à s’assurer que les services répressifs compétents surveillent méthodiquement le respect des règles de restriction de l’âge, que les techniques de contournement sont identifiées et dûment traitées et que les cas de non-conformité sont rapidement sanctionnés;
6.4.7. à prévoir une certaine souplesse dans les modalités d’utilisation des systèmes de vérification de l’âge afin d’autoriser l’introduction de technologies nouvelles, d’une part, et de laisser aux plateformes et à leurs usagers le choix des informations à fournir, d’autre part;
6.4.8. à veiller à ce que les systèmes de vérification de l’âge puissent traiter d’importants volumes de données et ne soient pas d’un coût dissuasif pour les grandes et les petites entreprises; à faire en sorte que ces dernières disposent de délais raisonnables pour mettre en œuvre et tester les solutions;
6.4.9. à développer des campagnes de sensibilisation visant à favoriser la confiance dans les systèmes de vérification de l’âge et le respect de la confidentialité des données des usagers et à éviter que le public ne continue à rechercher des sites pour adultes non conformes, très certainement dépourvus de politiques de protection des contenus et des usagers et qui exposent donc ces derniers à un grand risque de contenus illégaux et dangereux et de virus ou malwares;
6.4.10. à soutenir le développement de normes, de réglementations et de certifications européennes et internationales;
6.5. à veiller à ce que le recours aux technologies d’intelligence artificielle qui favorisent l’addiction à la pornographie soit suivi, réglementé et fasse l’objet d’enquêtes;
6.6. à envisager la mise en place d’un bouton d’alerte, ou autre solution similaire, permettant aux enfants de signaler leur accès accidentel à des contenus pornographiques et à envisager des actions de suivi, comme des avertissements ou des sanctions pour les sites internet concernés;
6.7. à s’assurer que les programmes éducatifs, à tous les niveaux, promeuvent le respect de la dignité humaine, de l’intégrité physique et de l’égalité de genre; à mieux sensibiliser les parents et les familles au besoin d’éduquer leurs enfants à la sexualité de façon complète et adaptée à leur âge; à doter les enfants des compétences nécessaires pour naviguer de manière sûre et responsable dans l’espace numérique; à instaurer, ou développer davantage, une éducation à la sexualité et aux relations complète et adaptée à l’âge dans les établissements scolaires; et à faire en sorte que ces programmes éducatifs soient assurés par des professionnels dûment formés, conduits séparément pour les filles et les garçons si nécessaire, adaptés à l’âge et aux besoins des enfants et développés avec leur participation;
6.8. à soutenir des mesures de sensibilisation aux effets nocifs de la pornographie, comme l’insertion d’avertissements juridiques et sanitaires sur les sites pornographiques et l’ajout d’informations pertinentes dans les programmes scolaires, notamment concernant l’impact de la pornographie sur le développement cérébral des enfants, le risque accru de dysfonctions sexuelles et la réduction de la capacité à construire des relations sexuelles saines par la suite;
6.9. à promouvoir un débat public sur l’exposition des enfants à la pornographie et sur les moyens et les dispositions de lutte contre cette exposition, et à faciliter la participation des parents et des enfants aux prises de décision sur le sujet;
6.10. à soutenir de plus amples recherches sur les effets de l’exposition des enfants à la pornographie et sur les moyens de la prévenir et d’y mettre un terme, ainsi que sur les moyens de lutter contre les effets nocifs de cette exposition;
6.11. à rendre disponibles et accessibles (y compris dans les établissements scolaires) des permanences téléphoniques, des lignes d’assistance et des personnes de contact, offrant une aide et des conseils aux enfants rencontrant des problèmes liés à l’exposition à la pornographie.
7. L’Assemblée salue les travaux actuellement menés par la Commission européenne sur un système paneuropéen sécurisé et certifié de vérification de l’âge et de consentement parental interopérable, pour accéder aux services de la société de l’information. Elle souligne l’importance de traiter pleinement, dans ce contexte, les préoccupations en matière de respect des droits humains, de la vie privée et de la prééminence du droit. Elle soutient l’extension de tels travaux à l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 17 mars 2022.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2022) «Pour une évaluation des moyens et des dispositifs de lutte contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques», ainsi qu’à sa Résolution 2412 (2021) «Dimension de genre et effets de la pornographie sur les droits humains», à sa Résolution 2330 (2020) et Recommandation 2175 (2020) «Lutte contre la violence sexuelle à l’égard des enfants: renforcer l’action et la coopération en Europe», à ses Résolution 2119 (2016) et Recommandation 2092 (2016) «Lutter contre l’hypersexualisation des enfants» et à ses Résolution 1835 (2011) et Recommandation 1981 (2011) «La pornographie violente et extrême».
2. L’Assemblée salue la récente adoption, par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, de la Stratégie pour les droits de l’enfant 2022-2027, qui compte parmi ses objectifs stratégiques «L’accès aux technologies et leur utilisation sûre pour tous les enfants» et «Une vie sans violence pour tous les enfants».
3. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
3.1. d’encourager les organes concernés, comme le Comité directeur pour les droits de l’enfant (CDENF), le Comité des Parties à la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Comité de Lanzarote), le Comité ad hoc sur l’intelligence artificielle (CAHAI) et le Comité directeur pour l’éducation (CDEDU), à tenir dûment compte du problème de l’exposition des enfants aux contenus pornographiques dans leurs activités pertinentes et à soutenir les États membres dans leur lutte contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques, par exemple:
3.1.1. en facilitant l’échange de bonnes pratiques;
3.1.2. en organisant des événements de renforcement des capacités;
3.1.3. en offrant des conseils sur une éducation à la sexualité complète et adaptée à l’âge, comportant des mesures de sensibilisation aux effets nocifs de la pornographie, à tous les niveaux d’éducation;
3.1.4. en facilitant un travail de bilan sur les initiatives pertinentes et les leçons tirées et en élaborant une feuille de route pour les actions futures;
3.1. d’examiner les éventuelles suites à donner à la présente recommandation et aux résolutions et recommandations susmentionnées dans le cadre du Partenariat du Conseil de l’Europe avec les entreprises numériques, signé en 2017 avec des représentants des grandes entreprises et associations de ce secteur, afin de promouvoir un internet ouvert et sûr où les droits humains, la démocratie et la prééminence du droit sont respectés dans l’environnement en ligne; d’envisager d’intégrer à ce processus une dimension parlementaire et une coopération avec les organisations de la société civile, notamment, dans ce contexte, les organisations de parents et d’enfants;
3.2. d’appeler les États membres du Conseil de l’Europe à mettre pleinement en œuvre la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, Convention de Lanzarote), les recommandations du Comité de Lanzarote et la Recommandation de 2018 du Comité des Ministres CM/Rec(2018)7, « Lignes directrices relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique»;
3.3. d’envisager une coopération plus étroite avec la Commission européenne, en vue de développer une réglementation paneuropéenne sur la lutte contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques;
3.4. de soutenir la coopération avec les organes pertinents des Nations Unies, comme le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) et la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargé de la question de la violence contre les enfants, et dans ce contexte, de proposer la création d’un partenariat entre plateformes et pouvoirs publics, avec la participation d’entreprises numériques et de prestataires de contenus pour adultes, afin d’élaborer une réaction globale coordonnée, pérenne et d’un coût abordable pour lutter contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques.

C. Exposé des motifs par M. Dimitri Houbron, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L’exposition des enfants aux contenus pornographiques suscite une préoccupation croissante en Europe et à travers le monde. Des enfants, dans certains cas âgés de 7 ou 8 ans à peine 
			(3) 
			<a href='https://www.bbfc.co.uk/about-us/news/children-see-pornography-as-young-as-seven-new-report-finds'>www.bbfc.co.uk/about-us/news/children-see-pornography-as-young-as-seven-new-report-finds</a>., accèdent et/ou partagent des contenus pornographiques à la maison, à l’école, avec des amis dans leur quartier ou en ligne. Il n’est pas rare que des enfants découvrent par hasard, sans vraiment les chercher, des contenus pornographiques sur des appareils numériques, ou produisent et partagent des « images autogénérées » sexuellement suggestives ou explicites sans être pleinement conscients des conséquences de leurs actes 
			(4) 
			Voir l’<a href='https://rm.coe.int/opinion-of-the-lanzarote-committee-on-child-sexually-suggestive-or-exp/168094e72c'>Avis
du Comité de Lanzarote</a>..
2. L’exposition sans précédent des enfants à des images pornographiques nuit à leur développement psychique et physique, car elle augmente les risques de construction de stéréotypes sexistes nuisibles, de dépendance à la pornographie, de relations sexuelles précoces et malsaines, déclenchant parfois des comportements sexuels préjudiciables chez les enfants par rapport à leurs pairs, de violences et d’abus sexuels, notamment de cyberharcèlement ; elle entraîne en outre des difficultés à instaurer des relations équilibrées dans la vie future. Les moyens existants pour combattre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques n’atteignent pas leurs objectifs. Le présent rapport a pour objectif d’évaluer les moyens et les dispositifs dont nous disposons pour lutter contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques ainsi que de formuler des recommandations visant à améliorer la protection des enfants.
3. J’aimerais remercier les nombreux collègues et experts pour leurs avis et conseils sur l’élaboration du présent rapport. Les membres de la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable de la Croatie, de la France, de la Suède et du Royaume-Uni ont apporté des contributions utiles. Je remercie également M. John Carr, expert en matière de sûreté et de sécurité sur internet, Royaume-Uni, Mme Julie Miville-Dechêne, sénatrice, Sénat du Canada, et M. Iain Corby, directeur exécutif de l’Age Verification Providers Association, qui ont fait part de leurs réflexions sur ce sujet lors d’un échange de vues tenu le 1er décembre 2021 
			(5) 
			Voir le document <a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/SOC/Pdf/DocsAndDecs/2021/AS-SOC-2021-PV-10-ADD-FR.pdf'>AS/Soc
(2021) PV 10add</a>.. La contribution écrite fournie par MindGeek a facilité l’identification des défis et dilemmes liés aux procédures de vérification de l’âge, sous l’angle des fournisseurs de contenus réservés aux adultes.

