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Rapport | Doc. 15600 | 06 septembre 2022

Détournement du système d'information Schengen par des États membres du Conseil de l'Europe pour infliger des sanctions à motivation politique

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Ziya ALTUNYALDIZ, Türkiye, NI

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14652, Renvoi 4417 du 21 janvier 2019. 2022 - Quatrième partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l'homme est préoccupée par de nouveaux cas de signalements injustifiés dans le système d'information Schengen (SIS) de l'Union européenne, qui seraient fondés sur des motifs politiques. La législation de l'Union européenne, en se référant à la notion de «menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale», laisse une grande marge de manœuvre aux États membres de l'espace Schengen pour décider si, et dans quelles circonstances, ils peuvent introduire des signalements dans le SIS.

Bien que les États aient le droit souverain de décider qui est autorisé à entrer sur leur territoire, les États membres de l'Espace Schengen sont liés non seulement par l'ordre juridique de l'Union européenne, mais aussi par la Convention européenne des droits de l'homme. Ainsi, le recours aux signalements ne doit pas conduire à une utilisation abusive du système et ne doit pas porter atteinte aux droits de l'homme des ressortissants de pays tiers qui tentent d'entrer dans l'Espace Schengen, en particulier le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la liberté d'expression et l'interdiction de la discrimination.

La commission propose que l'Union européenne et ses États membres prennent des mesures supplémentaires telles que l'introduction de recours efficaces, la garantie de la transparence et la mise en place d'organes de médiation et de mécanismes de contrôle adéquats des systèmes d'information à grande échelle.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 23 juin
2022.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1894 (2012) «L’inacceptabilité des restrictions à la liberté de circulation à titre de sanction pour des prises de position politiques» et souligne que, depuis son adoption, de nombreuses modifications ont été apportées au fonctionnement du système d’information Schengen (SIS), notamment sa refonte dans une version plus aboutie, SIS II.
2. L’Assemblée rappelle que les États jouissent en principe, en vertu du droit international, du droit souverain de choisir les personnes qu’ils autorisent à entrer sur leur territoire. La Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) ne garantit pas un droit d’entrée dans un État précis, comme l’a souligné à plusieurs reprises la Cour européenne des droits de l’homme.
3. De nouveaux cas de signalements qui seraient dépourvus de fondement, notamment de signalements motivés par des considérations politiques, ont été signalés. L’Assemblée condamne ces pratiques et rappelle que les États membres de l’espace Schengen sont liés non seulement par l’ordre juridique de l’Union européenne, mais également par la Convention européenne des droits de l’homme, qui «reconnaît à toute personne relevant de [sa] juridiction» les droits et libertés qu’elle consacre, notamment le droit au respect de la vie privée et familiale et la protection contre la discrimination. Cette formulation englobe les ressortissants étrangers qui font une demande de visa ou souhaitent entrer aux frontières extérieures de l’espace Schengen, dont les États membres sont tous parties à la Convention.
4. La liberté de circulation des personnes représente l’une des quatre libertés fondamentales de l’Union européenne. L’existence de l’espace Schengen, fondée sur l’Accord de Schengen de 1985 et la Convention de Schengen de 1990, a renforcé ce droit en abolissant les contrôles aux frontières intérieures, tout en soumettant le franchissement des frontières extérieures de l’Union européenne à des contrôles plus rigoureux et à diverses mesures préventives. À cet égard, le SIS, dont le but est de maintenir un niveau élevé de sécurité au sein de l’espace Schengen, est un outil essentiel. Son bon fonctionnement dépend de la confiance mutuelle des autorités nationales.
5. L’Assemblée observe que le cadre juridique actuel de l’Union européenne relatif au SIS II, qui évoque la notion de «menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sécurité nationale», confère une marge d’appréciation étendue aux États membres de l’espace Schengen pour décider si, et dans quelles circonstances, ils peuvent introduire des signalements dans le SIS II. Elle souligne que le recours au signalement ne devrait pas conduire à un détournement du système et ne devrait pas porter atteinte aux droits de l’homme des ressortissants de pays tiers qui cherchent à entrer dans l’espace Schengen, en particulier le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la liberté d’expression, le droit à la liberté de circulation et le droit à un recours effectif. Si besoin est, d’autres mesures devraient être prises pour prévenir le détournement du SIS et améliorer la protection des droits de l’homme des ressortissants de pays tiers qui font l’objet de signalements dans le SIS.
6. L’Assemblée appelle par conséquent les États membres de l’espace Schengen:
6.1. à insérer uniquement des données exactes et légales dans le SIS II;
6.2. à s'assurer que les données dans le SIS ne sont pas introduites pour des raisons politiques contre un pays tiers;
6.3. à respecter les principes de proportionnalité et d’évaluation individuelle de chaque cas lorsqu’ils introduisent des signalements dans le SIS II;
6.4. à instaurer de la transparence ainsi que des mécanismes de contrôle et de vérification adéquats concernant l'interopérabilité des systèmes d'information à grande échelle, afin que les données enregistrées dans un système ne soient pas indûment utilisées par les autres systèmes;
6.5. à offrir aux personnes faisant l’objet d'un signalement SIS II des recours effectifs contre les décisions des autorités administratives ou judiciaires nationales qui sont à l’origine du signalement;
6.6. à respecter le droit des ressortissants de pays tiers à être informés de l’introduction d’un signalement dans le SIS II;
6.7. à mettre fin aux pratiques qui empêchent les citoyens des États non membres de l'espace Schengen de participer aux activités culturelles, sociales et scientifiques de l'espace Schengen et qui entravent le commerce libre;
6.8. à éviter toute utilisation abusive du SIS II qui pourrait empêcher le développement d'activités commerciales et une coopération plus efficace en matière d'investissement;
6.9. à adapter leurs législations nationales afin de garantir que les décisions administratives de refus de délivrance d’un visa Schengen pour des raisons politiques ou autres puissent faire l'objet d'un contrôle judiciaire dans l’État membre concerné;
6.10. à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que l’utilisation du SIS et des systèmes connexes ne fassent obstacle à la réalisation d'une plus grande unité entre les États membres du Conseil de l’Europe, comme le prévoit son Statut (STE no 1);
6.11. à reconnaître aux personnes faisant l’objet d'un signalement dans le SIS II le droit d’accéder aux données qui les concernent et de demander la rectification de données inexactes ou la suppression de données conservées illégalement dans le SIS II;
6.12. à donner à ces personnes la possibilité d’intenter une action en justice effective devant les juridictions ou les autres instances compétentes, afin d’accéder aux données, de les rectifier, de les supprimer ou de les extraire, ou pour obtenir, le cas échéant, réparation pour un signalement qui les concerne;
6.13. à faire appel au réseau de Supplément d’information requis à l’entrée nationale (SIRENE) pour vérifier les informations pertinentes avant de refuser l’entrée sur le territoire ou un visa de courte durée à un ressortissant de pays tiers;
6.14. à renforcer la coopération entre les autorités nationales compétentes qui examinent les cas individuels de signalement (juridictions, autorités de contrôle de la protection des données et autres organes compétents);
6.15. à mettre en place une instance de médiation, dont la mission principale consisterait à examiner si les normes relatives aux droits de l'homme ont été respectées par les autorités nationales lorsqu'elles introduisent un signalement dans le SIS II ou refusent l'entrée à des ressortissants de pays tiers sur la base de ce signalement.
7. L’Assemblée invite également l’Union européenne et appelle ses États membres à conclure dès que possible la révision du Mécanisme d’évaluation de Schengen et à examiner les moyens d’éviter les défaillances actuelles du fonctionnement du SIS II et celles qui pourraient survenir à l’avenir. Elle invite l'Union européenne à associer le Parlement européen à ces processus.
8. Elle invite également l’Union européenne et appelle ses États membres:
8.1. à adopter des lignes directrices sur les normes minimales communes qui régissent la procédure de signalement SIS II, qui seraient applicables aux ressortissants de pays tiers, ainsi que les critères essentiels de l’introduction de signalements SIS II;
8.2. à envisager de mettre en place un organe de médiation, qui aurait pour tâche principale d’examiner si les normes en matière de droits de l'homme sont respectées par les autorités nationales lorsqu'elles introduisent un signalement dans le SIS II ou refusent l'entrée à des ressortissants de pays tiers, ou d’attribuer cette compétence au Médiateur européen, à l’Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, au Contrôleur européen de la protection des données ou à un autre organisme de l’Union européenne.
9. L’Assemblée appelle également les États membres de l’espace Schengen à recueillir et échanger des données sur les pratiques nationales actuelles du recours aux signalements SIS II et sur leurs conséquences pour les droits de l’homme, ainsi qu’à coopérer en la matière également avec les États membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’Union européenne.

B. Exposé des motifs par M. Ziya Altuniyaldiz, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure

1. À la suite du renvoi d’une proposition de résolution intitulée «Détournement du système de Schengen par des États membres du Conseil de l’Europe pour infliger des sanctions à motivation politique» 
			(2) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=25186&lang=FR'>Doc.14652</a>. à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pour rapport, celle-ci a désigné Mme Olena Sotnyk (Ukraine, ADLE) rapporteure. En raison du départ de Mme Sotnyk de l’Assemblée parlementaire, la commission a désigné Mme Irina V. Rukavishnikova (Fédération de Russie, NI) rapporteure pour lui succéder. Suite à l’exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe, la commission m'a désigné comme rapporteur, le 4 avril 2022.
2. Mme Rukavishnikova a préparé une note introductive révisée, qui a été examinée par la commission lors de sa réunion du 5 juin 2020 (par vidéoconférence). La commission a ensuite approuvé un projet révisé de questionnaire à envoyer aux délégations nationales par l’intermédiaire du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) et a pris acte de l’approbation, dans le cadre de la procédure de consultation écrite, de sa demande d’autorisation d’une audition de trois experts et d’une visite d’information à Bruxelles, toutes deux sous réserve de la disponibilité des fonds nécessaires. Le 14 septembre 2021, à l’occasion d’une réunion tenue de manière hybride, la commission a examiné la note introductive révisée de Mme Rukavishnikova et a procédé à l’audition de:
  • Mme Evelien Brouwer, chercheuse principale, Centre pour le droit des migrations et des réfugiés d'Amsterdam, Vrije Universiteit Amsterdam, Pays-Bas;
  • Mme Nuala Mole, fondatrice et juriste principale du Centre Advice on individual Rights in Europe, Londres, Royaume-Uni;
  • M. Vyacheslav A. Postavnin, expert en migration, chef du Centre de recherche analytique et pratique sur la migration (Centre scientifique pour l'intégration eurasienne), Fédération de Russie.
3. En ce qui concerne les activités de recherche d’information, le 17 novembre 2021, Mme Rukavishnikova a procédé à un échange par vidéoconférence avec des fonctionnaires de la Commission européenne, Direction générale de la migration et des affaires intérieures (DG HOME), Unité B3 – Système d'information Schengen, ainsi qu’avec M. Jan-Christoph Oetjen, membre du Parlement européen (Allemagne, Groupe Renew Europe), et son groupe de travail sur le contrôle de Schengen (au sein de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures – LIBE). Les 7-8 février 2022, elle a pu se rendre en personne à Bruxelles (Belgique), où elle a rencontré M. Matthias Oel, Commission européenne, DG HOME, directeur Schengen, Frontières et Innovation, et M. Jure Tanko, conseiller de Mme Tanja Fajon, membre du Parlement européen (Slovénie, Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates). Les réunions avec Mme Fabienne Keller, membre du Parlement européen (France, Groupe Renew Europe), Mme Clara Guerra, vice-présidente et présidente par intérim du Groupe de coordination Schengen SIS II, et d'autres fonctionnaires de la Commission européenne, Direction générale de la justice et des consommateurs (DG JUST), Unité B2 – Droit pénal procédural, ont eu lieu par vidéoconférence.

1.2. La proposition de résolution

4. Les signataires de cette proposition de résolution se réfèrent aux travaux antérieurs de l’Assemblée sur ce sujet, à savoir sa Recommandation 1648 (2004) «Conséquences de l’élargissement de l’Union européenne pour la liberté de circulation entre les États membres du Conseil de l’Europe» et sa Résolution 1894 (2012) «L’inacceptabilité des restrictions à la liberté de circulation à titre de sanction pour des prises de position politiques». Ils soulignent que, depuis, de nouveaux incidents de détournement à motivation politique du système de Schengen se sont produits dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe, «qui ont utilisé leur droit légal de contrôler l’accès à leur territoire pour refuser l’entrée à certaines personnes». Ils ajoutent par ailleurs que «cela entraîne pour ces dernières une interdiction injustifiée d’accès à l’ensemble de l’espace Schengen». Les auteurs de la proposition de résolution considèrent que «l’Assemblée ne peut accepter que de tels détournements du système de Schengen continuent de se produire» et qu’elle doit donc établir un nouveau rapport sur cette question.

