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Rapport | Doc. 15880 | 11 décembre 2023

Allégations de torture systémique et de peines ou traitements inhumains ou dégradants dans les lieux de détention en Europe

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Constantinos EFSTATHIOU, Chypre, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15420, Renvoi 4626 du 24 janvier 2022. 2024 - Première partie de session

Résumé

La torture et les mauvais traitements sont toujours présents dans les lieux de détention en Europe. Il existe un décalage manifeste entre l'interdiction absolue de cette pratique inacceptable et la réalité sur le terrain. Le Comité des Ministres et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) ont fait état de l'existence de problèmes structurels de longue date ou du caractère systémique ou généralisé de ce problème dans certains États.

Des informations crédibles qui indiquent une tendance à la systématisation et/ou à la généralisation de la torture et d'autres formes de mauvais traitements dans des États tels que la Fédération de Russie, l'Azerbaïdjan et la Türkiye sont alarmantes. Il importe que l'Assemblée parlementaire demande instamment à ces pays de s'attaquer aux causes profondes du problème, de procéder à des réformes systémiques et de veiller à ce que les auteurs de ces pratiques répondent de leurs actes.

L'Assemblée devrait également proposer une série de recommandations à tous les États membres, en vue de prévenir et d'éliminer la torture et les mauvais traitements et de faire de l'Europe un espace exempt de torture. Il s'agit notamment de revoir la législation nationale afin de prévoir des sanctions appropriées, de supprimer les délais de prescription, de garantir l'accès aux garanties procédurales fondamentales dès le début de la détention et de procéder à l'enregistrement vidéo des interrogatoires. Les États parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126) devraient accepter par avance la publication automatique des rapports du CPT en règle générale et assurer le suivi de ses recommandations.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 21 juin 2023.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire note que l’interdiction absolue de la torture et d’autres formes de mauvais traitements a été codifiée dans de nombreux instruments juridiques universels, régionaux et nationaux, notamment des normes constitutionnelles. Cette interdiction est également reconnue en droit international coutumier et, en ce qui concerne la torture, a la qualité de jus cogens. Il s’agit d’une norme à laquelle aucune dérogation n’est autorisée, quelles que soient les circonstances, y compris en cas de guerre ou en cas d’autre danger public, ou dans les circonstances les plus difficiles comme la lutte contre le terrorisme. En outre, il convient de rappeler que la torture, lorsqu’elle est commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile, peut aussi, lorsqu’il y a connaissance de cette attaque, donner lieu à une responsabilité pénale individuelle pour crime contre l’humanité.
2. Comme le rappelle la Déclaration de Reykjavik «Unis autour de nos valeurs», adoptée par les chefs d’État et de gouvernement lors du 4e Sommet du Conseil de l’Europe (Reykjavik, 16-17 mai 2023), le Conseil de l’Europe doit veiller au respect de l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»), qui prévoit une interdiction absolue de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, consacre l’une des valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (la «Cour»). C’est une valeur de civilisation étroitement liée au respect de la dignité humaine, qui se trouve au cœur même de la Convention. Les personnes en détention sont en situation de vulnérabilité et il incombe aux États de protéger leur bien-être physique et de rendre compte des lésions subies.
3. Rappelant sa Résolution 2160 (2017) «25 ans de CPT: progrès accomplis et améliorations à apporter», l’Assemblée salue l’action remarquable du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), qui a permis d’importantes améliorations dans les États parties. Bien qu’il incombe aux États parties de mettre en œuvre les recommandations du CPT, ce dernier mérite le soutien politique le plus résolu d’autres organes, notamment l’Assemblée elle-même et le Comité des Ministres. En conséquence, l’Assemblée continuera à renforcer son dialogue avec le CPT et à réaffirmer son soutien politique en réagissant de manière appropriée aux déclarations publiques du CPT et en prêtant une plus grande attention à ses rapports et recommandations.
4. Toutefois, l’Assemblée note que la torture et les mauvais traitements sont toujours présents dans les lieux de détention à travers le monde, y compris dans les États membres du Conseil de l’Europe et les États parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126, «Convention CPT»). Il existe un décalage manifeste entre l’interdiction absolue de cette pratique inacceptable et la réalité sur le terrain. La culture de l’impunité à l’égard de la torture et des mauvais traitements permet aux acteurs étatiques de manquer de façon répétée à leurs obligations internationales. Le Comité des Ministres, dans le cadre de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour, a considéré que certaines affaires contre certains États membres pour des violations de l’article 3 de la Convention soulevaient des problèmes structurels de longue date et les examine donc dans le cadre de la procédure dite de «surveillance soutenue». Au cours des deux dernières années (2021 et 2022), les affaires relatives à des mauvais traitements infligés par des agents de l’État et/ou à l’absence d’enquête sur ces allégations ont représenté 12 % de toutes les affaires de référence de cette procédure, ce qui en faisait la catégorie la plus importante d’affaires placées sous ce type de surveillance.
5. Dans l’exercice de son mandat, le CPT continue d’être confronté à des cas de mauvais traitements policiers, dans diverses circonstances et qui concernent différents services rattachés aux forces de l’ordre, dans un certain nombre d’États parties. Il continue également de recevoir des allégations crédibles de mauvais traitements physiques infligés délibérément par des membres du personnel dans des établissements pénitentiaires, souvent dans un but punitif. Dans certains cas, les mauvais traitements allégués pourraient être qualifiés d’actes de torture. Le CPT a parfois évoqué dans ses rapports la nature systémique ou généralisée du problème, voire l’existence d’une véritable tendance, dans certains États. Ce phénomène est particulièrement inquiétant et indique que ces États ne mettent pas correctement en œuvre les recommandations du CPT, qu’ils violent de manière répétée l’article 3 de la Convention et ne prennent pas les mesures générales requises pour éliminer les causes profondes du problème. Si de nombreux États ont intégré la Convention et les normes du CPT dans leur législation, l’application pratique de ces garanties reste problématique.
6. L’Assemblée s’inquiète au plus haut point des rapports crédibles qui laissent entendre que la torture et d’autres formes de mauvais traitements sont utilisés de manière systémique et/ou généralisée dans des États tels que la Fédération de Russie, l’Azerbaïdjan et la Türkiye.
6.1. En ce qui concerne la Fédération de Russie, l’Assemblée salue le travail de l’organisation de défense des droits de l’homme Gulagu.net, qui a publié des centaines de vidéos et de photos de torture et de mauvais traitements dans les prisons russes, souvent divulguées par d’anciens détenus et agents pénitentiaires, dont certains ont dû fuir la Fédération de Russie par crainte de persécution. L’Assemblée est particulièrement frappée par le nombre et la gravité des cas de viols et d’autres formes de mauvais traitements infligés à des détenus masculins dans un hôpital pénitentiaire à Saratov, un cas qui illustre comment des vidéos de torture et de viol ont été utilisées par les agents d’un pénitencier fédéral pour faire du chantage aux détenus ou les contraindre à devenir des agents informels de la prison, voire à torturer eux-mêmes d’autres détenus – un phénomène connu sous le nom de «convoyeurs de torture». Ces révélations ont conduit à des révocations et à des poursuites pénales engagées à l’encontre de certains responsables des institutions concernées, et à la reconnaissance par les autorités de la nécessité de prendre des mesures systémiques pour changer la situation.
6.2. L’Assemblée est également très préoccupée par les rapports sur l’Azerbaïdjan. Il a notamment été signalé que, dans le cadre des «affaires Terter» (torture d’un groupe de militaires et de civils par l’armée azerbaïdjanaise), de nombreuses personnes détenues en 2017 ont été soumises à des actes de torture et des traitements inhumains. Onze décès ont été confirmés à la suite de ces tortures. Les détenus ont été torturés dans le but d’obtenir des aveux de trahison. L’Assemblée est effarée par l’horreur des méthodes de torture dénoncées: décharges électriques, arrachage d’ongles, simulacres de noyade, bandage des yeux, ablation des parties génitales, viol, menaces de viol sur des membres de la famille, etc. Si certaines des personnes détenues et initialement condamnées ont désormais été acquittées et libérées, d’autres sont toujours en prison. Il a également été révélé qu’aucun fonctionnaire de haut rang n’a eu à rendre compte de l’usage de la torture dans ces affaires. Outre les «affaires Terter», certains rapports indiquent que la torture et d’autres formes de mauvais traitements ont été utilisées contre des opposants politiques, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme.
6.3. En ce qui concerne la Türkiye, l’Assemblée s’inquiète également des rapports qui indiquent que, malgré le message de «tolérance zéro» affiché par les autorités, le recours à la torture et aux mauvais traitements en garde à vue et en prison a augmenté ces dernières années, reléguant au second plan les progrès antérieurs de la Türkiye dans ce domaine. L’Assemblée se félicite des récentes décisions rendues par la Cour Constitutionnelle, qui a conclu à des violations de l’interdiction des mauvais traitements et ordonné de nouvelles enquêtes sur les plaintes déposées, et elle invite les autres juridictions nationales à suivre cette jurisprudence.
7. L’Assemblée condamne fermement le recours systémique ou généralisé à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements dans certains États membres du Conseil de l’Europe et en Fédération de Russie. Elle considère que cette pratique viole non seulement l’interdiction absolue de l’article 3 de la Convention, mais porte également atteinte à l’État de droit, à la démocratie et aux valeurs fondamentales que défend le Conseil de l’Europe. L’Assemblée est convaincue que des mesures renforcées doivent être prises pour prévenir et éliminer la torture et les mauvais traitements dans les lieux de détention en Europe en général, et pour faire du continent européen un espace exempt de torture. La culture de la «tolérance zéro» à l’égard de la torture et des mauvais traitements doit avoir un contenu précis et ne pas se limiter à une déclaration d’intention.
8. En conséquence, l’Assemblée appelle les États membres et les États parties à la Convention CPT:
8.1. à réviser leur législation nationale de façon à ce que la torture et les autres formes de mauvais traitements soient érigées en infractions pénales autonomes, conformément à la définition consacrée par les traités internationaux et la jurisprudence de la Cour, assorties de sanctions proportionnées et dissuasives;
8.2. à abolir les délais de prescription pour les crimes de torture et autres mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre et d’autres agents publics;
8.3. à garantir l’accès sans entraves aux garanties procédurales fondamentales dès le début de la privation de liberté, notamment le droit d’accès à un avocat indépendant, le droit de faire prévenir un proche ou un tiers de son choix de sa détention et le droit d’être examiné par un médecin indépendant;
8.4. à veiller à ce que la détention et les interrogatoires de police soient dûment consignés et à ce que tous les interrogatoires et auditions de police fassent l’objet d’un enregistrement vidéo. Les salles d’interrogatoire, les locaux de détention, les véhicules de police et les policiers eux-mêmes devraient être équipés de caméras vidéo. Les agents de police en uniforme devraient toujours porter un signe clairement distinctif et un numéro d’identification;
8.5. à réglementer la durée maximale et le déroulement des auditions de police, par le biais de la législation, de la réglementation ou de lignes directrices;
8.6. à envisager de s’inspirer du modèle des interrogatoires d’enquête fondé sur le principe qui consiste à aller «de la preuve au suspect», plutôt que «du suspect à la preuve»;
8.7. à garantir l’irrecevabilité des preuves obtenues par la torture ou les mauvais traitements dans les procédures pénales;
8.8. à mettre en place des procédures de recrutement rigoureuses pour les agents des forces de l’ordre et le personnel pénitentiaire, sur la base de critères de sélection stricts; à fournir une rémunération correcte et une formation initiale et continue appropriée sur les normes relatives aux droits de l’homme et la prévention de la torture et des mauvais traitements; et à élaborer des codes de conduite clairs;
8.9. à étoffer et renforcer le personnel pénitentiaire afin d’éviter le recours à des «détenus de corvée» ou à des structures informelles de pouvoir entre détenus;
8.10. à mettre en place des procédures de signalement des cas de mauvais traitements par la police ou en milieu carcéral et des mesures d’encouragement et de protection des lanceurs d’alerte;
8.11. à veiller à ce que des autorités judiciaires et de poursuite indépendantes examinent attentivement tous les griefs défendables relatifs à des mauvais traitements infligés par des agents des forces de l’ordre et des agents pénitentiaires et, le cas échéant, infligent des sanctions adéquates aux auteurs, conformément aux obligations procédurales pertinentes imposées par l’article 3 de la Convention, la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
8.12. à prendre toutes les mesures appropriées pour mettre en place des recours ou des mécanismes accessibles et effectifs qui garantissent que les victimes de torture ou de mauvais traitements obtiennent une réparation rapide et adéquate. Il peut s’agir de mesures de restitution, d’indemnisation, de réhabilitation, de satisfaction ainsi que de garanties de non-répétition;
8.13. à transmettre au plus haut niveau politique, mais aussi au niveau de la direction des forces de l’ordre et des établissements pénitentiaires, un message de «tolérance zéro» à l’égard des actes de torture et des mauvais traitements;
8.14. à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT) et à établir des mécanismes nationaux de prévention indépendants et efficaces, dotés de ressources suffisantes et d’un accès inconditionnel à tous les lieux de privation de liberté;
8.15. à coopérer pleinement avec les organes internationaux qui veillent au respect de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements, tels que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, et d’autres organes conventionnels compétents;
8.16. à mettre promptement en œuvre les recommandations du CPT qui les concernent et à exécuter de toute urgence les arrêts de la Cour qui concluent à des violations de l’article 3 de la Convention pour la torture et les traitements inhumains ou dégradants infligés dans des lieux de détention, en prenant toutes les mesures individuelles et générales requises et sous la surveillance du Comité des Ministres;
8.17. à étudier avec attention les demandes d’asile soumises par les lanceurs d’alerte et les défenseurs des droits de l’homme qui ont révélé ou dénoncé l’utilisation de la torture et des mauvais traitements dans leur pays, et qui ont dû fuir à l’étranger pour éviter la persécution.
9. L’Assemblée exhorte les États pour lesquels il a été établi qu’ils recourent à des mauvais traitements physiques graves, y compris la torture, dans les lieux de détention de manière systémique ou généralisée, en particulier la Fédération de Russie, l’Azerbaïdjan et la Türkiye, à s’attaquer aux causes profondes du problème, à amorcer des changements systémiques visant à éliminer les pratiques répréhensibles et illégales et à faire en sorte que les auteurs individuels, les hauts fonctionnaires et les organes de l’État qui pratiquent ou tolèrent les actes de torture et les mauvais traitements répondent de leurs actes, y compris sur le plan de la responsabilité pénale et civile. En particulier, elle invite instamment:
9.1. la Fédération de Russie à veiller à ce que tous les auteurs, hauts fonctionnaires et organes de l’État responsables de l’utilisation de la torture dans les prisons, notamment du phénomène dit des «convoyeurs de torture», rendent compte de leurs actes, et à ce que toutes les victimes obtiennent une réparation adéquate;
9.2. l’Azerbaïdjan à veiller à ce que tous les auteurs, hauts fonctionnaires et organes de l’État responsables de l’utilisation de la torture dans les affaires dites «Terter» rendent compte de leurs actes, et à ce que toutes les victimes soient indemnisées et réhabilitées, y compris par l’annulation des condamnations fondées sur des aveux obtenus sous la torture et par leur remise en liberté.
10. En ce qui concerne le CPT, l’Assemblée appelle les États parties à la Convention CPT:
10.1. à accepter à l’avance la publication automatique de tous les rapports de visite du CPT, comme l’ont déjà fait de nombreux États; et, s’ils ne l’ont pas encore fait, à autoriser la publication des rapports de visite antérieurs du CPT. Cette recommandation concerne notamment l’Azerbaïdjan, la Türkiye et la Fédération de Russie;
10.2. à coopérer pleinement avec le CPT pour organiser les prochaines visites et assurer le suivi des recommandations du CPT, y compris par l’implication active des parlements nationaux, conformément à la Résolution 2160 (2017) «25 ans de CPT: progrès accomplis et améliorations à apporter».
11. L’Assemblée invite le CPT et la Cour à indiquer plus clairement dans leurs rapports et leurs arrêts les cas où les pratiques de torture et de mauvais traitements sont de nature systémique ou structurelle dans le pays concerné. Elle encourage une action plus opportune et mieux coordonnée entre tous les organes du Conseil de l’Europe, notamment la Cour, le CPT, la Commissaire aux droits de l’homme et l’Assemblée, pour traiter le problème émergent de la torture systémique dans certains pays afin d’alerter et fournir de l’assistance plus rapidement. A ce propos, l’Assemblée invite sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme à procéder à des échanges de vues avec les délégations nationales des pays pour lesquels il a été établi qu’il y a des problèmes systémiques ou structurels de torture ou de mauvais traitements, en s’appuyant sur les rapports du CPT et les arrêts de la Cour.

