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Rapport | Doc. 15547 | 06 juin 2022

Conséquences humanitaires et migrations internes et externes en lien avec l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Pierre-Alain FRIDEZ, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15474, Renvoi 4633 du 14 mars 2022. 2022 - Troisième partie de session

Résumé

Le rapport se penche sur le plus important mouvement de populations depuis la seconde guerre mondiale, causé par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Il salue l’admirable et inédite solidarité des États membres du Conseil de l’Europe, qui ont accueilli, à la mi-mai 2022, plus de 6 millions de réfugiés, dont plus de 3 millions en Pologne, et loue les efforts remarquables de l’Ukraine elle-même, qui s’occupe de 7 à 9 millions de personnes déplacées tout en menant des combats pour défendre son territoire et les valeurs de la démocratie partagées par le reste de l’Europe.

En soulignant le rôle important joué par les organisations internationales et l’Union européenne pour coordonner leurs efforts et répondre aux besoins et aux défis en temps réel, le rapport examine les différentes solutions mises en place par l’Ukraine et les pays frontaliers dans le cadre de leurs obligations internationales et régionales, ainsi que les défis auxquels les autorités et les personnes déplacées et réfugiées elles-mêmes sont confrontées.

Les besoins actuels pour assurer une vie digne et tournée vers l’avenir des personnes déplacées et réfugiées sont colossaux, bien supérieurs aux ressources disponibles. Par ailleurs, les conséquences à long terme de cette crise humanitaire sont indéniables. Alors que la société civile joue un rôle fondamental dans l’accueil au sens large des personnes déplacées et réfugiées et que le pouvoir central a un rôle essentiel à jouer en matière de coordination, le poids principal de la gestion de la crise humanitaire repose sur les villes et les régions, notamment en termes d’infrastructures.

Le rapport préconise une série de mesures pérennes qui trouvent leurs sources dans les instruments du Conseil de l’Europe, afin que l’Ukraine et les pays d’accueil puissent répondre aux besoins urgents et à plus long terme.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 3 juin 2022.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est extrêmement inquiète des conséquences humanitaires causées par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, jetant des millions de personnes sur les routes, et provoquant ainsi le mouvement de population le plus important depuis la seconde guerre mondiale. Elle est consternée par les chiffres vertigineux, qui ne cessent d’augmenter avec, à la mi-mai 2022, plus d’un quart de la population ukrainienne ayant fui les bombardements, les exactions et la terreur.
2. Applaudissant la réaction rapide du Conseil de l’Europe, qui a suspendu la Fédération de Russie dès le 25 février 2022, avant de l’exclure le 16 mars 2022, suite à l’Avis 300 (2022) adopté à l’unanimité par l’Assemblée, celle-ci appelle les États membres du Conseil de l’Europe à soutenir l’engagement pérenne de l’Organisation en Ukraine inclus dans le Plan d’Action ajusté pour l’Ukraine (2018-2022), qui contient une série de mesures immédiates visant à faire face aux conséquences directes de l’agression perpétrée par la Russie.
3. L’Assemblée se félicite de la solidarité dont ont fait preuve les États membres du Conseil de l’Europe en ouvrant leurs frontières dès le 24 février 2022 et, en ce qui concerne les États de l’Union européenne, en activant, pour la première fois depuis son adoption en 2001, la Directive 2001/55/CE, dite de protection temporaire, et en l’incorporant dans leur droit national. Elle invite tous les parlements nationaux, y compris ceux des États qui ne sont pas membres de l’Union européenne et qui ne l’ont pas encore fait, à mettre en place une protection au moins équivalente et à l’élargir afin de couvrir aussi les ressortissants des pays tiers. Ceci pourrait comprendre la levée des restrictions de visa, le cas échéant.
4. L’Assemblée est impressionnée par les efforts admirables déployés par l’Ukraine qui, en plus d’assurer la défense de son territoire et des valeurs de liberté et de démocratie qui lui sont chères, doit répondre aux besoins des 7 à 9 millions de personnes déplacées qui ont trouvé refuge dans des régions jusque-là relativement épargnées par la guerre.
5. Tout en espérant un arrêt rapide des hostilités, l’Assemblée a conscience que les conséquences humanitaires ne seront pas résolues à court terme. Il est donc fondamental de s’assurer d’un soutien continu, à long terme et coordonné de la part des États membres du Conseil de l’Europe afin de garantir que les personnes déplacées et réfugiées provenant d’Ukraine reçoivent toute l’aide dont elles ont besoin pour mener une vie digne et tournée vers l’avenir.
6. Persuadée que l’accueil dans la dignité des personnes qui ont fui la guerre en Ukraine est indéniablement un devoir de tous les États membres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée estime qu’il est nécessaire de créer les conditions pour que la résilience du peuple ukrainien soit pérenne et à long terme.
7. En même temps, il est nécessaire de penser d’ores et déjà à la reconstruction de l’Ukraine, qui devra faire face à de multiples défis, notamment en matière environnementale et d’infrastructures. Dans ce contexte, l’Assemblée se félicite des promesses faites lors de la conférence des donateurs organisée à Varsovie le 5 mai 2022. Cette aide internationale devra être attentivement ciblée et coordonnée afin de répondre à tous les besoins de la société ukrainienne.
8. En attendant, tant que dure la guerre, l’Assemblée souligne qu’il est indispensable de mettre en œuvre une politique de soutien coordonnée, continue, à long terme et non discriminatoire impliquant tous les acteurs concernés, les organisations internationales, les autorités centrales, les autorités régionales et locales, la société civile et le secteur privé.
9. Reconnaissant l’énorme générosité dont ont fait preuve les Européens vis-à-vis de l’Ukraine, à travers les dons d’aide humanitaire très importants faits depuis le 24 février 2022, l’Assemblée regrette leur diminution progressive, et appelle à un effort constant et soutenu, tout en rappelant que cette aide humanitaire doit faire l’objet d’un suivi et d’un contrôle de qualité. Pour ce faire, elle encourage l’Union européenne, les institutions onusiennes pertinentes et les autorités ukrainiennes compétentes à mettre en place un mécanisme qui effectuera ces tâches.
10. L’Assemblée encourage les États membres à développer des plans d’action de gestion des crises humanitaires pour éviter les improvisations observées lors des premiers jours. Les États qui n’ont pas de tradition d’accueil de migrants devraient analyser leur expérience récente dans le but d’envisager un changement de paradigme.
11. L’Assemblée considère qu’une approche intégrée dans l’évaluation des besoins humanitaires de l’Ukraine est indispensable. Dans ce contexte, le soutien apporté par les organisations internationales, notamment le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale des migrations (OIM) est fondamental.
12. L’Assemblée rappelle que les questions d’infrastructure (routes, transports, évacuation d’eau, gestion des ordures ménagères etc.) doivent être examinées simultanément à l’évaluation des besoins en termes de logements. Elle se réjouit de l’initiative récente des 120 architectes de toute l’Ukraine rassemblés à Irpin, dans la région de Kyiv, pour élaborer une stratégie de développement pour la restauration de la ville et recommande la création d’un réseau d’organisations non gouvernementales réunissant des architectes et des ingénieurs des États membres du Conseil de l’Europe sous la houlette de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l'Europe qui pourraient apporter leur soutien à leurs collègues ukrainiens.
13. Reconnaissant la responsabilité essentielle des autorités nationales dans l’accueil des réfugiés, l’Assemblée est impressionnée par le rôle essentiel joué par la société civile pour apporter une réponse humanitaire digne au drame que vit le peuple ukrainien et reconnait que ce soutien est essentiel pour relever les nombreux défis auxquels les États d’accueil doivent faire face. Elle déplore cependant que ce rôle ne soit pas toujours reconnu à sa juste valeur et appelle les autorités nationales à traiter les organisations non gouvernementales, bénévoles et autres acteurs comme des partenaires à part entière. Celles dont les compétences et l’implication sont bien établies doivent pouvoir bénéficier de financements nationaux et internationaux.
14. L’Assemblée est vivement préoccupée par le sort de certains groupes de personnes vulnérables:
14.1. Elle encourage les États membres du Conseil de l’Europe, dont leurs parlements nationaux, à s’appuyer sur les activités, normes et standards développés dans le cadre du Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des personnes vulnérables dans le contexte des migrations et de l’asile en Europe (2021-2025), afin de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour remédier à la vulnérabilité de certaines personnes.
14.2. Elle rappelle la nécessité impérieuse d’identifier de manière précoce les personnes en situation de vulnérabilité et de respecter les normes et les standards du Conseil de l’Europe tels qu’ils sont développés dans le cadre du Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des personnes vulnérables dans le contexte des migrations et de l’asile en Europe (2021-2025).
14.3. Afin de prévenir la traite des êtres humains, elle préconise la mise en place d’un système transnational de suivi qui aiderait la police des frontières à identifier plus facilement les victimes potentielles. De manière générale, il reste nécessaire d’intensifier les mesures pour prévenir et combattre la traite des êtres humains et l’abus et l’exploitation des personnes vulnérables, notamment des femmes et des enfants, en s’inspirant de la note d’orientation du Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA).
14.4. Rappelant que les enfants non accompagnés et disparus (qu’ils aient quitté l’Ukraine ou qu’ils soient encore sur son territoire) courent un risque plus élevé d'exploitation et d'abus sexuels, l’Assemblée salue la Déclaration adoptée le 10 mars 2022 par le Comité des Parties à la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (STCE no 201) (Comité de Lanzarote) sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels suite à l’agression militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Il est essentiel que les États mettent en œuvre les recommandations adoptées par le Comité de Lanzarote dans le contexte de son Rapport Spécial «Protéger les enfants touchés par la crise des réfugiés contre l’exploitation et les abus sexuels» et suivent les conseils aux États sur la prévention et la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels dans le contexte des migrations et de l'asile contenus dans la Fiche pratique préparée à cette fin.
14.5. Se félicitant de la Recommandation CM/Rec(2022)17 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la protection des droits des femmes et des filles migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile, adoptée le 20 mai 2022, l’Assemblée appelle à une mise en œuvre efficace. Dans ce contexte, elle appelle à la mise en œuvre de politiques et de services sensibles au genre.
14.6. L’Assemblée regrette que les nationaux de pays tiers n’aient pas reçu le même accueil que les ressortissants ukrainiens et rappelle l’obligation de protéger ceux qui fuient l'Ukraine contre la violence xénophobe et raciste et les discours de haine. Elle espère que la réponse apportée par les États membres, ainsi que les nombreuses initiatives développées durant cette période pourront aussi bénéficier aux autres réfugiés présents en Europe et qu’une nouvelle approche sera adoptée à leur égard. Elle souligne la nécessité d’assurer l’égalité des chances d’accès à l’éducation pour tous les élèves et les étudiants, dont le cours de l’enseignement a été interrompu par le déclenchement des hostilités en Ukraine. Elle recommande aussi la mise en place de la possibilité de passer les examens à distance, notamment pour les étudiants des pays tiers, ou la possibilité de retourner étudier en Ukraine lorsque cela sera possible.
14.7. La situation des Roms demeure préoccupante. Elle a mis en lumière les difficultés qui subsistent concernant les documents d’identité des Roms en Ukraine et la nécessité d’y remédier dès que les conditions le permettront. L’Assemblée souligne la nécessité de voies sûres et régulières vers la sécurité pour toutes les personnes, indépendamment de leur nationalité, de leur appartenance ethnique et de leur religion – y compris pour les apatrides et les Roms sans papiers. Elle rappelle la Déclaration de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe qui a appelé tous les États membres à accroître la sensibilisation aux vulnérabilités et aux difficultés rencontrées par les Roms qui fuient la guerre, et à redoubler d’efforts pour y remédier, en veillant en particulier à ce que l’aide humanitaire soit fournie à tous, sans aucune discrimination. L’Assemblée suggère qu’en préparant leurs rapports de suivi sur la situation en Ukraine et dans les autres pays concernés, les organes de suivi compétents du Conseil de l’Europe dressent un état des lieux et proposent des solutions concrètes, et recommande la mobilisation de l'équipe Roms et Gens du voyage du Conseil de l’Europe afin de s’assurer que les Roms fuyant les combats bénéficient de protection adéquate et à long terme, notamment une voie pour un permis de résidence ou la nationalité, voire de programmes d’intégration sans être stigmatisés.
14.8. L’Assemblée rappelle la nécessité de garantir les droits de tous, sans discrimination, et dans ce contexte, appelle tous les États membres à prêter attention à la situation des personnes LGBTI qui se trouvent encore en Ukraine ou qui fuient la guerre, afin que leur vulnérabilité et leurs besoins soient pleinement pris en compte dans l’aide humanitaire qui leur est apportée.
14.9. L’Assemblée rappelle que la situation des enfants demande des mesures spécifiques, basées sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Concernant les enfants non accompagnés ou séparés, l’Assemblée se réfère à la Résolution ... (2022) «Protection et prise en charge des enfants migrants et réfugiés non accompagnés ou séparés», à la recommandation du Comité des Ministres Rec(2019)11 sur «Un régime de tutelle efficace pour les enfants non accompagnés et les enfants séparés dans le contexte de la migration» et au Guide sur le placement en famille d’accueil d’enfants non accompagnés ou séparés adopté par le Comité directeur des droits de l’homme (CDDH) en décembre 2021. Elle rappelle également les mesures proposées sous l’objectif stratégique 6 («Les droits de l’enfant dans les situations de crise ou d’urgence») de la nouvelle Stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant (2022-2027), notamment en ce qui concerne la protection des enfants migrants et des enfants dans les conflits armés.
15. Les personnes ayant fui l’Ukraine sont naturellement confrontées à un dilemme: le désir d’un retour rapide ou le besoin d’intégration. L’Assemblée admet le choix des personnes déplacées pour un retour sûr, volontaire et digne, tout en étant consciente, comme eux, de l’instabilité de la situation en matière de sécurité. Elle estime qu’il est indispensable pour les personnes ayant fui la guerre à l’étranger de trouver leur place dans la société d’accueil pendant le temps de leur séjour.
15.1. Ainsi, dès que possible et au plus tard après avoir terminé leur année scolaire selon le programme ukrainien, à la rentrée 2022, les enfants devraient être encouragés à intégrer les établissements scolaires du pays où ils se trouvent. Les vacances d’été pourraient être l’occasion de préparer les enfants à la rentrée scolaire dans les établissements de leur pays d’accueil. Les outils pour l’éducation aux langues ainsi que l‘intégration linguistique des enfants développés par le Conseil de l’Europe devraient être systématiquement mis à profit. A leur retour en Ukraine, les apprentissages acquis devraient être reconnus par le système scolaire ukrainien. L’accès aux structures d'accueil préscolaire est aussi très important pour de nombreuses femmes arrivant avec de jeunes enfants, pour qui l’absence de ce type de garde d’enfants rendrait encore plus difficile leur intégration et l’accès au marché du travail.
15.2. De même, l’Assemblée est consciente que l’accès à l’emploi dans les pays d’accueil demeure un défi majeur pour les personnes réfugiées en provenance d’Ukraine, notamment concernant la reconnaissance de leurs diplômes. Elle se félicite des efforts déjà entrepris pour renforcer les capacités des professionnels de la reconnaissance des diplômes pour faciliter un traitement efficace, professionnel et équitable des qualifications ukrainiennes et du fait que le Passeport européen des qualifications des réfugiés puisse aider les réfugiés et les gouvernements des pays d'accueil dans la période à venir. Déjà 16 pays européens ont rejoint ce projet du Conseil de l’Europe et l’Assemblée encourage les autres à le faire afin de faire évaluer les qualifications des personnes ukrainiennes qui ont été obligées de fuir la guerre, même en l'absence de documents d’identité complets.
15.3. Des centres d’intégration sous la responsabilité des municipalités et avec l’implication de la société civile pourraient être développés notamment dans le cadre du Réseau des villes interculturelles dans le but d’accompagner les personnes réfugiées d’Ukraine dans l’apprentissage de la langue, la recherche d’un emploi etc. Ces centres d’accueil pourraient être chargés de la préparation des élèves ukrainiens à la rentrée scolaire.
15.4. Une évaluation des besoins, tant matériels que psychologiques, des personnes qui retourneront en Ukraine devrait être mise en place par les organes compétents et les programmes de soutien internationaux pour s’assurer qu’elles ne tombent pas dans la précarité à leur retour.
16. L’Assemblée se félicite du rôle actif joué par la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) dans l’aide apportée aux personnes fuyant la guerre en Ukraine par le biais de dons provenant de son Fonds pour les migrants et les réfugiés et de prêts. Reconnaissant que l’arrivée de milliers de réfugiés venant d’Ukraine a constitué un défi incontestable pour ses pays frontaliers, notamment en termes de services publics, tels que les écoles, les hôpitaux et les transports, déjà en nombre insuffisant avant la guerre, elle estime que la situation actuelle où les besoins ont explosé doit être transformée en opportunité et servir d’impulsion au renforcement des services publics défaillants et/ou insuffisants notamment grâce à l’implication de la CEB.
17. Dans ce contexte, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe à renforcer davantage les ressources de la CEB afin d’améliorer sa capacité à répondre aux besoins urgents par des subventions ciblées et d’accroître sa capacité à financer à long terme des investissements dans des infrastructures sociales dans les pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés ukrainiens, et elle encourage vivement l’Ukraine à y accéder rapidement.
18. Reconnaissant le rôle clé des autorités locales et régionales pour faire face aux conséquences humanitaires désastreuses auxquelles sont confrontés les citoyens et consciente du fait que les besoins sont le mieux évalués au plus près de leur source, l’Assemblée se félicite de la mise en place de la plateforme soutenue par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux «Cities4Cities» comme lieu de coordination permettant de répondre aux demandes et aux besoins des villes et régions ukrainiennes de façon synchronisée. Elle appelle cette initiative à se transformer en plateforme européenne de jumelage à part entière pour permettre la mise en place de jumelages circonstanciés, dans le but de mobiliser la solidarité et de garantir que l’aide humanitaire fournie corresponde aux besoins réels et soit acheminée là où il le faut. Par ailleurs, l’Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux à examiner les moyens d’aider les autorités locales à gérer les conséquences humanitaires pour les communautés locales, en coordination avec les autres acteurs pertinents.
19. Les États membres qui ne partagent pas de frontière avec l’Ukraine doivent s’investir davantage pour coordonner et soutenir les énormes efforts déployés dans les pays frontaliers. L’Assemblée appelle les autorités centrales, régionales et locales à faciliter le transport intra et international des personnes déplacées, notamment en mettant à disposition des moyens de transport supplémentaires ainsi que des services relatifs, tel que information/orientation, organisation de logements sociaux, inscription d’enfants à l’école etc. L’Assemblée préconise aussi la création d’une plateforme unifiée d’information et d’achats de billets de train au niveau européen, descendante lointaine de la carte InterRail créée à l’initiative du Conseil de l’Europe.
20. Enfin, l’Assemblée, consciente du rôle très important joué par le secteur privé pour atténuer les dommages causés par la crise humanitaire due à l’agression russe contre l’Ukraine et de celui qu’elle sera amenée à tenir pour la reconstruction du pays, encourage les États membres du Conseil de l’Europe, s’agissant des services et prestations liés à la société de l’information, à exploiter les possibilités offertes par le partenariat conclu entre le Conseil de l’Europe et le secteur privé afin de maintenir et de promouvoir la mise en place et/ou la reconstruction des infrastructures numériques et services connexes, y compris un internet sûr et ouvert qui respecte les droits humains dans l’univers en ligne et hors connexion.