2. Définitions et portée

4. Aux fins du présent rapport, « enfant » s’entend de toute personne âgée de moins de 18 ans, conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant ; « contenus pornographiques » s’entend de supports imprimés ou visuels décrivant ou montrant explicitement des activités ou des organes sexuels, dans un objectif de stimulation sexuelle ; « moyens et dispositifs » s’entend des lois, politiques et autres mesures, y compris les activités de sensibilisation et d’éducation ; enfin, l’« exposition aux contenus pornographiques » recouvre l’exposition involontaire (par exemple la publicité en ligne) et la facilité d’accès (par exemple l’absence de procédure de vérification de l’âge, ou l’inefficacité d’une telle procédure).
5. Afin d’éviter toute confusion et tout amalgame, je me pencherai exclusivement sur l’accès des enfants au matériel pornographique (c’est-à-dire le matériel à caractère sexuel mettant en scène des adultes), même si l’exposition à des contenus montrant des violences sexuelles sur enfant 
			(6) 
			À
cet égard, il convient de noter que la tendance actuelle est d’éviter
l’utilisation du terme «pédopornographie», qui pourrait sous-entendre
une certaine forme de consentement de la part de l’enfant, atténuant
ainsi la gravité du crime en cause que le contenu décrit. constitue assurément un sujet de graves préoccupations, tout comme les contenus à caractère sexuel autoproduits par les enfants eux-mêmes. Cet aspect a été dûment reconnu par le Comité des Parties à la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Comité de Lanzarote), qui concentre son dernier cycle de suivi sur les défis posés par les images et/ou vidéos sexuelles autoproduites par les enfants 
			(7) 
			Le
rapport de mise en œuvre, qui conclut la procédure d'évaluation
du cycle de suivi du comité de Lanzarote sur «La protection des
enfants contre l'exploitation et les abus sexuels facilités par
les technologies de l'information et de la communication (TIC):
répondre aux défis soulevés par les images et/ou vidéos à caractère
sexuel autogénérées par des enfants» devrait être adopté au cours
du premier semestre de l'année 2022. Il sera disponible à cette
adresse: <a href='http://www.coe.int/fr/web/children/2nd-monitoring-round'>www.coe.int/fr/web/children/2nd-monitoring-round</a>.. À mon sens, ces sujets méritent d’être examinés par l’Assemblée dans des rapports distincts.
6. Il y a également lieu de noter que la pornographie en tant que telle est un sujet complexe et controversé. Certains estiment que la marchandisation du corps humain au travers de la production et de la diffusion de contenus destinés à un public adulte constitue une atteinte à la dignité humaine et est contraire à la morale, ajoutant que l’exposition à la pornographie a des effets néfastes importants sur le bien-être mental et physique des utilisateurs. D’autres sont d’avis que la sexualité est une composante essentielle de la vie humaine, que la demande de contenus destinés aux adultes ne cessera jamais et que ceux-ci peuvent avoir une influence positive. Ils avancent aussi que le fait de pousser l’industrie pornographique dans la clandestinité exposerait les travailleurs du sexe à des conditions de travail dangereuses et entraînerait la propagation des pires formes de pornographie. Bien que cette question justifie certainement la tenue d’un débat public et la conduite d’une action politique, elle dépasse largement le cadre du présent rapport. Par ailleurs, le rapport de M. Frank Heinrich (Allemagne, NI), présenté à l’Assemblée en novembre 2021, portait déjà sur les dimensions de genre et les effets de la pornographie sur les droits humains 
			(8) 
			Doc. 15406..

3. Les causes profondes: un accès aisé et anonyme aux contenus pornographiques

7. La révolution numérique qui s’est produite au cours des dernières décennies a permis de mettre en contact des gens se trouvant aux quatre coins de la planète, mais elle a aussi facilité l’accès des enfants à des contenus pornographiques. Il y a aujourd’hui de plus en plus d’enfants qui possèdent un smartphone ou un autre appareil connecté à internet et qui disposent de leurs propres comptes sur les réseaux sociaux 
			(9) 
			«N’oublions pas qu’en
1970, l’enfant américain moyen commençait à regarder la télévision
de manière régulière à l’âge de 4 ans, et qu’aujourd’hui les enfants
ont leurs premiers contacts avec les médias numériques à l’âge de
4 mois», Reid Chassiakos et al., 2016, <a href='https://www.jpedhc.org/article/S0891-5245(19)30384-0/fulltext'>www.jpedhc.org/article/S0891-5245(19)30384-0/fulltext#bib0066</a>.. Les principales sources de contenus pornographiques pour les enfants âgés de 13-14 ans sont les annonces qui apparaissent dans les fenêtres s’affichant sur l’écran de façon automatique à l’ouverture d’une page web ( pop-up) 
			(10) 
			Nash V., «Identifying
the Routes by which Children View Pornography Online: Implications
for Future Policy-makers Seeking to Limit Viewing», report of expert
panel for the UK Department of Culture, Media and Sport, Oxford
Internet Institute, University of Oxford, 2015.. Les sites de partage de vidéos et de photos ou les sites des réseaux sociaux constituent d’autres voies d’accès courantes aux contenus pornographiques. Faute d’une réglementation suffisante de l’environnement en ligne, la diffusion de contenus pornographiques est facilitée par « le modèle du triple A »: à savoir le caractère accessible, abordable et anonyme d’internet. En outre, du fait de la quantité de nouveaux contenus téléchargés chaque minute, il s’avère pratiquement impossible de modérer la pornographie en ligne 
			(11) 
			Ibid..
8. Selon l’Office britannique des visas cinématographiques (British Board of Film Classification, BBFC), il y a « 1,4 million de raisons d’agir », autant que le nombre d’enfants qui visionnent chaque mois des contenus pornographiques au Royaume-Uni. La plupart des enfants déclarent être tombés dessus par hasard sans se douter qu’ils allaient être exposés à de tels contenus. Par ailleurs, la majeure partie des parents sont favorables à l’introduction d’une vérification de l’âge pour ces sites web et une majorité d’enfants souhaiteraient être protégés des contenus en ligne destinés aux adultes 
			(12) 
			<a href='https://www.bbfc.co.uk/'>www.bbfc.co.uk</a>.. En France, plus de 82 % des adolescents ont vu des contenus pornographiques. À l’âge de 12 ans, 1 enfant sur 3 a vu de la pornographie. Le smartphone est le support le plus utilisé par les jeunes pour regarder des vidéos pornographiques, et les deux tiers des enfants de moins de 12 ans en possèdent un 
			(13) 
			<a href='https://www.open-asso.org/dossiers/prevention-exposition-pornographie/'>www.open-asso.org/dossiers/prevention-exposition-pornographie/</a>.. Pour faire face à cette situation préoccupante, le Gouvernement français a lancé la campagne intitulée « Je protège mon enfant de la pornographie », qui comprend un clip de sensibilisation 
			(14) 
			<a href='https://www.youtube.com/watch?v=uIfi-34EBEw&t=10s'>www.youtube.com/watch?v=uIfi-34EBEw&t=10s</a>. et une plateforme d’information en ligne à destination des parents, proposant des conseils et des ressources utiles 
			(15) 
			<a href='https://jeprotegemonenfant.gouv.fr/'>https://jeprotegemonenfant.gouv.fr/</a>..
9. La question de l’exposition des enfants aux contenus pornographiques doit être examinée dans le contexte plus large de la sexualisation de la culture populaire 
			(16) 
			Cette
question a été soulevée dans les rapports de l’Assemblée: Doc. 14080
«Lutter contre l’hypersexualisation des enfants» et Doc. 15109 «Lutte
contre la violence sexuelle à l'égard des enfants: renforcer l'action
et la coopération en Europe».. Aujourd’hui, les enfants sont inondés d’images sexuelles explicites à la télévision ainsi que dans les films, les publicités, les clips vidéo, les livres et les mangas, les magazines et les jeux. Les limites de ce qui est considéré comme acceptable ne cessent d’être repoussées et les opinions sur la manière de traiter ce problème sont très clivées. Certains magazines pour adolescents présentent le travail sexuel comme étant un emploi comme un autre 
			(17) 
			<a href='https://eu.usatoday.com/story/opinion/2019/06/20/teen-vogue-sex-trafficking-work-minors-column/1502109001/'>https://eu.usatoday.com/story/opinion/2019/06/20/teen-vogue-sex-trafficking-work-minors-column/1502109001/</a>. et des médias traditionnels dépeignent la pornographie comme une source de revenus très lucrative et socialement acceptable 
			(18) 
			<a href='https://www.bbc.co.uk/bbcthree/article/5e7dad06-c48d-4509-b3e4-6a7a2783ce30'>www.bbc.co.uk/bbcthree/article/5e7dad06-c48d-4509-b3e4-6a7a2783ce30</a>..
10. Dans le contexte de la pandémie de covid-19, le temps d’écran a augmenté, l’encadrement a diminué et beaucoup d’enfants en quête de réconfort ont fini par accéder à des contenus sexuellement explicites et les partager. Le site web PornHub a fait état d’une augmentation d’environ 24 % en 2020 du nombre de visionnages de matériel pornographique. Si la plupart des personnes qui regardent ces contenus sont des adultes, il y a aussi des enfants parmi elles. L’âge moyen de la première exposition à la pornographie étant de 11 ans, les parents sont de plus en plus inquiets et ont besoin de recommandations claires et concrètes 
			(19) 
			<a href='https://www.standardmedia.co.ke/sunday-magazine/article/2001399001/dont-panic-what-to-do-if-your-child-is-exposed-to-online-porn'>www.standardmedia.co.ke/sunday-magazine/article/2001399001/dont-panic-what-to-do-if-your-child-is-exposed-to-online-porn</a>.. Comme pour de nombreux autres fléaux sociaux, la pandémie a mis à nu des problèmes qui existaient auparavant.

