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Rapport | Doc. 15892 | 05 janvier 2024

Un avenir démocratique pour le Bélarus

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Kimmo KILJUNEN, Finlande, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15130, Renvoi 4527 du 15 septembre 2020. 2024 - Première partie de session

Résumé

Depuis l’élection présidentielle frauduleuse de 2020, le régime dirigé par Aliaksandr Loukachenka s'est davantage enraciné dans son mépris flagrant du droit international et des normes démocratiques, comme en témoigne la répression brutale des voix dissidentes au Bélarus. De plus, l'implication du régime dans l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'atterrissage forcé d’un avion de ligne civil Ryanair et l’arsenalisation des flux migratoires ont montré qu'il représente également une menace pour la paix et la sécurité internationales.

Réitérant son ambition d'accueillir un futur Bélarus démocratique, indépendant, souverain, pacifique et prospère en tant que membre du Conseil de l'Europe, l'Assemblée parlementaire devrait appeler les États membres du Conseil de l'Europe:

  • à prendre des mesures pour tenir le régime d'Aliaksandr Loukachenka responsable de ses actes et obtenir réparation pour ses victimes;
  • à renforcer le soutien aux forces démocratiques du Bélarus qui, sous la direction de Sviatlana Tsikhanouskaya, ont réalisé des progrès remarquables dans la coordination et la canalisation de leurs efforts pour défendre les droits de tous les Bélarussien·ne·s et œuvrer en faveur d'un changement démocratique au Bélarus.