2. Les enjeux

5. Dans sa Recommandation 1648 (2004) «Conséquences de l’élargissement de l’Union européenne pour la liberté de circulation entre les États membres du Conseil de l’Europe» adoptée le 30 janvier 2004 
			(3) 
			Voir le rapport de
la commission des questions juridiques et des droits de l’homme,
rapporteur: M. Vitaliy Shybko (Ukraine, Groupe socialiste), Doc. 9979 rév. du 15 octobre 2003., l’Assemblée a rappelé que «le régime de Schengen a pour but d’établir la libre circulation des personnes à l’intérieur d’un territoire multinational (l’espace Schengen) sans frontières intérieures» et que le Conseil de l’Europe, «dès ses premières années d’existence», a lui aussi «poursuivi activement ces mêmes objectifs», comme en témoignent toutes les conventions relatives à la liberté de circulation adoptées sous ses auspices 
			(4) 
			Paragraphe 6
de la recommandation.. L’Assemblée était fermement opposée à «(…) toutes mesures qui pourraient avoir pour effet de diviser les peuples et les États d’un continent qui n’a atteint que depuis peu un degré sans précédent d’unité et d’harmonie en matière politique, sociale, économique et culturelle». Le Comité des Ministres a répondu à cette recommandation en juin 2004 et en avril 2006 
			(5) 
			Doc. 10219 du 21 juin 2004 et Doc. 10873 du 7 avril 2006. Dans ce dernier document, le Comité
des ministres s’est référé en détail aux travaux du Comité européen
de coopération juridique (CDCJ).. Quelques années plus tard, dans sa Résolution 1894 (2012) «L’inacceptabilité des restrictions à la liberté de circulation à titre de sanction pour prises de positions politiques» (adoptée le 29 juin 2012) 
			(6) 
			Sur
la base d’un rapport de cette commission, rapporteur: M. Haluk Koç
(Türkiye, SOC), Doc. 12943., elle s’est particulièrement intéressée au lien entre liberté de circulation des personnes et liberté d’expression, soulignant que «(…) la liberté de circulation ne saurait faire l’objet de restrictions ou être utilisée en guise de sanction pour l’expression d’opinions politiques exprimées de manière pacifique» et que les signalements dans le système d’information Schengen ne doivent pas être utilisés de manière abusive pour refuser aux non-ressortissants d’un État membre de l’Union européenne l’accès à l’espace Schengen au motif qu’ils ont exprimé de telles opinions. Elle a également rappelé que les États de l’espace Schengen étaient tenus de «soumettre les signalements effectués dans le système d’information Schengen à une procédure de contrôle juridictionnel ou administratif rapide». De plus, la question des «listes noires» adoptées par le Conseil de l’Union européenne ou par des États membres de l’Union européenne a été dans une certaine mesure examinée par l’Assemblée dans sa Résolution 1597 (2008) et sa Recommandation 1824 (2008) 
			(7) 
			Voir
aussi la réponse du Comité des Ministres à cette recommandation, Doc. 11690 du 21 juillet 2008. «Listes noires du Conseil de Sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne» et dans le rapport de notre ancien collègue M. Dick Marty (Suisse, ADLE) 
			(8) 
			Doc. 11454 du 16 novembre 2007.. L’Assemblée a également examiné la question de l’utilisation abusive des notices rouges d’Interpol dans ses deux Résolutions 2315 (2019) «La réforme d'Interpol et les procédures d’extradition: renforcer la confiance en luttant contre les abus» et 2161 (2017) «Recours abusif au système d’Interpol: nécessité de garanties légales plus strictes».
6. Depuis l’adoption de la Résolution 1894 (2012) de l’Assemblée, «L’inacceptabilité des restrictions à la liberté de circulation à titre de sanction pour des prises de position politiques», de nombreux changements ont été apportés au fonctionnement du système d’information Schengen (SIS). De nouveaux cas de signalements supposés injustifiés ont également été recensés. Par exemple, en août 2018, la présidente de l’ONG Open Dialog Foundation, Mme Lyudmyla Kozlovska, une ressortissante ukrainienne résidant en Pologne et mariée à un militant de la société civile de nationalité polonaise, M. Bartosz Kramek, s’est vu refuser l’entrée en Belgique à la suite d’un signalement introduit dans le système d’information Schengen (aujourd’hui SIS II) par les autorités polonaises. Ce signalement était fondé sur des motifs de sûreté de l'État. Mme Kozlovska, qui a depuis obtenu un permis de séjour de cinq ans en Belgique et dont le nom a été retiré du SIS II, affirme que l’introduction d’un signalement dans le SIS II représentait une forme de persécution politique du fait de ses activités civiques et de celles de son mari et de leurs critiques à l’égard du Gouvernement polonais 
			(9) 
			<a href='about:blank'>https://en.odfoundation.eu/t/bringherback-to-the-eu/</a>.. En appel, le tribunal administratif régional de Varsovie a rendu le 16 avril 2019 son arrêt dans cette affaire. Il a estimé que les preuves sur lesquelles reposait le signalement n’étaient pas suffisantes et il a abrogé les décisions du responsable du Service des étrangers.
7. D’autres cas de signalements supposés injustifiés ont également été recensés. En novembre 2017, M. Svyatoslav Sheremeta, un fonctionnaire et politologue ukrainien travaillant sur les questions de mémoire historique accusé d’être «anti-polonais», a été placé sur la liste SIS II par les autorités polonaises et s’est vu refuser l’entrée du territoire polonais, alors qu’il était titulaire d’un visa Schengen allemand. Malgré le signalement des autorités polonaises, il a finalement été autorisé à entrer en Allemagne quelques semaines plus tard 
			(10) 
			<a href='about:blank'>https://wiadomosci.dziennik.pl/swiat/artykuly/563946,swiatoslaw-szeremeta-twierdzi-ze-ominal-zakaz-wjazdu-do-strefy-schengen.html</a>.. Par ailleurs, en avril 2019, l’Estonie a interdit à deux journalistes de la chaîne de télévision Russia-1 l’entrée dans l’espace Schengen pendant cinq ans, à la suite de l’utilisation de caméras cachées pour filmer des membres de la communauté des Témoins de Jéhovah à Tallinn. Les autorités ont estimé que «les actions des journalistes visaient à se moquer de ce groupe religieux et constituaient une discrimination religieuse susceptible d’aboutir à une incitation à la haine» 
			(11) 
			<a href='about:blank'>https://news.err.ee/929589/iss-ministry-issued-schengen-entry-ban-against-russia-1-employees</a>.. Enfin, Steven Anderson, un pasteur américain connu pour ses «sermons anti-LGBTI» et pour «avoir remis en question les preuves de l’Holocauste», s’est vu interdire l’accès à l’espace Schengen par les Pays-Bas (et également l’entrée au Royaume-Uni et en Irlande) 
			(12) 
			<a href='about:blank'>https://nltimes.nl/2019/05/01/american-hate-preacher-denied-access-netherlands</a> et <a href='about:blank'>www.bbc.com/news/world-europe-48252527</a>..
8. Il existe également de nombreuses allégations selon lesquelles certains États de l'espace Schengen utilisent les signalements comme un levier politique à l'encontre de pays tiers, de telle sorte que l'objectif réel de l'émission de signalements à l'encontre de personnes n'a en fait aucun rapport avec les raisons invoquées. Dans de tels cas, le signalement d'un ressortissant de pays tiers sur la base de la «sécurité nationale» n'a aucun rapport avec la situation ou le statut personnel de cette personne, mais apparaît comme une sanction cachée visant directement un pays tiers dont la personne concernée est ressortissante. De telles pratiques abusives risquent non seulement de violer plusieurs conventions du Conseil de l'Europe, mais aussi de miner l'ensemble du système SIS en forçant l'État membre d'exécution à participer à mise en œuvre de l'agenda politique caché de l'État d’émission sans le vouloir.
9. Outre l'abus du système Schengen pour des raisons politiques, on observe que le système est utilisé d'une manière qui nuit aux relations et activités commerciales, bien que certains pays aient une coopération bilatérale et multilatérale basée sur certains accords avec l'Union européenne et facilitée par ces derniers.
10. Les foires commerciales et autres événements commerciaux sont représentatifs du monde des affaires. Les demandes de visa Schengen peuvent toutefois ne pas être jugées convaincantes et être rejetées comme infondées, même sur présentation d’une invitation à une foire commerciale, de la preuve du paiement de frais de location de stands et de l’accomplissement des formalités de transport et d’hébergement etc. En outre, d’autres problèmes peuvent survenir comme ceux liés à la prise de rendez-vous pour les demandes de visa, le nombre excessif de documents requis et le niveau élevé des frais de demande de visa.
11. En outre, dans certains domaines qui ne font a priori pas l'objet d'abus, notamment dans le domaine de la coopération commerciale, des mesures pourraient être prises, dans le cadre d'accords internationaux, pour limiter le refus systématique de visa, sauf s'il est prouvé qu'il existe une motivation politique.
12. Bien que les États soient, en principe, seuls compétents pour déterminer les conditions d'entrée d'autres citoyens sur leur territoire, ils sont en même temps tenus, en vertu des traités, de respecter les normes fondamentales des droits de l'homme et de l'État de droit lorsqu'ils prennent des décisions en la matière. Des procédures bureaucratiques excessivement longues, des formulaires de demande compliqués, de longues files d'attente dans les représentations diplomatiques, des conditions exagérées relatives à la situation financière du demandeur, des interrogatoires et des refus de visas inexpliqués entravent la circulation transfrontalière des personnes.
13. Ces pratiques erigent une barrière pour ceux qui voudraient participer à des activités culturelles, sociales et scientifiques dans les États membres de l'espace Schengen, les empêchent de visiter à leurs proches qui y résident et entravent le commerce libre. En outre, elles constituent un obstacle à la réalisation d'une plus grande unité entre les États membres du Conseil de l'Europe et les empêchent de sauvegarder et de réaliser ses idéaux et principes.
14. En outre, conformément aux conventions internationales garantissant la liberté de circulation des personnes, notamment la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5), il est nécessaire d'empêcher l'abus de la souveraineté des États membres en ce qui concerne la réglementation d'entrée sur le territoire en lien avec des motifs politiques. Dans ce contexte, il serait bénéfique d'inclure des dispositions spéciales dans la législation des pays qui refusent d'accorder des visas pour des raisons inappropriées, en particulier pour des raisons politiques. En effet, au regard de l’exigence de l’épuisement des voies de recours internes, l’absence de telles réglementations dans les systèmes juridiques des États membres de l’espace Schengen peuvent être préjudiciables à l’effectivité des recours juridictionnels.
15. Nous examinerons donc dans le présent rapport le fonctionnement actuel du SIS, en mettant tout spécialement l’accent sur les signalements qui y sont introduits pour empêcher l’entrée de ressortissants de pays tiers, ainsi que sur la marge de manœuvre dont les États membres de l’Union européenne disposent en la matière et les implications de l’usage arbitraire des signalements SIS sur la protection des droits de l’homme. En outre, je me concentrerai également sur l’utilisation inefficace et inappropriée des alertes SIS qui pourrait perturber l’exercice de la liberté de circulation et être source de sérieux obstacles, notamment pour les entreprises et les activités commerciales d’autres parties prenantes. Sur la base de cette analyse, je formulerai également d'autres recommandations sur la question de savoir comment prévenir l’utilisation détournée des signalements, surtout si elle entraîne des violations des droits de l’homme.

3. La liberté de circulation dans le cadre juridique du Conseil de l’Europe

16. En vertu du droit international public, nonobstant les normes en matière d’asile, il appartient aux États de déterminer les modalités et les conditions d’admission des non-nationaux (ci-après «les étrangers») sur leur territoire. Il n’existe donc pas de droit d’entrer et de séjourner dans un État dont on n’est pas ressortissant, ce que la Cour européenne des droits de l’homme a souligné dans sa jurisprudence à de très nombreuses reprises 
			(13) 
			<a href='about:blank'>Manuel de droit européen en matière d’asile,
de frontières et d’immigration</a>, 2015, p. 29. Voir par exemple Vilvarajah et
autres c. Royaume-Uni – requête no 13163/87,
arrêt du 30 octobre 1991, paragraphe 102..
17. Dès les premières années de son existence, le Conseil de l’Europe a œuvré dans le domaine de la libre circulation des personnes. Plusieurs conventions ont été adoptées en la matière: la Convention européenne d’établissement de 1955 (STE n° 19); l’Accord européen de 1957 sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l’Europe (STE n° 25); la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (STE n° 93); et la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE n° 106). Toutefois, à l’exception de la dernière convention, ces traités n’ont été ratifiés que par un petit nombre d’États membres. En particulier, l’Accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l’Europe, destiné à faciliter les déplacements des individus, n’a été ratifié que par 17 États membres 
			(14) 
			Au
17 juin 2022: 
			(14) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/025/signatures?p_auth=zYgTuT3s'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/025/signatures?p_auth=zYgTuT3s</a>. et le suivi de sa mise en œuvre a été abandonné en 1991 
			(15) 
			Pour
plus d’information, voir le rapport de M. Koç, Doc. 12943 op.
cit. , paragraphe 14., avant que plusieurs États membres actuels aient rejoint le Conseil de l’Europe.
18. La Convention européenne des droits de l’homme exige que ses États parties «reconnaissent» les droits et libertés qu’elle consacre à «toute personne relevant de leur juridiction», y compris aux ressortissants étrangers qui demandent un visa ou l’entrée sur le territoire à une frontière (article 1). Mais elle ne prévoit pas de droit d’entrer dans un État spécifique (y compris un État membre précis du Conseil de l’Europe). L’article 2 du Protocole no 4 (STE no 46) à la Convention consacre le droit de circuler librement à l’intérieur d’un pays pour toute personne qui s’y trouverait déjà de façon régulière, ainsi que le droit de quitter n’importe quel pays. Cela étant, l’article en question ne traite pas du droit d’entrée dans un pays. Par ailleurs, tous les États membres de notre Organisation n’ont pas adhéré à ce protocole 
			(16) 
			42 États sur 46 ont
ratifié le Protocole, voir: 
			(16) 
			<a href='about:blank'>https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/046/signatures</a>.. En outre, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les décisions concernant l’entrée, le séjour et l’expulsion des étrangers ne relevaient pas de la garantie d’un «procès équitable» prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention, car elles ne concernent ni des droits ou obligations de caractère civil ni une accusation pénale 
			(17) 
			Voir, par exemple, Maaouia c. France, requête no 39652/98,
arrêt du 5 octobre 2000 (Grande Chambre), paragraphe 40..
19. Le droit des États membres de déterminer l’entrée des étrangers sur leur territoire peut être limité dans certaines circonstances pour raisons familiales. La Cour a estimé que, dans certaines situations, des personnes pouvaient se prévaloir de l’article 8 de la Convention, qui consacre le droit au respect de la vie privée et familiale, pour entrer et résider dans un État membre en vue de rejoindre leur famille 
			(18) 
			Voir,
par exemple, Sen c. Pays-Bas,
requête no 31465/96, arrêt du 21 décembre
2001..
20. La Cour n’a pas eu souvent l’occasion d’examiner des affaires concernant la liste noire Schengen de ressortissants de pays tiers souhaitant entrer sur le territoire des États membres de l’Union européenne. Dans l’affaire S.N. et T.D. c. Lettonie, qui concernait l’inscription sur liste noire et l’expulsion de Lettonie de deux ressortissants russes considérés comme une menace pour la sûreté nationale, l’ordre public et la sécurité, le premier point n’a pas été examiné sur le fond parce que les recours internes n’avaient pas été épuisés 
			(19) 
			Voir, par exemple, S.N. et T.D. c. Lettonie, requête
n° 5794/13, décision du 6 décembre 2016, para. 85.. Dans l’affaire Dalea c. France 
			(20) 
			Dalea
c. France, requête no 964/07,
décision du 2 février 2010, paragraphe 2., un ressortissant roumain qui avait des relations d’affaires en France et en Allemagne s’est plaint d’une violation de l’article 8 (au titre du droit au respect de la vie privée) par suite de son inscription dans le SIS par la France. Sa requête a été jugée irrecevable comme étant manifestement mal fondée en raison de la grande marge d’appréciation de la France en matière de contrôle de l’entrée des non-nationaux sur son territoire.

