1. Introduction
1. J’ai déposé, le 11 février 2021
avec 29 autres membres de l’Assemblée, une proposition de résolution intitulée
«Pour une prise en compte de l’impact de la lutte contre la pandémie
de covid-19 sur la santé mentale des mineurs et des jeunes adultes»
(
Doc. 15223). La proposition appelait l’Assemblée parlementaire
est à étudier le lien entre les mesures sanitaires prises durant
la pandémie et la hausse des troubles psychologiques chez les enfants,
les adolescents et les jeunes adultes, et à formuler des conseils
aux États sur la proportionnalité des mesures de restriction par
rapport aux conséquences sur la santé mentale. La proposition a
été renvoyée à la Commission des questions sociales, de la santé
et du développement durable (la commission) pour rapport, et j’ai
été désigné rapporteur le 12 avril 2021.
2. La proposition a été déposée durant une période marquée par
la mise en place de mesures strictes visant à contenir la propagation
du virus, et qui ont par conséquent eu un impact important sur la
santé mentale et le bien-être des personnes à travers le monde.
Cependant, la santé mentale et le bien-être des adolescents et des
jeunes adultes avaient déjà été mis à rude épreuve avant la pandémie,
notamment en raison de la crise financière mondiale et de ses répercussions
(comme des mesures d’austérité malavisées), du creusement des inégalités,
des attentes élevées de la société en matière d’éducation, de carrière
et de création d’une famille, de la pression exercée par les réseaux
sociaux et les pairs, mais aussi des guerres, des conflits et des catastrophes
naturelles. Tous ces phénomènes ont contribué à créer une forte
incertitude en ce qui concerne l’avenir des jeunes et des générations
à venir
. Malgré les pressions de la société,
les nombreuses crises et les événements tumultueux auxquels nous
avons assisté, peu d’études ont été consacrées à leurs répercussions
sur la santé mentale et le bien-être des jeunes en général. En fait,
le dernier rapport de l’Assemblée sur les questions de santé mentale
et de bien-être a été adopté en 2005. C’est pourquoi je propose
de modifier le titre du rapport afin de mieux refléter la portée
élargie du rapport et les défis auxquels nous sommes confrontés
aujourd’hui.
3. Il n’existe pas de définition claire du mot «jeunesse», mais,
à des fins statistiques, les Nations Unies retiennent les personnes
âgées entre 15 et 24 ans, sans exclure les autres définitions des
États membres. Certaines agences spécialisées incluent dans leurs
statistiques des personnes jusqu’à l’âge de 32 ans. Le Comité directeur
européen pour la jeunesse (CDEJ) et le Conseil consultatif sur la
jeunesse (CCJ) du Conseil de l’Europe incluent les personnes jusqu’à
30 ans. Pour ce rapport, j’ai décidé de cibler le groupe d’âge entre 15
et 32 ans, un groupe d’âge qui est souvent oublié et qui a subi
une succession d’événements turbulents pendant les années critiques
de leur développement, comme décrit ci-dessus.
4. En novembre 2022, j’ai effectué une visite d’information à
Oslo (Norvège) afin d’en apprendre davantage sur les mesures prises
par le pays pour réduire les obstacles à l’accès aux soins de santé
mentale, mais aussi sur les difficultés auxquelles les jeunes Norvégiens
font face dans le système actuel. Au cours de cette visite, j’ai
eu le plaisir de m’entretenir avec des représentants d’ONG, de services
de soins de santé mentale locaux, du ministère norvégien de la Santé
et des Services de soins, et de l’Institut norvégien de santé publique.
J’ai également rencontré deux de nos collègues de la délégation
norvégienne auprès de l’Assemblée, Mme Lisa Marie Ness Klungland
(ADLE) et M. Morten Wold (CE/AD), avec lesquels j’ai eu un échange
de vues intéressant sur le sujet. Je tiens à adresser mes sincères
remerciements au secrétariat de la délégation norvégienne qui a
contribué à l’organisation de ma visite d’information dans un laps
de temps très court.
5. Le 24 janvier 2023, la commission a eu un échange de vues
avec Anna Knobbout, membre du CCJ du Conseil de l’Europe. Anna Knobbout
a souligné les difficultés en matière de santé mentale auxquelles
sont confrontés bon nombre de ses pairs, notamment les jeunes transgenres,
qui doivent attendre plusieurs années avant d’avoir un premier entretien
avec un psychologue. Anna Knobbout a fait observer que malgré des difficultés
et des besoins en hausse chez les jeunes, les listes d’attente sont
de plus en plus longues, s’inquiétant du fait que cela puisse conduire
à des pensées suicidaires. Il a été précisé que la prévention et l’inscription
de la santé mentale dans les programmes scolaires revêtent une grande
importance, notamment en informant les écoles des traumatismes subis,
tant pour les réfugiés et que pour les jeunes en général. Même si
l’acceptation par l’opinion publique des questions de santé mentale
s’est améliorée, Anna Knobbout a déploré le fait que la santé mentale
ne soit pas considérée sur un pied d’égalité avec la santé physique.
6. Il est urgent, selon moi, que les États membres du Conseil
de l’Europe s’attaquent aux failles de leurs systèmes de santé et
à la façon dont ils conçoivent la santé mentale et intensifient
leurs efforts pour améliorer la santé mentale et le bien-être des
mineurs et des jeunes adultes. Par le biais du présent rapport,
je souhaite formuler quelques recommandations pratiques à l’intention
des États membres sur la manière d’y parvenir.
