1. Introduction
1. En juin 2003, le premier sommet
Union européenne-Balkans occidentaux, organisé à Thessalonique sous
la présidence grecque de l’Union européenne, catalyse tous les espoirs
et la volonté politique. Les conclusions
de ce sommet scellent le soutien
sans équivoque de l'Union européenne à la perspective européenne
qui s’offre aux pays des Balkans occidentaux, fondée sur les valeurs
communes de la démocratie, de l'État de droit, du respect des droits
de l’homme et des minorités, de la solidarité et de l'économie de marché.
L'Union européenne et les gouvernements des pays concernés réitèrent
leur engagement en faveur du respect du droit international, de
l'inviolabilité des frontières internationales, du règlement pacifique
des conflits et de la coopération régionale. Les Balkans occidentaux
s’engagent à entreprendre des réformes pour répondre aux critères
d’adhésion à l’Union européenne.
2. En 2004, l’élargissement de l’Union européenne à Chypre, à
la République tchèque, à l’Estonie, à la Hongrie, à la Lettonie,
à la Lituanie, à Malte, à la Pologne, à la République slovaque et
à la Slovénie, puis à la Bulgarie et à la Roumanie en 2007, ravive
l’espoir des Balkans occidentaux de suivre la même voie.
3. Et pourtant, à l’exception de la Croatie, près de deux décennies
après le sommet de Thessalonique, les Balkans occidentaux sont toujours
sur la liste d’attente de l’Union européenne. Les premières années d’enthousiasme
ont été suivies d’un manque de dynamisme et d’un dur retour à la
réalité, qui ont laissé la place à la déception, à la frustration
et au pessimisme. L’incapacité à récompenser les progrès accomplis
sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne a contribué à enflammer
les pulsions ethnocentriques et la nostalgie nationaliste, à ternir
la crédibilité de l’Union européenne auprès de l’opinion publique
et a entraîné la montée des sentiments anti-européens dans la région.
4. Ces préoccupations ont été exprimées dans la proposition de
recommandation déposée par M. Fassino et d'autres collègues en septembre
2021, qui est à l'origine du présent rapport
. Cette proposition invitait l’Union
européenne à donner un nouvel élan à l'élargissement aux Balkans
occidentaux et appelait le Conseil de l’Europe à jouer un rôle plus
important pour aider la région à aller de l’avant et à poursuivre
avec succès sa vocation européenne.
5. Depuis le dépôt de la proposition, le contexte européen a
changé, rendant ces recommandations encore plus pertinentes et urgentes.
La Fédération de Russie mène une vaste guerre d’agression contre
l’Ukraine, ce qui a abouti à son expulsion du Conseil de l’Europe.
Dans les Balkans occidentaux, cette guerre a suscité des divisions
et actionné un vaste éventail de leviers pour étendre son influence
et favoriser la déstabilisation.
6. Le 23 juin 2022, le Président du Conseil européen, Charles
Michel, a annoncé que l'Ukraine et la République de Moldova avaient
obtenu le statut de candidat. Malgré la pertinence de la décision
au vu des circonstances géopolitiques, ce développement a accru
la frustration des pays des Balkans occidentaux, qui, avant d'atteindre
ce stade, avaient dû faire face à un processus long et compliqué.
7. Pour écrire cette nouvelle page de l’histoire européenne,
il est encore plus clair que le soutien aux réformes démocratiques
et au respect de l’État de droit et des droits humains, à la réconciliation
et à des relations de bon voisinage est un investissement géostratégique
pour la paix, la stabilité et la sécurité du continent européen.
C'est pourquoi la réponse aux aspirations des Balkans occidentaux
à l'adhésion à l'Union européenne, qui constitue l'étape ultime
d'un processus d'intégration européenne entamé au début des années
90, est si importante non seulement pour les pays concernés, mais
aussi pour toute l'Europe.
8. Dans sa
Résolution
2430 (2022) «Au-delà du Traité de Lisbonne: renforcer le partenariat
stratégique entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne»,
l’Assemblée parlementaire a souligné que la perspective, pour les
Balkans occidentaux, d’une adhésion à l’Union européenne représente
un facteur de stabilité en Europe, en particulier à la lumière du
nouveau contexte de sécurité qui découle de l’agression de la Fédération de
Russie contre l’Ukraine. En outre, l’Assemblée a appelé le Conseil
de l’Europe à redoubler d’efforts pour aider les États membres qui
souhaitent adhérer à l’Union européenne à réaliser des progrès tangibles
et mesurables vers le respect des critères requis.
9. La rapidité et le respect des critères sont tout aussi cruciaux.
Le Conseil de l’Europe ne doit pas faillir à sa responsabilité historique
d’accompagner le processus d’intégration européenne des Balkans
occidentaux jusqu’à la ligne d’arrivée et d’empêcher la région de
devenir un champ de bataille pour des querelles géopolitiques, au
détriment de ses habitants.
10. Pour la préparation du présent rapport, j’ai bénéficié de
la contribution de hauts fonctionnaires du Conseil de l’Europe et
de l’Union européenne, de responsables politiques des pays concernés
et d’experts, que je remercie très chaleureusement pour leurs réflexions.
Une liste des auditions et rencontres bilatérales figure dans le
document AS/Pol/Inf(2022)13.
2. Importance de la région
2.1. Portée
géographique
11. Aux fins du présent rapport,
on entend par «Balkans occidentaux» l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine,
le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie et le Kosovo
.
Avec la Croatie, ces pays ont pris part au sommet Union européenne-Balkans
occidentaux de Thessalonique en juin 2003.
2.2. Aspiration
à l’intégration européenne
12. À la suite de la chute du mur
de Berlin et des bouleversements au cours des années 90, les Balkans occidentaux
ont clairement choisi d’embrasser la démocratie, les droits humains
et l’État de droit et de s’engager dans un processus d’intégration
européenne, en déposant leur candidature auprès de l'Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du Conseil de l'Europe
et de l’Union européenne.
13. L'intégration à l'OSCE a été la première étape. L’Albanie
en est devenue membre en 1991, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie
en 1992 et la Macédoine du Nord en 1995. La République socialiste
fédérative de Yougoslavie était un État participant de l'OSCE depuis
1973. Elle a été suspendue en 1992, une décision unique dans l’histoire
de l’OSCE. La République fédérale de Yougoslavie, regroupant la
Serbie et le Monténégro, a été admise en 2000. Après la dissolution
de la communauté d'États avec la Serbie, le Monténégro a rejoint
l’organisation en 2006.
14. De même, l’Albanie a été le premier pays de la région à adhérer
au Conseil de l’Europe en 1995, suivie de la Macédoine du Nord la
même année, de la Bosnie-Herzégovine en 2002, de la République fédérale
de Yougoslavie en 2003 et, à la suite de la dissolution de la communauté
d'États avec la Serbie, du Monténégro en 2007. Le Kosovo a demandé
son adhésion au Conseil de l’Europe en mai 2022.
15. Depuis la fin des années 90, les relations avec l’Union européenne
se sont sans cesse intensifiées. En 1999, l’Union européenne a lancé
le processus d’accords de stabilisation et d’association (ASA),
un cadre pour les relations entre l’Union européenne et les pays
de la région, et le Pacte de stabilité pour l’Europe du sud-est,
une initiative plus large impliquant tous les acteurs internationaux
clés, notamment le Conseil de l’Europe et l’OSCE. Le Pacte de stabilité
a été remplacé par le Conseil régional pour la coopération en 2008
. Comme mentionné
plus haut, le sommet européen de 2003 de Thessalonique a réaffirmé
que tous ces pays étaient des candidats potentiels à l’adhésion
à l’Union européenne, une perspective qui a été réitérée lors des sommets
successifs Union européenne-Balkans occidentaux.