4. Effets de l’exposition à des contenus pornographiques sur le bien-être des enfants

11. Comme le signalent régulièrement les experts, nous vivons une situation inédite. Les enfants n’ont jamais été exposés à autant de contenus pornographiques qu’aujourd’hui. L’impact de cette expérience n’a pas encore été pleinement observé et analysé. Pourtant, cette problématique est de plus en plus évoquée dans les médias traditionnels, et abordée par des personnalités publiques et des célébrités. « Les parents sont fortement encouragés à parler de la pornographie en ligne à leurs enfants dès l’âge de neuf ans », titre un article du site internet du journal britannique The Guardian 
			(20) 
			<a href='https://www.theguardian.com/society/2021/dec/16/parents-urged-talk-children-young-as-nine-online-porn'>www.theguardian.com/society/2021/dec/16/parents-urged-talk-children-young-as-nine-online-porn.</a>. Billie Eilish, une chanteuse pop américaine, a récemment déclaré que le fait d’avoir été exposée à la pornographie dès l’âge de 11 ans avait « détruit » son cerveau et lui avait valu de faire des cauchemars 
			(21) 
			<a href='https://www.thetimes.co.uk/article/watching-pornography-destroyed-my-brain-says-pop-star-billie-eilish-6mx0823zj'>www.thetimes.co.uk/article/watching-pornography-destroyed-my-brain-says-pop-star-billie-eilish-6mx0823zj</a>; <a href=''>www.youtube.com/watch?v=wSF82AwSDiU</a>. De plus, un corpus substantiel de preuves scientifiques sur les conséquences d’une telle exposition est en train de voir le jour.
12. Selon de récentes études, le cerveau d’un enfant est plus vulnérable aux effets de l’exposition à des contenus pornographiques en ligne que celui d’un adulte, car les neurones « miroirs » incitent fortement les enfants, dont le cortex préfrontal est immature, à faire preuve de mimétisme 
			(22) 
			<a href='https://www.defendyoungminds.com/post/top-two-reasons-why-childrens-brains-are-vulnerable-to-pornography?share=email'>www.defendyoungminds.com/post/top-two-reasons-why-childrens-brains-are-vulnerable-to-pornography?share=email</a>.. Une exposition précoce peut conduire à un trouble du comportement sexuel compulsif ou trouble hypersexuel, caractérisé par une tendance persistante à ne pas pouvoir contrôler des pulsions sexuelles intenses, ainsi que par des fantasmes sexuels obsessionnels excessifs, générant une souffrance et ayant des répercussions négatives sur la santé et les relations de la personne concernée. Au fil du temps, ces troubles peuvent provoquer une addiction, le développement de relations et de comportements physiques anormaux, voire une altération du fonctionnement général du cerveau 
			(23) 
			Fondation Reward, (juin
2020), «<a href='https://rewardfoundation.org/wp-content/uploads/2020/11/Age-Verification-Conference-Report-17-November-2020.pdf'>Age
Verification XXX» Rapport de conférence.</a>. En 2020, plusieurs neuroscientifiques et cliniciens de renommée mondiale ont publié un article dans lequel ils indiquent que l’utilisation problématique de la pornographie peut être diagnostiquée comme un trouble de la dépendance et entrer dans la catégorie des « autres troubles spécifiés dus à des comportements addictifs » de la Classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé 
			(24) 
			Pour de plus amples
informations: <a href='https://akjournals.com/view/journals/2006/aop/article-10.1556-2006.2020.00035/article-10.1556-2006.2020.00035.xml'>https://akjournals.com/view/journals/2006/aop/article-10.1556-2006.2020.00035/article-10.1556-2006.2020.00035.xml</a>..
13. La phobie sociale, la dépression et la perte de mémoire sont autant de conséquences identifiées d’une exposition précoce à la pornographie. Le visionnage de contenus pornographiques conduisant à une certaine désensibilisation, les dysfonctions érectiles constituent un problème non négligeable qui touche de plus en plus les jeunes hommes. Si nombre d’entre eux sont traités pour ces troubles, notamment via l’administration de médicaments, ils sont rarement interrogés sur leurs addictions en ligne ou sur les causes profondes de leur mal-être mental et physique. Cependant, ceux qui ont essayé de s’abstenir de consommer des contenus sexuellement stimulants ont fait état de changements étonnants, allant d’une amélioration de la concentration et de l’humeur à une capacité accrue à vivre des relations intimes et à des niveaux de performance intellectuelle nettement plus élevés 
			(25) 
			Wilson, G, (2014), Your Brain on Porn: Internet Pornography and
the Emerging Science of Addiction, Commonwealth Publishing..
14. Dans bien des cas, l’exposition à la pornographie à un jeune âge va de pair avec la construction de stéréotypes sexistes nuisibles, en particulier pour les garçons, qui ont tendance à voir les filles comme des objets à utiliser pour leur plaisir ou bien comme des partenaires passives et soumises 
			(26) 
			Malamuth, N.M., T.
Addison, and M. Koss, «Pornography and sexual aggression: are there
reliable effects and can we understand them?», Annual Review of Sexual Research Journal,
11, 2000, pp. 26–91., mais peut aussi donner lieu à une certaine auto-objectification chez les filles, qui sont susceptibles de s’identifier à une figure féminine pornographique stéréotypée et de percevoir leur valeur personnelle principalement en termes d’attrait sexuel. De même, la pornographie en ligne peut avoir un impact négatif sur l’image de soi des garçons en les comparant aux acteurs de films pornographiques et à leurs attributs sexuels 
			(27) 
			Behun, R.J. et Owens,
E.W. (2020), Youth and Internet Pornography (Les
jeunes et la pornographie sur Internet), Routledge, chapitre 5..
15. La fréquence de la recherche de contenus pornographiques sur internet diffère en fonction du genre, les garçons étant plus enclins que les filles à rechercher délibérément ce type de contenu. La réaction à l’exposition varie elle-aussi en fonction du genre. Les filles sont en général plus choquées et malmenées par ce type d’exposition, tandis que les garçons, en particulier les adolescents, voient dans ces contenus une source d’amusement ou d’excitation 
			(28) 
			<a href='https://aifs.gov.au/publications/effects-pornography-children-and-young-people-snapshot'>https://aifs.gov.au/publications/effects-pornography-children-and-young-people-snapshot; </a>Mitchell, K., Finkelhor, D., & Wolak, J. (2003), The exposure of youth to unwanted sexual material
on the Internet: a national survey of risk, impact, and prevention,
Youth & Society 34:330–358. Par ailleurs, les filles ont plus tendance à avoir honte de leur corps ou sont davantage exposées au risque d’être contraintes d’accomplir des actes sexuels.
16. Lorsqu’on les interroge, la plupart des jeunes s’accordent à dire que le fait de regarder des contenus pornographiques en ligne nuit à leur santé et à leurs relations sexuelles 
			(29) 
			«<a href='https://rewardfoundation.org/wp-content/uploads/2020/11/Age-Verification-Conference-Report-17-November-2020.pdf'>Age
Verification XXX», op. cit.</a>. Par ailleurs, il semble y avoir un fossé croissant entre les attentes des garçons et des filles en termes de relations, ce qui entraîne des frustrations et un certain ressentiment de part et d’autre.
17. Lorsque la pornographie est la source principale de l’éducation sexuelle d’un jeune, le risque existe que cette personne adopte des pratiques sexuelles extrêmes ou à risques et en vienne à justifier la violence à l’égard des femmes. Les jeunes qui sont exposés à la pornographie violente sont six fois plus susceptibles d’avoir des comportements sexuels agressifs que ceux qui ont vu de la pornographie non-violente ou n’ont pas vu de pornographie du tout 
			(30) 
			Ibid..
18. L’exposition à la pornographie en ligne prédispose les enfants à avoir des relations sexuelles précoces et à subir des abus sexuels. J’ai été frappé par une scène du film français « Polisse » 
			(31) 
			<a href='https://www.imdb.com/title/tt1661420/'>www.imdb.com/title/tt1661420/</a>., dans laquelle une adolescente raconte à un agent de la brigade de protection des mineurs qu’elle a été obligée d’accorder des faveurs sexuelles pour récupérer son smartphone dérobé. Les policiers, déconcertés, tentent de faire comprendre à la jeune fille qu’elle ne doit pas monnayer sa dignité de cette manière, ce à quoi elle rétorque: « Oui, mais c’était un téléphone cher ». Bien que ce film soit une œuvre de fiction, il en dit long sur nos sociétés et sur les attitudes que nous façonnons en nous montrant incapables de traiter ce problème.
19. Les enfants en situation de vulnérabilité sont plus susceptibles que d’autres d’être victimes d’abus sexuels, de tomber sur du matériel pornographique, voire de le rechercher. Insuffisamment encadrés et conseillés par leurs parents ou les personnes qui en ont la charge, ils passent généralement plus de temps sur internet, ce qui augmente la probabilité d’être exposé à des contenus pornographiques et de se livrer à des pratiques à risque. Les enfants issus d’un milieu familial difficile et présentant des comorbidités sous-jacentes, comme la toxicomanie, l’alcoolisme, la dépression ou les troubles anxieux, sont particulièrement vulnérables à cet égard.