2. Le droit à la santé mentale
7. La santé mentale fait partie
intégrante de la santé et en est une composante essentielle. L’Organisation mondiale
de la santé (OMS) définit la santé comme un état de complet bien-être
physique, mental et social. En outre, elle ne consiste pas seulement
en l’absence de troubles ou de handicaps mentaux. La santé mentale correspond
à «un état de bien-être mental qui nous permet d’affronter les sources
de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre
et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté»
. La reconnaissance accrue du fait
qu’il n’y a pas de santé sans santé mentale témoigne d’un changement
dans la perception actuelle du «droit à un niveau de vie suffisant
pour assurer sa santé [et] son bien-être», inscrit dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme, adoptée il y a 75 ans
.
8. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels fournit, à l’article 12.1, un cadre juridiquement contraignant
pour le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé
[physique et] mentale qu’elle soit capable d’atteindre. Il est complété
par d’autres normes juridiques de l’Organisation des Nations Unies,
notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées,
la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes, et la Convention relative aux droits de l’enfant.
Au niveau régional, le droit à la protection de la santé est consacré
par l’article 11 de la Charte sociale européenne (STE n° 35). Par
conséquent, les États parties ont l’obligation «de respecter, de
protéger et de réaliser le droit de chacun à la santé mentale au
moyen de lois, de règlements, de politiques, de programmes, de mesures
budgétaires et d’autres initiatives au niveau national»
.
9. Le droit à la santé mentale s’entend en outre comme la croyance
que toute personne doit avoir accès à des soins et à un soutien
approprié et efficace en matière de santé mentale, indépendamment
de son statut socio-économique ou d’autres facteurs. Le Haut-Commissariat
des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) précise que le droit
à la santé mentale comprend l’accès à des soins et traitements de
santé mentale appropriés et en temps voulu. La bonne santé mentale
doit être définie par la création d’environnements dans lesquels
les personnes peuvent vivre dans la dignité, dans l’épanouissement
équitable de leur plein potentiel
. Elle est fondamentale pour notre
capacité collective et individuelle à penser, ressentir, interagir
les uns avec les autres, travailler et profiter de la vie. Sur cette
base, l’OMS souligne que la promotion, la protection et le rétablissement
de la santé mentale devraient être considérés comme des préoccupations
centrales pour les personnes, les communautés et les sociétés partout
dans le monde
.
10. Cette approche nouvelle et globale de la santé mentale a vu
le jour à la fin du XXe siècle et présente une
quantité impressionnante de nouvelles preuves attestant de l’importance
de la santé mentale et de l’efficacité des approches intégrées
. Dans un rapport, l’ancien rapporteur
spécial des Nations Unies sur le droit qu’a toute personne de jouir
du meilleur état de santé physique et mentale possible, Dainius
Pūras, a déclaré que la dynamique actuelle et les possibilités de
faire avancer les choses, en termes d’amélioration de la santé mentale,
sont uniques. Les efforts récemment déployés par l’OMS et d’autres
acteurs mondiaux influents montrent que la santé mentale est en
train de s’affirmer au niveau international comme un impératif de
développement humain. Cette tendance est appuyée par le Programme
de développement durable à l’horizon 2030, dont la plupart des objectifs
de développement concernent la santé mentale
.
3. Défis
liés à la santé mentale et au bien-être des adolescents et des jeunes
adultes
3.1. Une
période d’incertitudes
11. Les jeunes sont confrontés
à un monde en proie à de multiples crises et peuplé d’incertitudes. L’adolescence
est une période cruciale pour le développement d’habitudes sociales
et émotionnelles importantes pour la santé mentale et le bien-être
mental. La moitié des troubles de santé mentale à l’âge adulte se
manifestent dès l’âge de 14 ans, mais la plupart des cas ne sont
ni détectés ni traités
. Si l’on ne s’occupe pas des problèmes
de santé mentale des adolescents, les conséquences se font sentir
jusqu’à l’âge adulte, ce qui nuit à leur santé physique et mentale
et limite leurs possibilités de mener une vie épanouie quand ils sont
adultes. L’un de ces défis peut être lié aux changements développementaux,
car la transition vers l’âge adulte peut être caractérisée par de
profondes modifications sur le plan physique, émotionnel et cognitif,
qui peuvent s’avérer à la fois écrasantes et stressantes.
12. La santé mentale et le bien-être des adolescents et des jeunes
adultes sont mis à rude épreuve. Plus les facteurs de risque auxquels
sont exposés les jeunes sont nombreux, plus l’impact potentiel sur
leur santé mentale est important. Selon l’OMS, parmi les facteurs
qui peuvent contribuer au stress à l’adolescence, il y a l’exposition
à l’adversité, la pression pour se conformer à ses pairs et l’exploration
de l’identité. De plus, l’influence des médias et les normes de
genre peuvent exacerber la disparité entre la réalité vécue par
un adolescent et ses perceptions ou aspirations pour l’avenir. Des
conditions de vie difficiles, la stigmatisation, la discrimination
ou l’exclusion, ou encore le manque d’accès à un accompagnement
et à des services peuvent nuire à la santé mentale et au bien-être
des jeunes. Il s’agit notamment des jeunes vivant dans des situations de
crise humanitaire et de fragilité; de ceux souffrant de maladies
chroniques, de troubles du spectre autistique, d’un handicap intellectuel
ou d’autres troubles neurologiques; des adolescentes enceintes,
des parents adolescents ou des adolescents mariés de force ou à
un âge précoce; des orphelins; des demandeurs d’asile, des réfugiés
et des enfants d’immigrés; ainsi que des jeunes issus de minorités
ethniques ou sexuelles ou d’autres groupes victimes de discrimination
.