Pour sa part, l'Assemblée devrait établir un dialogue structuré avec les forces démocratiques du Bélarus, notamment en permettant à une délégation représentative de jouer un rôle actif dans ses travaux, et en créant un·e Rapporteur·e général·e pour un Bélarus démocratique.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 12 décembre
2023.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire réaffirme son engagement à soutenir et à défendre les droits, les libertés et la sécurité de tous les Bélarusien·ne·s. Elle est solidaire de toutes celles et tous ceux dont la vie a été affectée par les crimes du régime de Loukachenka et réitère son ambition d'accueillir un futur Bélarus démocratique, indépendant, souverain, pacifique et prospère en tant que membre du Conseil de l'Europe.
2. L’Assemblée salue les progrès remarquables réalisés par les forces démocratiques du Bélarus en exil, sous la direction de Sviatlana Tsikhanouskaya, dans la coordination et la canalisation de leurs efforts pour défendre les droits de tous les Bélarussien·ne·s et provoquer un changement démocratique au Bélarus. Elle se félicite de la création du Cabinet de transition uni, organe exécutif central du mouvement démocratique, ainsi que du Conseil de coordination, organe représentatif unifié de la société démocratique du Bélarus, en tant qu'entités représentant les aspirations démocratiques légitimes du peuple bélarussien.
3. Au cours de la période qui a précédé et suivi les élections présidentielles frauduleuses de 2020, la situation des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit s’est encore détériorée au Bélarus. Cette tendance déjà négative s'est intensifiée suite à la participation du régime de Loukachenka à l'agression à grande échelle de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, une violation des plus graves du droit international qui a conduit l'Assemblée à suspendre toutes ses relations avec les autorités du Bélarus sur la base de son Avis 300 (2022) «Conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine». La décision du régime de se rendre complice du Kremlin dans cette agression contraste fortement avec l'engagement de nombreux Bélarusien·ne·s en faveur de l'Ukraine.
4. L’expression pacifique de la dissidence de la population du Bélarus s’est heurtée à une répression brutale qui s’est traduite par un nombre sans précédent d’arrestations et de détentions à motivation politique et d’intimidations généralisées à l’encontre de personnalités de l’opposition, de journalistes, de militant·e·s et de défenseurs des droits humains. Des peines de prison plus longues ont été prononcées et une législation a été introduite pour élargir la définition des actes terroristes, qui sont passibles de la peine capitale. Des cas de torture et de mauvais traitements en détention ont été signalés. Rappelant qu'Ales Bialiatski et Maria Kalesnikava ont reçu le Prix des Droits de l'Homme Václav Havel pour leur lutte acharnée et leur sacrifice personnel en faveur de la promotion de la démocratie et des droits humains au Bélarus, l'Assemblée exprime sa profonde préoccupation face au sort de tous les prisonnières et prisonniers politiques au Bélarus et exprime son plein soutien à leurs familles.
5. Dans une situation où les libertés d’expression, de réunion et d’association sont restreintes, où la liberté des médias n’est pas respectée et où il n’existe aucun recours contre ces violations, il ne peut y avoir d’élections libres et équitables. L'Assemblée exprime donc ses sérieuses préoccupations concernant les élections législatives qui seront organisées par le régime de Loukachenka en février 2024, craignant qu'elles ne constituent une nouvelle parodie de démocratie, permettant aux autorités de perpétuer leur emprise sur le pouvoir malgré la volonté réelle du peuple du Bélarus.
6. La répression menée par le régime de Loukachenka contre le peuple du Bélarus est si grave, généralisée et systématique qu’elle pourrait être assimilée à des crimes contre l’humanité et justifie que justice soit rendue en vertu du droit national et international. À cet égard, l'Assemblée déplore les mesures prises par le régime pour garantir son impunité, telles que l'introduction des amendements constitutionnels de 2022 qui accordent au Président l'immunité à vie contre toute poursuite, et la dénonciation du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui prive les personnes au Bélarus du droit de déposer une plainte devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies.
7. La menace posée par le régime de Loukachenka s'étend au-delà des frontières du Bélarus: l’arsenalisation des migrants comme instrument de guerre hybride contre les États voisins, l'interception et l'atterrissage forcé du vol Ryanair FR4978, l'implication dans la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et le soutien actif apporté à la déportation et au transfert forcés d’enfants ukrainiens constituent de graves violations du droit international et montre à quel point le régime de Loukachenka représente une menace pour la paix et la sécurité internationales.
8. De même, les amendements constitutionnels de 2022, par lesquels le Bélarus a renoncé à sa neutralité et autorisé le déploiement d’armes nucléaires sur son territoire, ainsi que la politique constante des autorités visant à anéantir la culture, la langue et l’identité du Bélarus confirment, d’une part, l'existence d'une menace à la sécurité d'autres pays et, d'autre part, les craintes exprimées par de nombreux Bélarussien·ne·s selon lesquelles l'indépendance et la souveraineté de leur pays sont menacées.
9. L’Assemblée estime qu’afin d’honorer ses obligations en vertu du droit international, de s’aligner sur les valeurs du Conseil de l’Europe et de préserver sa souveraineté et son indépendance, le Bélarus devrait:
9.1. cesser immédiatement et sans condition son soutien à la Fédération de Russie dans son agression contre l’Ukraine et, par conséquent:
9.1.1. cesser tout soutien à la déportation et au transfert forcés de civils ukrainiens, y compris d'enfants;
9.1.2. cesser de fournir un soutien logistique ou autre aux troupes russes et refuser le transit des troupes russes à travers le territoire du Bélarus;
9.2. s'abstenir de menacer les pays voisins par quelque moyen que ce soit, y compris par l’arsenalisation des flux migratoires;
9.3. assumer la responsabilité pour l’interception et l’atterrissage forcé du vol Ryanair FR4978 en tant qu'acte d’ingérence illégale avec l'aviation civile, comme l'a constaté l'Organisation de l'aviation civile internationale;
9.4. mettre fin à toutes les mesures répressives visant à museler la dissidence, et garantir la libération inconditionnelle et immédiate de tous les prisonnières et les prisonniers politiques et assurer leur réhabilitation;
9.5. décréter une amnistie pour toutes les personnes arrêtées pour des raisons politiques;
9.6. mettre immédiatement fin à tous les actes de torture ou traitements inhumains et dégradants, que ce soit en public, au domicile des citoyen·ne·s ou dans tout lieu de détention;
9.7. garantir l'organisation d'élections libres et équitables, ainsi que le respect des droits et libertés civils et politiques, conformément aux recommandations énoncées dans la Résolution 2371 (2021) «Nécessité urgente d’une réforme électorale au Bélarus» de l’Assemblée;
