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Rapport | Doc. 15780 | 05 juin 2023

Budgets et priorités du Conseil de l’Europe pour la période 2024-2027

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Rapporteure : Mme Ingjerd SCHOU, Norvège, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4740 du 26 mai 2023. 2023 - Troisième partie de session

Résumé

Dans le contexte de la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, le 4e Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe donne la priorité et l'orientation aux travaux de l'Organisation dans un environnement politique et multilatéral difficile et en évolution rapide.

L'Assemblée parlementaire approuve la Déclaration de Reykjavik qui, selon elle, devrait être au centre du programme et du budget de l'Organisation pour la période 2024-2027.

L’ampleur et l'ambition des priorités politiques fixées par les États membres lors du 4e Sommet nécessitent d'octroyer au Conseil de l'Europe les ressources correspondantes.

Par conséquent, l’Assemblée appelle les États membres à investir les ressources additionnelles nécessaires, au-delà de la croissance réelle zéro, pour permettre au Conseil de l’Europe d’atteindre les objectifs définis lors du Sommet et de répondre aux attentes des États membres et des citoyens.

Soutenant les initiatives de réforme en cours, y compris ses propres efforts pour la modernisation numérique, l'Assemblée est convaincue que la nécessité d'adapter les ressources à l'ambition devrait être au premier plan des discussions au sein du Comité des Ministres au cours du processus budgétaire 2024-2027.

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet
d’avis adopté à l’unanimité par la commission le 31 mai 2023.