B. Exposé des motifs par M. Pierre-Alain Fridez, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Une page de l’histoire de l’Europe s’est tournée le 24 février 2022, lorsque la Fédération de Russie a agressé sa voisine, l’Ukraine, violant ainsi la souveraineté et l’intégrité territoriale de celle-ci, la Charte des Nations Unies et portant atteinte à l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe.
2. L’agression de l’Ukraine par la Russie a fait l’objet d’une condamnation ferme et immédiate par le Conseil de l’Europe, ainsi que de la part d’États et d’autres organisations internationales telles que les Nations Unies, l’Union européenne, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) et l’Union interparlementaire.
3. Ainsi, dès le lendemain de l’agression, le 25 février 2022, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a décidé de suspendre, avec effet immédiat, la Fédération de Russie de son droit de représentation au sein du Comité des Ministres et de l’Assemblée parlementaire. Suite à la demande du Comité des Ministres du 10 mars de consulter l’Assemblée sur une potentielle future utilisation de l’Article 8 du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1), celle-ci a tenu une session extraordinaire les 14 et 15 mars 2022, à l’issue de laquelle elle a adopté à l’unanimité l’Avis 300 (2022) considérant que la Fédération de Russie ne pouvait plus être un État membre de l’Organisation. En outre, l’Assemblée a estimé que le Comité des Ministres devait demander à la Fédération de Russie de se retirer immédiatement du Conseil de l’Europe. Lors d’une réunion extraordinaire tenue le 16 mars, le Comité des Ministres a décidé, dans le cadre de la procédure lancée en vertu de l’Article 8 du Statut, que la Fédération de Russie cessait d’être membre du Conseil de l’Europe à compter du même jour, 26 ans après son adhésion.
4. Pendant ce temps, et à ce jour, plus de 14 millions de personnes ont été jetées sur les routes, fuyant les hostilités menées par la Russie dont la gravité aura des conséquences désastreuses, notamment, humanitaires, à très long terme. L’offensive militaire a délibérément ciblé les civils, retrouvés pris dans des sièges, sous les bombardements et attaqués par des frappes aériennes visant des villes densément peuplées. Toutes ces personnes souffrent des conséquences terribles de ces combats, des bombardements et de l’encerclement: angoisse, stress traumatique, pertes d’êtres chers, blessures physiques et psychiques, privations en tous genres, violence, viols etc.
5. La ville de Marioupol est devenue le symbole du martyre qu’endure le peuple ukrainien. La découverte des charniers et des exactions, telles que les exécutions sommaires et les viols, commises par les forces russes dans les villes de Boutcha, Irpin, Borodyanka et Andriivka a donné une nouvelle dimension à cette guerre totalement injustifiée.
6. Sous nos yeux, la situation humanitaire en Ukraine s’est gravement détériorée au fil des semaines, avec un nombre élevé de victimes civiles, dont des femmes et des enfants, et l’accroissement du nombre de personnes déplacées et de réfugiés nécessitant une aide humanitaire.
7. A la mi-mai, nous avons dépassé le chiffre effarant de plus de six millions de réfugiés ayant fui l'Ukraine, dont plus de 3 millions ont été accueillis rien qu’en Pologne. A ces chiffres s’ajoutent plus de huit millions de personnes qui ont été déplacées à l'intérieur du pays. Il s'agit de la crise de réfugiés qui a connu la croissance la plus rapide en Europe depuis la seconde guerre mondiale, comme l'a souligné le Conseil de sécurité des Nations Unies sur l'Ukraine. Ces millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire et de protection.
8. Les États frontaliers de l’Ukraine, notamment la Pologne, la République slovaque et la Roumanie, où je me suis rendu, ont fait preuve de solidarité exemplaire en organisant l’arrivée, l’installation ou le transit des réfugiés obligés de fuir leur pays. La décision de l’Union européenne visant à la mise en œuvre, pour la première fois, de la directive 2001/55/CE (directive de protection temporaire) est plus qu’importante mais sans mécanisme de solidarité, ces mouvements de population pourraient se transformer rapidement en catastrophe humanitaire, notamment en République de Moldova qui a atteint ses limites d’accueil et où le bruit des bombes qui tombent en Ukraine résonne. Par ailleurs, les risques de traite, d’exploitation et d’abus se sont déjà manifestés à l’égard de femmes et d’enfants complètement démunis.
9. Pour les personnes qui n’ont pas quitté le territoire de l’Ukraine mais qui sont forcées à l’exil, le risque d’insécurité alimentaire n’est pas à minimiser. Cette insécurité peut aussi devenir un facteur de nouveaux déplacements forcés. Ceci dit, si les personnes sont obligées de quitter leur maison et leur vie d’avant le 24 février, c’est bien en raison de l’agression russe, des bombardements visant des objectifs civils et des exactions commises par les forces russes.
10. Tout déplacement forcé, notamment vers la Fédération de Russie ou le Bélarus, constitue une violation du droit international humanitaire 
			(2) 
			Article 49, Convention
(IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en
temps de guerre, 12 août 1949, <a href='https://ihl-databases.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/INTRO/380'>Traités,
États parties et Commentaires</a>, 1949 (icrc.org), de même que les bombardements et les pilonnages des villes situées à l’ouest de l’Ukraine qui ont aussi accueilli des millions de personnes déplacées, mettant en danger l’infrastructure des villes et des régions qui ne sont pas équipées pour un accroissement de population aussi important que celui qu’elles connaissent depuis le début de la guerre.
11. Le présent rapport dresse un état des lieux des conséquences humanitaires pour les personnes déplacées et réfugiées ayant fui la guerre en Ukraine afin de proposer des solutions ayant une valeur ajoutée dans le cadre des instruments existants du Conseil de l‘Europe, sur les moyens à mobiliser à terme pour répondre à l’ensemble des défis provoqués par l’agression de la Fédération de Russie contre son voisin ukrainien et sa population innocente.
12. Ces propositions sont notamment basées sur les visites d’information conduites en Pologne, en Roumanie, en République slovaque et en Ukraine en avril et en mai 2022 (voir les programmes de ces visites, AS/Mig/Inf(2022)03 et AS/Mig/Inf(2022)04)) et qui m’ont permis de constater la situation de mes propres yeux. Je souhaite remercier vivement les délégations ukrainienne et roumaine, ainsi que les Bureaux du Conseil de l’Europe de Varsovie et de l’Organisation internationale de la migration (OIM) en République slovaque pour l’aide qu’ils m’ont apportée dans l’organisation de ces visites. Je remercie également la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, la Représentante spéciale de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe pour la migration et les réfugiés, Leyla Kayacik, ainsi que Ioannis Dimitrakopoulos, Conseiller scientifique du Directeur de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) pour les échanges de vues que la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a tenus avec eux en mars et en avril derniers.
13. J’aurais préféré ne pas vivre une telle expérience en Europe au XXIème siècle et voir un pays attaché à la démocratie et aux droits humains être attaqué précisément pour ces raisons, au motif de prétextes aussi pervers que mortifères.

