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Rapport | Doc. 15500 | 11 avril 2022

Comment faire bon usage des avoirs confisqués d’origine criminelle?

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. André VALLINI, France, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14841, Renvoi 4443 du 12 avril 2019. 2022 - Deuxième partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme considère que l’impact de la confiscation des avoirs illicites sur la lutte contre le crime organisé et la corruption est davantage renforcé par le bon usage fait des avoirs financiers ou autres objets confisqués tels que des immeubles ou des véhicules, par leur utilisation pour le bien de la société («réutilisation sociale»). Celle-ci peut prendre la forme du financement de projets concrets visant à renforcer la capacité de l’État à lutter contre le crime organisé et à confisquer davantage d’avoirs illicites, ou à réparer les dégâts causés par les criminels à une population donnée, un quartier, une ville ou une région.

Sur la base de l’expérience de plusieurs pays, elle recommande des «bonnes pratiques» pour optimiser la réutilisation sociale des biens confisqués.

Dans les affaires de confiscation à caractère international, les États concernés doivent se mettre d’accord sur un partage équitable de ces fonds, prenant en compte le principe de leur réutilisation sociale et évitant le risque d’un nouveau détournement des fonds restitués.

La commission préconise également la réutilisation sociale, en faveur des réfugiés ukrainiens et des victimes des bombardements russes, des avoirs des oligarques russes frappés de sanctions suite à la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 4 avril 2022.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire réitère son plein et entier soutien à la lutte contre le crime organisé et la corruption. Celle-ci passe par la confiscation d’un maximum des gains illicites et autres avoirs d’origine criminelle. Dans ses Résolution 2218 (2018) et Résolution 2365 (2021), l’Assemblée préconisait la confiscation des avoirs illicites sans condamnation préalable et le renversement de la charge de la preuve, assortis des garanties adéquates, ainsi que le renforcement des cellules de renseignement financier.
2. L’Assemblée considère que l’impact de la confiscation des avoirs illicites sur la lutte contre le crime organisé et la corruption est davantage renforcé par le bon usage fait des avoirs financiers ou autres objets confisqués tels que des immeubles ou des véhicules, d’une manière qui soit avantageuse à la société dans son ensemble («réutilisation sociale»). Cela peut prendre la forme du financement de projets concrets visant à renforcer la capacité de l’État à lutter contre le crime organisé et à confisquer davantage d’avoirs illicites, ou à réparer les dégâts causés par les criminels à une population donnée, un quartier, une ville ou une région.
3. De tels projets, par rapport à la simple intégration des avoirs saisis au budget général de l’État, envoient le message clair et visible à tous que le crime ne paie pas et que la société est prête à se défendre et même à utiliser l’argent du crime pour lutter contre le crime et pour réparer les dégâts causés par le crime. De tels projets renforcent la résilience des communautés affectées contre le crime et la corruption en démontrant le bon usage qui peut être fait des objets et avoirs confisqués, contrastant avec la misère engendrée par le crime.
4. L’État doit se montrer plus fort que le crime et reconquérir le terrain occupé par les milieux criminels. Les autorités doivent s’engager de manière visible et dans la durée pour gagner la confiance des populations concernées qui ne doivent pas vivre dans la crainte de la vengeance des criminels.
5. Dans les affaires de confiscation d’avoirs à caractère international, les États dans lesquels les avoirs en question ont été confisqués et les États d’origine des fonds doivent se mettre d’accord sur un partage équitable de ces fonds. Ce partage devrait prendre en compte le principe de la réutilisation sociale des fonds d’origine criminelle (en évitant le risque d’un nouveau détournement des fonds restitués) et les ressources mobilisées pour assurer la confiscation.
6. L’Union européenne préconise également la réutilisation sociale des avoirs confisqués d’origine criminelle (règlement (UE) 2018/1805). Le considérant 47 de ce règlement indique que «les biens gelés et les biens confisqués pourraient être en priorité affectés à des projets en matière de répression et de prévention de la criminalité organisée ainsi qu'à d'autres projets d'intérêt général et d'utilité sociale».
7. Différentes formes de réutilisation sociale des avoirs confisqués d’origine criminelle sont déjà pratiquées dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe, notamment en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne, et de manière plus limitée, en Albanie, Estonie, France, Géorgie, Hongrie, Lettonie, République de Moldova, au Monténégro, en Norvège, Roumanie, Slovénie et en Turquie.
8. L’Assemblée note les bonnes pratiques suivantes:
8.1. la création d’une institution centrale au niveau national chargée de l’utilisation sociale des avoirs confisqués d’origine criminelle (avoirs financiers et objets meubles et immeubles) ayant les pouvoirs et les ressources nécessaires pour l’administration des biens en question et leur mise à disposition à des fins d’utilité sociale, en coopération avec les organismes locaux publics et non gouvernementaux;
8.2. l’utilisation prioritaire des fonds confisqués pour le dédommagement des victimes, directes et indirectes, selon une définition suffisamment large;
8.3. l’utilisation d’une partie des fonds et objets confisqués aux fins de l’augmentation de la capacité policière et judiciaire pour identifier, saisir et confisquer un maximum d’avoirs d’origine criminelle;
8.4. l’«utilisation directe» de biens confisqués à des fins publiques tels que la reconversion de villas de mafieux en centres socio-culturels, lieux de vacances pour personnes défavorisées, centres de réhabilitation de personnes dépendantes de drogues ou l’utilisation de voitures de luxe par les forces de l’ordre;
8.5. pour ce qui est des entreprises confisquées, la prise de toutes les mesures possibles, en coopération avec le patronat, les syndicats et les banques, pour aider les entreprises potentiellement viables à surmonter le «choc de légalité» (paiement d’impôts et de charges sociales, arrêt des financements par blanchiment de capitaux), pour éviter l’impression que «la mafia donne du travail, l’État licencie»;
8.6. l’évitement, autant que possible, dans le cas d’objets confisqués, de ventes publiques aux enchères, qui risquent d’ouvrir la voie à des pressions sur les acheteurs potentiels ou le rachat des objets par des hommes de paille des criminels eux-mêmes; dans les cas où une telle vente ou la reprise d’une entreprise confisquée est nécessaire, la vérification stricte de la fiabilité de l’acheteur ou repreneur;
8.7. la participation de la société civile tant dans le processus décisionnel que dans la conception et la gestion de projets de réutilisation sociale d’avoirs confisqués;
8.8. la mise en place de mesures de sauvegarde appropriées pour éviter des conflits d’intérêt possibles et assurer la transparence et la responsabilité pour l’usage fait des avoirs confisqués au même niveau que pour la gestion d’autres ressources publiques;
8.9. des rapports adressés à intervalles réguliers au parlement par les autorités compétentes;
8.10. l’actualisation régulière de la législation et de la pratique administrative pour contrer les stratégies d’évitement des groupes criminels de type mafieux.
9. L’Assemblée invite tous les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et les États dont le parlement bénéficie d’un statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée:
9.1. à introduire, ou à promouvoir davantage, la possibilité d’une réutilisation sociale des avoirs illicites confisqués;
9.2. à prendre en compte dans la préparation des textes y relatifs les bonnes pratiques constatées dans différents États membres susmentionnés;
9.3. en tant qu’État requis ayant confisqué des avoirs illicites provenant d’un État étranger requérant, à partager les fonds de manière équitable, prenant en compte le principe de la réutilisation sociale dans l’État requérant, mais aussi les ressources mobilisées pour la confiscation des avoirs et le risque d’un nouveau détournement des fonds dans l’État requérant;
9.4. en tant qu’État requérant la restitution de fonds confisqués par l’État requis, à fournir à ce dernier des assurances précises quant à la réutilisation sociale des fonds restitués;
9.5. à criminaliser, si ce n’est pas encore le cas, la corruption commise à l’étranger et prévoir, dans les textes y relatifs, la possibilité de faire usage des amendes infligées le cas échéant pour des projets de réutilisation sociale dans les pays victimes selon les mêmes principes que ceux qui s’appliquent aux avoirs confisqués d’origine criminelle.
9.6. concernant les avoirs des oligarques russes frappés de sanctions ciblées pour cause de leurs responsabilités dans la guerre d’agression lancée contre l’Ukraine par la Fédération de Russie:
9.6.1. à identifier et geler un maximum de ces avoirs, sans délai;
9.6.2. à prévoir l’usage des biens qui s’y prêtent, notamment des maisons et appartements, pour l’accueil de réfugiés ukrainiens;
9.6.3. à réfléchir à l’usage final qui pourra être fait de ces avoirs une fois qu’ils seront confisqués définitivement, en tenant compte de trois éléments: 1) ces avoirs ont été volés au peuple russe et devraient lui être rendus; 2) tant que le pouvoir russe actuel est en place, le risque d’un nouveau détournement de ces avoirs est élevé; 3) la Fédération de Russie sera tenue de dédommager l’Ukraine pour les dégâts causés par la guerre d’agression, ce qui ouvre la voie à l’utilisation de ces avoirs pour compenser une partie de cette dette financière de la Fédération de Russie envers l’Ukraine.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 4 avril 2022.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution... (2022) et réitère son soutien plein et entier à la lutte contre le crime organisé et la corruption, notamment par la confiscation systématique des avoirs d’origine illicite.
2. Elle rappelle ses travaux antérieurs visant à faciliter la confiscation des avoirs illicites par l’autorisation de leur confiscation sans condamnation préalable et par le renversement de la charge de la preuve, assortis de garanties adéquates (Résolution 2218 (2018)), ainsi que par le renforcement des cellules de renseignement financier et l’intensification de la coopération internationale (Résolution 2279 (2019) et Résolution 2365 (2021)).
3. Elle rappelle également les travaux importants dans ce sens accomplis par le Groupe d’États contre la Corruption (GRECO) et le Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) et souligne l’importance de la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE no 141) et de la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198).
4. Dans le prolongement de ces travaux, l’Assemblée invite le Comité des Ministres à considérer la préparation d’une recommandation aux États membres visant à promouvoir la réutilisation sociale des avoirs illicites confisqués.
5. Elle considère qu’une telle recommandation, basée sur une étude approfondie des bonnes pratiques déjà mises en œuvre dans plusieurs États membres, enverrait aux populations victimes des pratiques criminelles et corrompues, le signal fort que le crime ne paie pas et que l’État de droit est capable de les défendre, en utilisant l’argent du crime pour combattre le crime et réparer les dégâts causés par le crime.