(open)
1. L’avis de l’Assemblée parlementaire sur les budgets et les priorités du Conseil de l’Europe pour la période 2024-2027 a été préparé dans des conditions sans précédent. La guerre d’agression menée depuis le 24 février 2022 par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, État membre du Conseil de l’Europe, constitue une violation du droit international et une grave violation du Statut du Conseil de l’Europe (STE n°1), en particulier des principes énoncés à l’article 3.
2. En conséquence de cette guerre, la Fédération de Russie a été exclue du Conseil de l’Europe le 16 mars 2022, par une décision unanime du Comité des Ministres agissant en vertu de l’article 8 du Statut du Conseil de l’Europe et sur la base de l’Avis 300 de l’Assemblée, adopté à l’unanimité.
3. Le processus de programmation et de budgétisation 2024-2027 s’inscrit donc dans un contexte de transformations politiques, juridiques et internationales en Europe et au-delà. Ces transformations exigent un réexamen et une réaffirmation de la place et du rôle du Conseil de l’Europe dans l’architecture multilatérale européenne et mondiale d’aujourd’hui, et une nouvelle orientation de ses priorités politiques et budgétaires.
4. Dans ce contexte, l’Assemblée s’est félicitée du 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe tenu à Reykjavik les 16 et 17 mai 2023. Elle exprime son appréciation pour l’engagement politique des États membres du Conseil de l’Europe, dont témoignent la participation au plus haut niveau de leurs dirigeants au Sommet et l’adoption de la Déclaration de Reykjavik.
5. L’Assemblée souscrit à la Déclaration de Reykjavik et à ses annexes, qui définissent les priorités et les orientations des travaux du Conseil de l’Europe. Elle se félicite du réengagement des États membres en faveur des valeurs fondamentales inscrites dans le Statut du Conseil de l’Europe: la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit.
6. L’Assemblée réaffirme l’importance de l’engagement des États membres à l’égard de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et de leur respect de l’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme, dont ils sont tenus d’exécuter les arrêts. La surveillance de la mise en œuvre des arrêts de la Cour doit rester l’une des priorités majeures du Conseil de l’Europe pour la prochaine période quadriennale de programmation et de budgétisation. Pour sa part, l’Assemblée continuera à renforcer la dimension parlementaire de la mise en œuvre des arrêts, notamment par le biais du dialogue politique à haut niveau et de ses rapports thématiques réguliers.
7. L’Assemblée se tient aux côtés des dirigeants des États membres du Conseil de l’Europe, unis pour soutenir l’Ukraine et pour faire rendre des comptes pour les crimes commis contre un État membre. Elle se félicite de la mise en place d’un Accord partiel élargi sur le Registre des dommages et appelle tous les États membres et observateurs, ainsi que tout autre État éligible selon le statut du Registre, à se joindre à ce dernier en tant que Participant ou Membre associé. Dans le même temps, l’Assemblée estime qu’il importe de poursuivre les efforts visant à prévenir l’impunité et à garantir l’obligation de rendre des comptes, notamment par la création d’un tribunal international ad hoc ainsi que le recommande la Résolution 2482 (2023).
8. Il convient d’accorder une attention particulière à la situation des enfants ukrainiens, conformément à la Déclaration adoptée lors du 4e Sommet, et à la libération des civils, en particulier des enfants, transférés de force ou déportés illégalement sur le territoire de la Fédération de Russie ou dans les zones sous son occupation ou son contrôle temporaires, conformément à la Résolution 2495 (2023) et à la Recommandation 2253 (2023) de l’Assemblée.
9. De même, l’Assemblée appuie l’engagement du Conseil de l’Europe en faveur d’un soutien concret, tangible et ciblé à l’Ukraine au moyen du Plan d’action «Résilience, relance et reconstruction» 2023-2026. Pour sa part, elle continuera à soutenir la Verkhovna Rada dans le respect des obligations statutaires de l’Ukraine et fournira des services d’expertise et organisera des échanges entre pairs avec les parlementaires. Elle appelle les gouvernements et les parlements des États membres à soutenir ces activités de coopération en fournissant des ressources extrabudgétaires supplémentaires.
10. L’Assemblée se félicite de l’engagement des États membres à renforcer la démocratie et la bonne gouvernance à tous les niveaux, ainsi qu’à lutter contre le recul démocratique. Elle s’engage à accompagner les États membres dans la mise en œuvre des principes démocratiques de Reykjavik. L’Assemblée estime en outre que, parmi les priorités politiques du prochain cycle quadriennal, il convient de poursuivre les efforts en matière d’alerte précoce et de réaction rapide, et d’apporter un soutien pertinent et ciblé aux États membres.