2. Chiffres et données

2.1. Personnes ayant fui les combats

14. A la mi-mai 2022, le nombre de personnes déplacées en Ukraine s’élevait à 8 029 000 
			(3) 
			Rapport de l’OIM, «<a href='https://eur02.safelinks.protection.outlook.com/?url=https%3A%2F%2Fdtm.iom.int%2Freports%2Fukraine-%25E2%2580%2594-internal-displacement-report-%25E2%2580%2594-general-population-survey-round-4-29-april-%25E2%2580%2593-3-may&data=05%7C01%7CLENEUTRE%40unhcr.org%7Cca189b3b539d4acf8aab08da39092fcd%7Ce5c37981666441348a0c6543d2af80be%7C0%7C0%7C637885009617009665%7CUnknown%7CTWFpbGZsb3d8eyJWIjoiMC4wLjAwMDAiLCJQIjoiV2luMzIiLCJBTiI6Ik1haWwiLCJXVCI6Mn0%3D%7C2000%7C%7C%7C&sdata=2sKZC1nW8U3gcgNvmZc0W%2BF%2BBBSrU4YldW1cKROLzA4%3D&reserved=0'>Ukraine
– Internal Displacement Report – General Population Survey Round
4» (29 avril-3 mai 2022), (iom.int)</a>, 9 mai 2022. soit 18,2% de la population, chiffre en augmentation de 24% depuis le 17 avril. Selon les estimations de l’OIM, 22% de ces personnes déplacées internes indiquent qu’au moins un membre de leur famille est un enfant âgé entre 1 et 5 ans alors que 55% d’entre elles indiquent qu’elles vivent avec au moins une personne âgée de plus de 60 ans. 23% de personnes déplacées attestent qu’au moins une personne de leur famille est en situation de handicap et 31% affirment qu’au moins une personne de leur famille a une maladie chronique.
15. Près de 66% des personnes déplacées internes sondées indiquent qu’elles ont prioritairement besoin d’une aide financière, 23% indiquent un besoin de médicaments et de soins médicaux et 17% de nourriture 
			(4) 
			Ibid..
16. A la même période, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) estimait que plus de 6,5 millions d’Ukrainiens avaient fui le pays et que plus de 2 millions étaient retournés en Ukraine 
			(5) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine'>Operational
Data Portal – Ukraine refugee situation</a>, 22 mai 2022.. Comme l’indique le HCR, ce chiffre reflète les mouvements transfrontaliers et n’indique pas nécessairement un retour durable. Jusqu’à présent, l’afflux le plus important de réfugiés d’Ukraine vers les pays voisins s’est opéré en mars avec 3 381 926 de personnes ayant quitté le territoire (contre 1 501 654 en avril). Depuis le début de la guerre, le Pologne a accueilli plus de 3 millions de réfugiés, la Roumanie presque 1 million, plus de 400 000 sont arrivés respectivement en République de Moldova et en République slovaque et plus de 600 000 en Hongrie 
			(6) 
			Ibid..
17. Ces quelques chiffres vertigineux, montrant que plus d’un quart de la population ukrainienne a dû quitter son toit, donnent la mesure des besoins en aide humanitaire, non seulement en Ukraine mais aussi dans les pays frontaliers, qui ont subi un impact conséquent avec l’arrivée en masse, principalement de femmes et d’enfants en bas âge, que ce soit à pied, en voiture ou en train. Heureusement, la mobilisation quasi-instantanée de tous les acteurs, notamment ceux de la communauté internationale, a permis de répondre aux besoins urgents dès que les premières personnes ont atteint les frontières. Si le chaos a régné les premiers jours, des efforts ont rapidement été faits pour accueillir les réfugiés ukrainiens dans la dignité et le respect de la loi.

2.2. Aide humanitaire

18. S’il a fallu parer au plus urgent dès le 24 février 2022, trois mois plus tard, il est nécessaire de parler de besoins à long terme, non seulement pour la durée de la guerre, mais aussi après, lorsqu’il faudra reconstruire l’Ukraine. Avec la chute de Marioupol, on voit bien que l’armée russe n’a pas d’autre objectif que l’anéantissement total de l’Ukraine. On peut donc anticiper les chiffres colossaux qui vont suivre. On parle de 599 milliards de dollars nécessaires à la reconstruction. Parallèlement, l’engagement de la communauté internationale est sans précédent, puisque plus de neuf milliards d’aide à l’Ukraine sont déjà sur la table.
19. Les Nations Unies et ses partenaires, impliqués dans la fourniture de l’aide humanitaire pour les communautés vulnérables de l’est de l’Ukraine depuis plus de huit ans, ont augmenté le niveau de leurs aides pour répondre aux besoins massifs et urgents de secours et de protection des civils à travers le pays. Ainsi, un total de 44,4 millions de dollars a été alloué dans 24 oblasts, fournissant une aide à plus de 2,1 millions de personnes dans le besoin, notamment par le biais de la protection des infrastructures civiles conformément au droit international humanitaire et aux droits humains, et de la fourniture de services de base dans les zones touchées par le conflit 
			(7) 
			<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-fund-1st-and-2nd-reserve-allocations-2022-dashboard-25-april'>Ukraine
Humanitarian Fund: 1st and 2nd Reserve Allocations 2022 Dashboard
(As of 25 April 2022) – Ukraine, ReliefWeb.</a>.
20. Ces chiffres, en constante évolution, demeurent incomparables aux besoins, puisque sur les 12 millions de tonnes d’aide humanitaire nécessaires quotidiennement, seules 3 arrivent en Ukraine.
21. Une conférence de donateurs a été organisée le 5 mai à Varsovie, marquant, je l’espère, le point de départ d’un «Plan Marshall» pour l’Ukraine, comme l’ont appelé de leurs vœux le Président ukrainien Volodymyr Zelensky et le Président du Conseil européen, Charles Michel. A cette occasion, le Président Zelensky a lancé l’opération UNITED24, lieu de collecte unique de dons caritatifs en faveur de l'Ukraine 
			(8) 
			<a href='https://u24.gov.ua/'>United24 – The initiative of the
President of Ukraine (u24.gov.ua).</a>. Les fonds seront transférés sur les comptes officiels de la Banque nationale d'Ukraine et alloués par les ministères désignés pour couvrir les besoins les plus urgents en matière de défense et de déminage, d’aide médicale et de reconstruction. Comme il l’a souligné, le financement octroyé à l'Ukraine est incontestablement un investissement dans la sécurité de toute la région. A l’issue de la conférence de Varsovie, plus de 6, 5 milliards de dollars d’aide humanitaire provenant de fonds publics et privés ont été promis à l’Ukraine 
			(9) 
			«<a href='https://www.lemonde.fr/en/international/article/2022/05/05/war-in-ukraine-warsaw-conference-raises-6-5-billion-dollars-for-ukraine_5982520_4.html'>War
in Ukraine: Warsaw conference raises 6.5 billion dollars for Ukraine»
(lemonde.fr).</a>.
22. L'Union européenne, unie dans son soutien à l'Ukraine, a intensifié son soutien politique, humanitaire, financier et militaire à l'Ukraine depuis le début de la guerre. A la mi-mai, elle avait mobilisé 4,1 milliards d'euros d'aides macro financières (assistance, appui budgétaire, aide d'urgence, aide de réponse de crise et aide humanitaire), en plus des 1,5 milliard d'euros de dépenses militaires. Du jamais vu.
23. Dans son Plan stratégique de reconstruction, dévoilé le 18 mai 2022, la Commission européenne a proposé d’octroyer neuf milliards supplémentaires pour aider l’Ukraine à se reconstruire, ainsi que la création d’une «plate-forme de reconstruction de l’Ukraine» (Rebuild Ukraine) qui, à moyen et long terme, et avec l’appui du G7, du G20, de pays tiers et d’institutions financières internationales, voire de villes, pourrait coordonner l’aide à la reconstruction du pays, une fois la guerre achevée 
			(10) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/FS_22_3169'>Ukraine:
Relief and reconstruction (europa.eu).</a>.
24. Ces chiffres sont vertigineux, mais l’ampleur sans précédent de cette guerre menée en Europe met l’accent sur la nécessité d’une Europe unie et solidaire.
25. Avec son mandat spécifique, la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB), reposant sur un accord partiel du Conseil de l'Europe, a également un rôle fondamental à jouer, comme l’a justement souligné le rapport intitulé «Conséquences de l'agression persistante de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l'Europe» 
			(11) 
			Doc. 15506..

3. Réponse humanitaire internationale

3.1. Les principales agences onusiennes

26. La réaction de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de ses agences à l’agression de l’Ukraine par la Russie a été immédiate, et le HCR et l’OIM ont renforcé leur présence sur le terrain pour apporter de l’aide aux personnes déplacées et réfugiées, à l’Ukraine et aux pays d’accueil. Les deux agences, qui jouent un rôle déterminant, travaillent de concert, comme j’ai pu l’observer à la frontière de la République slovaque avec l’Ukraine, à Vyšné Nemecké où leurs tentes, les unes blanches, les autres bleues, étaient installées côte à côte.
27. Les activités conduites par le HCR en Ukraine touchent au plus près des besoins des personnes déplacées. Le HCR coordonne la protection et les abris d'urgence «Protection and Shelter Clusters». L’agence onusienne est aussi impliquée dans le soutien financier et matériel de la population. Ainsi, elle a mis en place des centres d’accueil pour les personnes déplacées et leur fournit une assistance financière importante notamment en leur permettant de se doter d’une carte bancaire («cash assistance» dont ont bénéficié près de 700 000 personnes déplacées dans onze régions) 
			(12) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/fr/documents/details/92724'>Ukraine
situation: Flash Update #12 (unhcr.org)</a>, 11 mai 2022..
28. À l'intérieur de l'Ukraine, de nombreuses personnes prises au piège sont dans l’incapacité de subvenir à leurs besoins de base, alimentaires, en eau et en médicaments. L'acheminement d'une aide vitale reste difficile, avec un manque d'accès humanitaire sûr. Le HCR et d’autres agences internationales continuent de s'efforcer d'atteindre les zones durement touchées pour acheminer cette assistance vitale grâce à des convois humanitaires inter-agences.
29. Dans les pays frontaliers, le HCR joue un rôle important dans la prévention de la traite des êtres humains, de l’abus et de l’exploitation. Ainsi, des centres de soutien à la protection des enfants et de la famille (Blue Dots) ont été mis en place en coopération avec l’UNICEF. Ces Blue Dots rassemblent un ensemble minimum de prestations de protection et de services sociaux et d'orientation pour les enfants et les familles. Ils visent à améliorer l'accessibilité et la standardisation des services fournis par différents partenaires, ainsi que la prévisibilité, avec un point bleu comme label reconnaissable.
30. Le HCR ne se limite pas à apporter de l’aide directe aux réfugiés et aux personnes déplacées, puisqu’il est également engagé dans des activités de sensibilisation des autorités aux frontières concernant les violences basées sur le genre et la protection des enfants. En collaboration avec d’autres agences, comme l’OIM, le HCR apporte une aide psychologique, veille à la protection des personnes les plus vulnérables notamment en les sensibilisant au risque de trafic d’êtres humains.
31. De manière générale, le HCR a déployé ses mécanismes de coordination afin de faciliter le travail des différents acteurs présents sur le terrain, d’améliorer la fourniture de l’aide aux réfugiés et d’assurer leur sécurité.
32. Son expérience de terrain est cruciale pour compléter l’aide d’urgence apportée par les autorités ukrainiennes, les États frontaliers ainsi que les nombreux autres acteurs, y compris ceux issus de la société civile.
33. De son côté, l’OIM a pour priorité la sécurité et la protection à court, moyen et long terme de toutes les personnes touchées par la guerre 
			(13) 
			Rapport
de l’OIM, «<a href='https://reliefweb.int/report/ukraine/iom-regional-ukraine-response-situation-report-18-12-may-2022'>IOM
Regional Ukraine Response – Situation Report #18», 12 May 2022,
ReliefWeb</a>, 12 mai  2022.. Ses interventions s’inscrivent dans le cadre des plans lancés en avril par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) «Ukraine Flash Appeal» et par le HCR avec le «Regional Refugee Response Plan» 
			(14) 
			OIM,
Ukraine and Neighbouring countries Response, <a href='https://crisisresponse.iom.int/appeal-documents'>Flash
and Other Appeals, Global Crisis Response Platform (iom.int)</a>, avril 2022.et les complètent. Elle est chargée, notamment de la collecte, de l’analyse et de la diffusion de données qui constituent un élément essentiel pour permettre à l’Organisation mais aussi aux gouvernements des pays limitrophes de mieux appréhender les besoins des personnes fuyant la guerre et d’agir le plus rapidement possible.
34. L’OIM est membre actif du UN Country Team et du UN Humanitarian Country Team et participe activement à plusieurs groupes de travail aux niveaux régional et national (groupe de travail sur la gestion d’information, groupe de travail sur le transfert de fonds («cash working group»), groupe de travail sur la protection, groupe de travail sur la protection contre l’exploitation sexuelle et les abus, task force anti-traite) afin d’intervenir dans plusieurs domaines notamment au regard de l’aide financière, de la prévention contre la traite des êtres humains, la santé, ou encore la fourniture de produits de première nécessité 
			(15) 
			OIM Communiqué, «<a href='https://switzerland.iom.int/fr/news/les-besoins-augmentent-pour-plus-de-8-millions-de-personnes-deplacees-en-ukraine'>Les
besoins augmentent pour plus de 8 millions de personnes déplacées
en Ukraine», OIM Suisse</a>, 10 mai 2022..
35. Ainsi, l’OIM joue un rôle clé dans la coordination de la réponse d’urgence de soutien à l’Ukraine, comme j’ai pu le constater en République slovaque (voir para 53) 
			(16) 
			<a href='https://iom.sk/en/'>Home – International Organization
for Migration (IOM) Slovakia.</a>. Une des fonctions importantes de l’OIM est d’informer les personnes ayant traversé la frontière aux points d'entrée en République slovaque (Vyšné Nemecké, Ubľa), et se trouvant dans les centres à grande échelle, tels que ceux de Michalovce et de Humenne, ou au Hot Spot de Košice, sur les services disponibles pour les étrangers en République slovaque dans le cadre du Centre d'information sur la migration (conseils juridiques et concernant les questions sociales, sur les cours de langue disponibles, orientation culturelle, etc.). Elle fournit de l’aide humanitaire directe en fonction des besoins du terrain (couvertures, kits hygiéniques et désinfection, centres d'allaitement, défibrillateurs), contribue à la protection et à la prévention de la traite des êtres humains en assurant le transport de personnes vulnérables, contribue à l’hébergement des réfugiés notamment par le biais de contrats conclus avec Airbnb, participe à l’aide financière directe des réfugiés par le biais de programmes de versement d’espèces – «cash-based intervention». Dans le cadre de son mandat, l'OIM est également active en matière de santé mentale et de soutien psychologique des migrants, des communautés touchées par les situations d'urgence et des communautés d'accueil. Le rôle de l’OIM dans l’aide au retour volontaire et à la réintégration dans le pays d'origine est également important. Enfin, l’OIM gère la plateforme («hub») humanitaire de la République slovaque destiné à l’Ukraine (voir para 53).