16. Malgré toutes ces assurances, le temps écoulé, la capacité
à récompenser les progrès accomplis, l’impression réelle ou perçue
que l’Union européenne donnerait la priorité à d’autres questions
plutôt qu’à l’élargissement et les hésitations manifestes de certains
États membres de l’Union européenne ont eu raison de la crédibilité
du processus. Au fil des ans, la confiance dans le processus d’intégration
européenne a diminué au sein de l’opinion publique de la région,
tout comme les sentiments pro-européens
.
2.3. Des
difficultés communes
17. Les Balkans occidentaux font
géographiquement, culturellement et historiquement partie intégrante
de l’Europe. Ils sont aussi une région d’instabilité politique où
le spectre de la violence est toujours très présent et où un certain
nombre de conflits bilatéraux d’intensité diverse portent atteinte
aux relations de bon voisinage.
18. A l'heure actuelle et depuis leur adhésion à l’Organisation,
l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie font l’objet d’une
procédure de suivi et le Monténégro et la Macédoine du Nord font
actuellement l’objet d’un dialogue postsuivi
. En outre, la commission des questions
politiques et de la démocratie élabore des rapports sur la situation
au Kosovo depuis un certain nombre d'années.
19. En dépit des spécificités de chaque pays, il est possible
d’identifier des préoccupations communes qui, à des degrés divers,
portent atteinte au respect des normes du Conseil de l’Europe et
entravent tout progrès vers l’intégration européenne. Parmi ces
préoccupations, on peut citer:
- un
climat politique polarisé, qui affecte souvent la collaboration
entre les forces politiques et aboutit parfois à des conflits interinstitutionnels,
notamment au boycott des activités parlementaires;
- de graves problèmes d’État de droit et de bonne gouvernance,
qui affectent l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire
et le fonctionnement de l’administration publique;
- des problèmes liés aux droits des minorités nationales
et des groupes minoritaires et la persistance de clivages ethniques
qui affectent de nombreux aspects de la vie quotidienne;
- les questions relatives à la liberté et à la propriété
des médias.
20. La région n’a pas été épargnée par le recul de la démocratie,
un problème qui touche tous les pays européens et qui a pris de
l’ampleur pendant la pandémie de covid-19. Des cas de manque de
transparence dans les marchés publics de l’approvisionnement médical
sont apparus et des limites ont été imposées à la liberté d’expression
et à la liberté des médias
. En
revanche, tous les pays de la région ont réussi à organiser des
élections pendant la pandémie et les parlements ont continué à fonctionner.
21. Dans ce contexte et à la lumière des conflits passés qui ont
ravagé la région, la montée de la rhétorique nationaliste et ethnique
dans les discours politiques est très préoccupante. Ces prises de
position interagissent avec les spécificités de la structure institutionnelle
convenue à Dayton. La situation en Bosnie-Herzégovine, où la Republika
Srpska menace de faire sécession, est le signe le plus visible des
risques découlant de ce double défi.
2.4. Entre
coopération régionale et conflits bilatéraux
22. La coopération régionale inclusive
est l’un des principaux critères d’évaluation des progrès réalisés
en vue de l’intégration dans l’Union européenne. Un large éventail
d’accords de coopération régionale est en place: certains sont limités
à la région au sens strict tandis que d’autres incluent également
d’autres pays européens.
23. Parmi les accords de coopération régionale dans le domaine
économique, on peut citer:
- l’Accord
de libre-échange centre-européen (ALECE/CEFTA) , qui inclut l’Albanie,
la Bosnie-Herzégovine, la République de Moldova, le Monténégro,
la Macédoine du Nord, la Serbie et la MINUK au nom du Kosovo;
- la zone économique régionale (Regional Economic Area,
REA) qui, depuis 2017, en vertu du processus de Berlin , rassemble six
États membres de l’Union européenne (Allemagne, Autriche, Croatie,
France, Italie et Slovénie) et les six pays des Balkans occidentaux
en vue de promouvoir l’afflux d’investissements directs étrangers,
de diversifier leurs sources et de permettre une intégration économique
plus poussée entre ses membres et avec le marché unique européen.
- le marché régional commun (MRC) , convenu par
les dirigeants des six pays des Balkans occidentaux lors du sommet
de l'Union européenne à Sofia, afin d'accroître l'attrait et la
compétitivité de la région et de la rapprocher des marchés de l'Union
européenne.
24. Il existe de nombreuses autres initiatives régionales comme
le Processus de coopération de l’Europe du Sud-Est (SEECP), le Centre
pour la coopération en matière de sécurité (Centre for Security
Cooperation, RACVIAC), l’Initiative régionale sur les migrations,
l’asile et les réfugiés, le Fonds d’investissement pour les Balkans
occidentaux, l’École régionale d’administration publique et le Bureau
régional de coopération pour la jeunesse (Regional Youth Cooperation
Office, RYCO)
. Bien que ces initiatives soient
nombreuses, elles ne remportent pas toutes un succès équivalent
ou ne sont pas mises en œuvre avec la même efficacité, parfois en
raison d’une capacité de mise en œuvre insuffisante.
25. Les questions bilatérales font souvent obstacle à la coopération
régionale inclusive. L'un des outils les plus importants dans ce
domaine est le Dialogue entre Pristina et Belgrade, facilité par
l'Union européenne, qui vise à parvenir à un accord de normalisation
complet afin que les deux parties puissent progresser sur leur chemin
européen respectif, à créer de nouvelles opportunités et à améliorer
la vie de la population. L'une des réalisations de ce processus
a été, en 2012, l'accord sur la représentation régionale du Kosovo
et, l'année suivante, le premier accord sur les principes régissant
la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina
. Ces textes ont débloqué, de manière
pragmatique, la possibilité pour le Kosovo de rejoindre formellement
les initiatives de coopération régionale. Cela a été le cas pour
toutes les initiatives de coopération régionale mentionnées ci-dessus.
De même, une dangereuse recrudescence de tensions au cours de l'été 2022
a été partiellement résolue par l'accord sur la liberté de circulation
conclu le 27 août 2022.
26. En 2018, l’accord de Prespa entre la Grèce et la Macédoine
du Nord a réglé un différend de longue date sur la question du nom
de cette dernière et instauré des relations de bon voisinage entre
les deux pays. Cela a ouvert la voie à l’adhésion de la Macédoine
du Nord à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et
levé l’objection de la Grèce à l’ouverture de négociations en vue
de l’adhésion à l’Union européenne
.
27. En 2022, une autre impasse majeure a été surmontée à la suite
d’un accord négocié par l’Union européenne entre la Bulgarie et
la Macédoine du Nord: la première lèverait son veto contre l’ouverture
de négociations d’élargissement tandis que la seconde introduirait
de nouvelles mesures reconnaissant les droits de la minorité bulgare.
Cet accord, bien que soutenu par le parlement, a donné lieu à des
manifestations publiques en Macédoine du Nord, ce qui souligne la
nécessité de continuer à œuvrer pour instaurer confiance et compréhension
mutuelle, notamment en renforçant l’engagement auprès de la société
civile
. En même temps, il
est très important que le parlement qui résultera des élections
législatives du 2 octobre 2022 en Bulgarie respecte cet accord.
2.5. Dialogue
interparlementaire
28. La diplomatie parlementaire
et la coopération interparlementaire sont utiles pour renforcer
l’intégration régionale et la sécurité démocratique dans la région.