11. Dans son soutien à un engagement plus actif auprès des acteurs de la société civile et de la démocratie, l’Assemblée souligne la nécessité d’investir davantage dans la collaboration avec les défenseurs des droits de l’homme, les forces démocratiques, la société civile indépendante et les médias libres du Bélarus et de la Fédération de Russie, qui se battent pour les valeurs et les principes de l’Organisation et notamment pour l’intégrité territoriale des États membres souverains. De même, l’Assemblée estime que renforcer la perspective des jeunes dans les activités du Conseil de l’Europe devrait constituer une priorité absolue en tant que moyen de revitaliser la démocratie et d’encourager la participation de la jeunesse aux processus démocratiques et politiques.
12. Répondre aux défis nouveaux et émergents pour les droits de l’homme devrait également figurer parmi les priorités de l’Organisation au cours du cycle de programmation et de budgétisation 2024-2027. Il importe d’accorder une attention particulière aux initiatives, notamment le renforcement du cadre juridique pertinent, visant à faire respecter, en tant que droit de l’homme, le droit de vivre dans un environnement propre, sûr, sain et durable. Le Conseil de l’Europe soutient également l’engagement du Sommet de lancer le processus de Reykjavik et se réjouit d’y contribuer. Les aspects juridiques et relatifs aux droits de l’homme de l’utilisation de l’intelligence artificielle et des technologies numériques émergentes devraient rester au cœur de l’agenda de l’Organisation, en vue notamment de finaliser la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle.
13. La lutte contre les inégalités et les discriminations ainsi que la défense de l’égalité entre les femmes et les hommes – qui inclut la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la promotion de la ratification et de la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n°210, “Convention d’Istanbul”) – doivent rester au premier plan de l’agenda du Conseil de l’Europe. Parallèlement à ses travaux sur ce thème, l’Assemblée s’engage à renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans ses propres structures et ses modalités de travail.
14. Le Conseil de l’Europe doit continuer à jouer le rôle de pilier régional de l’Organisation des Nations Unies. Dans cette optique, il appuiera la réalisation des Objectifs de développement durable en les intégrant à l’ensemble de ses activités. Le Conseil de l’Europe se félicite de l’engagement du Sommet à renforcer le partenariat institutionnel avec l’Union européenne et appelle à l’achèvement rapide du processus d’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.
15. Compte tenu de l’ampleur et de l’ambition des priorités définies par les dirigeants des États membres lors du 4e Sommet, il est clair que le Conseil de l’Europe devrait bénéficier de ressources correspondant au niveau de l’ambition politique que les États membres nourrissent à l’égard de l’Organisation. Pour concrétiser les résultats du Sommet, il ne suffit pas d’adopter une perspective budgétaire de croissance réelle zéro, mais bien d’augmenter le niveau des ressources. La durabilité de l’action du Conseil de l’Europe nécessite un engagement et un investissement indéfectibles de la part des États membres en matière de contributions financières.
16. Par conséquent, l’Assemblée appelle les États membres à investir les ressources additionnelles nécessaires pour permettre à l’Organisation d’atteindre les objectifs définis lors du Sommet. Elle est convaincue que la nécessité d’adapter les ressources aux ambitions restera au premier plan des discussions du Comité des Ministres au cours du processus budgétaire 2024-2027.
17. L’Assemblée salue tous les efforts déployés ces dernières années pour moderniser et réformer les méthodes de travail et la gouvernance du Conseil de l’Europe, sous la conduite du Comité des Ministres, de la Secrétaire Générale et du Secrétaire Général adjoint, notamment l’introduction de la Stratégie de gestion axée sur les résultats ainsi que la mise en œuvre de la Stratégie des ressources humaines. Elle se félicite de l’approbation par le Comité des Ministres du Schéma directeur immobilier qui prévoit, entre autres, la rénovation et la modernisation de l’hémicycle de l’Assemblée en 2023-2024.
18. L’Assemblée rappelle ses propres initiatives pour moderniser ses outils et méthodes de travail, tels que le recours à l’application pace-apps qui, s’inscrivant dans le cadre de l’action globale pour l’environnement, permettra de réduire au maximum l’usage du papier – et partant, les coûts et l’empreinte carbone de l’Assemblée et du Conseil de l’Europe. La modernisation numérique continuera donc de figurer en bonne place sur la liste des priorités de l’Assemblée au cours de la période de programmation et de budgétisation 2024-2027, de même que les efforts en matière de gestion des ressources humaines et budgétaires qui s’inspireront des bonnes pratiques, conformément aux réformes mises en place dans l’ensemble de l’Organisation.