C. Exposé des motifs par M. André Vallini, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Travaux antérieurs de l’Assemblée

1. Dans sa Résolution 2218 (2018) «Lutter contre le crime organisé en facilitant la confiscation des avoirs illicites», l’Assemblée parlementaire a invité tous les États membres à faciliter la confiscation des avoirs illicites, en autorisant leur confiscation sans condamnation préalable et en renversant la charge de la preuve quant à l’origine illicite des avoirs, tout en établissant des garanties adéquates.
2. Dans sa Résolution 2279 (2019) «Lessiveuses: nouveaux défis en matière de lutte contre le crime organisé et le blanchiment de capitaux – la nécessité d’intensifier la coopération internationale», l’Assemblée met en lumière les montants énormes des fonds illicites blanchis au moyen de certains dispositifs.
3. Enfin, dans sa Résolution 2365 (2021) «Nécessité de renforcer d’urgence les cellules de renseignement financier – Des outils plus efficaces requis pour améliorer la confiscation des avoirs illicites» l’Assemblée proposait des mesures concrètes pour renforcer les structures établies pour identifier, saisir et confisquer un maximum d’avoirs illicites.
4. Les auteurs d’une proposition de résolution sur les «Suites données à l’enquête sur la lessiveuse azerbaïdjanaise» proposaient que «les profits réalisés par la Danske Bank en se faisant l’instrument de la ‘lessiveuse’ soient transférés à la société civile azerbaïdjanaise aux fins de la lutte contre la corruption et de la promotion des droits de l’homme et de la démocratie en Azerbaïdjan».

1.2. Objet et objectifs du présent rapport

5. Pour éviter des dédoublements avec les résolutions adoptées précédemment et ne pas donner l’impression que seul un pays est concerné par les problèmes de grande corruption et de blanchiment de fonds, la commission n’a pas désigné de rapporteur pour la proposition mentionnée ci-dessus, dont elle avait d’abord été saisie pour rapport. Elle a en revanche demandé au Bureau d’être saisie pour rapport sur la question plus générale qui était encore restée sans réponse dans les rapports précités de Mart van de Ven (Pays-Bas, ADLE) et Sunna Ævarsdóttir (Islande, SOC). Le titre de cette nouvelle proposition de résolution introduite par la commission elle-même, qui est à la base de mon mandat de rapporteur, est «Comment faire bon usage des avoirs confisqués d’origine criminelle?» 
			(3) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?fileid=27480&lang=FR&search=MTQ4NDEg'>Document
14841</a>.. Elle a été renvoyée à la commission pour rapport et cette dernière m’a désigné rapporteur lors de sa réunion des 28-29 mai 2019.
6. Comme l'a souligné M. van de Ven dans l’exposé des motifs à la Résolution 2218 (2018), les énormes profits de la corruption et d'autres pratiques criminelles menacent nos démocraties et le contrat social sur lequel reposent nos sociétés et selon lequel les citoyens paient des impôts et des cotisations; en retour, l'État assure la sécurité et la protection sociale. Le pouvoir conféré aux criminels par les sommes colossales engrangées par eux et réinjectées dans l’économie par les différentes techniques de blanchiment met en péril le fonctionnement normal de nos démocraties et corrompt des secteurs entiers de nos économies.
7. La première étape pour briser le cycle criminel consiste à démanteler les pratiques criminelles en confisquant les avoirs criminels et à enlever ainsi l’énorme pouvoir financier aux entités criminelles qui leur permet de corrompre les forces de l’ordre, la justice et même la politique. Dans la mesure où, dans certaines sociétés, les pratiques criminelles s'infiltrent depuis des décennies, il est urgent de «restaurer la justice sociale» 
			(4) 
			Voir <a href='https://csd.bg/'>Center for the Study of Democracy</a> (CSD). CSD Brief No 33: «<a href='https://csd.bg/publications/publication/csd-brief-no-33-management-and-disposal-of-confiscated-criminal-assets/'>Management
and Disposal of Confiscated Criminal Assets</a>», Sofia, 2012 (en anglais seulement)..
8. Dans une deuxième étape, le contrat social rompu par les criminels doit être réaffirmé en mettant à profit les avoirs criminels confisqués pour indemniser les victimes et reconstruire les communautés détruites par la criminalité organisée et la corruption.
9. Plus précisément, le processus de recouvrement d'avoirs criminels peut être divisé en quatre phases 
			(5) 
			Voir Centre international
de recouvrement des avoirs (ICAR), «<a href='https://www.baselgovernance.org/publications/tracing-stolen-assets-practitioners-handbook'>Tracing
Stolen Assets: a practitioner’s Handbook</a>», Bâle, 2009<a href='https://www.baselgovernance.org/publications/tracing-stolen-assets-practitioners-handbook'></a> (en anglais seulement).:
  • la phase préalable à l'enquête ou à la collecte de renseignements, au cours de laquelle l'enquêteur vérifie la source de l'information qui a donné lieu à l'enquête et détermine son authenticité;
  • la phase de l'enquête elle-même, au cours de laquelle les produits de la criminalité localisés et identifiés au cours de la phase préalable et les preuves de propriété sont rassemblés dans le cadre de processus plus formels (par exemple enquêtes financières pour obtenir et analyser les dossiers bancaires); le succès des deux premières phases et donc le volume des saisies dépend de l’efficacité des «cellules de renseignement financier», dont le renforcement fait l’objet de la Résolution 2365 (2021);
  • la phase judiciaire, au cours de laquelle la décision de confiscation est arrêtée, si nécessaire au terme d’une procédure contradictoire dans laquelle le prévenu est sommé de justifier de l’acquisition légitime des avoirs saisis. Cette phase peut être rendue beaucoup plus efficace par l’adoption, recommandée par l’Assemblée dans sa Résolution 2218 (2018), du principe du renversement de la charge de la preuve concernant la légitimité de ces avoirs;
  • la phase d'aliénation, lorsque le bien confisqué est aliéné par l'État conformément à la loi (par exemple, pour une réutilisation socialement utile).
10. C’est bien cette dernière phase, la phase dite d’aliénation, qui fait l’objet du présent rapport. Les premières étapes – l’identification et la saisie des avoirs illicites et leur facilitation par le biais du renversement de la charge de la preuve et d’une coopération internationale plus efficace – sont couvertes par les rapports précités.
11. Mon objectif est de promouvoir, dans tous les États membres du Conseil de l’Europe, une utilisation la plus «socialement utile» possible des avoirs illicites confisqués. Il est important de montrer à la société que l'État intervient pour rétablir la justice et éliminer les modèles négatifs que les groupes criminels organisés et les individus corrompus peuvent créer. Il est important de démontrer que les biens confisqués sont restitués à ceux qui ont subi les effets négatifs directs de ces comportements antisociaux, à savoir les victimes individuelles identifiées, directes et indirectes, ainsi que la société dans son ensemble. La réutilisation des biens confisqués à des fins sociales favorise une attitude positive à l'égard des stratégies visant à lutter contre la criminalité organisée. La réutilisation sociale des biens confisqués donne aux communautés qui ont été touchées par la criminalité grave et organisée les moyens de mieux résister à ces crimes au niveau local. Elle a des effets positifs aussi parce qu'elle renforce la sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la criminalité grave et organisée au sein de la société civile, lui permettant de devenir plus autonome et plus participative dans ces domaines 
			(6) 
			Voir Institut de gouvernance
de Bâle, «The Need for New EU Legislation Allowing the Assets Confiscated
from Criminal Organisations to be Used for Civil Society and in
Particular for Social Purposes», 2012..
12. Pour mieux comprendre le sujet en question, il importe de clarifier le terme «réutilisation sociale». Au sens strict du terme, la réutilisation sociale exige que les produits du crime soient rendus ouvertement à la société. Elle transmet ainsi un message culturel important au public, qui promeut ce qu'on appelle la «lutte sociale» contre la criminalité organisée 
			(7) 
			Voir CSD, «<a href='https://csd.bg/publications/publication/disposal-of-confiscated-assets-in-the-eu-member-states-laws-and-practices/'>Disposal
of Confiscated Assets in the EU Member States: Laws and Practices</a>”, Sofia, 2014, p. 34 (en anglais seulement)..
13. Dans ce rapport, je résume d’abord les travaux déjà entrepris dans ce sens au sein de la communauté internationale, laquelle élabore depuis des années des mécanismes destinés à faciliter la confiscation des avoirs illicites et leur utilisation à des fins socialement utiles. La Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) de 2003, en particulier, comporte un chapitre consacré au recouvrement d’avoirs. Elle précise que «la restitution d’avoirs est un principe fondamental de la présente Convention». En 2007 a été lancée l’Initiative pour le recouvrement des avoirs volés (Stolen Asset Recovery Initiative, StAR), un partenariat établi entre la Banque mondiale et l’Office des Nations Unies contre la drogue (UNDOC) et le crime pour prévenir le blanchiment des produits de la corruption et faciliter la restitution plus systématique et en temps utile des avoirs volés. En décembre 2017, le Royaume-Uni et les États-Unis, avec l'appui de l’initiative StAR, ont organisé conjointement un Forum mondial sur le recouvrement d'avoirs (Global Forum on Asset Recovery, GFAR). Le GFAR a adopté les «Principes pour la disposition et le transfert des avoirs volés confisqués dans les affaires de corruption». 
			(8) 
			GFAR, <a href='https://star.worldbank.org/sites/star/files/the-gfar-principles.pdf'>«Principles
for Disposition and Transfer of Confiscated Stolen Assets in Corruption
Cases</a>», Washington DC, 2017 (en anglais seulement). Le forum de Washington a porté sur le recouvrement d'avoirs illicites à l'échelle mondiale. Les principes adoptés au niveau mondial mettent en lumière des défis communs en matière de recouvrement d’avoirs illicites tant au sein des États membres du Conseil de l’Europe que dans leurs relations entre eux.
14. Sur la base des contributions des experts lors de notre audition en janvier 2022 
			(9) 
			Mme Gretta
Fenner, Institut de gouvernance de Bâle, Directrice ICAR (Centre
international de recouvrement des avoirs), <a href='https://www.baselgovernance.org/about-us/people/gretta-fenner'>www.baselgovernance.org/about-us/people/gretta-fenner</a> (en anglais seulement); 
			(9) 
			M. Fabrice Rizzoli,
auteur de «La mafia de A à Z», cofondateur de Crim'HALT et défenseur
de la participation de la société civile à la lutte contre le crime
organisé, <a href='http://www.mafias.fr/mafias-le-blog/'>www.mafias.fr/mafias-le-blog/.</a> 
			(9) 
			Mme Barbara
Vettori, chercheuse à l'Université catholique de Milan et co-auteure
de «Cession d'actifs confisqués dans les États membres de l'UE:
lois et pratiques»; <a href='https://docenti.unicatt.it/ppd2/en/'>https://docenti.unicatt.it/ppd2/en/#/en/docenti/17086/barbara-vettori/profilo </a>(en italien seulement)., de l’analyse des réponses reçues au questionnaire envoyé aux services de documentation et de recherche parlementaires via le Centre européen de recherche et documentation parlementaire (CERDP) 
			(10) 
			Voir le résumé des
résultats de cette enquête en annexe. et de l’expérience italienne que j’ai eu le privilège d’étudier lors de ma visite d’information à Rome au mois de mars 2022, je m’emploie à faire des propositions concrètes pour que les avoirs criminels confisqués soient utilisés au mieux, pour réparer au moins une partie des dommages causés à la société par la criminalité organisée et la corruption. Pour commencer, je passerai en revue les mécanismes existants dans ce domaine et les différentes approches qui existent déjà dans certains États membres du Conseil de l'Europe. Je rappellerai ensuite les principes régissant la restitution des avoirs volés au niveau international et finirai par quelques conclusions et recommandations qui sont résumées dans les projets de résolution et de recommandation.

