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Rapport | Doc. 15539 | 23 mai 2022

La prévention et la lutte contre l’antisémitisme en Europe

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Petra BAYR, Autriche, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15168, Renvoi 4544 du 20 novembre 2020. 2022 - Troisième partie de session

Résumé

L’antisémitisme est construit sur des stéréotypes néfastes qui font de la communauté juive un bouc émissaire pour les crises émergentes. Loin d’être relégués à une menace du passé, la violence et les discours de haine antisémites, y compris en ligne, sont une réalité quotidienne dans toute l’Europe aujourd’hui. La pandémie de covid-19 a entraîné une montée des mythes conspirationnistes accusant les communautés juives de créer et de propager le virus.

La lutte contre l’antisémitisme est une préoccupation pour nous tous et toutes. L’antisémitisme est en contradiction avec les valeurs fondamentales sur lesquelles le Conseil de l’Europe a été fondé et devrait être abordé dans un cadre de droits humains. Des mesures fermes doivent être prises à la fois pour prévenir et combattre l’antisémitisme et pour favoriser la vie juive sur le continent.

Adopter des plans d’action ou des stratégies de prévention et de lutte contre l’antisémitisme, avec un financement suffisant pour leur mise en œuvre, criminaliser le déni, la banalisation ou l’apologie de l’Holocauste, là où ce n’est pas encore le cas, investir dans la mémoire de l’Holocauste, y compris à l’école, développer des programmes d’échange, faire de la lutte contre les discours de haine en ligne une priorité et prendre des mesures pour favoriser la vie juive en Europe sont des éléments essentiels de la lutte contre l’antisémitisme qui devraient être mis en œuvre sans délai.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 12 mai 2022.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par la montée de la haine et de la violence contre les personnes de confession juive en Europe au cours des dernières années. Elle note avec regret qu'en raison de ces manifestations d'antisémitisme, un nombre considérable de familles juives ont quitté l'Europe ou envisagent de le faire.
2. L'antisémitisme est une atteinte aux droits humains et doit être traité dans le cadre de ces droits. Il représente une menace pour la démocratie et est contraire aux valeurs fondamentales sur lesquelles le Conseil de l'Europe a été bâti. Il s’agit de l'affaire de toutes et de tous. La prévention et la lutte contre l’antisémitisme devraient être considérées comme une priorité politique.
3. L'antisémitisme en ligne a récemment augmenté de façon spectaculaire, ce qui a conduit à une diffusion de plus en plus large des mythes conspirationnistes. L'Assemblée regrette l'émergence d’idéologies conspirationnistes, qui rendent les communautés juives responsables de la création et de la propagation de la pandémie de covid-19, entre autres. La guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a également apporté un nouvel écho aux idéologies conspirationnistes antisémites en Europe. L'antisémitisme se fonde sur des stéréotypes néfastes qui font de la communauté juive un bouc émissaire pour toute nouvelle crise. La lutte contre les mythes conspirationnistes antisémites est un élément essentiel de la lutte contre l'antisémitisme. Investir dans l'histoire, l'éducation et la lutte contre le déni et la distorsion de l'Holocauste est d'une importance cruciale. L'Assemblée se félicite par conséquent de l'adoption par le Comité des Ministres de sa Recommandation CM/Rec(2022)5 relative à la transmission de la mémoire de la Shoah et à la prévention des crimes contre l’humanité, le 17 mars 2022.
4. L'Assemblée se félicite du développement des actions internationales visant à prévenir et à combattre l'antisémitisme, tels que l'adoption de stratégies nationales de lutte contre l'antisémitisme et de promotion de la vie juive par plusieurs États, la nomination d’envoyé·e·s spéciaux/spéciales ou de coordinateurs et coordinatrices chargé·e·s de la lutte contre l’antisémitisme, comprenant la nomination d’un Représentant spécial de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe sur les crimes de haine antisémites et anti-musulmans et toute forme d’intolérance religieuse, et l'adoption par l’Union européenne d'une stratégie de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive (2021-2030). Il convient de garantir un financement suffisant pour leur mise en œuvre. La promotion de la vie juive et la sensibilisation à la culture juive sont des outils essentiels pour prévenir et combattre la haine, ainsi que pour permettre aux personnes de vivre une vie ouvertement juive.
5. Se référant à sa Résolution 1563 (2007) «Combattre l’antisémitisme en Europe» et à sa Résolution 2106 (2016) «Engagement renouvelé dans le combat contre l’antisémitisme en Europe», l’Assemblée reconnaît que le contexte général a changé et que la lutte contre l’antisémitisme soulève de nouveaux défis. Elle soutient pleinement le travail de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) et se félicite de l'adoption en 2021 de sa Recommandation de politique générale révisée no 9 sur la prévention et la lutte contre l'antisémitisme. La définition de travail non juridiquement contraignante de l'antisémitisme donnée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste, à la lumière de l'avis de l'ECRI à ce sujet, peut donner des orientations utiles pour la lutte contre ce phénomène.
6. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que tous les États dont les parlements bénéficient du statut de partenaire pour la démocratie:
6.1. à adopter une stratégie ou un plan d’action national pour prévenir et combattre l’antisémitisme, et promouvoir la vie juive, et à allouer un financement suffisant pour sa mise en œuvre;
6.2. à criminaliser la négation, la banalisation ou l'apologie de l'Holocauste, si tel n’est pas encore le cas;
6.3. à veiller à ce que la profanation des biens et des monuments juifs soit condamnée;
6.4. en cas d'infraction pénale, à veiller à ce qu'un motif fondé sur la «race», l'origine nationale ou ethnique, la religion ou les convictions constitue une circonstance aggravante;
6.5. à signer et à ratifier le Protocole n° 12 à la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 177), lorsque ce n'est pas encore le cas;
6.6. à signer et à ratifier le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l'incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189), si tel n'est pas encore le cas;
6.7. à mettre pleinement en œuvre la Recommandation de politique générale n° 9 révisée de l'ECRI sur la prévention et la lutte contre l'antisémitisme;
6.8. à veiller à ce que la législation condamnant le discours de haine antisémite et d’autres formes de discours de haine soit appliquée, à faire de la lutte contre le discours de haine antisémite en ligne une priorité, à prendre des mesures spécifiques pour sanctionner le discours de haine en ligne, y compris des amendes, et à faire appel à la responsabilité des médias sociaux pour supprimer les contenus antisémites;
6.9. à nommer un·e envoyé·e spécial·e ou un·e coordinateur ou coordinatrice chargé·e de la lutte contre l'antisémitisme, lorsque tel n'est pas encore le cas;
6.10. à utiliser la définition de travail non juridiquement contraignante de l'antisémitisme donnée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste, à la lumière de l'avis de l'ECRI, comme guide pratique pour prévenir et combattre l’antisémitisme, si tel n'est pas encore le cas;
6.11. à améliorer l'enregistrement et la collecte de données officielles sur les incidents antisémites, à former les officiers de police, les procureurs et les juges à la prévention et à la lutte contre l'antisémitisme, à encourager les victimes et les témoins de violence et de harcèlement antisémites à signaler les incidents aux autorités et à soutenir les victimes de violence et de harcèlement antisémites avec des services de soutien spécialisés;
6.12. à développer et à soutenir la coopération entre les autorités nationales, les communautés juives et les organisations de la société civile pour recenser et traiter les questions relatives à l'antisémitisme;
6.13. à faire de l'enseignement de l'Holocauste une priorité dans les programmes du secondaire et à soutenir l'Observatoire de l'enseignement de l'histoire en Europe, à former les enseignants à la prévention et à la lutte contre l’antisémitisme;
6.14. à lancer des programmes de sensibilisation sur la prévention et la lutte contre l'antisémitisme, qui contribueraient à déconstruire les idéologies conspirationnistes et les stéréotypes, et à encourager le dialogue interconfessionnel et interculturel;
6.15. à supprimer les allocations financières publiques aux organisations faisant la promotion de l'antisémitisme;
6.16. à adopter une approche intersectionnelle dans la lutte contre l'antisémitisme et à soutenir la recherche sur la dimension de genre de l'antisémitisme.
7. En vue de favoriser la vie juive en Europe, l'Assemblée invite également les États membres:
7.1. à assurer la sécurité des communautés juives vivant en Europe et des locaux religieux et culturels juifs;
7.2. en collaboration avec des représentant·e·s des communautés juives et des expert·e·s de la judéité, à développer et soutenir des programmes visant à partager des informations sur la culture et les traditions juives, tels que les programmes des éclaireurs et des éclaireuses;
7.3. à soutenir les structures éducatives et culturelles juives, telles que les musées et les programmes juifs, et à promouvoir les visites et les échanges d'étudiant·e·s.
8. En ce qui concerne la mémoire de l’Holocauste, l’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que tous les États dont les parlements bénéficient du statut de partenaire pour la démocratie à mettre en œuvre la Recommandation CM/Rec(2022)5 relative à la transmission de la mémoire de la Shoah et à la prévention des crimes contre l’humanité du Comité des Ministres. Elle s’engage à continuer à organiser des cérémonies de commémoration de l’Holocauste pendant ses premières parties de session.
9. L'Assemblée appelle les partis politiques à prendre des mesures fortes lorsqu'il y a des manifestations d'antisémitisme ou toute forme de discours de haine au sein de leurs instances, et les dirigeant·e·s politiques à dénoncer clairement l’antisémitisme et d’autres formes de haine.
10. L'Assemblée demande également aux parlements nationaux:
10.1. de mener des activités de sensibilisation visant à prévenir et à combattre l'antisémitisme, en collaboration chaque fois que cela est possible avec l'Alliance parlementaire contre la haine;
10.2. d’organiser des manifestations sur la mémoire, la distorsion et la négation de l'Holocauste et des débats sur la lutte contre toutes les formes de haine, y compris l'antisémitisme;
10.3. de créer des groupes parlementaires sur la lutte contre toutes les formes de haine, y compris l'antisémitisme;
10.4. de condamner publiquement et résolument les expressions d'antisémitisme et d'autres formes de haine de la part de parlementaires.
11. Reconnaissant que le sport est un vecteur important pour communiquer des comportements positifs à un large public, en particulier aux jeunes, l'Assemblée appelle les fédérations et les clubs sportifs à participer à la lutte contre l'antisémitisme et les encourage à adopter des codes de conduite qui le condamnent, à lancer des campagnes de sensibilisation et à sanctionner les discours de haine.
12. L’Assemblée exprime son soutien aux organisations de la société civile qui œuvrent à la prévention et à la lutte contre l'antisémitisme et les autres formes de haine et appelle à une augmentation de leur soutien financier.