13. Par rapport aux générations précédentes, les jeunes disent
éprouver davantage de sentiments négatifs comme la perte de motivation
ou d’objectif dans la vie, qui résulte souvent de la nécessité de
répondre aux attentes toujours plus élevées de la société, notamment
en matière d’éducation, de travail et d’évolution de carrière. De
plus, l’absence de participation des jeunes aux processus décisionnels
stratégiques renforce ces sentiments. Des questions comme le changement
climatique, les droits des LGBTQI+, les inégalités socio-économiques
et la justice raciale trouvent un écho auprès d’eux, mais ils se
retrouvent souvent être écartés des discussions qui façonnent leur
propre avenir.
14. Des informations indiquent que les enfants et les jeunes adultes
en Europe souffrent plus souffert de troubles mentaux que leurs
pairs vivant sur d’autres continents
. En Europe, le suicide est tristement
la deuxième cause de mortalité chez les jeunes. Malgré des tendances
alarmantes sur leur santé mentale et leur bien-être, il existe peu
d’études sur l’état de santé mental concernant le groupe d’âge des
15-32 dans notre région. En 2021, l’Unicef a publié un rapport intitulé
«La Situation des enfants dans le monde 2021: Dans ma tête»
. Le rapport énonce que la dépression
et l’anxiété sont les deux causes principales de maladie et de handicap
chez les adolescents en Europe. Presque un garçon âgé de 15 à 19
ans sur cinq souffre de troubles mentaux, et les filles du même
âge sont 16 % à en souffrir. Cependant, les troubles de santé mentale
chez les enfants et les jeunes sont souvent sous-déclarés, en raison
de la stigmatisation entourant les problèmes de santé mentale. Il
n’existe pas de raison évidente, dans un continent à haut-niveau
de revenu comme l’Europe, au taux plus élevé de troubles mentaux,
malgré des interventions fondées sur des preuves et une plus grande capacité
financière à traiter ces problèmes
.
15. Certains éléments laissent à penser que le capitalisme peut
être associé à un mauvais état de santé mentale et qu’il aggrave
les inégalités
. D’aucuns font valoir que la nature
concurrentielle et individualiste du capitalisme en tant que tel
peut induire des niveaux élevés de stress, d’anxiété et de dépression.
La course constante à la réussite et à la richesse matérielle peut
créer un sentiment d’insatisfaction permanente et susciter des sentiments
d’inadéquation et d’échec. Par ailleurs, dans les sociétés capitalistes
où l’accent est mis sur l’individualisme et l’autosuffisance, il
peut être difficile pour les personnes de demander de l’aide ou
du soutien, ce qui peut exacerber les problèmes de santé mentale.
De même, la focalisation sur le consumérisme et les possessions
matérielles peut empêcher les individus de trouver un sens à leur
vie et de s’épanouir, et générer un sentiment de solitude. Le consumérisme
a également été associé à un sentiment de dépression et d’anxiété
accru, aux troubles affectifs et comportementaux, à une perte de
l’estime de soi et aux conflits parent-enfant
.
16. Certaines études ont également signalé le lien entre l’utilisation
des réseaux sociaux et la mauvaise santé mentale. L’utilisation
quotidienne prolongée des réseaux sociaux a été notamment associée
à un risque accru de souffrir de dépression et d’anxiété, de problèmes
liés à l’image corporelle, de troubles du comportement alimentaire,
de difficultés d’attention, de sentiments d’exclusion et de troubles
du sommeil. En outre, alors qu’il n’existe pas actuellement de diagnostic
médical de ce phénomène, certains chercheurs estiment qu’une utilisation
excessive des réseaux sociaux peut produire sur le cerveau des effets
comparables à ceux d’une addiction
.
17. L’utilisation des réseaux sociaux augmente également le risque
que les jeunes soient exposés à des contenus inappropriés ou préjudiciables
et qu’ils soient la cible de cyberharcèlement ou de comportements prédateurs.
Les catégories de jeunes vulnérables comme les minorités ethniques
ou raciales, les personnes en situation de handicap ou les membres
de la communauté LGBTQI+ sont aussi plus susceptibles d’être visées
ou d’accéder par hasard à des contenus haineux susceptibles d’avoir
des répercussions notables sur leur santé mentale
.
18. Le manque d’accès à des soins de santé abordables, la précarité
de l’emploi et la pauvreté peuvent également contribuer à une mauvaise
santé mentale. Les études réalisées montrent une sur-représentation des
jeunes dans ces statistiques. Les tendances négatives sur le marché
du travail touchent les jeunes de manière disproportionnée, notamment
en réduisant leurs possibilités de travail à temps partiel et d’apprentissage
en milieu professionnel pour les étudiants. De nombreux jeunes diplômés
(et futurs diplômés) ont des difficultés à trouver et à conserver
un emploi, ce qui a un impact négatif sur leur bien-être et les
expose à un risque accru de développer des problèmes de santé mentale
au cours de leur vie.
19. La crise climatique est un autre facteur particulièrement
anxiogène chez les jeunes de nos jours. L’anxiété climatique, ou
éco-anxiété, est une détresse liée aux inquiétudes concernant les
effets du changement climatique
. Ce n’est pas une maladie mentale.
Il s’agit plutôt d’une anxiété ancrée dans l’incertitude quant à
l’avenir et d’une réaction face au sentiment que toutes les perspectives
d’une vie meilleure soient compromises par un monde en péril. Ses
effets négatifs ne devraient cependant pas être sous-estimés – l’anxiété
climatique peut être à l’origine de ruminations et de troubles du
sommeil et avoir des conséquences néfastes sur le travail, les études
et les relations familiales
. En outre, un niveau élevé d’éco-anxiété
est généralement lié à des symptômes cliniques marqués de dépression
et d’anxiété
. Une enquête publiée en 2021 dans
la revue Lancet Planetary Health
a révélé que plus de 50 % des 10 000
enfants interrogés dans 10 pays ont déclaré éprouver des sentiments
de tristesse, d’anxiété, de colère, d’impuissance, de détresse et de
culpabilité face au changement climatique. Pour 45 % des répondants,
les sentiments qu’ils éprouvent à l’égard du changement climatique
ont une incidence négative sur leur vie et leur fonctionnement au
quotidien.