4. Le fonctionnement du système d’information Schengen

4.1. L’espace Schengen

21. La libre circulation des personnes est l’une des quatre libertés fondamentales instaurées par l’Union européenne 
			(21) 
			Article 3, paragraphe 2
du Traité de l’Union européenne (TUE) et dispositions du Titre IV
du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).. Il s’agit d’un droit garanti par les traités de l’Union européenne à tous ses citoyens, qui leur permet de voyager, travailler ou vivre dans n’importe quel État membre de l’Union européenne. En outre, l’article 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit la liberté de circulation sur le territoire des États membres pour les citoyens de l’Union européenne et les ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire d’un État membre. Cette liberté a été renforcée en permettant aux citoyens de l’Union européenne de franchir les frontières intérieures sans être soumis à des contrôles aux frontières, conformément à la coopération mise en place par les États membres de l’Union européenne dans le cadre de l’«espace Schengen».
22. La création de l’espace Schengen remonte à l’adoption de l’Accord de Schengen le 14 juin 1985 par la France, l’Allemagne et les pays du Benelux, dans le but de supprimer progressivement les contrôles aux frontières communes et de renforcer le contrôle des frontières extérieures. Le 19 juin 1990, les mêmes États ont aussi adopté la Convention d’application de l’Accord de Schengen (la «Convention de Schengen»). Compte tenu du déficit de sécurité pouvant résulter de la suppression des contrôles aux frontières, cette convention, entrée en vigueur le 26 mars 1995 pour les pays signataires initiaux, plus l’Espagne et le Portugal, a institué des mesures compensatoires concernant l’asile et la coopération entre les autorités policières, judiciaires et douanières. Elle prévoyait également la création du Système d’Information Schengen qui permet aux autorités nationales compétentes d’avoir accès aux données concernant les individus non habilités à pénétrer dans l’espace de libre circulation communément appelé l’«espace Schengen». Aujourd’hui, l’espace Schengen englobe la plupart des États membres de l’Union européenne. Tous les États membres de l’Union européenne, à l’exception de la Bulgarie, la Croatie, Chypre, l’Irlande et la Roumanie 
			(22) 
			La Bulgarie,
la Croatie et la Roumanie ont toutefois entamé un processus d’adhésion. font partie de l’espace Schengen. Des pays non membres de l’Union européenne, l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein en font également partie et sont reliés au SIS. Cet espace sans frontières garantit la liberté de circulation aux nombreux ressortissants de pays tiers (y compris aux touristes, aux hommes d’affaires et autres personnes résidant légalement dans les États membres de l’Union européenne) sans l’obligation de présenter des visas pour séjours multiples afin de pouvoir voyager dans l’espace Schengen; leur nombre s’ajoute à celui de plus de 400 millions de citoyens de l’Union européenne.
23. Dans un premier temps, la coopération des États en lien avec l’espace Schengen s’est développée sous une forme purement intergouvernementale, en dehors du cadre des traités fondateurs de l’Union européenne, jusqu’à ce que l’accord de Schengen et la convention de Schengen soient inscrits dans un Protocole au Traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999 et instaurant un «espace de liberté, de sécurité et de justice» 
			(23) 
			Voir également la décision
du Conseil 1999/435/CE du 20 mai 1999 relative à la définition de
l’acquis de Schengen en vue de déterminer, conformément aux dispositions
pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité
sur l’Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions
ou décisions qui constituent l’acquis.. Jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, certaines politiques liées à la coopération Schengen, comme la coopération policière et judiciaire et les mesures de sécurité, étaient restées sous gouvernance intergouvernementale. Depuis, tous les aspects de la coopération Schengen relèvent du régime de l’Union européenne (ancien «premier pilier») et les mesures prises dans ce contexte sont désormais soumises au contrôle de la Cour de Justice de l’Union européenne 
			(24) 
			Voir,
en particulier, l’article 77 du TFUE.. En outre, plusieurs articles de la Convention de Schengen ont été remplacés par des actes juridiques de la Communauté européenne ou de l’Union européenne, auxquels les pays signataires non-membres de l’Union européenne (tels que l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein) ont dû souscrire 
			(25) 
			E. de
Capitani, The Schengen system after Lisbon:
from cooperation to integration, ERA Forum (2014), publié
en ligne le 21 mai 2014, p. 108.. Les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne sont tenus d’adopter l’acquis de Schengen 
			(26) 
			Qui a été défini par
les décisions du Conseil 1999/435/CE et 1999/436/CE du 20 mai 1999
et comprend principalement l’Accord de Schengen, la Convention de
Schengen et les accords d’adhésion à la Convention de Schengen de
l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Autriche, le Danemark,
la Finlande et la Suède..

4.2. Le Système d’Information Schengen

4.2.1. Fonctionnement général

24. L’absence de contrôles aux frontières intérieures entre les États de l’espace Schengen est compensée par des contrôles plus rigoureux sur les frontières extérieures et par l’instauration de diverses mesures préventives. Le principe clé de l’espace Schengen est le suivant: abolition dans une large mesure des contrôles aux frontières à l’intérieur de l’espace, mais stricte surveillance, par la police, des frontières extérieures. Le système d’information Schengen est un outil essentiel à cet égard. C’est une base de données qui permet aux fonctionnaires compétents (tels que la police et les gardes-frontières) de tout l’espace Schengen de consulter des signalements concernant des personnes et des objets recherchés ou disparus, ainsi que des personnes faisant l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire 
			(27) 
			Pour plus d’information,
voir le <a href='about:blank'>Briefing du Parlement
européen, Utilisation du système d’information Schengen pour le
retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière</a> (en anglais), 18 octobre 2018..
25. Le SIS II, une version plus perfectionnée du SIS, est entré en service le 9 avril 2013. Le SIS II présente des fonctionnalités plus avancées, comme la possibilité d’utiliser des données biométriques, l’intégration de nouvelles catégories de signalement et la mise en relation de différents signalements, ou encore la possibilité de lancer des recherches directes. Son fondement juridique est actuellement défini par le Règlement (CE) no 1987/2006 («Règlement SIS II») 
			(28) 
			Règlement
(CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre
2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du
système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II).
Il sera bientôt remplacé par le Règlement (UE) 2018/1861 sur l’établissement,
le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen
(SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant
la convention d’application de l’accord de Schengen et modifiant
et abrogeant le Règlement (CE) no 1987/2006., le Règlement (CE) no 1986/2006 sur les signalements de véhicules 
			(29) 
			Règlement
(CE) n° 1986/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre
2006 sur l'accès des services des États membres chargés de l'immatriculation
des véhicules au système d'information Schengen de deuxième génération
(SIS II). et la Décision du Conseil 2007/533/JAI («Décision SIS II») 
			(30) 
			Décision 2007/533/JAI
du Conseil du 12 juin 2007 sur l'établissement, le fonctionnement
et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération
(SIS II).. Le 28 décembre 2018, trois nouveaux règlements ont été ajoutés au cadre juridique du SIS II 
			(31) 
			Le Règlement (UE) 2018/1860
relatif à l’utilisation du système d’information Schengen aux fins
de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier;
le Règlement (UE) 2018/1861 sur l’établissement, le fonctionnement
et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le
domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention
d’application de l’accord de Schengen et modifiant et abrogeant
le Règlement (CE) no 1987/2006; le Règlement
(UE) 2018/1862 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation
du SIS dans le domaine de la coopération policière et de la coopération
judiciaire en matière pénale, modifiant et abrogeant la Décision
2007/533/JAI du Conseil et abrogeant le Règlement (CE) no 1986/2006
du Parlement européen et du Conseil, et la Décision 2010/261/UE
de la Commission.. Leur objectif est de renforcer le système actuel en intégrant de nouveaux signalements sur les décisions de retour, en exigeant l’inclusion obligatoire des interdictions d’entrée dans le système et en mettant en place des règles de protection des données plus strictes.
26. En mai 2019, l'Union européenne a adopté le Règlement 2019/817 
			(32) 
			Règlement (UE) 2019/817
du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 établissant un
cadre pour l'interopérabilité entre les systèmes d'information de
l'UE dans le domaine des frontières et des visas et modifiant les Règlements
(CE) n° 767/2008, (UE) 2016/399, (UE) 2017/2226, (UE) 2018/1240,
(UE) 2018/1726 et (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil
et les décisions 2004/512/CE et 2008/633/JAI du Conseil., qui s'applique aux systèmes d'information dans le domaine des frontières et des visas, et le Règlement 2019/818 sur les systèmes dans le domaine de la coopération policière et judiciaire, de l'asile et de la migration 
			(33) 
			Règlement (UE) 2019/818
du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 établissant un
cadre pour l'interopérabilité entre les systèmes d'information de
l'UE dans le domaine de la coopération policière et judiciaire,
de l'asile et de la migration, et modifiant les Règlements (UE)
2018/1726, (UE) 2018/1862 et (UE) 2019/816.. Ces deux règlements visent à faciliter le partage d'informations et à améliorer la sécurité dans l'Union européenne en établissant l'interopérabilité et l'utilisation polyvalente des bases de données à grande échelle de l'Union européenne afin de créer un portail de recherche à l'échelle européenne, permettant aux autorités compétentes d'effectuer des recherches dans plusieurs systèmes d'information simultanément, en utilisant des données biographiques et biométriques. Une telle structure d'interopérabilité repose donc sur un réseau ou un mécanisme par lequel différentes autorités peuvent vérifier si des informations sur une personne donnée sont disponibles dans l'une des bases de données de l'Union européenne. Les bases de données qui peuvent être connectées via l'interopérabilité comprennent des systèmes tels que le SIS II, Eurodac et le système d'information sur les visas ainsi que les bases de données de l’Office européen de police (Europol).
27. Le SIS II comporte trois volets: 1) un système central; 2) des systèmes nationaux dans chaque État membre qui communiquent avec le système central 
			(34) 
			Voici
la <a href='https://edps.europa.eu/data-protection/european-it-systems/schengen-information-system_fr'>liste
de ces autorités</a>.; et 3) une infrastructure de communication. Les États membres peuvent saisir, mettre à jour, supprimer et rechercher des données par l’intermédiaire de leurs systèmes nationaux et échanger des informations par le biais des bureaux de Supplément d’information requis à l’entrée nationale (SIRENE). Les États membres sont responsables de la mise en place, du fonctionnement et de la maintenance de leurs systèmes nationaux et de leurs bureaux SIRENE nationaux.