B. Exposé des motifs, par Mme Ingjerd Schou, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. S’appuyant sur le Cadre stratégique du Conseil de l’Europe adopté lors de la 131e session du Comité des Ministres (Hambourg, 21 mai 2021), le Comité des Ministres a adopté le programme et le budget du Conseil de l’Europe pour la période 2022-2025.
2. Le 16 mars 2022, par une décision unanime et sur la base d’un avis statutaire de l’Assemblée parlementaire adopté à l’unanimité, le Comité des Ministres a décidé d’exclure la Fédération de Russie de l’Organisation pour violation grave du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1), en particulier de son article 3.
3. La guerre d’agression contre l’Ukraine et ses conséquences (y compris l’exclusion de la Fédération de Russie) affectent le Conseil de l’Europe et le contexte dans lequel l’Organisation mène son action.
4. La préparation du présent rapport intervient alors que l’Organisation est appelée à ajuster ses priorités et ses activités, notamment pour apporter un soutien à l’Ukraine face à la guerre d’agression de la Fédération de Russie, pour aider les États membres à faire face aux conséquences de la guerre et pour redéfinir la place du Conseil de l’Europe dans la nouvelle architecture multilatérale européenne et mondiale en rapide évolution.
5. Le 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe auquel ont participé au plus haut niveau pratiquement tous les États membres, a démontré la volonté de nos dirigeants politiques de donner une nouvelle priorité et une nouvelle orientation aux travaux du Conseil de l’Europe. Pour cette raison, je me concentrerai sur les priorités et les mesures contenues dans la Déclaration de Reykjavik et ses annexes qui, à mes yeux, doivent maintenant servir de ligne directrice pour le développement des activités de l’Organisation au cours du prochain cycle quadriennal de programmation et de budgétisation 2024-2027.