B. Exposé des motifs par Mme Petra Bayr, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. L’antisémitisme menace les sociétés démocratiques, porte atteinte aux droits humains et est une forme de déshumanisation des personnes appartenant aux communautés juives. Il sape les valeurs fondamentales qui ont conduit à la création du Conseil de l’Europe. Il doit être empêché et combattu avec détermination et fermeté.
2. Depuis des années, la question de l’antisémitisme est suivie par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), notamment par le biais de ses rapports nationaux sur chacun des États membres du Conseil de l'Europe, ainsi que par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui l’a évalué notamment par le biais de ses enquêtes à l'échelle de l'Union Européenne 
			(2) 
			<a href='https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2020-antisemitism-overview-2009-2019_en.pdf'>«Antisemitism:
Overview of antisemitic incidents recorded in the European Union
2009-2019» (en anglais uniquement), Agence des droits fondamentaux
de l’Union Européenne</a>, (FRA), 2020; «<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2018/experiences-and-perceptions-antisemitism-second-survey-discrimination-and-hate'>Expériences
et perceptions de l’antisémitisme. Deuxième enquête sur la discrimination
et les crimes de haine à l’égard des personnes juives dans l’Union
Européenne» </a><a href=''>(en anglais uniquement, résumé
disponible en français)</a>, FRA, 2018 «<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2013/discrimination-and-hate-crime-against-jews-eu-member-states-experiences-and'>Discrimination
et crimes de haine à l’égard des personnes juives dans les États
membres de l’UE: expériences et perceptions de l’antisémitisme</a>», FRA, 2013.. Il s'exprime dans tous les aspects de la vie. Il rend les personnes de confession juive du monde entier responsables des décisions politiques prises par les gouvernements israéliens, nie le droit des communautés et des individus de confession juive à vivre en paix et constitue une menace pour la sécurité et la cohésion sociale en général.
3. L’antisémitisme n’est pas un phénomène isolé. Il doit être l’affaire de toutes et tous. Il s’agit d’une question liée aux droits humains qu’il faut combattre dans le cadre de ces droits. D’après Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction, les auteurs d’agressions xénophobes visent aussi fréquemment les communautés juives. Selon Michael Whine, membre de l’ECRI au titre du Royaume-Uni et président du groupe de travail de l’ECRI sur l’antisémitisme, «l’antisémitisme est religieux, racial et politique», il est fondé sur des préjugés, d’où la nécessité d’agir à plusieurs niveaux.
4. La pandémie de covid-19 a eu des conséquences négatives pour l’égalité et la non-discrimination dans toute l’Europe. Elle a touché de manière disproportionnée les parties les plus vulnérables de la population et attisé le discours de haine, en particulier dans les interactions en face à face, dans les médias et en ligne. Les mythes conspirationnistes antisémites ont été largement partagés sur les médias sociaux pendant les confinements et les communautés juives ont notamment été accusées d’avoir créé et propagé de manière intentionnelle le virus ou de bénéficier injustement de traitements et de la vaccination. De nouvelles formes de distorsion de l'Holocauste ont vu le jour, par exemple, les opposants aux mesures gouvernementales se sont comparés aux victimes juives de l'Allemagne nazie, portant des badges à étoile jaune. Ces idées ont été en outre exposées lors de manifestations contre les mesures de santé publique prises par les gouvernements pour limiter la propagation du virus. Cela a montré que nos sociétés ne sont pas aussi ouvertes et inclusives que nous le pensions et la pandémie a mis en évidence toutes les formes de discrimination et d’altération.
5. La guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine relance les idéologies conspirationnistes antisémites en Europe. Les mythes conspirationnistes antisémites et la propagande liés à la guerre, largement relayés par les réseaux sociaux et les médias, trahissent un antisémitisme profond, comportant une banalisation et une distorsion de l’Holocauste.
6. La Résolution 2106 (2016) de l’Assemblée «Engagement renouvelé dans le combat contre l’antisémitisme en Europe», qui définit les mesures à prendre pour lutter contre la haine, la discrimination et la violence antisémites et indique clairement que l’antisémitisme et ses manifestations sont en contradiction évidente avec les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, est toujours valable. Le contexte général a toutefois changé avec l’apparition de nouvelles attaques violentes, le développement de mythes conspirationnistes liés à la pandémie et à la guerre, et la montée du discours de haine, y compris en ligne et à l’occasion de manifestations. L’éducation et la sensibilisation aux horreurs de l’antisémitisme par l’enseignement et la commémoration de l’Holocauste dans les écoles, les établissements d’enseignement pour adultes et dans les médias deviennent aussi plus difficiles à mesure que le nombre de survivant·e·s et de témoins de l’Holocauste diminue. L’enseignement de l’histoire est mis à rude épreuve par la propagation du négationnisme, de la distorsion de l’Holocauste, du révisionnisme et par d’autres formes de conspiration et de perversion de l’histoire en ligne. Il convient de trouver de nouvelles façons d’enseigner l’Holocauste et il est urgent d’investir dans l’éducation pour combattre les stéréotypes.
7. Au niveau international, on peut saluer les développements concrets qui témoignent d’une ferme volonté politique de prévenir et de combattre l’antisémitisme. L'ECRI a adopté sa Recommandation de politique générale n°9 révisée sur la prévention et la lutte contre l'antisémitisme 
			(3) 
			<a href='https://rm.coe.int/recommandation-de-politique-generale-n-9-de-l-ecri-revisee-sur-la-prev/1680a5968c'>Recommandation
de politique générale n° 9 révisée de l’ECRI sur la prévention et
la lutte contre l’antisémitisme</a>. le 1er juillet 2021. Des organisations comme le Conseil de l’Europe, les Nations Unies, la Commission européenne et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) ont toutes nommé des représentant·e·s spéciaux/spéciales ou des coordinateurs et coordinatrices chargé·e·s de la lutte contre l’antisémitisme. Des envoyé·e·s spéciaux/spéciales ou des coordinateurs et coordinatrices chargé·e·s de la lutte contre l’antisémitisme ont aussi été désigné·e·s dans certains États membres du Conseil de l’Europe et des stratégies nationales et plans d’action ont été adoptés ou sont en préparation 
			(4) 
			<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2021/antisemitism-overview-2010-2020'>Antisemitism:
Overview of antisemitic incidents recorded in the European Union
2010-2020</a> (en anglais uniquement), FRA, 2021. Cette publication
donne un aperçu des adoptions/approbations de la définition par
les pays de l'Union européenne. Il décrit également l'état d'avancement
des stratégies nationales et des plans d'action contre l'antisémitisme.. En outre, le Conseil de l’Europe compte désormais un Représentant spécial de la Secrétaire Générale sur les crimes de haine antisémites et anti-musulmans et toute forme d’intolérance religieuse 
			(5) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/antisemitic-anti-muslim-hatred-hate-crimes/-/the-recent-escalation-of-antisemitic-attacks-requires-a-europe-wide-response-governments-should-join-forces-to-prevent-new-waves-of-antisemitism-by-co'> L’escalade
récente des agressions antisémites exige une réponse à l’échelle
de l’Europe. Les États doivent unir leurs forces pour prévenir de
nouvelles vagues d’antisémitisme en faisant barrage au discours
de haine en ligne et en soutenant l’éducation à l’Holocauste et
aux droits de l’homme. Daniel Höltgen, Représentant spécial de la
Secrétaire Générale sur les crimes de haine antisémites et anti-musulmans
et toute forme d’intolérance religieuse, 11 juin 2021.</a>. L’Union européenne a adopté le 5 octobre 2021 sa première stratégie de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive (2021-2030) 
			(6) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021DC0615&from=EN'>Stratégie
européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie
juive, (2021-2030).</a>. Il s’agit là d’un développement indéniablement positif qui conduira à une action plus coordonnée. Dans le contexte actuel de montée de l’antisémitisme, une action politique résolue et coordonnée est essentielle.

2. Objectifs et champ d’application du rapport

8. La proposition de résolution à l’origine de ce rapport souligne que l’Assemblée devrait réaffirmer que l’antisémitisme n’a pas sa place en Europe et proposer des mesures concrètes pour faire face à ce problème mondial. Elle précise qu’il incombe aux dirigeant·e·s politiques de faire de la sensibilisation, de la prévention, de la protection et de l’enseignement de l’histoire des priorités de sorte que chacun puisse vivre en sécurité en Europe et construire un environnement favorable à la vie des communautés juives.
9. Ce rapport reflète les dernières données sur le discours de haine et les attaques antisémites et sur les mesures prises pour y faire face à différents niveaux. J’ai essayé d’analyser ce qui pouvait être fait pour lutter contre la propagation des idéologies du complot, notamment en ligne, et les mesures prises pour combattre l’antisémitisme dans le sport, entre autres. J’ai recherché des initiatives inspirantes dans le domaine de la prévention de l’antisémitisme, de l’éducation à l’Holocauste et de la promotion du patrimoine juif en Europe. J’ai recueilli des exemples sur la façon dont nous pouvons atteindre les personnes «ordinaires» avec des messages qui révèlent et combattent l’antisémitisme et pas seulement celles et ceux qui en sont déjà conscient·e·s et alerté·e·s. Le football et d’autres types d’activités de loisirs pourraient être un bon moyen d’atteindre cet objectif. J’ai par ailleurs étudié la dimension de genre de l’antisémitisme, ainsi que l’intersectionnalité dans l’antisémitisme. Avec ce rapport, j’ai l’intention de faire la lumière sur les nouvelles tendances qui définissent l’antisémitisme aujourd’hui et de formuler des recommandations concrètes sur la manière de relever les nouveaux défis dans la lutte contre ce phénomène.
10. L’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) a adopté une définition opérationnelle de l’antisémitisme 
			(7) 
			Définition opérationnelle
de l’antisémitisme, IHRA, <a href='https://www.holocaustremembrance.com/resources/working-definitions-charters/working-definition-antisemitism'>www.holocaustremembrance.com/resources/working-definitions-charters/working-definition-antisemitism.</a>, non contraignante sur le plan juridique, qui a été approuvée par 34 États, dont 25 États membres du Conseil de l’Europe, par l’Union européenne et par le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres. Cette définition est supposée orienter l’action au niveau national en matière de lutte contre l’antisémitisme 
			(8) 
			Un <a href='https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/d3006107-519b-11eb-b59f-01aa75ed71a1/language-en'>manuel
pour l'utilisation pratique de la définition de travail de l'antisémitisme
de l'IHRA</a> a été préparé par l'Union européenne afin de guider
les États dans l'utilisation et l'adoption de la définition de travail
(disponible en anglais et en allemand).. Le 2 décembre 2020, l’ECRI a adopté un avis sur cette définition 
			(9) 
			<a href='https://rm.coe.int/opinion-definition-operationnelle-antisemitisme-ihra-2791-6636-6210-1/1680a091de'>Avis
de l’ECRI sur la définition opérationnelle de l’antisémitisme de
l’IHRA</a> (adopté lors de la 84e réunion
plénière de l’ECRI le 2 décembre 2020)., soulignant qu’il s’agissait d’une définition «opérationnelle» et non juridique, et qu’elle devait être comprise comme un outil pratique. «L’ECRI accueille favorablement la définition, juridiquement non contraignante, de l’antisémitisme donnée par l’IHRA dans le sens où elle permet de promouvoir et de contribuer à une meilleure compréhension de l’antisémitisme (…) et considère que cette définition (…) peut être un outil positif et elle encourage les États membres du Conseil de l’Europe à la prendre en compte, en particulier dans les domaines de la collecte de données et de l’éducation, ainsi qu’en matière de sensibilisation». Michael O’Flaherty, directeur de l’Agence des droit fondamentaux de l’Union européenne (FRA), a indiqué lors de notre audition du 14 mars 2022 que la FRA l’utilise dans ses travaux sur l’antisémitisme. A mon avis, l'Assemblée devrait appeler les États membres à utiliser la définition de travail de l'antisémitisme donnée par l'IHRA, à la lumière de l'avis de l'ECRI.