2. Réglementation actuelle au niveau international et propositions d’amélioration

15. Parmi les instruments juridiques pertinents actuellement en place figurent une Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE n° 198, Convention de Varsovie) ainsi que plusieurs instruments juridiques de l'Union européenne (UE) 
			(11) 
			Pour plus d’informations
voir: <a href='https://ec.europa.eu/info/law/cross-border-cases/judicial-cooperation/types-judicial-cooperation/confiscation-and-freezing-assets_fr'>https://ec.europa.eu/info/law/cross-border-cases/judicial-cooperation/types-judicial-cooperation/confiscation-and-freezing-assets_fr</a> (en anglais seulement).. La Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC), entrée en vigueur en 2005, est un instrument important à l'échelle mondiale 
			(12) 
			<a href='https://www.unodc.org/unodc/en/corruption/tools_and_publications/UN-convention-against-corruption.html'>United
Nations Convention against Corruption (UNCAC).</a>. Tous ces textes multilatéraux visent à harmoniser les lois de confiscation entre les États membres respectifs, à permettre la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation, et à faciliter l'échange d'informations entre les bureaux de recouvrement des avoirs des États parties.

2.1. Conseil de l’Europe

16. La Convention de Varsovie, entrée en vigueur le 1er mai 2008, est le premier traité international couvrant la prévention et le contrôle du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme 
			(13) 
			Voir résumé de la convention
n° 198: <a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/198'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/198.</a>.
17. La Convention de Varsovie vise à moderniser et à actualiser la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime de 1990 (STE n° 141). Le texte aborde le fait que l'accès rapide aux informations financières ou aux informations sur les avoirs détenus par des organisations criminelles, y compris des groupes terroristes, est la clé du succès des mesures préventives et répressives. La Convention de Varsovie vise donc à améliorer la coopération et l'assistance dans les enquêtes entre les États parties ainsi qu’à faciliter des mesures provisoires ou conservatoires 
			(14) 
			Par
exemple, <a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/090000168007bd2f'>articles
2 et 15.</a>.
18. La Convention de Varsovie soulève pour la première fois la question de l'indemnisation des victimes 
			(15) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/0900001680083733'>Article
25 § 2.</a>. La priorité a été donnée à la restitution des biens confisqués à l'État partie requérant, afin d'indemniser les victimes ou de restituer les biens au propriétaire légitime 
			(16) 
			<a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016800cb619'>Rapport
explicatif de la Convention relative au blanchiment, au dépistage,
à la saisie et à la confiscation des produits du crime, paragraphe
194</a>.. Outre la principale considération à l'origine de l'introduction du recouvrement des avoirs illicites – à savoir priver les entreprises criminelles de leurs ressources financières – la nécessité d'indemniser les victimes d'actes criminels est désormais prise en compte.
19. Toutefois, l'article 25, paragraphe 2, de la Convention de Varsovie prévoit simplement que les États parties doivent accorder une «considération prioritaire» à la restitution des biens confisqués aux victimes et ne prévoit donc aucune obligation d'indemnisation des victimes. La Convention de Varsovie ne mentionne pas non plus la possibilité d’une réutilisation sociale des avoirs confisqués, au-delà de l’indemnisation des victimes directes.
20. Une nouvelle initiative au niveau du Conseil de l'Europe pourrait donc être très utile pour promouvoir l'indemnisation des victimes et la réutilisation sociale et ouvrir ainsi la voie à des lignes directrices internationales contraignantes pour la réutilisation sociale des avoirs confisqués.