2. Réponse programmatique et budgétaire à la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine

6. En réaction à la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et à l’exclusion subséquente de la Fédération de Russie, le Comité des Ministres et la Secrétaire Générale, en étroite collaboration avec l’Assemblée, ont pris un certain nombre de décisions et de mesures de nature budgétaire, financière et programmatique pour s’adapter à cette situation sans précédent.
7. Tout d’abord, lors de sa 132e session (à Turin, Italie, le 20 mai 2022), le Comité des Ministres a adopté les «Ajustements prioritaires du Plan d’action du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine 2018-2022», visant à aider l’Ukraine et son peuple à faire face aux défis et aux conséquences de la guerre d’agression de la Fédération de Russie. Un nouveau Plan d’action du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine «Résilience, relance et reconstruction» 2023-2026 a été adopté en décembre 2022.
8. Deuxièmement, le Comité des Ministres a décidé de garantir collectivement les ressources financières nécessaires pour combler le déficit du budget 2022 suite à l’exclusion de la Fédération de Russie. L'expulsion s'est traduite par des économies directes (environ 600 000 €), tout en laissant un vide de 27,4 millions €; le déficit a été partagé entre les États membres, ce qui a entraîné une augmentation de leurs contributions 
			(2) 
			En
ce qui concerne le budget 2022 de l'Assemblée, l'expulsion a généré
des économies immédiates de plus de 300 000 € correspondant principalement
à la suppression du russe comme langue de travail. Dans le même
temps, l'Assemblée a engagé des frais supplémentaires d'un montant
de 198 000 € correspondant à la tenue de la Session extraordinaire.
Ces coûts supplémentaires ont été compensés par le budget général
du Conseil de l'Europe.. Le Comité des Ministres a également examiné la situation pour 2023 afin d’adapter le budget comme il convient. Ainsi, les décisions et résolutions budgétaires requises ont été adoptées le 16 novembre 2022. Cette approche a permis de préserver les activités prévues par le Conseil de l'Europe, tout en les renforçant davantage dans des domaines clés (en particulier, apporter un soutien à l'Ukraine et faire face aux conséquences de la guerre).
9. Troisièmement, le Comité des Ministres est convenu d’adopter une perspective à plus long terme sur le rôle du Conseil de l’Europe dans ce nouveau contexte et d’en tenir compte dans un nouveau programme pour 2024 et au-delà. L'objectif est d'établir le rôle stratégique à long terme de l'Organisation pour 2024 et au-delà et de recentrer ses activités dans le paysage géopolitique qui a fondamentalement changé.
10. À cet égard, la décision du Comité des Ministres d’organiser le 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement est significative. Comme nous le verrons plus loin, la Déclaration de Reykjavik donne une priorité et une orientation supplémentaires aux travaux du Conseil de l’Europe, qui seront désormais exprimées dans les priorités programmatiques et budgétaires pertinentes.

3. Programme et budget 2022-2025 du Conseil de l’Europe, tels qu’ajustés en 2023

11. Le programme et le budget 2022-2025 du Conseil de l’Europe, tel qu’ajusté en 2023, s’élève à 479 millions €. Ce montant global comprend le budget ordinaire de l’Organisation (264 millions €) ainsi que les budgets des Accords partiels, des contributions volontaires et des programmes conjoints finançant des activités de coopération.
12. L’exclusion de la Fédération de Russie et, en conséquence, la cessation de sa qualité de membre, ont eu un effet direct sur le programme et le budget 2022-2025. Parmi les conséquences financières directes, je voudrais souligner la réduction du nombre de membres à l’Assemblée et au Congrès (une délégation en moins) ainsi que dans les comités intergouvernementaux (un membre en moins dans chaque comité), la suppression du russe comme langue de travail, l’annulation de toutes les activités de coopération prévues dans la Fédération de Russie ainsi que la fermeture du Bureau de coopération du Conseil de l’Europe à Moscou. Le budget des Accords partiels du Conseil de l’Europe dont la Fédération de Russie était membre a également été réduit en conséquence.
13. Il est important de noter que, tout en faisant face aux conséquences immédiates de la cessation de l’adhésion de la Fédération de Russie, le Conseil de l’Europe est intervenu pour apporter tout son soutien à l’Ukraine dans le cadre de ses attributions. Le Plan d’action pour l’Ukraine 2018-2022 a été adapté aux nouveaux besoins prioritaires. Parallèlement, un nouveau Plan d’action 2023-2026 a été élaboré pour couvrir les nouveaux besoins induits par la guerre de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
14. J’ajouterai que la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe a apporté rapidement un soutien pratique aux membres du personnel du Bureau du Conseil de l’Europe à Kiev au lendemain de l’attaque, en aidant les agents et les membres et leurs familles qui souhaitaient quitter le pays. Beaucoup ont été temporairement transférés à Budapest et à Strasbourg, avec un premier logement dans les Centres européens de la jeunesse. Toutes ces mesures ont permis de maintenir la continuité du soutien et de la coopération du Conseil de l’Europe avec l’Ukraine.