3.2. L’Union européenne

36. L’Union européenne a rapidement pris des mesures décisives pour condamner la Fédération de Russie, notamment par une série de paquets de sanctions, ainsi que pour aider l'Ukraine et les Ukrainiens. Ainsi, une série de décisions ont été prises et d'initiatives lancées, pour venir en aide aux personnes fuyant la guerre et cherchant refuge dans les pays voisins.
37. En particulier, l'activation de la directive européenne sur la protection temporaire (décision du Conseil européen du 4 mars 2022) a été une étape à la fois cruciale et bienvenue, car elle a fourni un cadre juridique clair pour accueillir les Ukrainiens dans les pays de l'Union européenne.
38. Par ailleurs, la «Plateforme de solidarité», le bras «opérationnel» de coordination des initiatives d’assistance humanitaire de l’Union européenne et de ses pays membres, joue incontestablement un rôle majeur dans l’aide humanitaire apportée à l’Ukraine 
			(17) 
			<a href='https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/stronger-europe-world/eu-solidarity-ukraine_en'>EU
solidarity with Ukraine, European Commission (europa.eu).</a>. Elle est le principal mécanisme opérationnel et de coordination de l'Union européenne. Son rôle est d’examiner les besoins identifiés dans les États membres et de coordonner le suivi opérationnel en réponse. Elle coordonne le transfert des personnes de la République de Moldova vers les pays de l'Union européenne. Jusqu'à présent, 7 pays de l'Union européenne et la Norvège se sont engagés à accueillir 14 500 personnes originaires de République de Moldova. Les premiers transferts ont commencé le 19 mars 2022. Enfin, la plateforme élabore des lignes directrices et des procédures opérationnelles normalisées pour faciliter ces transferts, avec une attention particulière portée à la situation des enfants, en particulier les mineurs non accompagnés.
39. Aussi, dès le 28 mars 2022, la Commission européenne, en coordination avec la présidence française, a présenté un plan en 10 points pour une coordination européenne renforcée sur l'accueil des personnes fuyant la guerre contre l'Ukraine 
			(18) 
			<a href='https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/news/home-affairs-council-10-point-plan-stronger-european-coordination-welcoming-people-fleeing-war-2022-03-29_en'>Home
Affairs Council: «10-Point Plan on stronger European coordination
on welcoming people fleeing the war against Ukraine», (europa.eu).</a>. La feuille de route est en cours d’élaboration mais déjà le 11 mai, la Plateforme de solidarité s'est engagée à suivre et à mettre en œuvre un Plan commun de lutte contre la traite des êtres humains pour faire face aux risques de traite des êtres humains et soutenir les victimes potentielles parmi celles qui fuient la guerre en Ukraine (voir para 95).
40. Enfin, la Commission européenne coordonne la plus vaste opération du mécanisme de protection civile de l’Union européenne 
			(19) 
			Commission européenne,
«European Civil Protection and Humanitarian Aid Operations» <a href='https://ec.europa.eu/echo/where/europe/ukraine_en'>Ukraine,
(europa.eu)</a>, 12 mai 2022.. Outre la fourniture d’aide financière pour des projets humanitaires (nourriture, eau, abris, éducation) en Ukraine et dans les pays voisins, elle fournit également du matériel médical notamment grâce au dispositif RescEU et aide à l’évacuation de personnes malades chroniques vers des hôpitaux à travers l’Europe 
			(20) 
			Voir
la page de la Commission européenne dédiée: <a href='https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/stronger-europe-world/eu-solidarity-ukraine/eu-assistance-ukraine_fr'>Aide
de l'UE à l’Ukraine, (europa.eu).</a>.
41. Les différentes agences de l’Union européenne sont également impliquées. L’Agence des droits fondamentaux, la FRA, s’est rendue au début du mois de mars dans les quatre pays de l’Union européenne qui partagent une frontière avec l’Ukraine: la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la République slovaque. Cette mission a donné lieu au premier Bulletin sur la guerre en Ukraine publié par la FRA, qui se concentre sur la situation des personnes qui ont fui l’Ukraine dans ces quatre pays 
			(21) 
			<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2022/ukraine-bulletin-1-2022'>«The
war in Ukraine – Fundamental rights implications within the EU –
Bulletin 1», FRA (europa.eu).</a>.
42. Europol a déployé des équipes opérationnelles dans les pays voisins de l’Ukraine 
			(22) 
			<a href='https://www.europol.europa.eu/media-press/newsroom/news/war-in-ukraine-europol-deploys-operational-teams-to-all-frontline-partner-countries'>«War
in Ukraine: Europol deploys operational teams to all frontline partner
countries», Europol (europa.eu)</a>, 1er avril 2022. qui soutiennent les autorités nationales par des contrôles de sécurité et des enquêtes aux frontières extérieures de l’Union européenne afin de lutter contre la menace terroriste et contre les criminels qui tentent d’y entrer par le biais du flux de réfugiés ukrainiens 
			(23) 
			<a href='https://www.europol.europa.eu/europol%E2%80%99s-solidarity-ukraine'>«Europol’s
solidarity with Ukraine», Europol (europa.eu)</a>, 29 avril 2022..
43. L’Agence de l'Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL) a quant à elle organisé, dès le début du mois de mars 2022, des activités de sensibilisation aux défis et risques générés par la crise actuelle des réfugiés ukrainiens et de partage des bonnes pratiques en matière de gestion des frontières à l’attention des personnes occupant des postes dans le domaine de la sécurité et de la gestion des frontières 
			(24) 
			<a href='https://www.cepol.europa.eu/media/news/cepol-launches-series-webinars-impact-ukraine-conflict-law-enforcement'>«CEPOL
launches series of webinars on the impact of Ukraine conflict on
law enforcement» | CEPOL (europa.eu)</a>, 9 mars 2022..
44. Afin de soutenir les États membres dans la gestion des personnes fuyant l’Ukraine vers les pays voisins, Frontex (l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes), au 12 mai 2022, avait déployé 527 agents aux frontières entre l'Union européenne et l'Ukraine 
			(25) 
			<a href='https://frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/update-on-ukraine-more-than-6-million-refugees-cross-eu-s-borders-xgNX2Q'>«Update
on Ukraine: more than 6 million refugees cross EU’s borders», (europa.eu)</a>, 12 mai 2022.. Elle a également organisé des vols humanitaires pour des citoyens non ukrainiens afin qu’ils puissent rejoindre leur pays d’origine 
			(26) 
			<a href='https://frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/ukraine-frontex-support-to-member-states-PAEQqq'>«Ukraine:
Frontex support to Member States», (europa.eu)</a>, 4 mai 2022..
45. Enfin, la récente Agence de l’Union européenne pour l’asile (EUAA) a mis en place le «Ukraine Emergency Response Board» pour une meilleure coordination du soutien apporté aux États membres ayant des besoins en matière d'asile et d'accueil et pour les aider à mettre en œuvre la directive européenne sur la protection temporaire. Par ailleurs, une formation est offerte dans chaque pays limitrophe pour permettre aux différents acteurs de renforcer leur capacité à gérer cette crise 
			(27) 
			<a href='https://euaa.europa.eu/news-events/euaa-training-officials-context-war-ukraine'>«The
EUAA training officials in the context of the war in Ukraine», EUAA
(europa.eu)</a>, 4 mai 2022. ainsi que des recommandations pratiques concernant notamment l’accueil d’urgence des personnes déplacées en Ukraine 
			(28) 
			<a href='https://euaa.europa.eu/news-events/euaa-lays-out-next-steps-protect-ukrainians-staying-private-accommodation-eu'>«EUAA
lays out next steps to protect Ukrainians staying in private accommodation
in the EU», EUAA (europa.eu)</a>, 19 mai 2022 et <a href='https://euaa.europa.eu/publications/private-accommodation-persons-displaced-ukraine'>«Private
accommodation for persons displaced from Ukraine», EUAA (europa.eu).</a>.

3.3. Le Conseil de l’Europe

46. Notre Organisation a pris une décision historique en suspendant la Fédération de Russie dès le lendemain de son agression de l’Ukraine et en l’excluant le 16 mars, suite à l’Avis 300 (2022) adopté à l’unanimité par notre Assemblée 
			(29) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/portal/-/council-of-europe-suspends-russia-s-rights-of-representation'>«Council
of Europe suspends Russia’s rights of representation», Newsroom
(coe.int)</a>; <a href='https://pace.coe.int/en/news/8638/the-russian-federation-can-no-longer-be-a-member-state-of-the-council-of-europe-pace-says'>«The
Russian Federation can no longer be a member State of the Council
of Europe, PACE says» (coe.int)</a><a href='https://pace.coe.int/en/news/8638/the-russian-federation-can-no-longer-be-a-member-state-of-the-council-of-europe-pace-says'>.</a>.
47. Grâce à la réaction rapide de ses organes statutaires, le Conseil de l’Europe a démontré sa pertinence et sa valeur ajoutée pour soutenir un de ses États membres, l’Ukraine, face à une guerre atroce et totalement injustifiée.
48. La Commissaire aux droits de l’homme, Dunja Mijatović, s’est activement mobilisée depuis le début de la guerre dans la réponse à donner aux conséquences de la guerre en Ukraine en matière de droits humains 
			(30) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/war-in-ukraine'>Guerre
en Ukraine – Commissaire aux droits de l'homme (coe.int).</a>. Ses activités ont donné lieu à des déclarations et rapports ayant trait à la situation des réfugiés et des personnes déplacées 
			(31) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/commissioner-urges-more-coordinated-efforts-by-all-member-states-to-meet-the-humanitarian-needs-and-protect-the-human-rights-of-people-fleeing-the-war'>«La
Commissaire exhorte tous les États membres à intensifier et mieux
coordonner leurs efforts pour répondre aux besoins humanitaires
des personnes qui fuient la guerre en Ukraine et pour protéger leurs
droits de l'homme», (coe.int).</a>.
49. La Représentante de la Secrétaire Générale sur les migrations et les réfugiées, Leyla Kayacik, engagée dans le cadre de la mise en œuvre du «Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des personnes vulnérables dans le contexte des migrations et de l’asile en Europe (2021-2025)» 
			(32) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/special-representative-secretary-general-migration-refugees/home'>Special
Representative of the Secretary General on migration and refugees
(coe.int).</a>, s’est rendue dans les pays frontaliers pour faire suite à la réunion extraordinaire du Réseau de correspondants sur les migrations du Conseil de l’Europe concernant la situation des personnes fuyant l’Ukraine 
			(33) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/special-representative-secretary-general-migration-refugees/-/srsg-on-migration-and-refugees-to-visit-the-slovak-republic-and-the-czech-republic'>«La
RSSG se rendra en République slovaque et en République tchèque»
(coe.int).</a>. Ses recommandations à venir sont attendues avec grand intérêt.
50. J’ai déjà mentionné la contribution importante de la CEB pour répondre aux défis causés par la crise humanitaire (para. 25), il faut ajouter celle du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, des mécanismes de suivi de l’Organisation qui ont rapidement réagi dans le cadre de leur mandat respectif, et plus généralement les Ajustements prioritaires au Plan d'action du Conseil de l'Europe pour l'Ukraine 2018-2022 adoptés lors de la Conférence ministérielle de Turin tenue le 20 mai dernier.
51. A ce stade, j’aimerais souligner que la situation actuelle a été l’occasion pour tous les organes du Conseil de l’Europe de montrer qu’ils peuvent et savent travailler ensemble. C’est, en effet, grâce aux actions concertées et complémentaires qu’on arrive aux meilleurs résultats, et les conclusions de la Conférence de Turin sont là pour l’attester 
			(34) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/condemnation-of-russia-council-of-europe-s-priorities-assistance-for-ukraine-foreign-affairs-ministers-meeting-concludes-in-turin'>«Condamnation
de la Russie, priorités du Conseil de l’Europe, aide à l’Ukraine–
les ministres des Affaires.étrangères concluent leurs travaux» (coe.int).</a>.