9.8. permettre une passation pacifique du pouvoir après l'organisation d'élections libres et équitables;
9.9. garantir la séparation des pouvoirs, l’existence d’un système démocratique de contre-pouvoirs et la pleine indépendance du pouvoir judiciaire;
9.10. garantir dans le droit national que les auteurs de violations des droits humains rendent des comptes;
9.11. prendre des mesures pour protéger l'identité, la culture et la langue bélarussiennes et pour reconnaître et respecter les droits des personnes appartenant à des minorités nationales;
9.12. instaurer sans délai un moratoire sur la peine de mort conduisant à son abolition complète, et veiller à ce que toutes les condamnations à mort restantes soient commuées.
10. En vue de soutenir un avenir démocratique pour le Bélarus, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
10.1. à renforcer le soutien aux forces démocratiques et à la société civile du Bélarus, en particulier au Cabinet de Sviatlana Tsikhanouskaya, au Cabinet de transition uni, au Conseil de coordination, à la société civile du Bélarus et aux médias libres et indépendants;
10.2. à intensifier le dialogue avec les forces démocratiques du Bélarus en nommant des Représentants spéciaux auprès des forces démocratiques du Bélarus;
10.3. à renforcer le soutien aux activités du groupe de contact du Conseil de l’Europe sur la coopération avec les représentant·e·s des forces démocratiques et de la société civile du Bélarus;
10.4. à fournir un soutien technique et une expertise pour le développement d'outils et de ressources démocratiques pour les forces démocratiques et la société civile du Bélarus;
10.5. à mettre en place ou à soutenir des programmes visant à aider les victimes bélarussiennes de violence, de répression et de torture;
10.6. à faciliter l'entrée et le séjour, dans des conditions sûres et dignes, des citoyen·ne·s du Bélarus qui fuient le régime de Loukachenka, conformément à la Résolution 2499 (2023) «Relever les défis spécifiques auxquels sont confrontés les Bélarussiens en exil» de l’Assemblée; à prendre des mesures pour les aider à préserver leur langue, leur culture et leur identité; et à s'abstenir de les renvoyer au Bélarus tant qu'ils risquent d'être persécutés;
10.7. à maximiser la pression sur le régime de Loukachenka par des moyens diplomatiques ainsi qu'en renforçant les efforts pour mettre en œuvre un système de sanctions efficace;
10.8. à maintenir l’unité dans la réponse aux menaces internationales posées par le régime de Loukachenka, et en particulier face à l’arsenalisation des flux migratoires;
10.9. à continuer à faire la différence entre le régime de Loukachenka et le peuple du Bélarus et à éviter, dans la mesure du possible, que les sanctions contre le premier aient un impact négatif sur le second.
11. Réitérant sa Résolution 2372 (2021) «Les violations des droits de l'homme au Bélarus nécessitent une enquête internationale», en vue d’établir la responsabilité du régime de Loukachenka pour violations des droits humains et du droit international, l’Assemblée:
11.1. salue les efforts et les initiatives des organisations internationales, des défenseurs des droits humains et des représentant·e·s de la société civile sur le terrain pour la collecte, la vérification et la préservation de la documentation et des preuves des graves violations des droits humains perpétrées au Bélarus pendant et après l'élection présidentielle d'août 2020, et déclare son soutien à la Plateforme internationale de responsabilisation pour le Bélarus;
11.2. salue les initiatives visant à évaluer la condition des prisonnières et prisonniers politiques et à leur fournir de l'aide, et encourage les efforts continus pour obtenir accès aux détenu·e·s, notamment par le biais du Comité international de la Croix-Rouge;
11.3. appelle les États membres du Conseil de l'Europe à soutenir les efforts internationaux en cours en faveur de l'établissement des responsabilités, notamment en créant un système de responsabilisation pour les crimes et les violations des droits humains commis à l’encontre du peuple du Bélarus et en exerçant la compétence universelle prévue dans leur législation pénale ou, le cas échéant, en introduisant cette possibilité dans leur législation;
11.4. appelle les États membres du Conseil de l'Europe à explorer les possibilités qui permettrait de faire en sorte que le régime de Loukachenka rende des comptes pour son implication dans la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine;
11.5. rappelant le plein engagement des chef·fe·s d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe à Reykjavík pour lutter contre l'impunité des auteurs de transferts forcés d'enfants depuis l'Ukraine, appelle les États membres du Conseil de l'Europe à soutenir les enquêtes du Bureau du procureur général ukrainien sur le rôle du Bélarus dans les transports forcés d'enfants et les enquêtes du procureur de la Cour pénale internationale en relation avec les crimes de guerre présumés de déportation et de transfert illégaux d'enfants depuis ou vers les zones temporairement et illégalement contrôlées ou occupées de l'Ukraine.
12. En ce qui concerne ses propres travaux, l'Assemblée:
12.1. décide de promouvoir davantage la participation des représentant·e·s des forces démocratiques du Bélarus dans ses travaux afin de permettre à une délégation représentative de ces forces de jouer un rôle actif dans toutes les discussions qui ont lieu au niveau des commissions et des réseaux de l'Assemblée pendant les parties de session, avec l'autorisation des président·e·s respectifs, selon des modalités à établir par le Bureau de l'Assemblée;
12.2. demande la création d'un·e Rapporteur·e général·e pour un Bélarus démocratique;
12.3. invite les Rapporteur·e général·e pour un Bélarus démocratique, Rapporteur·e général·e pour les prisonniers politiques, Rapporteur·e général·e sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, et Rapporteur·e général·e sur l'abolition de la peine de mort à travailler en étroite collaboration sur le Bélarus et à établir un dialogue structuré avec le Cabinet de Sviatlana Tsikhanouskaya, le Cabinet de transition uni, le Conseil de coordination et leurs structures respectives;
12.4. décide d'intensifier son engagement auprès de la société civile, des défenseurs des droits humains, des journalistes indépendants et du monde universitaire du Bélarus;
12.5. s'engage à continuer de soutenir les activités du Groupe de contact du Conseil de l'Europe sur la coopération avec les représentant·e·s des forces démocratiques et de la société civile du Bélarus;
12.6. entend relancer le dialogue et la coordination avec d'autres assemblées parlementaires internationales en vue de soutenir les forces démocratiques et la société civile du Bélarus et de promouvoir un avenir démocratique pour le Bélarus;
12.7. étudiera et soutiendra les efforts visant à mettre en place un réseau de groupes d’amitié parlementaires du Bélarus démocratique;
12.8. invite les forces démocratiques du Bélarus à utiliser les outils et l’expertise de l’Assemblée en matière d’organisation des élections et de processus électoraux;
12.9. décide de continuer à suivre la situation politique au Bélarus.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 12 décembre 2023.