B. Exposé des motifs par M. Constantinos Efstathiou, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le présent rapport se fonde sur une proposition de résolution déposée le 7 décembre 2021 par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (“la commission”) 
			(2) 
			Doc. 15420 du 7 décembre 2021. . Lors de la réunion qu’elle a tenue à Paris le 4 avril 2022, la commission a convenu de fusionner ce renvoi avec celui intitulé «Les cas de torture et de traitements inhumains dans les prisons azerbaïdjanaises» 
			(3) 
			Doc. 15331, 25 juin 2021, Renvoi 4600 du 27 septembre 2021. . La commission m’a désigné rapporteur lors de sa réunion à Strasbourg le 28 avril 2022.
2. La proposition de résolution indiquait que de graves allégations concernant un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe avaient récemment été formulées, selon lesquelles la torture et d’autres formes de traitements inhumains ou dégradants, y compris la violence sexuelle et d’autres formes d’humiliation, avaient été utilisées de manière systématique dans des lieux de détention. Compte tenu également du nombre croissant d’affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») et des difficultés rencontrées par le Comité des Ministres pour assurer l’exécution des arrêts rendus par la Cour dans ces affaires, la proposition jugeait nécessaire que l’Assemblée parlementaire établisse un rapport sur cette question, qui aborderait les problèmes systémiques et proposerait des mesures appropriées.
3. Dans le cadre de la préparation de ce rapport, la commission a tenu le 22 mars 2023 une audition avec la participation de trois experts: M. Alan Mitchell, Président du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), M. Vladimir Osechkin et M. Siarhei Savelyeu. M. Savelyeu est un ancien prisonnier et employé pénitentiaire qui a divulgué un grand nombre de vidéos de torture dans les prisons russes; et M. Osechkin est le fondateur d’une organisation russe de défense des droits de l’homme et du site internet qui a publié ces vidéos (projet Gulagu.net). En novembre 2022, j’ai effectué une visite d’information en Azerbaïdjan pour préparer le rapport sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Au cours de cette visite, j’ai également rencontré des membres de familles de victimes de torture afin de recueillir des informations pertinentes pour ce rapport (voir paragraphes 33-34).
4. Aux fins du présent rapport, j’ai l’intention de me concentrer sur les prisons et centres/locaux de détention placés sous le contrôle des forces de l’ordre (police, forces armées) plutôt que sur d’autres lieux de détention tels que les centres pour migrants, les établissements psychiatriques ou les institutions de protection sociale, qui débordent le cadre du présent rapport. Bien que les mauvaises conditions de détention puissent également constituer des «traitements inhumains ou dégradants» systémiques en violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE No 5, «la Convention») 
			(4) 
			Pour
la définition de la torture et des traitements inhumains et dégradants
dans la jurisprudence de la Cour au titre de l’article 3 de la Convention,
voir le «Guide sur l’article 3 de la Convention européenne des droits
de l’homme», 31 août 2022, paragraphes 9 à 22, <a href='https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_3_FRA.pdf'>https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_3_FRA.pdf</a>. , elles ne seront pas traitées ici, à moins qu’elles ne résultent de mauvais traitements physiques intentionnels infligés par des agents de l’État. La situation des prisonniers de guerre dans le cadre de certains conflits (Haut-Karabakh, Ukraine) sera également exclue du champ d’étude du présent rapport.
5. Dans ce rapport, je commencerai par examiner les allégations de torture et de mauvais traitements intentionnels systémiques dans les lieux de détention des États membres du Conseil de l’Europe et en Fédération de Russie (ancien membre du Conseil de l’Europe), en m’appuyant sur les constatations faites par le Comité des Ministres dans le cadre de sa surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour, ainsi que sur les conclusions du CPT. Je puiserai ensuite dans d’autres sources publiques existantes, notamment les organes du Conseil de l’Europe, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les ONG et divers reportages, en ce qui concerne certains États. Enfin, je ferai des propositions sur la manière dont les États membres et le Conseil de l’Europe dans son ensemble peuvent renforcer la prévention de la torture et des autres formes de mauvais traitements systémiques dans les lieux de détention en vue d’éliminer ces pratiques illégales et absolument inacceptables en Europe.