3. Méthodes de travail

11. J’ai entrepris des recherches documentaires sur l’antisémitisme et la covid-19 ainsi que sur les dernières données sur le discours de haine et les attaques antisémites. J’ai également analysé les recommandations que l’ECRI a adressées aux États membres s’agissant de la lutte contre l’antisémitisme et de sa prévention. J’ai travaillé étroitement avec la FRA pour analyser les données de sa dernière enquête sur l’antisémitisme, ainsi qu’avec l’ECRI.
12. J’ai envoyé un questionnaire aux parlements nationaux par l’intermédiaire du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) pour m’enquérir des nouveaux développements législatifs ainsi que des initiatives parlementaires récentes visant à prévenir et à combattre l’antisémitisme. Je tiens à remercier les parlements nationaux 
			(10) 
			J'ai
reçu des réponses des pays suivants: Albanie, Allemagne, Autriche,
Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, Estonie, Finlande,
France, Hongrie, Islande, Lettonie, Lituanie, Monténégro, Norvège,
Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie (deux
chambres), Royaume-Uni, République slovaque, Slovénie, Suède, Suisse
et Turquie. Ils peuvent être consultés dans la compilation des réponses
au questionnaire (AS/Ega/Inf(2022)08, disponible auprès du Secrétariat
de la commission). qui ont répondu au questionnaire et je résumerai dans le rapport certaines des initiatives inspirantes partagées par ces parlements.
13. Le 15 septembre 2021, la commission a tenu une audition avec la participation de Michael Whine, membre de l’ECRI au titre du Royaume-Uni et président du groupe de travail de l’ECRI sur l’antisémitisme, ainsi que de Karin Stögner, professeur et titulaire de la chaire de sociologie à l’Université de Passau et Elias Dray, président de l’Union européenne des étudiants juifs. Le 14 mars 2022, elle en a tenu une deuxième avec la participation de Michael O’Flaherty, directeur de la FRA, Katharina von Schnurbein, coordinatrice européenne de la lutte contre l’antisémitisme et du soutien à la vie juive, et Daniel Höltgen, Représentant spécial de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe sur les crimes de haine antisémites et anti-musulmans et toute forme d’intolérance religieuse.
14. J’ai eu une série de réunions bilatérales virtuelles au cours de l’année écoulée. Le 19 février 2021, j'ai rencontré Benjamin Nägele, Secrétaire général de la communauté juive de Vienne. Le 10 mars 2021, j'ai tenu une réunion avec Yaron Gamburg, Chef de mission adjoint à la délégation permanente d'Israël auprès des organisations internationales à Paris. Le 11 mars 2021, je me suis entretenue à distance avec Mikolaj Wrzecionkowski, conseiller pour la lutte contre l’antisémitisme à l’OSCE/BIDDH. Le 23 mars 2021, je me suis entretenue avec Michael Whine, qui était accompagné de Thobias Bergmann du Secrétariat de l’ECRI, puis avec Katharina von Schnurbein, coordinatrice européenne de la lutte contre l’antisémitisme et du soutien à la vie juive. Le 30 mars 2021, j’ai échangé avec Daniel Höltgen, puis avec Leon Saltiel, représentant à l’ONU Genève et à l’UNESCO et coordinateur de la lutte contre l’antisémitisme pour le Congrès juif mondial. Le 23 juin 2021, j'ai rencontré le rabbin Mendel Samama à Strasbourg. Le 28 juin 2021 et le 13 septembre 2021, j'ai rencontré Lord John Mann, conseiller indépendant du Gouvernement britannique sur l'antisémitisme. J’ai également tenu des réunions virtuelles avec Ahmed Shaheed, rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction, et avec Karel Fracapane de l’UNESCO le 29 juin 2021, et j’ai suivi des événements en ligne organisés par l’Union européenne et l’OSCE. Le 8 octobre 2021, je me suis entretenue en distanciel avec Felix Klein, qui coordonne la lutte contre l’antisémitisme en Allemagne, puis avec Alina Bricman, directrice des affaires de l’Union européenne au B’nai B’rith International. Le 19 octobre 2021, j’ai eu une réunion bilatérale virtuelle avec Julana Bredtmann, responsable de programme à l’IHRA. J’ai également rencontré Michael O’Flaherty, directeur de la FRA, lors de sa visite à Strasbourg le 14 mars 2022, et j’ai tenu une réunion en distanciel avec Özgur Derman, chef adjoint du bureau de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, et avec Patricia Ötvös, conseillère de la Commissaire, le 28 mars 2022. J’ai aussi rencontré virtuellement Molnar Zsolt, médiateur adjoint de Roumanie, le 29 mars 2022, et Petra Kahn Nord, représentant le Congrès juif mondial, le 31 mars 2022. Le 5 avril 2022, je me suis entretenue en distanciel avec l’ambassadeur Alexandru Victor Micula, représentant spécial pour la lutte contre l’antisémitisme (ministère des Affaires étrangères de Roumanie). Le 8 avril 2022, j’ai rencontré Aron Verständig, le président du Conseil central juif de Suède, et Rachel Mizrachi, de la communauté juive d’Oslo, qui a partagé son expérience d’éclaireuse dans les établissements scolaires. Le 19 avril 2022, j'ai rencontré le rabbin Andrew Baker, représentant personnel du président en exercice de l'OSCE pour la lutte contre l'antisémitisme.
15. À l’occasion de ma participation au 7e Forum mondial sur la lutte contre l’antisémitisme à Jérusalem les 13 et 14 juillet 2021, j’ai pu rencontrer des expert·e·s travaillant dans ce domaine. J’ai également pu suivre une partie du Forum de Malmö sur la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme le 13 octobre 2021 (en ligne) 
			(11) 
			Les
engagements pris lors du Forum peuvent être consultés: <a href='https://www.government.se/articles/2021/10/pledges-to-the-malmo-forum-remember--react/'>www.government.se/articles/2021/10/pledges-to-the-malmo-forum-remember--react/</a>.. Le 11 novembre 2021, j’ai participé à la Conférence mondiale sur le rôle du football dans la lutte contre l’antisémitisme qui s’est tenue à Vienne, où j’ai eu l’occasion d’échanger avec des représentants du Chelsea Football Club et du Borussia Dortmund.