(open)
1. Attirant l'attention du Comité des Ministres sur sa Résolution … (2024) «Un avenir démocratique pour le Bélarus», l’Assemblée parlementaire réitère son ambition d’accueillir un futur Bélarus démocratique, indépendant, souverain, pacifique et prospère en tant que membre du Conseil de l’Europe.
2. L'Assemblée salue donc l'engagement pris par les chef·fe·s d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe dans la Déclaration de Reykjavik de renforcer la coopération avec les défenseurs des droits humains, les forces démocratiques, les médias libres et la société civile indépendante du Bélarus et de poursuivre le travail du Groupe de contact du Conseil de l'Europe sur la coopération avec les représentant·e·s des forces démocratiques et de la société civile du Bélarus. L'Assemblée soutient pleinement le Groupe de contact en tant que plateforme institutionnelle permettant au Conseil de l'Europe, aux forces démocratiques et à la société civile du Bélarus de collaborer en vue de promouvoir un changement démocratique au Bélarus et de renforcer les droits du peuple bélarussien, que ce soit au Bélarus ou en exil.
3. Condamnant le soutien actif du régime de Loukachenka à la Fédération de Russie dans sa guerre d'agression brutale contre l'Ukraine, l'Assemblée salue la décision du Comité des Ministres du 17 mars 2022 de suspendre les droits du Bélarus de participer en qualité d'observateur ou à tout autre titre aux réunions du Comité des Ministres, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ou de tout organe ou organe subsidiaire de ceux-ci.
4. Exprimant sa solidarité avec toutes celles et tous ceux dont la vie a été affectée par les crimes du régime de Loukachenka, l'Assemblée exprime sa plus vive préoccupation face à la détérioration systématique des droits humains, de l'État de droit et des normes démocratiques au Bélarus depuis l'élection présidentielle frauduleuse du 9 août 2020, une tendance qui s'est encore accentuée à la suite de l'agression à grande échelle de la Fédération de Russie contre l'Ukraine.
5. À la lumière de ces considérations, l'Assemblée estime que le Conseil de l'Europe devrait renforcer encore son soutien aux forces démocratiques et à la société civile du Bélarus tout en promouvant des mécanismes pour faire en sorte que le régime de Loukachenka rende des comptes.
6. L’Assemblée appelle donc le Comité des Ministres:
6.1. à apporter un soutien politique et matériel et une plus grande visibilité au Groupe de contact du Conseil de l'Europe sur la coopération avec les représentant·e·s des forces démocratiques et de la société civile du Bélarus et à ses activités;
6.2. à tenir des échanges de vues réguliers sur la situation au Bélarus, avec la participation de Mme Sviatlana Tsikhanouskaya, des représentant·e·s du Cabinet de transition uni et du Conseil de coordination;
6.3. à intensifier la coopération avec d’autres organisations internationales, y compris l’Union européenne, pour promouvoir une perspective européenne pour un futur Bélarus démocratique.
7. Par ailleurs, l'Assemblée, recommande au Comité des Ministres:
7.1. d’explorer les méthodologies et les initiatives visant à faire rendre des comptes pour la répression au Bélarus, par le biais de procédures nationales, régionales ou internationales;
7.2. d’encourager les États membres à soutenir et à contribuer à l’établissement d’un système de responsabilisation pour les crimes et violations des droits humains commis par le régime de Loukachenka.