2. La mise en œuvre des arrêts de la Cour dans les affaires de torture et autres formes de mauvais traitements

6. La Cour a examiné de nombreuses affaires de torture et de mauvais traitements physiques dans plusieurs États membres, mais elle a rarement constaté que ces affaires révélaient l’existence d’un recours systématique à la torture ou à des mauvais traitements dans un État donné 
			(5) 
			Voir cependant l’affaire Kaverzin c. Ukraine, requête no 23893/03,
arrêt du 15 mai 2012, paragraphes 172-182, où la Cour a indiqué
sous l’angle de l’article 46 de la Convention (force obligatoire
et exécution des arrêts) que l’affaire concernait des problèmes
récurrents impliquant des violations fréquentes de l’article 3 de
la Convention par l’Ukraine, en se référant à 40 arrêts précédents
et à 100 affaires pendantes soulevant les mêmes questions. La Cour
a estimé que la situation devait donc être caractérisée comme découlant
de problèmes systémiques au niveau national et comme la conséquence
de lacunes réglementaires et de la conduite administrative des autorités
à l’égard de leurs obligations au titre de l’article 3. Elle a donc
souligné que l’Ukraine devait procéder d’urgence à des réformes
spécifiques de son système juridique pour faire en sorte que la
pratique de mauvais traitements en garde à vue soit éradiquée. Depuis
lors, la Cour a réaffirmé que ces violations résultaient de «problèmes
systémiques au niveau national, qui ont permis aux agents de l’État
responsables de tels mauvais traitements de rester impunis» (voir Shumanskyy c. Ukraine, requête no 70579/12, arrêt
du 8 octobre 2020). La Cour a également recensé des problèmes structurels
dus à une législation inappropriée, par exemple le fait que la législation
pénale d’un pays n’incrimine pas spécifiquement la torture et les
autres types de mauvais traitements (Cestaro
c. Italie, requête no 6884/11,
arrêt du 7 avril 2015) ou des comportements systémiques et largement répandus
ignorés par les autorités, comme la hiérarchie informelle des détenus
et les traitements infligés aux «parias» tolérés par le personnel
pénitentiaire (S. P. et autres c. Russie,
requête no 36463/11 et autres, arrêt
du 2 mai 2023). Ce point est à comparer avec les affaires de mauvaises
conditions de détention, dans lesquelles la Cour a beaucoup plus souvent
recensé des violations structurelles ou systémiques de l’article 3
de la Convention et appliqué la procédure de l’«arrêt pilote» à
l’égard de plusieurs États (par exemple Sukachov
c. Ukraine, requête no 14057/17,
arrêt du 30 janvier 2020). . Le Comité des Ministres, dans l’exercice de sa compétence de surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour, a considéré, quant à lui, que certaines affaires contre certains États soulevaient des problèmes structurels de longue date et il les examine donc dans le cadre de la procédure dite de «surveillance soutenue» 
			(6) 
			Applicable,
entre autres, aux arrêts révélant d’importants problèmes structurels
et/ou complexes identifiés par la Cour et/ou le Comité des Ministres. . En 2020, 15 % de l’ensemble des affaires de référence sous «surveillance soutenue» concernaient des mauvais traitements infligés par des agents de l’État et/ou l’absence d’enquête sur ces allégations, ce qui en faisait la catégorie la plus élevée en attente d’exécution 
			(7) 
			14e rapport
annuel du Comité des Ministres, Surveillance de l’exécution des
arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l’homme,
2020. . En 2021 et 2022, elles représentaient 12 % de toutes les affaires de référence de cette procédure, ce qui en fait à nouveau la catégorie la plus importante d’affaires placées sous ce type de surveillance 
			(8) 
			15e (2021)
et 16e (2022) rapports annuels du Comité
des Ministres, Surveillance de l’exécution des arrêts et décisions
de la Cour européenne des droits de l’homme. .
7. En ce qui concerne l’Azerbaïdjan, le groupe d’affaires Mammadov (Jalaloglu), qui est sous surveillance, concerne principalement l’absence d’enquêtes effectives sur le décès de proches parents des requérants ou les mauvais traitements qu’ils auraient subis et qui seraient imputables à des agents des forces de l’ordre (du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Sécurité nationale) de 2003 à 2012 ou à des personnes privées, mais aussi l’usage excessif de la force par les agents des forces de l’ordre lors de l’arrestation des requérants et/ou en garde à vue. Le Comité des Ministres a pris note avec une vive inquiétude des constatations formulées par le CPT dans son rapport de visite de 2017, qui mettaient en évidence le caractère systémique de la torture et d’autres formes de mauvais traitements, ainsi que l’inefficacité des enquêtes. Dans sa décision la plus récente (décembre 2021), le Comité des Ministres a rappelé que «les mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre constituent un problème répétitif et non résolu» et a noté avec une profonde préoccupation que ces affaires étaient pendantes devant lui depuis plus de dix ans, alors que plus de 70 nouvelles requêtes similaires étaient actuellement en instance devant la Cour 
			(9) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-1760'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-1760</a>. Voir aussi le groupe d’affaires Muradova,
ainsi que la note d’information que j’ai rédigée après ma visite
en Azerbaïdjan en novembre 2022, dans le cadre de la préparation
du 11e rapport sur la mise en œuvre des
arrêts de la Cour (AS/Jur(2023)01), dans laquelle j’encourage les
autorités à envisager sérieusement de renforcer les garanties, comme
l’enregistrement vidéo de tous les aveux et interrogatoires et l’accès
rapide à des avocats privés indépendants pour les personnes placées
en garde à vue. .
8. S’agissant de la Bulgarie, le groupe d’affaires Velikova concerne principalement des décès, des mauvais traitements, notamment des actes de torture et l’absence d’assistance médicale lors de l’arrestation, en garde à vue ou dans des établissements pénitentiaires, ainsi que l’absence d’enquête effective sur ces événements, qui se sont produits entre 1993 et 2017. En 2021, le Comité des Ministres a invité les autorités, notamment, à fournir une évaluation des raisons de l’augmentation des griefs pour mauvais traitements dans les établissements pénitentiaires (comme le montrent le nombre de dossiers examinés par le Bureau du Procureur et le rapport du Médiateur de 2020), et à présenter une analyse approfondie des mesures prises à ce jour pour réduire et éliminer le risque de mauvais traitements lors de l’arrestation et de la garde à vue (également à la lumière du rapport du Médiateur et des communications des ONG). Le Comité des Ministres a également demandé instamment aux autorités bulgares d’établir une infraction spécifique de torture assortie de sanctions appropriées et dissuasives et d’examiner la nécessité d’ériger en infraction pénale l’extorsion d’aveux à un suspect qui n’a pas encore été mis en examen lors de la phase préalable au procès 
			(10) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-3594'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-3594</a>..
9. Lors de son examen du groupe d’affaires Sidiropoulos et Papakostas contre la Grèce, le Comité des Ministres a noté avec une vive préoccupation que de nouvelles requêtes similaires avaient été introduites devant la Cour et que les mauvais traitements infligés par des policiers persistaient, comme le montre notamment le CPT dans ses rapports de 2020. Les autorités ont donc été invitées à tenir dûment compte des dernières recommandations du CPT, notamment celles qui concernent la formation professionnelle régulière et les garanties pour prévenir les mauvais traitements 
			(11) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-49398'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-49398</a>. .
10. Dans le groupe d’affaires Gubacsi (mauvais traitements infligés entre 2000 et 2016 par des agents des forces de l’ordre lors de l’arrestation, du transfert et de la détention, et absence d’enquêtes effectives) contre la Hongrie, le Comité des Ministres a noté avec une grave préoccupation que «les mauvais traitements infligés par des agents des forces de l’ordre constituent un problème complexe de longue date en Hongrie, qui continue de donner lieu à un nombre important de griefs au niveau interne et à de nouvelles requêtes et de nouveaux arrêts de la Cour européenne». Il a réitéré avec force son appel aux autorités pour qu’elles communiquent un message de «tolérance zéro» à l’égard des mauvais traitements dans les forces de l’ordre et qu’elles adoptent les mesures nécessaires pour promouvoir une culture institutionnelle de «tolérance zéro» en mettant l’accent sur la prévention, notamment par la mise en place d’une formation systématique. Le Comité des Ministres a appelé les autorités, entre autres, à réviser la législation nationale afin d’étendre ou de lever le délai de prescription de cinq ans, relativement court, pour les infractions de mauvais traitements commises par des agents des forces de l’ordre 
			(12) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-10516'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-10516</a>. .
11. Dans le groupe d’affaires relatif à la République de Moldova (Levinta, concernant principalement des traitements inhumains ou des actes de torture infligés pendant la garde à vue de 2000 à 2009), le Comité des Ministres, tout en notant avec satisfaction les progrès réalisés par les autorités, a constaté que le ministère public continuait d’être saisi d’un nombre important de plaintes pour mauvais traitements 
			(13) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-7163'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-7163</a>. .
12. En ce qui concerne la Fédération de Russie, le groupe d’affaires Mikheyev concerne des décès, des actes de torture ou des traitements inhumains et dégradants survenus pendant la garde à vue, y compris des mauvais traitements motivés par l’origine ethnique de la victime, dans diverses régions de Russie entre 1998 et 2017, et l’absence d’enquêtes effectives sur ces incidents. Dans sa décision la plus récente adoptée en 2021, le Comité des Ministres a profondément regretté l’absence d’informations actualisées de la part des autorités depuis 2019 et s’est déclaré gravement préoccupé par le nombre important d’affaires pendantes depuis 2006 et les plus de 200 nouvelles requêtes en instance devant la Cour, indiquant l’absence de progrès dans l’exécution de ces arrêts qui concernent «un problème systémique et structurel» en Russie. Il s’est également déclaré profondément préoccupé par l’augmentation importante des cas de mauvais traitements infligés par la police et d’enquêtes ineffectives, ainsi que par les communications soumises par les ONG et les requérants, qui démontrent l’absence de progrès majeurs 
			(14) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-14083'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-14083</a>. Voir également AS/Jur(2020)05, Note d’information «Mise
en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme,
10e rapport: Fédération de Russie». . Le groupe d’affaires Buntov concerne des actes de torture et des mauvais traitements infligés dans des établissements pénitentiaires, ainsi que l’ineffectivité des enquêtes à leur sujet, dans différentes régions entre 2003 et 2013. Dans sa dernière décision rendue en 2022, le Comité des Ministres a exprimé sa préoccupation face aux récentes informations crédibles qui font état d’une forte incidence de la torture et des mauvais traitements dans les prisons russes. Il a par ailleurs noté que, selon les informations publiques disponibles, les autorités avaient reconnu la nécessité de prendre des mesures systémiques au vu de ces informations et avaient récemment adopté certaines mesures, notamment des enquêtes spéciales menées par le Bureau du procureur général, la révocation de hauts fonctionnaires de l’administration pénitentiaire et l’adoption d’une loi le 14 juillet 2022, qui a introduit la définition de la torture dans le Code pénal 
			(15) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-14083'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-14153.</a>. Les communications reçues de la part de certaines ONG au titre de la Règle 9 évoquaient la divulgation de vidéos et photos de torture dans les prisons, notamment en octobre 2021 sur le site internet du groupe russe de défense des droits de l’homme Gulagu.net, dont la commission a rencontré les représentants lors de l’audition organisée en mars 2023.
13. Dans le groupe d’affaires Stanimirovic contre la Serbie, le Comité des Ministres a récemment exhorté les autorités serbes à transmettre un message de «tolérance zéro» à l’égard des mauvais traitements infligés par la police, à prendre des mesures plus fermes pour lutter contre ce «problème grave et de longue date» et à intensifier leurs efforts pour améliorer l’efficacité des enquêtes pénales en tenant compte des recommandations concrètes formulées par le CPT dans son rapport 2022 
			(16) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>https://hudoc.exec.coe.int/fre#_ftn5.</a>. Bien que l’arrêt de principe ait été rendu il y a dix ans, des problèmes similaires persistent au niveau national, comme le montrent les récents rapports du CPT et du Comité contre la torture des Nations Unies. En conséquence, le Comité des Ministres a décidé de transférer l’examen de ces affaires vers la procédure de surveillance soutenue.
14. Pour ce qui est de la Türkiye, le groupe d’affaires Batı et autres concerne l’absence d’effectivité des enquêtes relatives aux meurtres, aux actes de torture et aux mauvais traitements commis par des agents de l’État entre 1993 et 2011, notamment lors d’arrestations, pendant la garde à vue et les interrogatoires et lors de la dispersion de manifestations pacifiques. Le Comité des Ministres a adopté une résolution intérimaire en 2021, dans laquelle il a instamment demandé aux autorités de prendre des mesures spécifiques pour veiller à ce que les procureurs mènent des enquêtes effectives sur les allégations de toutes les formes de torture et de mauvais traitements et que les décisions de non-lieu soient réexaminées avec vigilance par les tribunaux. Il a toutefois accueilli favorablement les annonces récentes des autorités de haut niveau appuyant la politique de «tolérance zéro à l’égard de la torture» faite dans le contexte du Plan d’action 2021 sur les droits de l’homme 
			(17) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a3d8a4'>Détails
du résultat (coe.int)</a>. Résolution intérimaire CM/ResDH(2021)195, septembre
2021. Voir plus récemment, la décision des 20-22 septembre 2022 : <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a83185'>https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a83185</a>.. Des ONG et des avocats de détenus ont tiré la sonnette d’alarme dans de nombreuses affaires, qui constituent à leurs yeux la preuve que le nombre d’actes de torture et de mauvais traitements infligés par des agents des forces de l’ordre ne cesse d’augmenter 
			(18) 
			Voir
la communication au titre de la Règle 9, DH-DD(2022)829. . En ce qui concerne les conditions de détention et d’isolement de M. Öcalan, dénoncées par des ONG devant le Comité des Ministres dans le cadre de l’exécution de l’arrêt Öcalan (no 2), le Comité des Ministres a noté que la Cour est actuellement saisie d’une nouvelle requête à propos de ses conditions de détention, qui sont également suivies de près par le CPT qui effectue des visites régulières à la prison d'İmralı 
			(19) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng#{%22execidentifier%22:[%22004-36750%22]}'>https://hudoc.exec.coe.int/fre#%22EXECIdentifier%22:[%22004-36751%22]</a>.. Je suis particulièrement préoccupé par le maintien en détention de MM. Osman Kavala et Selahattin Demirtaş malgré les arrêts clairs de la Cour constatant des violations de la Convention et ordonnant leur libération. 
			(20) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-56539'>https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-56539</a>; <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-56539'>https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-56539</a>. Le Conseil de l’Europe devrait suivre de près leurs cas, y compris les risques éventuels de mauvais traitements auxquels ils pourraient être confrontés pendant leur détention.
15. Enfin, en ce qui concerne l’Ukraine, le groupe d’affaires Kaverzin sous surveillance concerne la torture et/ou les mauvais traitements physiques ou psychologiques infligés par la police, le plus souvent pour obtenir des aveux, ainsi que l’absence d’enquêtes effectives sur ces plaintes. Dans sa décision la plus récente sur ces affaires, adoptée en 2021, le Comité des Ministres a noté les efforts continus des autorités, mais s’est inquiété de leur manque d’action résolue, compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis la première identification de ces problèmes par la Cour. Il a donc exhorté les autorités à redoubler d’efforts pour résoudre toutes les questions en suspens, en particulier l’adoption des modifications nécessaires du cadre juridique relatif à la torture et aux mauvais traitements 
			(21) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-31570'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-31570</a>.. D’autres groupes d’affaires sous surveillance concernent l’utilisation de preuves obtenues sous la torture (groupe d’affaires Yaremenko) et la torture de détenus par les forces spéciales soit en guise de punition, soit pendant des exercices de formation dans les prisons (groupe d’affaires Karabet). Il convient de noter toutefois que les exactions à l’origine de ces affaires sont antérieures aux changements démocratiques survenus en Ukraine après la chute du président Ianoukovitch. Ces affaires restent toutefois sous surveillance et les autorités actuelles devraient fournir davantage d’informations sur les mesures générales et individuelles requises.
16. Bien que les cas de torture et autres formes de mauvais traitements infligés par des agents des forces de l’ordre, ainsi que les enquêtes ineffectives menées sur de tels actes, continuent de constituer l’une des principales questions structurelles traitées par le Comité des Ministres, un certain nombre d’évolutions positives ont également été observées dans certains États. Par exemple, le Comité des Ministres a noté avec satisfaction que la torture a été érigée en infraction autonome en 2017 dans le Code pénal italien, dans le cadre de la surveillance de l’exécution du groupe d’affaires Cestaro 
			(22) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-28299'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-28299</a>.. À propos du groupe d’affaires Virabyan contre l’Arménie, il s’est félicité de l’adoption d’un nouveau Code pénal et d’un nouveau Code de procédure pénale, notamment de la suppression du délai de prescription pour le crime de torture 
			(23) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-356'>https://hudoc.exec.coe.int/fre?i=004-356</a>. . Dans le groupe d’affaires Khani Kabbara contre Chypre, le Comité des Ministres a salué les mesures prises par les autorités pour améliorer l’indépendance, la rapidité et la qualité des enquêtes sur les mauvais traitements infligés par la police, ainsi que celles prises pour prévenir les mauvais traitements, en particulier les messages réguliers de «tolérance zéro» adressés par le chef de la police, la modification du Code d’éthique de la police et le renforcement des capacités 
			(24) 
			La Résolution CM/ResDH(2022)348
du 8 décembre 2022 clôturant l’examen de ces affaires. .