4. Monitoring par pays de l’ECRI et mesures recommandées

16. L’ECRI a traité de la nécessité de prévenir et de combattre l’antisémitisme dans la plupart de ses rapports de monitoring par pays. L’ECRI a observé, ces dernières années, une montée de l’antisémitisme, qui prend différentes formes, allant d’attaques personnelles au discours de haine, y compris en ligne 
			(12) 
			<a href='https://rm.coe.int/cinquieme-rapport-sur-la-france/16808b572e'>Rapport
de l’ECRI sur la France</a>, cinquième cycle de monitoring, adopté le 8 décembre 2015
et <a href='https://rm.coe.int/rapport-sur-l-autriche-6e-cycle-de-monitoring/16809e8270'>Rapport
de l’ECRI sur l'Autriche</a>, sixième cycle de monitoring, adopté le 7 avril 2020., dans un grand nombre d’États membres du Conseil de l’Europe 
			(13) 
			Le rapport du 6e cycle
sur l’Albanie, et les rapports du 5e cycle
sur l’Andorre, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Islande, Malte, Monaco,
la Macédoine du Nord, et Saint-Marin ne contiennent pas de recommandations
sur la lutte contre l’antisémitisme et sa prévention..
17. Dans plusieurs de ses rapports, l’ECRI a noté le niveau important de sous-déclaration des cas de haine antisémite ou de violence raciste. Elle a insisté sur la nécessité de renforcer la capacité de la police et des instances judiciaires de recevoir les plaintes, et par conséquent leur formation 
			(14) 
			Idem.. En Autriche 
			(15) 
			<a href='https://rm.coe.int/rapport-sur-l-autriche-6e-cycle-de-monitoring/16809e8270'>Rapport
de l'ECRI sur l'Autriche</a>, sixième cycle de monitoring, adopté le 7 avril 2020., l’ECRI a considéré comme une bonne pratique la décision du Conseil de l’éducation de Vienne, qui a fait du sujet des droits humains l’un de ses objectifs pédagogiques à long terme, en proposant aux enseignant·e·s des séminaires de formation s’y rapportant.
18. L’ECRI a suggéré d’établir des infractions pénales, si elles n’existaient pas déjà, pour des actes tels que la diffamation publique dans un but antisémite ou raciste et l’expression publique d’une idéologie prônant la supériorité d’un ensemble de personnes 
			(16) 
			<a href='https://rm.coe.int/cinquieme-rapport-sur-l-estonie/16808b56f3'>Rapport
de l’ECRI sur l’Estonie</a>, cinquième cycle de monitoring, adopté le 16 juin 2015.. Elle a recommandé de dispenser une formation intensive aux procureurs et aux juges des juridictions pénales sur les libertés d’expression et de religion.
19. D’une manière générale, l’ECRI a vivement recommandé aux autorités de garantir une protection policière suffisante aux survivant·e·s de l’Holocauste qui ont partagé leurs témoignages et lors d’événements organisés par la communauté juive. De plus, l’ECRI a recommandé régulièrement dans ses rapports d’empêcher les groupes antisémites, en particulier les néonazis, de répandre la haine antisémite. Elle a demandé clairement aux autorités de prévenir et réprimer les activités et manifestations néonazies illicites et de lutter contre elles. Elle a aussi recommandé de mener des campagnes spécifiques de sensibilisation destinée à dissuader les jeunes d’adhérer aux groupes néonazis et de skinheads 
			(17) 
			<a href='https://rm.coe.int/cinquieme-rapport-sur-la-lituanie/16808b587c'>Rapport
de l’ECRI sur la Lituanie</a>, cinquième cycle de monitoring, adopté le 18 mars 2016.
C’est aussi le cas concernant les États suivants: le Portugal, la
Lettonie, la Hongrie, la Grèce, l’Allemagne, la Finlande et l’Espagne.. L’ECRI a insisté sur le fait que les autorités doivent mener une enquête approfondie sur les actes de vandalisme et les menaces qui visent la communauté juive 
			(18) 
			<a href='https://rm.coe.int/cinquieme-rapport-sur-la-suede/16808b5c59'>Rapport
de l'ECRI sur la Suède</a>, cinquième cycle de monitoring, adopté le 5 décembre 2017..
20. L’ECRI s’est également intéressée à l’augmentation de l’antisémitisme en ligne, devenu l’un des grands obstacles à surmonter. Afin de lutter efficacement contre ce phénomène, elle a recommandé aux autorités d’utiliser un système d’encodage commun entre la police et les parquets et de créer des sous-catégories pour les délits dirigés contre les différents groupes de victimes 
			(19) 
			<a href='https://rm.coe.int/sixieme-rapport-de-l-ecri-sur-la-belgique/16809ce9f1'>Rapport
de l'ECRI sur la Belgique</a>, sixième cycle de monitoring, adopté le 12 décembre 2019.. Dans le même temps, elle a recommandé aux autorités de mettre en place un système de collecte des données et de production de statistiques qui permettrait d’avoir une vision intégrée et cohérente des cas de discours de haine et de violence raciste et antisémite portés à l’attention de la police et/ou transitant dans le système judiciaire 
			(20) 
			<a href='https://rm.coe.int/cinquieme-rapport-sur-l-estonie/16808b56f3'>Rapport
de l'ECRI sur l'Estonie</a>, cinquième cycle de monitoring, adopté le 16 juin 2015..
21. Pour l’ECRI, l’éducation est un moyen fondamental d’éradiquer l’antisémitisme et elle recommande d’intégrer l’éducation aux droits humains dans le système scolaire, à tous les niveaux. Compte tenu de l’importance du secteur de l’éducation dans la lutte contre l’antisémitisme et sa prévention, l’ECRI a exhorté les autorités à veiller à ce que des mesures efficaces soient élaborées et appliquées par le ministère concerné, également dans le cadre de la lutte contre d’autres formes de racisme. L’ECRI a recommandé aussi aux autorités d’inclure dans leurs programmes scolaires des cours sur le fondement juridique de la discrimination et l’explication de la procédure de plainte.
22. Les élèves ne sont pas les seul·e·s à avoir besoin d’être éduqué·e·s. L’ECRI suggère aux autorités de lancer de nouvelles campagnes de lutte contre la haine à l’intention du grand public. Pour orienter leurs efforts, les autorités devraient être guidées par la Recommandation de politique générale n° 15 de l’ECRI sur la lutte contre le discours de haine.
23. Je tiens à remercier l’ECRI de m’avoir contactée pendant le processus de révision de la Recommandation de politique générale n° 9 sur la prévention et la lutte contre l’antisémitisme pour soumettre mes observations. La coopération entre l’ECRI et l’Assemblée, notamment notre commission et l’Alliance parlementaire contre la haine, est réellement excellente et mérite d’être saluée.
24. Michael Whine a présenté la Recommandation de politique générale révisée n° 9 à la commission le 15 septembre 2021, juste après sa publication. Il a souligné que l’ECRI avait constaté que l’antisémitisme contemporain conservait de nombreux éléments de l’antisémitisme religieux et racial classique, mais qu’il prenait également de nouvelles formes. L’ECRI a aussi constaté que la haine contre les juifs était «propagée par un large éventail d’individus et de groupes, notamment des néonazis, des extrémistes de droite, des extrémistes religieux, en particulier des islamistes violents, ainsi que certains extrémistes de gauche». Il a souligné que la lutte contre l’antisémitisme doit faire partie de la lutte générale contre le racisme et l’intolérance.
25. La Recommandation de politique générale révisée n° 9 de l'ECRI, ainsi que son avis sur la définition opérationnelle de l'antisémitisme de l'IHRA et plusieurs de ses rapports annuels de ces dernières années soulignent également le problème croissant de l'antisémitisme lié à Israël. Dans ce contexte, l'ECRI a souligné à plusieurs reprises que les critiques à l'égard d'Israël ne peuvent pas être considérées comme antisémites en soi, tant qu'elles sont exprimées de la même manière que les critiques à l'égard d'autres États 
			(21) 
			<a href='https://rm.coe.int/opinion-definition-operationnelle-antisemitisme-ihra-2791-6636-6210-1/1680a091de'>Avis
de l’ECRI sur la définition opérationnelle de l’antisémitisme de
l’IHRA</a>, 2020, § 7.. En outre, l'ECRI note que «l’idée selon laquelle les attaques contre des personnes juives ou des biens juifs pourraient être considérées comme des réponses justifiables aux politiques ou aux actes du Gouvernement israélien est malheureusement répandue, et pas uniquement au sein des groupes extrémistes» 
			(22) 
			<a href='https://rm.coe.int/opinion-definition-operationnelle-antisemitisme-ihra-2791-6636-6210-1/1680a091de'>Avis
de l'ECRI sur la définition opérationnelle de l'antisémitisme de
l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA)</a>, 2020, § 7; et <a href='https://rm.coe.int/rapport-annuel-2018/168094d6fd'>rapport
annuel de l’ECRI</a> 2018, § 16.. Dans sa Recommandation de politique générale révisée n° 9, l'ECRI recommande également aux gouvernements de «condamner les activités qui font appel au boycott de l’État d’Israël, de ressortissants israéliens ou d’entreprises et d’institutions israéliennes si de telles activités incitent à la violence, à la haine ou à l’intolérance» 