4. Le 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement

15. En 2017 déjà, dans sa Recommandation 2113 (2017), l’Assemblée avait appelé le Comité des Ministres à convoquer un 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe. Face à la guerre menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine, la nécessité d’un 4e Sommet est devenue une évidence. Dans sa Recommandation 2245 (2023) «Le Sommet de Reykjavik du Conseil de l’Europe – Unis autour de valeurs face à des défis extraordinaires», l’Assemblée a présenté sa propre vision des résultats du Sommet et des propositions concrètes.
16. Je félicite les présidences respectives du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui ont joué un rôle majeur et facilité la convocation du Sommet et ses préparatifs. De même, je souligne le rôle de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe dans la préparation du Sommet, notamment par l’intermédiaire du Groupe de réflexion de haut niveau dont la contribution a alimenté le rapport de l’Assemblée sur le 4e Sommet préparé par Fiona O’Loughlin.

5. La Déclaration de Reykjavik

17. La Déclaration de Reykjavik a été adoptée à l’unanimité par les chefs d’État et de gouvernement participant au 4e Sommet, ce qui démontre l’engagement politique des dirigeants des 46 États membres du Conseil de l’Europe pour réaffirmer leur unité autour des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe et leur volonté de donner une nouvelle orientation politique à notre Organisation pour qu’elle joue un rôle important dans l'architecture multilatérale du paysage géopolitique d'aujourd'hui.
18. L’Assemblée peut, à mon avis, se joindre à cet élan en approuvant la Déclaration de Reykjavik et ses annexes, qui définissent les priorités et les mesures concrètes à prendre pour façonner les activités de l’Organisation pour le prochain cycle de programmation et de budgétisation.
19. Les éléments contenus dans la Déclaration et ses annexes correspondent à la vision de l’Assemblée sur les priorités de l’Organisation et je suis convaincue que notre travail a joué un rôle moteur dans l'élaboration de ces résultats.
20. En particulier, l’Assemblée devrait se féliciter de la mise en place de l’Accord partiel élargi sur le Registre des dommages, qui représente le premier mécanisme juridique international concret pour traiter les conséquences juridiques de la guerre d’agression. Elle devrait appeler tous les États membres et observateurs, ainsi que tout autre État éligible en vertu du statut du Registre, à se joindre à ce dernier en tant que Participant ou Membre associé. Elle devrait également soutenir les efforts du Conseil de l’Europe pour apporter un soutien ciblé à l’Ukraine par le biais du Plan d’action «Résilience, relance et reconstruction» 2023-2026.
21. L’Assemblée souscrira certainement à l’accent mis par le Sommet sur la mise en œuvre intégrale et dans les délais des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, qui constitue après tout une obligation contraignante et inconditionnelle des États membres en vertu du droit international. Dans ce contexte, l’Assemblée peut continuer à accroître ses efforts pour assurer la dimension parlementaire de la mise en œuvre des arrêts, notamment par le biais du dialogue politique à haut niveau et de ses rapports thématiques réguliers.
22. Les initiatives visant à renforcer et protéger la démocratie et la bonne gouvernance à tous les niveaux, avec l’obligation de lutter contre leur recul, doivent figurer parmi les toutes premières priorités du Conseil de l’Europe au cours du prochain cycle quadriennal de programmation et de budgétisation. Il n’est pas ici uniquement question d’accomplir une «mission centrale», mais également de se doter d’un mécanisme d’alerte précoce et de réaction rapide, afin de détecter et de contrecarrer les tendances autoritaires et de prévenir les situations conflictuelles. L’Assemblée peut donc approuver les initiatives des États membres visant à mettre en œuvre les principes démocratiques de Reykjavik. En particulier, le renforcement des institutions du Conseil de l’Europe contribuant à la défense de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit, notamment le Commissaire aux droits de l’homme et la Commission de Venise, doit être une priorité absolue.
23. La coopération avec la société civile et les acteurs de la démocratie renforcera et complétera les activités visant à soutenir la démocratie et à lutter contre le recul démocratique. Dans ce contexte, il est important de trouver des moyens d’entretenir des contacts et d’apporter un soutien à la société civile, aux défenseurs des droits de l’homme, à l’opposition démocratique et aux médias libres au Belarus et dans la Fédération de Russie, en respectant les valeurs et les principes de l’Organisation, notamment l’intégrité territoriale des États membres souverains. L'Assemblée dispose déjà d'une bonne assise à cet égard.
24. Promouvoir la «perspective jeunesse» dans les travaux du Conseil de l’Europe apparaît essentiel et devrait être une priorité au cours du cycle de programmation et budgétisation 2024-2027 pour revitaliser la démocratie et encourager la participation des jeunes aux processus démocratiques et politiques.
25. Je me félicite que la Déclaration de Reykjavik mette l’accent sur le rôle pionnier que joue le Conseil de l’Europe en matière de réponse aux défis nouveaux et émergents pour les droits de l’homme.