Celles-ci peuvent être atteintes non seulement par le biais de groupes
parlementaires bilatéraux, mais aussi à travers une participation
active aux organes régionaux interparlementaires tels que l’Assemblée
parlementaire du Processus de coopération de l’Europe du Sud-Est (SEECP
AP) et le Forum parlementaire Cetinje (CPF)
. Les parlements de Bosnie-Herzégovine,
de Croatie, du Monténégro et de Serbie ont établi une conférence
de leurs commissions des affaires étrangères.
29. À l’exception de l’Assemblée du Kosovo, les parlements des
pays concernés sont également membres d’autres assemblées internationales,
comme l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire
de l’OSCE, l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), l’initiative
adriatique – ionienne (AII) et la dimension parlementaire de l’initiative
de l’Europe centrale (CEI), entre autres.
30. L’Union européenne a joué un rôle majeur dans la promotion
du dialogue entre les parlements de la région et le renforcement
du rôle des parlements dans le processus d’élargissement, par le
biais de la conférence des commissions parlementaires sur l’intégration
européenne/ des affaires européennes des États participant au processus
de stabilisation et d’association en Europe du sud-est (COSAP) et
de l’organisation de deux sommets entre le Parlement européen et
les président·e·s des parlements des pays des Balkans occidentaux,
en 2020 et 2021. Outils de dialogue politique très importants pour
tous les pays de la région, les commissions parlementaires de stabilisation
et d'association (CPSA) sont composées de membres du parlement de
chaque pays et du Parlement européen, et visent à assurer, au niveau
parlementaire, la bonne mise en œuvre de l'accord de stabilisation
et d'association (ASA).
2.6. Réconciliation
31. La réconciliation est une condition
préalable pour maintenir la paix et la sécurité, établir une coopération durable
et placer résolument la région sur la voie de l’intégration européenne.
Cependant, les discours contradictoires à propos du passé continuent
de charger d’animosité les relations entre les communautés et les
pays de la région. En outre, comme l’a indiqué la Commission européenne
dans ses rapports annuels d’évaluation, il y a toujours des revers
et des impasses dans le domaine des poursuites des crimes de guerre au
niveau national et des retards dans l’accès à la justice pour les
victimes des conflits dans l’ex-Yougoslavie. La question des personnes
disparues à l’époque demeure une préoccupation humanitaire majeure.
Les attaques contre le travail du Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie portent atteinte à sa crédibilité auprès de l’opinion
publique.
32. Comme l’a déclaré la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe,
Marija Pejčinović Burić, lors de son allocution pour la 27e cérémonie
de commémoration des victimes du génocide de Srebrenica, les souvenirs
et la réconciliation sont difficiles. Mais ils sont essentiels.
Ils sont nécessaires pour que les peuples puissent comprendre, guérir
et aller de l’avant, ensemble, dans l’intérêt de chaque communauté
. Il est grand temps que les autorités
de tous les pays concernés donnent l’exemple et assument l’héritage
du passé. Le rôle de la société civile est également d’une importance
cruciale pour surmonter les préjugés et rétablir la confiance.
2.7. Perspectives
économiques
33. Les perspectives économiques
sont incertaines. Depuis 2021, alors que l’économie commençait à
peine à se remettre des tensions provoquées par la pandémie de covid-19,
la région s’est trouvée confrontée à une nouvelle série de défis.
La dette publique est très élevée, ce qui est aussi une conséquence
de la réponse à la pandémie de covid-19. La croissance potentielle
reste limitée par la nécessité d’adopter des réformes structurelles
pour stimuler la productivité, accroître la compétitivité, investir
dans le capital humain et renforcer la gouvernance et l’efficacité
du secteur public. Les infrastructures sociales existantes ne soutiennent
pas de manière adéquate le potentiel du capital humain, ce qui pousse
la population, et en particulier les jeunes, à émigrer. La guerre
d’agression contre l’Ukraine entraîne également des conséquences
économiques, en particulier en raison de la hausse des prix de l’énergie
et des denrées alimentaires ainsi que de la perturbation des flux
commerciaux et d’investissement, mettant en péril la reprise économique
dans la région
.
34. L’Union européenne est le plus gros investisseur dans la région.
En 2020, la Commission européenne a lancé le Plan économique et
d'investissement (PEI) pour les Balkans occidentaux, qui vise à
soutenir la reprise à long terme de la région, à accélérer une transition
verte et numérique et à favoriser la coopération régionale inclusive
et la convergence avec l’Union européenne. Le plan alloue une enveloppe
financière substantielle pouvant atteindre €9 milliards de fonds
de l’Union européenne, identifiant 10 projets phares d’investissement
dans les secteurs des transports durables, de l’énergie propre,
de l’environnement et du climat, de l’avenir numérique, du capital
humain et du secteur privé.
35. L'Union européenne peut aussi fournir des garanties pour contribuer
à réduire le coût du financement des investissements publics et
privés et à réduire le risque pour les investisseurs. Le soutien
au titre du nouveau mécanisme de garantie pour les Balkans occidentaux,
au titre de la garantie pour l’action extérieure de l’Union européenne
et du Fonds européen pour le développement durable plus, devrait
mobiliser des investissements potentiels pouvant atteindre €20 milliards
au cours de la prochaine décennie.
36. Le Plan économique et d’investissement représentera une injection
massive de fonds, s'élevant à environ un tiers du PIB total de la
région. Il est d’une importance cruciale de veiller à ce que ce
financement soit bien dépensé, en soutenant les initiatives locales,
en promouvant une croissance inclusive pour les femmes et les jeunes
et en stimulant l’esprit d’entreprise.
2.8. Les
Balkans occidentaux sur une ligne de faille géopolitique
37. Les Balkans occidentaux suscitent
l’intérêt d’un certain nombre d’acteurs en dehors de la région qui utilisent
un mélange d’investissements économiques et de «soft power» comme vecteur d’accroissement
de leur influence politique.
38. Les investissements des pays de l'Union européenne étant limités
dans la région, les pays des Balkans occidentaux tentent souvent
d'attirer les investissements de pays tiers comme la Chine. Au cours
de la dernière décennie, la Chine a engagé $2,4 milliards d’investissements
directs étrangers nets dans les Balkans occidentaux, ainsi que $6,8
milliards dans des prêts pour les infrastructures. Elle finance
des projets tels que des autoroutes, des chemins de fer et des centrales
électriques dans le cadre de son initiative Belt and Road (BRI).
Elle acquiert également des participations importantes dans plusieurs
entreprises clés du secteur des transports et de l’énergie. Outre
les investissements et les prix, la Chine utilise des outils de
«
soft power» tels que la coopération
universitaire et la diplomatie des vaccins pour renforcer sa position
.
39. Bien que son empreinte économique dans la région ait diminué
depuis l'annexion illégale de la Crimée, la Fédération de Russie
conserve une influence dans des secteurs stratégiques tels que l'énergie,
la banque, la métallurgie et l'immobilier, notamment en Serbie,
en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine du Nord
.
40. Bien que la Serbie réalise plus des deux tiers de son commerce
extérieur avec l'Union européenne, elle entretient des liens de
longue date avec la Fédération de Russie. La Fédération de Russie
a condamné l’intervention de l’OTAN en 1999 et n’a cessé d’apporter
son soutien à la Serbie sur la question du Kosovo, y compris au
sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle exerce une influence
considérable dans ce pays à travers la culture et la religion et,
plus récemment, la diplomatie des vaccins. L’agence de presse Spoutnik dispose
d’un bureau à Belgrade depuis 2014.