5. Moyens et dispositifs luttant contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques

20. Il est incontestablement très complexe de réglementer les entreprises du secteur informatique et de l’internet, et l’on ne saurait nier qu’il existe une grande variété de situations dans lesquelles les enfants peuvent se trouver exposés à du matériel pornographique. De surcroît, la réticence à légiférer en la matière est souvent liée aux principes de neutralité du Net, de liberté d’expression et de protection de la vie privée 
			(32) 
			<a href='https://www.theguardian.com/media/2022/feb/13/plans-for-age-checks-on-porn-sites-a-privacy-minefield-campaigners-warn'>www.theguardian.com/media/2022/feb/13/plans-for-age-checks-on-porn-sites-a-privacy-minefield-campaigners-warn</a>.. Plusieurs solutions sont déjà toutefois mises en œuvre et peuvent être développées davantage et encouragées. Un large éventail d’outils technologiques a été mis au point pour lutter contre l’exposition des enfants à la pornographie, notamment des techniques de filtrage, basées soit sur l’image (détection de la peau) soit sur le texte (mots-clés liés à un contenu pour adultes), et des procédures de vérification de l’âge.

5.1. Logiciels de contrôle parental et de blocage sur les ordinateurs publics

21. Les États à travers le monde ont eu du mal à suivre le développement rapide de l’espace numérique au cours des dernières décennies et ont renoncé dans une large mesure à leur mission de réglementation de l’accès des enfants aux contenus pornographiques. Ce sont en premier lieu les particuliers, comme les parents et les personnes en charge des enfants, qui s’occupent du contrôle des activités en ligne de leurs enfants.
22. Le contrôle parental est un aspect essentiel des stratégies de réduction des risques. Les parents et les personnes ayant la charge des enfants qui veulent empêcher ces derniers d’avoir accès à des sites web nuisibles, à des fenêtres publicitaires intempestives ou à des courriers électroniques contenant des images ou des vidéos de nature sexuelle lorsqu’ils sont à la maison peuvent utiliser un logiciel de filtrage ou de blocage.
23. L’utilisation de ce type de logiciel sur des ordinateurs publics à partir desquels des enfants peuvent être exposés involontairement à de telles images est plus discutable, eu égard à certaines considérations liées à la liberté d’expression. Il devrait néanmoins être possible d’envisager la mise en place de contrôles plus stricts sur les ordinateurs publics et les appareils mobiles auxquels les enfants ont accès.
24. Malgré la mise à disposition de solutions techniques, il apparaît de plus en plus clairement que les parents et les personnes s’occupant des enfants ne s’acquittent pas correctement de cette tâche. La plupart des parents ne mettent pas de filtres en place et 80 % des parents qui installent un logiciel de contrôle parental ne l’activent jamais, d’autant qu’ils n’ont pas forcément les compétences numériques requises. En outre, les enfants ont tendance à mieux connaître la technologie que leurs parents et ont accès à des appareils non équipés d’outil de contrôle parental. De plus, il arrive fréquemment que les parents n’aient pas conscience du type de contenus auxquels leurs enfants ont accès (qui peuvent être explicites, violents, ou dégradants), ou qu’ils perçoivent la consommation de pornographie comme un rite de passage obligé à l’adolescence.
25. Dans le même temps, des études montrent que même les parents qui avaient donné des raisons spécifiques de ne pas adopter le contrôle parental déclarent qu’ils l’envisageraient s’il était plus facile à utiliser. En effet, les parents toléreraient des répercussions sur leur propre utilisation des technologies de l'information et de la communication pour mieux protéger leurs enfants. Ils estiment que l’amélioration des outils devrait également s’accompagner d’activités de sensibilisation, notamment la diffusion d’informations dans les écoles, la délivrance de formations sur le lieu de travail et l’organisation de campagnes publicitaires publiques. Parallèlement à l’utilisation accrue des contrôles techniques, les parents soulignent la nécessité de maintenir un dialogue ouvert et constructif avec leurs enfants sur l’utilisation de l’internet, notamment les contenus pour adultes 
			(33) 
			<a href='https://www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0030/59637/annex_1.pdf'>www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0030/59637/annex_1.pdf</a>..
26. En France, le 2 mars 2022, le Président de la République a promulgué la loi n° 2022-300 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet. Elle prévoit l’obligation pour les fabricants d’appareils connectés d’installer un logiciel de contrôle parental et de proposer son activation gratuite lors de la première mise à jour 
			(34) 
			<a href='https://www.vie-publique.fr/loi/283359-loi-studer-controle-parental-sur-internet-par-defaut'>www.vie-publique.fr/loi/283359-loi-studer-controle-parental-sur-internet-par-defaut</a>.. Seraient concernés les smartphones, les ordinateurs, les tablettes, les consoles de jeux vidéo et autres objets connectés (tels que les téléviseurs, les montres et les enceintes). La loi introduit des sanctions en cas de non-respect de cette obligation, prévoit des listes « noires » et « blanches » de sites web ou d’applications, et vise à garantir une norme minimale commune à tous les fabricants 
			(35) 
			<a href='https://leclaireur.fnac.com/article/63903-la-proposition-de-loi-sur-le-controle-parental-adoptee-par-lassemblee-nationale/'>https://leclaireur.fnac.com/article/63903-la-proposition-de-loi-sur-le-controle-parental-adoptee-par-lassemblee-nationale/</a>..