C. Exposé des motifs par M. Kimmo Kiljunen, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L’élection présidentielle frauduleuse du 9 août 2020 au Bélarus a marqué un point de rupture entre le passé et le futur du pays. La voix du peuple qui s’est exprimée lors de protestations et de manifestations pacifiques sans précédent après l’élection a été étouffée par Aliaksandr Loukachenka avec une force brutale. L’intensification de la répression dans le pays, soutenue par la Fédération de Russie, a renforcé le caractère autoritaire et impitoyable de ce régime.
2. Le rejet total du droit international et des normes démocratiques par le régime de Loukachenka s’est illustré par l’implication de ce dernier dans la guerre illégale d’agression menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine. En tant que complice, non seulement M. Loukashenka a violé de manière flagrante de nombreuses normes internationales et transformé le Bélarus en menace pour la paix et la sécurité internationales, mais il a aussi mis en péril l’existence même du pays, le réduisant au rôle d’État vassal renonçant à sa souveraineté en faveur des prérogatives politiques, militaires et économiques du régime de Poutine.
3. Dans le même temps, les espoirs d’une vision démocratique pour le Bélarus, portés par le courage de Sviatlana Tsikhanouskaya, Veronika Tsepkalo, et Maria Kalesnikava, lors de l’élection de 2020, n’ont pas été anéantis par cette répression. Trois ans plus tard, les forces démocratiques du Bélarus poursuivent leur travail courageux, notamment par l’intermédiaire du Cabinet de transition uni et du Conseil de coordination, dans la perspective d’un avenir démocratique garantissant la réalisation des droits humains et l’État de droit au Bélarus.
4. Le 21 avril 2022, le Bureau de l’Assemblée parlementaire a décidé de suspendre toutes les relations entre l’Assemblée et les autorités du Bélarus en raison de la participation de ces dernières à l’agression par la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Bien que nous ne collaborions plus avec le régime de Loukachenka, la nécessité de réformes radicales visant à mettre la législation, les institutions et les pratiques du Bélarus en conformité avec les normes internationales en matière de démocratie et de droits humains est plus pressante que jamais.
5. Dans le même temps, la décision de l’Assemblée d’intensifier ses relations avec la société civile, les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants, les milieux universitaires et les forces démocratiques du Bélarus témoigne clairement de l’importance qu’elle attache à un avenir démocratique pour le Bélarus 
			(3) 
			Résolution 2433 (2022) «Conséquences de l’agression persistante de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l’Europe».. J’ai poursuivi mes travaux uniquement en dialoguant avec ces différentes parties prenantes et, dans le cadre de mon mandat, j’ai cherché à établir et à approfondir le dialogue politique de l’Assemblée avec les forces démocratiques du Bélarus.