41. Un récent rapport de la commission spéciale du Parlement européen
sur l'ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques
de l'Union européenne décrit les tentatives de la Fédération de Russie
pour déstabiliser la région en exploitant les tensions ethniques
et les différences bilatérales tout en discréditant l’Union européenne
et en vantant son propre profil
.
42. Les différences entre les pays de la région peuvent être appréhendées
en fonction de leur alignement avec l’Union européenne sur les sanctions
contre la Fédération de Russie. L’Albanie, le Kosovo, le Monténégro et
la Macédoine du Nord se sont joints aux sanctions de l’Union européenne
contre la Russie, contrairement à la Bosnie-Herzégovine et à la
Serbie. Le 29 mai 2022, le Président Aleksandar Vučić a annoncé
que la Serbie avait signé un accord sur un nouveau contrat de gaz
de trois ans avec la Fédération de Russie
.
43. De même, dans le domaine de la sécurité et de la défense,
l’Albanie, le Monténégro et la Macédoine du Nord ont rejoint l’OTAN
respectivement en 2009, 2017 et 2020. La KFOR – une force de maintien
de la paix conduite par l’OTAN – stationne au Kosovo depuis 1999
en vertu de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU.
La Bosnie-Herzégovine est un partenaire de l’OTAN; cependant, toute
intégration plus poussée au sein de l’alliance se heurte à l’opposition
de la Republika Srpska, dont le parlement a pris clairement position en
faveur de la neutralité
. La Serbie est
membre du partenariat pour la paix de l’OTAN depuis 2009, et parallèlement,
son Assemblée nationale à un statut d’observateur au sein de l’Assemblée
parlementaire de l’Organisation du Traité de sécurité collective
(OTSC) depuis 2013. Son concept militaire est celui de la neutralité.
La Fédération de Russie est le plus gros fournisseur d’armes de
la Serbie, en dépit d’une concurrence accrue avec la Chine
.
44. Le concept stratégique adopté lors du sommet de l’OTAN à Madrid
en juillet 2022 réaffirme explicitement l’importance stratégique
des Balkans occidentaux pour l’Alliance et son engagement en vue
de développer ses partenariats avec la Bosnie-Herzégovine
.
45. La Türkiye est un État membre du Conseil de l’Europe qui exerce
une influence considérable dans les Balkans occidentaux. Au cours
des dernières années, elle a fourni des programmes culturels et
éducatifs par le biais d'institutions telles que la Fondation Maarif
dans des pays avec une importante communauté musulmane, notamment
en Albanie, en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine du Nord et au Kosovo;
elle investit dans des projets tels que des autoroutes, des ponts,
des hôpitaux, des écoles, des mosquées et dans la restauration de
bâtiments du patrimoine ottoman. L’influence de la Türkiye dans
la région est également renforcée par la popularité de la culture
turque, notamment des émissions de télévision et de l’industrie
du divertissement, dans certaines couches de la population. D’un
point de vue politique, la Türkiye est favorable à des rencontres
trilatérales avec la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, en mettant
l’accent sur l’amélioration de la coopération économique.
46. La prise de conscience de l’importance géopolitique de l’élargissement
s’est accrue parmi les fonctionnaires de l’Union européenne, notamment
en raison de la guerre d’agression contre l’Ukraine menée par la
Fédération de Russie
. Comme
formulée par la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der
Leyen, la recommandation d’ouverture des négociations d’adhésion
est dans l’intérêt géostratégique de l’Union européenne. Le commissaire
européen au voisinage et à l’élargissement, Olivér Várhelyi, a ajouté
que la décision d’entamer les négociations d’adhésion confirme l’importance
géostratégique des Balkans occidentaux et démontre que l’Europe
est disposée à prendre des décisions géopolitiques, et capable de
le faire, même en ces temps difficiles de pandémie de covid-19
.
3. Le
processus d’élargissement de l’Union européenne
3.1. Soutien
politique des institutions de l’Union européenne
47. Le Sommet de Thessalonique
de 2003 a marqué le début d’un processus qui s’est poursuivi, 15
ans plus tard, avec le Sommet de Sofia et la Déclaration de Sofia
qui en a résulté. Ce texte soulignait l’importance de l’engagement
continu des Balkans occidentaux en faveur de l’État de droit, de
la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, de la
bonne gouvernance, ainsi que du respect des droits humains et des
droits des personnes appartenant à des minorités. La mise en œuvre
effective des réformes dans ces domaines a été et continue d’être
essentielle pour la poursuite des progrès de la région sur la voie
européenne. À Sofia, les dirigeant·e·s de l’Union européenne et
des Balkans occidentaux sont convenus de prendre un certain nombre de
mesures pour améliorer les infrastructures énergétiques et de transport,
ainsi que la connectivité numérique dans la région. Les partenaires
de l’Union européenne et des Balkans occidentaux ont également jeté
les bases d’une coopération toujours plus étroite dans les domaines
de la sécurité, des migrations et de la résolution des défis géopolitiques
.
48. Les conclusions du Conseil adoptées en juin 2019 ont réaffirmé
«l’engagement de l’Union européenne en faveur de l’élargissement,
qui reste une politique clé de l’Union européenne», et la Commission
européenne a adopté sa communication revigorant le processus d’adhésion
afin qu’il repose sur une confiance solide et réciproque et des
engagements clairs de part et d’autre
.
49. Le sommet qui a suivi à Zagreb en 2020 a porté sur les défis
liés à la lutte contre la pandémie et ses conséquences socio-économiques
, tandis que lors d’un sommet Union
européenne-Balkans occidentaux à Brdo pri Kranju, en Slovénie, le
6 octobre 2021, les dirigeant·e·s de l’Union européenne ont réitéré
leur soutien aux pays et présenté une série d’initiatives visant
à stimuler la région
. Entre autres questions, un accord
a été conclu pour renforcer la coopération entre l’Union européenne
et les partenaires des Balkans occidentaux sur les questions de
sécurité fondamentales, dans des domaines tels que les menaces hybrides
et la désinformation, la cybersécurité et les questions spatiales,
la mobilité militaire et la lutte contre le terrorisme, ainsi que
le soutien continu à la lutte contre le trafic illicite d’armes
à feu.
50. Des membres éminents de la Commission européenne ont affirmé
à plusieurs reprises que l’élargissement est l’une des cinq priorités
de la Commission
et que le projet européen ne saurait être achevé sans les Balkans
occidentaux
.
En mars 2021, le commissaire européen Várhelyi a déclaré que «l’ouverture des
négociations d’adhésion à l’Union européenne envoie un message fort
et clair [...] à l’ensemble des Balkans occidentaux. Il réaffirme
et concrétise l’engagement de l’Union européenne en faveur de la perspective
européenne de la région: son présent est avec l’Union et son avenir
est dans l’Union».
51. Le Parlement européen a toujours été un fervent partisan de
l’adhésion des Balkans occidentaux à l’Union européenne. Dans une
résolution adoptée en octobre 2019, il s’est dit déçu que l’Albanie
et la Macédoine du Nord n’aient pas été en mesure d’entamer les
négociations d’adhésion, soulignant que le processus d’élargissement
a joué un rôle décisif dans la stabilisation des Balkans occidentaux
. Dans une résolution adoptée en
juin 2020, les députés appellent l’Union européenne à faire davantage
pour que le processus d’élargissement de ces pays soit un succès
.
52. Le 26 avril 2022, Roberta Metsola, Présidente du Parlement
européen, a déclaré que l’Union européenne devait envisager les
moyens d’accélérer le processus d’élargissement dans les Balkans occidentaux,
car la stabilité dans le voisinage immédiat était vitale pour la
stabilité de l’Union européenne elle-même
.