20. L’impact que la crise climatique peut avoir sur la santé mentale
des jeunes va au-delà des inquiétudes suscitées auparavant par le
climat: les conséquences des catastrophes environnementales augmentent
les niveaux d’incertitude déjà élevés. Le changement climatique
peut avoir des répercussions sur l’environnement physique des enfants,
comme leur maison ou leur école; le lieu de travail des parents
ou des jeunes adultes peut avoir été endommagé, tout comme les produits
de l’élevage et les récoltes, ce qui peut générer une instabilité
économique et ainsi diminuer le bien-être mental. Dans le pire des
cas, les catastrophes climatiques peuvent entraîner la migration
forcée des familles et ainsi exposer les jeunes à un risque accru
de développer des problèmes de santé mentale
. En outre, vivre une catastrophe
environnementale est une expérience traumatisante qui peut laisser
des séquelles mentales durables chez les jeunes.
3.2. L’impact
de la covid-19 sur la santé mentale et le bien-être des adolescents
et des jeunes adultes
21. D’après l’OMS, pendant la première
année de pandémie de covid-19, la prévalence mondiale de l’anxiété
et de la dépression a augmenté de 25 %
. Les jeunes et les femmes ont été
les plus touchés. Inquiets de l’augmentation potentielle des troubles
mentaux, 90 % des pays interrogés ont déjà pris en compte les besoins
en matière de santé mentale et de soutien psychosocial dans leurs
plans de riposte à la covid-19, mais des lacunes majeures demeurent.
22. Un rapport sur l’«Incidence de la covid-19 sur les jeunes
dans l’Union européenne» révèle que les jeunes étaient plus susceptibles
que les groupes plus âgés de connaître une perte d’emploi, une insécurité financière
et des problèmes de santé mentale liés à la pandémie de covid-19.
Par ailleurs, ils ont fait état d’une diminution de la satisfaction
individuelle et du bien-être mental associée à l’obligation de rester
chez eux et à aux perturbation dans l’enseignement
. Dans l’ensemble, la pandémie a eu
un impact disproportionné sur la satisfaction individuelle et le
bien-être mental des jeunes, par rapport aux groupes plus âgés.
23. Un enfant sur sept au moins dans le monde a été directement
concerné par les mesures de confinement. Les principales conclusions
d’une étude menée par l’UNICEF donnent à penser que la pandémie
a eu un effet négatif important sur la santé mentale des enfants
et des adolescents, principalement en raison de l’anxiété croissante
liée à la maladie proprement dite et aux mesures restrictives de
santé publique mises en place pour contenir l’avancée du virus
. L’isolement social, le bouleversement
de la vie quotidienne, les deuils familiaux et l’incertitude quant
à l’avenir dans le contexte de la covid-19 sont autant de facteurs
ayant exposé les enfants et les adolescents à un risque plus élevé
de dépression.
24. La pandémie aura de profondes répercussions économiques et
sociales pendant de nombreuses années
. Elle
pèsera sur la réalisation des Objectifs de développement durable
des Nations Unies. Un rapport de Save the Children met en évidence
une corrélation entre la perte de revenus et la diminution du bien-être psychologique
. La pandémie a tendance
à accentuer les inégalités sociales préexistantes en matière d’accès
à une éducation de qualité, aux soins de santé et à d’autres services.
Elle alimente les inégalités parmi les enfants et les jeunes adultes
de différents milieux socio-économiques
. Les enfants vivant dans la pauvreté
ont plus de risques de subir un stress en raison de la perte de
revenus de la famille. Il n’est pas surprenant que les enfants dont
les familles ont perdu plus de la moitié de leurs revenus depuis
l’apparition de la covid-19 déclarent avoir plus de pensées négatives
que les autres enfants
.
25. Par ailleurs, la pandémie de covid-19 a eu un effet dévastateur
sur les jeunes ayant besoin de soins de santé mentale. Ceux-ci ont
indiqué que leur état s’était aggravé et qu’ils avaient plus de
mal à trouver de l’aide
. Le ministère norvégien de la Santé
et des Services de soins et l’Institut norvégien de santé publique, dont
la mission est de produire, synthétiser et diffuser des données
afin de soutenir les mesures en faveur de la santé et des soins
de santé, ont observé des tendances similaires. Les fondements de
la santé mentale tout au long de la vie sont établis pendant la
petite enfance. Cette période de la vie est connue pour un accroissement
dans la prévalence de nombreux symptômes psychologiques et l’émergence
pour la première fois de problèmes psychologiques. Les dits fondements
de la santé mentale ont été sévèrement sapés par la dureté de la
pandémie.
26. Toutefois, il est important de noter que tous les enfants
et les jeunes adultes n’ont pas vécu la pandémie de la même manière
et que l’impact de cette dernière sur leur santé mentale est donc
différent. Par exemple, quelques jeunes ont fait état de certains
aspects positifs de la pandémie parallèlement aux aspects négatifs, notamment
la découverte de soi, le développement des relations familiales
et des échanges à distance
. Le degré
d’implication des parents pendant le confinement a notamment été
très important pour le bien-être des enfants
. Les
effets négatifs de la pandémie l’emportent cependant nettement sur
les aspects positifs chez la plupart des enfants et des jeunes adultes.
27. Des études montrent que l’alcoolisme et la toxicomanie chez
les adolescents et les jeunes a augmenté pendant la pandémie. Il
a, en outre, été constaté que cette situation était liée à d’autres
problèmes de santé mentale. Les mesures de confinement et l’isolement
social qui s’est ensuivi ont été considérés comme un facteur de
risque pour la consommation d’alcool
.