5.2. Vérification de l’âge

27. Bien que les contrôles parentaux aient assurément un rôle à jouer, les parents et les personnes en charge des enfants ne doivent pas être tenus seuls responsables de la protection de ces derniers contre l’exposition à la pornographie. Dans le monde réel, nous trouverions également curieux que les parents d’un enfant qui entre dans un magasin pour acheter des bonbons l’accompagnent pour s’assurer qu’il n’achète pas un magazine vidéo pour adultes. Les vendeurs du magasin ont aussi une responsabilité. Il apparaît donc nécessaire d’adopter des règles et des règlements et de les faire appliquer. En définitive, c’est à l’État d’assumer sa responsabilité et de prendre des mesures plus fermes, malgré la complexité de la tâche. La mise en place d’un système efficace de vérification de l’âge est l’une des solutions envisagées pour l’avenir.
28. Les personnes qui affirment qu’il est acceptable que les enfants soient exposés à la pornographie sont très peu nombreuses. Elles ne peuvent ni citer ni faire référence à une étude scientifique spécifique. Les éditeurs de matériel pornographique eux-mêmes reconnaissent que leurs produits ne sont pas destinés aux enfants. Cependant, l’absence d’obligations légales s’appliquant de la même manière à tous les éditeurs de ce type de matériel n’incite pas ces derniers à appliquer des contrôles ou des restrictions d’accès, d’autant que les dispositions actuelles leur fournissent des incitations financières pour qu’il n’y ait aucun contrôle. La mise en place d’une vérification obligatoire de l’âge est un moyen d’obliger les éditeurs de pornographie à tenir parole.
29. D’après les experts, il est utile de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit l’élaboration des mesures de vérification de l’âge. Au Royaume-Uni, par exemple, les enfants ont commencé à utiliser des smartphones dans les années 2001-2002, mettant ainsi à mal les possibilités de surveillance des parents. Les enfants avaient également commencé à utiliser des cartes de débit pour jouer et parier. La dépendance des mineurs aux jeux d’argent est en augmentation. L’absence de solutions techniques permettant de vérifier l’âge des joueurs a exacerbé le problème. En 2003, les autorités ont passé en revue toutes les formes de jeux d’argent. Le nouveau projet de loi sur les jeux d’argent a rendu obligatoire la vérification de l’âge. Le Royaume-Uni est ainsi devenu le premier pays à appliquer ce type de contrôle en ligne. Pour pouvoir obtenir une licence, chaque société de jeux en ligne a été contrainte de mettre en place des mécanismes efficaces de vérification de l’âge. La nouvelle loi a créé un nouveau marché et la technologie est devenue plus complexe au fil du temps. L’expérience britannique peut et devrait être mise à profit en ce qui concerne la pornographie.
30. Les prestataires de services de vérification de l’âge ont recours à divers moyens technologiques. Souvent, une méthode d’identification visuelle, comme un passeport ou une carte d’identité, est mise en œuvre. Les pièces d’identité comportant une photo de leur détenteur s’avèrent utiles, dans la mesure où un grand nombre de ces prestataires utilisent des solutions biométriques de reconnaissance faciale. La pièce d’identité est scannée et authentifiée, et les entreprises s’efforcent de vérifier que les documents fournis par les clients sont réels et que la même personne est en possession du document.
31. Certains fournisseurs proposent également un service d’« estimation de l’âge » grâce à intelligence artificielle, basé sur la biométrie faciale. Il s’agit d’un réseau neuronal qui a été entraîné à reconnaître un visage âgé de 18 ans à partir de plusieurs milliers de photos complétées par le mois et l’année de naissance. Le système qui voit un nouveau visage effectue une analyse des pixels et estime l’âge, avec une précision d’environ 1,5 an pour les 13-24 ans. Ce service se révèle utile lorsque des adultes souhaitant confirmer leur âge ne sont en possession d’aucune pièce d’identité officielle. Il n’y a pas de reconnaissance unique d’un individu et l’image est instantanément effacée. L’estimation de l’âge est également utile pour les jeunes qui ne disposent d’aucun document d’identité officiel. Une marge d’erreur peut être demandée par le régulateur lorsque l’âge est proche de l’âge d’intérêt. Il peut exiger, par exemple, que les personnes aient plus de 21 ans pour un âge d’intérêt de 18 ans 
			(36) 
			Des explications utiles
sur les services d’estimation de l'âge peuvent être trouvées dans
une courte vidéo intitulée «<a href='https://www.youtube.com/watch?v=6KCUO2vln3M'>BeInTouch
on Yoti' s Age Estimation AI</a>», conçue selon les directives de l’UNICEF pour expliquer
l'intelligence artificielle aux jeunes et dans un livre blanc, <a href='https://www.yoti.com/blog/yoti-age-white-paper/'>«Yoti
Age Estimation White Paper»</a>..
32. Une autre option consiste à se servir d’un « portefeuille d’identité numérique » réutilisable. Voici ce qu’une personne peut être invitée à faire: utiliser son numéro de téléphone pour télécharger une application sur le site du fournisseur, créer un code PIN, scanner son visage (afin que personne d’autre ne puisse utiliser la carte d’identité à sa place) et scanner son document d’identité. Cette opération prend généralement moins de cinq minutes et la société de vérification de l’âge procède ensuite aux contrôles nécessaires. L’application est généralement gratuite. Lorsque seul un critère de majorité est requis (pour s’assurer par exemple, qu’une personne a plus de 18 ans), seul cet attribut peut être transféré à la société de contenu, ce qui permet d’être en conformité avec les obligations en matière de minimisation des données (qui consiste à n’utiliser qu’une quantité minimale de données à caractère personnel, nécessaire pour atteindre un objectif spécifique).
33. À ce jour, de nombreux fournisseurs de solutions technologiques sont devenus membres de l’Age Verification Providers Association (AVPA). L’adhésion à cette organisation à but non lucratif est ouverte aux entreprises indépendantes proposant des services de vérification de l’âge, qui sont tenues de se conformer au code de conduite de l’AVPA. Ce code énonce des normes importantes en matière de respect de la vie privée, de fourniture de méthodes de vérification de l’âge adaptées, d’exactitude, d’indépendance et de responsabilité 
			(37) 
			«<a href='https://rewardfoundation.org/wp-content/uploads/2020/11/Age-Verification-Conference-Report-17-November-2020.pdf'>Age
Verification XXX», op. cit.</a>. Un organisme d’évaluation de la conformité baptisé Age Check Certification Scheme a été mis en place pour s’assurer du bon fonctionnement des systèmes de vérification de l’âge. Il dispose d’une équipe de jeunes gens bien réels, qui utilisent de fausses dates de naissance, produisent de faux documents et entrent de faux renseignements pour tenter de tromper les systèmes. Une méthode de vérification de l’âge ne peut être efficace que si elle est testée et éprouvée. En ce qui concerne l’estimation de l’âge en tant que service, l’élément clé réside dans le fait que l’image est instantanément supprimée et en aucun cas conservée. Ce procédé est également employé en tant qu’indicateur de consentement parental discret afin de prouver qu’un adulte est lui-même en âge d’être parent, de la même manière que l’utilisation d’une carte de crédit 
			(38) 
			Ibid..
34. En 2020, le Parlement français a adopté une loi instaurant l’introduction d’un système national de vérification de l’âge pour les sites pornographiques. La loi en question laisse aux sites la liberté de décider de la manière de procéder à cette vérification. L’une des mesures les plus prisées semble être de demander aux utilisateurs de saisir un numéro de carte de crédit 
			(39) 
			<a href='https://arstechnica.com/tech-policy/2020/07/french-parliament-passes-porn-age-verification-legislation/'>https://arstechnica.com/tech-policy/2020/07/french-parliament-passes-porn-age-verification-legislation/.</a>. Pour sa part, la législation allemande dispose que les fournisseurs de contenus extrêmes, notamment violents ou pornographiques, ont le choix entre différentes options, dont la vérification de l’âge, pour s’assurer de leur conformité avec la loi 
			(40) 
			La Commission
allemande pour la protection des mineurs dans les médias dresse
une liste de plus de 80 méthodes de vérification de l’âge qu’elle
a examinées et approuvées. Pour de plus amples informations, voir: <a href='https://www.kjm-online.de/aufsicht/technischer-jugendmedienschutz/unzulaessige-angebote/altersverifikationssysteme'>www.kjm-online.de/aufsicht/technischer-jugendmedienschutz/unzulaessige-angebote/altersverifikationssysteme.</a>. Une action répressive est également menée et vise les sites internet établis dans l’Union européenne en dehors de l’Allemagne 
			(41) 
			<a href='https://verifymyage.co.uk/blog/german-age-verification-law/'>https://verifymyage.co.uk/blog/german-age-verification-law/.</a>. Les associations allemandes de protection de la jeunesse peuvent demander aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer les portails de contenus pornographiques qui ne vérifient pas l’âge de leurs utilisateurs. En juin 2020, la Commission chargée de la protection de la jeunesse dans le domaine des médias a décidé de bloquer plusieurs sites pornographiques, ce qui a donné lieu, en septembre 2020, à la formation de recours contre cette mesure. Il a fallu plus d’un an aux juges administratifs pour traiter les plaintes dans le cadre de procédures accélérées 