3. Les conclusions du CPT

17. Le CPT est chargé d’examiner la manière dont les personnes sont traitées dans les lieux de détention. Il est donc dans une position unique pour évaluer l’ampleur de la torture et des autres formes de mauvais traitements en garde à vue et dans les établissements pénitentiaires dans l’ensemble de la zone du Conseil de l’Europe. Dans son 28e rapport général (2018), le CPT a déclaré qu’il continuait de rencontrer des cas de mauvais traitements infligés par la police dans un certain nombre de pays, dans diverses circonstances et impliquant différents services répressifs. Il a observé ce qui suit: «Dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe, les mauvais traitements policiers surviennent principalement lors de la période à haut risque entourant l’interpellation des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions pénales ou autres. Les délégations du CPT ont entendu de nombreux récits indiquant que la force utilisée lors de l’interpellation ou peu après n’était pas nécessaire ou était excessive. Elles ont en particulier recueilli des allégations de coups de poing, de pied, de matraque ou d’utilisation d’aérosols au gaz poivre alors que la personne interpellée ne présentait aucune forme de résistance ou avait déjà été maîtrisée. Parfois, ces allégations étaient étayées par des indices convaincants, d’ordre médical ou autre. [...] Les mauvais traitements infligés pendant les auditions de police ou dans ce contexte demeurent des problèmes très graves dans un nombre non négligeable d’États membres du Conseil de l’Europe. Au cours des dix dernières années, le CPT a recueilli des allégations crédibles ou recueilli des éléments d’ordre médico-légal et autres indices de mauvais traitements policiers qui pourraient être qualifiés d’actes de torture dans presque un tiers des États membres du Conseil de l’Europe. Les mauvais traitements allégués consistaient notamment en des décharges électriques, des coups sur la plante des pieds, un maintien en suspension ou hyperextension par des menottes, des brûlures sur diverses parties du corps, des provocations d’asphyxie à l’aide d’un sac en plastique ou d’un masque à gaz, des menottages dans des positions douloureuses pendant plusieurs heures d’affilée, de violents passages à tabac ou des simulacres d’exécution. Le CPT continue également d’entendre des récits d’autres formes de mauvais traitements policiers allant de gifles à des formes plus brutales de violences. Le caractère délibéré de ces traitements est évident. Les mauvais traitements allégués auraient souvent été infligés par les policiers interpellateurs ou opérationnels lors de la période initiale de détention, avant la première audition officielle de police, afin d’obtenir des aveux ou d’autres informations. Les constatations du CPT donnent toutefois à penser que, dans certains cas, les enquêteurs de police judiciaire ont toléré, voire encouragé de telles pratiques 
			(25) 
			<a href='https://rm.coe.int/16809420e4'>28e Rapport général du
CPT</a>, 1er janvier-31 décembre
2018, paragraphes 64-65. .
18. Dans ses rapports concernant certains États membres, le CPT s’est déclaré préoccupé par des allégations généralisées d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements infligés à des personnes détenues par la police et d’autres services répressifs, ainsi que dans des établissements pénitentiaires, en évoquant parfois la nature systémique du problème.
19. Dans son rapport de 2018 sur sa visite en Azerbaïdjan en 2017, le CPT explique qu’il a eu globalement l’impression que la torture et d’autres formes de mauvais traitements physiques par la police et d’autres services répressifs ainsi que l’impunité restaient «systémiques et endémiques», et que ses constatations laissent entrevoir l’existence d’une «culture généralisée de violence à l’égard des personnes privées de liberté parmi les agents des divers services des forces de l’ordre». Le CPT a spécifiquement mentionné l’affaire dans laquelle vingt soldats de la caserne de la ville de Terter, arrêtés fin avril 2017, ont été emmenés dans une base militaire désaffectée près de la localité, les mains et les jambes ligotées ou menottées. Ils ont ensuite été obligés de retirer leurs vêtements, à l’exception de leurs sous-vêtements, puis ils ont été brutalement interrogés pendant des périodes allant de deux à douze jours, au moyen de différentes méthodes de torture (décharges électriques, arrachage d’ongles, brûlures, simulacres de noyade, privation de sommeil, privation de nourriture et d’eau) à des degrés divers, en fonction du temps que les soldats pouvaient résister avant de passer aux aveux. Certains des hommes auraient été emmenés, les yeux bandés, même après avoir avoué, dans une autre ancienne unité militaire désaffectée où ils ont été détenus pendant environ deux jours et maltraités à plusieurs reprises par des membres de la police militaire, dans un but semble-t-il purement punitif. Toutes ces personnes, qui semblent avoir été détenues de facto au secret pendant des périodes allant jusqu’à deux mois, n’ont eu accès à un avocat qu’un mois après leur arrestation et après avoir accepté de signer des aveux. En ce qui concerne les mauvais traitements dans les prisons, la délégation a recueilli, comme lors des visites précédentes, un certain nombre d’allégations de mauvais traitements physiques infligés délibérément par le personnel pénitentiaire 
			(26) 
			CPT/Inf(2018)37,
paragraphes 23, 27, 36 et 54. L’affaire d’«espionnage» de Terter
est également mentionnée dans la proposition de résolution Doc. 15331: «[e]n 2017, plus de 1 000 militaires et civils des
régions frontalières de l’Azerbaïdjan étaient détenus en raison
de soupçons d’espionnage et de trahison. Des enquêtes pénales ont
été ouvertes contre plus de 200 personnes, dont beaucoup ont été
torturés ou soumis à des traitements inhumains. Du 1er mai
au 17 mai 2017, onze personnes sont décédées suite à ces traitements
cruels». D’une manière générale, sur les mauvais traitements en
garde à vue et dans les prisons, voir également le rapport de l’Assemblée
sur les «Cas signalés de prisonniers politiques en Azerbaïdjan»
(Rapporteure : Mme Thórhildur Sunna Ævarsdóttir), Doc. 15020 du 18 décembre 2019, paragraphes 43-45. .
20. Au cours de la visite périodique qu’elle a effectuée en 2019 en Bosnie-Herzégovine, la délégation du CPT a recueilli de nombreuses allégations de mauvais traitements, dont certains présentant un degré de gravité qui équivaut à des tortures (par exemple coups de bâton sur la plante des pieds [falaka], viol avec une matraque, simulacre d’exécution avec une arme à feu) de personnes détenues par des agents des forces de l’ordre. La grande majorité de ces allégations concernaient des personnes détenues par des policiers opérant au sein de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, notamment dans le cadre de la police cantonale de Sarajevo. Le CPT a conclu que les autorités devraient admettre que l’existence de mauvais traitements infligés par des policiers est une réalité, qui n’est pas le fait de quelques policiers sans scrupules mais une pratique communément acceptée dans la culture policière actuelle, notamment parmi les inspecteurs de la brigade criminelle. La délégation a également recueilli plusieurs allégations crédibles de mauvais traitements physiques infligés par des membres du personnel pénitentiaire à des détenus 
			(27) 
			CPT/Inf(2021)21,
paragraphes 11, 15 et 47. . Lors de sa visite effectuée en 2021, la délégation du CPT, comme l’indique son rapport, a de nouveau recueilli de nombreuses allégations de mauvais traitements (gifles, coups de poing, coups de pied, coups de matraque et coups de crosse d’armes de service) infligés par des agents de police à des personnes détenues, que ce soit au moment de leur arrestation ou, dans une moindre mesure, au cours de leur interrogatoire par des inspecteurs. Elle a conclu que les personnes détenues par des agents de police continuaient de courir un risque non négligeable de mauvais traitements. La délégation a également reçu plusieurs allégations d’usage excessif de la force et de violences verbales, principalement à l’encontre de ressortissants étrangers et de Roms dans les prisons (en détention provisoire) 
			(28) 
			CPT/Inf(2023)08, paragraphes 13,
21 et 52. .
21. Durant sa visite en Grèce en 2019, le CPT a recueilli un nombre élevé d’allégations de mauvais traitements physiques de personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions pénales privées de liberté par la police hellénique. La délégation a recueilli quelques allégations de mauvais traitements d’une nature particulièrement grave, notamment la falaka et l’application d’un sac en plastique sur la tête dans le cadre d’interrogatoires de police. Le CPT a conclu que les informations recueillies indiquaient que «les mauvais traitements infligés par la police en particulier aux ressortissants étrangers et aux personnes de la communauté rom […] demeuraient une pratique fréquente dans toute la Grèce» et ne concernaient pas uniquement des incidents isolés. Le CPT a également observé que la définition de la torture dans le Code pénal n’était pas conforme aux normes internationales 
			(29) 
			CPT/Inf(2020)15, paragraphes 78,
80 et 91. . Lors de sa visite effectuée en 2021, la délégation du CPT a recueilli quelques allégations de mauvais traitements physiques (coups de pied et coups de poing) infligés par des agents pénitentiaires de la prison de Corfou à des détenus qui leur auraient désobéi. De nouvelles préoccupations sont apparues à l’égard de femmes transgenres qui ont été contraintes, à leur arrivée en prison, de se soumettre à une fouille à nu devant des agents masculins. Cette procédure a été perçue comme dégradante par les femmes 
			(30) 
			CPT/Inf(2022)16,
paragraphes 23 et 42. .
22. La situation des détenus placés dans des régimes de moyenne et haute sécurité en Italie a été abordée dans le rapport 2020 du CPT suite à sa visite ad hoc dans ce pays en 2019. Dans certaines prisons, la délégation a recueilli un certain nombre d’allégations de mauvais traitements physiques de détenus infligés par le personnel et la situation semblait particulièrement problématique à la prison de Viterbe. Le CPT s’est montré très préoccupé par ces cas, qui suggéraient «un usage délibéré et disproportionné de la force par les agents pénitentiaires, souvent en réaction punitive au comportement de certains détenus» 
			(31) 
			CPT/Inf(2020)2, paragraphes
13 et 16. . Lors de sa visite périodique en 2022, la délégation du CPT a recueilli un certain nombre d’allégations de mauvais traitements physiques infligés par tous les services répressifs, et en particulier par des agents de police et des carabiniers. Ces allégations concernaient des coups de poing, de pied et de matraque au moment de l’arrestation (et après que les personnes avaient été maîtrisées) et parfois pendant leur séjour dans les postes de police. En ce qui concerne les prisons, la délégation a recueilli quelques allégations de mauvais traitements de la part du personnel pénitentiaire, mais sans qu’elles ne soient étayées par un certificat médical ou un dépôt de plainte 
			(32) 
			CPT/Inf(2023)5,
paragraphes 11 et 52. .
23. En ce qui concerne la Russie, le CPT a publié une déclaration publique en 2019, qui exhortait les autorités russes à prendre des mesures résolues pour éradiquer le phénomène endémique des mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre en République tchétchène et dans d’autres républiques de la région du Caucase du Nord. Selon le CPT, «il ressortait clairement des informations recueillies par le Comité au cours de ses visites que le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements par des membres des forces de l’ordre en République tchétchène restait un phénomène répandu». Il ajoutait que ce problème avait été mis en évidence à plusieurs reprises également à l’égard d’autres républiques de la région du Caucase du Nord. Le CPT avait également reçu, dans les mois précédant sa visite de 2017, des rapports faisant état de détentions illégales et de mauvais traitements graves de personnes LGBTI en République tchétchène, qu’il considérait comme crédibles et nécessitant des enquêtes effectives 
			(33) 
			CPT/Inf(2019)6, déclaration
publique faite le 11 mars 2019, accompagnée d’extraits des rapports
2018 et 2016 sur les visites en République tchétchène et dans la
région du Caucase du Nord [en anglais uniquement]. Les rapports périodiques
sur les visites récentes dans d’autres régions de Russie n’ont pas
encore été publiés. .
24. Dans son rapport 2021 concernant l’Espagne, le CPT a recueilli un grand nombre d’allégations cohérentes de mauvais traitements physiques récents infligés par le personnel pénitentiaire. Dans un certain nombre de cas, les mauvais traitements allégués étaient des sanctions infligées de manière arbitraire lorsque le personnel considérait que les détenus avaient été désobéissants ou en cas de violence entre détenus. De l’avis du CPT, les constatations faites lors de la visite de 2020 ont montré que «les mauvais traitements physiques infligés par les gardiens de prison sont toujours une réaction disproportionnée et punitive au comportement récalcitrant des prisonniers», et que de telles allégations (y compris certaines allégations de falaka) représentaient «une culture plus profonde d’abus de pouvoir et d’impunité parmi certains gardiens travaillant dans ces prisons» 
			(34) 
			CPT/Inf(2021)27,
paragraphes 46 et 50. .
25. Dans son rapport 2020 sur la Türkiye (visite en 2019), le CPT a noté que sa délégation avait recueilli un nombre considérable d’allégations d’usage excessif de la force et/ou de mauvais traitements physiques infligés par des policiers/gendarmes à des personnes placées en garde à vue (y compris des femmes et des mineurs). Une partie importante des allégations portait sur des passages à tabac commis pendant le transport ou dans des postes de police, apparemment dans le but d’obtenir des aveux, ou à titre de sanction. Dans un certain nombre de cas, ces allégations étaient étayées par des preuves médicales. En outre, le CPT a déclaré que si la gravité des allégations de mauvais traitements semblait avoir diminué par rapport aux constatations faites durant la visite de 2017, «la fréquence des allégations restait à un niveau inquiétant» 
			(35) 
			CPT/Inf(2020)24,
paragraphes 10-13. Lors de sa visite en 2017, le CPT a évoqué des
cas qui pouvaient constituer des actes de torture, ainsi que des
allégations de mauvais traitements psychologiques, concernant, notamment,
des femmes (menaces de passage à tabac, de viol ou de mort). . Il est extrêmement regrettable que la Türkiye n’ait pas accordé l’autorisation de publication requise par la Convention CPT, et que les autres rapports sur les visites de 2021, 2018 et 2016 (après la tentative de coup d’État) n’aient donc pas encore été publiés.
26. Dans son rapport 2020 qui faisait suite à sa visite ad hoc en Ukraine, le CPT a examiné le traitement des personnes dans trois colonies pénitentiaires. La délégation a recueilli un certain nombre d’allégations crédibles de mauvais traitements physiques infligés par des agents pénitentiaires, voire d’autres détenus (ou «détenus de corvée»). Dans quelques cas, les mauvais traitements allégués pouvaient être qualifiés de torture (par exemple, brûlures aux fesses, asphyxie à l’aide d’un sac en plastique, etc.) et dans d’autres, de menaces de nature sexuelle, notamment de viol. Dans une colonie, bien que les prisonniers aient été très réticents à s’entretenir avec la délégation du CPT, celle-ci a pu conclure qu’elle était gérée par un système d’intimidation et de violence impliquant des «détenus de corvée», généralement au su et avec l’assentiment de la direction. Le CPT a appelé les autorités ukrainiennes à mettre fin à la pratique consistant à employer des détenus pour effectuer des «corvées», conformément aux recommandations précédentes 
			(36) 
			CPT/Inf(2020)40,
paragraphes 14-27. .
27. En ce qui concerne plusieurs États membres (Albanie 
			(37) 
			CPT/Inf(2019)28, paragraphe 13. , Arménie 
			(38) 
			CPT/Inf(2021)10,
paragraphes 10 et 12. , Bulgarie 
			(39) 
			CPT/Inf(2018)15, paragraphes 20
et 23 ; CPT/Inf(2022)20, paragraphes 13, 15, 18 (le vice-ministre
de l’Intérieur a reconnu le phénomène persistant de la violence
policière)., Croatie 
			(40) 
			CPT/Inf(2018)44, paragraphe 12. , Chypre 
			(41) 
			CPT/Inf(2018)16,
paragraphes 12 et 14. , Hongrie 
			(42) 
			CPT/Inf(2020)8, paragraphes 21-22., Monténégro 
			(43) 
			CPT/Inf(2019)2,
paragraphe 14, qui indique que «l’existence de mauvais traitement
infligés par des policiers est une réalité, qui n’est pas le fait
de quelques policiers sans scrupules mais une pratique communément
acceptée dans la culture policière actuelle, notamment parmi les
inspecteurs de la brigade criminelle». , Macédoine du Nord 
			(44) 
			CPT/Inf(2021)18,
paragraphe 37. , Portugal 
			(45) 
			CPT/Inf(2020)33, paragraphes 13
et 20, concernant en particulier les ressortissants étrangers et
les personnes d’origine africaine. , Roumanie 
			(46) 
			CPT/Inf(2022)06, paragraphe 12. , Serbie 
			(47) 
			CPT/Inf(2022)03,
paragraphes 15, 18 et 20, y compris des allégations de mauvais traitements
physiques graves infligés à des personnes soupçonnées d’avoir commis
des infractions pénales, au cours de longues séances d’interrogatoire,
ce qui pourrait constituer un acte de torture. Le CPT a noté que
les mauvais traitements infligés par la police demeurent un grave
problème, qui exige des autorités serbes qu’elles prennent des mesures
plus fermes. , République slovaque 
			(48) 
			CPT/Inf(2019)20, paragraphe 10. , Espagne 
			(49) 
			CPT/Inf(2021)27, paragraphe 12. et Ukraine 
			(50) 
			CPT/Inf(2018)41,
paragraphes 22-28.), le CPT a continué à recueillir, au cours de ses visites, un certain nombre d’allégations de mauvais traitements physiques infligés par des policiers, notamment au moment du premier interrogatoire dans les locaux de la police. Dans certains cas, l’examen médical des personnes concernées et/ou la consultation des dossiers médicaux par la délégation du CPT ont révélé des lésions qui correspondaient aux allégations de mauvais traitements formulées. De l’avis du CPT, le phénomène des mauvais traitements infligés par la police n’a pas encore été entièrement éradiqué dans certains de ces pays, et les personnes placées en garde à vue courent toujours un risque considérable d’être maltraitées 
			(51) 
			Par exemple, à Chypre. . Dans d’autres États, bien que la délégation du CPT ait entendu très peu d’allégations de mauvais traitements infligés par la police, le Comité a noté l’augmentation du nombre de plaintes déposées devant des organes nationaux (par exemple la République de Moldova 
			(52) 
			CPT/Inf(2020)27, paragraphe 19. ). Ces dernières années, par rapport aux mauvais traitements physiques infligés par des policiers pendant la garde à vue, les délégations du CPT semblent avoir recueilli moins d’allégations de mauvais traitements commis par le personnel pénitentiaire. On note cependant que certaines allégations concernant des établissements pénitentiaires ont été mentionnées dans ses récents rapports sur la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la France, la Lituanie, la République de Moldova, le Monténégro, le Portugal et la Roumanie 
			(53) 
			Voir
les rapports du CPT mentionnés ci-dessus au sujet de ces États,
ainsi que les rapports sur la France, CPT/Inf(2021)14, et sur la
Lituanie, CPT/Inf(2023)01, paragraphe 34. Si, dans certains rapports,
les allégations ont été qualifiées d’«isolées» (Bulgarie, France),
dans d’autres, le CPT a évoqué le nombre important d’allégations
recueillies (Monténégro, Roumanie) ou «une caractéristique problématique»
dans des prisons spécifiques (prison centrale de Nicosie à Chypre). .