4. Défis
et exemples de bonnes pratiques relevés lors de la visite d’information
en Norvège
28. Le système de santé norvégien
offre un niveau élevé de protection sociale et financière. La population bénéficie
d’une couverture santé universelle (avec toutefois quelques exceptions
regrettables comme les sans-papiers et les personnes dont la demande
d’asile a été rejetée) qui englobe les soins de santé mentale essentiels.
Les dépenses de santé sont majoritairement financées par des fonds
publics (à 85 %). Différents mécanismes, dont les exonérations et
le plafonnement du ticket modérateur, limitent la charge financière
que représentent les soins pour les patients. Pour 2023, le plafond
du reste à charge annuel est fixé à 3 040 couronnes norvégiennes
(environ 285 euros). Une fois ce plafond atteint, la personne recevra
une «carte de gratuité» et n’aura plus à s’acquitter du ticket modérateur
pour le reste de l’année civile.
29. En Norvège, le gouvernement central contrôle la politique
nationale en matière de soins de santé. Cependant, la responsabilité
de la prestation des soins de santé est décentralisée. Les services
de soins primaires en santé mentale sont financés et organisés par
les collectivités locales au niveau municipal, et en fonction de
la demande locale. En revanche, les services spécialisés de santé
mentale relèvent de la responsabilité des autorités sanitaires régionales.
Ils sont dispensés dans des hôpitaux psychiatriques de pointe, des
centres communautaires de santé mentale et dans le cadre de consultations
externes (traitement par des psychiatres et des psychologues privés
sous contrat avec les autorités régionales de santé).
30. Les honoraires payés par les usagers aux psychologues spécialisés
en psychologie clinique qui ont conclu des contrats de financement
avec les autorités régionales de santé, sont pris en compte dans
le calcul du plafond du reste à charge annuel et l’attribution de
la carte de gratuité pour les services de santé. Les traitements
dispensés aux enfants et adolescents de moins de 18 ans sont totalement
pris en charge. Les patients doivent être adressés par un médecin,
un psychologue ou un agent des services de protection de l’enfance.
Cependant, le nombre de psychologues sous contrat de financement
est limité. D’où des délais d’attente importants, pouvant aller
jusqu’à deux ans dans les cas extrêmes
(bien
que les patients ayant des besoins urgents soient normalement prioritaires
et reçoivent des soins plus rapidement). En 2020, près d’un patient
sur quatre disposant d’une lettre d’adressage a essuyé un refus
de la part des services spécialisés de santé mentale
. Les patients
dans ce cas ou ceux qui trouvent les listes d’attente trop longues,
devront supporter l’intégralité du coût des prestations des psychologues
privés, sans bénéficier d’aucun remboursement.
31. Les collectivités locales proposent souvent un large éventail
de services de santé mentale, qui varie en fonction de la demande
et des capacités. Les municipalités sont tenues d’employer des psychologues
au sein de leurs services de santé et d’aide sociale. Les psychologues
municipaux assurent gratuitement le traitement de courte durée des
maladies et troubles mentaux légers à modérés.
32. Durant ma visite à Oslo, j’ai rencontré des représentants
de cliniques pour la jeunesse (Helsestasjon for ungdom, HFU), d’UNG
Arena et de FACT Ung. Les cliniques susmentionnées proposent aux
jeunes des services gratuits d’assistance et de conseil dispensés
par du personnel infirmier, des médecins et des psychologues. Mes
interlocuteurs m’ont informé que les jeunes s’adressent souvent
à eux pour aborder des questions liées à la santé sexuelle et procréative,
ainsi que des problèmes de santé mentale, allant de la phobie scolaire
et du chagrin d’amour à des affections plus graves nécessitant des
soins à long terme. Si la HFU estime que le jeune relève de ce dernier
cas de figure, elle l’oriente souvent vers l’UNG Arena, pour qu’il bénéficie
d’un suivi psychiatrique. UNG Arena est un service de santé mentale
pratiquant un accueil à bas seuil d’exigence, destiné aux jeunes
âgés de 12 à 25 ans, qui a été conçu en collaboration avec des jeunes
et offre un soutien par les pairs. FACT, acronyme de «Flexible Assertive
Community Treatment» (équipe de traitement communautaire dynamique
et flexible), inspiré des Pays-Bas, vise à fournir un service global
et coordonné aux jeunes présentant des problèmes et des troubles
de santé mentale plus graves. Il s’adresse aux jeunes qui devraient
normalement être pris en charge par les services spécialisés de
santé mentale, mais qui, pour diverses raisons, n’y trouvent pas
leur place, et tente ainsi de répondre à leurs besoins individuels.
33. Ces trois services de soins ont enregistré une forte augmentation
du nombre de jeunes aux prises avec une mauvaise santé mentale,
tant au cours des premières phases de la pandémie qu’après les périodes
de confinement. De plus, Gamle Oslo, district où sont situés les
trois services susmentionnés, affiche l’un des pourcentages les
plus élevés en Norvège d’enfants qui grandissent dans la pauvreté,
dont un grand nombre de réfugiés et d’enfants immigrés, qui sont
souvent exposés à un risque accru de problèmes de santé mentale, de
marginalisation et de stigmatisation. Mes interlocuteurs se sont
dits inquiets du fait que, malgré la hausse considérable du nombre
de jeunes en quête de soins, ils n’étaient pas en mesure de venir
en aide à certains des groupes les plus vulnérables.
34. Le centre de soins de santé mentale d’urgence est un autre
service de traitement à bas seuil d’exigence assuré par la municipalité.