26. L'Assemblée a été un chef de file en appelant à affirmer et à défendre le droit de vivre dans un environnement propre, sûr, sain et durable. Dans ce domaine, l’Assemblée peut maintenant saluer l’engagement de révision et de développement du cadre juridique existant, et contribuer à ce processus, notamment par le travail de son réseau parlementaire sur ce sujet.
27. En ce qui concerne les aspects juridiques et les droits de l’homme de l’utilisation de l’intelligence artificielle et des technologies numériques émergentes, l’Assemblée peut se féliciter de l’appel du Sommet à finaliser, en priorité, la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’intelligence artificielle. L’Assemblée, pour sa part, devrait suivre ces travaux, en s’appuyant sur ses résolutions et recommandations pertinentes, relatives à divers aspects et dimensions de l’utilisation de l’intelligence artificielle, qui pourraient fournir des orientations et des informations utiles pour les travaux intergouvernementaux.
28. La lutte contre les inégalités et la discrimination, ainsi que la défense de l’égalité entre les femmes et les hommes – qui inclut la lutte contre la violence à l’égard des femmes, doivent rester au cœur de l’action du Conseil de l’Europe au cours du cycle de programmation et de budgétisation 2024-2027. L’Assemblée devrait se féliciter de l’engagement renouvelé dans le renforcement des travaux dans ce domaine et peut poursuivre sa propre approche pionnière en la matière, tant dans ses activités qu’en veillant à ce que son propre Règlement, ses structures et ses méthodes de travail respectent dûment les bonnes pratiques en matière d’égalité des genres.
29. En ce qui concerne la place du Conseil de l’Europe dans l’architecture multilatérale de l’Europe et la gouvernance mondiale, la nouvelle situation géopolitique appelle à des liens encore plus étroits. L’Assemblée peut donc encourager le renforcement de la coopération de l’Organisation avec les organisations internationales partenaires mondiales et régionales, notamment les Nations Unies et en particulier dans le domaine de la mise en œuvre des Objectifs de développement durable, qui devraient être intégrés dans toutes les activités du Conseil de l’Europe. Une telle coopération avec d'autres organes internationaux aux niveaux régional et mondial, en mettant l'accent sur la dimension parlementaire, peut être encore renforcée par les propres activités de l'Assemblée.
30. Le partenariat avec l’Union européenne devrait être encore amélioré et renforcé en termes de dialogue politique et de coopération, notamment par le biais de programmes conjoints. Dans ce contexte, l’Assemblée appelle à l’achèvement rapide du processus d’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5).
31. Ce qui précède me convainc que la Déclaration de Reykjavik et ses annexes représentent une voie politique forte à suivre pour l’Organisation; elles identifient des bases fermes pour des mesures et des activités spécifiques qui devraient façonner l’agenda de l’Organisation pour la prochaine période quadriennale.
32. Cela dit, si l’on se base sur la vision de l’Assemblée sur les résultats du 4e Sommet, il y a lieu, je crois, de souligner quelques éléments supplémentaires qui compléteront et renforceront les «objectifs de Reykjavik».
33. En premier lieu, conformément à la position claire et répétée de l’Assemblée, je pense qu’il faut redoubler d’efforts au niveau international pour empêcher l’impunité du crime d’agression, ainsi que des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des graves violations des droits de l’homme commis par les dirigeants russes et ceux qui sont sous leur commandement pendant la guerre d’agression contre l’Ukraine. Dans ce contexte, je réitère que la création d’un tribunal international ad hoc, comme le recommande notamment la Résolution 2482 (2023), devrait rester dans notre programme et que le Conseil de l’Europe devrait contribuer à ce processus, notamment en lui apportant un soutien politique et une expertise juridique ainsi qu’en matière de droits de l’homme.
34. En deuxième lieu, je pense que le Conseil de l’Europe devrait montrer de l’ambition pour travailler à développer la «nouvelle génération» de droits, ou plutôt les droits d'une nouvelle génération, comme cela a été dit lors de la Commission permanente à Reykjavik. Nous devons en particulier ne pas perdre de temps face à l’urgence environnementale. Permettez-moi de rappeler la série de rapports, de résolutions et de recommandations de l’Assemblée dans ce domaine qui contiennent une foule d'idées et de propositions visant à renforcer le cadre juridique existant et à améliorer les mesures politiques. Leur mise en œuvre pourrait encore renforcer l'action du Conseil de l'Europe dans ce domaine.
35. En troisième lieu, en ce qui concerne la lutte contre le recul de la démocratie, nous devons investir dans l’identification de mécanismes de réaction rapide et d’alerte précoce, afin d’anticiper les situations de crise et de prévenir les conflits par le biais du dialogue politique et d’une coopération ciblée. La diplomatie parlementaire me semble un outil adéquat pour y parvenir et, pour sa part, l’Assemblée peut donc compléter et soutenir les efforts des États membres dans ce domaine par le biais de la coopération interparlementaire.