4.2.2. Les signalements introduits dans le SIS II

28. L’un des moyens de contrôler les frontières extérieures de l’espace Schengen consiste à introduire dans le SIS II des signalements de personnes et d’objets 
			(35) 
			Voir l’article 96 de
la Convention de Schengen (relatif aux signalements de personnes).. En ce qui concerne les signalements de personnes, l’article 3 a) du Règlement SIS II précise qu’un «signalement» est «un ensemble de données introduites dans le SIS II permettant aux autorités compétentes d’identifier une personne en vue de tenir une conduite particulière à son égard» 
			(36) 
			La
définition du «signalement» donnée à l’article 3(1)(a), de la Décision
SIS II vise également les objets.. Avant d’introduire un signalement, les États membres déterminent si le cas est suffisamment approprié, pertinent et important pour justifier l’insertion du signalement dans le SIS II (article 21 du Règlement SIS II). Un signalement ne peut pas être fait sans les éléments d’information suivants concernant les personnes visées: nom(s) et prénom(s), nom(s) de naissance et nom(s) utilisé(s) antérieurement et pseudonymes, sexe, la mention de la décision qui est à l’origine du signalement et la conduite à tenir (articles 23(1), et 20(2) du Règlement SIS II).
29. Les signalements SIS visent les catégories de personnes suivantes:
  • les ressortissants de pays tiers qui se voient refuser l’entrée ou l’autorisation de séjour au sein de l’espace Schengen (article 24 du Règlement SIS II);
  • les personnes pour lesquelles un mandat d’arrêt européen a été émis ou qui sont recherchées en vue d’une arrestation aux fins d’extradition, à la demande des autorités judiciaires de l’État membre signalant (article 26 de la Décision SIS II) 
			(37) 
			En pratique, ces signalements
sont insérés dans le SIS II si la personne qui fait l'objet d'un
mandat d’arrêt européen ne peut être localisée.;
  • les personnes disparues (adultes et mineurs) (article 32 de la Décision SIS II);
  • les personnes recherchées citées à comparaître, ou témoins dans le cadre de procédures judiciaires pénales (article 34 de la Décision SIS II); et
  • les personnes visées par un contrôle discret ou spécifique, notamment à des fins de répression d’infractions pénales et de prévention de menaces pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État (article 36 de la Décision SIS II) 
			(38) 
			En
outre, l'article 40 du Règlement (UE) 2018/1862 met en place une
nouvelle catégorie de signalements «concernant des personnes recherchées
inconnues à des fins d'identification conformément au droit national.».

4.2.3. Les signalements fondés sur l’article 24(1) du Règlement SIS

30. Aux fins de mon rapport, je prévois de traiter principalement la première catégorie de personnes. L’article 24(1), du Règlement SIS II stipule que les données concernant ces personnes «sont introduites sur la base d’un signalement national résultant d’une décision prise par les autorités administratives ou juridictions compétentes dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, sur la base d’une évaluation individuelle» 
			(39) 
			L'article 24.1 a) du
Règlement (UE) 2018/1862 précise que l'évaluation individuelle comprend
«une appréciation de la situation personnelle du ressortissant de
pays tiers concerné et des conséquences du refus d'entrée et de
séjour». et que «les recours contre cette décision sont formés conformément à la législation nationale» 
			(40) 
			En vertu de l'article
24.4, deuxième phrase, du Règlement (UE) 2018/1862, le recours est
exercé «conformément au droit national et de l'Union, qui prévoient
un recours effectif à introduire devant une juridiction».. Un signalement est introduit lorsque la décision des autorités nationales est fondée sur la menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sûreté de l'État que peut constituer la présence d’un ressortissant d’un pays tiers sur le territoire d’un État membre. Cela peut notamment être le cas d’un ressortissant d’un pays tiers qui a été condamné dans un État membre pour une infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an ou à l’égard duquel il existe des raisons sérieuses de croire qu’il a commis une infraction pénale grave 
			(41) 
			L'article
24.2 b) du Règlement (UE) 2018/1862 précise qu'il peut s'agir notamment
d'une «infraction terroriste». ou des indices réels qu’il envisage de commettre un tel acte sur le territoire d’un État membre (article 24(2) du Règlement SIS II). Un signalement peut également être introduit lorsque le ressortissant d’un pays tiers a fait l’objet d’une mesure d’expulsion, de refus d’entrée ou de renvoi qui n’a été ni abrogée ni suspendue, et qui comporte ou est assortie d’une interdiction d’entrée, ou, le cas échéant, de séjour, fondée sur le non-respect des réglementations nationales relatives à l’entrée ou au séjour des ressortissants de pays tiers (article 24(3) du Règlement SIS II) 
			(42) 
			Voir la «Directive
retour» 2008/115/CE..
31. L’article 25(1) du Règlement SIS II mentionne les signalements portant sur un ressortissant de pays tiers qui bénéficie du droit de libre circulation dans l’Union européenne, au sens de la Directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, et dispose que ces signalements doivent être conformes aux règles adoptées dans le cadre de la mise en œuvre de ladite directive. En cas de réponse positive à un signalement concernant un tel ressortissant d’un pays tiers, l’État membre d’exécution du signalement consulte immédiatement l’État membre signalant afin de décider sans délai des mesures à prendre (article 25(2) du Règlement SIS II). Les signalements introduits en lien avec les interdictions d’entrée fondées sur des actes normatifs adoptés par le Conseil de l’Union européenne, y compris les mesures qui mettent en œuvre les interdictions de voyage édictées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, relèvent du champ d’application de l'article 26 du Règlement SIS II. L’État membre responsable de l’introduction, de la mise à jour et de la suppression de ces signalements au nom de tous les États membres est désigné lors de l’adoption de la mesure en question (article 26 (3) du Règlement SIS II).
32. L’article 6(1)(d), du Code frontières Schengen 
			(43) 
			Règlement (UE) 2016/399
du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un
code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières
par les personnes (Code frontières Schengen). Il fait actuellement l'objet
d'une révision. indique expressément que les ressortissants de pays tiers qui font l’objet d’un signalement dans le SIS à des fins de non-admission ne remplissent pas les conditions d’entrée sur le territoire des États membres de l’Union européenne. Une dérogation à cette règle a toutefois été prévue: un ressortissant d’un pays tiers peut être autorisé par un État membre à entrer sur son territoire pour des motifs humanitaires, des motifs d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales. Si le ressortissant d’un pays tiers concerné fait l’objet d’un signalement SIS, l’État membre qui autorise son entrée sur son territoire en informe les autres États membres (article 6(5)(c)).
33. L’accès aux données introduites dans le SIS II est accordé aux autorités nationales chargées des contrôles aux frontières, de la police, des douanes, des visas et de l’immatriculation des véhicules et, par extension, aux autorités judiciaires nationales lorsque cela s’avère nécessaire à l’accomplissement de leurs tâches 
			(44) 
			Voir, en particulier,
l’article 27 du Règlement SIS II.. Une liste des autorités compétentes qui ont accès au SIS II est publiée chaque année au Journal officiel de l'Union européenne 
			(45) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=uriserv%3AOJ.C_.2021.287.01.0001.01.ENG&toc=OJ%3AC%3A2021%3A287%3ATOC'>C-287/1</a> du 16 juillet 2021.. Europol et l’Unité de coopération judiciaire de l’Union européenne (Eurojust) disposent de droits d’accès limités pour effectuer certains types de recherches. Les vérifications dans le SIS sont obligatoires pour la délivrance des visas de court séjour, pour les contrôles aux frontières des ressortissants de pays tiers et, de manière non systématique, pour les citoyens de l’Union européenne et les autres personnes jouissant du droit de libre circulation. Tout contrôle de police sur le territoire d’un État Schengen doit comporter une vérification dans le SIS II 
			(46) 
			Briefing du Parlement
européen, supra note 28..
34. Conformément à l’article 29(1), du Règlement SIS II, les signalements ne sont conservés «que pendant le temps nécessaire à la réalisation des objectifs pour lesquels ils ont été introduits». L'État membre signalant doit, dans un délai de trois ans à compter de l'introduction du signalement, examiner la nécessité de le conserver (article 29(2)), mais il peut également le faire plus tôt ou, dans certaines circonstances, conserver le signalement plus longtemps (article 29(3) et (4)). Si aucune prolongation n'a été communiquée au système central, les signalements sont automatiquement effacés après la période de trois ans (article 29(5)). Seul l’État membre signalant est autorisé à modifier ou à supprimer le signalement. Il est également responsable de l’exactitude et de l’actualité des données, ainsi que de la licéité de leur introduction dans le SIS II (article 34 du Règlement SIS II). Si un autre État membre dispose d’éléments indiquant qu’une donnée est entachée d’erreur de droit ou de fait, il en informe l’État membre signalant, conformément à la procédure prévue à l’article 34, paragraphes 3 et 4, du Règlement SIS II.
35. Conformément aux principes de la protection des données 
			(47) 
			Contrairement à la
Convention, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
garantit expressément les droits à la protection des données: «Article
8: Toute personne a droit à la protection des données à caractère
personnel la concernant. Ces données doivent être traitées loyalement,
à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne
concernée ou en vertu d'un autre fondement légitime prévu par la
loi». Voir également la <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A31995L0046'>Directive
95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995,
relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement
des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces
données</a>., toutes les personnes dont les données sont traitées dans le SIS II jouissent des droits suivants: le droit d'accès aux données qui les concernent et sont conservées dans le SIS II; le droit de rectification des données inexactes ou de suppression lorsque les données ont été conservées illégalement et le droit de saisir les tribunaux ou les autorités compétentes pour obtenir la rectification ou la suppression des données ou pour obtenir une indemnisation 
			(48) 
			Voir
les articles 41 et 43 du Règlement SIS II. Pour plus d'informations,
voir Groupe de coordination du contrôle du SIS II, <a href='https://edps.europa.eu/system/files/2022-01/15-10-07_sis_ii_guide_of_access_updated_2015_en.pdf'>The
Schengen Information System. A Guide for Exercising the Right of
Access</a>, qui décrit la
procédure à suivre devant les autorités nationales de protection
des données.. S’agissant du premier droit, toute personne qui souhaite connaître les informations qui la concernent et qui sont conservées dans le SIS II a le droit d’en faire la demande, comme le prévoit la législation nationale de l'État membre devant lequel elle invoque ce droit. L'accès ne peut lui être refusé que lorsque «cette non-communication est indispensable à l’exécution d’une tâche légale en liaison avec le signalement ou à la protection des droits et libertés des tiers» (article 41, paragraphes 1 et 4, du Règlement SIS II). Ce droit d'accès est direct dans certains États membres (c'est-à-dire que la demande doit être adressée directement aux autorités qui traitent les données) ou indirect dans d'autres (c'est-à-dire que l’intéressé doit s'adresser à l'autorité nationale chargée de la protection des données de l'État dans lequel la demande est présentée) 
			(49) 
			<a href='https://edps.europa.eu/system/files/2022-01/15-10-07_sis_ii_guide_of_access_updated_2015_en.pdf'>The
Schengen Information System. A Guide for Exercising the Right of
Access</a>, op. cit., p.
8.. En outre, toute personne a le droit de faire rectifier des données factuellement inexactes qui la concernent ou de faire effacer des données stockées illégalement (article 41(5)). En cas d’exercice de l'un ou l'autre de ces deux droits, l'information est fournie à l’intéressé dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, au plus tard 60 jours à compter de la date de la demande d'accès (article 41(6)). L’intéressé est également informé des suites données à l'exercice de son droit de rectification ou d'effacement dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, au plus tard trois mois à compter de la date de sa demande (article 41(7)). Les ressortissants de pays tiers qui font l’objet d’un signalement sont informés conformément à la législation de l’Union européenne sur la protection des données; cette information se fait par écrit, accompagnée d’une copie ou d’une mention de la décision nationale à l’origine du signalement. Toutefois, cette information n’est pas fournie si le droit national permet de restreindre le droit à l’information, en particulier pour préserver la sûreté de l'État, la défense et la sécurité publique, ou à des fins de prévention et de détection des infractions pénales et d’enquêtes et de poursuites en la matière (article 42). En outre, toute personne peut intenter une action devant les juridictions ou les autorités compétentes en vertu du droit national pour accéder, faire rectifier, effacer ou récupérer des informations, ou pour obtenir une indemnisation en raison d’un signalement la concernant (article 43(1), du Règlement SIS II) et les États membres «s’engagent mutuellement à exécuter les décisions définitives» prises par ces juridictions ou autorités (article 43(2)).