4. Mes observations sur le terrain

4.1. L’aide humanitaire

52. La première constatation qui s’impose d’emblée est que les besoins humanitaires sont bien supérieurs aux quantités considérables de marchandises stockées dans les deux entrepôts que j’ai pu visiter à Košice (République slovaque) et Chernivtsi (Ukraine) 
			(35) 
			Sauf
indication contraire, les informations proviennent de des rencontres
faites lors de mes visites d’information..
53. L’entrepôt de plus de 5 000 mètres carrés situé près de l’aéroport de Košice est géré par l’OIM, présente en République slovaque depuis 2001. Aujourd’hui, il s’agit de la plaque tournante dans la région qui coordonne les efforts humanitaires destinés à l’Ukraine. Les biens sont stockés avant d’être envoyés à Ouzhgorod, en Ukraine, où ils seront acheminés vers leur destination finale, comme Dnipro, Zhitomir, Chernivtsi ou Zaparozhije. Environ 25 camions par jour y transitent, principalement en provenance de Grèce ou de Turquie. Les gammes des produits rangés sur les imposantes étagères sont des plus variées, et répondent simultanément à tous les besoins de la vie quotidienne: kits d’hygiène, couvertures, clous, bâches, contreplaqué, appareils de cuisine, outils de construction, matelas etc.
54. L’entrepôt, ouvert dès le 25 février 2022, emploie notamment des réfugiés et des étudiants ukrainiens. L’OIM fait face à de nombreux défis, notamment concernant la question des chauffeurs, qui refusent de se rendre en Ukraine, alors que les Ukrainiens ne sont pas autorisés à quitter leur pays s’ils ont moins de 60 ans. Au-delà de la question de l’écartement des rails des anciens pays soviétiques qui est différent du reste de l’Europe, une décision stratégique a été prise de ne pas utiliser les chemins de fer; cette option n’est donc pas discutable.
55. L’OIM essaye de répondre aux besoins les plus urgents dans une situation extrêmement volatile, où de nombreux Ukrainiens tentent de retourner chez eux alors qu’ils ont tout perdu, et doivent reprendre la route vers un endroit plus sûr où ils pourront trouver un habitat provisoire. Le logement est sans conteste un des plus grands défis à long terme auquel l’Ukraine et les pays frontaliers devront faire face, car même lorsque la guerre sera terminée, des millions d’Ukrainiens ne sauront plus où retourner.
56. Pour le moment, on pare au plus urgent. Ainsi, par exemple, l’OIM a conclu un accord avec Airbnb, en coopération avec la municipalité de Košice, en louant des appartements pour trois mois au plus, où des réfugiés seront logés provisoirement. En Pologne, l’Organisation a également utilisé la plateforme Airbnb, pour y loger des ressortissants de pays tiers avant leur rapatriement dans leur pays d’origine.
57. A Chernivtsi, l’entrepôt humanitaire, situé dans un ancien centre sportif, fonctionne depuis le 24 février 2022, sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Les denrées venant du monde entier y sont classées, rangées, distribuées. Géré par l’État, des organisations humanitaires ainsi que des volontaires individuels y travaillent. Le responsable se plaint que la quantité d’aide a sensiblement diminué depuis le début de la guerre, lorsque les volontaires préparaient jusqu’à 6 000 sacs de courses par jour; actuellement, il n’y a de denrées que pour en préparer 1 000 quotidiennement. Le responsable nous explique que chaque sac pèse de 12 à 15 kilos afin qu’une personne puisse le transporter sans aide. On comprend pourquoi les produits conservés dans des bocaux en verre ne sont pas acceptés en raison de leur poids. Chaque sac est censé durer une semaine, et le responsable insiste sur la nécessité de fournir des produits variés aux personnes déplacées. Une attention particulière est portée aux produits pour bébés, pas seulement la nourriture, mais également les poussettes et les produits d’hygiène, afin qu’ils souffrent le moins possible de la guerre.
58. J’ai également visité la cantine populaire «Dolfin» à Ouzhgorod, un des nombreux lieux où des repas sont distribués gratuitement aux personnes déplacées. Le restaurant est géré par l’organisation «World Central Kitchen» et des volontaires. L’atmosphère animée qui y règne ne réussit pas à dissimuler l’incertitude qui entoure son fonctionnement. Au moment de ma visite, les volontaires craignaient que le propriétaire reprenne possession des lieux après l’avoir mis gratuitement à disposition; ils constataient avec inquiétude la diminution des dons et des produits mis à disposition par la mairie. En effet, alors qu’au début de la guerre, «Dolfin» servait plus de 5 000 repas par jour, début mai, ce chiffre était tombé à 1 000. En Transcarpathie, la région prend en charge les frais de nourriture pour les personnes déplacées, contrairement aux autres régions où cette responsabilité incombe aux villes, comme à Chernivtsi.
59. L’État verse une allocation aux personnes déplacées qui sont enregistrées: 2 000 hryvnias par adulte et 1 000 par enfant. Début mai, même si seulement 2 millions de personnes déplacées étaient enregistrées sur les 7 millions estimées (les autres ayant probablement encore des moyens pour subvenir à leurs besoins), les systèmes informatiques étaient trop lents pour répondre à toutes les demandes. On m’a expliqué que la forte demande numérique avait entraîné la panne du système informatique.
60. Les gouverneurs militaires des régions de Transcarpathie et de Chernivtsi ont averti que les caisses des régions étaient presque vides. Leur budget annuel destiné aux routes et aux différentes infrastructures a été utilisé pour l’aide d’urgence, suite à l’agression russe. Si la guerre se poursuit, il n’y aura plus – dans deux à trois mois – suffisamment d’argent pour se procurer les millions de tonnes de nourriture nécessaires quotidiennement pour nourrir gratuitement toutes les personnes déplacées se trouvant sur leur territoire.
61. La visite des deux entrepôts, de la cuisine populaire, mes rencontres avec une nouvelle génération de dirigeants ukrainiens qui parlent de service public et d’intérêt général a posé un éclairage brut sur la nécessité de maintenir un niveau constant d’aide alimentaire, vestimentaire, de produits médicaux et d’hygiène et autres produits de la vie quotidienne vers l’Ukraine, tout en renforçant l’aide à plus long terme, notamment en ce qui concerne le logement. Ce problème d’ailleurs n’est pas seulement pertinent pour l’Ukraine mais également pour certains des pays frontaliers qui ont accueilli de nombreux réfugiés.

4.2. Arrivées et accueil d’urgence dans les pays frontaliers

62. L’arrivée aux frontières et les mesures d’urgence mises en place dans les premières semaines de la guerre sont maintenant bien documentées. La FRA, qui a été la première à se rendre aux frontières de l’Union européenne avec l’Ukraine après le début de la guerre, a récemment publié un rapport qui détaille l’accueil fait aux réfugiés ukrainiens dans les premières semaines de la guerre 
			(36) 
			<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2022/ukraine-bulletin-1-2022'>«The
war in Ukraine – Fundamental rights implications within the EU –
Bulletin 1», FRA (europa.eu).</a>. Avec ses visites en République de Moldova, puis en Hongrie, Pologne, République slovaque, République tchèque et Roumanie, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a pu constater l’étendue des efforts faits par les autorités centrales, locales et la société civile, et a formulé des recommandations précises auxquelles je souscris pleinement 
			(37) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/commissioner-urges-more-coordinated-efforts-by-all-member-states-to-meet-the-humanitarian-needs-and-protect-the-human-rights-of-people-fleeing-the-war'>«La
Commissaire exhorte tous les États membres à intensifier et mieux
coordonner leurs efforts pour répondre aux besoins humanitaires
des personnes qui fuient la guerre en Ukraine et pour protéger leurs
droits de l'homme», (coe.int).</a>. De mon côté, j’ai aussi pu constater ce désastre humanitaire qui s’est déroulé en quelques semaines seulement.
63. Nul n’était prêt à faire face à la vague de population qui a fui les bombardements et les combats vers les pays frontaliers dès le 24 février 2022.
64. Selon l’ensemble de mes interlocuteurs, les premiers à s’être rendu à la frontière pour y accueillir leurs voisins ukrainiens ont été des personnes individuelles, notamment des membres de la diaspora ukrainienne, avant même les organisations non gouvernementales et les autorités. À Košice, par exemple, les étudiants ukrainiens sont les premiers à être venus en nombre apporter leur aide.
65. Le profil des exilés a changé au fil des semaines, mais les femmes et les enfants restent la grande majorité puisque les hommes entre 18 et 60 ans ne sont pas autorisés à quitter le pays en raison de la loi martiale 
			(38) 
			<a href='https://zakon.rada.gov.ua/laws/show/en/64/2022'>Про
введення воєнного...24 February 2022, № 64/2022 (rada.gov.ua).</a>. Au départ, les personnes qui sont parties étaient celles plus aisées, motorisées, qui savaient où aller, dans la famille ou chez des amis. Puis, ce sont les classes plus populaires qui sont parties, victimes directes ou indirectes des crimes commis par l’armée russe, ayant tout perdu. Au fil des semaines, des personnes âgées, souvent isolées, ainsi que des personnes handicapées ont pris la route. Des milliers d’enfants non accompagnés, orphelins pour la plupart, ont également quitté l’Ukraine.
66. Des scènes déchirantes se sont produites aux frontières, où les familles étaient séparées, les hommes restant sur place, devant abandonner leurs femmes et enfants à un avenir incertain, alors qu’eux retournaient vers la certitude de la guerre.
67. Les pays frontaliers ont immédiatement ouvert leurs frontières, à la surprise parfois de la société civile. La situation a été plus compliquée pour les Roms et les ressortissants de pays tiers, dont j’évoquerai brièvement le sort ci-dessous (paras 112 et 113).
68. Des vagues de plusieurs milliers de personnes ont traversé les frontières les premières semaines; on se rappelle les images de files d’attente interminables de véhicules et de personnes à pied. Jusqu’à 300 000 personnes ont traversé chaque jour la frontière polonaise. Les premiers jours, leur enregistrement était très sommaire puisque chaque personne passait en moyenne moins de deux minutes au contrôle des passeports. Les contrôles à la frontière étant quasiment inexistants, il n’est pas étonnant que la situation ait été confuse au début. Ainsi, certaines personnes n’ont pas pu faire tamponner leur passeport, et dans le cas de documents non biométriques, cela a pu poser des problèmes plus tard lorsqu’elles ont demandé à bénéficier de la protection temporaire prévue par la Directive 2001/55/E.
69. Les premiers jours ont aussi vu des enfants isolés non accompagnés et des femmes disparaître dans la nature, avant que des mesures ne soient prises, notamment la collecte de données, pour enrayer les risques de traite des êtres humains et d’abus et d’exploitation (voir para. 90).
70. Les pays frontaliers ont fait preuve d’un accueil admirable et d’un engagement fort, en fournissant dès le départ, un logement d’urgence, un soutien psychologique, le transport gratuit, et surtout, grâce à l’activation de la Directive de protection temporaire de 2001 dès le 4 mars 2022, un permis de séjour accompagné de certains droits, notamment en matière de protection sociale et de santé.
71. Des mesures d’accueil ont rapidement été mises en place. Les collectivités locales ont incontestablement joué un rôle fondamental dans la gestion de l’arrivée et de l’accueil des réfugiés ukrainiens. Ainsi, le camp de transit de Siret en Roumanie a été monté en quelques heures seulement. Ces centres de réception, mis en place près des frontières, étaient prévus comme un moment de pause, où les personnes étaient censées passer de quelques heures à deux jours, pour se reposer, réfléchir à l’endroit où elles voulaient se rendre, prendre un repas chaud, une douche, obtenir une aide psychologique ou médicale le cas échéant. Dans le centre de réception de Michalovce, elles peuvent aussi demander la protection temporaire. Tous les services d’urgence sont donc concentrés en un même lieu, ou plus précisément sous les mêmes étoiles, puisqu’il s’agit en général de tentes installées par exemple sur un terrain de football municipal, comme c’est le cas à Siret.
72. Les personnes arrivant à pied étaient transportées depuis la frontière par des bénévoles, la police, des compagnies de car affrétées par les municipalités, bref, par toutes les bonnes volontés émues du sort de celles et ceux qui fuyaient la guerre.
73. On m’a raconté qu’au fil des jours, les réfugiés avaient de moins en moins d’idée concernant leur destination finale. Beaucoup ont décidé de rester près de la frontière pour pouvoir retourner rapidement en Ukraine. Certains ont fait le choix d’y retourner, préférant ainsi le statut de personne déplacée à celui de réfugié. Ces mouvements à deux sens de part et d’autre des frontières posent des problèmes statistiques car il est difficile de comptabiliser ceux qui sont restés dans les pays frontaliers et ceux qui sont retournés en Ukraine, d’autant plus que certains retours sont de court terme, pour rendre visite à un parent âgé, s’occuper des champs ou contrôler l’état de son habitation, avant de quitter à nouveau l’Ukraine jusqu’à la fois suivante. C’est la raison pour laquelle il n’est plus possible d’entrer en Ukraine à pied du poste frontière de Vyšné Nemecké en République slovaque, une exception ayant été faite à mon égard lorsque j’ai moi-même traversé la frontière pour me rendre à Ouzhgorod.
74. Certaines personnes ont quitté l’Ukraine en train ou en autocar. Ainsi, de nombreux centres d’accueil d’urgence se trouvent près des gares et des gares routières. A Košice par exemple, c’est la piscine «Etoile rouge» qui fait office de centre d’accueil d’urgence, pouvant accueillir jusqu’à 400 personnes par jour, et géré par la ville avec le soutien de l’OIM et de la société civile, et qui assure notamment les repas. Ces lieux d’accueil bénéficient souvent d’un statut précaire. L’adjoint au maire de Košice m’a expliqué qu’il faudrait libérer la piscine en vue de l’été, alors qu’à Michalovce, le propriétaire du terrain souhaiterait à terme le récupérer. Même si la vague des arrivées a sensiblement baissé, il est indispensable de maintenir de telles structures en cas de nouveaux flux de réfugiés qui ne manqueraient pas de se manifester notamment en cas de combats et de bombardements touchant des régions jusque-là épargnées.
75. Il est difficile de ne pas comparer cette ouverture à l’attitude hostile de certains pays aux migrants venant d’autres régions du monde, notamment d’Afghanistan et de Syrie et aux doubles standards qui ont pu être constatés dans ce domaine. On peut cependant se réjouir de ce précédent, car cela prouve que lorsqu’un pays en a la volonté, il peut s’ouvrir aux autres. Il s’agit d’un message positif dont il faut tirer profit.
76. On peut se féliciter que les pays frontaliers de l’Ukraine aient réussi à organiser l’accueil des Ukrainiens si rapidement, sans plan de crise pré-établi. Cependant, il faut rappeler que sans la société civile, les autorités n’y seraient pas arrivées toutes seules. Le secteur privé a également joué un rôle conséquent. Ainsi, à Michalovce, mes interlocuteurs slovaques ont souligné que le centre de réception qui s’y trouve est un bon exemple de coordination entre l’État, la société civile et le secteur privé. Celui qui gère le centre vient de l’événementiel.
77. Les centres de réception que j’ai visités offrent des capacités suffisantes et de relativement bonnes conditions de séjour. Beaucoup reposent sur des volontaires, parfois livrés à eux-mêmes. Ils m’ont raconté avoir été dépassés au début, insuffisamment coordonnés avec les autorités, notamment à la frontière. Des mécanismes de coordination ont progressivement été mis en place mais la société civile considère qu’elle n’est toujours pas traitée comme partenaire à part entière.
78. La question de la coordination avec les autorités nationales, notamment le ministère de l’Intérieur, est fondamentale pour assurer une prise en charge efficace. Certaines tensions existent entre les municipalités, qui sont dans l’opposition, et le pouvoir central, rendant notamment difficiles les transferts de fonds.
79. L’élan de solidarité a été immédiat, spontané et sans limites. Pourtant, les mois passant, il n’est plus possible d’y compter à long terme et des solutions pérennes doivent être envisagées notamment en termes de logement.