53. Les 14 et 16 juin 2022, le Président Michel s’est rendu au
Monténégro
, au Kosovo
et en Macédoine du Nord
. Les principaux sujets de discussion
lors des réunions de haut niveau ont été l’intégration européenne,
l’impact de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine
sur la région et la préparation de la réunion des dirigeants Union
européenne-Balkans occidentaux du 23 juin. Ces visites faisaient
suite à un précédent voyage dans la région des Balkans occidentaux
du 19 au 21 mai, au cours duquel le Président Michel s’est rendu
en Serbie, en Albanie et en Bosnie-Herzégovine.
54. Même si le sommet du 23 juin 2022 n’a pas apporté de résultats
concrets et a été accueilli par de vives expressions de frustration
par les dirigeants des Balkans occidentaux, les efforts diplomatiques
de la présidence française de l’Union européenne ont porté leurs
fruits. Une fois levé le veto de la Bulgarie, comme nous l’avons
expliqué plus haut dans ce rapport, le 19 juillet 2022, l’Albanie
et la Macédoine du Nord ont officiellement entamé les négociations
d’adhésion.
3.2. La
méthodologie révisée de l’élargissement
55. En 2019, en vue de renforcer
la crédibilité du processus, une méthodologie d’élargissement révisée
a été introduite, mettant davantage l’accent sur les réformes clés,
telles que l’État de droit, les libertés fondamentales, l’économie
et le fonctionnement des institutions démocratiques. Les pays partenaires
doivent y faire face, dans l’intérêt de leurs propres citoyens et
pour progresser sur la voie de l’intégration européenne. De l’autre
côté, l’Union européenne doit tenir ses engagements.
56. La méthodologie révisée de l’élargissement:
- met davantage l'accent sur l'orientation
politique,
- prévoit la possibilité d’arrêter ou même d’inverser les
négociations,
- accorde plus d’attention à la démocratie et à l’État de
droit,
- encourage un plus grand engagement de la part des États
membres de l’Union européenne.
57. Crédibilité, prévisibilité et dynamisme sont les maîtres mots
du processus d’adhésion tel que révisé par la nouvelle méthodologie,
qui continue d’être fondée sur des critères établis, une conditionnalité
juste et rigoureuse et le principe du mérite.
58. Pour que le processus avance, les candidats à l’adhésion sont
tenus, en priorité, d’obtenir des résultats réels et durables sur
les questions clés suivantes:
- l’État
de droit,
- la réforme de la justice,
- la lutte contre la corruption et la criminalité organisée,
- la sécurité,
- les droits fondamentaux,
- le fonctionnement des institutions démocratiques et la
réforme de l’administration publique,
- le développement économique et la compétitivité.
59. De nouveaux progrès en matière de réconciliation, de relations
de bon voisinage et de coopération régionale inclusive sont également
importants. La coopération régionale inclusive est d'une importance capitale
dans les domaines des infrastructures, des transports, du commerce,
des énergies renouvelables, de la protection de l'environnement,
de la santé, de la sécurité alimentaire, de la gestion des déchets,
des technologies de recherche et de la sécurité. Il est également
vrai que les pays des Balkans occidentaux suivent de près les progrès
des uns et des autres. Par conséquent, les progrès d'un membre deviennent de facto un exemple à suivre pour
les autres et créent une dynamique positive pour tous. L'inverse
est également vrai.
60. L’objectif stratégique de la nouvelle méthodologie est de
regagner la crédibilité des deux parties et, à cette fin, le processus
doit reposer sur une confiance solide et réciproque et des engagements
clairs de part et d’autre. La crédibilité devrait être renforcée
en mettant encore plus l’accent sur les réformes fondamentales qui
deviennent encore plus centrales dans les négociations d’adhésion.
Les négociations sur ces fondamentaux seront ouvertes en premier
et clôturées en dernier et leurs progrès détermineront le rythme global
du processus.
61. En outre, pour que le processus d’adhésion soit plus efficace,
la communication stratégique sera d'une grande importance. Il est
essentiel de sensibiliser le grand public aux possibilités qui découleront
des réformes et d’une intégration plus étroite. L’engagement politique
public des autorités respectives en faveur de l’objectif stratégique
de l’adhésion à l’Union européenne sera également évalué plus clairement.
62. Les chapitres de négociation sont regroupés en six groupes
thématiques, ce qui permet un engagement thématique plus large avec
les partenaires. Des contributions plus importantes à l’ensemble
de mesures ont été sollicitées auprès des États membres, qui ont
été consultés au cours du processus et ont fourni des contributions
et des compétences, notamment par l’intermédiaire de leurs ambassades
sur le terrain.
63. Pour répondre aux préoccupations de certains pays candidats
concernant le très long processus d'adhésion qui peut conduire à
un jeu à somme nulle, un certain nombre de propositions visant à
modifier ou à compléter la nouvelle méthodologie d'adhésion ont
été lancées. Un élément clé commun à ces propositions est l'intégration
progressive des pays candidats dans différents secteurs de l'Union
européenne.
64. C'est dans cet esprit que Charles Michel, le Président du
Conseil européen, a récemment déclaré: «Je pense que nous devons
rendre le processus plus rapide, progressif et réversible. Nous
devons offrir des avantages socio-économiques tangibles à nos partenaires
au cours des négociations d'adhésion, au lieu d'attendre la fin.
La solution résiderait dans une intégration progressive, par étapes,
même si le processus d'adhésion est en cours».
65. Une grande discussion a également lieu autour de l'idée du
Président français Emmanuel Macron d'une communauté politique européenne
qui pourrait soutenir les pays en pré-adhésion en leur octroyant
des relations supplémentaires avec l'Union européenne.
66. En outre, depuis quelque temps, l'ancien Premier ministre
italien Enrico Letta défend l'idée d'une Confédération européenne,
une sorte de cercle élargi qui réunirait les 27 États membres de
l'Union et ses pays candidats. Il souligne que cette proposition
ne remplace pas le processus formel d'adhésion sans pour autant édulcorer
les exigences de l'adhésion à part entière à l'Union; la Confédération
devrait prévoir des moments et des lieux pour partager les grands
choix stratégiques de l'Europe, à commencer par la politique étrangère, la
défense de la paix et la promotion de la lutte contre le changement
climatique.
3.3. L’état
d’avancement des négociations d’adhésion des différents candidats
Albanie – Candidate
67. L’Albanie a demandé son adhésion
à l’Union européenne en avril 2009. En mars 2020, la Commission européenne
s’est félicitée de la décision du Conseil d’ouvrir des négociations
d’adhésion avec l’Albanie, sous réserve de l’approbation finale
des membres du Conseil européen. En juillet 2020, le projet de cadre
de négociation a été présenté aux États membres. Avant sa première
conférence intergouvernementale, l’Albanie a été invitée à intensifier
ses progrès en matière de réformes électorales et judiciaires et
de lutte contre la criminalité organisée et la corruption. La Commission
européenne a confirmé dans son paquet élargissement 2021 que l’Albanie
continue de remplir les conditions pour ouvrir officiellement les
négociations d’adhésion et qu’elle progresse régulièrement sur la
voie des réformes de l’Union européenne. Les négociations en vue
de l’adhésion de l'Albanie ont été ouvertes le 18 juillet 2022.
Bosnie-Herzégovine – Candidate
potentielle
68. La Bosnie-Herzégovine a demandé
son adhésion à l’Union européenne en février 2016. L’avis de la Commission
sur la demande d’adhésion à l’Union européenne a été rendu en mai
2019. Des conclusions du Conseil de l’Union européenne approuvant
les 14 priorités clés ont été adoptées en décembre 2019.