4.2.4. Les instances de l’Union européenne chargées de la gestion et du contrôle du SIS II

36. L’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), créée en 2011 et devenue opérationnelle le 1er janvier 2012, est responsable de la gestion opérationnelle du système central et de l’infrastructure de communication. Elle assure l’échange continu et ininterrompu de données entre les autorités nationales 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et elle est chargée de contrôler les performances du système ainsi que de dispenser une formation sur le SIS II aux opérateurs nationaux, au personnel SIRENE et aux évaluateurs Schengen. Elle assure également la gestion opérationnelle d’autres systèmes d’information à grande échelle de l’Union européenne: le système d’information sur les visas et Eurodac (qui traite de la gestion des demandes d’asile européennes), ainsi que de ceux qui devraient entrer en service dans un avenir proche (le système d'entrée/sortie – EES, le système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages – ETIAS et le système européen d'information sur les casiers judiciaires – ressortissants de pays tiers – ECRIS-TCN). Le siège d’eu-LISA est situé à Tallinn (Estonie), tandis que son centre opérationnel est à Strasbourg.
37. La Commission européenne est chargée de la supervision générale et de l’évaluation du système (Mécanisme d’évaluation de Schengen – SEM 
			(50) 
			Mis en place
par le Règlement 1053/2013/UE du Conseil de l’Union européenne et
du Parlement européen portant création d’un mécanisme d’évaluation
et de contrôle. Il se répartit entre la Commission européenne et
les experts des États membres et évalue les mesures de mise en œuvre
dans un certain nombre de domaines, dont le SIS. Le SEM est en cours
de révision. En novembre 2020, la Commission européenne a adopté
son dernier rapport sur le fonctionnement du SEM (pour la période
2015-2019), <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52020DC0779'>COM(2020)
779 final.</a> Voir les briefings du Service de recherche du Parlement européen:
Révision du mécanisme d'évaluation et de suivi de Schengen. Règlement
(UE) n° 1053/2013, PE 662.633, mai 2021, et Amélioration du mécanisme
d'évaluation et de contrôle de Schengen, PE 964.228, octobre 2021,
et Parlement européen, commission des libertés civiles, de la justice
et des affaires intérieures (rapporteur: Tanja Fajon), Rapport annuel
sur le fonctionnement de l'espace Schengen, 2019/2196(INI), 1er
juin 2021.), ainsi que de l’adoption des mesures de mise en œuvre 
			(51) 
			Depuis
2014, la Commission européenne (DG HOME B3) a reçu un total de 18
«demandes d'information» concernant le fonctionnement du SIS II
en général (dont six en 2021).. Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) surveille l’application des règles de protection des données pour le système central, tandis que les autorités nationales de protection des données supervisent l’application des règles de protection des données dans leurs pays respectifs (voir, en particulier, les articles 44 et 45 du Règlement SIS II). Le Groupe de coordination du contrôle du système d'information Schengen II («GCC SIS II»), un organe composé de représentants des autorités nationales de protection des données des États membres et du CEPD, assure un contrôle coordonné dans le domaine de la protection des données à caractère personnel du SIS II. Il se réunit au moins deux fois par an pour mettre en commun les expériences acquises, discuter de problèmes d’interprétation ou d’application du cadre juridique du SIS II, analyser les difficultés rencontrées à l’occasion de l’exercice du contrôle ou des droits des personnes concernées, s'assister mutuellement lors de la réalisation d'audits et d'inspections, élaborer des propositions harmonisées de solutions communes et promouvoir la sensibilisation aux droits de protection des données 
			(52) 
			<a href='https://edps.europa.eu/data-protection/european-it-systems/schengen-information-system_fr'>Système
d'information Schengen, Contrôleur européen de la protection des
données (europa.eu)</a>. Le groupe de coordination de contrôle du SIS II a été
mis en place en application de l'article 46 du Règlement SIS II
et de l'article 62 de la décision SIS II.. Quant au Parlement européen, bien qu'il n'ait aucune place spécifique dans le cadre juridique du SIS II, il joue un rôle actif dans le contrôle de l'application de l'acquis de Schengen. Son Groupe de travail sur le contrôle de Schengen (établi au sein de la commission LIBE) assure la liaison avec la Commission européenne et le Conseil aux étapes pertinentes du processus d'évaluation et de contrôle.
38. Selon la base de données eu-LISA, en 2020, les États membres ont effectué en moyenne plus de 10 millions de recherches par jour dans le SIS II, contre 18 millions par jour en 2019 
			(53) 
			Eu-LISA, SIS II – Statistiques
annuelles, Fiche d’information. Mars 2021.. Cette diminution résulte peut-être de la baisse du trafic transfrontalier pendant la pandémie de covid-19. Sur l’ensemble de l’année 2020, le SIS II a été consulté plus de 3 700 000 000 de fois par l’ensemble des États membres (soit une baisse de 44 % par rapport à 2019) 
			(54) 
			Ibid.. Au 31 décembre 2020, le SIS II comptait 93,4 millions de signalements, dont 1 % concernaient des personnes (964 720). L’Italie, la France, l’Allemagne et l’Espagne ont introduit le plus grand nombre de signalements de personnes. Sur 964 720 signalements de personnes, 519 530 concernaient des ressortissants de pays tiers qui s’étaient vu refuser l’entrée ou l’autorisation de séjour au sein de l’espace Schengen (article 24 du Règlement SIS II) 
			(55) 
			Eu-LISA,
SIS II – 2020 Statistiques, Mars 2021, p. 10, 12 -13.. Ces signalements ont déclenché 47 583 réponses positives 
			(56) 
			Ibid., p. 14..

4.2.5. La pratique par les États membres de l’espace Schengen du recours aux signalements fondés sur l’article 24(1) du Règlement SIS II

39. Afin de réunir des informations sur la pratique par les États membres de l’espace Schengen du recours au signalement fondé sur l’article 24(1) du Règlement SIS II, j’ai adressé, par l’intermédiaire du CERDP, un questionnaire aux délégations nationales. Les 19 réponses reçues sont résumées de façon plus précise en annexe au présent rapport. Il ressort que les décisions d’introduction d’un signalement dans le SIS II en raison d’une menace supposée à l’ordre public, à la sûreté publique ou à la sécurité nationale sont généralement prises par la police, les autorités chargées des contrôles aux frontières ou les services administratifs. La personne qui fait l’objet d’un signalement a généralement accès à un recours auprès de l’autorité qui a émis le signalement et/ou devant une juridiction. Certaines délégations ont également communiqué des informations sur la possibilité de demander à l’organisme chargé de la protection des données l’accès aux données relatives aux signalements et la rectification des données conservées.

4.2.6. Domaines du détournement possible du SIS II

40. Comme l’a indiqué Mme Evelien R. Brouwer lors de l’audition du 14 septembre 2021, le détournement possible des signalements dans le système d’information Schengen peut être lié à cinq questions: 1) le respect des obligations de l’État d’émission lorsqu'il signale dans le SIS son refus d’accueillir un ressortissant d'un pays tiers, 2) la garantie de la transparence et d'un système de contrôle efficace en ce qui concerne l'interopérabilité des systèmes d'information à grande échelle, y compris le SIS II; 3) la garantie que le SIS n'est utilisé par aucun État membre comme une sanction politique cachée contre un pays tiers sur des questions sans rapport avec la sécurité de l'espace Schengen; 4) le respect des obligations de l'État d'exécution lorsqu'il se prononce sur un signalement SIS et 5) l’existence du droit à un recours effectif.
41. S’agissant des obligations de l’État d’émission, le principal problème peut concerner la possibilité d’introduire un signalement fondé sur une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sécurité nationale, notamment dans une situation où il existe des «raisons sérieuses de croire [qu’un ressortissant d’un pays tiers] a commis un fait punissable grave» ou s’il «existe des indices réels qu’il envisage de commettre un tel fait sur le territoire d’un État membre» (article 24(2) du Règlement SIS II). Les autorités nationales disposent donc d’une importante marge d’appréciation. Toutefois, leur pouvoir discrétionnaire est soumis à deux conditions importantes: premièrement, avant d’introduire un signalement SIS, l’État membre doit vérifier si le cas est «suffisamment approprié, pertinent et important» (principe de proportionnalité) et, deuxièmement, le signalement doit faire l’objet d’une évaluation individuelle (articles 21 et 24(1) du Règlement SIS II) 
			(57) 
			La Cour de justice
de l'Union européenne, lorsqu'elle examine une mesure de restriction
prise à l'égard de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier
sur le fondement d'une «menace pour l'ordre public» dans le cadre
de la Directive retour, a souligné que les États sont tenus de se
conformer à ces deux exigences et de respecter les libertés fondamentales;
voir Z. Zh. c. Staatssecretaris voor
Veiligheid en Justicie et Staatssecretaris
voor Veiligheid en Justicie c. I. O., Affaire C-554/13,
arrêt du 11 juin 2015, paragraphe 50.. En outre, l’État d’émission doit informer les ressortissants de pays tiers de leur signalement dans le SIS et, bien que ce droit d’information puisse être restreint sous certaines conditions (voir plus haut l’article 42 du Règlement SIS II), la Cour européenne des droits de l’homme 
			(58) 
			Voir, par exemple, Al-Nashif v.
Bulgarie, requête n° 50963/99, arrêt du 20 juin 2002,
paragraphe 123 (sur l'utilisation et l'accès à des informations
confidentielles dans les affaires de migration) ou Klass et autres c. Allemagne, requête
n° 5029/71, arrêt du 6 septembre 1978 (sur la surveillance et l'utilisation
des données à caractère personnel), paragraphe 42. et la Cour de justice de l’Union européenne 
			(59) 
			Voir, par exemple, ZZ c. Secretary of State for the Home Department, affaire
C-300/11, arrêt (Grande Chambre) du 4 juin 2013, paragraphe 51 (sur
l'utilisation et l'accès à des informations confidentielles dans
les affaires de migration) et Digital
Rights Ireland Ltd. c. Minister
for Communications, Marine and Natural Resources etc.,
affaire C-293/12 (jointe à l'affaire C-594/12), arrêt (Grande Chambre)
du 8 avril 2014 (sur l'utilisation des données à caractère personnel), paragraphe
52. ont toutes deux estimé que ces restrictions devaient être interprétées de manière très étroite.
42. En ce qui concerne la capacité d'interopérabilité des systèmes d'information à grande échelle, il est à craindre qu'en dépit des garanties juridiques et administratives prévues par la législation communautaire en la matière pour restreindre l'accès à ces systèmes et en limiter l'utilisation, les informations introduites dans un système par une autorité dans un but précis puissent être utilisées par une autre autorité dans un autre système à des fins différentes qui ne sont pas explicitement prévues par les règlements applicables de l’Union européenne. L'exemple typique est l'utilisation abusive d'un signalement introduit dans le SIS II pour refuser un permis de séjour alors que ce signalement est accessible via l'ECRIS-TCN.
43. L'utilisation abusive des alertes comme levier politique contre des pays tiers pose un autre problème. Bien que les États aient le droit, en vertu du droit international, de déterminer les conditions dans lesquelles les non-nationaux sont admis sur leur territoire, les restrictions conçues et imposées dans le seul but d'infliger un préjudice à un pays tiers, déguisé en menace pour la sécurité nationale provenant d'un individu qui est un ressortissant de ce pays tiers, ne devraient pas être autorisées. Si elle n'est pas examinée de près par l'Union européenne, cette pratique présumée risque de saper considérablement la légitimité du SIS II et d'autres systèmes d'information à grande échelle.
44. Pour ce qui est des obligations de l’État d’exécution d’un signalement, lorsque ses services d’immigration et des frontières se prononcent sur un signalement SIS, ils doivent veiller à ne pas refuser à une personne l’entrée sur le territoire, un visa de courte durée et, ultérieurement, une autorisation de voyage pour des motifs illégaux, conformément aux dispositions respectives du Code frontières Schengen, du code des visas 
			(60) 
			Règlement
810/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009
établissant un code communautaire des visas (code des visas). et du Règlement 2018/1240 portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) 
			(61) 
			Règlement (UE) 2018/1240
du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant
création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant
les voyages (ETIAS) et modifiant les Règlements (UE) n° 1077/2011,
(UE) n° 515/2014, (UE) 2016/399, (UE) 2016/1624 et (UE) 2017/2226.. Ils ont donc l’obligation de respecter les droits fondamentaux de l’intéressé (en particulier la liberté de circulation des membres de la famille des citoyens de l’Union européenne, le droit au respect de la vie familiale, la liberté d’expression et la liberté de religion, de conscience ou de conviction et le principe de non-refoulement) avant de le/la reconduire à la frontière. Il leur incombe également de recourir au réseau SIRENE, qui devrait être utilisé plus souvent pour échanger les informations nécessaires avant de refuser l’entrée sur le territoire ou un visa de courte durée à un ressortissant d’un pays tiers. La Cour de Justice de l’Union européenne a mis en avant cette obligation dans son arrêt de Grande Chambre rendu dans l’affaire Commission c. Espagne de 2006 
			(62) 
			Commission c. Espagne, affaire C-503/03,
arrêt du 31 janvier 2006,paragraphes 55-59.. Cette affaire concernait le refus par l’Espagne d’un visa et d’une entrée sur le territoire à des ressortissantes de pays tiers mariées à des ressortissants d’États membres de l’Union européenne au seul motif d’un signalement SIS introduit par l’Allemagne. La Cour de Justice a souligné que les autorités espagnoles auraient dû vérifier si les intéressées présentaient «une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société» et qu’elles avaient par conséquent manqué à leurs obligations nées de la Directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales applicables aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique 
			(63) 
			Ibid.,
paragraphes 55 et 59. La CJUE a également souligné que l'État d'émission
du signalement (l'Allemagne) aurait dû mettre à la disposition de
l'État qui consulte des informations supplémentaires «lui permettant
d'apprécier […] l'importance de la menace que la personne signalée
est susceptible de représenter»; paragraphe 56..
45. S’agissant de l’accès à un recours effectif consacré par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, il s’agit d’une question cruciale pour garantir le respect des droits fondamentaux dans le cadre de l’utilisation des signalements SIS 
			(64) 
			Plus précisément, pour
la protection des données à caractère personnel, voir l'article
79 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil
du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques
à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la
libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement
général sur la protection des données): «[…] chaque personne concernée
a droit à un recours juridictionnel effectif si elle considère que
les droits que lui confère le présent règlement ont été violés du
fait d'un traitement de ses données à caractère personnel effectué
en violation du présent règlement».. Ce recours doit être disponible non seulement contre l’État d’exécution d’un signalement SIS, mais également contre l’État qui l’a introduit dans le SIS. La disposition précitée de l’article 43(1) du Règlement SIS II, qui autorise les ressortissants de pays tiers à intenter une action devant les juridictions ou les autorités nationales de «tout État membre» à propos de l’utilisation des signalements SIS, offre une importante protection contre les abus. Mais dans la pratique, la mise en œuvre du droit à un recours effectif semble entravée de deux manières. Premièrement, les ressortissants de pays tiers ne sont souvent pas informés du fait qu’ils font l’objet d’un signalement SIS et le découvrent uniquement lorsqu’ils arrivent aux frontières extérieures de l’Union européenne ou font une demande de visa. Même s’ils ont constaté l’existence d’un signalement SIS, l’exercice de leur droit à un recours effectif dépend souvent de la bonne volonté des services d’immigration et des frontières, qui ne les informent pas toujours correctement de leurs droits. Deuxièmement, les juridictions nationales peuvent se montrer réticentes à ordonner aux autorités d’autres États membres de supprimer ou de rectifier les informations qui figurent dans le SIS II et, quand bien même elles le feraient, elles n’ont pas nécessairement le pouvoir d’assurer le suivi de ces ordonnances. En pareil cas, l’incapacité à remédier effectivement à des informations illégales inexactes présentes dans le SIS II peut virer au cauchemar bureaucratique, surtout pour les personnes qui se heurtent à plusieurs reprises à des interdictions d’entrée sur le territoire 
			(65) 
			Comme
l'illustre un rapport de 2010 du médiateur néerlandais, Nationale Ombudsman:<a href='about:blank'>https://www.nationaleombudsman.nl/uploads/rapport2010-115_1.pdf.</a>.
46. Il convient de souligner que le bon fonctionnement du SIS, qui vise à maintenir un niveau élevé de sécurité au sein de l’espace Schengen (en particulier pour assurer la protection contre les menaces terroristes et les menaces pour la sécurité nationale), dépend de la confiance mutuelle des autorités nationales des États membres de l’espace Schengen. Les autorités nationales doivent être en mesure d’avoir confiance dans le fait que les données transmises au SIS sont exactes et consignées conformément à la législation nationale, y compris en matière de protection des droits et libertés fondamentaux.