4.3. Protection temporaire

80. La Directive de protection temporaire a été activée le 4 mars 2022. Depuis, les quatre États membres de l’Union européenne limitrophes de l'Ukraine l’ont transposée et ont intégré la décision de mise en œuvre dans leur législation nationale 
			(39) 
			<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2022/ukraine-bulletin-1-2022'>«The
war in Ukraine – Fundamental rights implications within the EU –
Bulletin 1», FRA (europa.eu).</a>. Ils appliquent la protection temporaire aux ressortissants ukrainiens et aux bénéficiaires d'une protection internationale, y compris les apatrides et les membres de leur famille. Cependant, la protection des ressortissants de pays tiers non ukrainiens fuyant la guerre varie.
81. Comme les ressortissants ukrainiens possédant un passeport biométrique peuvent entrer dans la zone Schengen, et en Roumanie, sans visa pendant 90 jours, la demande de protection temporaire n’a pas toujours été demandée d’emblée. En effet, de nombreux Ukrainiens espéraient pouvoir retourner chez eux après une victoire rapide de l’armée ukrainienne. Malheureusement, plus les semaines passent, moins la possibilité d’un retour rapide est certaine. Aussi, étant donné l’étendue des dommages causés par l’armée russe, il apparaît clairement que des milliers de personnes ne sauront pas où retourner.
82. Les bénéficiaires de la protection temporaire reçoivent un permis de séjour valable un an, pouvant être prolongé jusqu'à trois ans. Ils bénéficient de droits et d’avantages tels que l'accès à l'emploi, au logement ou à l'hébergement, à la protection sociale et aux soins médicaux. Les enfants ont accès à l'éducation et les familles ont le droit de se réunir. Les bénéficiaires ont également accès aux services bancaires et peuvent se déplacer librement dans les pays de l'Union européenne pendant 90 jours sur une période de 180 jours 
			(40) 
			<a href='https://ec.europa.eu/home-affairs/policies/migration-and-asylum/common-european-asylum-system/temporary-protection_en'>Temporary
protection (europa.eu).</a>.
83. Les ressortissants de pays tiers non ukrainiens qui résident en permanence en Ukraine doivent également être protégés, conformément à l'article 2.2, de la décision d'exécution. Les États membres de l'Union européenne doivent soit appliquer le régime de protection temporaire de l'Union européenne, soit fournir une protection adéquate en vertu de leur législation nationale. Les États membres de l'Union européenne peuvent également étendre le régime à d'autres ressortissants de pays tiers non ukrainiens en séjour régulier (article 2.3 de la décision d'application). Cela s'applique à ceux qui sont entrés dans l'Union européenne après le 24 février 2022 et qui ne peuvent pas retourner en toute sécurité dans leur pays ou région d'origine.
84. En Pologne, la société civile a pointé du doigt un certain nombre de lacunes dans la loi du 12 mars 2022 transposant la directive, notamment au regard des mères étrangères d’enfants ukrainiens et de l’accès à certains services. Des amendements ont subséquemment été adoptés pour y remédier.
85. L’article 10 de la directive prévoit que les États membres sont dans l’obligation de fournir des informations, y compris par écrit, aux personnes éligibles à la protection temporaire. Cette information n’a pas toujours été fournie de façon systématique et fiable au départ, même si la situation s’est sensiblement améliorée depuis. En pratique, cette information est souvent fournie par la société civile, comme en République slovaque où ce sont les ONG «Ligue des droits de l’homme» et «Mareena» qui ont créé les premiers sites internet d’information sur les procédures et les droits afférant à la directive.
86. En République slovaque toujours, les demandes de protection temporaire peuvent se faire en quatre lieux, dont le centre d’accueil de Michalovce. Le Bureau régional de la police des réfugiés basé à Košice s’occupant uniquement de l’enregistrement des enfants de moins de 6 ans, des femmes enceintes et des personnes de plus de 65 ans et en situation de handicap, il a fallu transporter les autres demandeurs de protection temporaire de Košice à Michalovce pour y faire leur demande là-bas. Le nombre de personnes enregistré à Michalovce était disproportionnellement plus important qu’à Košice (7 100 contre 3 500) alors que la plupart résidait à Košice. Cela a créé des problèmes bureaucratiques obligeant par la suite que les réfugiés changent de lieu d’enregistrement.

4.4. Risques de traite des êtres humains et travail forcé

87. Les acteurs internationaux présents sur le terrain ont identifié le risque de traite des êtres humains comme élevé dès les premières heures de la guerre. Les organes et institutions du Conseil de l’Europe ont rapidement réagi en appelant les États à agir de toute urgence pour protéger les personnes réfugiées fuyant l'Ukraine contre la traite des êtres humains, comme la Secrétaire Générale, à l’occasion de la journée internationale de la femme du 8 mars, appelant à la protection particulière des femmes et des filles 
			(41) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/war-in-ukraine-protecting-women-and-girls'>«Guerre
en Ukraine: protéger les femmes et les filles», (coe.int).</a>, la Commissaire aux droits de l’homme suite à sa visite dans les pays frontaliers 
			(42) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/commissioner-urges-more-coordinated-efforts-by-all-member-states-to-meet-the-humanitarian-needs-and-protect-the-human-rights-of-people-fleeing-the-war'>«La
Commissaire exhorte tous les États membres à intensifier et mieux
coordonner leurs efforts pour répondre aux besoins humanitaires
des personnes qui fuient la guerre en Ukraine et pour protéger leurs
droits de l'homme» (coe.int).</a>, et le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) dans une déclaration du 17 mars 
			(43) 
			«<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/human-trafficking-experts-states-must-urgently-protect-refugees-fleeing-ukraine'>Les
experts de la traite des êtres humains: Les États doivent de toute
urgence protéger les réfugiés fuyant l’Ukraine», (coe.int).</a>.
88. Nos interlocuteurs ont unanimement souligné le chaos qui a régné les premiers jours et confirmé les risques élevés de traite des êtres humains. La plupart des personnes fuyant l’Ukraine étant des jeunes femmes avec ou sans enfants, c’était une aubaine à ne pas manquer pour les trafiquants qui profitent de la misère humaine pour prospérer.
89. Rapidement cependant, des mesures ont été prises pour éviter que les femmes fuyant la guerre ne se retrouvent entre les griffes de trafiquants. Ainsi, à Vyšné Nemecké, un des points de passage de la frontière entre la République slovaque et l'Ukraine, un point d’accueil «meet and greet» a été installé où les véhicules venant chercher les personnes réfugiées sont enregistrés et leurs conducteurs contrôlés. Le risque n'est tout de même pas complètement effacé en cas de «départ volontaire», puisque dans ce cas, la police ne peut rien faire pour empêcher le départ de la passagère vers un destin inconnu. Par ailleurs, l'endroit est situé au milieu de nulle part et n'est pas clairement indiqué; il est donc aisé de le manquer et d'utiliser ce prétexte pour se rendre directement à la frontière et s'y garer tranquillement.
90. Tandis que le HCR et l'UNICEF ont mis en place des Blue Dots, l'OIM, de son côté, a installé des bannières à la frontière, distribué des brochures alertant sur le risque de traite des êtres humains, dans le but de renforcer la vigilance de celles qui traversent la frontière, et de les aider “à s'aider elles-mêmes”. L'organisation non gouvernementale «La Strada» joue également un rôle de prévention notamment au regard du travail forcé, un autre danger qui guette les personnes fuyant l'Ukraine. Même si les chiffres sont difficiles à estimer, le risque de voir des personnes non déclarées, sans salaire adéquat et sans aucune protection sociale, n'est pas à minimiser.
91. D'autres mesures ont été mises en place, telles que l'enregistrement des personnes qui proposent des services d’hébergement ou l'organisation d'opérations de police discrètes aux points d’arrivée.
92. Ces mesures nécessaires sont clairement insuffisantes, notamment lorsque des femmes cherchant à fuir l'Ukraine utilisent les réseaux sociaux pour trouver de l'aide ou lorsque des personnes peu scrupuleuses vont jusqu'à traverser la frontière ukrainienne pour aller y chercher directement leurs futures victimes.
93. C'est la raison pour laquelle le plan commun de lutte contre la traite des êtres humains qui vient d’être dévoilé par la Commission européenne est des plus bienvenus 
			(44) 
			<a href='https://ec.europa.eu/home-affairs/document/download/a4fb53f1-6590-4487-b0ca-32c11f664171_en?filename=Anti-Trafficking%20Plan_en.pdf'>Common
Anti-Trafficking Plan.</a>. Élaboré sous la direction du coordinateur anti-traite de l'Union européenne 
			(45) 
			<a href='https://ec.europa.eu/home-affairs/policies/internal-security/organised-crime-and-human-trafficking/together-against-trafficking-human-beings_en?msclkid=8c1d61c3cd5c11ecb612257f64e1e9a7'>Together
Against Trafficking in Human Beings (europa.eu).</a> et avec le soutien des agences de l'Union et des États membres, il vise à sensibiliser, à renforcer la prévention contre la traite des êtres humains, à améliorer l'application de la loi et la réponse judiciaire, ainsi qu'à améliorer l'identification et le soutien aux victimes. Le plan aborde également la coopération au niveau mondial et avec les pays tiers, en particulier la République de Moldova et l'Ukraine. Il ne sera possible d’évaluer son impact qu’une fois opérationnel.
94. Bien entendu, il demeure crucial d’intensifier et de systématiser les efforts pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, en s’inspirant de la Note d’orientation publiée par l'organe spécialisé du Conseil de l'Europe, le GRETA 
			(46) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/anti-human-trafficking/-/greta-issues-guidance-note-on-addressing-the-risks-of-trafficking-in-human-beings-related-to-the-war-in-ukraine-and-the-ensuing-humanitarian-crisis'>«GRETA
publie une Note d’orientation sur la réponse aux risques de traite
des êtres humains liés à la guerre en Ukraine et la crise humanitaire
qui en découle» (coe.int).</a>.