4. Autres organes du Conseil de l’Europe

4.1. L’Assemblée parlementaire

28. Par le passé, l’Assemblée s’est déjà penchée sur des allégations de torture ou de mauvais traitements physiques systémiques commis dans des lieux de détention. Par exemple, la question des détentions illégales et de la torture des personnes LBGTI en Tchétchénie a été soulevée dans sa Résolution 2230 (2018) «Persécution des personnes LGBTI en République tchétchène (Fédération de Russie)», ainsi que dans le rapport plus récent sur lequel se fonde la Résolution 2445 (2022) «Le rétablissement des droits de l’homme et de l’État de droit reste indispensable dans la région du Caucase du Nord». Dans ce rapport sont mentionnées de nouvelles vagues d’agressions contre la communauté LGBTI en 2019, au cours desquelles deux personnes auraient été torturées à mort et une quarantaine auraient été détenues par les autorités 
			(54) 
			Doc. 15544 du 3 juin 2022 (Rapporteur : M. Franck Schwabe), paragraphes 63-65.
Voir aussi : <a href='https://pace.coe.int/fr/news/7322/two-rapporteurs-condemn-the-latest-alleged-murder-torture-and-illegal-detention-of-lgbti-persons-in-chechnya'>https://pace.coe.int/fr/news/7322/two-rapporteurs-condemn-the-latest-alleged-murder-torture-and-illegal-detention-of-lgbti-persons-in-chechnya</a>.. Les mauvais traitements infligés aux prisonniers politiques dans certains États membres ont également été abordés dans les travaux les plus récents de l’Assemblée: les rapports qui ont donné lieu à la Résolution 2322 (2020) «Cas signalés de prisonniers politiques en Azerbaïdjan», la Résolution 2446 (2022) «Cas signalés de prisonniers politiques en Fédération de Russie» et la Résolution 2375 (2021) «L’arrestation et la détention d’Alexeï Navalny en janvier 2021 
			(55) 
			Doc. 15020 du 18 décembre 2019 (Rapporteure : Mme Thórhildur Sunna
Ævarsdóttir), paragraphes 42-50 ; Doc. 15545 du 3 juin 2022 (Rapporteure : Mme Thórhildur Sunna Ævarsdóttir),
paragraphe 26, qui mentionne des cas de manifestants hostiles à
la guerre arrêtés pendant l’agression (en cours) contre l’Ukraine
en 2022 ; Doc. 15270 du 19 avril 2021 (Rapporteur : M. Jacques Maire), paragraphes 14-21.
Pour d’autres rapports et activités de l’Assemblée sur la prévention
de la torture en Europe et les questions liées à la détention, voir Doc. 14788 du 3 janvier 2019 «Améliorer le suivi des recommandations
du CPT: renforcer le rôle de l’Assemblée parlementaire et des parlements
nationaux» (Rapporteur : M. Damir Arnaut), paragraphes 12 et 13. ». L’usage excessif de la force par les forces de l’ordre a fait l’objet du rapport à l’origine de la Résolution 2435 (2022) «Combattre et prévenir l’usage excessif et injustifié de la force par les forces de l’ordre», dans laquelle l’Assemblée invitait les États membres, entre autres, à veiller à ce que leur législation nationale érige en infraction tous les actes de torture et les traitements inhumains ou dégradants, et à ce que ces dispositions soient effectivement appliquées dans la pratique afin de prévenir et sanctionner l’usage excessif de la force par les agents de maintien de l’ordre, quel que soit le contexte (hors privation de liberté ou en détention). L’Assemblée a également joué un rôle crucial en dévoilant la vérité sur la complicité de plusieurs États membres dans le programme illégal de «restitutions extraordinaires», impliquant l’enlèvement, la détention, et les mauvais traitements des personnes soupçonnées d’être des terroristes, mis en œuvre par la CIA en Europe entre 2001 et 2006 
			(56) 
			Voir, entre autres,
la Résolution 1562 (2007) «Détentions secrètes et transferts illégaux de détenus
impliquant des États membres du Conseil de l’Europe: second rapport»
(Rapporteur : M. Dick Marty). <a href='https://pace.coe.int/fr/news/5722/une-chronologie-le-conseil-de-l-europe-et-les-cas-de-detentions-secretes-du-cia-en-europe'>Une
chronologie: le Conseil de l’Europe et les cas de détentions secrètes
du CIA en Europe (coe.int)</a>. . Les travaux par pays de la Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) de l’Assemblée ont parfois fait état d’allégations de mauvais traitements dans certains États membres 
			(57) 
			Voir,
par exemple, AS/Mon(2019)18, «Respect des obligations et engagements
de l’Azerbaïdjan», Note d’information des corapporteurs sur leur
visite d’information à Bakou, paragraphes 61-67..
29. La Rapporteure générale de l’Assemblée sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a également attiré l’attention sur les cas de torture et de mauvais traitements infligés aux défenseurs des droits de l’homme, ainsi que sur la persécution des défenseurs des droits de l’homme qui enquêtent sur les cas de torture 
			(58) 
			Note d’information
«La situation des défenseurs des droits de l’homme dans les États
membres du Conseil de l’Europe» (Rapporteure générale: Mme Alexandra
Louis), 28 février 2022, paragraphes 15, 29, 37. .

4.2. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

30. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a également fait part de ses préoccupations à propos des cas individuels de torture ou de mauvais traitements, notamment à l’égard des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Par exemple, en novembre 2020, elle a demandé aux autorités russes de prendre d’urgence des mesures au sujet de M. Salman Tepsurkayev, âgé de 19 ans et modérateur de chat d’une chaîne d’information de Telegram, qui aurait été enlevé par des policiers tchétchènes en septembre de la même année et soumis à des violences sexuelles et à la torture. Elle a souligné que l’impunité pour les violations graves des droits de l’homme était un problème systémique qui prévalait en Tchétchénie depuis de nombreuses années 
			(59) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/news-2020/-/asset_publisher/Arb4fRK3o8Cf/content/the-commissioner-calls-on-the-russian-investigating-authorities-to-take-urgent-action-in-the-case-of-mr-salman-tepsurkayev-abducted-in-september-and-s?inheritRedirect=false&redirect=https%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Fen%2Fweb%2Fcommissioner%2Fnews-2020%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_Arb4fRK3o8Cf%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-1%26p_p_col_count%3D1'>La
Commissaire appelle les services d’enquête russes à intervenir d’urgence
dans l’affaire concernant M. Salman Tepsurkaev, enlevé en septembre
et torturé en Tchétchénie - News 2020 - Commissaire aux droits de
l’homme (coe.int)</a>. . En juillet 2016, l’ancien Commissaire s’était alarmé des images montrant des tortures et des mauvais traitements infligés à des auteurs présumés de la tentative de coup d’État en Türkiye, ainsi que des signes de torture présents sur des personnes placées en détention, images qui avaient été publiées dans divers médias à l’époque 
			(60) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/situation-in-turkey'>Situation
en Turquie - View (coe.int)</a>.

5. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

31. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a le pouvoir de transmettre des appels urgents aux États à propos d’individus qui risqueraient d’être torturés, ainsi que des communications sur des cas antérieurs de torture allégués, mais aussi d’entreprendre des visites d’information dans les pays et de soumettre des rapports annuels au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée générale des Nations Unies. À la suite de sa visite en Türkiye en 2016, le Rapporteur spécial a par exemple publié un rapport dans lequel il a conclu que, «immédiatement après l’échec du coup d’État […] la torture et d’autres formes de mauvais traitements étaient devenues un phénomène généralisé, en particulier au moment de l’arrestation et de la détention provisoire dans les locaux de la police ou de la gendarmerie ou dans un lieu de détention non officiel». En ce qui concerne le sud-est du pays, il a ajouté que «la torture et les mauvais traitements continuaient d’être des pratiques répandues pendant la phase initiale de la garde à vue et de l’interrogatoire et visaient principalement à contraindre les suspects à avouer ou à dénoncer d’autres suspects d’infractions terroristes» 
			(61) 
			 <a href='https://www.ohchr.org/fr/documents/country-reports/ahrc3750add1-report-special-rapporteur-torture-and-other-cruel-inhuman-or'>A/HRC/37/50/Add.1:
Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants sur sa mission en Turquie
- Note du secrétariat</a>, paragraphe 101.. Dans son rapport sur sa visite en Ukraine en 2018, le Rapporteur spécial a conclu que malgré des améliorations notables sur l’ensemble du territoire ukrainien contrôlé par le gouvernement, «les informations recueillies […] indiquent que la torture et les mauvais traitements continuent d’être pratiqués en toute impunité dans tout le pays» et que «quelle que soit l’autorité concernée, les mauvais traitements signalés sont tous des abus répétitifs caractérisés par l’intimidation, l’application de sanctions et l’extorsion d’aveux» 
			(62) 
			<a href='https://www.ohchr.org/fr/documents/country-reports/ahrc4059add3-visit-ukraine-report-special-rapporteur-torture-and-other'>HCDH
| A/HRC/40/59/Add.3: Visite en Ukraine - Rapport du Rapporteur spécial
des Nations Unies sur la torture ou autre peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants,</a> paragraphes 109-110. . Dans son rapport qui faisait suite à sa visite en Serbie en 2017, le Rapporteur spécial a constaté que les nombreuses allégations cohérentes de torture et de mauvais traitements survenus pendant la garde à vue qu’il a recueillies n’étaient pas des incidents isolés, mais indiquaient «l’existence d’abus systématiques bien ancrés dans la culture policière prédominante» 
			(63) 
			<a href='https://www.ohchr.org/fr/documents/country-reports/ahrc4059add1-visit-serbia-and-kosovo-report-special-rapporteur-torture'>HCDH
| A/HRC/40/59/Add.1 : Visite en Serbie et au Kosovo - Rapport du
Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants</a>, paragraphe 99. .