4.2.7. Les conséquences pour les droits de l’homme du détournement des signalements fondés sur l’article 24(1) du Règlement SIS II

47. Comme l’a souligné Mme Nuala Mole lors de l’audition du 14 septembre 2021, certaines dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme pourraient être applicables dans les affaires de signalements introduits sans fondement dans le SIS. Bien que la Cour européenne des droits de l’homme n’ait pas encore constaté de violation de la Convention dans une affaire de ce type, elle a déjà examiné une affaire d’inscription sur une liste noire sur la base des sanctions antiterroristes du Conseil de sécurité des Nations Unies: dans l’arrêt Nada c. Suisse 
			(66) 
			Requête
n° 10593/08, arrêt du 12 septembre 2012 (Grande Chambre). Le requérant,
un ressortissant italo-égyptien vivant en Suisse, avait été inscrit
par les autorités suisses sur la liste figurant en annexe de «l'ordonnance
fédérale sur les talibans» et se trouvait dans l'impossibilité de
quitter son enclave. Bien que les autorités suisses jouissent d'une
certaine marge d'appréciation dans l'application des sanctions des
Nations Unies, le fait qu'elles n'aient pas informé les autorités italiennes
et le Comité des sanctions de l’ONU et n'aient pas adapté l'effet
de la sanction à la situation individuelle du requérant à l'égard
duquel il n'existait aucun soupçon raisonnable constituait une violation
de l'article 8 de la Convention. Le requérant ne disposait d'aucun
recours pour contester la mesure (violation de l'article 13)., qui concernait l’impossibilité pour le requérant d’obtenir la suppression de son nom d’une liste noire et la restriction conséquente de sa liberté de circulation, elle a conclu aux violations des articles 8 et 13 de la Convention.
48. L’article 8 de la Convention est également applicable à la collecte et à la conservation des données 
			(67) 
			Voir, en particulier, S. et Marper c. Royaume-Uni, requêtes
n° 30562/04 et 30566/04, arrêt du 4 décembre 2008 (Grande Chambre), Khelili c. Suisse, requête n° 16188/07,
arrêt du 18 octobre 2011, et Aycaguer
c. France, requête n° 8806/12, arrêt du 22 juin 2017. et l’insertion des données relatives à une personne dans le SIS II pourrait, en principe, enfreindre cette disposition, si elle n’est pas «prévue par la loi» (y compris le droit de l’Union européenne lorsqu’il est applicable 
			(68) 
			Voir,
par exemple, Big Brother Watch et autres
c. Royaume-Uni, requête n° 58170/13, 62322/14 et 24960/15,
arrêt du 25 mai 2021 (Grande Chambre), paragraphes 518-519.), ne poursuit pas un «but légitime» et/ou n’est pas proportionnée à ce but. Le même raisonnement s’appliquerait si une personne estimait que son inscription sur une liste noire constitue une atteinte à sa réputation 
			(69) 
			Voir,
par exemple, Delfi A.S. c. Estonie, requête
n° 64569/09, arrêt du 16 juin 2015 (Grande Chambre), paragraphe 137..
49. En outre, le droit à la liberté d’expression (article 10 de la Convention) pourrait éventuellement être invoqué dans ces affaires. La Cour a déjà examiné des affaires qui portaient sur des violations de l'article 10 de la Convention à l’occasion de l’interdiction de l’entrée sur le territoire d'un État partie à la Convention à des ressortissants étrangers, bien que ces affaires ne concernent pas des signalements dans le SIS. Dans l'affaire Piermont c. France, qui concernait la mesure d'expulsion de Polynésie française et d'interdiction d'entrer en Nouvelle-Calédonie prise à l'encontre d'une ressortissante allemande, membre du Parlement européen, qui avait tenu des propos critiques à l’égard de la politique française, elle a conclu que les mesures litigieuses n'étaient pas proportionnées aux buts de «défense de l’ordre» et de «maintien de l'intégrité territoriale» (violation de l'article 10 de la Convention) 
			(70) 
			Requêtes n° 15773/89
et 15774/89, arrêt du 27 avril 1995, paragraphes 77 et 85. Il est
intéressant de noter que, dans cette affaire, la Cour a estimé que
l'article 16 de la Convention, qui permet aux États parties à la
Convention d'imposer des restrictions à l'activité politique des
étrangers, n'autorisait pas la France à restreindre l'exercice par
la requérante de son droit à la liberté d'expression en raison du
fait que Mme Piermont était titulaire
de la nationalité d'un État membre de l'Union européenne et de sa
qualité de membre du Parlement européen; ibid., paragraphe 64.. De même, dans l'affaire Cox c. Turquie, la Cour a estimé qu'une interdiction permanente de nouvelle entrée sur le territoire de la requérante en raison des opinions qu'elle avait exprimées sur les questions kurdes et arméniennes n'était pas justifiée de manière suffisante et pertinente par des raisons de sécurité nationale et autres et qu’elle n'était donc pas «nécessaire dans une société démocratique» 
			(71) 
			Requête n° 2933/03,
arrêt du 20 août 2010, paragraphes 43 et 44. La requérante était
une ressortissante des États-Unis d'Amérique..