			(42) 
			<a href='https://www.spiegel.de/netzwelt/web/landesmedienanstalt-kann-porno-portale-blocken-lassen-a-f07c9d0e-8d24-422e-82b7-21fc4159e3c6'>www.spiegel.de/netzwelt/web/landesmedienanstalt-kann-porno-portale-blocken-lassen-a-f07c9d0e-8d24-422e-82b7-21fc4159e3c6</a>..
35. Au Royaume-Uni, le gouvernement a promulgué la loi sur l’économie numérique de 2017. Les défenseurs des enfants et les organisations caritatives ont salué cette réalisation, la qualifiante d’étape importante pour faire du Royaume-Uni l’endroit le plus sûr du monde pour les enfants où naviguer en ligne. Le British Board of Film Classification a également élaboré une méthode de certification de l’âge avec la société de cybersécurité NCC Group. Certains fournisseurs de services de vérification de l’âge ont fait l’objet d’un contrôle fondé sur ce dispositif et ont été jugés prêts. Cependant, face à une élection imminente, le gouvernement a demandé au dernier moment l’arrêt de sa mise en œuvre, faisant valoir qu’il convenait d’inclure la restriction de l’accès aux sites pornographiques dans un ensemble plus large de mesures visant également à intégrer les médias sociaux dans son champ d’application. Les organisations de défense des enfants ont vivement critiqué ce report. Par ailleurs, l’Open Rights Group a été établi en vue de protéger les droits numériques des citoyens britanniques, notamment en matière de vie privée et de liberté d’expression. Ses membres s’inquiétaient des risques en termes de respect de la vie privée liés aux projets de vérification de l’âge des sites web pornographiques destinés aux adultes, proposés dans la loi sur l’économie numérique de 2017. Tout en affirmant que les enfants doivent être protégés contre l’exposition à des contenus préjudiciables tels que la pornographie, le groupe a soutenu que le système de vérification de l’âge proposé par le Royaume-Uni était imparfait et engendrerait d’autres problèmes. Les règles de confidentialité étaient inscrites dans un code de pratique qui faisait uniquement office de guide et n’avait pas de valeur juridique. Les sites pornographiques moins scrupuleux feraient fi du code, créant ainsi des systèmes susceptibles d’exposer leurs clients à des risques de chantage ou à des situations embarrassantes. De plus, le coût lié à la mise en œuvre d’un dispositif de vérification de l’âge favoriserait immanquablement les entreprises les plus riches au détriment des plus pauvres, renforçant ainsi le poids des grands acteurs établis. Un projet de loi sur la sécurité en ligne doit être examiné en mars 2022, son adoption étant espérée d’ici la fin de l’année. Autrement dit, cinq ans pourraient s’écouler avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la pornographie.
36. Comme l’ont souligné les fournisseurs de contenus réservés aux adultes, l’intégration d’une procédure de vérification de l’âge n’est pas une tâche aisée. Cependant, au cours des dernières années, de nombreuses méthodes ont évolué, et les fournisseurs de services de vérification de l’âge indiquent que l’intégration peut être réalisée en moins de 2 heures. Bien que les innovations se poursuivent, cette technologie n’est plus quelque chose de très nouveau. Si le secteur des jeux d’argent fait appel à des transactions financières, la situation est totalement différente lorsqu’il est question de contenus destinés à des adultes, dans la mesure où les personnes concernées ont coutume de garder l’anonymat et estiment que leur navigation sur des sites pour adultes est un sujet extrêmement sensible. Pour assurer un niveau de protection des enfants supérieur à celui qui est actuellement en place avec la surveillance et les contrôles parentaux, et prévenir la création de nouveaux problèmes, il convient d’établir des règles du jeu équitables pour tous les sites hébergeant des contenus s’adressant à des adultes, qu’il s’agisse de sites spécialisés dans ce domaine ou de sites grand public incluant des contenus réservés aux adultes. Le manquement aux règles ne doit pas profiter, et il faut au contraire encourager leur respect afin d’éviter aux internautes les risques bien réels auxquels ils s’exposent en se rendant sur des sites dont les normes de sécurité ou de conformité des contenus sont faibles voire inexistantes. Il convient aussi d’associer les moteurs de recherche en ligne afin d’empêcher la promotion de sites non conformes. La loi doit être « musclée » et mise en application très rapidement. La confidentialité et l’intégrité des données des usagers sont primordiales et doivent être protégées efficacement. Les fournisseurs de mécanismes de vérification de l’âge doivent être agréés et soigneusement contrôlés 
			(43) 
			La Commission allemande
pour la protection des mineurs dans les médias et l’Association
allemande pour l’autorégulation volontaire des fournisseurs de services
de médias numériques ont une grande expérience dont les autres États
membres pourraient s’inspirer à cet égard., et il faut faire preuve de souplesse quant à la façon dont les systèmes de vérification de l’âge sont utilisés. Ces dispositifs doivent être financièrement abordables et capables de s’adapter à de grands volumes. Enfin, il y a lieu de mener une action éducative d’envergure à l’intention des parents et des personnes qui ont la charge d’enfants sur les outils déjà disponibles, mais aussi à l’intention du public dans son ensemble, en ce qui concerne la confiance dans les systèmes de vérification de l’âge et la confidentialité des données.
37. Pour éviter les conflits d’intérêts et offrir un niveau de protection supplémentaire, la vérification de l’âge doit être effectuée de manière indépendante par des tiers dûment approuvés et réglementés 
			(44) 
			Des informations utiles
sont disponibles en ligne, par exemple sur le site de <a href='https://avpassociation.com/av-clients/providers/'>l’AVPA
(Age Verification Providers Association)</a>, qui a déjà été mentionné au paragraphe 33 du présent
rapport.. Des services très divers commencent à être commercialisés. La poursuite du développement vers un marché bien portant de la vérification de l’âge doit être encouragée. Par ailleurs, la technologie devrait faciliter la navigation des internautes sur le Web. On peut espérer que d’ici quelques années, il sera communément admis que les utilisateurs doivent prouver qu’ils ont l’âge requis pour accéder aux contenus et services proposés par tous les sites internet. La définition de normes, d’une réglementation et d’une certification internationales, devrait accompagner un tel changement.
38. Enfin, les régulateurs devraient contrôler les sites de contenu pour adultes utilisant la technologie de vérification de l’âge, afin d’évaluer si les méthodes qu’ils utilisent sont efficaces. Par exemple, la BBC a réalisé un documentaire intitulé Nudes4sale, dans lequel elle a constaté, à l’aide d’une technologie d’estimation de l’âge facial, que plus de 32 % des personnes qui avaient consulté un jour donné un site internet interdit aux moins de 18 ans avaient moins de 17 ans. Il peut être nécessaire de coordonner l’utilisation de ce type de contrôle entre les juridictions afin de partager les ressources. Au Royaume-Uni, la loi sur l’économie numérique prévoit une obligation légale de coopération imposant aux sociétés de traitement des paiements de bloquer les paiements et aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer certaines adresses URL, ce qu’elles font déjà depuis de nombreuses années pour les contenus montrant des violences sur enfants. Mastercard, en particulier, a été très favorable à cette initiative. Toujours au Royaume-Uni, les régulateurs examinent actuellement la manière dont les avatars (illustrations graphiques personnalisées qui représentent un utilisateur d’ordinateur) peuvent procéder à des achats tests (pratique qui vise à garantir la conformité des entités commerciales avec la réglementation sur les restrictions d’âge). L’idée poursuivie est d’automatiser ce processus et d’éviter les problèmes éthiques liés aux achats tests effectués par de jeunes mineurs.
39. Les mesures de vérification de l’âge, si elles sont nécessaires, peuvent néanmoins affecter la capacité des utilisateurs à rester anonymes en ligne et porter ainsi atteinte au respect du droit à la vie privée. L’article 8 de la Convention relative aux droits de l’enfant énonce que les enfants ont le droit de préserver leur identité, tandis que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (ETS n° 5) dispose qu’ils ont droit au respect de la vie privée et familiale. L’anonymat en ligne peut protéger les enfants contre les cybercriminels ou les messages commerciaux envahissants, mais il peut aussi compliquer la tâche des autorités chargées de faire respecter la loi pour détecter et prévenir les infractions 
			(45) 
			UNICEF
(2017), «Children’s rights and business in a digital world», discussion
paper series, 13 f.. Il est donc essentiel de veiller à ce que les outils de vérification de l’âge soient créés de manière à garantir un niveau maximal de protection de la vie privée, tout en permettant une action efficace contre les activités criminelles.