Il est proposé aux personnes de plus de 16 ans qui souffrent de
divers types d’anxiété accompagnés d’une dépression légère ou modérée.
Ce centre peut également aider à résoudre les troubles du sommeil
et les problèmes naissants d’abus de substances
. Il dispense gratuitement ses prestations
et offre une assistance directe sans qu’il soit nécessaire d’être
adressé par un médecin. L’objectif est de faire en sorte que les
jeunes puissent bénéficier d’un accompagnement dans un délai d’une
à deux semaines afin d’éviter une aggravation de leur état.
35. Les représentants des ONG rencontrés à Oslo ont attiré mon
attention sur plusieurs autres points critiques concernant les groupes
vulnérables en Norvège. En particulier, l’Organisation norvégienne
pour les demandeurs d’asile, a mis en avant l’absence d’évaluation
de la vulnérabilité des demandeurs d’asile et le manque de formation
des services d’immigration concernant la détection des problèmes
et troubles de santé mentale, qui ont eu des conséquences fatales
pour certaines personnes. Elle a notamment cité l’exemple d’un demandeur
d’asile âgé de 24 ans, chez qui l’on a détecté longtemps après l’entretien
de demande d’asile qu’il était atteint d’une déficience intellectuelle
et avait le niveau intellectuel d’un enfant de 12 ans. Par ailleurs,
les migrants sans papiers et les demandeurs d’asile déboutés peuvent
uniquement bénéficier d’une assistance immédiate et de soins médicaux
qui sont absolument nécessaires et qui ne peuvent pas attendre,
malgré les nombreux traumatismes qu’ils sont susceptibles d’avoir
endurés.
36. Queer Youth représente un autre groupe de personnes exposées
à des problèmes de santé mentale. La santé mentale d’un grand nombre
de ses membres s’est dégradée après la fusillade massive survenue
le 25 juin 2022 dans des lieux associés à la Marche des fiertés
d’Oslo, beaucoup ayant reçu des menaces de mort et ne se sentant
pas en sécurité. Les représentants de l’ONG ont insisté sur la nécessité
de décentraliser les services médicaux afin que les personnes queer
puissent bénéficier de soins de santé et d’un accompagnement adéquats
dans leurs communautés locales. Queer Youth dispose d’une ligne
d’assistance téléphonique et de services de tchat qui risquent de
perdre leur financement public. En 2020 et 2021, l’organisation
a enregistré une augmentation des appels concernant la prévention
des suicides, et a constaté que les personnes qui la contactent
sont de plus en plus jeunes, huit sur dix ayant moins de 18 ans.
37. Enfin, Mental Health Carers Norway, un groupe de soutien qui
se consacre exclusivement au bien-être des aidants en santé mentale
et à la satisfaction de leurs besoins, a mis en avant l’importance
d’inclure ces personnes et les autres membres de la famille dans
les stratégies nationales relatives à la santé mentale et au bien-être.
J’ai intégré des informations supplémentaires et d’autres exemples
de bonnes pratiques de ma visite d’information en Norvège dans le
chapitre suivant.
5. Recommandations
concrètes à l’intention des États membres
38. Dans un rapport adressé au
Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le Rapporteur spécial sur
le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé
physique et mentale possible indique que le droit à la santé mentale
comprend des obligations et des exigences immédiates imposant de
prendre des mesures délibérées, concrètes et ciblées pour s’acquitter
progressivement d’autres obligations s’y rapportant
. Il est instamment demandé aux
États d’utiliser des indicateurs et des critères appropriés pour
suivre les progrès accomplis, sachant que les indicateurs devraient
être ventilés, entre autres, par sexe, âge, race et appartenance
ethnique, handicap et situation socio-économique. J’avancerai ci-après
quelques propositions de mesures que les États membres devraient
envisager afin d’améliorer la santé mentale et le bien-être des jeunes.
39. Dans de nombreux États membres, les listes d’attente n’ont
jamais été aussi longues et les services essentiels de santé mentale
ont été perturbés ou interrompus dans 93 % des pays du monde
. La pandémie a mis en évidence
la fragilité des systèmes de prise en charge de la santé mentale
dans de nombreux pays et montré que ces épreuves touchaient de manière
disproportionnée les communautés les plus défavorisées
. De nombreux États membres
ont été contraints de réorienter les ressources du système de santé
consacrées aux besoins de santé mentale, déjà sollicitées à l’excès,
vers la lutte contre le virus. En mars 2022, le directeur général
de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que les chiffres
devaient tenir lieu de signal d’alarme adressé à tous les pays,
pour qu’ils renforcent les services et le soutien en matière de
santé mentale
.
40. Après trois ans de perturbations liées à la pandémie, il est
temps que les gouvernements allouent d’urgence les fonds nécessaires
et prennent des mesures supplémentaires pour renforcer les systèmes
de santé. Les États doivent avant tout augmenter les budgets consacrés
à la santé mentale et notamment les fonds alloués aux services de
proximité mais aussi ceux destinés à la recherche et à la formation
des professionnels de la santé mentale. Bien qu’il soit reconnu
que la santé mentale fait partie intégrante de la santé et en est
une composante essentielle, elle a toujours fait l’objet d’un sous-investissement
chronique dans tous nos États membres. En fait, les dépenses consacrées
à la santé mentale représentent moins de 10 % de celles consacrées
à la santé physique
.
41. En 2023, l’ONU tiendra une réunion de haut niveau sur la couverture
sanitaire universelle. La couverture sanitaire universelle signifie
que chacun, où qu’il se trouve puisse avoir accès aux services de
santé dont il a besoin, sans être exposé à des difficultés financières.
Malheureusement, dans de nombreux pays, la couverture des soins
et des services pour les problèmes de santé mentale courants, tels
que la dépression et l’anxiété, présente des lacunes importantes.