2.2. Union européenne

21. En 2018, le Parlement européen et le Conseil ont adopté un nouveau règlement sur la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation (règlement (UE) 2018/1805). Le règlement remplace les dispositions de la décision-cadre 2003/577/JAI en ce qui concerne le gel des biens et de la décision-cadre 2006/783/JAI à compter du 19 décembre 2020.
22. Le considérant 47 du nouveau règlement indique que «les biens gelés et les biens confisqués pourraient être en priorité affectés à des projets en matière de répression et de prévention de la criminalité organisée ainsi qu'à d'autres projets d'intérêt général et d'utilité sociale».
23. L'article 30 paragraphe 6.d, du règlement précité propose également que «les biens puissent être utilisés dans l'État d'exécution à des fins d'intérêt public ou à des fins sociales conformément à sa législation, sous réserve du consentement de l'État d'émission».
24. Le libellé du règlement (UE) 2018/1805 ne diffère pas sensiblement de celui de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au gel et à la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne. Ce dernier instrument propose que «les États membres envisagent de prendre des mesures permettant l'utilisation des biens confisqués à des fins d'intérêt public ou sociales» 
			(17) 
			Article 10 paragraphe
3 de la directive 2014/42/EU..
25. Même si la réutilisation sociale des biens confisqués est désormais abordée, elle n’est qu’une option parmi d’autres. Le cadre juridique de l'Union Européenne ne fixe pas de normes minimales obligatoires pour la disposition des avoirs confisqués dans les juridictions nationales des États membres.
26. Une étude approfondie sur la réutilisation des biens confisqués à des fins sociales a été demandée et publiée par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen en 2012. Cette étude souligne «qu'au niveau de l'UE, on n'a accordé qu'une attention limitée à la destination finale des avoirs confisqués et que, dans les États membres, l'utilisation des avoirs confisqués à des fins sociales n'est pas une pratique largement établie» 
			(18) 
			Voir <a href='https://www.baselgovernance.org/'>Institut
de gouvernance de Bâle</a>, «The Need for New EU Legislation Allowing the Assets
Confiscated from Criminal Organisations to be Used for Civil Society
and in Particular for Social Purposes», 2012, op. cit., p. 1, <a href='www.europarl.europa.eu/thinktank/fr/document.html?reference=IPOL-LIBE_NT%282012%29462437'>résumé exécutif
en français et étude en anglais.</a>.
27. Les auteurs de l’étude font les recommandations suivantes 
			(19) 
			Ibid., résumé exécutif,
page 5.:
  • l’élaboration d’une directive visant à établir des procédures cohérentes et transparentes au sein des États membres, exigeant la possibilité de réutiliser, à des fins sociales, les avoirs d’origine criminelle confisqués et exigeant que la société civile puisse faire des suggestions sur des projets spécifiques pertinents sur le plan social;
  • la création d’une base de données européenne de recouvrement des avoirs, rassemblant des statistiques sur la manière dont les avoirs confisqués ont été utilisés au niveau national;
  • la création d’un Fonds européen de recouvrement des avoirs illicites;
  • l’établissement d’un Bureau européen de recouvrement des avoirs.
28. Une autre étude importante financée par l’Union européenne intitulée «RECAST – Réutilisation des avoirs confisqués à des fins sociales: Vers des normes communes de l'Union européenne» distingue la réutilisation sociale des avoirs confisqués du transfert traditionnel des avoirs confisqués au budget de l'État. Un rapport faisant partie de cette étude 
			(20) 
			voir
CSD, «Disposal of Confiscated Assets in the EU Member States: Laws
and Practices», 2014, op. cit. (en anglais seulement). a montré que les États membres de l'Union Européenne utilisent des mécanismes très différents pour faire bon usage des avoirs criminels confisqués.
29. Selon cette étude, deux modèles de réutilisation sociale des biens confisqués existent actuellement dans l'Union européenne: d'une part une approche indirecte ou traditionnelle, selon laquelle les fonds confisqués sont transférés au budget de l'État ou au fonds d'indemnisation des victimes pour une utilisation ultérieure. D'autre part, l'approche de la réutilisation directe implique que, une fois que les actifs entrent dans la propriété de l'État, les fonds sont directement affectés à une réutilisation sociale ou institutionnelle.
30. Quand les biens confisqués se fondent dans le budget de l'État, ils sont bien sûr utilisés à des fins publiques, mais les citoyens ne peuvent pas faire le lien entre leur réutilisation publique ultérieure et l’origine criminelle des biens confisqués. Ce qui distingue la réutilisation sociale des avoirs confisqués du transfert traditionnel des avoirs criminels confisqués au budget de l'État est la visibilité des avoirs criminels confisqués pour les citoyens qui en bénéficient et pour toute la société 
			(21) 
			Ibid.
page 33.. L’importance de cette visibilité a d’ailleurs aussi été soulignée par tous les experts lors de notre audition en janvier 2022.
31. Cette étude de l’Union européenne présente aussi les différentes approches institutionnelles au sein des États membres, en distinguant trois modèles: l’approche centralisatrice avec une institution centrale spécialisée; l’approche centralisatrice gérée par une institution généraliste; et l’approche décentralisée. L’étude, dont une co-autrice était l’une de nos expertes à l’audition, Mme Vettori, préconise l’approche centralisée avec une institution spécialisée, dédiée à la gestion des avoirs confisqués et leur réutilisation sociale. Parmi les autres recommandations adressées aux États membres dans cette étude figure celle d’une participation de la société civile, tant dans le processus de décision de la réutilisation sociale des avoirs confisqués qu’en tant que bénéficiaire des biens en question.

2.3. La Convention des Nations Unies contre la corruption et l'Initiative StAR

32. La CNUCC a introduit un nouveau cadre pour faciliter le dépistage, le gel, la saisie, la confiscation et la restitution des avoirs volés par des pratiques de corruption et dissimulés dans des juridictions étrangères. La confiscation des avoirs obtenus par des activités criminelles est considérée comme un instrument essentiel de la lutte contre les organisations criminelles.
33. La CNUCC est l'instrument juridique le plus complet pour la coopération internationale en matière de recouvrement des avoirs volés. Elle comprend un chapitre spécifique (chapitre V) sur le recouvrement des avoirs illicites, qui vise à restituer les avoirs à leurs propriétaires légitimes, y compris les pays lésés par leurs propres dirigeants corrompus. L'article 51 de la Convention stipule que «la restitution des avoirs en application de ce chapitre est un principe fondamental de la présente Convention» et l'article 57 mentionne explicitement que les États parties doivent donner la priorité à «la restitution des biens à leurs propriétaires légitimes antérieurs ou à l'indemnisation des victimes du crime».
34. Bien que cette convention ait été considérée comme un grand pas dans la bonne direction, elle ne fait toujours pas explicitement référence à l'utilisation ultérieure des fonds confisqués. En fait, la convention ne mentionne en aucune façon la réutilisation des avoirs criminels confisqués pour des projets sociaux ou communautaires.
35. L'ONUDC et la Banque mondiale, qui ont lancé l'Initiative StAR, ont élaboré d'autres mesures en matière de confiscation et de recouvrement des avoirs. L'Initiative StAR soutient les efforts internationaux visant à mettre fin aux paradis fiscaux pour les fonds corrompus et offre des plateformes de dialogue et de collaboration. Elle facilite donc les contacts entre les différentes juridictions impliquées dans le recouvrement des avoirs illicites.
36. L’initiative StAR collabore avec des organisations mondiales, notamment la Conférence des États parties à la CNUCC, le G8, le G20 et le Groupe d'action financière internationale (Gafi), pour convaincre les décideurs et assurer la liaison avec eux.
37. Le rôle de la société civile dans le processus de recouvrement des avoirs illicites a fait l'objet d'un débat approfondi au GFAR. Les principes adoptés dans ce forum font suite aux travaux de l'ONUDC et à l'appel lancé dans le Programme d'action d'Addis-Abeba (AAAA) pour que la communauté internationale élabore de bonnes pratiques en matière de restitution des avoirs illicites confisqués.
38. Les principes du GFAR soulignent non seulement la nécessité d'une coopération internationale en matière de recouvrement transfrontière des avoirs illicites 
			(22) 
			GFAR, <a href='https://star.worldbank.org/sites/star/files/the-gfar-principles.pdf'>«Principes
relatifs à l'aliénation et au transfert des avoirs volés confisqués
en cas de corruption</a>», Washington DC, 2017, (en anglais seulement), Principes
1, 2, 3 et 8., mais mettent aussi un accent particulier sur la transparence et la responsabilité dans la restitution et la disposition des avoirs recouvrés 
			(23) 
			Ibid. GFAR Principe
4.. Les informations sur le transfert et l'administration des avoirs restitués devraient être rendues publiques et mises à la disposition des sociétés concernées. Afin de s'assurer que les criminels ne profitent pas davantage de leurs gains mal acquis, il est important de définir clairement les bénéficiaires du processus de recouvrement 
			(24) 
			Ibid.
GFAR Principe 5..
39. Enfin, et ce n'est pas le moins important, les principes du GFAR traitent de l'inclusion des parties prenantes non gouvernementales. Par conséquent, «la société civile, les organisations non gouvernementales et les organisations communautaires devraient être encouragées à participer au processus de restitution des avoirs, notamment en aidant à déterminer comment remédier aux dommages» 
			(25) 
			Ibid. GFAR Principe
6.. Il est également précisé que cette inclusion doit être prévue et autorisée par la loi, ce qui n'est le cas que dans quelques États membres du Conseil de l'Europe, comme indiqué ci-dessous.

3. Exemples de bonnes pratiques pour la réutilisation des avoirs confisqués dans des États membres du Conseil de l'Europe

40. Une majorité des États membres de l’Union européenne couverts par les deux études susmentionnées (paragraphes 21-31) n’ont pas, ou pas encore, adopté de règles pour permettre ou promouvoir la réutilisation sociale des avoirs illicites confisqués. Les réponses reçues à mon questionnaire adressé au CERDP confirment que c’est aussi le cas de la plupart des pays membres du Conseil de l’Europe qui ne font pas partie de l’Union européenne. Cependant, certains pays européens disposent de mécanismes bien développés pour réutiliser les biens confisqués à des fins sociales, ce qui pourrait être lié à leur longue histoire de lutte contre la criminalité organisée.