69. Selon l’évaluation de la Commission, l’environnement politique
reste polarisé, les dirigeants politiques continuant de s’engager
dans une rhétorique clivante et des différends politiques non constructifs,
qui ont entravé les progrès globaux sur les 14 priorités clés. Le
blocage des institutions de l’État et les appels à faire reculer
les réformes sont profondément préoccupants et ne peuvent être surmontés
que par le dialogue politique. Une diminution marquée du taux d’alignement
de la Bosnie-Herzégovine sur la politique étrangère et de sécurité
de l’Union européenne est un signal négatif. La Bosnie-Herzégovine
doit s’attaquer aux 14 priorités clés, notamment les réformes électorales
et constitutionnelles, et devra mener à bien une masse critique
de réformes pour obtenir le statut de candidat.
Monténégro – Candidat
70. Le Monténégro a demandé son
adhésion à l’Union européenne en décembre 2008. Les négociations d’adhésion
sont en cours avec 33 chapitres ouverts, dont 3 ont déjà été clôturés
à titre provisoire. Selon la dernière évaluation de la Commission,
la priorité pour la poursuite des progrès dans les négociations
reste le respect des critères de référence provisoires en matière
d’État de droit fixés dans les chapitres 23 (justice et droits fondamentaux)
et 24 (justice, liberté et sécurité). Pour atteindre cette étape,
les autorités devraient démontrer dans la pratique leur engagement
à l’égard du programme de réformes de l’Union européenne pour le
Monténégro. Le Monténégro doit encore intensifier ses efforts pour
résoudre les questions en suspens, notamment dans les domaines critiques
que sont la liberté d’expression et la liberté des médias et la
lutte contre la corruption et la criminalité organisée, sans revenir
sur les résultats antérieurs de la réforme judiciaire.
Macédoine du Nord – Candidate
71. En mars 2020, la Commission
européenne s’est félicitée de la décision du Conseil d’ouvrir des négociations
d’adhésion avec la Macédoine du Nord, sous réserve de l’approbation
finale des membres du Conseil européen. En juillet 2020, le projet
de cadre de négociation a été présenté aux États membres. La Commission
européenne a confirmé dans son paquet élargissement 2021 que la
Macédoine du Nord continue de remplir les conditions pour ouvrir
officiellement les négociations d’adhésion et qu’elle progresse régulièrement
sur la voie des réformes de l’Union européenne. Une fois résolues
les questions bilatérales avec la Bulgarie, les négociations d’adhésion
avec la Macédoine du Nord ont été ouvertes le 18 juillet 2022.
Serbie – Candidate
72. La Serbie a demandé son adhésion
à l’Union européenne en décembre 2009. Les négociations d’adhésion
sont en cours avec 22 chapitres ouverts, dont 2 ont déjà été clôturés
à titre provisoire. En 2020, le Conseil européen a refusé à la Serbie
la possibilité d’ouvrir de nouveaux chapitres de négociation en
raison de l’absence de progrès dans certaines réformes. Selon la
dernière évaluation des progrès réalisés par la Commission au titre
des chapitres sur l’État de droit, la normalisation des relations
avec le Kosovo est en bonne voie. La Serbie devrait continuer d’accélérer
et d’approfondir les réformes relatives à l’indépendance du pouvoir
judiciaire, à la lutte contre la corruption, à la liberté des médias,
au traitement national des crimes de guerre et à la lutte contre
la criminalité organisée.
73. Selon la Commission, les progrès de la Serbie en matière d’État
de droit et de normalisation des relations avec le Kosovo sont essentiels
et détermineront le rythme global des négociations d’adhésion. La Serbie
devrait également améliorer son alignement sur la politique étrangère
et de sécurité de l’Union européenne. La Commission se félicite
que la Serbie ait rempli les critères de référence pour ouvrir de nouveaux
groupes thématiques, à savoir les pôles 3 (compétitivité et croissance
inclusive) et 4 (agenda vert et connectivité durable). Elle soutient
l’ambition de la Serbie d’ouvrir dès que possible de nouveaux groupes d’adhésion,
sur la base des progrès continus des réformes.
Kosovo – Candidat potentiel
74. En juillet 2018, six ans après
la publication d’une feuille de route pour la libéralisation du
régime des visas, la Commission a confirmé que le Kosovo remplissait
tous les critères. Le Parlement européen lui a immédiatement emboîté
le pas et a entamé des négociations interinstitutionnelles, qui
sont en cours. Dans la région, seul le Kosovo reste exclu de la
libéralisation du régime des visas, certains États membres de l’Union européenne
continuant d’émettre des réserves.
75. À la suite de la conclusion déjà mentionnée d’un accord historique
sur la normalisation des relations en avril 2013 entre Belgrade
et Pristina, le Conseil européen a décidé en juin 2013 d’ouvrir
des négociations sur un accord de stabilisation et d’association
(ASA) avec le Kosovo, qui est entré en vigueur le 1er avril
2016. La future intégration du Kosovo à l’Union européenne – comme
celle de la Serbie – reste étroitement liée au dialogue de haut
niveau facilité par l’Union européenne entre Pristina et Belgrade,
qui devrait déboucher sur un accord global juridiquement contraignant
sur la normalisation de leurs relations. Le gouvernement du Kosovo
a indiqué son intention de demander officiellement son adhésion
à l'Union européenne avant la fin de l'année 2022.
3.4. Focus
sur l’État de droit
76. L’État de droit constitue l’un
des principes fondamentaux qui sont au cœur du mandat du Conseil
de l’Europe et est également inscrit à l’article 2 du Traité de
Lisbonne parmi les valeurs communes des États membres. Il est capital
en soi et en tant que catalyseur d’une démocratie saine et d’une
économie prospère. Sans État de droit, les institutions démocratiques
ne fonctionnent pas correctement, la confiance des citoyens dans
les autorités s’érode, les réformes s’enlisent, les investissements
économiques sont gaspillés et s’effondrent. Rien d’étonnant, donc,
à ce qu’il s’agisse d’un domaine central dans le processus d’élargissement de
l’Union européenne.
77. Dans un rapport récent
, la Cour des comptes européenne a
cherché à déterminer si le soutien apporté par l’Union européenne
à l’État de droit dans les Balkans occidentaux au cours de la période 2014-2020
avait été efficace, en mettant particulièrement l’accent sur la
justice et l’appareil judiciaire, l’accès à la justice, la lutte contre
la corruption, et la liberté d’expression.
78. Selon le rapport, l’Union européenne a contribué à la mise
en place de réformes sur des questions telles que l’amélioration
de l’efficacité du système judiciaire et l’élaboration de la législation
y afférente, mais elle a eu globalement peu d’impact sur les réformes
fondamentales en matière d’État de droit dans la région, par exemple
celles visant à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire.
79. D’après la Cour des comptes, cela s’explique notamment par:
- la volonté politique insuffisante
des autorités nationales de mener à bien les réformes nécessaires;
- le manque d’appropriation des réformes;
- des capacités administratives limitées/une résistance
institutionnelle au changement.
80. Le rapport met également en exergue la nécessité de consulter
et de faire participer davantage la société civile dans le cadre
de tout processus de réforme.
81. Dans sa réponse au rapport
, la Commission européenne a accepté
la recommandation selon laquelle le mécanisme de promotion des réformes
de l'État de droit dans le cadre du processus d'élargissement devrait être
renforcé, en rappelant que la méthodologie révisée de l’élargissement
introduite en 2020 devrait contribuer à remédier à ces problèmes
en mettant encore davantage l’accent sur les réformes fondamentales concernant
l’État de droit, le fonctionnement des institutions démocratiques,
la liberté d’expression, la liberté et le pluralisme des médias,
ainsi que le fonctionnement des administrations publiques. La Commission
n'a accepté que partiellement la recommandation concernant les remarques
sur la société civile, en soulignant son importante contribution
financière dans ce domaine.