Même lorsque ces services sont proposés, ils ne sont pas nécessairement
fondés sur les droits, accessibles et financièrement abordables
.
42. Jamais la nécessité de disposer d’une couverture sanitaire
universelle n’a été aussi manifeste, et il est essentiel que la
santé mentale en fasse partie intégrante. Pour garantir le plein
succès de la mise en œuvre de la couverture sanitaire universelle,
il faut aussi intégrer la santé mentale dans les systèmes de santé,
tout spécialement dans les services de santé primaires et de proximité
. Plusieurs études tendent à montrer
que l’intégration de la santé mentale dans les programmes de santé
physique permettra d’améliorer la santé mentale des populations,
tout en favorisant une prestation efficace des soins de santé aussi
bien physique que mentale. Ce constat rejoint celui de l’OMS selon
lequel il n’y a pas de santé sans santé mentale. En fait, la combinaison
des traitements de santé physique et mentale contribue à améliorer
l’état de santé global. En outre, d’un point de vue financier, les
soins dans leur ensemble peuvent même coûter moins cher.
43. Un autre aspect important est d’élargir l’accès aux soins
et aux traitements de santé mentale, à toute personne présente sur
le territoire d’un État, quel que soit son statut juridique, et
de mettre en place des mesures ciblées et globales qui répondent
aux besoins des communautés défavorisées. L’intégration de la santé
mentale dans la couverture sanitaire universelle permettra d’améliorer
l’accès aux services de santé mentale en levant les obstacles financiers,
tels que les restes à charge élevés qui peuvent dissuader les personnes
de se faire aider. Il s’agit d’une étape importante pour garantir
aux groupes vulnérables, qui sont souvent touchés de manière disproportionnée
par les crises et sont, en général, en moins bonne santé, un accès
plus facile aux soins et aux traitements nécessaires.
44. La détection et le traitement précoces sont essentiels pour
faire face aux défis liés à la santé mentale et au bien-être des
mineurs et des jeunes. Les États membres peuvent accorder plus d’importance
à la promotion de la santé mentale et à la prévention dans ce domaine
en mettant en place des actions éducatives et des ressources pour
aider les enfants, les personnes qui s’en occupent et les jeunes
à préserver leur santé mentale. L’intégration de la santé mentale
dans la couverture sanitaire universelle permettrait également d’accroître
le dépistage et le traitement précoces des troubles de cette nature.
De plus, l’inscription de la santé mentale et du bien-être dans
les programmes scolaires contribuera à favoriser le bien-être et
à développer la résilience. Savoir exprimer ses émotions, reconnaitre
les signes d’un problème de santé mentale et prendre soin de soi
sont autant de thèmes qui pourraient être abordés dans ce cadre.
45. Une autre étape cruciale consiste à réduire les préjugés et
la honte associés aux problèmes de santé mentale. La route est encore
longue avant que la santé mentale et le bien-être soient acceptés
et traités sur un pied d’égalité avec la santé physique dans tous
les groupes de population. Pourtant, force est de constater que
les problèmes de santé mentale sont davantage stigmatisés dans certains
milieux. Les États membres pourraient lutter contre la stigmatisation
en améliorant les connaissances générales en matière de santé au sein
de la population et en organisant des campagnes ciblées à l’intention
de certains groupes en collaboration avec des organisations/personnes
de confiance dans leurs communautés locales respectives. Par ailleurs,
la couverture sanitaire universelle peut contribuer à faire reculer
les préjugés associés aux problèmes de santé mentale en traitant
celle-ci au même titre que la santé physique. Cette démarche contribuerait
également à réduire la discrimination et la marginalisation des
personnes ayant des problèmes de santé mentale.
46. Enfin, la couverture sanitaire universelle permettrait une
prise en charge plus globale de la santé en général. Une approche
holistique des soins de santé se concentre sur la prise en charge
de la personne dans son ensemble, plutôt que ses seuls symptômes
physiques, et prend en compte la santé mentale, ainsi que les facteurs
sociaux, économiques et environnementaux qui peuvent avoir un impact
sur le bien-être général d’une personne. Conformément à l’exemple
de bonne pratique de la Norvège, où sept ministères travaillent ensemble
à l’élaboration d’un nouveau plan de renforcement du secteur de
la santé mentale, une approche intersectorielle qui intègre la santé
mentale dans d’autres domaines d’action est essentielle à la réussite
des stratégies nationales. À titre d’exemple, l’éducation et l’accès
à un travail intéressant qui contribue à la santé mentale et au
bien-être des jeunes, nécessitent une approche multisectorielle.
47. L’offre d’un large éventail de services de soins multisectoriels
et pratiquant un accueil à bas seuil d’exigence contribuera à réduire
les obstacles qui empêchent les personnes concernées de rechercher
de l’aide. En s’inspirant des exemples de bonnes pratiques de la
Norvège, il pourrait s’agir de centres de jour, de programmes de
sensibilisation sur le terrain, de soutien par les pairs, de lignes
d’assistance téléphoniques et de services de tchat. C’est un excellent
moyen de réduire les pressions qui pèsent sur les systèmes de santé, grâce
à la détection précoce et au travail de prévention, afin que les
gens bénéficient de l’aide dont ils ont besoin avant que leur état
ne se dégrade. Ces services sont également bénéfiques dans la mesure
où ils sont moins stigmatisants que les services de santé mentale
traditionnels et plus accessibles aux personnes qui ne disposent
peut-être pas des ressources ou du soutien nécessaires pour accéder
aux services plus conventionnels. Cependant, ils ne sauraient remplacer
les services spécialisés de santé mentale.