3.1. Italie

41. En Italie, divers projets liés à la bonne utilisation des biens confisqués (beni confiscati) sont actuellement en place 
			(26) 
			Certains sites web
donnent un très bon aperçu des projets, mais aussi des statistiques
et d'autres chiffres; malheureusement, la plupart des informations
ne sont disponibles qu'en langue italienne. Pour plus d'informations: <a href='https://www.confiscatibene.it/openregio/immobilidestinati'></a> 
			(26) 
			<a href='http://www.libera.it/'>www.confiscatibene.it/openregio/immobilidestinati.</a> 
			(26) 
			<a href='http://www.libera.it/'>www.libera.it/.</a> 
			(26) 
			<a href='https://www.liberaterra.it/it/'>www.liberaterra.it/it/.</a> 
			(26) 
			<a href='https://www.benisequestraticonfiscati.it/statistiche_4.html'>www.benisequestraticonfiscati.it/statistiche_4.html.</a>. L'idée de la réutilisation sociale des biens confisqués est apparue au milieu des années 90, lorsque la loi n° 109/1996 (LEGGE 7 marzo 1996, n. 109) a permis l'utilisation à des fins sociales des biens confisqués à la mafia. Cette législation a permis, par exemple, de transférer un bien confisqué – appartenant auparavant à un mafioso ou obtenu par la corruption – à une coopérative sociale 
			(27) 
			Voir Niccolò Mignemi,
Fabrice Rizzoli, FLARE France, “<a href='https://euroalter.com/wp-content/uploads/2014/06/Fabrice-Rizzoli-FR.pdf'>La
redistribution à des fins sociales des biens confisqués aux mafias
en Italie: de l’informel mafieux au formel citoyen</a>”, 2014..
42. L'organisme responsable de l'attribution des biens confisqués est l'Agence nationale pour l'administration et la destination des biens saisis et confisqués du crime organisé (Agenzia Nazionale per l'amministrazione e la destinazione dei beni sequestrati e confiscati alla criminalità, ANBSC), créée par le Décret loi n°4 du 4 février 2010 
			(28) 
			Transformée
en loi, avec des amendements, par la <a href='https://www.gazzettaufficiale.it/gunewsletter/dettaglio.jsp?service=1&datagu=2010-04-03&task=dettaglio&numgu=78&redaz=010G0073&tmstp=1271412944998'>loi
n° 50 du 31 mars 2010</a> et depuis mise en œuvre par le décret législatif n°
159 du 6 septembre 2011 (<a href='https://www.gazzettaufficiale.it/atto/serie_generale/caricaDettaglioAtto/originario?atto.dataPubblicazioneGazzetta=2011-09-28&atto.codiceRedazionale=011G0201&elenco30giorni=false'>Code
Anti-Mafia</a>).. Lors de ma visite d’information, j’ai pu m’entretenir longuement avec son directeur, le préfet Bruno Corda. Nombre de «bonnes pratiques» recommandées dans le projet de résolution sont le fruit de cette rencontre.
43. Quinze ans après l'adoption de la loi n° 109/1996, les effets sont visibles. Des maisons ayant appartenu à la mafia ont été transformées en commissariats de police, centres culturels ou d'apprentissage, centres de prise en charge des toxicomanes ou centres d'hébergement pour réfugiés et migrants 
			(29) 
			Voir Niccolò Mignemi,
Fabrice Rizzoli, FLARE France, 2014, <a href='https://euroalter.com/wp-content/uploads/2014/06/Fabrice-Rizzoli-FR.pdf'>op.
cit.</a>. Selon les chiffres de l’ANBSC (au 22 mars 2022), 33 098 immeubles ont été confisqués, dont 13 479 sont encore en gestion par la ANBSC et 19 616 ont été affectés définitivement (dont 8% à l’État et 92% aux régions et collectivités locales).
44. Lors de ma visite d’information à Rome, j’ai pu visiter un projet particulièrement impressionnant faisant partie du projet «Talento & Tenacia» de la région du Lazio et de la ville de Rome, d’ailleurs finaliste pour un concours de l’Union européenne. Un quartier entier avait été «colonisé» par un clan mafieux puissant. L’État a réussi à «reconquérir» ce territoire en faisant détruire une villa monstrueuse (construite sans permis) ensuite remplacée par un «parc de la légalité» avec infrastructures sportives, bibliothèques etc. D’autres villas dans ce quartier ayant appartenu au même clan ont été transformées en centre d’accueil pour jeunes en difficulté (y compris jeunes migrants non accompagnés), en centre social pour enfants autistes et en locaux pour diverses associations sociales et sportives. J’ai pu m’entretenir librement avec les militants associatifs et les jeunes concernés, qui apprécient évidemment ce beau lieu de vie et surtout, les habitants du quartier n’ont pas, ou plus, peur de la vengeance des mafieux. A l’évidence, l’État a gagné la confiance de la population locale en s’engageant dans la durée.
45. Un autre exemple célèbre est le projet Libera Terra 
			(30) 
			Voir <a href='http://www.ess-europe.eu/fr/bonnepratique/libera-terra-mediterraneo'>www.ess-europe.eu/fr/bonnepratique/libera-terra-mediterraneo.</a> qui a été créé dans le but de développer des territoires historiquement «difficiles». L'organisation s'occupe de la réhabilitation sociale et productive des biens confisqués à des groupes mafieux et notamment de terrains agricoles. Ce faisant, Libera Terra promeut le respect de l'environnement et de la dignité de ses travailleurs, ainsi que l'agriculture biologique.
46. Un autre exemple notable est le «Café de Paris» à Rome, qui appartenait à des familles criminelles de la ‘Ndrangheta de Calabre et qui a été confisqué en 2008. Le café a rouvert ses portes en novembre 2011 et est maintenant géré par l'ANBSC. Il vend des produits agricoles générés par l'organisation Libera Terra, sus-mentionnée.
47. Une telle «utilisation directe» des objets confisqués à la mafia a été jugée préférable à leur vente aux enchères publiques. Celles-ci créent le risque que les actifs finissent par être rachetés par les criminels eux-mêmes ou des hommes de paille. De plus, beaucoup d'acheteurs potentiels n'oseraient pas défier le pouvoir du syndicat du crime en achetant «leur» propriété 
			(31) 
			Voir Niccolò Mignemi,
Fabrice Rizzoli, FLARE France, 2014, <a href='https://euroalter.com/wp-content/uploads/2014/06/Fabrice-Rizzoli-FR.pdf'>op.cit.</a>.
48. Lors de ma visite d’information à Rome, j’ai aussi rencontré des personnalités clés du ministère de la Justice 
			(32) 
			Raffaele Piccirillo,
Capo di Gabinetto della Ministra della Giustizia; 
			(32) 
			Nicola
Selvaggi, Vice-Capo di Gabinetto della Ministra della Giustizia; 
			(32) 
			Francesco
Menditto, Procuratore della Repubblica di Tivoli e membro del Consiglio
Direttivo dell’Agenzia Nazionale per l’amministrazione e la destinazione
dei beni sequestrati e confiscati alla criminalità organizzata; 
			(32) 
			Margherita
Cardona Albini, Vice-Capo del Dipartimento per gli Affari di Giustizia,
Ministero della Giustizia; 
			(32) 
			Vincenzo Picciotti, Magistrato
addetto all’Ufficio Legislativo, Ministero della Giustizia; 
			(32) 
			Isabella
Confortini, Magistrato addetto alla Direzione Generale Affari Interni
del Dipartimento per gli Affari di Giustizia, Ministero della Giustizia; 
			(32) 
			Cristina
Lucchini, Magistrato addetto alla Direzione Generale Affari Internazionali
del Dipartimento per gli Affari di Giustizia, Ministero della Giustizia; 
			(32) 
			Federica
Fiorillo e Antonio Pastore, Magistrati addetti al Servizio Affari
Internazionali del Gabinetto della Ministra della Giustizia. qui m’ont expliqué le système italien de confiscation, qui comporte plusieurs étapes, et de la réutilisation sociale des biens confisqués. La législation et la pratique administrative doivent être adaptées régulièrement pour faire face à l’évolution des activités criminelles et pour profiter de l’expérience acquise au fil du temps. Le pourcentage des cas dans lesquels le bien saisi doit être rendu à l’intéressé à la fin de la procédure judiciaire est très bas (2-3%), d’où l’intérêt de faire bon usage des biens confisqués dès le début, même si dans de très rares cas les investissements nécessaires sont perdus ou l’intéressé doit être dédommagé. De nouvelles mesures de soutien aux collectivités locales sont en préparation, ainsi que l’amélioration du système de l’administration temporaire des entreprises confisquées en vue de les aider à surmonter le «choc de légalité» (voir paragraphe 67 ci-dessous). Un cas phare est celui du port d’Ostia, objet d’une saisie d’un volume de plus € 250 millions, qui doit bien entendu continuer à fonctionner.

3.2. Espagne

49. Le système espagnol ne prévoit la réutilisation sociale des biens confisqués que s'ils résultent d'infractions liées au trafic de drogue 
			(33) 
			Voir <a href='https://www.baselgovernance.org/'>Institut
de gouvernance de Bâle</a>, «The Need for New EU Legislation Allowing the Assets
Confiscated from Criminal Organisations to be Used for Civil Society
and in Particular for Social Purposes», 2012, p. 41, résumé exécutif
en francais et étude en anglais, <a href='http://www.europarl.europa.eu/thinktank/fr/document.html?reference=IPOL-LIBE_NT%282012%29462437'>op.cit.</a>. Le Fonds des biens confisqués (Fondo de bienes decomisados por tráfico ilícito de drogas y otros delitos relacionados 
			(34) 
			Pour plus d’informations
voir <a href='http://www.pnsd.mscbs.gob.es/en/delegacionGobiernoPNSD/fondoBienesDecomisados/home.htm'>www.pnsd.mscbs.gob.es/en/delegacionGobiernoPNSD/fondoBienesDecomisados/home.htm</a> (en espagnol seulement).) a été créé par la loi n° 17/2003. La loi prévoit la vente des avoirs provenant du trafic de stupéfiants et du blanchiment de l'argent provenant de ce trafic, ainsi que l'affectation des bénéfices de cette vente à un fonds public. Le fonds répartit ensuite l'argent entre les bénéficiaires. Conformément à l'article 3 de la loi, les bénéficiaires du fonds peuvent être les services de détection et de répression et les parquets chargés de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Parmi les autres bénéficiaires figurent des ONG et d’autres organisations à but non lucratif travaillant dans le domaine de l'abus de substances, les autorités et gouvernements régionaux et locaux, la délégation gouvernementale pour le Plan national antidrogue ou encore des organisations et institutions internationales 
			(35) 
			Voir
CSD, «<a href='https://csd.bg/publications/publication/disposal-of-confiscated-assets-in-the-eu-member-states-laws-and-practices/'>Disposal
of Confiscated Assets in the EU Member States: Laws and Practices</a>», 2014, op. cit., p.100 (en anglais seulement)..