5.3. Éducation et sensibilisation

40. Les écoles devraient jouer un rôle plus important dans la lutte contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques. Les programmes efficaces d’éducation et de sensibilisation devraient être soutenus de manière systématique. Certains de mes collègues de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable ont fait part de leur crainte que le fait d’aborder le sujet de la pornographie à l’école ne suscite l’intérêt d’enfants qui, sans cela, n’auraient pas l’idée d’accéder à des sites proposant des contenus réservés aux adultes. C’est certainement un argument valable. Cependant d’après les experts, l’ampleur actuelle de l’exposition des enfants à la pornographie l’emporte sur les risques susmentionnés. Qui plus est, la sexualité fait partie de la nature humaine, et la découverte sexuelle commence le plus souvent dans l’enfance. La tenue dans le cadre de la classe de discussions adaptées à l’âge et à la sensibilité affective, animées par des enseignants bien formés, est certainement préférable à une exposition brutale à des contenus non contrôlés (les images les plus choquantes étant celles qui attirent souvent le plus l’attention du public) 
			(46) 
			L’article 6 de la Convention
de Lanzarote prévoit que: «Chaque Partie prend les mesures législatives
ou autres nécessaires pour que les enfants reçoivent, au cours de
la scolarité primaire et secondaire, des informations sur les risques
d’exploitation et d’abus sexuels, ainsi que sur les moyens de se
protéger, adaptées à leur stade de développement. Cette information,
dispensée, le cas échéant, en association avec les parents, s’inscrit
dans une information plus générale sur la sexualité et porte une
attention particulière aux situations à risque, notamment celles résultant
de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et
de la communication.» 
			(46) 
			Le Comité de Lanzarote, dans
son 2ème rapport de mise en œuvre du
premier cycle de suivi sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels commis dans le cercle de confiance, a recommandé
aux Parties qui ne le font pas encore de: «veiller à ce que les
informations dispensées aux enfants dans le cadre de l’enseignement
primaire et secondaire traitent spécifiquement de la question des
abus sexuels commis dans le cercle de confiance ; s’attacher davantage
à adapter les informations communiquées aux enfants à leur stade
de développement, de sorte qu’elles correspondent à leur âge ; dispenser
des informations sur les risques d’exploitation et d’abus sexuels
dans le cadre général de l’éducation sexuelle ; associer davantage
les parents (et les adultes exerçant l’autorité parentale) à la communication
d’informations aux enfants sur les abus sexuels, y compris dans
le cercle de confiance.» Bien que centrées sur le thème de la violence
sexuelle, ces recommandations peuvent servir de base pour déterminer
le contexte dans lequel l’éducation à la sexualité doit être enseignée
aux enfants. 
			(46) 
			En 2020, la Commissaire aux droits de
l’homme du Conseil de l’Europe a publié, dans le Carnet des droits
de l’homme, un article intitulé «<a href='https://www.coe.int/en/web/commissioner/blog/-/asset_publisher/xZ32OPEoxOkq/content/comprehensive-sexuality-education-protects-children-and-helps-build-a-safer-inclusive-society?p_r_p_564233524_tags=blog-2010&'>Une
éducation sexuelle complète protège les enfants et contribue à rendre
la société plus sûre et inclusive</a>», qui fournit des orientations utiles sur ce sujet..
41. Une éducation à la sexualité adaptée à l’âge et complète devrait figurer dans les programmes scolaires. Les professionnels de l’éducation devraient recevoir une formation appropriée pour qu’une communication ouverte puisse s’instaurer avec les enfants, sur la base des principes de respect de la dignité humaine et de l’égalité entre hommes et femmes, et en faisant appel à l’esprit critique 
			(47) 
			Projet «Reality &
Risk: Pornography, young people and sexuality», 2016.. Nous devrions être confiants dans le fait que les jeunes, même à un âge précoce, peuvent réfléchir aux messages véhiculés par les contenus à caractère sexuel et comprendre les différences entre les relations dans la vie réelle et la « fiction » de la pornographie 
			(48) 
			«Identifying the Routes
by which Children View Pornography Online: Implications for Future
Policy-makers Seeking to Limit Viewing» – report of expert panel
for the UK Department of Culture, Media and Sport, Dr Victoria Nash,
Oxford Internet Institute, University of Oxford, 2015.. De nombreux experts européens considèrent également que des programmes d’éducation adaptés sont un moyen de prévenir la violence entre enfants, que ce soit sous la forme d’une violence entre pairs ou d’une violence dirigée contre des enfants plus jeunes. Une éducation à la sexualité complète et adaptée à l’âge permettra une intervention précoce en cas de « comportement sexuel préjudiciable » envers autrui (dans un continuum allant du comportement normal au comportement violent) 
			(49) 
			Voir
le continuum des comportements sexuels décrit par Simon Hackett,
accessible via le site 2019 <a href='https://learning.nspcc.org.uk/media/1657/harmful-sexual-behaviour-framework.pdf'>Harmful
sexual behaviour framework</a> de la National Society for the Prevention of Cruelty
to Children (Royaume-Uni)..
42. Pour l’heure, l’éducation à la sexualité, lorsqu’elle est dispensée dans les établissements scolaires, est souvent insuffisante. Beaucoup d’enseignants sont peu armés pour aborder ce sujet sensible. Les jeunes jugent les cours désuets et estiment qu’ils ne reflètent pas leur vie et ne leur donnent pas les outils nécessaires pour naviguer dans le monde hypersexualisé d’aujourd’hui. Les professionnels chargés d’enseigner à la génération suivante ce que sont l’amour et le sexe, le consentement, les abus et les pratiques illégales, doivent être pleinement soutenus. En outre, tous les pays ne sont pas encore parvenus à un consensus social sur les rôles que les écoles et les familles devraient respectivement jouer dans ce domaine, ce qui suscite des débats controversés tant dans la sphère politique que dans la sphère publique. Face à un vide créé par la société, de nombreux enfants se tourneront vers des informations librement accessibles sur les réseaux numériques, dont le contenu est au cœur même du présent rapport.
43. Nous devons nous attacher non seulement à mettre en œuvre des stratégies de réduction des risques, mais aussi à accompagner les parents, et les personnes qui ont la charge d’enfants, dans l’éducation de leurs enfants à des relations sûres et respectueuses tant en ligne que dans leur vie quotidienne. Il s’agit notamment de sensibiliser à la sécurité sur internet, de créer des possibilités de formation et de proposer l’intervention de psychologues, de travailleurs sociaux, et d’autres spécialistes dans ce domaine.
44. Il faut en outre encourager activement une éducation parentale positive, car l’éducation sous la contrainte induit souvent des comportements de recherche de réconfort, notamment un temps d’écran excessif et l’utilisation de contenus pornographiques 
			(50) 
			Ybarra M.L. et Mitchell
K.J., «Exposure to internet pornography among children and adolescents:
A national survey», Cyberpsychology and
Behavior Journal, 8, 2005, pp. 473-486.. Plus généralement, la qualité des relations parents-enfants ou personnes en charge-enfants est un facteur important dans la probabilité de l’exposition à la pornographie. Les enfants qui ont un lien affectif médiocre avec leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux sont deux fois plus susceptibles que les autres de rechercher du matériel sexuellement explicite en ligne. Les politiques sociales, y compris les politiques de l’emploi, doivent donner aux parents et aux autres personnes en charge des enfants les moyens de passer du temps avec eux et les y encourager.
45. L’American College of Paediatricians demande instamment aux professionnels de santé de sensibiliser les patients et leurs familles aux risques liés à la consommation de pornographie et de proposer des ressources permettant à la fois de protéger les enfants contre le visionnage de tels contenus et de traiter les personnes souffrant de ses effets négatifs 
			(51) 
			<a href='https://acpeds.org/assets/The-Impact-of-Pornography-on-Children.pdf'>https://acpeds.org/assets/The-Impact-of-Pornography-on-Children.pdf</a>..

6. Coopération internationale

46. Des progrès notables ont été accomplis ces dernières décennies dans le domaine de la protection des enfants contre les abus sexuels. La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201, Convention de Lanzarote) a été ratifiée par l’ensemble des États membres du Conseil, ainsi que par la Tunisie, ce qui en fait l’un des instruments juridiques du Conseil de l’Europe le plus ratifié. La recommandation CM/Rec(2018)7 du Comité des Ministres sur les « Lignes directrices relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique » a été adoptée en 2018. Avec son Manuel pour les décideurs politiques, elle sert de référence, non seulement aux gouvernements nationaux, aux ONG et aux universitaires, mais aussi, de plus en plus, au secteur privé, qui interagit régulièrement avec le Conseil de l’Europe dans le cadre des nouvelles activités du « partenariat numérique » 
			(52) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/freedom-expression/digital-partnership'>www.coe.int/en/web/freedom-expression/digital-partnership.</a>.
47. La Commission européenne finance actuellement un consortium composé d’experts universitaires spécialisés dans les droits de l’enfant et le respect de la vie privée, et de fournisseurs de technologies, qui a pour objectif de mettre en service les extensions de l’infrastructure eIDAS 
			(53) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=celex:32014R0910'>Règlement
(UE) N°910/2014 sur l’identification électronique et les services
de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché
intérieur</a> (règlement eIDAS). requises pour donner corps à sa vision d’un système paneuropéen, ouvert, sécurisé et certifié de vérification de l’âge et de consentement parental interopérable, pour accéder aux services de la société de l’information 
			(54) 
			<a href='https://euconsent.eu/'>https://euconsent.eu/</a>.. Le consortium euCONSENT est censé mettre sa technologie à l’essai au début de l’année 2022, pour un lancement prévu d’ici l’été de la même année. Il entend garantir à tous les fournisseurs de services une application égale sur la base de normes claires, ainsi que le respect de la vie privée des utilisateurs et de leur sécurité.