48. Les États membres devraient également simplifier les procédures
et formalités administratives de manière à les rendre plus conviviales,
et mieux informer les usagers de leurs droits. Se frayer un chemin
dans les dédales des systèmes bureaucratiques complexes peut être
éprouvant et déconcertant, et entraîner des sentiments de frustration,
d’impuissance et de stress. Toutes les ONG rencontrées durant ma
visite d’information ont mis en avant le fait que les démarches
administratives peuvent être chronophages et exiger une quantité
importante de documents, ce qui peut être fastidieux et accroître
le niveau de stress. En outre, les procédures administratives peuvent
être coûteuses pour les personnes confrontées à des difficultés financières,
ce qui peut là encore être source de stress supplémentaire.
49. Bien que la priorité doive être accordée aux enfants et aux
jeunes adultes, la santé mentale des parents et des autres aidants
est aussi capitale pour le bien-être des jeunes également, comme
le souligne le groupe de soutien des aidants en santé mentale en
Norvège. Le stress peut réduire la capacité des parents et des aidants
à répondre aux besoins des enfants. Il peut aussi rejaillir sur
les jeunes et avoir un effet négatif sur leur santé mentale.
50. Pendant la pandémie, les perturbations dans l’enseignement
ont eu un effet négatif sur la santé mentale des enfants et des
jeunes adultes et ont touché de manière disproportionnée les membres
les plus vulnérables et les plus marginalisés de nos sociétés. Beaucoup
ne disposaient pas d’un accès à internet et/ou de l’équipement nécessaire
ou encore de soutien et de la supervision d’adultes. Comme l’a fait
observer l’UNESCO, la pandémie et les mesures restrictives qui en
ont découlé ont accentué les disparités existantes au sein du système
éducatif
, d’où le message de l’UNICEF, de
l’UNESCO et de l’OMS: Si et quand des restrictions sont imposées
pour diminuer ou juguler la transmission [du virus], les écoles
devraient être les derniers endroits à fermer leurs portes et les
premiers à rouvrir
.
51. La pandémie a eu des conséquences négatives sur le respect
des droits de l’enfant et la transition vers l’âge adulte. Comme
l’a souligné notre collègue, M. Stefan Schennach (Autriche, SOC),
dans son rapport «Vaincre la covid-19 par des mesures de santé publique»
(
Doc. 15444), il est de la plus haute importance que les gouvernements
et les décideurs fassent preuve de transparence et d’ouverture quant
aux raisons qui motivent l’imposition de mesures restrictives. En
plus de veiller à ce que les mesures répondent à un objectif légitime
et à ce qu’elles soient proportionnées, les décideurs doivent évaluer
et déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant, et consulter les
enfants et les jeunes adultes dans tous les cas qui les concernent,
conformément à la
Résolution
2414 (2022) «Le droit d’être entendu – La participation de l’enfant:
principe fondamental des sociétés démocratiques».
6. Conclusions
52. La santé mentale et le bien-être
sont des éléments fondamentaux du développement sain de l’enfant
et de son avenir en bonne santé. La non-prise en compte des besoins
en santé mentale des jeunes peut avoir des conséquences profondes
et des répercussions à l'âge adulte, y compris la limitation des
possibilités pour les jeunes de mener une vie épanouie ainsi que
des perspectives de croissance des sociétés
. Sans soutien adéquat, les jeunes
ayant des problèmes de santé mentale sont souvent confrontés à des
difficultés disproportionnées. Ils sont davantage exposés à l’exclusion
sociale, à la discrimination, à la stigmatisation (qui peut influer
sur la volonté de demander de l’aide), à une santé physique précaire
et à des violations des droits humains. Les conséquences peuvent
aller de l’incapacité de poursuivre des études au chômage, en passant par
les démêlés avec la justice, la toxicomanie, l’automutilation, le
suicide et une mauvaise qualité de vie.
53. Malgré le fait que la santé mentale est de plus en plus considérée
comme un élément essentiel du développement de l’enfant et des jeunes,
une meilleure reconnaissance et promotion de la santé mentale et du
bien-être mental s’imposent. Il faut encore combattre la stigmatisation
sociale et culturelle liée à la santé mentale. Les stratégies de
promotion, de prévention et d’intervention précoce sont les plus
efficaces. Sachant que la santé mentale et la santé physique sont
tout aussi importantes l’une que l’autre pour le bien-être de l’enfant
et du jeune adulte, des ressources supplémentaires sont nécessaires
pour des interventions opportunes, intégrées et multidisciplinaires.
Cela nous préserverait d’un résultat médiocre à long terme et pourrait
apporter des bénéfices potentiels, en termes de dépenses évitées
pour le système de santé
.
54. Il est urgent d’assurer la gratuité et l’accessibilité des
services de santé mentale pour tous, indépendamment du statut socio-économique,
de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, du statut juridique,
de l’origine ethnique, du handicap et d’autres facteurs susceptibles
d’exposer les mineurs et les jeunes à un risque accru de mauvaise
santé mentale et de mal-être.
55. Je suis convaincu qu’en notre qualité de parlementaires, nous
avons une responsabilité à l’égard des enfants et des jeunes, qui
est de les faire participer aux processus décisionnels et de garantir
qu’ils ont voix au chapitre sur les questions les concernant. En
tenant compte des avis des jeunes dans le cadre des processus législatifs,
nous favorisons une démocratie plus inclusive et plus représentative,
qui contribue à garantir que nos politiques sont cohérentes et tiennent
compte de la diversité des besoins et intérêts de l’ensemble de
la population. En créant des espaces de dialogue et de collaboration
au sein des parlements, nous pouvons, en tant que parlementaires,
favoriser un environnement qui permette aux enfants et aux jeunes de
se sentir valorisés et compris. Il en résultera un engagement civique
accru et un sentiment d’appartenance à la société encore plus fort.