6. Exemples choisis d’allégations de torture et de mauvais traitements dans certains États membres rapportées par des ONG et des médias

32. En mai 2017, les autorités azerbaïdjanaises ont ouvert une procédure pénale pour trahison d’État contre un groupe de militaires et de civils qui auraient divulgué des secrets militaires aux services de renseignement des forces armées arméniennes (affaire «Terter», voir le paragraphe 19 ci-dessus). Le 13 avril 2021, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a indiqué que dans le cadre de cette affaire, 78 personnes avaient été détenues et condamnées à des peines de 12 à 20 ans de prison et que les personnes détenues avaient été et continuaient d’être soumises à des tortures ayant provoqué 11 décès confirmés. Selon l’OMCT, des détenus ont été torturés dans le but de leur extorquer des aveux de trahison. M. Oktay Gulaliev, un militant qui avait enquêté sur ces affaires, était toujours dans le coma. En 2019, il avait été renversé par une voiture et s’était vu refuser toute assistance médicale pendant les 17 heures qui avaient suivi son accident. L’OMCT a condamné ces actes et exigé que les autorités mettent fin à la pratique de la torture et veillent à ce que des mesures systématiques soient prises pour prévenir et éliminer cette pratique 
			(64) 
			<a href='https://www.omct.org/en/resources/statements/azerbaijan-11-deaths-in-custody-and-other-serious-human-rights-violations-in-the-terter-case'>www.omct.org/en/resources/statements/azerbaijan-11-deaths-in-custody-and-other-serious-human-rights-violations-in-the-terter-case</a> [en anglais]. Voir également l’Institut pour la paix
et la démocratie (IPD), <a href='https://www.ipd-az.org/law-enforcement-agencies-of-azerbaijan-sanction-murders/'>www.ipd-az.org/law-enforcement-agencies-of-azerbaijan-sanction-murders/</a> (avec les noms des personnes mortes sous la torture
de mai 2017 à avril 2020, selon l’IPD) [en anglais]. .
33. Au cours de ma mission en Azerbaïdjan en novembre 2022 (entreprise dans le cadre de mon rapport sur la mise en œuvre des arrêts), j’ai rencontré les avocats et les familles des victimes de l’affaire Terter, qui m’ont livré un témoignage très émouvant. Valida Ahmadova, la mère d’Elchin Guliyev (mort à la suite de tortures en mai 2017), nous a confié qu’elle n’avait appris que son fils avait été torturé à mort que huit mois après son décès, au moment de l’ouverture de la procédure pénale. Les personnes arrêtées et torturées se voyaient proposer trois options: (i) reconnaître qu’elles étaient des traîtres; (ii) accuser de trahison un ami ou un collègue; ou (iii) mourir sous la torture. Différentes méthodes de torture étaient utilisées, notamment: la pendaison, la noyade, l’écorchement, le bandage des yeux, l’arrachage des ongles, l’insertion d’une ampoule dans la bouche afin qu’elle explose, l’ablation des organes génitaux, le viol, les menaces de viol sur des membres de la famille, etc. Mme Ahmadova nous a expliqué que son fils avait refusé d’avouer et de dénoncer arbitrairement d’autres personnes, et qu’il avait donc été torturé à mort. Elle a fini par obtenir une décision d’«acquittement» qui prouvait que son fils n’était pas un traître, et ce n’est qu’à ce moment-là que des mesures ont été prises contre ses tortionnaires. Cependant, aucun des auteurs du crime n’a été condamné, puisque le jugement final n’a pas encore été rendu. Mme Ahmadova a par ailleurs précisé que, dans ce type d’affaires, de nombreux auteurs ont été promus, notamment les fonctionnaires de haut rang.
34. J’ai également rencontré Nasir Aliyev, le père d’Emil Aliyev, qui a été reconnu coupable de trahison et dont l’affaire est actuellement réexaminée par le Bureau du procureur général. M. Aliyev m’a expliqué que, bien que les verdicts aient été annulés au motif que les aveux ont été obtenus sous la torture, les personnes étaient toujours en prison à des fins «d’enquête». Certains tortionnaires ont été arrêtés, mais pas les officiers haut gradés. Des poursuites ont été engagées pour un chef d’accusation moins grave que la torture, qui consiste à «infliger des souffrances» à autrui (avec une peine maximale de trois ans d’emprisonnement).
35. En décembre 2022, nous avons été informés que 19 prisonniers de l’affaire Terter avaient été acquittés et libérés. Dans le même temps, le président de la commission parlementaire sur les droits de l’homme, que j’ai rencontré pendant ma visite, a fait une déclaration dans laquelle il accusait de falsification l’ancien procureur général Zakir Garalov et les enquêteurs militaires impliqués dans l’affaire Terter, qui ont accusé à tort des centaines de personnes de trahison. Il a également demandé le rétablissement des droits des personnes condamnées sans raison ainsi que leur indemnisation 
			(65) 
			<a href='https://www.turan.az/ext/news/2022/12/free/politics_news/en/12902.htm'>www.turan.az/ext/news/2022/12/free/politics_news/en/12902.htm</a> [en anglais]. .
36. La torture et d’autres formes de mauvais traitements ont également été utilisées en Azerbaïdjan contre des opposants politiques, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme. En février 2019, un tribunal a condamné trois membres dirigeants du Parti du Front populaire d’Azerbaïdjan (PFPA), Saleh Rustamov, Agil Maharramov et Babek Hasanov, à des peines d’emprisonnement pour entrepreneuriat illégal, détention de drogue et autres accusations. Au cours du procès, les hommes ont déclaré qu’ils avaient été torturés et soumis à des pressions pour obtenir des aveux. En mars 2019, les forces de l’ordre ont, à plusieurs reprises, giflé et donné des coups de pied à Bayram Mammadov, militant de l’opposition, et l’ont retenu pendant près de 24 heures, menotté, les jambes attachées et allongé sur le sol. Toujours en mars de la même année, 14 accusés condamnés pour des émeutes de masse lors des troubles de juillet 2018 à Ganja ont témoigné devant le tribunal que la police les avait battus à plusieurs reprises pour leur extorquer des aveux et des dépositions 
			(66) 
			<a href='https://www.hrw.org/world-report/2020/country-chapters/azerbaijan'>www.hrw.org/world-report/2020/country-chapters/azerbaijan</a> [en anglais]. . En décembre 2021, la police azerbaïdjanaise a violemment dispersé une manifestation dans le centre de Bakou et arrêté des dizaines de manifestants. Parmi les personnes détenues figurait un dirigeant de l’opposition, Tofig Yagublu, qui a subi de multiples lésions lors de sa garde à vue. M. Yagublu a déclaré que la police l’avait passé à tabac tout en le filmant et exigé qu’il dise devant la caméra qu’il cesserait de critiquer le président Aliyev 
			(67) 
			<a href='https://www.hrw.org/news/2021/12/03/azerbaijan-opposition-leader-beaten-custody'>www.hrw.org/news/2021/12/03/azerbaijan-opposition-leader-beaten-custody</a> [en anglais]. Voir également: <a href='https://www.ipd-az.org/torture-and-atrocities-by-law-enforcement-bodies-of-azerbaijan-authorised-by-president-ilham-aliyev/'>Torture and
atrocities by law enforcement bodies of Azerbaijan authorised by
president Ilham Aliyev – IPD (ipd-az.org)</a>.. Human Rights Watch (HRW) a signalé en 2020 et 2021 d’autres allégations de torture de membres du PFPA, notamment Alizamin Salayev et Seymour Ahmadov, ainsi que Yunis Safarov, condamné pour une tentative d’assassinat contre le maire de Ganja 
			(68) 
			<a href='https://www.hrw.org/world-report/2021/country-chapters/azerbaijan'>www.hrw.org/world-report/2021/country-chapters/azerbaijan#fd2631</a> [en anglais]; <a href='https://www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/azerbaijan'>www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/azerbaijan</a> [en anglais]. Voir aussi, à propos du cas de Yunis Safarov: <a href='https://www.ipd-az.org/aliyevs-regime-is-carrying-out-repressions-by-imitating-the-fight-with-islamic-terrorism/'>Aliyev’s
regime is carrying out repressions by imitating the fight with islamic
terrorism – IPD (ipd-az.org)</a>. . Selon HRW, aucune enquête effective n’a suivi ces allégations 
			(69) 
			Pour
plus de cas, voir: <a href='https://idi-aze.org/en/huquq/media-monitoring-on-ill-treatment-report-2019-2021'>IDI-The
Institute for Democratic Initiatives, «Media monitoring on ill-treatment
Report (2019-2021)», (idi-aze.org)</a>. .
37. En ce qui concerne la Russie, les ONG ont systématiquement signalé des cas de torture et de mauvais traitements dans les lieux de détention. HRW a déclaré dans son rapport mondial 2022 que la torture et les mauvais traitements se poursuivaient dans le système pénitentiaire russe. En octobre 2021, après des reportages médiatiques sur des vidéos révélant de nombreux cas de viols et autres mauvais traitements infligés à des détenus de sexe masculin dans un hôpital pénitentiaire de la région de Saratov (plus de 1 000 vidéos remises à l’ONG russe Gulagu.net), les autorités ont annoncé qu’elles ouvraient une enquête. La personne qui a divulgué les vidéos, Siarhei Savelyeu, a fui le pays et a demandé l’asile en France 
			(70) 
			<a href='https://www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/russia'>www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/russia#e0dd39</a> [en anglais]; <a href='https://www.theguardian.com/world/2021/nov/08/i-was-always-scared-inmate-who-exposed-systemic-russian-prisoner-abuse'>www.theguardian.com/world/2021/nov/08/i-was-always-scared-inmate-who-exposed-systemic-russian-prisoner-abuse</a> [en anglais]. . Lors de l’audition tenue devant la commission le 22 mars 2023, nous avons entendu les témoignages de M. Vladimir Osechkin, fondateur du projet Gulagu.net, et de M. Savelyeu, un ancien détenu qui a travaillé comme assistant du chef du service de la sécurité de l’hôpital pénitentiaire de Saratov entre 2016 et 2021. M. Savelyeu nous a expliqué qu’il avait été contraint d’aider la direction de cette institution en conservant les archives vidéo des séances de torture, des passages à tabac, des viols et des meurtres perpétrés par les agents du FSIN (Service pénitentiaire fédéral). Sa tâche consistait à distribuer des magnétoscopes aux employés de l’hôpital de la prison et à certains kapos pour qu’ils filment leurs actes de torture et d’humiliation sexuelle, puis à enregistrer ces fichiers et à les envoyer aux agents du FSIN afin de prouver que les actes avaient bien été exécutés. Ces fichiers étaient ensuite utilisés pour faire du chantage ou recruter comme agents les personnes qui avaient été torturées. Des centaines de plaintes ont été déposées au cours des dix dernières années, mais les victimes ont été contraintes de signer des renonciations. Pendant plusieurs années, seuls M. Osechkin et une poignée d’avocats ont tenté de dénoncer le «convoyeur de torture» de cet établissement. Depuis plus de 11 ans, M. Osechkin publie des informations, des documents et des vidéos qui confirment le recours systématique à la torture dans les prisons russes. Selon lui, le système mis en place permettait au FSIN d’exercer un contrôle totalitaire au sein des prisons. Il suffisait à un agent du FSIN de montrer une vidéo de scène de torture ou de viol à une personne pour que celle-ci avoue, témoigne contre quelqu’un ou accepte de devenir un espion ou un kapo en prison. M. Osechkin a demandé à plusieurs reprises au CPT de visiter l’hôpital pénitentiaire de Saratov ainsi qu’un centre de détention provisoire à Irkoutsk (où plus d’une centaine de prisonniers ont également été battus et violés en 2020) 
			(71) 
			Enregistrement de l’audition
du 22 mars 2023 [en anglais] : <a href='https://www.youtube.com/watch?v=Sit__cQ_pcg'>www.youtube.com/watch?v=Sit__cQ_pcg</a>. . Après la divulgation des vidéos en 2021, l’ancien directeur de l’hôpital pénitentiaire de Saratov (Pavel Gatsenko) et le chef de son service de sécurité (Sergeï Maltsev) ont été arrêtés et accusés d’avoir organisé des abus sexuels sur des détenus.
38. Depuis le début de la guerre d’agression en cours contre l’Ukraine en 2022, des milliers de citoyens russes ont été détenus pour avoir protesté contre cette guerre. Nombre d’entre eux auraient été victimes d’abus et de mauvais traitements brutaux dans les postes de police. Selon l’ONG russe Comité contre la torture, la torture dans les centres de détention et les prisons russes est systémique 
			(72) 
			<a href='https://en.zona.media/article/2022/03/12/brateevo'>https://en.zona.media/article/2022/03/12/brateevo</a> [en anglais]; <a href='https://crd.org/2022/03/23/human-rights-are-practically-seen-as-an-enemys-value/'>https://crd.org/2022/03/23/human-rights-are-practically-seen-as-an-enemys-value/</a> [en anglais]; <a href='https://www.hrw.org/fr/news/2022/03/09/russie-des-manifestants-antiguerre-arretes-tortures-et-maltraites'>Russie:
des manifestants antiguerre arrêtés, torturés et maltraités</a> ; <a href='https://meduza.io/en/news/2022/09/27/poet-artem-kamardin-beaten-and-raped-by-russian-police'>Poet
Artem Kamardin beaten and raped by Russian police – Meduza</a>. Voir aussi la note introductive sur «La détention arbitraire
de Vladimir Kara-Murza et la persécution systématique des manifestants
anti-guerre en Fédération de Russie» (déclassifiée). .
39. En Türkiye, plusieurs ONG ont dénoncé, en décembre 2021, que la torture continuait d’être répandue, malgré la prétendue politique de «tolérance zéro à l’égard de la torture» menée par les autorités. Selon elles, «la recrudescence des cas de torture, de mauvais traitements et de traitements cruels, inhumains ou dégradants en garde à vue, en détention militaire et en prison au cours des dernières années a occulté les progrès antérieurs de la Türkiye dans ce domaine» 
			(73) 
			<a href='https://www.omct.org/en/resources/statements/turkey-five-years-into-visit-by-united-nations-special-rapporteur-torture-remains-widespread'>«Turkey:
Five Years into visit by United Nations Special Rapporteur, torture
remains widespread», OMCT</a>. . Elles ont également critiqué le fait que, depuis juillet 2016, la Türkiye n’ait autorisé la publication que de deux des rapports du CPT concernant la garde à vue et les prisons. Dans deux arrêts de mai 2021, la Cour constitutionnelle a constaté des violations de l’interdiction des mauvais traitements et a ordonné de nouvelles enquêtes sur des plaintes que les procureurs avaient rejetées en 2016. Le premier concernait un grief pour torture et viol en garde à vue formulé par un enseignant, A.A., dans la ville d’Afyon, le second un grief formulé par un enseignant, E.B., à Antalya qui alléguait que la police l’avait torturé en garde à vue et qu’il avait dû subir une opération chirurgicale d’urgence. D’autres cas concernent des femmes, notamment Garibe Gezer, une détenue kurde qui a affirmé avoir été battue et harcelée sexuellement par les gardiens de la prison de Kocaeli à Kandira, et qui a été retrouvée morte dans sa cellule en décembre 2021 
			(74) 
			<a href='https://www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/turkey'>World
Report 2022: Turkey | Human Rights Watch (hrw.org)</a>; <a href='https://www.hrw.org/world-report/2021/country-chapters/turkey'>World
Report 2021: Turkey | Human Rights Watch (hrw.org)</a>. Voir les cas signalés en 2021 [en anglais]: <a href='https://stockholmcf.org/torture-and-inhuman-treatment-in-turkey-2021-in-review/'>Torture
and Inhuman Treatment in Turkey: 2021 in Review – Stockholm Center
for Freedom (stockholmcf.org)</a>.. Selon un rapport de juin 2021 sur les pratiques de torture (données recueillies par le centre de documentation de l’association İHD), 383 personnes, dont 10 enfants, ont été maltraitées ou torturées dans des lieux de détention officiels en 2020. La même année, le nombre de personnes affirmant avoir été soumises à des actes de torture et à des mauvais traitements dans des lieux non officiels, qu’ils soient privatifs de liberté ou non, s’élevait à 397, et celui des personnes incarcérées à 358 
			(75) 
			TİHV et İHD, «Torture
in its Various Dimensions in Turkey as of 26 June 2021», <a href='https://en.tihv.org.tr/press-releases/a-world-without-torture-is-possible-against-all-odds/'>A
World Without Torture Is Possible Against All Odds - HRFT - Human
Rights Foundation of Turkey (tihv.org.tr)</a>. . Selon le rapport de l’İHD publié en 2022, 1 414 personnes ont été soumises à des mauvais traitements ou à des actes de torture dans les prisons turques en 2021, et 531 personnes (dont 12 enfants) ont été maltraitées ou torturées en garde à vue 
			(76) 
			<a href='https://stockholmcf.org/more-than-5000-people-mistreated-or-tortured-in-turkey-in-2021-report/'>https://stockholmcf.org/more-than-5000-people-mistreated-or-tortured-in-turkey-in-2021-report/</a> [en anglais]. Le rapport révèle que 2 835 personnes
ont été maltraitées à la suite d’interventions de la police lors
de manifestations et de rassemblements. Voir aussi le rapport rédigé
en 2022 par Sezgin Tanrıkulu, membre du Parti républicain du peuple,
le principal parti d’opposition [en anglais]: <a href='https://stockholmcf.org/5361-including-80-minors-mistreated-or-tortured-in-turkey-in-2022-report/'>https://stockholmcf.org/5361-including-80-minors-mistreated-or-tortured-in-turkey-in-2022-report/</a>. Pour plus d’informations sur d’autres affaires en 2023
et une vue d’ensemble de la situation générale, voir le rapport
de Human Rights Solidarity: «<a href='www.hrsolidarity.org/our-submission-to-the-pace-on-systemic-torture-in-turkey'>Systemic
torture and inhuman or degrading treatment or punishment in places
of detention in Turkey</a>» (mars 2023).. Plusieurs rapports indiquent que les personnes soupçonnées d’être affiliées au PKK ou au mouvement Gülen sont plus susceptibles d’être soumises à des mauvais traitements ou à des actes de torture 
			(77) 
			United States Department
of State, 2022 Country Reports on Human Rights Practices: Türkiye,
https://www.state.gov/reports/2022-country-reports-on-human-rights-practices/turkey/.
Voir, par exemple, les affaires de torture sur d’anciens diplomates
turcs détenus en mai 2019 [en anglais]: <a href='https://nordicmonitor.com/2019/07/turkeys-foreign-ministry-tries-to-hush-up-torture-claims-of-former-diplomats/'>https://nordicmonitor.com/2019/07/turkeys-foreign-ministry-tries-to-hush-up-torture-claims-of-former-diplomats/</a>, où au moins cinq anciens diplomates auraient été torturés pendant
trois jours consécutifs par la police d’Ankara. . Les conditions de détention (isolement) d’Abdullah Öcalan dans la prison de haute sécurité d’İmralı sont également préoccupantes depuis plusieurs années 
			(78) 
			<a href='https://medyanews.net/lawyers-urge-cpt-visit-for-abdullah-ocalan-in-imrali-prison/'>https://medyanews.net/lawyers-urge-cpt-visit-for-abdullah-ocalan-in-imrali-prison/</a> [en anglais]. .