2. Origine, objectif et approche

6. Au lendemain de l’élection présidentielle de 2020 au Bélarus, les membres de l’Assemblée ont présenté trois propositions portant respectivement sur la situation des droits humains, la réforme électorale et le processus politique. Les deux premières propositions, qui portaient sur les questions urgentes à traiter, ont été accélérées et ont conduit à l’adoption de textes de l’Assemblée en avril 2021. La troisième concernait le projet à long terme de soutien du développement d’un processus politique qui devrait finalement conduire le Bélarus à respecter les normes démocratiques et à adhérer au Conseil de l’Europe 
			(4) 
			Voir la proposition de résolution à l’origine du rapport. En outre, deux autres propositions
«L’émigration forcée
due à la répression politique» (Doc. 15249) et «Le terrorisme d’État
du Bélarus, une menace pour l’ensemble du continent européen» (Doc. 15319) ont été renvoyées à la commission pour
être prises en compte lors de l’élaboration du présent rapport.. Elle a été renvoyée à la Commission des questions politiques et de la démocratie (la commission) pour rapport et j’ai été nommé rapporteur 
			(5) 
			Par la suite, notre
collègue, M. Emanuelis Zingeris (Lituanie, PPE/DC), a été nommé
rapporteur pour avis..
7. La proposition initiale reposait sur l’idée qu’un tel processus politique devrait être national, c’est‑à‑dire initié par et appartenant au peuple du Bélarus, et inclusif, ce qui signifie qu’il devrait s’appuyer sur la participation de toutes les parties prenantes du Bélarus. Jusqu’en avril 2022, j’ai travaillé sur la base de ce postulat. Dans ce contexte, j’ai tenu des réunions avec des représentant·e·s de l’opposition et de la société civile du Bélarus vivant à l’étranger, notamment lors d’une visite d’information à Vilnius et à Varsovie en septembre 2021. J’ai également rencontré des responsables de haut niveau du Conseil de l’Europe.
8. Un processus inclusif exige également la participation des autorités. Malgré l’aggravation de la répression politique et de la situation des droits humains au Bélarus, et celle de la crise dans les relations internationales, je suis resté convaincu que nous devrions continuer à étudier les moyens de collaborer avec les autorités, ce que la commission a soutenu. Ainsi, j’ai également eu des contacts réguliers avec des représentant·e·s des autorités.
9. En janvier 2022, un résultat politique significatif a été obtenu au cours d’une audition en commission, lorsque, pour la première fois depuis le début de la crise politique, les autorités et l’opposition se sont assises autour de la même table pour discuter de la réforme constitutionnelle. Il s’agissait d’un effort pour promouvoir un processus politique inclusif au Bélarus et faire jouer un rôle politique constructif à l’Assemblée.
10. La rupture des relations entre l’Assemblée et le régime bélarussien qui a suivi, confirmée en avril 2022 
			(6) 
			<a href='https://assembly.coe.int/committee/BUR/2022/BUR007F.pdf'>AS/Bur(2022)07</a>, «Relations avec le Bélarus: mise en œuvre du paragraphe
18.2. de l’Avis 300 (2022) ‘Conséquences de l’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine’»., s’explique par les actions méprisables du régime de Loukachenka. L’approche que j’ai adoptée depuis tient compte de la réalité, à savoir que les conditions de base de la coopération et du dialogue avec l’appareil d’État actuel du Bélarus ne sont plus réunies.
11. Les actions du régime ne correspondent pas aux aspirations démocratiques des Bélarussien·ne·s. La suspension des relations avec le Bélarus n’est pas une suspension des relations avec les Bélarussien·ne·s qui aspirent à cet avenir démocratique. Conformément à la décision de l’Assemblée d’intensifier son engagement auprès de la société civile, des défenseurs des droits humains, des journalistes indépendants, des milieux universitaires et des forces démocratiques du Bélarus, j’ai envisagé ce rapport comme un processus, en profitant de mon mandat pour faire progresser cet engagement.
12. À la suite de consultations étroites avec les forces démocratiques du Bélarus, la commission est convenue, en janvier 2023, d’établir un dialogue régulier avec les forces démocratiques du Bélarus. Je remercie tous ceux qui ont participé à ce dialogue au cours de l’année écoulée pour leurs réflexions sur la situation dans le pays et sur les mesures qui pourraient être prises en vue d’un processus national de réforme politique.
13. Le rapport fait le point sur la dégradation de la situation politique et des droits humains au Bélarus depuis 2020, sur la réaction de l’Assemblée face à cette évolution, et propose quatre axes complémentaires pour orienter l’action future en faveur d’un avenir démocratique dans le pays.