4. Les
Balkans occidentaux et le Conseil de l’Europe
4.1. Analyse
comparative (benchmarking)
82. L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine,
le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie sont des États membres
du Conseil de l’Europe et sont parties à tous les principaux instruments
et accords de l’Organisation dans le domaine des droits humains
et de l’État de droit. Ils sont soumis aux mécanismes de suivi indépendants
mis en place en vertu de ces instruments et accords, dont:
- le Comité consultatif de la
Convention-cadre pour la protection des minorités nationales,
- le Comité européen pour la prévention de la torture et
des peines ou des traitements inhumains ou dégradants (CPT),
- le Groupe d’États contre la corruption (GRECO),
- le Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte
contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
(MONEYVAL),
- la Commission européenne pour l’efficacité de la justice
(CEPEJ),
- le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des
êtres humains (GRETA),
- le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à
l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO).
83. Sur la base d'arrangements spécifiques, des évaluations de
l'adhésion du Kosovo aux normes du Conseil de l'Europe dans le cadre
des instruments mentionnés ci-dessus ont également été réalisées.
84. La pertinence du Conseil de l’Europe est particulièrement
importante pour l’analyse comparative de l’avancée des réformes
réalisées par les pays des Balkans occidentaux qui aspirent à adhérer
à l’Union européenne. La Commission publie des rapports annuels
détaillant les progrès accomplis par chacun des pays concernés.
Ces rapports s’appuient dans une large mesure sur les conclusions
des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe et sur les rapports
réguliers d’autres organes du Conseil de l’Europe, tels que la Commission
de Venise, l’Assemblée et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux.
4.2. Activités
de coopération: la Facilité horizontale
85. Le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne travaillent main dans la main dans la région des Balkans occidentaux
dans le domaine de la coopération. L’outil le plus important est
la Facilité horizontale pour les Balkans Occidentaux et la Turquie,
un programme conjoint du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, financé
par cette dernière avec une enveloppe financière totale de €41 millions.
Des programmes bilatéraux et régionaux conjoints Union européenne/Conseil
de l'Europe complètent la Facilité horizontale sur des sujets spécifiques.
86. Le programme se fonde entièrement sur le «triangle» du Conseil
de l’Europe en matière de normalisation, de suivi et de coopération
technique. Sa spécificité repose sur son approche multipartite,
qui inclut la société civile. Cet aspect est particulièrement important
à la lumière des remarques formulées par la Cour des comptes européenne,
selon lesquelles le manque de coopération avec la société civile
constitue l’une des principales lacunes des activités menées jusqu’à
présent.
87. Le programme est le résultat de la déclaration d’intention
signée le 1er avril 2014 par le Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe et le Commissaire de l’Union européenne chargé
de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage, dans
laquelle les deux parties sont convenues de renforcer encore leur coopération
dans des domaines clés d’intérêt commun. La première phase du programme
comprenait diverses initiatives régionales et spécifiques aux bénéficiaires
et s’est déroulée de 2016 à 2019. La deuxième phase du programme
arrive actuellement à son terme, tandis que la troisième phase –
dont la préparation est à un stade avancé – devrait commencer en
janvier et durer quatre ans.
88. La deuxième phase du programme
élargit les domaines thématiques,
parmi lesquels figurent maintenant:
- le renforcement de l’efficacité, de l’indépendance et
de la responsabilité du pouvoir judiciaire;
- la lutte contre la corruption, le crime organisé et la
criminalité économique;
- la lutte contre la discrimination et la protection des
droits des groupes vulnérables;
- la liberté d’expression et les médias.
89. Ce programme conjoint apporte une contribution particulièrement
forte aux négociations d’adhésion à l’Union européenne au titre
du chapitre 23 (pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) et du
chapitre 24 (justice, liberté et sécurité). La coopération technique
offerte aux pays bénéficiaires fait en même temps progresser les normes
du Conseil de l’Europe et les objectifs de l’Union européenne. Elle
améliore la vie de millions de personnes dans la région des Balkans
occidentaux: elle garantit l’ancrage profond des droits humains,
de la démocratie et de l’État de droit dans des sociétés en évolution
rapide.
90. Le programme comprend en outre un mécanisme de coordination
des services d’experts, qui offre une expertise législative et des
conseils stratégiques et constitue un outil important accessible
à tous les bénéficiaires
. Les autorités nationales, y compris
les présidents de parlements, peuvent recourir au mécanisme de coordination
des services d’experts pour obtenir un avis de la Commission de
Venise ou d’autres organes du Conseil de l’Europe. L’expertise juridique
fournie par le Conseil de l’Europe dans le cadre de la Facilité
horizontale compte un nombre extraordinaire de bénéficiaires – plus
de 200 par an.
91. Comme l’a récemment confirmé la vice-ministre albanaise de
l’Europe et des Affaires étrangères, Mme Megi Fino:
«Grâce à la coopération dans la région entre nos pays en tant que
bénéficiaires du programme de la Facilité horizontale et grâce à
la coopération de la région avec le Conseil de l’Europe et l’Union européenne,
nous sommes mieux préparés à utiliser l’aide apportée par les donateurs
internationaux pour concrétiser le rêve commun de notre région,
faire partie de l’Union européenne. Le programme de la Facilité horizontale
pour les Balkans occidentaux et la Turquie est précisément la représentation
de cette coopération qui vise à faciliter la voie de notre région
vers l’intégration européenne»
.
4.3. La
Banque de développement du Conseil de l’Europe
92. La Banque de développement
du Conseil de l’Europe (CEB) est une banque multilatérale de développement
à vocation exclusivement sociale. En apportant des financements
et une expertise technique pour les projets à fort impact social
dans ses États membres, elle favorise l’intégration sociale et renforce
la solidarité en Europe. Les six pays des Balkans occidentaux sont
tous des pays cibles et ont reçu de la Banque un soutien plus important.
93. La CEB est un membre fondateur du Cadre d’investissement pour
les Balkans occidentaux, une plateforme commune de financement qui
soutient les investissements dans les infrastructures économiques, sociales
et environnementales dans la région
. Grâce à cet instrument, la CEB se
concentre sur le développement du capital humain et les infrastructures
sociales, comme dans les secteurs de l’éducation, du logement et
de la santé. L’amélioration des infrastructures sociales de la région
peut renforcer le capital humain et les fondements sociétaux nécessaires
pour parvenir à la croissance économique, la résilience et la compétitivité
à long terme. En outre, cela pourrait limiter la fuite des cerveaux
et améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes, en permettant
à une plus grande proportion de femmes de travailler et de s’émanciper financièrement.
4.4. Travaux
politiques
94. En dehors des domaines de la
coopération et du soutien financier, d’un point de vue politique,
le Conseil de l’Europe n'a pas d'approche régionale institutionnelle
et stratégique des Balkans occidentaux: ainsi, il n’y a jamais eu
de groupe spécifique de rapporteurs des délégués des ministres,
ni de plan d’action régional relatif aux Balkans occidentaux.
95. L’Assemblée est le seul organe du Conseil de l’Europe à avoir
étudié la région et ses difficultés dans leur ensemble, bien qu’à
intervalles non réguliers, notamment à travers les textes suivants:
96. S’agissant de la coopération interparlementaire, l’Assemblée
a organisé depuis 2017 trois séminaires parlementaires spécifiques
à chaque pays et a réuni à seulement deux occasions des parlementaires
de plusieurs pays de la région.