			(23) 
			RPG révisée n. 9, ECRI,
partie III, § 34..
26. La Recommandation de politique générale révisée comprend 52 recommandations aux niveaux politique et institutionnel, dans les domaines de l’éducation et de la prévention, de la protection des communautés juives et de la poursuite des crimes contre les personnes de confession juive. Elle tient compte des nouveaux développements et défis en matière de prévention et de lutte contre l’antisémitisme. J'ai coopéré étroitement avec l'ECRI dans le cadre de la préparation de ce rapport et il va sans dire qu'à mon avis, l'Assemblée devrait appeler au soutien et à la mise en œuvre effective de la Recommandation de politique générale révisée n° 9.

5. Agir contre la montée des mythes et idéologies conspirationnistes antisémites

27. Lors de notre audition, le directeur de la FRA, Michael O’Flaherty, a estimé que l’antisémitisme est une question existentielle pour l’Europe, puisque l’Europe moderne s’est construite sur la répudiation de l’Holocauste. La lutte contre la montée des mythes conspirationnistes antisémites, y compris en ligne, doit être une priorité.
28. En 2018, la FRA a publié les résultats d’une deuxième enquête sur les expériences et les perceptions des personnes juives de l’antisémitisme. Neuf répondant·e·s sur dix ont estimé que l’antisémitisme avait augmenté au cours des cinq dernières années dans le pays où ils et elles vivent. La FRA a fait savoir qu’ils et elles ont estimé «que l’antisémitisme posant le plus problème est celui qui s’exprime sur l’internet et sur les réseaux sociaux (89 %), suivi par l’antisémitisme exprimé dans les espaces publics (73 %), les médias (71 %) et la vie politique (70 %) 
			(24) 
			<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2018/experiences-and-perceptions-antisemitism-second-survey-discrimination-and-hate'>Expériences
et perceptions de l’antisémitisme Deuxième enquête sur la discrimination
et les crimes de haine à l’égard des personnes juives dans l’Union
européenne </a><a href=''>(en anglais uniquement, résumé
disponible en français)</a>, FRA, 2018.». L’enquête a aussi révélé que 79 % des répondant·e·s victimes de harcèlement antisémite au cours des cinq années précédant l’enquête n’ont pas signalé l’incident à la police. La moitié des jeunes juifs et juives interrogé·e·s par la FRA ont déclaré avoir été personnellement victimes d’un acte antisémite au cours de l’année écoulée, et 40 % d’entre eux ont déclaré qu’ils et elles envisageaient d’émigrer hors de l’Union européenne pour s’installer ailleurs. La FRA a constaté une «normalisation de l’antisémitisme».
29. Par ailleurs, la pandémie de covid-19 a provoqué une augmentation de la conspiration antisémite en Europe 
			(25) 
			<a href='https://rm.coe.int/rapport-annuel-sur-les-activites-de-l-ecri-en-2020/1680a1cd5a'>Rapport
annuel sur les activités de l’ECRI couvrant l’année 2020</a>.. Les personnes de confession juive ont été accusées d’avoir créé et propagé le virus de manière intentionnelle ou de tirer profit de la commercialisation des traitements et des vaccins. Des pancartes et des slogans antisémites ont été utilisés pendant les manifestations organisées en 2020, 2021 et 2022 contre les mesures sanitaires prises pour lutter contre la covid-19 (tels que «la vaccination rend libre»). Certain·e·s manifestant·e·s ont arboré l’étoile jaune que les personnes de confession avaient été contraintes de porter sous le nazisme, faisant référence à l’Holocauste et comparant la privation de liberté des personnes juives pendant la guerre et la restriction de déplacement pendant les confinements ou le fait qu’une preuve de vaccination soit exigée pour accéder à certains lieux 
			(26) 
			<a href='https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/08/10/pancarte-mais-qui-l-antisemitisme-auquel-nous-sommes-confrontes-avance-en-oblique-il-prend-des-detours_6091082_4355770.html'>«Pancarte
‘Mais qui?’: L’antisémitisme auquel nous sommes confrontés avance
en oblique, il prend des détours»</a>, Le Monde, 10 août 2021.. Ces comparaisons sont inacceptables.
30. En France, des slogans clairement antisémites ont été affichés pendant des manifestations contre le «pass sanitaire». Le slogan «Mais qui ?» est devenu un code antisémite. Les noms de membres du gouvernement ont été affichés et leur foi juive présumée a été critiquée. Certains activistes anti-masque et anti-vaccin prétendent être «les nouveaux juifs» parce qu’ils ou elles sont «persécuté·e·s». On signale des incidents antisémites tous les jours, comme la profanation, en août 2021, de la stèle de Simone Veil dans la ville par ailleurs paisible de Perros-Guirec, située dans la région Bretagne en France. A titre d’exemple de la fréquence de ces incidents, en Allemagne, l’Association fédérale des départements de recherche et d’information sur l’antisémitisme (Association fédérale RIAS) a fait état de 1 909 incidents antisémites en 2020, dont un quart était lié à la covid-19 
			(27) 
			Congrès Mondial juif, <a href='https://www.worldjewishcongress.org/en/news/june-2021-antisemitism-in-review'>Antisemitism
in review</a>, juin 2021..
31. En Autriche, on a pu observer une augmentation des déclarations et symboles antisémites lors des manifestations dans les espaces publics. «Depuis janvier 2021, des participants à des manifestations contre les mesures de lutte contre la pandémie de covid-19 ont été repérés portant une ‘étoile jaune’ comme écusson avec les mots ‘non testé’ ou ‘victime du vaccin’ sur leurs vêtements. Le port public de ces symboles ou de symboles comparables peut donner lieu à une première suspicion d’infraction pénale conformément au paragraphe 3h de la loi de 1947 sur l’interdiction du national-socialisme – NS Verbotsgesetz 1947. La police a signalé ces infractions pénales aux autorités judiciaires» 
			(28) 
			Réponse
de l’Autriche au questionnaire..
32. Lors du sommet de Jérusalem sur la lutte contre l’antisémitisme, il y a eu des discussions sur le fait que les nombreuses accusations mettant en cause les personnes de confession juive dans la création et la propagation du virus répondaient à un besoin de trouver et de désigner un bouc émissaire – et les personnes de confession juive se retrouvent trop souvent le bouc-émissaire par défaut. J’ai également été informée de la montée d’une idéologie du complot liant George Soros, qui est un homme d’affaires juif, à l’Organisation mondiale de la santé et aux entreprises pharmaceutiques, accusés d’avoir créé ensemble la pandémie afin de réaliser des profits.
33. J’ai reçu des informations sur une initiative intéressante organisée par le Musée juif de Bruxelles qui tente «d’initier les jeunes à la culture juive par le biais de divers ateliers participatifs, tout en remettant en question les préjugés. Dans l’un des ateliers, par exemple, les mythes et les stéréotypes sur les Juifs sont discutés pour donner aux jeunes l’occasion de démonter les préjugés. Cela peut contribuer à une meilleure compréhension des théories du complot» 
			(29) 
			Réponse de la Belgique
au questionnaire, pour plus d’informations: <a href='https://visit.brussels/fr/event/Let-s-meet-a-Jewh'>https://visit.brussels/fr/event/Let-s-meet-a-Jewh.</a>.
34. Lors du Forum de Malmö, le 13 octobre 2021, l’ancien Premier ministre suédois, Stefan Löfven, a souligné que «l’antisémitisme était en soi une théorie du complot fondée sur des notions de pouvoir et d’intérêt juifs».
35. La guerre engagée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine donne aussi lieu à une montée des idéologies conspirationnistes antisémites. Lors de notre audition du 14 mars 2022, Katharina von Schnurbein a estimé que «la guerre de Vladimir Poutine contre l’Ukraine servait à promouvoir des théories conspirationnistes antisémites: la guerre serait orchestrée par des personnes juives, à des fins de contrôle financier et de pouvoir mondial». Elle a précisé que «le langage et les justifications de la guerre données par Vladimir Poutine avaient des connotations antisémites: la direction de l’Ukraine serait prétendument nazie, alors que le pays a un président d’origine juive». Elle a ajouté que Vladimir Poutine avait parlé d’un génocide commis par les Ukrainiens et évoqué une solution finale. Cette guerre aura des retombées durables dans l’Union européenne et pour le Conseil de l’Europe, car elle s’attaque aux valeurs mêmes sur lesquelles ils se sont construits. La situation des communautés juives quittant l’Ukraine pour Israël ou d’autres pays européens doit aussi retenir notre attention ainsi que le fait que les crises économiques ont traditionnellement provoqué une augmentation de l'antisémitisme.