5. Conclusion

50. Comme nous l’avons vu, les autorités compétentes des États membres du Conseil de l’Europe qui font partie de l’espace Schengen disposent d’une grande marge de manœuvre pour décider s’il y a lieu d’introduire des signalements dans le SIS II et dans quelles circonstances le faire. Sans remettre en cause la sécurité nationale qui pourrait entrer en jeu, il convient de souligner qu’un seul État ou un groupe d’États appartenant à l’espace Schengen peut de fait décider de refuser aux ressortissants de pays tiers l’accès à son territoire et que le SIS ne prévoit pas de normes communes pour introduire des signalements, ni pour interpréter ou communiquer des informations. Par conséquent, des informations de nature similaire peuvent faire l’objet d’une évaluation différente en fonction de la politique de sécurité de l’État concerné.
51. Vu ce qui précède, il est encore plus important que les États participant au SIS II respectent les droits de l’homme, tels que les consacre la Convention européenne des droits de l’homme. Une éventuelle utilisation du système de Schengen, y compris du SIS II, sous forme d’instrument de sanction à connotation politique peut susciter des inquiétudes pour toute une série de droits consacrés par la Convention, dont le droit à la liberté d’expression (article 10), le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8), le droit à la liberté de circulation (article 2 du Protocole n° 4) et le droit à un recours effectif (article 13), y compris l’accès sans entrave à une justice équitable (article 6). Le SIS ne devrait en aucun cas faire l’objet d’un détournement pour refuser aux ressortissants des États membres du Conseil de l’Europe qui ne font pas partie de l’Union européenne et aux autres ressortissants de pays tiers l’accès à l’espace Schengen pour des motifs qui contreviennent aux obligations nées de la Convention. Étant donné que tous ces droits sont garantis par des conventions internationales, il est inacceptable d'empêcher ou de tenter d'empêcher l’exercice de ces droits en raison de l'abus du système pour des motifs politiques. Les États membres de l’espace Schengen devraient être attentifs à ces risques, comme l’exigent les accords auxquels ils sont parties.
52. À cet égard, la question des rapports entre les cadres juridiques du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne mérite un examen attentif. Le SIS II est un élément intégral du cadre juridique de l’Union européenne et l’Union européenne n’a pas encore adhéré à la Convention européenne des droits de l’homme. De plus, il existe plusieurs obstacles nés de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (les «critères de Bosphorus» 
			(72) 
			Cour européenne des
droits de l’homme, Bosphorus Hava Yollari
Turizm Ve Ticaret Anonim Şirketi c. Irlande, requête
n° 45036/98, arrêt du 30 juin 2005 (Grande Chambre). En l'espèce,
la Cour a déclaré qu'une mesure prise par l’État en exécution d’obligations
juridiques nées d'un traité international se justifie dès lors que
l'organisation en question à laquelle l'État a transféré une partie
de sa souveraineté est réputée accorder aux droits fondamentaux
«[...] une protection à tout le moins équivalente à celle assurée
par la Convention [...]» (paragraphe 155). Si l'on considère que
l’organisation accorde cette «protection équivalente», on peut présumer
qu'un État «[...] ne s'est pas écart[é] des obligations qui lui incombaient
au titre de la Convention lorsqu'[il] a mis en œuvre celles qui
résultaient de son appartenance à [l'organisation]»; toutefois,
cette présomption peut être renversée si, dans les circonstances
d'une affaire donnée, la protection des droits de la Convention
est «entachée d'une insuffisance manifeste» (paragraphe 166). La
notion de «protection équivalente» accordée par le droit de l'Union
européenne semble désormais rarement utilisée par la Cour, comme
l'illustre l'arrêt récemment rendu dans l'affaire Bivolaru et Moldovan c. France, requête
n° 40324/16 et 12623/17, arrêt du 25 mars 2021, au sujet du mandat
d'arrêt européen.), ainsi que de l’acquis de l’Union européenne (par exemple, les critères dits de Plaumann 
			(73) 
			CJUE, Plaumann & Co. c. Commission de la Communauté
économique européenne, affaire 25-62, arrêt du 15 juillet 1963.
Dans cette affaire, la CJUE a jugé que la société requérante n'avait
pas qualité pour agir en vue d'un contrôle juridictionnel de la
décision de la Commission, car elle n'était pas «concernée individuellement».
La CJUE a ensuite précisé les conditions dans lesquelles les personnes
physiques et morales pouvaient introduire un recours en annulation contre
les institutions européennes: «les sujets autres que les destinataires
d'une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement
que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités
qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise
par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise
d'une manière analogue à celle du destinataire».) à la contestation des décisions prises dans le cadre du droit de l’Union européenne. Tout cela fait naître des inquiétudes légitimes à propos de la possibilité de contester d’éventuels cas de détournement du système de Schengen, surtout par des ressortissants de pays non-membres de l’Union européenne, devant la Cour européenne des droits de l’homme. Dans ces affaires, il importe que la Cour européenne des droits de l’homme s’interroge sur les motifs d’un signalement SIS et vérifie s’il n’était pas arbitraire et s’il était proportionné et poursuivait un but légitime. Tout en respectant le motif de sécurité nationale invoqué par les autorités, la Cour devrait vérifier attentivement que les raisons invoquées concernent véritablement la sécurité nationale.
53. Au vu de ces éléments, plusieurs recommandations concrètes peuvent être formulées en vue de prévenir le détournement du SIS et d’améliorer la protection des droits fondamentaux des ressortissants des pays tiers qui font l’objet de signalements introduits dans le SIS. Quant aux États membres d’émission des signalements, il importe qu’ils respectent le principe de proportionnalité et procèdent à une évaluation individuelle, malgré la marge d’appréciation étendue dont ils disposent en vertu de l’article 24(2) du Règlement SIS II. Il convient qu’ils ne restreignent pas le droit des intéressés à être informés de l’introduction d’un signalement et respectent leurs droits en matière de protection des données.
54. S’agissant des États membres d’exécution des signalements, ils ont l’obligation de tenir compte des autres dispositions pertinentes du droit de l’Union européenne relatives à la liberté de circulation des personnes au sein de l’Union européenne. Ils devraient également recourir activement au réseau SIRENE, afin de vérifier les informations nécessaires avant de refuser une entrée sur le territoire ou un visa de courte durée à un ressortissant de pays tiers. Ils devraient également s'abstenir d'utiliser abusivement le SIS II à l'encontre d'un pays tiers pour faire avancer leur programme politique en introduisant des signalements injustifiés de ressortissants de ce pays tiers. Des systèmes de contrôle et de vérification adéquats ainsi que des mécanismes de notification devraient être mis en place pour empêcher les États membres de prendre de telles mesures à des fins politiques.
55. Les règlements de l'Union européenne sur l'interopérabilité ajoutent une énorme complexité aux pratiques et aux lois des systèmes de données existants, ce qui rend le règlement général sur la protection des données et la directive sur la protection des données insuffisants pour établir un cadre juridique suffisamment transparent. En particulier, l'utilisation de bases de données à grande échelle et les effets de l'interopérabilité, principalement en ce qui concerne les citoyens de pays tiers, font qu'il est extrêmement difficile pour la personne concernée de comprendre non seulement quelle législation particulière s'applique, mais aussi à quel État membre ou à quelle institution elle doit s'adresser pour exercer ses droits d'accès, de rectification ou de suppression des données, et bénéficier de son droit à une protection judiciaire effective. L'utilisation d'un ensemble de données dûment enregistrées dans l'un des systèmes d'information à une fin spécifique par un autre système d'information est une préoccupation particulière. Pour relever ces défis, l'interopérabilité des systèmes d'information doit être rendue plus transparente et des règles et des restrictions claires devraient être fixées concernant l'autorité de contrôle et la finalité de l'utilisation et du traitement des données enregistrées.
56. Il va sans dire que les États membres de l’espace Schengen devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer le respect des droits de l’homme des ressortissants de pays tiers qui font l’objet de signalements, et en particulier de leur droit à un recours effectif. Afin de rendre ce droit pleinement opérationnel, les décisions de refus de l’entrée sur le territoire, d’un visa ou d’une autorisation de voyage fondées sur un signalement SIS devraient indiquer l’État membre d’émission du signalement SIS, les motifs précis de refus d’entrée sur le territoire et, dans la mesure du possible, les raisons essentielles du signalement SIS 
			(74) 
			À ce propos, on pourrait
tirer des enseignements d'un récent arrêt de la CJUE rendu dans
deux affaires dans lesquelles les autorités néerlandaises chargées
des visas avaient refusé des visas de courte durée à des ressortissants de
pays tiers à la suite des objections d'autres États membres; CJEU, R.N.N.S. et K.A.
c. Minister van Buitenslandse Zaken, affaires C-225/19
et C-226/19, arrêt (Grande Chambre) du 20 novembre 2020, paragraphes
43-56.. En outre, les requérants devraient être informés des recours dont ils disposent contre les signalements SIS, y compris de ceux qui concernent la protection de leurs données. Leurs droits de la défense et leur droit à une protection juridictionnelle effective devraient être garantis. Par ailleurs, il convient d’améliorer la coopération entre les autorités nationales compétentes qui examinent les cas individuels de signalements (juridictions, autorités de contrôle de la protection des données et autres organes compétents).
57. L'Union européenne et les États membres de l'espace Schengen devraient également recueillir davantage d’informations sur les pratiques nationales actuelles de l'utilisation du SIS II et de son impact sur les droits de l'homme. L'Union européenne pourrait en particulier mener des enquêtes supplémentaires auprès des États membres de l'Union européenne et d'autres parties prenantes, notamment le Médiateur européen, l'Agence des droits fondamentaux (FRA), eu-LISA et le Contrôleur européen de la protection des données. Ces enquêtes pourraient servir à définir les motifs spécifiques des signalements SIS qui visent les ressortissants de pays tiers, les périodes de conservation des données pour les signalements (y compris la possibilité de prolonger ces périodes), le nombre annuel de résultats positifs fondés sur les signalements SIS et le nombre de refus réels d'entrée ou de visa basés sur les signalements. Elles pourraient également se pencher sur l'utilisation du réseau SIRENE et examiner à quelle fréquence et dans quelles circonstances les autorités nationales y ont recours.
58. Les réponses reçues au questionnaire que j'avais envoyé par l'intermédiaire du CERDP montrent que d'autres enquêtes de ce type doivent être menées pour obtenir davantage d'informations sur les points qui y sont soulevés. Plusieurs autres questions pourraient être abordées dans le cadre de recherches supplémentaires: est-il possible d'intenter une action contre un État membre de l'Union européenne qui n’est pas l’auteur de l’introduction du signalement dans le SIS (y compris l'État membre d’exécution du signalement)? Combien de fois les juridictions et autorités nationales chargées de la protection des données ont-elles utilisé la possibilité d'ordonner à un autre État membre de rectifier ou de supprimer des données dans le SIS? L'État d'émission a-t-il donné suite à ces injonctions? Ce surcroît d’information pourrait ensuite servir à élaborer de nouvelles lignes directrices à l'intention des autorités nationales sur la manière d'utiliser le SIS conformément à ses dispositions et à ses objectifs, tout en empêchant son détournement et en respectant les droits fondamentaux des intéressés. Compte tenu de ces éléments, l'Union européenne pourrait adopter des lignes directrices sur une norme commune minimale de procédure de signalement, applicable aux ressortissants de pays tiers. Ces lignes directrices pourraient comporter les critères de signalement dans le SIS II (par exemple, en établissant une liste spécifique de crimes ou délits graves, et notamment un seuil clairement défini de «gravité» de l'infraction pour laquelle les personnes peuvent faire l'objet d'un signalement, ou une définition plus précise de la «menace pour l'ordre et la sécurité publics» 
			(75) 
			Pour de plus amples
informations sur ces propositions, voir P. Boels, E. Brouwer e.a., Public Policy Restriction in EU Free Movement
and Migration Law, General Principles and Guidelines, publication
du Meijers Committee, Amsterdam 2021.).
59. Une autre proposition consiste à mettre en place une sorte d'organe de médiation et/ou d’intervention (c'est-à-dire un médiateur), qui aurait pour tâche principale d'examiner si les normes en matière de droits de l'homme sont appliquées et respectées par les autorités nationales lorsqu'elles introduisent un signalement dans le système ou refusent l'entrée aux ressortissants de pays tiers. Ce médiateur ou cet ombudsman ne doit pas nécessairement être habilité à rendre des décisions juridiquement contraignantes, mais il pourrait exercer un rôle de modération sur les autorités compétentes, afin de dissuader tout détournement du système. À défaut, les compétences dans ce domaine pourraient être attribuées au Médiateur européen, à la FRA ou au CEPD, à condition qu'ils disposent de ressources suffisantes pour ce faire. L'officier aux droits fondamentaux de Frontex (l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes), expert indépendant qui contrôle et promeut les droits fondamentaux au sein de Frontex et traite les plaintes, pourrait être une source d'inspiration en la matière 
			(76) 
			Mis
en place par le <a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ%3AL%3A2016%3A251%3ATOC'>Règlement
2016/1624</a> relatif au corps européen de garde-frontières et de
garde-côtes.. De même, ce type d'organe pourrait être mis en place au niveau national. Au cours de ma visite d'information à Bruxelles, j'ai appris que la Commission européenne, DG JUST, élabore en ce moment des lignes directrices sur les demandes d'extradition motivées par des raisons politiques et qu'elle proposera la création de correspondants nationaux pour examiner ces cas. Je pense que des correspondants similaires pourraient également être créés pour examiner les cas de détournement des signalements SIS II.
60. En outre, le Mécanisme d’évaluation de Schengen pourrait être mieux utilisé pour examiner les éventuelles défaillances du fonctionnement du SIS II et formuler des recommandations adéquates pour son amélioration. Il serait également bon d'associer le Parlement européen à ce processus.
61. Pour ce qui est du rôle joué par le Conseil de l’Europe en la matière, la Commissaire aux droits de l’homme et la Représentante spéciale de la Secrétaire Générale sur les migrations et les réfugiés pourraient assurer un suivi des conséquences pour les droits de l’homme du détournement des signalements SIS II et adresser les recommandations qui s’imposent aux États membres du Conseil de l’Europe, notamment à ceux de l’espace Schengen. Cela dépendra également en grande partie de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui n’a pas encore statué sur le fond dans les affaires de personnes auxquelles l’entrée dans l’espace Schengen a été refusée à la suite de signalements SIS, mais qui pourrait être saisie de requêtes similaires à l’avenir.
62. En conclusion, le fait de prévenir le détournement du Système d’information Schengen est non seulement essentiel pour protéger les droits fondamentaux et la libre circulation des personnes, mais également pour assurer la confiance entre les autorités nationales et leur permettre de se fier à l’exactitude et à la légalité des informations qui figurent dans le SIS. Cette démarche s’avère d’autant plus urgente au vu de l’évolution récente de l’utilisation intensive au sein de l'Union européenne des technologies employées aux frontières, comme la biométrie et les algorithmes, et du système d'interopérabilité qui relie le SIS à d'autres bases de données à grande échelle. Les personnes innocentes ne doivent pas être victimes d'une utilisation erronée ou abusive des bases de données de l'Union européenne ou de toute décision automatisée prise sur ce fondement.

Annexe – Résumé des réponses fournies par les États membres à un questionnaire sur les législations et pratiques des États membres relatives au système d’information Schengen

(open)

1. Introduction

1. En réponse au questionnaire envoyé par l’intermédiaire du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP), 19 délégations nationales d’États membres du Conseil de l’Europe ont fourni des informations relatives à leur droit interne et à leur pratique. Les pays suivants ont répondu au questionnaire: Autriche, Belgique, Bulgarie, la République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Lettonie, Lituanie, Pologne, Portugal, Roumanie, République slovaque, Slovénie, Espagne et Suisse. Deux États – la Croatie et la Norvège – ont indiqué qu’ils avaient décidé de ne pas répondre au questionnaire 
			(77) 
			La Bulgarie, la Croatie
et la Roumanie feront bientôt partie de l'espace Schengen.. L’Irlande, qui n’appartient pas à l’espace Schengen, a indiqué que son ministère de la Justice et de l’Égalité et l’An Garda Siochána (la police nationale) travaillaient en vue d’adhérer au système d’information Schengen (SIS II). Le Royaume-Uni, qui n’est pas non plus membre de l’espace Schengen, a indiqué que sa participation au SIS II se limitait aux aspects liés à la coopération policière et judiciaire.

2. À combien de personnes (et originaires de quels États membres du Conseil de l’Europe) avez-vous refusé l’entrée sur votre territoire en raison d’un signalement dans le SIS II fondé sur l’allégation d’une «menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sûreté de l'État»?

1. La plupart des États membres n’ont pas fourni de statistiques en réponse à cette question, certains d’entre eux indiquant expressément qu’ils n’étaient pas en mesure de le faire. L’Autriche a indiqué que ses autorités avaient une approche différente de la collecte de données et que certaines d’entre elles étaient accessibles au public. La Bulgarie et la Grèce ont renvoyé au site Internet de l’eu-LISA. Néanmoins, les États suivants ont fourni des statistiques: la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, le Portugal et la République slovaque 
			(78) 
			La France a fourni
des statistiques sur les demandes et l’octroi de visas..
2. En République tchèque, environ 500 interventions ont été effectuées en 2019 sur la base de signalements dans le SIS conformément à l’article 24 du Règlement SIS II (lorsqu’une décision a été prise de refuser l’entrée d’un ressortissant de pays tiers en République tchèque ou de procéder à son expulsion après une arrestation sur le territoire tchèque). Ces statistiques n’établissent pas de distinction entre les nationalités des ressortissants de pays tiers concernés. En Estonie, en 2020 (au 5 août 2020), huit décisions ont été prises afin d’empêcher une personne d’entrer sur le territoire, sur la base d’un signalement dans le SIS II fondé sur l’allégation d’une «menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sûreté de l'État».
3. En Lettonie, entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2020, une personne (en 2018) s’est vu refuser l’entrée à la frontière parce qu’elle représentait une «menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales d’un ou plusieurs États membres de l’Union européenne». En Lituanie, près de 950 personnes (dont la majorité provenait du Bélarus, d’Ukraine et de Fédération de Russie), se sont vu refuser l’entrée sur le territoire parce qu’elles étaient considérées comme une menace pour l’ordre public par un État membre de l’Union européenne ou pour la sécurité intérieure et étaient visées par un signalement SIS II (chiffre global, puisqu’aucune période n’a été indiquée). En Pologne, en 2019 et au premier semestre 2020, respectivement 2 109 et 684 décisions de refus d’entrée sur le territoire ont été prises en raison de signalements SIS II (la très grande majorité des signalements concernaient des ressortissants ukrainiens et, dans une moindre mesure, géorgiens et moldaves). En 2019, 116 personnes se sont vu refuser l’entrée au Portugal en raison d’un signalement SIS II (dont 23 provenant d’États membres du Conseil de l’Europe – la République de Moldova, la Türkiye, l’Albanie, la Géorgie, l’Ukraine et la Roumanie); toutefois, il est impossible de déterminer si ces refus sont intervenus sur le fondement de menaces pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sûreté de l'État. En République slovaque, le nombre de personnes qui se sont vu refuser l’entrée sur le territoire en raison d’un signalement SIS s’élevait à 957 en 2018, 799 en 2019 et 201 au premier semestre 2020 (visant principalement des citoyens ukrainiens).

3. Sur la base des décisions de quelles instances nationales?

1. Dans certains États membres, ces décisions sont prises par les autorités de police (République tchèque, France, Grèce, République slovaque et Slovénie) ou les autorités chargées des contrôles aux frontières (Lettonie, Lituanie et Pologne). Dans certains pays, ces deux catégories d’autorités prennent part à ce processus décisionnel (Estonie, Finlande et Allemagne). D’autres pays ont indiqué que les décisions sont prises par un organe administratif, tel que le ministère de l’Intérieur (en Roumanie – le ministère de l’Intérieur et de la Réforme administrative), une structure spécialisée au sein d’un tel ministère (en Bulgarie, la Direction «migration» et, en Espagne, la Sous-Direction générale des systèmes d’information et de communication) ou le Service de l’immigration (en Autriche, l’Office fédéral de l’immigration et de l’asile, en Belgique, l’Office des Étrangers et, au Portugal, le Service de l’immigration et des frontières, SEF).
2. Dans certains pays, plusieurs organes participent à la prise de décision (en Finlande, la police, les autorités chargées des contrôles aux frontières et le Service de l’immigration; en Lettonie, les garde-frontières de l’État, le ministère de l’Intérieur et le Service de la citoyenneté et des affaires migratoires et, en Suisse, la police fédérale et le secrétariat d’État aux Migrations – SEM). En Slovénie, un signalement dans le SIS II est introduit sur la base d’une décision d’un organe administratif, de la police ou d’un tribunal compétent.