97. D’après moi, la nécessité de renforcer la capacité des Balkans
occidentaux à réaliser des progrès rapides et importants pour remplir
les critères d’adhésion à l’Union européenne exige un changement
de paradigme dans la façon dont le Conseil de l’Europe travaille
sur la région.
98. Premièrement, le Conseil de l’Europe ne devrait pas hésiter
à renforcer la perspective régionale dans ses travaux, car les défis
pour la région et les enjeux pour la sécurité démocratique de l’Europe
vont bien au‑delà d’une approche par pays. L’Assemblée pourrait
par exemple suivre en permanence les développements dans une perspective
régionale, notamment les difficultés communes, les menaces géopolitiques,
le règlement de litiges bilatéraux, tout en favorisant le dialogue
régional et soutenant les relations avec l’Union européenne. Des
rapports plus réguliers dressant le bilan des avancées liées à l’élargissement
de l’Union européenne seraient bienvenus.
99. Deuxièmement, le Conseil de l’Europe devrait renforcer le
partenariat stratégique avec l’Union européenne sur les Balkans
occidentaux, comme l’a déjà recommandé l’Assemblée dans ses textes
récents sur le renforcement du partenariat stratégique entre les
deux organisations
et
comme mentionné dans les conclusions du Conseil sur les priorités
de l'Union européenne pour sa coopération avec le Conseil de l'Europe 2020-2022
. La priorité
devrait être donnée aux travaux dans les domaines de l’État de droit
et de la bonne gouvernance – notamment, en priorité, en ce qui concerne
l’efficacité, l’indépendance et la responsabilité du système judiciaire,
la lutte contre la corruption, et la réforme des administrations
publiques. En effet, l’État de droit et la bonne gouvernance ne
sont pas seulement des chapitres importants de la procédure d’élargissement,
ils améliorent également la capacité des institutions à mener toute
réforme de manière efficace. Par ailleurs, l’Assemblée devrait s’efforcer
de mettre en place des initiatives communes avec le Parlement européen,
avec lequel les convergences d’intérêts concernant la région sont
devenues particulièrement fortes depuis le déclenchement par la
Fédération de Russie d’une guerre d’agression de grande ampleur
contre l’Ukraine.
100. Troisièmement, le Conseil de l’Europe devrait renforcer la
dimension politique de son engagement dans les Balkans occidentaux.
Pour ce faire, il pourrait prendre des initiatives visant à favoriser
un dialogue régional ou bilatéral, soutenir la mise en œuvre des
accords conclus grâce à la médiation de l’Union européenne ou aux
efforts de facilitation, et encourager les initiatives de la société
civile régionale, en particulier celles ayant trait à la réconciliation.
De son côté, l’Assemblée devrait être plus proactive et plus novatrice
lorsqu’elle propose des initiatives interparlementaires visant la
région. Elle pourrait jouer un rôle plus important pour améliorer
l’appropriation politique des réformes et renforcer la capacité
des parlements ainsi que la participation de la société civile à
la prise de décisions.
5. Conclusions
101. L’avenir des Balkans occidentaux,
une région dont la population ne compte que 17,6 millions d'habitants,
est dans l’Union européenne. C’est le souhait des pays de la région,
et c’est la même voie qui a été suivie par de nombreux autres États
européens qui ont rejoint l’OSCE et le Conseil de l’Europe après
la chute du mur de Berlin. Le succès du processus d’élargissement
est dans l’intérêt des pays des Balkans occidentaux et de l’Europe.
Les risques de son échec sont bien plus grands que les difficultés
à surmonter.
102. En 2003, à Thessalonique, lors du sommet entre les Balkans
occidentaux et l'Union européenne, un document historique a été
adopté, dans lequel l'Union européenne a réaffirmé son soutien sans
équivoque à la perspective européenne des Balkans occidentaux.
103. La perspective d’appartenance à une famille commune de valeurs
européennes a suscité l’enthousiasme et l’impulsion du changement
dans la région. La perspective de l’Union européenne a servi de catalyseur
pour résoudre certains problèmes et des progrès importants ont été
réalisés. L’accord de Prespa entre la Grèce et la Macédoine du Nord
en est un exemple. Il s’agissait d’un processus complexe pour les
deux parties, mais la perspective d’une coopération au sein d’une
famille européenne élargie a donné aux deux pays le levier politique
nécessaire pour faire ce saut difficile.
104. Depuis Thessalonique, l’engagement en faveur de l’élargissement
a été confirmé à maintes reprises au plus haut niveau, tant par
l’Union européenne que par les dirigeants politiques de la région.
Le temps écoulé depuis Thessalonique a toutefois affecté l’élan
politique et l’enthousiasme du public. Les études montrent qu’un
nombre croissant de personnes, en particulier parmi les jeunes,
pensent que la perspective de l’Union européenne ne se concrétisera
jamais. La vision européenne perd de son éclat. À sa place, le nationalisme a refait
surface.
105. Une tendance qui n’est pas exclusive aux Balkans, le sentiment
nationaliste et xénophobe se retrouve dans de nombreux coins de
l’Europe, sinon dans le monde, peut-être pour des raisons similaires:
l’échec de la coopération mondiale à traiter efficacement les questions
d’inégalité et de protection sociale, les mouvements de population,
les crises sanitaires et environnementales.
106. Dans les Balkans occidentaux, cependant, il y a une différence
importante. Les blessures d’un conflit sanglant sont fraîches et
peuvent facilement être ravivée si la rhétorique nationaliste extrême
prévaut dans la sphère publique. De plus, l’histoire des Balkans
a souvent été celle de guerres par procuration alimentant la division
ethnique, la dépendance à l’égard de pouvoirs protecteurs et la
faiblesse des institutions alimentant le clientélisme et la corruption.
Alors que les perspectives européennes semblent s’estomper, nous
observons une nouvelle géopolitique grandissante dans la région,
avec des tiers se disputant l’influence et accentuant les fractures
existantes. Cette tendance, en particulier suite aux conséquences
de la guerre en Ukraine, pourrait se renforcer dans la mesure où
les Balkans occidentaux, risquent de devenir un espace d’antagonismes géopolitiques
qui pourrait importer une déstabilisation dans l’Union européenne.
107. Il est temps pour l’Union européenne d’accélérer le processus
d’élargissement en relançant les négociations avec la Serbie et
le Monténégro, en les établissant avec l’Albanie et la Macédoine
du Nord, en accordant le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine
et en libéralisant les visas d’entrée pour le Kosovo. L’accent mis
sur cette région ne peut être laissé de côté, même si la nécessité
de soutenir les aspirations européennes d’autres pays, tels que
l’Ukraine, la Géorgie et la République de Moldova, s’est entre-temps manifestée.
108. Le Conseil de l’Europe peut jouer un rôle important dans ce
processus, car la méthodologie révisée de l’élargissement met l’accent
sur les domaines dans lesquels il dispose d’une expertise claire
et d’outils consolidés: la démocratie, l’État de droit et les droits
humains. À cette fin, elle devrait redoubler d’efforts pour aider
ses États membres qui souhaitent adhérer à l’Union européenne et
le Kosovo à réaliser des progrès tangibles et mesurables vers le
respect des critères nécessaires.
109. L’Assemblée peut apporter une contribution majeure en ravivant
l’espoir d’une perspective européenne pour les Balkans occidentaux
et en faisant pression en faveur de réformes et de relations de
bon voisinage dans la région, notamment en offrant une plateforme
supplémentaire pour le dialogue parlementaire.