6. Lutter contre l’antisémitisme en ligne

36. Lors de notre rencontre, M. Whine de l’ECRI a fait remarquer qu’internet était le principal vecteur de l’antisémitisme et que la distorsion de l’Holocauste avait fortement augmenté depuis le début de la pandémie de covid-19. Il a souligné qu’ «accuser les minorités, souvent les personnes juives, de théories du complot était un cliché antisémite historique et qu’on prônait les théories du complot pour diviser les sociétés».
37. L’étude sur la montée de l’antisémitisme en ligne pendant la pandémie 
			(30) 
			Préparée
par l’Institut pour le dialogue stratégique, avril 2021. Voir également <a href='https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2021-antisemitism-overview-2010-2020_en.pdf'>Antisemitism
– Overview of Antisemitic incidents recorded in the European Union
2010-2020, op. cit</a>., fondée sur l’analyse de données en France et en Allemagne, montre clairement une hausse du nombre de commentaires antisémites (sept fois plus sur les comptes francophones et 13 fois plus sur les comptes germanophones) entre les deux premiers mois de 2020 et de 2021. Un discours antisémite spécifique est lié à la pandémie et dans le même temps, le rapport explique qu’il y a eu une multiplication des «clichés antijuifs traditionnels» en lien avec des mythes conspirationnistes sur la façon dont les personnes de confession juive gèrent les institutions politiques et financières ainsi que les médias. Les plateformes en ligne devraient se charger de supprimer les contenus antisémites.
38. Au cours de notre audition, Daniel Höltgen a déclaré à la commission que les grandes sociétés internet ne réagissent qu’en présence d’une législation claire sur la lutte contre le discours de haine et sa prévention, d’un risque de ternissement de leur réputation et de répercussions financières. Il a ainsi jugé très efficace la lutte par des amendes infligées aux sociétés internet. Il a indiqué que selon les preuves apportées par l'Union des étudiants juifs de France dans une affaire judiciaire contre Twitter en France, la plateforme n'a supprimé que 10 à 20 % des discours de haine illégaux notifiés pendant la pandémie. Certaines plateformes ont été encore moins réactives, d'autres plus réactives.
39. L’Union européenne a créé un code de bonne conduite qui veut que les plateformes internet retirent les propos haineux illicites dans les 24 heures suivant leur signalement. Un projet réalisé dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie vise à créer un réseau européen de signaleurs de confiance et de vérificateurs de faits, chargés de surveiller la suppression des contenus antisémites et la diffusion de contre-discours dans toute l’Union européenne.
40. L’ancien ministre néerlandais de la Justice, Ferdinand Grapperhaus, a souligné, lors du sommet de Jérusalem, que l’utilisation croissante d’internet et des médias sociaux ainsi que les théories du complot entourant la covid-19 avaient rendu l’antisémitisme plus visible dans la société. Les efforts de sensibilisation au sens large pour prévenir et combattre les idéologies conspirationnistes et les stéréotypes négatifs à l’égard du peuple juif doivent être davantage soutenus.

7. La montée de l’antisémitisme dans la sphère politique et les réponses parlementaires

41. La volonté de mieux coordonner l’action politique a été démontrée lors du Forum de Malmö sur la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, le 13 octobre 2021, qui a réuni des délégations de 50 pays, de l’Union européenne, dont la FRA, et des acteurs et actrices clés de la société civile. Lors du Forum, Märta Stenevi, ancienne ministre suédoise de l’Égalité, a souligné que «l’exposition à l’antisémitisme et à d’autres formes de racisme affecte notre société dans son ensemble. Elle remet en question la confiance mutuelle qui est vitale pour nos sociétés (...) Les mêmes forces qui répandent la haine manifestent souvent de la haine envers les femmes, les personnes LGBTI, les Roms et les juifs». Edi Rama, Premier ministre albanais, a également souligné que «l’antisémitisme ne concerne pas seulement les Juifs, il concerne les humains. Combattre l’antisémitisme, c’est combattre le racisme et le fondamentalisme». Prévenir et combattre l’antisémitisme, c’est aussi protéger les droits humains en général et notre vivre ensemble.
42. Lors de la présentation de son rapport sur l’antisémitisme à l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2019, Ahmed Shaheed a souligné que l’antisémitisme était toxique pour la démocratie. Il s’est dit «alarmé par l’utilisation croissante des clichés antisémites par les suprémacistes blancs, notamment les néo-nazis et les membres de groupes islamistes radicaux, dans des slogans, des images, des stéréotypes et des théories du complot pour inciter et justifier l’hostilité, la discrimination et la violence à l’égard des Juifs » et préoccupé «par les expressions d’antisémitisme de plus en plus nombreuses émanant de sources de la gauche politique et par les pratiques discriminatoires étatiques à l’égard des Juifs» 
			(31) 
			 <a href='https://news.un.org/fr/story/2019/10/1054381'>«L'antisémitisme
est toxique pour la démocratie et doit être combattu, souligne un
expert de l’ONU</a>», ONU Info, 18 octobre 2019.. D’après Karel Fracapane, de l’UNESCO, l’antisémitisme a une fonction politique qui devrait être dévoilée.
43. Lors du 7e Forum mondial de lutte contre l’antisémitisme, la Professeure Deborah Lipstadt a expliqué que l’antisémitisme augmentait aussi bien à gauche qu’à droite de l’échiquier politique, et devait donc être combattu des deux côtés. Elle a souligné que les Juifs étaient considérés comme blancs et riches par certains, qui ne les voyaient donc pas comme des victimes. «La victime ultime de l’antisémitisme est la démocratie», a-t-elle fait remarquer.
44. Le conflit de Gaza, au printemps 2021, et les événements au Moyen-Orient ont conduit à des critiques de l’État d’Israël souvent accompagnées de commentaires et d’attaques antisémites. L’actualité internationale a des effets sur la façon dont on perçoit les personnes de confession juive en Europe et ailleurs. J’estime pour ma part que l’on peut critiquer la politique d’Israël sans pour autant être antisémite. Dr Sharon Nazarian a considéré lors du Forum mondial que «tenir les communautés juives pour responsables des politiques de l’État d’Israël est une manifestation d’antisémitisme». Forcer de jeunes juifs dont les familles vivent depuis des générations hors d’Israël à prendre position dans le conflit alors qu’ils ne sont guère responsables des politiques et actions du Gouvernement israélien est un autre exemple d’antisémitisme. J’ai conscience que la distinction peut être floue entre l’antisémitisme et la critique des politiques et des actes du Gouvernement israélien formulée dans les limites de la liberté d’expression, mais la définition opérationnelle de l’IHRA apporte des indications utiles à cet égard. Je prône donc son utilisation, à la lumière de l’avis de l’ECRI. Katharina von Schnurbein a souligné que tous les éléments présentés dans la définition opérationnelle sont antisémites, mais qu’ils ne sont pas tous illicites en Europe.
45. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a attiré l’attention sur le rôle des responsables politiques, qui ne doivent pas répandre le discours de haine et l’antisémitisme. Il convient de combattre l’antisémitisme au sein des partis politiques. La publication du rapport de la commission pour l’égalité et les droits humains 
			(32) 
			<a href='https://www.equalityhumanrights.com/en/publication-download/investigation-antisemitism-labour-party'>«Investigation
into antisemitism in the Labour Party» (en anglais uniquement)</a>, Equality and Human Rights Commission, 29 octobre 2020. sur l’antisémitisme au sein du parti travailliste au Royaume-Uni a abouti à l’adoption de mesures fortes telle que l’expulsion de certains dirigeants du parti. En France, plusieurs personnalités ont été poursuivies pour des propos antisémites depuis 2017. Il s’agit notamment d’un homme politique, d’essayistes et d’un acteur. En République slovaque, en 2017, deux membres du parlement ont refusé de s’excuser pour leurs déclarations antisémites et ont été condamnés à une amende (1 000 €).
46. La banalisation de l’Holocauste est un premier pas vers l’amnésie. Lors du Forum de Malmö, Charles Michel, président du Conseil européen, a souligné «que  le silence est le premier pas vers l’acceptation et que le silence est une complicité. Une politique de tolérance zéro envers l’antisémitisme est nécessaire ». La banalisation et la déformation en ligne, dans les discours politiques ou dans le cadre de tout type de rhétorique devraient être interdites. Dans le cadre de son monitoring par pays, l’ECRI a constaté une forte augmentation des niveaux d’incitation à la haine antisémite et raciale, notamment dans le contexte du discours public, y compris par des représentant·e·s de partis politiques. Les propos haineux restent souvent impunis et leur condamnation officielle n’est pas suffisante 
			(33) 
			<a href='https://rm.coe.int/cinquieme-rapport-sur-la-grece/16808b5797'>Rapport
de l'ECRI sur la Grèce</a>, cinquième cycle de monitoring, adopté le 10 décembre 2014.. Un engagement politique fort et des mesures sont nécessaires pour lutter contre toute expression d’antisémitisme et de haine. L’ECRI appelle à une réponse ferme, en particulier l’incrimination de la banalisation ou de la négation de l’Holocauste et des crimes de génocide, notamment lorsque de telles déclarations sont faites par des responsables.
47. Les réponses au questionnaire donnent un aperçu des actions parlementaires visant à prévenir et à combattre l’antisémitisme. Un certain nombre de parlements organisent des cérémonies pour commémorer les victimes de l’Holocauste le 27 janvier de chaque année (Chypre, Autriche, Monténégro et Suède, pour n’en citer que quelques-uns). Des débats thématiques et des expositions ont également été organisés dans certains parlements nationaux. En Pologne, il existe un groupe parlementaire pour la commémoration du massacre de Babi Yar et pour une Europe libérée du génocide et de la haine.
48. Depuis l’automne 2019, le Parlement autrichien propose des ateliers contre l’antisémitisme. J’ai été informée que le président du Conseil national encourage activement la participation des parlements à la campagne «We remember» du Congrès juif mondial et de l’UNESCO, qui se tient chaque année du 20 au 27 janvier. En 2020, le prix Simon Wiesenthal (30 000 €) pour les personnes qui s’engagent dans la lutte contre l’antisémitisme et l’éducation sur l’Holocauste a été créé, il a été remis pour la première fois le 12 mai 2022 
			(34) 
			<a href='https://www.wiesenthalpreis.at/home'>Simon Wiesenthal
Preis</a> (en anglais)..
49. Le 3 décembre 2019, l’Assemblée nationale française a adopté la résolution n° 361 sur la lutte contre l’antisémitisme, visant à reconnaître la définition opérationnelle de l’antisémitisme de l’IHRA. L’antisémitisme est décrit comme «une certaine perception des juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte». Un groupe d’étude sur l’antisémitisme a été constitué à l’Assemblée nationale 
			(35) 
			<a href='https://www2.assemblee-nationale.fr/instances/resume/OMC_PO746629/legislature/15'>Assemblée
nationale, Résolution n° 361 (Texte adopté n° 361), 3 décembre 2019
et Groupe d’études: antisémitisme</a>, XVe Législature – Législature courante, composition
au 19 janvier 2022..
50. En Allemagne, le Bundestag a également lancé des initiatives pour prévenir et combattre l’antisémitisme. En 2009, il a constitué le premier groupe d’expert·e·s indépendant·e·s pour lutter contre l’hostilité envers les juifs, au sein du ministère fédéral de l’Intérieur. Un deuxième groupe d’expert·e·s a présenté son rapport et ses recommandations en 2018 
			(36) 
			 <a href='https://dip.bundestag.de/vorgang/den-kampf-gegen-antisemitismus-verst%C3%A4rken-j%C3%BCdisches-leben-in-deutschland-weiter/16528'>Den
Kampf gegen Antisemitismus verstärken, jüdisches Leben in Deutschland
weiter fördern</a>, 2008 and <a href='https://dip.bundestag.de/vorgang/Antisemitismus-entschlossen-bek%C3%A4mpfen/231098'>Antisemitismus
entschlossen bekämpfen</a>, 2018 (uniquement en allemand).. Le Bundestag a également décidé de créer le poste de coordinateur ou coordinatrice de la lutte contre l’antisémitisme. La personne nommée travaille à la coordination des mesures gouvernementales pour lutter contre l’antisémitisme et est le visage du Gouvernement allemand dans cette lutte. En outre, un groupe d’intérêt pour la vie juive en Allemagne – Le Bernhard-Kreis – a été fondé en septembre 2020 par et pour le personnel parlementaire, tous groupes politiques confondus. Ce groupe vise à lutter contre les préjugés.
51. Au Riksdag en Suède, le réseau «Mémoire de l’Holocauste», soutenu par tous les partis du parlement, organise une cérémonie annuelle de commémoration le 27 janvier et organise des visites de camps de concentration.
52. En Suisse, le groupe parlementaire contre le racisme et la xénophobie a été créé en 1992 et s’occupe de la lutte contre l’antisémitisme au niveau parlementaire. En outre, il existe un comité fédéral indépendant contre le racisme.
53. L’Assemblée parlementaire a organisé le 27 janvier 2022 un événement solennel dans son hémicycle sur le thème «Témoignage, mémoire, enseignement, histoire: transmettre la Shoah aux générations futures», à l’occasion de la Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste.
54. La réponse parlementaire à l’antisémitisme est cruciale. Les développements récents montrant l’action et l’intérêt des parlementaires pour la lutte contre l’antisémitisme sont des étapes encourageantes. L’Alliance parlementaire contre la haine pourrait aider les membres à accroître leurs efforts pour prévenir et combattre l’antisémitisme.