6. La voie à suivre: la mise en œuvre des «objectifs de Reykjavik»

36. En adoptant à l'unanimité la Déclaration de Reykjavik, avec une participation au Sommet au plus haut niveau, les dirigeants de nos États membres ont donné à notre Organisation un nouvel élan et un agenda ciblé pour ses priorités politiques. Cette dynamique doit maintenant passer logiquement à l'étape suivante, en veillant à ce que les ressources nécessaires soient allouées et en consolidant et renforçant davantage la viabilité financière de l'Organisation.
37. Il est vrai que tous nos États membres et nos citoyens sont confrontés à une situation difficile et à des contraintes économiques. Dans le même temps, seul un investissement solide dans notre sécurité démocratique et dans nos valeurs fondamentales permettra à l'Europe de surmonter cette crise à moyen et long terme. Je crois que les États membres ont reconnu l'importance d'un tel investissement dans la Déclaration de Reykjavik, et que cela doit maintenant être suivi dans les discussions sur le programme et budget. À mon avis, une perspective budgétaire de croissance réelle zéro est l'exigence minimale; la stabilité et la viabilité financières de l'Organisation, ainsi que la bonne mise en œuvre de l'ambition de Reykjavik, en appellent davantage.
38. La pérennité exige une hiérarchisation, une utilisation optimale des ressources et des investissements. Je crois que les deux premiers impératifs sont en bonne voie, à travers le processus de Reykjavik et à travers les différentes réformes qui ont été mises en place au cours de la dernière décennie. Le troisième, l'investissement, est désormais l'enjeu du processus de programmation et de budgétisation.
39. Je salue le fait que, depuis le déclenchement de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, les États membres ont déjà intensifié leur effort financier en faveur de l’Organisation, en particulier en comblant le déficit du budget 2022-2023 du Conseil de l’Europe à la suite de l’exclusion de la Fédération de Russie. Leur engagement visant à apporter un soutien ciblé à l’Ukraine, notamment par le biais du Plan d’action 2023-2026, est également louable.
40. Passons maintenant aux étapes suivantes.
41. Un Conseil de l’Europe plus ambitieux, plus réactif et plus efficace, plus résilient et plus durable, y compris face à la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, nécessite l’investissement de ressources supplémentaires de la part des États membres.
42. Je suis convaincue que, dans le cadre du programme et du processus budgétaire 2024-2027, le Comité des Ministres fera preuve de sagesse en veillant à ce que les ressources de l'Organisation soient à la hauteur de l'engagement des États membres, comme l'a démontré le 4e Sommet. Les événements de ces dernières années ont servi à nous rappeler que les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit ne peuvent être tenus pour acquis et que nous devons y investir pour la stabilité démocratique sur notre continent et au-delà.
43. Je pense que les efforts de réforme de l’Organisation, menés par la Secrétaire Générale et le Secrétaire Général adjoint, devraient être poursuivis et menés à bien au cours du cycle de programmation et de budgétisation 2024-2027.
44. Je me félicite donc de l’introduction de la stratégie de gestion axée sur les résultats au Conseil de l’Europe, qui devrait permettre à l’Organisation de mettre en œuvre une approche programmatique et budgétaire plus intégrée, axée sur les résultats et l’impact, et apte à garantir une utilisation efficace des ressources pour atteindre les objectifs fixés.
45. De même, je me félicite de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie en matière de ressources humaines, qui donnera à l’Organisation la souplesse de gestion nécessaire, tout en lui permettant de recruter et de conserver un personnel compétent et motivé.
46. Je me félicite de l’approbation par le Comité des Ministres du Schéma directeur immobilier qui prévoit, entre autres, la rénovation et la modernisation de l’hémicycle jusqu’en 2023-2024. Il s’agit d’un projet d’investissement important, qui a été retardé pendant trop longtemps, notamment en raison de la pandémie de covid. Les travaux ont commencé en février 2023 et l’achèvement du projet est prévu avant la session d’avril 2024 de l’Assemblée. Ils devraient permettre de moderniser l’équipement de l’hémicycle (notamment l’équipement informatique et multimédia et le système de vote) et de mettre à niveau les normes de sécurité et d’accessibilité, conformément aux exigences de la législation nationale pertinente de l’État hôte.
47. J’aimerais pour finir rappeler les efforts de réforme et de modernisation déployés par l’Assemblée elle-même. Depuis 2021, l’Assemblée a lancé un projet pour moderniser ses procédures et ses méthodes de travail, notamment par le biais de l’application en ligne pace-apps, qui permet de réduire au maximum l’usage du papier. L’utilisation de nouveaux outils en ligne facilite l’accès des membres aux procédures et aux documents de l’Assemblée; elle a également permis de réaliser des économies budgétaires, notamment sur les frais d’impression et de production de documents et de réduire ainsi l’empreinte carbone de l’Assemblée – et du Conseil de l’Europe – dans le cadre de l’action globale en faveur de l’environnement.
48. Les bonnes pratiques ainsi développées par le Secrétariat de l’Assemblée pourraient être partagées avec d’autres secteurs du Secrétariat du Conseil de l’Europe dans un effort de mise en commun de l’expertise et du savoir-faire, afin de poursuivre la construction d’un Conseil de l’Europe plus moderne et plus efficace, correspondant à l’ambition politique des États membres, et qui soit à la hauteur des défis auxquels les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit sont confrontés dans l’Europe d’aujourd’hui.
49. J’espère que le Comité des Ministres prendra dûment en considération les propositions contenues dans le présent Avis et son exposé des motifs. Après l’adoption du présent projet d’Avis par l’Assemblée, conformément à la pratique établie, je me réjouis de procéder à un échange de vues avec le Groupe de rapporteurs des Délégués des Ministres sur le programme et le budget, afin de fournir des explications supplémentaires sur la vision de l’Assemblée concernant les priorités du programme et du budget du Conseil de l’Europe pour la période 2024-2027.