4.5. Le sort des personnes vulnérables

95. Le Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des personnes vulnérables dans le contexte des migrations et de l’asile en Europe (2021-2025) 
			(47) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a25afe'>Plan
d'action du Conseil de l'Europe sur la protection des personnes
vulnérables dans le contexte des migrations et de l'asile en Europe
(2021-2025).</a> fournit des orientations précieuses sur la façon dont doivent être traitées les personnes vulnérables. La Représentante spéciale de la Secrétaire Générale sur les migrations et les réfugiés s’est elle-même engagée à fournir des réponses concrètes aux nombreux défis posés par l’exil de millions d’Ukrainiens en situation de vulnérabilité 
			(48) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/special-representative-secretary-general-migration-refugees/home'>Special
Representative of the Secretary General on migration and refugees
(coe.int).</a>.
96. Les enfants constituent un groupe particulièrement vulnérable d’autant plus que 90% des personnes qui ont fui l’Ukraine sont des femmes et des enfants selon l’UNICEF 
			(49) 
			<a href='https://www.unicef.org/ukraine/en/research-and-reports'>Research
and reports, UNICEF.</a>. C’est la raison pour laquelle le Comité des parties à la Convention sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201) (Comité de Lanzarote) a appelé, dans une déclaration du 25 mars 2022, à protéger d’urgence les enfants ukrainiens en situation de migration contre les abus sexuels 
			(50) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/urgent-need-to-protect-ukrainian-children-in-migration-from-sexual-abuse'>«Urgence
à protéger les enfants ukrainiens en situation de migration contre
les abus sexuels», (coe.int).</a>.
97. Le nombre exact d'enfants arrivés non accompagnés (sans aucun accompagnateur) et de ceux qui sont arrivés séparés (ceux qui arrivent sans leurs parents, mais accompagnés d'autres parents ou aidants, tels que des amis de la famille) est encore inconnu.
98. Certains enfants sont partis avec une note parentale autorisant l'enfant à voyager avec d'autres adultes. D’autres, séparés et non accompagnés, ont été identifiés et orientés vers les services de protection de l'enfance.
99. Certains des enfants vivant dans des institutions ont été transportés d'Ukraine en groupes avec le personnel travaillant dans ces institutions. Ces groupes ont été évacués par les voies officielles ou des initiatives privées. Souvent, ces enfants ne faisaient que transiter par les pays frontaliers pour se rendre en Allemagne, en Lituanie, en Espagne ou dans d'autres pays de l'Union européenne.
100. En Pologne, mes interlocuteurs de la société civile m’ont fait part de leur préoccupation concernant l'absence d'enregistrement des enfants ukrainiens dans les premiers jours. Depuis, un registre a été mis en place, obligeant les autorités à enregistrer les enfants non accompagnés entrant en Pologne. Cette mesure ne s'applique qu'aux enfants de nationalité ukrainienne.
101. La loi polonaise stipule qu'une personne peut être nommée tuteur (opiekun) pour un nombre indéterminé de mineurs non accompagnés tant que leurs intérêts ne sont pas en conflit. La nouvelle institution d'un “tuteur temporaire”, créée par la nouvelle loi sur l'assistance aux ressortissants ukrainiens, adoptée en mars et modifiée en avril 2022, reflète cette disposition, permettant la prise en charge par une seule personne d’un nombre illimité d'enfants ukrainiens non accompagnés. Si une personne est désignée comme tuteur temporaire pour plus de 15 enfants, pour chaque groupe de 15 enfants au-delà des 15 premiers, au moins un accompagnateur supplémentaire rémunéré doit être engagé par le bureau local d'aide sociale, pendant au moins 40h/semaine, pour aider le gardien temporaire à prendre soin du groupe. Les tribunaux aux affaires familiales sont tenus de statuer sur chaque demande concernant chaque enfant non accompagné. La nouvelle procédure simplifiée prévoit que lorsque la personne à désigner est déjà la personne qui s'occupe de fait de l'enfant, le tribunal peut renoncer à l'audience publique et statuer uniquement sur la base de pièces jointes au dossier. Si les ONG que j'ai rencontrées se sont félicitées de cette procédure simplifiée pour les cas les plus simples afin d’éviter un engorgement des tribunaux, elles ont également indiqué que celle-ci pouvait aussi potentiellement créer des problèmes.
102. Un problème inhabituel a été soulevé concernant les adolescents de 16 ans et plus, partis sans leurs parents, parfois accompagnés de frères ou sœurs plus jeunes dont ils avaient la charge. Mineurs, ils devraient bénéficier de la protection qui leur est due, alors qu’eux-mêmes – ainsi que leurs parents – se considèrent comme de jeunes adultes autonomes. Les systèmes en place ne sont pas en mesure de fournir des solutions adéquates à de telles situations.
103. En Roumanie, l’Unité de protection de l’enfance a reçu plus de 2 700 enfants mineurs non accompagnés, dont 255 seulement sont enregistrés dans le système de protection sociale.
104. Selon les informations que j’ai reçues, 75 % des orphelins sont handicapés. Leur sort à long terme est très préoccupant. La ville de Iaşi accueille deux centres de placement pour orphelins.
105. Les enfants ukrainiens restés en Ukraine ont parfois eu la chance de rester avec leur père.
106. L’Ukraine étant un pays où la gestation pour autrui est permise, de nombreux bébés sont nés sans que leurs parents d’intention n’aient pu venir les chercher 
			(51) 
			<a href='https://www.lemonde.fr/international/article/2022/03/18/le-desarroi-des-couples-qui-recourent-a-la-gpa-en-ukraine-s-il-faut-aller-recuperer-notre-enfant-la-bas-nous-le-ferons_6118021_3210.html'>«Le
désarroi des couples qui recourent à la GPA en Ukraine: ‘S’il faut
aller récupérer notre enfant là-bas, nous le ferons’», (lemonde.fr)</a>.. Certains d’entre eux sont gardés par les sage-femmes des maternités où ils sont nés. Quel que soit leur statut familial, il est important de ne pas oublier ces enfants et de prendre en compte leur meilleur intérêt.
107. Le sujet des mineurs non accompagnés et séparés a fait l’objet du rapport intitulé «Protection et prise en charge des enfants migrants et réfugiés non accompagnés ou séparés» auquel je renvoie pour une analyse plus approfondie.
108. Les personnes âgées constituent un autre groupe de personnes vulnérables en raison du risque de paupérisation. En Roumanie, plus de 1 000 personnes ont demandé à bénéficier des services sociaux alors qu’il n’existe aucun mécanisme pour gérer les urgences sociales dans le pays. La mise en place d’un tel système serait bénéfique au-delà de la question des réfugiés ukrainiens.

4.6. Situations de discrimination

109. Les préoccupations concernant la discrimination à l'encontre de la minorité rom, des ressortissants de pays tiers non ukrainiens, des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, intersexuées (LGBTI), ainsi que d'autres groupes marginalisés, méritent une étude à part entière. Ces préoccupations m’ont été signalées par des représentants d’organisations de la société civile et d’organisations internationales que j’ai rencontrés.
110. Les Roms, souvent apatrides, continuent de souffrir de stigmatisation et de discrimination même en temps de guerre. Comme me l’a dit une de mes interlocutrices slovaques: «ici, on a le racisme sous la peau» en référence au traitement différencié dont sont victimes les personnes d’origine rom. Lors de mes missions, j’ai entendu plusieurs exemples de discrimination en matière d’accès au logement, à l’éducation ou à la possibilité de retour en Ukraine en cas d’apatridie. J’ai aussi vu de mes propres yeux comment la responsable d’un centre d’accueil s’adressait avec mépris à un enfant rom. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a aussi fait part d’allégations concernant des Roms ayant fait l’objet de discrimination dans la fourniture d’aide humanitaire ou de transport. Elle rapporte également que des Roms auraient été expulsés de lieux de transit, comme des gares routières ou ferroviaires, ou de foyers d’hébergement et s’inquiète de la disponibilité d'hébergements adéquats pour certaines familles roms 
			(52) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/let-us-fight-discrimination-and-prejudices-against-roma-fleeing-the-war-in-ukraine'>«Il
faut combattre la discrimination et les préjugés dirigés contre
les Roms qui fuient la guerre en Ukraine», (coe.int).</a>.
111. Les ressortissants de pays tiers ont en principe bénéficié de l’aide au retour dans leur pays d’origine, notamment par le biais de vols retours organisés par l’OIM, mais ceux qui ne bénéficiaient pas de protection consulaire, comme les Syriens ou les Palestiniens, se sont retrouvés dans une zone grise sans pouvoir bénéficier de la protection temporaire réservée aux Ukrainiens. Un certain nombre d’étudiants auraient aimé avoir la possibilité de passer leurs examens en Ukraine. Au-delà des images choquantes des hommes étrangers sortis de cars pour faire de la place aux femmes et enfants ukrainiens prioritaires, il y a eu clairement des doubles standards appliqués aux non Ukrainiens qui ont fui l’Ukraine, qui mériteraient que l’on s’y attarde pour voir de quelle façon l’Europe pourrait renoncer à la forteresse dans laquelle elle est en train de s’enfermer. Le sort des migrants en situation irrégulière détenus en Ukraine devrait être clarifié 
			(53) 
			<a href='https://www.liberation.fr/international/europe/guerre-en-ukraine-des-demandeurs-dasile-prisonniers-au-milieu-des-combats-20220405_EV3AHT7QEBEEVOXIA4PCTWXLVY/'>«Guerre
en Ukraine: des demandeurs d’asile prisonniers au milieu des combats»,
Libération (liberation.fr).</a>.
112. Le discours de haine, si ce n’est des attitudes haineuses, ont touché de nombreuses personnes LGBTI, qui représentent une catégorie de personnes particulièrement vulnérables. Leurs besoins spécifiques, notamment celui de ne pas être stigmatisées après avoir quitté l’Ukraine, ont été pris en compte principalement par la société civile et par les organisations internationales 
			(54) 
			«<a href='https://fra.europa.eu/en/publication/2022/ukraine-bulletin-1-2022'>The
war in Ukraine – Fundamental rights implications within the EU –
Bulletin 1», FRA (europa.eu).</a>. A l’occasion de la Journée internationale contre l'homophobie, la biphobie et la transphobie du 17 mai 2022, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a également rappelé le sort peu enviable des personnes transgenres restées en Ukraine 
			(55) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/lgbti-people-affected-by-the-war-in-ukraine-need-protection'>«Les
personnes LGBTI touchées par la guerre en Ukraine ont besoin de
protection», (coe.int).</a>. Dans une Déclaration adoptée le 1er avril 2022, Christophe Lacroix (Belgique, SOC), rapporteur général de l’Assemblée sur les droits des personnes LGBTI a appelé tous les États membres du Conseil de l’Europe à garantir le plein respect des droits des personnes LGBTI en Ukraine ou qui fuient ce pays 
			(56) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/8658/general-rapporteur-expresses-deep-concern-for-the-rights-of-lgbti-people-in-or-fleeing-ukraine'>«Un
rapporteur général profondément préoccupé par les droits des personnes
LGBTI en Ukraine ou fuyant ce pays»,  (coe.int).</a>.

4.7. Accès aux droits

4.7.1. Le logement

113. En Ukraine, comme dans les pays frontaliers, l’hébergement d’urgence a été mis en place en parallèle avec l’accueil chez les particuliers qui se sont portés volontaires. Même plusieurs mois après le début de la guerre, le nombre de lits nécessaires reste impressionnant. Les autorités respectives ont répondu rapidement au besoin d’hébergement d’urgence, avec l’aide de l’OIM le cas échéant. Des écoles, des salles de sport ont été réquisitionnées. Des containers ont été rapidement montés, comme ceux que j’ai pu voir face à la gare de Košice.
114. Des milliers de volontaires ont accueilli des réfugiés chez eux, à Varsovie, à Ouzhgorod, partout où je suis allé et bien au-delà. Des hôteliers ont mis leurs hôtels à disposition, tel l’hôtel Mandachi à Suceava en Roumanie. Cependant, la bonne volonté individuelle n’est pas suffisante pour faire face aux besoins.
115. Très rapidement, deux défis se sont manifestés. En Pologne, en République slovaque et dans les régions d’Ukraine qui accueillent les personnes déplacées, telles la Transcarpathie ou la région de Chernivtsi, le prix des loyers a explosé. Par ailleurs, le nombre de logements, notamment sociaux, était insuffisant même avant la guerre dans certains pays comme la Pologne ou la République slovaque. Il n’y en a donc pas suffisamment pour faire face à l’arrivée massive des réfugiés ukrainiens dont le retour en Ukraine est hypothétique tant que durera la guerre. Construire des logements sociaux est une nécessité absolue selon mes interlocuteurs, tout en soulignant qu’il faudra le faire en évitant de créer des ghettos ou de provoquer du ressentiment parmi les populations locales nécessiteuses qui ont parfois l’impression de passer après les réfugiés ukrainiens.
116. Certains pays ont mis en place une allocation pour soutenir les hôtes, mais celle-ci est insuffisante et le risque que l’enthousiasme des populations locales diminue à long terme est réel 
			(57) 
			4 euros par jour en
Roumanie, 30 zlotys en Pologne.. En Ukraine, l’État couvre les charges des personnes accueillant des personnes déplacées. Au fil des mois, des ONGs continuent de mettre en contact les réfugiés ou personnes déplacées avec des personnes qui souhaitent les héberger chez elles.
117. Le marché du logement de grandes villes comme Varsovie, déjà surpeuplées, est saturé, mais l’alternative de partir vers des villes plus petites ou à la campagne n’est pas toujours une option car l’accès à l’emploi ou aux crèches y serait moins aisé.
118. En Ukraine, le constat est le même: explosion du prix des loyers et insuffisance de logements pour accueillir toutes les personnes déplacées. De plus, il faudra reconstruire dans les régions qui ont été affectées par les destructions de l’armée russe. Les défis sont donc colossaux.
119. L’insuffisance de logements s’accompagne d’un autre défi auquel les collectivités locales ne peuvent faire face toutes seules, celui des infrastructures. Comme me l’a expliqué le Gouverneur militaire de Transcarpathie, la région n’est pas équipée d’infrastructures pouvant accueillir plus d’un quart de population en plus. Il faut donc mettre à niveau l’évacuation d’eau et des déchets, les services et les transports de toute urgence.
120. A Ouzhgorod, plus de 4 000 personnes sont hébergées dans des lieux publics, tels que les écoles et les salles de sport. Il s’agit en général de populations défavorisées, dont des Roms. A Chernivsti, 400 bâtiments publics sont utilisés, dont une école que j’ai pu visiter et qui est impeccablement entretenue. Comme me l’a expliqué le Gouverneur militaire régional, une des chances de l’Ukraine est que le Président Zelensky a fait rénover les écoles après son élection; elles étaient dont bien équipées pour permettre un accueil adéquat des personnes déplacées après le début de la guerre.
121. Le directeur d’école que j’ai rencontré s’est transformé du jour en lendemain, en «chef» de centre d’hébergement. Il veille à ce que tout soit en ordre, à ce que ses «pensionnaires» aient tout ce dont ils ont besoin, n’hésitant pas à envoyer une vieille dame de Kharkiv faire la sieste après le déjeuner, d’un ton à la fois ferme et bienveillant. L’école abrite une petite ménagerie où quelques animaux cohabitent au milieu de plantes verdoyantes. Ce lieu hors du temps est devenu celui où adultes et enfants viennent se ressourcer après les trop nombreuses sirènes qui hurlent le jour comme la nuit.
122. Cette solution, toutefois, n’est pas durable, notamment parce qu’il faudra rouvrir les écoles à la rentrée. Les gouverneurs militaires des deux régions et les maires des deux villes pensent aussi à la baisse des températures qui viendra avec l’automne. Il est urgent d’anticiper.
123. Un programme national de construction de logements pour les personnes déplacées a été adopté, mais il prendra au moins un an pour être mis en œuvre. Une idée émise par le Gouverneur militaire de la région de Chernivtsi est de rénover environ 150 bâtiments publics qui ne sont pas utilisés en les transformant en immeubles d’habitation. Une excellente idée qui nécessite toutefois des donateurs et des investisseurs. Le Gouverneur militaire de la Transcarpathie, quant à lui, recommande d’apporter une aide financière aux habitants des zones rurales afin qu’ils rénovent et modernisent eux-mêmes leurs maisons pour être en mesure d’accueillir des personnes déplacées. Avant que notre réunion ne s’achève, mon interlocuteur m’a montré un tableau détaillant les besoins de 111 000 logements uniquement pour sa région.
124. Toutes les idées sont bonnes à prendre à condition de coordonner les efforts. C’est au niveau local que l’on connaît le mieux les besoins, et c’est la raison pour laquelle il est si important de soutenir des jumelages circonstanciés entre les villes et les régions d’Ukraine avec celles du reste de l’Europe.