7. Propositions pour prévenir et éliminer la torture et les mauvais traitements dans les lieux de détention

40. Lors de l’audition tenue devant la commission le 22 mars 2023, le président du CPT Alan Mitchell a rappelé les trois garanties fondamentales pour prévenir la torture et les mauvais traitements en garde à vue, à savoir le droit d’accès à un avocat, le droit d’accès à un médecin et le droit d’informer un tiers de sa détention. Si elle est considérée dans sa globalité et appliquée dès le début de la détention, cette «trinité de droits» peut offrir une protection contre les mauvais traitements. L’enregistrement vidéo des interrogatoires de police et la tenue de registres appropriés pourraient fournir des garanties supplémentaires. Changer la culture policière est plus difficile, mais indispensable. M. Mitchell a indiqué que, dans de nombreux pays visités par le CPT, la police mettait au point des techniques d’audition plutôt que des techniques d’interrogatoire, dans le but d’obtenir des informations exactes et pas nécessairement des aveux (passer «de la preuve au suspect» plutôt que «du suspect à la preuve»). Lorsque des plaintes sont déposées, il est par ailleurs essentiel de procéder à des enquêtes adéquates et indépendantes et de demander à des médecins indépendants d’effectuer des examens médico-légaux appropriés. En ce qui concerne la situation dans les prisons, M. Mitchell a souligné que le manque de personnel, la surpopulation et le fait de confier à des détenus un certain contrôle au sein de la prison étaient des facteurs clés qu’il convenait de maîtriser. Il a également rappelé que les principes fondateurs du CPT étaient la confidentialité et la coopération avec les autorités des pays visités, et que le CPT n’était ni un organisme d’enquête ni un organe judiciaire.
41. Dans son Rapport général 2018, le CPT a abordé certaines de ces questions et recommandé des bonnes pratiques. Il a noté que malgré l’existence de dispositions légales précises qui intègrent certaines de ses recommandations relatives à la garde à vue, la mise en application de ces garanties présente de graves lacunes. Le CPT considère qu’un changement de culture policière s’impose, à commencer par des procédures de recrutement rigoureuses fondées sur des critères de sélection stricts, une rémunération correcte et un programme de formation continue sur les normes relatives aux droits de l’homme et les compétences appropriées en matière d’enquête. Ce changement doit également passer par une direction et des cadres intermédiaires solides au sein de la police, capables de transmettre des messages fermes et dénués de toute ambiguïté en faveur d’une «tolérance zéro» à l’égard des mauvais traitements infligés par la police. Les agents de police devraient toujours être identifiables et des procédures claires de signalement devraient être mises en place, de même que des mesures d’encouragement et de protection des lanceurs d’alerte. En outre, le CPT a recommandé l’établissement de mécanismes de surveillance, notamment les mécanismes nationaux de prévention créés en vertu du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT). Il a également évoqué le modèle «non accusatoire» des interrogatoires d’enquête (voir plus haut) mis au point dans certains pays (Angleterre et Pays de Galles, Norvège), qui a inspiré les travaux de surveillance du CPT. Par ailleurs, le CPT a insisté sur l’importance de consigner avec précision tous les interrogatoires de police (y compris l’heure de début et de fin et le nom de toutes les personnes présentes) et de les enregistrer sur support électronique (avec un équipement audio/vidéo). Enfin, le CPT a encouragé une tendance observée dans certains pays, qui consiste à placer les personnes en garde à vue dans des locaux centralisés de détention, plutôt que dans des cellules de police situées dans de plus petits établissements, et à nommer des agents spécialisés qui sont exclusivement affectés à la supervision de la garde à vue (qui ne sont pas les enquêteurs ou les policiers ayant procédé aux interpellations) 
			(79) 
			CPT, <a href='https://rm.coe.int/16809420e4'>28e Rapport général du
CPT</a>, 1er janvier-31 décembre
2018, paragraphes 61-85..
42. Dans son rapport thématique de 2021 sur la responsabilité en matière de torture et de mauvais traitements, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a, à partir des réponses des États, recensé plusieurs obstacles à l’obligation de rendre des comptes, notamment: la dénégation, l’obstruction, les retards, l’ostracisme, les carences ou le financement insuffisant des procédures, les obstacles à la participation des victimes, l’impunité et le recours à la torture et aux mauvais traitements comme forme de punition. Pour surmonter ces obstacles, il a formulé les recommandations suivantes:
  • incriminer la torture et les mauvais traitements en droit et en fait: les États devraient s’assurer que leur législation nationale considère la torture comme une infraction, au sens que lui donne l’article premier de la Convention des Nations Unies contre la Torture, et prévoie des sanctions proportionnelles à la gravité des faits;
  • en finir avec les pratiques de dénégation et d’obstruction aux processus d’obligation de rendre des comptes: les États doivent démontrer leur volonté politique de répondre – et d’amener autrui à répondre – des actes de torture et de mauvais traitements;
  • favoriser un principe d’obligation de rendre des comptes permanente, notamment en ratifiant la Convention des Nations Unies contre la torture et son Protocole facultatif, en mettant en place des mécanismes nationaux de prévention, en coopérant avec les instances internationales qui demandent aux États de rendre des comptes en la matière, en respectant les normes les plus strictes en matière de liberté d’information et de transparence en ce qui concerne les pratiques des États, en garantissant l’accès aux garanties fondamentales contre la torture et les mauvais traitements dès le début de la privation de liberté (accès à un avocat, contact avec la famille et droit d’être examiné par un médecin indépendant) et en veillant à ce que les services d’enquête puissent mener leurs travaux en toute indépendance et impartialité;
  • irrecevabilité des preuves obtenues par la torture ou des mauvais traitements;
  • renforcer comme il se doit les capacités et les ressources des mécanismes de reddition de comptes;
  • apporter un soutien à la société civile et aux défenseurs des droits de l’homme;
  • ouvrir immédiatement et systématiquement une enquête impartiale sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements;
  • mettre l’accent sur la contextualisation et la prévention, notamment en assurant la non-répétition des violations et en amorçant des changements structurels visant à éliminer les pratiques répréhensibles;
  • proposer une pleine réparation, y compris la réhabilitation des victimes;
  • faciliter la participation active des victimes et autres parties prenantes, notamment leurs familles et les organisations de la société civile;
  • garantir l’accessibilité aux mécanismes de reddition des comptes pour les personnes qui ont des besoins particuliers ou qui se trouvent dans certaines situations de vulnérabilité;
  • tenir les États et les individus responsables des insuffisances en matière d’obligation de rendre des comptes 
			(80) 
			A/76/168: <a href='https://www.ohchr.org/en/documents/report-accountability-torture'>Report
on accountability for torture and other cruel, inhuman or degrading
treatment or punishment, 16 juillet 2021, HCDH.</a>.