3.3. Royaume-Uni/Écosse

50. Le Gouvernement écossais a mis en place un programme unique qui administre les fonds récupérés par le biais de la loi de 2002 sur les produits du crime et les investit dans des programmes, installations et activités communautaires pour les jeunes 
			(36) 
			«Cashback for Communities»,
voir le site web du gouvernement écossais: <a href='https://www2.gov.scot/cashback'>www2.gov.scot/cashback</a> (en anglais seulement)..
51. Depuis 2008, 110 millions de livres sterling ont été engagées en faveur d'initiatives communautaires et d'organisations partenaires dans les 32 collectivités locales d'Écosse. Les organisations qui font une demande de financement doivent avoir fait la preuve de leur capacité à offrir des activités et des opportunités aux jeunes, aux familles et aux collectivités les plus touchés par la criminalité 
			(37) 
			Voir <a href='https://cashbackforcommunities.org/about/'>https://cashbackforcommunities.org/about/</a> (en anglais seulement)..

3.4. France

52. Une loi de 2010 (loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010) vise à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale. Afin d'améliorer la gestion des avoirs confisqués, cette loi a également créé l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).
53. L'AGRASC assure à la fois la bonne gestion des avoirs confisqués et, une fois la décision finale prise, leur transmission au budget général de l'État ou, en cas de condamnation pour infraction en matière de drogue, à un fonds spécial, géré par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les conduites addictives (MILDECA). La MILDECA a été créée en 1982 en tant qu'organisme spécialisé chargé de coordonner l'action ministérielle dans la lutte contre la toxicomanie 
			(38) 
			Voir <a href='https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=6CB6B89EA896A0CDF7A69C5209760D2C.tpdjo11v_2?cidTexte=JORFTEXT000000886222&dateTexte=19820112&categorieLien=cid'>Décret
n°82-10 du 8 janvier 1982</a> portant création du comité interministériel de lutte
contre la toxicomanie et de la mission permanente de lutte contre
la toxicomanie.. Elle gère un fonds de concours, créé en 1995 
			(39) 
			Voir <a href='https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005618105'>Décret
n°95-322 du 17 mars 1995</a> autorisant le rattachement par voie de fonds de concours
du produit de cession des biens confisqués dans le cadre de la lutte
contre les produits stupéfiants.. Le fonds est alimenté par les avoirs criminels confisqués dans les affaires de drogue et est alloué aux services de lutte contre le trafic et aux actions de prévention. Les recettes du fonds sont allouées au ministère de l'Intérieur, au ministère de la Justice, au ministère des Finances et au ministère des Affaires sociales. 
			(40) 
			Voir la présentation
de MILDECA, <a href='https://www.drogues.gouv.fr/la-mildeca/qui-sommes-nous/la-mission'>www.drogues.gouv.fr/la-mildeca/qui-sommes-nous/la-mission.</a>
54. En 2016, un amendement à la loi sur l'égalité et la citoyenneté (Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017) a été adopté visant l'utilisation des biens immobiliers confisqués à des fins d'intérêt public ou sociales 
			(41) 
			Article 15 du projet
de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, 17 Juin 2016, <a href='http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta-commission/r3851-a0.asp'>www.assemblee-nationale.fr/14/ta-commission/r3851-a0.asp.</a>. Cette disposition a été déclarée inconstitutionnelle et annulée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017. Cependant, le raisonnement du Conseil constitutionnel selon lequel cette disposition était «manifestement dépourvue de toute portée normative», n’exclut pas l’introduction d’une nouvelle loi dont la portée est définie de manière plus précise et opérationnelle.
55. Comme on l'a vu plus haut, la législation française actuelle offre quelques dispositions qui vont dans le sens d'une plus grande participation du public au recouvrement des avoirs illicites. Toutefois, le droit français ne prévoit pas encore une réutilisation sociale directe des biens confisqués.

4. Restitution d’avoirs confisqués au niveau international

56. Nous avons vu que dans la réglementation internationale existante, les normes concernant la restitution des avoirs confisqués aux États dans lesquels les avoirs illicites ont été volés restent relativement floues et peu contraignantes (voir paragraphe 34 ci-dessus). La raison pour laquelle les États parties n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur des textes plus forts, obligatoires et plus clairs est que le débat porte sur deux sujets délicats: la souveraineté nationale et la corruption, y compris au niveau politique.
57. Les États requérants – les États qui cherchent à récupérer les avoirs volés – affirment à juste titre qu'il s'agit de leur argent et qu'ils ont donc le droit souverain d'en disposer comme bon leur semble. De leur côté, les États requis, sommés de restituer l'argent, affirment que des garanties doivent être mises en place pour éviter que l'argent ne soit à nouveau volé – notamment dans des pays où le niveau de corruption est notoirement élevé, ou lorsque les fonds en question ont été volés avec l'implication de personnes qui sont encore au pouvoir ou proches du pouvoir. Les États requérants estiment que les États requis sont tout autant à blâmer pour le vol initial, leurs centres financiers ayant hébergé les actifs volés. Les États requis affirment à leur tour qu'à moins de pouvoir démontrer que les biens récupérés ne sont pas volés à nouveau, il leur est difficile de justifier les ressources consacrées à leurs propres procédures pénales.
58. Les deux positions sont compréhensibles, mais dans l’intérêt de l’objectif commun – d’assurer un maximum de confiscation des avoirs illicites et leur utilisation aux fins de réparation du dommage causé par le crime organisé et la grande corruption, il faut s’entendre sur le fait que le recouvrement des avoirs est une responsabilité partagée. Il est désormais largement admis que les pays qui permettent le vol de fonds publics et ceux qui permettent à ces fonds d'être cachés dans leur système financier partagent la même responsabilité en matière de corruption. Nous avons également progressé dans la reconnaissance du fait que le recouvrement des avoirs volés est par conséquent une responsabilité partagée. Toutefois, cela ne s'est pas encore traduit par la reconnaissance du fait que les pays concernés, du côté des demandeurs et des sollicités, ont également un intérêt et une responsabilité partagés pour veiller à l’affectation des avoirs volés à des fins socialement utiles.
59. Nous devons aussi reconnaître que la raison pour laquelle nous procédons au recouvrement et à la réutilisation sociale des avoirs illicites est de dissuader la corruption future, d’interrompre les réseaux de corruption qui sapent nos démocraties et la croissance durable et équitable, et qui menacent la paix et la stabilité.
60. Comment donc traduire cette responsabilité partagée dans la réalité, en ce qui concerne le partage et l’utilisation des avoirs illicites confisqués? La pratique dans de nombreux pays est de réinjecter l'argent dans le trésor public. C'est une méthode simple, à condition que les gouvernements bénéficiaires soient désormais plus à même et désireux de protéger les fonds publics contre le vol; ce qui ne semble pas être le cas partout. Cette pratique fait aussi perdre un deuxième impact potentiel du recouvrement des avoirs illicites, l’impact symbolique mais puissant de l’utilisation de ces avoirs aux fins de la prévention de la criminalité, de l'interruption des réseaux criminels et de la réparation des dommages causés par la corruption. Une utilisation très visible de cet argent à ces fins démontre aux citoyens que le gouvernement prend au sérieux la lutte contre la corruption et qu’il a réussi à récupérer de l'argent. Une telle utilisation sociale démontre aux citoyens la différence lorsque les fonds publics sont utilisés pour eux plutôt que volés, ce qui renforcera leur résistance à la corruption. Je ferai quelques propositions concrètes en ce sens dans le dernier chapitre.