4.7.2. L’éducation

125. En Ukraine, les écoles sont fermées depuis le 24 février 2022, et l’enseignement est dispensé en ligne. On peut dire que l’une des seules conséquences positives de l’épidémie de covid-19 a été que le système éducatif ukrainien était prêt pour l’enseignement en ligne. Ceci dit, beaucoup de questions ne sont pas réglées, même si on peut supposer que l’année scolaire s’achèvera sans trop de problèmes.
126. Beaucoup d’enfants hébergés dans les centres d’accueil pour personnes déplacées en Ukraine n’ont pas accès à l’internet, encore moins à des ordinateurs, comme j’ai pu le constater. J’ai parlé à des enfants complètement désœuvrés pour lesquels l’école était un lointain souvenir.
127. La plupart des enseignantes se trouvent maintenant à l’étranger (voir para 139). Seront-elles encouragées à/obligées de revenir en Ukraine pour reprendre leur poste? Sinon, qui dispensera les enseignements lorsque les écoles rouvriront? Ces questions, pour le moment sans réponses, devront être réglées en prenant en compte la volonté de chacune, les conditions de sécurité, et en maintenant l’équilibre des besoins et des intérêts de toutes les parties prenantes.
128. Pour ceux qui ont traversé la frontière, l’école constitue un grand dilemme que ce soit pour les parents, les enfants et pour les autorités ukrainiennes au regard de l’intégration: faut-il intégrer le système national ou bien faut-il continuer de suivre le programme ukrainien dans l’espoir d’un retour rapide? Clairement, les autorités ukrainiennes comptent sur un retour de leurs ressortissants dès que la situation le permettra et se refusent à l’idée d’une fuite des cerveaux.
129. La situation des enfants scolarisés à l’étranger varie selon les pays d’accueil. J’ai pu observer que l’intégration dans les classes était plus simple dans les pays habitués aux élèves allophones, tels la France et la Suisse, puisque le système éducatif possède les outils nécessaires pour prendre en compte leurs besoins spécifiques.
130. L’Ukraine encourage vivement ses élèves à suivre les enseignements en ligne suivant le système ukrainien. En Pologne, les ONGs rencontrées ont constaté avec regret le manque d’intégration des enfants ukrainiens qui n’ont pas pu se faire d’amis car ils ne vont pas à l’école polonaise. Cependant, pour scolariser les quelque 50 000 enfants ukrainiens présents sur le territoire, il faudrait construire 10 à 15 écoles, ce qui est impensable à court terme. L’organisation de la diaspora ukrainienne «Nasz Wybór» a réussi à ouvrir une école entièrement en ukrainien suivant le programme ukrainien avec les onze niveaux d’enseignement pour 270 élèves. L’établissement est financé notamment par l’organisation «Save the Children» 
			(58) 
			<a href='https://www.npr.org/2022/05/16/1099244565/how-a-school-in-warsaw-is-educating-kids-of-ukrainian-families-who-fled-to-polan?t=1653233023835'>«How
a school in Warsaw is educating kids of Ukrainian families who fled
to Poland», NPR.</a>. Les enseignantes sont des réfugiées, 22 ont pu être recrutées sur les plus de 200 candidatures reçues. Un accord a été conclu avec les autorités ukrainiennes, les élèves seront testés à Lviv et leurs résultats seront validés. L’école est censée fonctionner jusqu’à la fin de l’année scolaire, l’incertitude règne pour la suite.
131. En Roumanie et en République slovaque, les enfants sont intégrés dans les écoles locales. En Roumanie, ils le sont principalement dans les classes où sont enseignés le français et l’anglais. Les enseignants regrettent l’absence de manuels qui répondent aux besoins des nouveaux arrivants. En République slovaque, les élèves ukrainiens bénéficient de cours de langues supplémentaires. Les classes sont bondées, là-bas aussi le nombre d’écoles est insuffisant pour répondre à l’arrivée en masse d’enfants en âge d’être scolarisés.
132. J’ai entendu la même constatation absolument partout où je me suis rendu: «il n’y a pas assez de crèches, il n’y en avait pas suffisamment avant la guerre». Cette pénurie contribue sans aucun doute à la difficulté des mères de jeunes enfants à s’intégrer dans le monde du travail.
133. Quant aux étudiants, la plupart ont eu la chance de pouvoir continuer leurs études en ligne. Ceux qui se trouvent en Pologne se rendront à Lviv pour y passer leurs examens de fin d’année, notamment les étudiants en médecine. Même si la plupart des étudiants non ukrainiens ont été rapatriés dans leur pays d’origine, il faudrait aussi leur donner la possibilité de passer leurs examens et de poursuivre leurs études le cas échéant.
134. Je ne peux qu’espérer un retour rapide des enfants dans leur foyer auprès de leur père, mais il serait illusoire de croire qu’on peut vivre en exil dans l’illusion que rien n’a changé. Un système en ligne ne peut entièrement remplacer l’enseignement classique. Aller à l’école, c’est aussi se sociabiliser. Apprendre une langue, c’est une richesse qu’il faut préserver. Il est donc crucial que les pays d’accueil puissent correctement accueillir tous les élèves ukrainiens dès la rentrée de septembre et que des cours de langues leur soient systématiquement prodigués. En Ukraine, les écoles doivent pouvoir retrouver leur destination après que les personnes déplacées auront été relogées dans des logements dignes et pérennes.

4.7.3. L’emploi

135. S’il y a un défi qui est loin d’être réglé, c’est bien celui de l’emploi. En Ukraine, de fait, des millions d’Ukrainiens sont sans emploi, notamment les personnes déplacées. Au sein de l’Union européenne, même si la Directive de protection temporaire donne accès au marché du travail aux réfugiés ukrainiens qui en bénéficient, plusieurs obstacles l’empêchent concrètement: la barrière linguistique, l’équivalence des diplômes et la garde des jeunes enfants.
136. Pour aider à remédier à cette situation, plusieurs systèmes et mécanismes ont été mis en place dans les pays d’accueil. Ainsi, en Pologne, «Nasz Wybór» a organisé un système de mentoring pour aider les femmes à préparer un CV conforme aux attentes des employeurs polonais. Un système accéléré de reconnaissance des diplômes ukrainiens de médecine y a aussi été introduit. En Roumanie, le centre d’accueil de réfugiés de Iaşi que j’ai visité dispense des cours de roumain en anglais. A Chernivtsi, entièrement ukrainophone dont beaucoup d’habitants parlent aussi le roumain, les personnes déplacées russophones suivent des cours d’ukrainien pour ne pas courir le risque d’être stigmatisées.
137. Un problème différent touche les enseignantes réfugiées à l’étranger. L’éducation étant organisée en ligne depuis le début de la guerre, celles-ci travaillent à plein-temps et touchent leur salaire ukrainien, bien insuffisant au regard des coûts de la vie au sein de l’Union européenne.
138. Leur présence à l’étranger inquiète les autorités ukrainiennes puisqu’il n’est pas clair qui enseignera à la rentrée lorsque les écoles rouvriront. Le Gouverneur militaire de la région de Transcarpathie a confirmé qu’il était inquiet du manque de personnel dans les crèches, les écoles et les hôpitaux. Les entreprises qui emploient des personnes déplacées reçoivent une compensation financière de la part de l’État.
139. Paradoxalement, la guerre en Ukraine a également causé une pénurie de main d’œuvre en Pologne, puisque plus d’un million d’Ukrainiens y vivaient avant la guerre, la plupart travaillant dans le bâtiment. Ces ouvriers sont tous retournés en Ukraine après le 24 février 2022 pour y défendre leur pays.
140. De nombreuses entreprises basées dans les zones de guerre ont été relocalisées en Ukraine même, comme à Chernivtsi et à Ouzhgorod, ainsi qu’à l’étranger. En République slovaque par exemple, plus de 90 entreprises de technologie informatique ont été relocalisées d’Ukraine mais aussi du Bélarus.
141. Au-delà des mesures immédiates, des solutions d’avenir sont déjà envisagées. Ainsi, la région de Chernivtsi serait prête à mettre gratuitement à la disposition d’entreprises des terrains lui appartenant, à charge pour celles-ci d’y construire des logements et de s’y installer à long terme.
142. Les idées ne manquent pas à ceux qui dirigent les régions et les villes d’Ukraine. Ce sont eux qui connaissent le mieux les besoins de leurs territoires et c’est vers eux qu’il faut se tourner pour analyser les besoins et les opportunités au plus près de la réalité.

4.7.4. Protection sociale, santé et aide psychologique

143. La guerre que subissent les Ukrainiens depuis le 24 février 2022 a eu des conséquences directes sur leur santé. Les malades chroniques, les personnes atteintes de maladies graves, celles qui sont atteintes de troubles mentaux, celles qui ont souffert de traumatismes, les femmes enceintes, celles qui ont accouché, les victimes de viols, tous et toutes ont dû faire face à des systèmes saturés pas toujours équipés pour les accueillir selon les critères d’Hippocrate.
144. La protection sociale est assurée aux réfugiés qui bénéficient de la protection temporaire. Par ailleurs, chaque personne reçoit une modeste indemnité, plus ou moins importante selon les pays d’accueil, à partir du premier mois de l’obtention de ce statut. Cependant, cela ne suffit pas pour vivre, et beaucoup de réfugiés ukrainiens subviennent à leurs besoins grâce à l’aide apportée par leurs familles hôtes. Pour nombre d’entre elles, cette aide constitue un poids qu’elles ne pourront pas continuer de porter dans la durée.
145. Sans s’attarder sur cette question importante, je voudrais souligner trois problèmes principaux auxquels sont confrontés les Ukrainiens, que ce soit en Ukraine ou à l’étranger. En Ukraine d’abord, le nombre d’opérations prévues a été multiplié par trois à Ouzhgorod avec l’arrivée des personnes déplacées. Ce n’est pas seulement le personnel médical qui manque, mais les équipements et les médicaments, produits à Kyiv et à Kharkiv. A l’étranger, les droits reproductifs des femmes sont mis à mal en Pologne, ce qui en a poussé certaines à venir se faire avorter en République slovaque. Enfin, pour les maladies chroniques, il n’y a pas toujours d’adéquation entre les traitements prescrits en Ukraine et ceux du pays d’accueil. Il a fallu trouver des systèmes d’équivalence, anxiogènes pour les patients.
146. Heureusement, la barrière linguistique n’a pas toujours été un obstacle, notamment en République slovaque où travaillaient déjà de nombreux médecins ukrainiens, mais il est crucial d’assurer une passerelle rapide pour les professionnels de santé ukrainiens réfugiés afin que leurs diplômes soient rapidement reconnus et qu’ils puissent commencer à exercer, aussi pour pallier les systèmes de santé parfois insuffisants des pays d’accueil.
147. Il y a également un énorme besoin de personnel qualifié pour assurer les soins psychologiques aux personnes ayant souffert de traumatismes dus à la guerre. J’ai pu voir des dessins d’enfants indiquant sans aucune ambiguïté qu’ils ont été victimes de traumatisme. J’ai été impressionné par les soins d’urgence prodigués par le Centre d’intervention «IPČKO» en République slovaque, notamment grâce à la technique du «huggy puppy therapy» (que l’on peut traduire par «thérapie du doudou-câlin») et par les efforts faits au centre d’accueil des réfugiés de Iaşi à plus long terme. Une interprétation de qualité est essentielle pour que le soutien psychologique puisse avoir un effet.

4.8. L’intégration

148. L’intégration n’est pas seulement un dilemme pour les Ukrainiens qui ont fui la guerre à l’étranger. Pour les pays d’accueil, la question se pose aussi, notamment en République slovaque, au départ, considérée comme un pays de transit, mais où, de plus en plus souvent, les réfugiés restent. Comme les chiffres ne sont pas fiables, il est difficile de planifier leur intégration, mais il est clair que plus les gens qui arrivent sont pauvres, plus il est certain qu’ils n’iront pas plus loin. Il faut donc soutenir les pays d’accueil à aider à l’intégration de ces personnes. Pour le moment, les acteurs principaux de l’intégration sont les organisations non gouvernementales, qui proposent des cours de langues, des activités culturelles etc., tel que le Centre polonais pour l’aide humanitaire et la Fondation Ocalenie en Pologne ou l’organisation «Mareena» et la Ligue des Droits de l’Homme en République slovaque.
149. L’incertitude n’est pas propice aux projets à long terme mais je suis convaincu de l’enrichissement mutuel dont bénéficieront les sociétés d’accueil et les Ukrainiens grâce à une intégration ciblée et bienveillante quelle que soit la durée de l’exil de ces derniers.

5. Conclusion

150. Une image ne m’a pas quitté depuis le périple que j’ai entrepris pour préparer ce rapport. C’est celle que m’a soufflée Serhiy Osachuk, le Gouverneur militaire de la région de Chernivtsi: des enfants jouant aux cubes de construction, qui s'appliquent à monter, à combiner, à assembler des pièces de toutes les tailles, de toutes les formes, de toutes les couleurs, pour construire le plus bel artefact du monde. Pour lui, c'est ça l'Ukraine: une communauté qui œuvre ensemble à construire un pays où il fait bon vivre, dans la joie et le plaisir de l'effort. Si la Russie, avec son agression, a suspendu ce processus, elle ne pourra jamais l'arrêter, et le plus tôt elle le comprendra, le mieux cela vaudra. Mes propositions ont pour objectif d'aider l'Ukraine à ne jamais abandonner son ambition et à y aboutir dès que possible.