8. Faciliter la vie des communautés juives, assurer la sécurité et la protection des droits humains des personnes juives en Europe

55. Il est primordial de favoriser une vie juive diverse et dynamique, d’assurer la sécurité et la protection des personnes de confession juive et cela devrait relever de la responsabilité des États. Dans certains États membres du Conseil de l’Europe, les enfants de confession juive sont scolarisés dans des écoles privées juives, payées par leurs parents et les communautés, qui estiment leur fournir un environnement plus sûr. Un nombre considérable de familles juives ont quitté l’Europe ou envisagent de le faire pour trouver la sécurité en Israël, au Canada ou aux États-Unis. Au cours de notre rencontre, le rabbin Baker a souligné que certains membres des communautés juives ne souhaitaient pas porter de symboles religieux visibles par crainte de l'antisémitisme 
			(37) 
			Voir aussi <a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2018/experiences-and-perceptions-antisemitism-second-survey-discrimination-and-hate'>Expériences
et perceptions de l’antisémitisme. Deuxième enquête sur la discrimination
et les crimes de haine à l’égard des personnes juives dans l’UE</a>, op. cit.. L’antisémitisme menace la stabilité des sociétés et empoisonne les démocraties.
56. La stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive 
			(38) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52021DC0615&from=EN'>Stratégie
européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie
juive (2021-2030)</a>, communication de la Commission au Parlement européen,
au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité
des régions, COM(2021) 615 Final, 5 octobre 2021., fondée sur les données et les preuves collectées par la FRA en 2018 et 2019 
			(39) 
			Une troisième
enquête de la FRA est en préparation et les résultats devraient
être publiés en 2023., indique que «44 % des jeunes Européens juifs ont été victimes de harcèlement antisémite». Elle indique également que «71 % des Juifs qui portent ou affichent des signes susceptibles de les identifier comme juifs évitent de le faire au moins occasionnellement», que «38 % des Juifs ont envisagé d’émigrer car ils ne se sentaient pas en sécurité en tant que Juifs en Europe» et qu’«un tiers (34 %) des Juifs évitent de participer à des manifestations juives ou de visiter des sites juifs au moins occasionnellement car ils ne se sentiraient pas en sécurité sur place ou lorsqu’ils s’y rendent ». La stratégie fait du soutien à la vie juive et de la protection des communautés juives une priorité. Elle invite les États membres de l’Union européenne à adopter des stratégies ou plans d’action nationaux pour lutter contre l’antisémitisme et à nommer des coordinateurs et coordinatrices nationaux chargés de les mettre en œuvre. La stratégie repose sur trois piliers: prévention de toutes les formes d’antisémitisme et lutte contre celles-ci ; protection et soutien de la vie juive; éducation, recherche et mémoire de la Shoah. Elle comporte aussi une dimension extérieure. Elle prévoit par ailleurs la création d’un pôle de recherche européen sur la mémoire de la Shoah. En novembre 2021, 13 États membres de l’Union européenne ont adopté à ce jour leur stratégie nationale sur la lutte contre l’antisémitisme et sa prévention, un certain nombre d'autres États membres étant également en train d'élaborer leurs stratégies ou leurs plans d'action 
			(40) 
			<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2021/antisemitism-overview-2010-2020'>Antisemitism
– Overview of Antisemitic incidents recorded in the European Union
2010-2020</a>, op. cit..
57. Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 6 décembre 2018, la «Déclaration du Conseil sur la lutte contre l’antisémitisme et la mise en place d’une approche commune en matière de sécurité afin de mieux protéger les communautés et institutions juives en Europe», qui sert de document de référence à l’Union européenne dans la lutte contre l’antisémitisme. Il a aussi adopté le 2 décembre 2020 une Déclaration sur l’intégration de la lutte contre l’antisémitisme dans tous les domaines d’action et des conclusions sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme le 4 mars 2022 
			(41) 
			<a href='https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-15213-2018-INIT/fr/pdf'>Déclaration
du Conseil sur la lutte contre l’antisémitisme et la mise en place
d’une approche commune en matière de sécurité afin de mieux protéger
les communautés et institutions juives en Europe – Conclusions du
Conseil (6 décembre 2018), Déclaration du Conseil sur l'intégration
de la lutte contre l'antisémitisme dans tous les domaines d'action,
2020 et Le Conseil adopte des conclusions sur la lutte contre le
racisme et l'antisémitisme, 4 mars 2022.</a>.
58. Lors de la Conférence de haut niveau sur la protection contre la discrimination raciale et l’intolérance qui lui est associée organisée par la présidence portugaise de l’Union européenne le 20 avril 2021, Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a fait savoir que l’antisémitisme représentait une menace pour la société dans son ensemble. Elle a fait part de ses inquiétudes quant à «l’augmentation de l’antisémitisme et de l’islamophobie en Europe en 2020» et a réaffirmé l’importance de lutter contre ses causes profondes. Il incombe aux États de lutter contre l’antisémitisme.
59. Pour combattre l’antisémitisme, il faut aussi mieux connaitre la diversité de la vie actuelle et du patrimoine juifs. Les lacunes en matière de connaissances de l’Holocauste et de compréhension de la judéité et de la vie juive actuelles doivent être comblées. Il est essentiel de soutenir la vie des communautés juives – ce qui comprend la langue, l’éducation, l’architecture, les sports, les bibliothèques, les institutions religieuses et culturelles, les restaurants et supermarchés kasher, l’entretien des cimetières et bien d’autres actions, comme d’éduquer à la Shoah. L’UNESCO élabore actuellement, en coopération avec le University College of London, une formation en ligne destinée aux enseignant·e·s sur les moyens de lutter contre l’antisémitisme, qui devrait bientôt être accessible. Donner aux enseignant·e·s les moyens de prévenir et de combattre l’antisémitisme devrait devenir une priorité.
60. Lors du Forum de Malmö, Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, a annoncé que les villes aspirant à devenir des capitales européennes de la culture devraient inclure des activités visant à favoriser la vie juive. «L’Europe ne peut prospérer que si les communautés juives prospèrent également».
61. Le Portugal a approuvé un plan national contre le racisme et la discrimination, qui tient compte des actions de l’IHRA. Le 13 mai 2021, le Gouvernement roumain a approuvé une stratégie nationale pour prévenir et combattre l’antisémitisme, la xénophobie, la radicalisation et les discours de haine. Il a également nommé un représentant spécial chargé de promouvoir des politiques de mémoire combattant l’antisémitisme et la xénophobie: l’ambassadeur Victor Micula. J’ai eu un entretien intéressant avec ce dernier sur la mise en oeuvre de la stratégie nationale. Celle-ci vise à assurer la sécurité physique de groupes que nous pourrions considérer comme étant à risque de victimisation par la haine, à accroître la résilience de la société roumaine à l’antisémitisme, à la radicalisation et au discours de haine, et à contribuer aux efforts internationaux de lutte contre l’antisémitisme. Le plan d’action national actuel prévoit 36 actions. Un comité interministériel surveille la mise en œuvre de la stratégie. L’une des priorités porte sur le développement de méthodes de signalement des actes antisémites. Victor Micula a indiqué que la majorité des Roumain·e·s ne se rendent pas compte de la recrudescence du discours antisémite, et qu’il faut leur donner les moyens de le repérer. Il pense qu’il faudrait faire mieux percevoir à la société roumaine les dangers de l’antisémitisme.
62. Felix Klein, nommé pour un mandat de 3 ans afin de coordonner les actions contre l’antisémitisme, m’a transmis des informations sur la mise en œuvre du plan d’action allemand contre l’antisémitisme. Il a souligné l’importance d’avoir des commissaires luttant contre l’antisémitisme dans les structures locales. La formation des avocat·e·s a été une autre mesure importante mise en avant. Il est obligatoire pour les étudiant·e·s en droit d’étudier le fonctionnement du système juridique sous le régime nazi. Une action ciblée avec les ministères de l’Éducation est également importante. Les 16 ministres régionaux de l’éducation ont signé une déclaration sur l’étude de la lutte contre l’antisémitisme à l’école. M. Klein a recommandé de mettre en place un système de signalement des incidents antisémites à l’école. La formation des enseignant·e·s à la lutte contre l’antisémitisme est également cruciale et du matériel pédagogique est en cours de préparation. M. Klein a souligné que «nous devons combattre l’antisémitisme en tant que société». Une législation clé a été adoptée pour lutter contre l’antisémitisme et les discours de haine sur internet. Les plateformes internet sont désormais tenues de supprimer les contenus antisémites et de signaler l’adresse IP des contrevenant·e·s à la police dans les 24 heures.
63. Il y a eu des cas de banalisation de l’Holocauste en Allemagne, comme ailleurs en Europe. Les services de renseignement ont introduit une nouvelle catégorie: «délégitimation de l’État». L’interdiction de l’utilisation des étoiles jaunes fait l’objet d’ordonnances de police (Ordnungsrecht). Les principales recommandations de M. Klein comprennent une approche stratégique de la lutte contre l’antisémitisme, la création de commissaires chargé·e·s de combattre l’antisémitisme et la collecte systématique de données.
64. Le président du Congrès juif mondial, Ronald Lauder, estime qu’environ 70 % des écoliers et écolières en Europe ne connaissent pas l’Holocauste. Ces estimations sont conformes à l'enquête Eurobaromètre de 2019 sur les perceptions de l'antisémitisme 
			(42) 
			<a href='https://europa.eu/eurobarometer/surveys/detail/2220'>Perception
of Antisemitism – January 2019, Eurobarometer survey</a> (en anglais uniquement).. L’enseignement de la Shoah est essentiel pour empêcher le développement de l’antisémitisme. Les déclarations sont importantes mais peuvent ne pas être suffisantes. C’est pourquoi nous devons soutenir le travail de l’Observatoire de l’enseignement de l’histoire du Conseil de l’Europe. Si cet enseignement reste incomplet, des générations ne sauront rien de la Shoah. Le Conseil de l’Europe accorde une attention accrue à la mémoire de l’Holocauste. Le Comité des Ministres a adopté le 17 mars 2022 une Recommandation relative à la transmission de la mémoire de la Shoah et à la prévention des crimes contre l’humanité 
			(43) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/european-governments-must-ensure-holocaust-remembrance-and-education-to-combat-anti-semitism'>Les
gouvernements européens doivent assurer la commémoration de l’Holocauste
et l’éducation pour combattre l’antisémitisme.</a>.
65. Les élèves croates reçoivent des informations sur l’Holocauste à l’école dans le cadre des cours d’histoire. Le ministère des Sciences, de l’Éducation et des Sports élabore des lignes directrices pour l’enseignement de l’Holocauste, et en décembre 2019, «les recommandations pour l’enseignement et l’apprentissage de l’Holocauste ont été adoptées pour soutenir les décideurs et décideuses de l’éducation et les enseignant·e·s en vue de développer les connaissances sur l’Holocauste, d’assurer une bonne compréhension et des connaissances individuelles justes et de sensibiliser aux conséquences possibles de l’antisémitisme, de promouvoir l’esprit critique et la réflexion sur l’Holocauste, y compris la capacité de rejeter le négationnisme et la déformation des faits de l’Holocauste, de contribuer à l’éducation aux droits humains et de prévenir le génocide» 
			(44) 
			Réponse de la Croatie
au questionnaire..
66. L’Institut international pour la mémoire de la Shoah «Yad Vashem» à Jérusalem (Israël) organise, en coopération avec le ministère de l’Éducation et des Sciences de Lettonie, des cours annuels de perfectionnement sur l’enseignement de la Shoah, l’antisémitisme et la discrimination en Lettonie. L’ambassade d’Israël et la communauté juive du pays participent également à l’organisation de ces cours.
67. L’Institut national d’éducation slovène envoie un message annuel aux élèves, aux lycéen·ne·s et aux étudiant·e·s universitaires pour marquer la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste, le 27 janvier.
68. Le Gouvernement norvégien dispose d’un plan d’action contre l’antisémitisme, qui fait partie de son travail global sur l’inclusion et contre la discrimination et les discours de haine. Ce plan d’action comprend: des projets spécifiques pour les écoles ; des subventions pour la formation des enseignant·e·s ; un soutien aux musées juifs d’Oslo et de Trondheim et au festival de la culture juive de Trondheim ; un soutien à la recherche, y compris des postes de doctorant·e·s et de post-doctorant·e·s sur la prévention des préjugés hostiles aux groupes dans les écoles et des recherches générales sur la vie juive en Norvège. En 2018, le gouvernement a également fourni des fonds pour l’expansion du Centre norvégien d’études sur l’Holocauste et les minorités à Oslo. Sur le plan pratique, des membres de la communauté juive font visiter la synagogue d’Oslo deux ou trois fois par jour, certain·e·s se rendent dans les écoles en éclaireurs ou éclaireuses pour y tenir des discussions. Petra Kahn Nord, représentante du Congrès juif mondial en Norvège, m’a dit que la rencontre de «vraies personnes juives» était le moyen le plus efficace de lutter contre l’antisémitisme. Certaines actions visent à ouvrir à la communauté juive un espace au sein de la société. Le pays agit au niveau international pour prévenir et combattre l’antisémitisme et préserver le patrimoine culturel juif d’Europe.
69. Les visites des mémoriaux de l’Holocauste, des musées juifs, d’Auschwitz et d’autres anciens camps de concentration doivent être davantage encouragées, et offrir la possibilité de discuter avec des historien·ne·s et des survivant·e·s, tant que cela est encore possible. L’Union européenne prévoit de mettre en place un réseau de jeunes ambassadeurs et ambassadrices sur la mémoire de l’Holocauste, pour raconter l’histoire des grands-parents et des parents et montrer que l'antisémitisme sous le régime national-socialiste ne se manifestait pas seulement dans les camps de concentration, mais presque partout. Ce réseau doit être fortement soutenu.
70. La collecte de données sur les actes antisémites est cruciale pour adapter les réponses. La Fédération des communautés juives d’Espagne et le Mouvement contre l’intolérance ont créé un «Observatoire de l’antisémitisme» en 2009. Cet observatoire enregistre les actes de violence physique ou verbale, les attaques contre les biens, les graffitis antisémites dans les espaces publics, les actes antisémites dans les médias, sur internet ou dans les médias sociaux 
			(45) 
			Rapports de l’Observatoire
pour <a href='https://observatorioantisemitismo.fcje.org/wp-content/uploads/2020/10/Informe-2017-2018-rev-1.pdf'>2017-2018</a>, <a href='https://observatorioantisemitismo.fcje.org/wp-content/uploads/2021/06/Informe-2019-editado1.pdf'>2019
et rapport 2020</a>. Voir <a href='https://observatorioantisemitismo.fcje.org/incidentes/'>https://observatorioantisemitismo.fcje.org/incidentes/</a>. Le Gouvernement espagnol coopère également avec des fondations juives pour proposer aux étudiant·e·s et aux enseignant·e·s des projets éducatifs sur l’Holocauste.
71. La Bulgarie, avec l’aide de la FRA et de l’OSCE/BIDDH, a mené plusieurs sessions de formation au cours de la période 2018-2019 à l’intention des forces de l’ordre et des organismes chargés de l’application de la loi dans le pays, en vue d’améliorer le processus d’enregistrement, de stockage et de traitement des données sur les crimes de haine et d’accroître la détection, la poursuite et la sanction effectives des crimes de haine, y compris les actes antisémites.
72. L’abattage rituel et autres pratiques traditionnelles n’ont pas été abordées dans la préparation de ce rapport ; un débat de l’Assemblée à ce sujet pourrait se révéler utile à un stade ultérieur.