5. Conclusions et propositions

61. L'idée d'utiliser les avoirs criminels confisqués pour la société civile et à des fins sociales n'est pas entièrement nouvelle et a déjà été abordée aussi bien par des acteurs étatiques et non étatiques. Mais en dehors de certaines initiatives bien pensées, mais limitées dans leur envergure, l'utilisation de gains mal acquis pour le bien-être commun n'est pas une pratique largement utilisée dans les États membres du Conseil de l'Europe. En fait, seule une attention limitée a été accordée à la «destination finale» que les biens confisqués devraient avoir 
			(42) 
			Voir <a href='https://www.baselgovernance.org/'>Institut de Gouvernance
de Bâle</a>, «The Need for New EU Legislation Allowing the Assets
Confiscated from Criminal Organisations to be Used for Civil Society
and in Particular for Social Purposes», 2012, p. 54, résumé exécutif
en français et étude en anglais, <a href='http://www.europarl.europa.eu/thinktank/fr/document.html?reference=IPOL-LIBE_NT%282012%29462437'>op.cit.</a>. Ceci est confirmé non seulement par les études au niveau de l’Union européenne, études approfondies mais datant déjà d’une dizaine d’années (voir ci-dessus paragraphes 21-31), mais aussi par les résultats de l’enquête que j’ai lancée fin 2021 via le CERDP (voir en annexe).
62. Chaque récupération réussie d'avoirs volés représente non seulement une victoire dans la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, mais démontre également qu'il n'y a pas d’impunité pour ceux qui s’enrichissent aux dépens de la société 
			(43) 
			Brumby, James A.; Fozzard,
Adrian; Wetzel, Deborah L., «<a href='http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/895271468332443748/Stolen-asset-recovery-management-of-returned-assets-policy-considerations'>Stolen
asset recovery: management of returned assets – policy considerations</a>», Washington DC, 2009,<a href='http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/895271468332443748/Stolen-asset-recovery-management-of-returned-assets-policy-considerations'></a> (en anglais seulement).. Toutefois, pour que la société ou, encore mieux, les secteurs les plus ravagés par le crime, puissent bénéficier pleinement du recouvrement des avoirs criminels, il faut des critères et des lignes directrices clairs. Tout comme le processus de recouvrement des avoirs doit être efficace et transparent, un cadre juridique adapté doit aussi être établi pour la réutilisation des biens confisqués à des fins sociales. Nos experts pendant l’audition en janvier 2022 ainsi que mes interlocuteurs pendant ma visite d’information en Italie ont indiqué quelques pistes intéressantes.
63. En ce qui concerne l'objectif sous-jacent du recouvrement des avoirs en tant que moyen de lutte contre le crime organisé et la corruption, il convient d’envisager l’utilisation des avoirs confisqués à des fins connexes. Notre experte Mme Fenner, de l’Institut de Gouvernance de Bâle, a donné l’exemple du Pérou, où les fonds confisqués ont servi à renforcer l'infrastructure de recouvrement des avoirs illicites dans le système de justice pénale du pays. De cette manière, l’État peut auto-financer l’élargissement de sa capacité de recouvrement des avoirs illicites, créant un effet boule-de-neige permettant de récupérer beaucoup plus de fonds volés à l’avenir.
64. Les exemples italiens de réutilisation par la police des véhicules de sport confisqués aux mafieux ou de villas de luxe des lieutenants comme maisons de repos pour policiers stressés et leurs familles rentrent dans cette logique symbolique de la «justice poétique» hautement visible – le fruit du crime au service de la police. Une telle réutilisation directe des biens confisqués par l’État sert aussi d’assurance contre le risque, en cas de vente, que les groupes criminels rachètent eux-mêmes «leurs» biens et/ou menacent de représailles tout autre intéressé qui oserait racheter les biens mafieux.
65. Pour ce qui est de l'utilisation du recouvrement des avoirs comme moyen de montrer l'impact négatif de la corruption et de réparer ce préjudice, il convient de réutiliser l'argent là où il a été initialement volé – dans le secteur économique ou la région affectée par le crime en question. Dans la mesure du possible, il convient d'indemniser les victimes qui ont été directement touchées. Mais l'identification des victimes individuelles peut s'avérer coûteuse et prendre beaucoup de temps. Une définition plus large du cercle des victimes, incluant par exemple un quartier, une région, un secteur économique, peut être suffisante pour atteindre l’objectif de la réparation symbolique et visible.
66. Un point important et particulièrement difficile est la saisie d’entreprises «mafieuses». D’un côté, de telles entreprises faussent la concurrence au détriment des entreprises légales en évitant le paiement d’impôts et de cotisations sociales pour leurs travailleurs et en subventionnant leurs offres par le blanchiment de fonds d’origine criminelle (drogue, prêts usuraires etc.), ce qui coûte des emplois dans le secteur légal, en plus de générer des gains au crime organisé. De l’autre côté, les autorités qui ferment des entreprises mafieuses doivent faire face à la perception populaire selon laquelle «la mafia donne du travail, l’État licencie». La solution préconisée en Italie est de tout faire pour aider les entreprises confisquées potentiellement viables à surmonter le «choc de légalité» occasionné par la perte des avantages illicites, en coopération avec le patronat, les syndicats et les banques. L’objectif est donc de mettre ces entreprises en état de fonctionner normalement, en vue d’une reprise ultérieure par des personnes dont la fiabilité est établie de manière rigoureuse, en ayant recours aux banques de données «anti-mafia» des parquets régionaux disponibles, qui sont aussi accessibles à l’Agence nationale de l’administration des biens saisis.
67. Comme j’ai pu l’observer en Italie, une bonne réutilisation sociale des biens confisqués nécessite un cadre juridique et institutionnel solide, qui assure la transparence de la procédure et la justesse et la visibilité des résultats. Le cadre juridique et la pratique administrative doivent être régulièrement actualisés, comme c’est le cas en Italie, pour contrer les stratégies de contournement et d’adaptation des structures criminelles. Une forte implication de la société civile, autant dans le processus décisionnel qu’en tant que bénéficiaire ou gestionnaire des biens confisqués, s’avère utile. Il est donc regrettable que, selon les réponses reçues via le CERDP, les ONG ne sont presque jamais impliquées dans la prise de décision et rarement en tant que bénéficiaires. Mais le cadre juridique doit aussi prévoir des sauvegardes contre des conflits d’intérêts et des abus, tels que ceux observés dans certains États des États-Unis d’Amérique 
			(44) 
			Voir
par exemple «<a href='https://www.assetforfeituredefender.com/news/219-the-police-seized-my-money-now-what-do-i-do'>The
Police Seized My Money Now What Do I Do?» (assetforfeituredefender.com)</a> (en anglais) – le site d’un cabinet d’avocats Texan
spécialisé dans la défense contre les confiscations abusives, avec
quelques exemples renversants.. Pour assurer le contrôle démocratique, il est aussi important que le parlement reçoive régulièrement des rapports publics détaillant les avoirs criminels saisis et l’usage qui en est fait. J’ai été impressionné par le fait qu’en Italie, l’Agence nationale pour l’administration des biens saisis et le ministère de la Justice présentent des rapports aux deux chambres du parlement deux fois par an.
68. L’expérience italienne semble montrer que l’approche «centrale» avec un organisme spécialisé tel que l’ANBSC est plus efficace que l’approche centrale via des organismes généralistes (ministères, parquet général) ou l’approche décentralisée basée sur des organismes locaux et régionaux spécialisés ou non adoptées par d’autres pays qui pratiquent la réutilisation sociale des avoirs confisqués. La gestion des biens mobiliers et immobiliers destinés à la réutilisation directe, mais aussi leur vente ou location – soit au prix du marché, soit à des conditions préférentielles dans des cas justifiés – requiert une expertise et une capacité de gestion considérables. Cette expertise, acquise dans une institution spécialisée, peut alors être mise à la disposition des acteurs au niveau local. L’existence d’une entité centrale qui décide de l’allocation des biens confisqués peut aussi prévenir des conflits d’intérêts qui peuvent conduire à des abus tels que ceux signalés aux États-Unis. Finalement, l’organisme spécialisé central peut aussi servir d’interlocuteur privilégié dans les cas de restitution des avoirs illicites confisqués au niveau international.
69. En ce qui concerne la coopération internationale dans la lutte contre la grande corruption, les condamnations pour corruption étrangère offrent une autre possibilité intéressante. Beaucoup d’États ont criminalisé la corruption commise à l’étranger par des entreprises nationales. Les tribunaux leur infligent des amendes ou les condamnent à restituer leurs bénéfices mal acquis. Mais cet argent est généralement encaissé par le pays siège de l’entreprise sanctionnée alors que la corruption a eu lieu dans un autre pays, qui a subi le préjudice qui en résulte. A mon avis, il serait plus juste de partager ces fonds avec le pays victime et avec la société civile engagée dans la lutte contre la corruption. La logique est la même que celle pour la réutilisation sociale des actifs confisqués: utiliser l'argent corrompu pour lutter contre la corruption.
70. Le présent rapport, qui est en préparation depuis plus de deux ans, a tristement gagné en actualité suite à la guerre d’agression lancée contre l’Ukraine par la Fédération de Russie. D’un côté, des oligarques proches du pouvoir ont été frappés de sanctions ciblées fortes, y compris le gel de leurs avoirs dans les pays occidentaux; de l’autre côté, les bombardements et autres actes de guerre russes en Ukraine ont causé des dégâts énormes, et déclenché une vague de réfugiés sans précédent en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Il semble donc logique de faire usage des biens gelés qui s’y prêtent, notamment des maisons et des appartements, pour accueillir des réfugiés ukrainiens. La prochaine étape serait la confiscation définitive de ces avoirs. Dans la logique de ce rapport, il s’agit bien d’avoirs illicites, volés par les oligarques au peuple russe. Ils devraient donc en principe être rendus au peuple russe. Mais comme on l’a vu plus haut, le retour des avoirs illicites saisis à l’étranger au pays d’origine n’a pas de sens si les «voleurs» sont toujours proches du pouvoir car le risque d’un nouveau détournement de ces fonds est alors élevé. En même temps, l’agression de la Fédération de Russie a généré une forte dette (aussi) financière vis-à-vis de l’Ukraine. La Fédération de Russie devra dédommager l’Ukraine pour les dégâts énormes causés par les bombardements d’infrastructures et de logements qui continuent à ce jour. Une solution logique serait donc d’opérer une «compensation de dettes» en versant les avoirs illicites confisqués aux oligarques au futur fonds de reconstruction de l’Ukraine. J’ai fait une proposition en ce sens dans le projet de résolution.