8. Conclusions

43. 70 ans après l’entrée en vigueur de la Convention européenne des droits de l’homme, il est déplorable que nous discutions encore de l’utilisation de la torture et des mauvais traitements dans les lieux de détention des États membres du Conseil de l’Europe. Les traitements inhumains constituent une violation grave du système de la Convention et le fait que nous cherchions à recueillir des preuves de la fréquence et de l’ampleur d’une telle violation d’un droit de l’homme fondamental constitue également un aveu de notre incapacité à créer un espace exempt de torture en Europe et une indication claire de nos faiblesses et défaillances. La nature répétitive de ces actes, l’absence de progrès dans la mise en œuvre des réformes nécessaires et des recommandations, le caractère ineffectif des enquêtes et la non-conformité aux décisions pertinentes de la Cour et à sa jurisprudence sont particulièrement alarmantes.
44. La culture de l’impunité à l’égard des mauvais traitements et de la torture observée en Russie, en Türkiye et en Azerbaïdjan – pour ne citer que quelques pays – conduit les acteurs étatiques à se soustraire à leurs obligations internationales. La culture de la «tolérance zéro», qui devrait exister dans la pratique, doit avoir un contenu précis et ne pas se limiter à une déclaration d’intention. L’établissement d’une infraction spécifique de torture serait une avancée positive qui donnerait corps aux travaux de la Cour, du CPT et des mécanismes nationaux de prévention.
45. Les personnes en détention sont par définition en situation de grande vulnérabilité, et souffrent d’un désavantage inhérent à leur situation en raison des moyens très limités dont ils disposent pour signaler une infraction de mauvais traitements ou de torture. Ces situations sont en soi très difficiles à prouver et à documenter, car le «système» est de fait en position d'exercer son pouvoir et de réduire la victime au silence.
46. Les cas signalés et les conclusions montrent que l’Europe est loin d’être un espace où la pratique de la torture a disparu. Certaines des allégations et constatations révèlent un recours systématique ou répétitif à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements physiques en garde à vue et/ou en prison dans plusieurs États européens. Il existe un décalage manifeste entre l’interdiction absolue de la torture et des traitements inhumains et dégradants, consacrée à l’article 3 de la Convention, dans le droit international (Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et jus cogens 
			(81) 
			Cour européenne des
droits de l’homme, Avis consultatif concernant l’applicabilité de
la prescription aux poursuites, condamnations et sanctions pour
des infractions constitutives, en substance, d’actes de torture,
demande no P16-2021-001, Cour de cassation
arménienne, 26 avril 2022, paragraphe 59, concernant l’interdiction
de la torture.) et dans de nombreuses normes constitutionnelles nationales, et la réalité. Le CPT note à cet égard que «la lutte contre les mauvais traitements implique non seulement l’adoption de normes juridiques appropriées, mais aussi la prise des mesures nécessaires pour assurer leur mise en œuvre». Il faut pour cela que les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements répondent de leurs actes et que les victimes obtiennent réparation, mais aussi que des mesures de prévention et de non-récidive soient adoptées. L’obligation qui incombe aux États de prévenir la torture et les mauvais traitements et de veiller à ce qu’ils ne se reproduisent pas devrait inclure la prise en compte des circonstances plus générales dans lesquelles l’incident illicite s’est produit et des éventuelles pratiques ou problèmes systémiques sous-jacents, notamment ceux qui appellent des réformes juridiques ou institutionnelles 
			(82) 
			Voir le rapport intérimaire
du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, A/76/168,
16 juillet 2021, paragraphes 37-43. .
47. Le fait qu’il existe des États membres dont les services répressifs autorisent ou tolèrent la possibilité ou la capacité d’un abus individuel du pouvoir (public) est, de par sa nature même, un sérieux recul par rapport aux valeurs qui sont essentielles pour une société démocratique et pour le respect et la promotion des droits de l’homme. Le recours à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants constitue par essence une grave menace pour les fondements démocratiques de l’Europe. Il révèle la tendance/perception selon laquelle il y a une violation «légitime» des droits de l’homme en fonction de la cause à servir.
48. En conséquence, l’Assemblée devrait souscrire pleinement aux recommandations du CPT et du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture ou autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en matière de prévention et de responsabilité. Certaines de ces recommandations devraient être mises en œuvre par les États membres par le biais de la législation ou de la réglementation, notamment: l’incrimination de la torture et d’autres formes de mauvais traitements, érigées en infractions pénales autonomes, assorties de sanctions proportionnées et dissuasives; l’abolition des délais de prescription pour les crimes de torture et autres crimes de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre et d’autres agents publics; l’application des garanties procédurales dès le début de la détention (accès à un avocat, contact avec la famille ou avec un tiers et droit d’être examiné par un médecin); l’irrecevabilité dans les procédures pénales des preuves obtenues en recourant à la torture ou autres mauvais traitements; l’enregistrement vidéo obligatoire de tous les interrogatoires; la consignation obligatoire de la détention et des interrogatoires de police; la réglementation de la durée maximale et du déroulement des interrogatoires de police; la mise en place de procédures de signalement et de mesures visant à encourager et à protéger les lanceurs d’alerte; l’établissement de mécanismes nationaux de prévention prévus par l’OPCAT; l’identification obligatoire des agents de police en uniforme. Il est également indispensable de changer la culture policière pour promouvoir une culture qui considère comme une attitude non professionnelle le fait de travailler et de s’associer avec des collègues qui ont recours à des mauvais traitements. Les États membres devraient, par exemple, élaborer des règles ou des lignes directrices (comme des codes de conduite) sur la manière de mener des interrogatoires de police, en s’inspirant du modèle d’interrogatoires d’enquête qui privilégie l’obtention de preuves plutôt que l’obtention d’aveux. Un changement de culture exige évidemment la mise en place de procédures de recrutement par concours rigoureuses, une formation appropriée sur l’application des normes relatives aux droits de l’homme, une direction forte et un engagement ferme à éliminer la torture (messages clairs et répétés de «tolérance zéro»). Sur le plan de la responsabilité, les États membres devraient veiller à ce que des autorités judiciaires et de poursuite indépendantes examinent attentivement toutes les plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre et, le cas échéant, imposent des sanctions adéquates aux auteurs.
49. En ce qui concerne plus spécifiquement le cadre carcéral, l’Assemblée devrait adresser aux États membres des recommandations fondées sur l’approche du CPT. Les États membres devraient étoffer et renforcer le personnel et l’encadrement pénitentiaires afin d’éviter le recours à des «détenus de corvée» ainsi que toute structure informelle de pouvoir entre détenus. Ils devraient également s’assurer de l’efficacité et de l’indépendance des mécanismes de recours pour les mauvais traitements infligés par le personnel pénitentiaire.
50. Les violations de l’interdiction de la torture ne devraient pas être traitées de la même manière, lorsqu’il s’agit de cas isolés, que les violations systémiques ou structurelles, et les conséquences juridiques en termes de reddition de comptes et de responsabilité internationale des États concernés devraient donc être différentes. Néanmoins, la répétition de ces cas isolés peut conférer une dimension systémique/structurelle au problème. Lorsque des problèmes structurels sont constatés, les États devraient s’attaquer aux racines du problème et amorcer des changements systémiques visant à éliminer les pratiques répréhensibles. Cette démarche relève également de la responsabilité internationale des États concernés, en vertu de la Convention et des autres traités internationaux qui interdisent la torture, qui comprend l’obligation d’offrir aux victimes non seulement des mesures d’indemnisation et de réhabilitation, mais aussi des garanties de non-répétition. À cette fin, l’Assemblée pourrait inviter les organes compétents du Conseil de l’Europe, à savoir la Cour et le CPT, à indiquer plus clairement dans leurs arrêts et rapports les cas où les pratiques de torture et de mauvais traitements sont de nature «systémique» ou «structurelle» dans le pays concerné. Cela permettrait aux États concernés (par exemple, par le biais des indications données par la Cour au titre de l’article 46 de la Convention, par le recours à la procédure de l’«arrêt pilote» ou par le jeu des déclarations publiques faites par le CPT en vertu de l’article 10, paragraphe 2 de la Convention CPT) d’appréhender le problème de manière plus globale; cela pourrait également aider le Comité des Ministres à prendre des mesures plus ciblées (via la surveillance de l’exécution des arrêts, la tenue de débats sur des rapports spécifiques du CPT ou des déclarations publiques). Il est par ailleurs possible de procéder à des échanges plus approfondis et de parvenir à une complémentarité plus étroite entre les différents organes du Conseil de l’Europe concernés par ces questions (l’Assemblée, le Comité des Ministres dans le cadre de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour, la Cour, le CPT et la Commissaire aux droits de l’homme). Bien que chaque organe prenne déjà en compte les conclusions des autres instances, une action plus opportune et mieux coordonnée permettrait de traiter le problème émergent de la torture systémique dans certains pays et d’alerter et de fournir de l’assistance plus rapidement (y compris par des projets de coopération), ce qui donnerait plus de visibilité au Conseil de l’Europe dans ce domaine et aboutirait à une meilleure réactivité de toutes les parties concernées.
51. Enfin, l’Assemblée devrait inviter tous les États membres et la Russie à mettre promptement en œuvre les recommandations du CPT qui les concernent et à exécuter de toute urgence les arrêts de la Cour qui concluent à des violations de l’article 3 de la Convention relatif à la torture et aux traitements inhumains ou dégradants. Elle devrait également les encourager à accepter à l’avance la publication automatique de tous les rapports de visite du CPT, comme l’ont déjà fait de nombreux États 
			(83) 
			À
ce jour, les autorités des pays suivants ont adopté une procédure
de publication automatique: Albanie, Autriche, Bulgarie, Danemark,
Finlande, Lituanie, Luxembourg, Monaco, Norvège, République de Moldova,
République tchèque, Suède et Ukraine. D’autres États demandent à
ce que le rapport du CPT soit publié avec leur réponse. . Un appel spécifique devrait être lancé aux pays qui n’ont pas encore autorisé la publication de certains rapports du CPT (par exemple, la Türkiye, la Russie et l’Azerbaïdjan), afin qu’ils le fassent dans les plus brefs délais. La publication automatique et obligatoire des rapports du CPT devrait devenir la règle. Enfin, l’Assemblée devrait à nouveau inviter tous les États membres à ratifier l’OPCAT et à désigner un mécanisme national de prévention efficace et indépendant, conformément aux exigences énoncées dans l’OPCAT (voir la Résolution 2160 (2017) «25 ans de CPT: progrès accomplis et améliorations à apporter»).

Annexe – Avis divergent présenté par M. Ziya Altunyaldız (Türkiye, NI) membre de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, conformément à l'article 50.4 du Règlement

(open)

La torture et les traitements inhumains et dégradants systémiques sont autant d’atrocités terribles. La lutte contre la torture et les traitements inhumains mérite notre attention. Le présent rapport traite donc d'un problème très délicat et urgent dans les États membres.

Cet avis divergent ne vise pas à occulter les initiatives prises par l'Assemblée pour mettre un terme à la torture et aux traitements inhumains dans les États membres. Toutefois, les appréciations partielles et partiales qui figurent dans le projet de résolution nuisent à la crédibilité du travail considérable accompli par le rapporteur et la commission.

Dans son exposé des motifs, le rapporteur examine de nombreux pays en se fondant sur les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et sur les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. Son travail présente essentiellement un tableau complet, qui met en évidence les lacunes de la mise en œuvre des recommandations du CPT et les problèmes structurels dus à l'inadéquation de la législation.

Ceci étant, seuls quelques États sont mentionnés dans le projet de résolution et la Türkiye est l'un d'entre eux. La Türkiye travaille en étroite collaboration avec le CPT de manière constructive. Les autorités turques démontrent leur volonté et leur engagement en faveur de leur politique de tolérance zéro à l'égard de la torture et des traitements dégradants, comme le font d’autres États membres.

Le fait que le rapporteur préfère citer quelques pays dans le projet de résolution a un effet préjudiciable et détourne l'attention des autres États membres qui ne respectent pas non plus leurs obligations en matière de lutte contre la torture et les traitements inhumains. Malheureusement, ce traitement partial et préférentiel donne la fausse impression que l'étendue et la gravité du problème se limitent à quelques pays. Cette démarche est d'ailleurs en contradiction avec le titre du rapport. C'est pour toutes ces raisons que je soumets le présent avis divergent.