7. Vue d’ensemble: la rentabilité de l’industrie pornographique face à l’intérêt général

48. Pour élaborer des stratégies efficaces de lutte contre l’exposition des enfants à la pornographie, il nous faut examiner le modèle économique de ce marché. Apparemment, les deux secteurs les plus lucratifs sont les services par abonnement et la publicité (relative principalement à des services liés à la pornographie). Ces deux secteurs se nourrissent souvent l’un de l’autre 
			(55) 
			<a href='https://fightthenewdrug.org/how-free-porn-industry-growing-in-fast-paced-digitized/'>https://fightthenewdrug.org/how-free-porn-industry-growing-in-fast-paced-digitized/</a>.. Le fait de visionner des contenus pornographiques crée vraisemblablement une demande en matière d’achat d’accessoires sexuels, de services par abonnement et de chirurgie esthétique des organes génitaux. Une dépendance précoce des enfants à la pornographie se traduit par une augmentation des profits futurs. Si l’accès illimité des enfants à la pornographie engendre un problème important de dysfonctions érectiles chez les jeunes hommes, la demande de Viagra ne fera que croître.
49. Même s’il est impossible d’évaluer avec précision le poids économique de l’industrie de la pornographie, elle figure clairement parmi les secteurs commerciaux les plus rentables, avec des estimations allant de 6 à 97 milliards de dollars par an. Le secteur fait preuve d’une grande capacité d’adaptation. Ses entreprises conçoivent de nouveaux modèles économiques autour de l’octroi de licences, des cours éducatifs, des webcams en direct, de la production participative, de l’organisation d’événements et du commerce. Il dispose de ses propres publications commerciales, événements, agents de talents et lobbyistes, et peut exercer une influence sur les législateurs. Les entreprises pornographiques sont les premiers adeptes de nombreuses fonctionnalités technologiques, telles que les transactions par carte de crédit numérique, la messagerie instantanée, la diffusion de fichiers vidéo en continu (streaming) et la réalité virtuelle. Beaucoup d’autres entreprises dont les secteurs d’activité n’ont apparemment rien à avoir avec le sexe profitent aussi indirectement de la pornographie. C’est le cas, par exemple, de certains opérateurs de téléphonie, fournisseurs de télévision par satellite et chaînes hôtelières. La pornographie est également une source importante de recettes fiscales 
			(56) 
			<a href='https://qz.com/1309527/porn-could-have-a-bigger-economic-influence-on-the-us-than-netflix/'>https://qz.com/1309527/porn-could-have-a-bigger-economic-influence-on-the-us-than-netflix/</a>.. L’industrie de la pornographie est de toute évidence un géant, qui déploie ses « tentacules » dans de nombreuses sphères de la vie publique et privée.
50. Le poids social et économique de la consommation de masse de pornographie est encore plus difficile à évaluer que les profits engrangés par ce secteur. La honte, la stigmatisation, la complicité de la société et les puissants intérêts en jeu qui le caractérisent contribuent également à son opacité. En soumettant cette question à un débat public et à un examen parlementaire plus rigoureux, nous faisons un premier pas dans la bonne direction.

8. Conclusions et recommandations

51. L’exposition des enfants à des contenus pornographiques nuit à leur développement personnel. Elle est nuisible à l’avenir de nos sociétés. Les États membres du Conseil de l’Europe doivent agir avec plus de détermination pour protéger les enfants contre l’exposition à des contenus pornographiques. Bien qu’il n’y ait pas de solution facile, plusieurs solutions ont été retenues et sont en cours de mise en œuvre.
52. Des progrès importants ont été réalisés en ce qui concerne les technologies de vérification de l’âge. Elles peuvent être sûres, conviviales et fiables. Toutefois, le succès de leur introduction passe par des investissements financiers massifs, le soutien d’une législation pertinente et une mise en application impartiale et systématique. En outre, il est essentiel de veiller à ce que les régulateurs créent des conditions de concurrence équitables lorsqu’ils imposent des obligations en matière de vérification de l’âge, tant en ce qui concerne les fournisseurs spécialisés de matériel pornographique que les plateformes grand public qui proposent des contenus pour adultes. Sinon, il ne sera pas possible de demander aux sites web eux-mêmes de coopérer à la mise en œuvre des dispositifs de vérification. Or il est de loin préférable d’obtenir leur coopération que de les contraindre à se conformer.
53. L’ampleur actuelle de l’exposition des enfants à la pornographie appelle des réponses proportionnées. Il est crucial d’élaborer des méthodes d’application qui puissent être utilisées à grande échelle, plutôt que de recourir à de nombreuses ordonnances judiciaires pour régler les litiges.
54. En ce qui concerne la difficulté de faire appliquer la loi de manière extraterritoriale, les experts proposent de se pencher sur les services de soutien dans le pays en question, qui permettent aux utilisateurs d’accéder à des contenus destinés aux adultes. Il faudrait accorder davantage d’attention au rôle que les institutions financières, les banques, les opérateurs de télécommunications, les fournisseurs d’accès à internet et d’URL, les organisations sportives, les acteurs du secteur des voyages et du tourisme et les organisations non gouvernementales peuvent jouer dans l’amélioration des politiques stratégiques de protection de l’enfance dans ce domaine. Il importe, à cet égard, de renforcer le dialogue et la coopération avec ces parties prenantes, en s’appuyant sur les connaissances techniques pertinentes et les enseignements tirés de l’expérience. En revanche, des sanctions importantes sont nécessaires pour décourager la non-conformité. Ces sanctions devraient être inscrites dans la législation et appliquées de façon cohérente dans la pratique.
55. Les dispositifs de contrôle parental et de blocage des publicités peuvent être d’une aide précieuse. Ces contrôles de sécurité devraient être installés par défaut sur tous les appareils concernés, et être faciles d’utilisation. Ils doivent être suffisamment efficaces pour empêcher l’accès à des contenus destinés aux adultes sur les appareils utilisés par les enfants.
56. L’éducation a un rôle essentiel à jouer s’agissant de dispenser une éducation à la sexualité adaptée à l’âge et complète, qui prépare les enfants à avoir des relations sexuelles saines fondées sur le respect, l’attention et l’amour, tout en tenant compte de leur âge et de leur degré de maturité. Même si la sexualité est un aspect important de l’existence humaine, les enfants ne devraient pas être poussés ou forcés à la découvrir. Dans le même temps, ils devraient avoir accès à des informations appropriées, proposées dans des environnements sûrs et en bénéficiant de l’aide de professionnels dûment formés, plutôt que de chercher à s’informer sur internet, où les contenus les plus scandaleux et choquants suscitent généralement le plus d’attention et gagnent ainsi en visibilité.
57. L’élaboration de normes internationales sur la protection des enfants contre les abus sexuels a enregistré des progrès considérables au cours des dernières décennies. Cependant, les instruments nationaux et internationaux existants ne semblent pas offrir une protection suffisante aux enfants contre l’exposition aux contenus pornographiques. De nombreux textes et lignes directrices ont été élaborés et rédigés à une époque où internet, les réseaux sociaux et les technologies de l’information et de la communication n’en étaient qu’à leurs débuts et où les contenus sexuellement explicites n’étaient pas aussi étroitement liés à la présence d’un environnement numérique aisément accessible. Nous devons faire en sorte de disposer de normes et de lignes directrices à jour répondant aux besoins actuels de protection des enfants dans ce domaine.
58. Enfin, nous devons nous efforcer de renforcer les défenses de nos sociétés face à la course aux profits. Les contenus pour adultes constituent un commerce extrêmement lucratif. Le fait d’avoir aujourd’hui la possibilité de produire, de partager et de consommer des volumes illimités de ce type de contenu ne signifie pas pour autant que nous devrions le faire. Même si « le sexe fait vendre », chaque publicité ou programme de divertissement ne doit pas nécessairement contenir des images à connotation sexuelle. Nous devons déterminer le lieu et le moment appropriés pour diffuser des contenus destinés aux adultes.
59. Mais surtout, les stratégies de lutte contre l’exposition des enfants à la pornographie doivent être cohérentes et complètes. Pour garantir leur efficacité, nous devons tenir compte de la capacité de l’industrie de la pornographie à générer des profits colossaux et à influer sur d’autres sphères de la vie. Tant dans le cadre de mes travaux de recherche documentaire qu’à l’occasion de mes contacts avec des experts, j’ai pris connaissance de cas où des lois ont été rédigées, mais n’ont pas été adoptées ou, si elles ont été adoptées, n’ont jamais été appliquées. J’ai aussi rencontré des exemples d’enquêtes de police bloquées en raison d’un flou juridique, ou de solutions techniques qui ont été mises au point, mais n’ont jamais été pleinement appliquées, parce qu’elles n’étaient pas suffisamment conviviales, étaient aisément contournables ou tout simplement inadaptées. Que ce soit par manque de volonté politique, sous la pression de puissants lobbies, ou encore par résignation face à un phénomène perçu comme ingérable et inévitable – nous sommes pour l’heure incapables de résoudre collectivement ce problème. La principale conclusion à tirer du présent rapport est sans doute que la lutte contre l’exposition des enfants à la pornographie ne doit pas être confiée à un groupe de personnes et d’associations concernées. Elle doit devenir une priorité pour l’ensemble de la société, les médias devant se comporter de manière responsable et les gouvernements devant rendre compte des mesures prises pour répondre à ce problème.