4. Y a-t-il des critères (recommandations) pour classifier les actes, les actes répréhensibles et les informations accessibles concernant toute personne considérée comme une menace pour la politique nationale, l’ordre public ou la sûreté de l'État?

1. La plupart des États membres ayant répondu ont indiqué que ces critères figuraient dans leur législation interne (Autriche, Bulgarie, la République tchèque, Danemark, Grèce, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, République slovaque et Suisse), dans les directives internes (Slovénie) ou dans les décisions de justice (Portugal). Certains États membres (Estonie, Finlande, Allemagne et Lettonie) ont mentionné l’article 24 du Règlement SIS II, qui est directement applicable.
2. En Belgique, l’interdiction d’entrée fondée sur la sécurité publique ou la sûreté de l'État n’est émise que dans des cas exceptionnels, par exemple pour les crimes les plus graves, tels que l’espionnage ou les activités liées au terrorisme, et uniquement à l’encontre de personnes qui ont déjà séjourné dans ce pays. Elle peut également être émise pour des «raisons migratoires» lorsqu’une décision de retour a été prise.
3. Au Danemark, conformément à la loi relative aux étrangers, les signalements peuvent être effectués dans le SIS II pour des actes constitutifs d’une menace grave pour l’ordre public, mais cette démarche n’a pas été effectuée récemment. Quant au risque pour la sûreté de l'État, il doit s’agir d’un risque sérieux.
4. Selon la loi finlandaise relative aux étrangers (article 146), lors de l’examen d’une interdiction d’entrée, «il est tenu compte des faits sur lesquels la décision se fonde, ainsi que des faits et circonstances qui concernent par ailleurs l’ensemble de l’affaire». Si cette interdiction d’entrée est fondée sur l’activité criminelle d’un étranger, «il est tenu compte de la gravité de l’acte, ainsi que du préjudice, du dommage ou du danger pour la sécurité publique ou la sécurité privée».
5. En Allemagne, selon la jurisprudence du Tribunal constitutionnel fédéral, un signalement de refus d’entrée pour des raisons de menace pour la sécurité publique et l’ordre public ou pour la sûreté de l'État n’est effectué que si la menace liée à la présence du ressortissant étranger présente un certain degré de gravité. Les objectifs poursuivis par un signalement dans le SIS doivent être mis en balance avec les droits fondamentaux de l’intéressé 
			(79) 
			Décision du 24 octobre
2006 – 2 BvR 1908/03..
6. Selon la loi lettone relative à l’immigration (article 61), un ressortissant étranger peut se voir interdire l’entrée sur le territoire national si les institutions étatiques compétentes ont des raisons de croire qu’il participe à des activités d’organisations criminelles ou hostiles à l’État ou qu’il en est membre; qu’il fait peser une menace sur la sécurité nationale ou l’ordre public et la sûreté de l'État ou qu’en entrant en Lettonie, il peut entraver les enquêtes préliminaires ou le travail des services répressifs qui visent à la découverte d’une infraction pénale; ou s’il a commis ou prévoit de commettre un crime grave ou extrêmement grave. En outre, l’entrée peut lui être interdite si les autorités étrangères compétentes ont communiqué des informations qui interdisent au ressortissant étranger d’entrer et de séjourner en Lettonie ou si son entrée et son séjour dans le pays ne sont pas souhaitables pour d’autres raisons, sur la base d’un avis émis par les institutions étatiques compétentes. Une interdiction d’entrée est également émise si l’étranger a commis un crime contre l’humanité, un crime réprimé par le droit international ou un crime de guerre ou a participé à une répression de grande envergure, si cette dernière a été établie par une décision de justice, ou s’il a été condamné pour une infraction pénale commise en Lettonie, passible d’une peine de privation de liberté d’au moins un an.
7. En Pologne, en vertu de la loi du 12 décembre 2013 relative aux étrangers, une personne étrangère peut se voir refuser l’entrée si son séjour s’avère «indésirable»; elle est alors inscrite dans un registre spécial sur la base d’une décision du responsable de l’Office des étrangers. Cette mesure peut être motivée par «une menace pour la défense nationale ou la sûreté de l'État, la protection de la sécurité publique et de l’ordre public ou un risque d’atteinte aux intérêts de la Pologne», en cas de condamnation pour certaines infractions, de décision de renvoi et/ou en cas d’émission d’une interdiction d’entrée sur le territoire polonais ou dans le cadre des obligations nées d’accords internationaux. Selon les garde-frontières polonais, il n’existe pas de liste énumérative des conditions permettant de contraindre un étranger au retour pour des raisons de «défense nationale ou de sûreté de l'État, de protection de la sécurité publique et de l’ordre public ou de risque d’atteinte aux intérêts de la Pologne», et chaque cas est évalué individuellement par un fonctionnaire des garde-frontières ou d’autres organismes nationaux (tels que l’Agence de sécurité intérieure ou les services de renseignement) chargés d’identifier, de prévenir et de combattre les menaces à la sécurité intérieure de l’État (qui peuvent demander aux garde-frontières de prendre une décision appropriée à l’égard du ressortissant étranger).
8. En Roumanie, les étrangers se voient refuser l’entrée sur le territoire roumain notamment s’il existe de «solides éléments qui indiquent» qu’ils constituent «une menace réelle et effective pour l’ordre public, la sûreté de l'État ou la santé publique». L’entrée sur le territoire de l’État leur est refusée, entre autres, s’ils font partie de groupes criminels organisés transnationaux ou soutiennent de quelque manière que ce soit l’activité de ces groupes, ou s’il existe de sérieuses raisons de croire qu’ils ont commis ou participé à des crimes contre la paix et l’humanité ou à des crimes de guerre.
9. Selon la loi slovaque no 404/2011 Rec. relative au séjour des étrangers et les modifications et dispositions complémentaires de certaines lois, on entend par «menace pour la sécurité de l’État» l’action d’une personne qui menace l’ordre démocratique, la souveraineté, la cohésion territoriale ou l’inviolabilité des frontières de l’État, ou l’action d’une personne qui viole les droits et libertés fondamentaux qui protègent la vie et la santé des personnes, les biens et l’environnement. La «menace pour l’ordre public» désigne une atteinte aux intérêts protégés par la loi, ou une menace pour ceux-ci, en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales ou de protection des mineurs.

5. À quel niveau les fonctionnaires ou les autorités compétents sont-ils autorisés à prendre de telles décisions?

1. La plupart des États membres ont répondu que les signalements se fondaient sur les décisions des autorités de police (Bulgarie, République tchèque, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Lituanie, République slovaque, Slovénie et Suisse), des autorités chargées des contrôles aux frontières (Autriche, Bulgarie, Finlande, France et Lituanie), des organes administratifs (en Autriche, de l’Office fédéral de l’immigration et de l’asile; en Belgique, du ministère de l’Asile; en Bulgarie, du ministère de l’Intérieur et du directeur de la Direction des «Migrations»; au Danemark, du ministère de l’Immigration et de l’Intégration; en Estonie, du ministère de l’Intérieur; en Finlande, du Service de l’immigration; en Pologne, du responsable de l’Office des étrangers; au Portugal, du directeur national du SEP; en Roumanie, du ministère de l’Intérieur; en Slovénie, d’un service administratif compétent; et en Suisse, du SEM) et/ou des juridictions nationales (Danemark, République slovaque et Slovénie).
2. En Bulgarie, les autorités habilitées à prendre ces décisions comprennent le président de l’Agence nationale de la sûreté de l'État, le directeur de la Direction générale de la «lutte contre le crime organisé» et les directeurs des Directions de Sofia et des régions. En Lituanie, l’évaluation de la menace pour la sûreté de l'État est effectuée par le ministère de la Sûreté de l'État.

6. Dans votre pays, quelle législation régit l’émission de signalements dans le SIS II pour les motifs susmentionnés?

1. La plupart des États membres ont fourni des informations sur les textes de loi régissant cette question. Il n’existe pas de législation nationale régissant l’émission des signalements dans le SIS II en Espagne (les normes de l’Union européenne s’appliquent directement).
2. L’introduction de signalements SIS II est régie par la législation suivante dans les pays qui ont répondu au questionnaire:
  • Autriche: paragraphe 53 de la loi sur la police des étrangers;
  • Belgique: article 39/2, paragraphe 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et le protocole conclu entre l’Office de l’immigration et la police fédérale sur les aspects opérationnels et techniques;
  • Bulgarie: la loi relative aux étrangers et l’ordonnance 8121h-465/2b 08 2014 relative à l’organisation et au fonctionnement du système national d’information Schengen de la République de Bulgarie;
  • République tchèque: article 9, paragraphes f) et h), et article 154 de la loi 326/1999 Rec. sur le séjour des étrangers en République tchèque;
  • Danemark: article 58g de la loi relative aux étrangers;
  • Estonie: la loi sur l’obligation de quitter le territoire et l’interdiction d’y pénétrer;
  • Finlande: article 146 de la loi relative aux étrangers;
  • France: le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA);
  • Allemagne: paragraphe 30(5) de la loi sur la police fédérale;
  • Grèce: décision ministérielle commune 4000/4/32-λα/2012;
  • Lettonie: la loi sur le fonctionnement du système d’information Schengen, les décrets pertinents du Cabinet des ministres et la loi sur l’immigration;
  • Lituanie: paragraphes 7 et 8 de l’article 133 de la loi sur le statut juridique des étrangers et le paragraphe 15 du règlement relatif à l’établissement et à la tenue de la liste nationale des étrangers interdits d’entrée en République de Lituanie, approuvé par la résolution nº 436 du 20 avril 2005 du gouvernement de la République de Lituanie;
  • Pologne: la loi du 24 août 2007 sur la participation de la République de Pologne au système d’information Schengen et au système d’information sur les visas, la loi du 12 décembre 2013 relative aux étrangers et le Code de procédure administrative (loi du 14 juin 1960 telle que modifiée ultérieurement);
  • Portugal: loi n° 23/2007 du 4 juillet 2007 établissant le cadre juridique de l’entrée et du séjour des étrangers sur le territoire national, ainsi que de la sortie et de l’éloignement des étrangers du territoire national;
  • Roumanie: loi no 141/2010 concernant l’établissement, l’organisation et le fonctionnement du Système national d’information sur les signalements et la participation de la Roumanie au système d’information Schengen, l’ordonnance gouvernementale d’urgence no 128/2005 concernant l’établissement, l’organisation et le fonctionnement du Système national d’information sur les signalements (approuvé et modifié par la loi no 345/2005), la décision gouvernementale no 1411/2006 concernant l’approbation des normes d’application de l’ordonnance gouvernementale d’urgence no 128/2005 et l’ordonnance gouvernementale d’urgence no 194/2002 concernant le régime des étrangers en Roumanie;
  • République slovaque: loi no 404/2011 Rec. sur le séjour des étrangers et les modifications et dispositions complémentaires de certaines lois;
  • Slovénie: articles 55, 56, 62 et 66 de la loi relative aux étrangers, article 24 de la loi sur les infractions mineures et article 43 du Code pénal;
  • Suisse: articles 67 et 68 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration et articles 77a et 77b de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative.

7. Les personnes faisant l’objet d’un signalement disposent-elles d’un «recours effectif»? Si oui, auprès de quelle autorité (une juridiction ou une instance administrative)?

1. La quasi-totalité des États membres qui ont répondu à cette question (à l’exception de la France et de l’Espagne) ont indiqué que les personnes faisant l’objet d’un signalement avaient accès à un recours. Dans certains États membres, le recours doit être déposé directement auprès de l’autorité qui a émis le signalement (Bulgarie, Danemark, Grèce, Pologne et Slovénie). Dans d’autres pays, ces recours doivent être formés devant les tribunaux, généralement administratifs (Autriche, Belgique, Estonie, Finlande, Allemagne, Lettonie, Lituanie et Roumanie). En République tchèque, au Portugal, en République slovaque, en Slovénie et en Suisse, il est possible de former un recours directement devant l’une ou l’autre instance.
2. La France, l’Allemagne, la Lettonie, la Pologne et l’Espagne ont également indiqué qu’une personne visée par un signalement dans le SIS II pouvait demander l’accès aux données la concernant et la rectification ou l’effacement des données inexactes ou conservées illégalement auprès de l’organe responsable du traitement des données.

8. Quelles sont les statistiques nationales relatives aux décisions positives et négatives prises au sujet de ces questions?

1. La plupart des États membres n’ont pas fourni de données en réponse à cette question, car ils ne disposent pas de statistiques à cet égard. La Belgique a indiqué qu’il n’y avait pas eu de recours contre de telles décisions. En Lituanie, en 2019, à la suite de recours, les tribunaux ont confirmé quatre décisions prises sur le fondement de signalements et en ont annulé une.

9. Quel est le pourcentage des décisions prises par les autorités étatiques d’octroyer des dommages-intérêts (y compris pour préjudice moral) aux personnes qui en avaient fait la demande en cas de signalement injustifié?

1. Cette question n’a pas davantage donné lieu à la fourniture d’informations sur le sujet. Toutefois, la République tchèque, le Danemark et la Lituanie ont répondu qu’ils n’avaient pas connaissance de telles demandes.