9. Lutter contre l’antisémitisme dans le sport

73. Des actes antisémites et racistes sont régulièrement signalés dans le domaine du sport, et en particulier le football, où l’on entend encore parfois des propos ou des chants antisémites, et où des drapeaux ou d’autres gestes de haine sont encore visibles. Le sport a un rôle essentiel à jouer dans la promotion des valeurs du Conseil de l’Europe et devrait être un vecteur de respect, d’attitudes positives et d’inclusion. Il peut contribuer à donner le ton en matière de lutte contre l’antisémitisme, le racisme et l’intolérance.
74. L’ECRI recommande aux autorités de continuer à poursuivre les auteurs d’actes antisémites et de discours haineux dans les stades de football pour faire en sorte que la législation sur le discours de haine soit connue et respectée. Les autorités devraient aussi soutenir le dialogue entre les clubs de football concernés et la société civile pour prévenir de manière efficace les chants et les comportements racistes et en particulier antisémites. L’ECRI a recommandé aux autorités polonaises d’encourager la Fédération polonaise de football à élaborer un code d’éthique traitant notamment de la question du racisme des supporters et d’intensifier leurs efforts de sensibilisation aux dangers du racisme dans le sport 
			(46) 
			<a href='https://rm.coe.int/cinquieme-rapport-sur-la-pologne/16808b59a1'>Rapport
de l'ECRI sur la Pologne</a>, cinquième cycle de monitoring, adopté le 20 mars 2015
et <a href='https://rm.coe.int/cinquieme-rapport-sur-les-pays-bas/168094c578'>Rapport
de l'ECRI sur les Pays-Bas</a>, cinquième cycle de monitoring, adopté le 2 avril 2019..
75. J’ai participé à une conférence internationale sur le football et l’antisémitisme dans ma circonscription à Vienne en novembre 2021. Les clubs de football ont souscrit à la définition opérationnelle de l’IHRA et échangé sur les initiatives réussies de lutte contre l’antisémitisme. À l’occasion de cette conférence, la ligue nationale de football et l’équipe nationale de football d’Autriche ont souscrit à la définition opérationnelle de l’IHRA sur l’antisémitisme qu’elles utiliseront dans le cadre de leurs futurs travaux de lutte contre l’antisémitisme. Au cours d’un débat auquel j’ai participé, les intervenants ont souligné l’importance du sport, et en particulier du football, pour diffuser auprès du public des messages qui défendent clairement les droits humains et le respect des autres. L’expérience des clubs de football de Chelsea et du Borussia Dortmund montre que les stars du football qui s’expriment contre l’antisémitisme et l’intolérance exercent une influence considérable et peuvent motiver leurs supporters à repenser leurs chants, leurs préjugés et leur attitude.
76. Lord John Mann, membre de la Chambre des Lords et conseiller du gouvernement sur l’antisémitisme, élabore actuellement un guide de formation sur la lutte contre l’antisémitisme dans le sport. Je l’ai rencontré afin de discuter de ce projet. Des clubs de football comme le Borussia Dortmund ont été des fers de lance avec leurs actions contre l’antisémitisme (ainsi que d’autres formes de racisme mais aussi de sexisme et de violence fondée sur le genre).
77. La lutte contre l’antisémitisme dans le sport est l’une des priorités de la Bulgarie dans sa lutte contre l’antisémitisme. Le pays a l’intention de faire adopter et appliquer par les clubs sportifs la définition opérationnelle de l’IHRA sur l’antisémitisme en 2022 (engagement formulé à Malmö). Le club hongrois Ferencvárosi Torna a également rejoint l’initiative de l’IHRA et a adopté sa définition opérationnelle de l’antisémitisme. J’ai reçu des informations sur le «tournoi de football de la tolérance» , organisé depuis 2015 par la Fédération des communautés juives hongroises (MAZSIHISZ) entre des enfants chrétiens et des enfants juifs âgés de moins de 14 ans, et sur les activités prévues pour les familles.
78. Avec le soutien de la Fédération autrichienne de football et de la Ligue autrichienne de football, l’initiative Fairplay gère le bureau de signalement «Signalez la discrimination dans le football!». Les cas suspects de racisme/antisémitisme dans le football autrichien sont documentés et contrôlés. Les supporters et les visiteurs et visiteuses des stades peuvent signaler les actes antisémites. Lorsque des chants antisémites sont entendus, Fairplay peut contacter la Fédération autrichienne de football qui peut alors décider de sensibiliser les groupes de supporters à la question de l’antisémitisme.
79. En Pologne, la campagne Let’s Kick Racism out of Stadiums («Chassons le racisme des stades») est menée par l’association Never Again («Plus jamais») depuis 1996. Elle vise à lutter contre le racisme et la discrimination dans les stades. Au début de l’année 2021, un grand club sportif de Stockholm, le Djurgården, a été critiqué parce que l’un de ses entraîneurs avait fait un commentaire inapproprié. L’événement a attiré l’attention des médias et le Congrès juif européen s’est adressé directement au club. À la suite du scandale, Djurgården a décidé d’adopter la définition opérationnelle de l’antisémitisme de l’IHRA. Il s’est engagé à travailler plus activement pour combattre l’antisémitisme 
			(47) 
			<a href='https://www.worldjewishcongress.org/en/news/leading-swedish-football-club-djurgarden-adopts-ihra-definition-of-antisemitism'>«Leading
Swedish football club Djurgården adopts IHRA definition of antisemitism</a>», Congrès juif européen, 18 février 2021.. En Suisse, le SLR (service dédié à la lutte contre le racisme) a récemment décidé de soutenir l’initiative «Sportler*innen für Offenheit und Vielfalt (VSOV)». L’objectif de cette organisation est d’organiser des rencontres entre équipes sportives et de lutter contre l’antisémitisme et le racisme. L'arrêt des matches pendant lesquels il y a des manifestations d'antisémitisme ou d'autres formes de haine pourrait contribuer à sensibiliser à la nécessité de les combattre.
80. Il convient d'envisager des actions ciblées pour prévenir et combattre l'antisémitisme dans le sport. L'adoption de codes de conduite par les fédérations sportives, les campagnes ou événements de sensibilisation lancés par les clubs et les sanctions pour les discours de haine antisémite seraient tous utiles pour prévenir et combattre l'antisémitisme dans le sport et auraient un écho au-delà du monde du sport.

10. La dimension de genre de l’antisémitisme

81. J’ai eu l’occasion de discuter de la dimension de genre de l’antisémitisme avec Alina Bricman du B’nai B’rith International. Cette dimension de genre peut prendre différentes formes: formes spécifiques de discrimination, violence combinée à un discours de haine antisémite contre les femmes juives et antisémitisme de groupes qui sont aussi profondément antisexistes et antiféministes. On peut trouver des appels à la violence fondée sur le genre, y compris des commentaires pro-viol, sur des pages web ou des plateformes antisémites. Il pourrait également y avoir des liens avec le déni de la réalité du changement climatique.
82. Selon Karin Stögner, l’antisémitisme mondial est à peine inclus dans l’analyse intersectionnelle, car les personnes de confession juive sont souvent considérées comme privilégiées et blanches. Il existe également des stéréotypes sur les femmes juives et leur statut. Plusieurs membres du parlement ont été la cible d’attaques antisémites liées au genre.
83. Il existe à ce jour peu de recherches sur la dimension de genre de l’antisémitisme 
			(48) 
			Voir <a href='https://www.osce.org/odihr/320021'>«Understanding
Antisemitic Hate Crime: Do the Experiences, Perceptions and Behaviors
of Jews Vary by Gender, Age and Religiosity?», OSCE, 2017 (en anglais
uniquement).</a>, mais ce sujet mériterait d’être approfondi, de même que celui de la haine et de la discrimination à l’égard des personnes juives LGBTI et personnes juives de couleur. Il serait pertinent d'examiner la question de l'antisémitisme dirigé contre les femmes et émanant de femmes. Le fait d'être une femme pourrait être une circonstance atténuante. La lutte contre l’antisémitisme et la discrimination en général mérite une approche inclusive et intersectionnelle. La FRA a constaté à certains endroits, dans l’Union européenne, une intersectionnalité entre les groupes minoritaires russes et les groupes juifs ; ce point pourrait aussi être étudié plus en détail. Les identités sont multiples et doivent être reconnues.

11. Conclusions

84. L’antisémitisme nous concerne toutes et tous: il s’agit d’une question de droits humains, et c’est dans ce cadre qu’il doit être traité. La prévention et la lutte contre l’antisémitisme exigent des réponses multiples: engagement international fort, législation claire sur le discours de haine, actions de prévention de l’antisémitisme aux niveaux national et local, investissement dans l’éducation et programmes de sensibilisation des jeunes. Une attention particulière doit être accordée à la lutte contre l’antisémitisme dans la vie politique, y compris au sein des partis. On pourrait envisager que soient créés des groupes parlementaires sur la lutte contre toutes les formes de haine au sein des parlements nationaux.
85. La sécurité des communautés juives relève de la responsabilité de l’État. Le fait que des personnes juives quittent l’Europe ou envisagent de le faire montre que notre continent a manqué à les protéger et à soutenir la vie juive. Il faut faire clairement comprendre que les communautés juives ont toujours été et sont chez elles en Europe.
86. À l’instar de ce que demande l’Union européenne à ses États membres dans sa stratégie, je pense qu’il serait primordial de demander aux 46 États membres du Conseil de l’Europe d’adopter et de mettre en œuvre une stratégie ou un plan d’action national de prévention et de lutte contre l’antisémitisme, et de promotion de la vie juive, ou de prévoir dans leurs plans généraux de lutte contre le racisme une partie significative consacrée à la lutte contre l’antisémitisme, avec un financement suffisant affecté à sa mise en œuvre. Ces plans d’action ou stratégies devraient être préparés en concertation avec les communautés juives et couvrir la prévention, la protection et la réparation. Je pense qu’ils devraient aussi comporter une partie sur le soutien de la vie juive. La nomination d’’envoyé·e·s spéciaux/spéciales ou de coordinateurs et coordinatrices chargé·e·s de la lutte contre l’antisémitisme pourrait être encouragée.
87. La rhétorique antisémite est de plus en plus utilisée en temps de crise, de pandémie ou de guerre. Comme l’a observé Katharina von Schnurbein, l’antisémitisme mute en fonction de son contexte. Les communautés juives sont prises comme bouc émissaire pour tout problème qui se présente. Le discours de haine antisémite est très courant, y compris en ligne, et des mesures fortes doivent être prises pour freiner sa diffusion. Les réseaux sociaux devraient supprimer les contenus antisémites, et des sanctions, y compris des amendes, devraient leur être infligées en cas de non-respect. Les promesses des plateformes de réseaux sociaux de suppression volontaire des propos haineux se sont révélées insuffisantes. Un équilibre entre modération du contenu et liberté d’expression doit être trouvé. J’attends avec intérêt la future recommandation du Comité des Ministres sur une approche globale de la lutte contre le discours de haine dans le cadre des droits humains.
88. La négation et la distorsion de l’Holocauste visent à nier une partie de l’histoire européenne. Elles peuvent également servir des intentions politiques. La négation, la banalisation, la justification ou l’éloge de l’Holocauste devraient être érigés en infractions pénales. L’enseignement de l’histoire doit couvrir l’Holocauste et faire échec à sa banalisation et au révisionnisme. Les programmes éducatifs spécifiques et les campagnes de sensibilisation sont de bons instruments de prévention de l’antisémitisme. Le cas échéant, des crédits suffisants doivent être alloués à leur création et à leur mise en œuvre. Il faut trouver de nouvelles façons de présenter l’histoire de l’Holocauste s’il n’y a plus de survivant·e·s pour raconter leur vécu. L’Assemblée devrait en outre être encouragée à poursuivre ses actions annuelles sur la mémoire de l’Holocauste.
89. Pour concevoir des réponses adaptées, il est essentiel de collecter des données sur les actes antisémites et de procéder à des recherches sur les causes profondes de l’antisémitisme. Faire en sorte que les forces de police inspirent une plus grande confiance favoriserait indéniablement les signalements. Il est aussi vivement recommandé de former la police, les procureurs et les juges à la lutte contre l’antisémitisme et à sa prévention. Ces formations pourraient s’étendre au renforcement du soutien aux victimes d’actes antisémites.
90. Mendel Samama, rabbin de Strasbourg, m’a dit lors de notre rencontre: «on ne saurait aimer ce que l’on ne connaît pas, mais on peut le haïr». Il est indispensable de veiller à ce qu’existent des occasions de rencontres et d’échanges. Des projets comme celui des éclaireurs norvégiens pourraient inspirer d’autres pays.
91. L’Union européenne appelle ses États membres à approuver et à utiliser la définition opérationnelle de l’antisémitisme de l’IHRA. Lors de notre audition, le directeur de la FRA, Michael O’Flaherty, a souligné l’importance d’une définition commune de l’antisémitisme. Pour lui, «la définition opérationnelle de l’IHRA est précieuse, et opérationnelle en raison de son caractère pratique». L’ECRI a elle aussi adopté un avis sur cette définition, dont elle estime qu’elle «repose sur une notion qui englobe aussi diverses formes contemporaines d’antisémitisme sans essayer de délégitimer les critiques adressées à Israël dans la mesure où ce pays doit être traité comme n’importe quel autre État». L’ECRI encourage les États membres du Conseil de l’Europe à prendre en compte la définition de l’IHRA, et je propose de l’utiliser, à la lumière de l’avis de l’ECRI.
92. Il est essentiel de sensibiliser la population à l’urgente nécessité de la prévention de l’antisémitisme, non pas sur le plan purement théorique mais à un niveau pratique. Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a déclaré au Forum de Malmö d’octobre 2021 qu’une société qui ne fait pas de place à la diversité n’en fait pas non plus à l’humanité. Prévenir et combattre l’antisémitisme est un engagement à ne pas laisser notre humanité aller à la dérive.