Annexe – Questionnaire CERDP et résumé des réponses

(open)

Questions adressées au CERDP

1. Est-ce qu’il existe, dans votre pays, une réglementation (législative ou administrative ou autres) concernant l’utilisation des biens illicites saisis/confisqués pour le bien public?
2. Si oui, dans quelle mesure les organisations de la société civile peuvent-elles participer à la prise de décision concernant l'utilisation finale des avoirs confisqués?
3. S'il existe une réglementation en la matière, veuillez en résumer les lignes principales (objectifs poursuivis, critères et procédure de sélection des projets auxquels sont alloués les biens confisqués).
4. La réutilisation sociale des biens confisqués est-elle possible uniquement en relation avec le produit de certaines infractions (par exemple, trafic de drogue) ou de tous les crimes?

Résumé des réponses reçues

En résumé, la plupart des 31 réponses reçues 
			(45) 
			L’Italie n’a pas répondu
à cette enquête mais les informations pertinentes obtenues sur le
modèle italien pendant la visite d’information à Rome sont présentées,
en plus de détail, dans l’exposé des motifs. indiquent que leur pays a adopté une législation pertinente, traitant principalement du processus de confiscation; mais certaines législations comportent des dispositions détaillées et bien pensées sur la destination finale des avoirs confisqués. Parmi les caractéristiques intéressantes, citons la création d'un organe spécifiquement chargé d'administrer et de liquider les avoirs confisqués (Espagne, France, République de Moldova, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Slovénie) ainsi que l'utilisation des avoirs à des fins de «justice réparatrice» (Espagne, concernant les avoirs provenant de crimes liés à la drogue; Lettonie, pour les crimes économiques et financiers; et le Royaume-Uni et la France, tous deux sans restrictions fondées sur le type de criminalité). Certains pays (Belgique, Grèce, Monténégro, Roumanie) autorisent explicitement l'utilisation, par la police ou d'autres organismes publics, des biens confisqués (voitures, bateaux, etc.) ou des fonds confisqués (Royaume-Uni, par le biais du «top slice funding» («financement de la tranche supérieure»), notamment pour les projets visant à renforcer les capacités de confiscation d’avoirs illicites). La possibilité de mettre les biens confisqués à la disposition d'organismes caritatifs ou d'autres organismes à but social est mentionnée dans 13 réponses (Albanie, Estonie, France, Géorgie, Hongrie, République de Moldova, Monténégro, Norvège, Roumanie, Slovénie, Espagne, Turquie, Royaume-Uni). Mais ce n'est que dans deux de ces pays, à savoir en Hongrie (par l'intermédiaire du «Charity Council» («Conseil de Charité») créé par un décret qui prévoit la participation des plus importantes organisations caritatives) et au Royaume-Uni (par l'intermédiaire des Police and Crime Commissioners) que des représentants de la société civile ont leur mot à dire dans l'affectation des biens confisqués (bien qu'en Estonie, en France, en Géorgie, en Hongrie, en Lettonie, en Roumanie, en Espagne et au Royaume-Uni et éventuellement en République slovaque, ils puissent être bénéficiaires de ces biens).

Récapitulatif des réponses reçues par pays

Réponses reçues via le CERDP

Pays

Législation spécifique

Implication de la société civile

Résumé de la législation

Albanie

oui

non

Les biens confisqués peuvent être administrés dans l'intérêt public ou vendus. Pas de règles spécifiques sur les utilisations particulières des biens confisqués.

Autriche

oui

non

Les biens confisqués reviennent à la République d'Autriche, 20 % étant réservés au ministère de l'Intérieur.

Belgique

oui

non

Les biens confisqués sont principalement vendus aux enchères au profit du budget général; certains articles (véhicules, matériel informatique) peuvent être mis à la disposition de la police.

Croatie

non

non

Les biens confisqués ou autrement saisis reviennent à l'État.

Chypre

non

non

Les biens confisqués sont détruits (s'ils sont illégaux), restitués à leur propriétaire légitime (si possible) ou vendus aux enchères au profit de l'État.

République tchèque

non

non

Les biens confisqués ou autrement saisis reviennent à l'État.

Danemark

non

non

Les biens confisqués reviennent au Trésor public, aucune règle spécifique n'existe.

Estonie

oui

Non, mais des associations peuvent être bénéficiaires

Les biens confisqués reviennent au Trésor de l'État. Des objets qui s’y prêtent peuvent être mis à la disposition du public, généralement des organes de l'État mais aussi des groupes de la société civile, ou vendus aux enchères.

Finlande

non

non

Tous les avoirs criminels confisqués, à l'exception de ceux qui doivent être restitués aux victimes ou faire l'objet d'une autre forme d'indemnisation, reviennent au Trésor public, où ils sont utilisés pour les dépenses générales de l'État, conformément aux règles constitutionnelles sur la responsabilité budgétaire.

France

oui

non

Les biens confisqués (à l'exception de ceux nécessaires au paiement des dettes des criminels) sont gérés par un organisme spécial, l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) et peuvent être mis à la disposition d'associations et de fondations reconnues d'utilité publique.

Georgie

oui

non

Les biens confisqués sont utilisés pour indemniser les victimes, le reste est géré par le ministère des finances, qui peut allouer des fonds aux autorités locales ou à d'autres organisations à des fins sociales.

Allemagne

oui

non

Les objets physiques confisqués peuvent être mis à disposition à des fins d'intérêt public; les sommes d'argent confisquées ou le produit de la vente de biens confisqués sont versés au budget général de l'État.

Grèce

oui

non

Certains objets physiques confisqués peuvent être mis à la disposition de la police, des garde-côtes, des pompiers ou de l'administration pénitentiaire.

Hongrie

oui

oui, un Conseil de Charité établi par décret participe à la prise de décisions

La loi hongroise autorise l'utilisation de certaines catégories d'objets confisqués à des fins caritatives, avec la participation du Conseil de Charité.

Islande

non

non

Les avoirs confisqués reviennent à l’État

Lettonie

oui

non, mais les groupes de la société civile peuvent être bénéficiaires

La moitié du produit de la vente des actifs confisqués (jusqu'à 2 millions d'euros par an) est allouée à un fonds administré par le MinJ, créé pour soutenir la lutte contre la criminalité économique et financière et pour aider les victimes.

Lituanie

non

non

Les biens confisqués sont vendus au profit du Trésor public ou détruits.

République de Moldova

oui

non

Les biens confisqués sont vendus au profit du Trésor public ou transférés aux autorités locales; dans certains cas, ils sont donnés gratuitement à des orphelinats ou à d'autres institutions d'aide sociale. Les marchandises illégales et les produits du tabac sont détruits de manière contrôlée.

Montenegro

oui

non

Les produits du crime confisqués deviennent propriété de l'État; les biens peuvent être vendus au profit du trésor public, à défaut être donnés à des fins caritatives ou utilisés par des organismes publics.

Pays-Bas

Législation peu pertinente, propositions en cours de discussion.

n/a

Le nouveau gouvernement a l'intention d'autoriser la confiscation sans condamnation; des propositions visant à utiliser les avoirs criminels confisqués au profit des communautés particulièrement ravagées par la criminalité sont en cours de discussion au parlement.

Norvège

oui

non

Les produits du crime confisqués vont à l'État ou à l'indemnisation des victimes de la criminalité; dans des cas exceptionnels, les objets matériels confisqués peuvent être mis à disposition à des fins d'intérêt public (par exemple, des outils de cambriolage donnés à une école professionnelle).

Pologne

non

non

Les produits du crime confisqués sont versés au budget de l'État; il existe un «Fonds de justice» au profit des victimes de crimes et des détenus après leur libération, qui est alimenté, entre autres, par des sommes d'argent (amendes? produits du crime confisqués?) fixées par les tribunaux..

Portugal

oui, mais pas spécifiquement sur la réutilisation sociale

non

Les produits de la criminalité confisqués sont versés au budget de l'État, sans dispositions concernant leur utilisation à des fins sociales.

Roumanie

oui

non

 

République slovaque

oui

non

Si les biens confisqués sont considérés comme superflus (s'ils ne sont pas utilisables pour l'accomplissement des fonctions officielles), ils sont proposés à la vente ou à la donation.

Slovénie

oui

non

Les biens confisqués peuvent être vendus au profit du budget de l'État. Si cela n'est pas possible, ils peuvent être donnés à des fins caritatives. Les fonds illégaux confisqués sont versés au Trésor public.

Espagne

oui

non, mais des ONG peuvent être bénéficiaires

Les biens confisqués peuvent généralement être vendus au profit du Trésor public. Il existe un régime spécial pour les crimes liés à la drogue: les actifs concernés doivent être utilisés pour financer des programmes de réhabilitation des toxicomanes ou des programmes similaires de réduction des dommages, y compris par des ONG.

Suède

non

non

Les biens confisqués reviennent au budget de l'État. Si les objets physiques ne peuvent être vendus, ils sont détruits.

Suisse

oui, aux niveaux fédéral et surtout cantonal

non

Les biens confisqués sont répartis entre la Confédération et les cantons, selon les cas, et les bénéficiaires en disposent librement.

Turquie

oui

   

Royaume Uni

Oui, très spécifique et bien développée

Oui, au niveau des Regional Police and Crime Commissioners