3. Les conséquences de l’élection présidentielle de 2020

14. Les manifestations de masse qui ont éclaté au Bélarus à la suite de l’annonce des résultats officiels déclarant M. Loukachenka vainqueur, ont été sans précédent tant par leur ampleur que par leur durée. Des dizaines de milliers de manifestant·e·s se sont massés dans les rues. Pendant des mois, les défilés et les rassemblements, qui ont parfois réuni des centaines de milliers de personnes, sont devenus une tradition hebdomadaire, malgré la répression brutale de la police. Des centaines de personnes ont été blessées, plusieurs ont été tuées et des milliers ont été arrêtées. Les allégations de mauvais traitements et de torture ont été largement documentées 
			(7) 
			Pour
un résumé de la situation des droits humains dans les mois qui ont
suivi l’élection présidentielle de 2020, voir le rapport «Les violations des droits de l’homme au Bélarus nécessitent
une enquête internationale» (Doc.
15256)..
15. Plusieurs représentant·e·s du Conseil de l’Europe, dont le Président de l’Assemblée et la Présidente de la commission des questions politiques et de la démocratie, ont condamné la violence et appelé à un processus national inclusif associant pleinement la société civile afin de trouver une issue pacifique à la crise 
			(8) 
			Voir <a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/POL/Pdf/DocsAndDecs/2020/AS-POL-INF-2020-09-FR.pdf'>AS/Pol/Inf(2020)09</a>, Compendium de déclarations.. À la suite d’un débat d’actualité tenu le 15 septembre 2020, la Commission permanente a adopté une déclaration dans le même sens 
			(9) 
			Voir <a href='https://pace.coe.int/fr/news/8005/declaration-on-an-urgent-need-for-a-democratic-broad-based-and-inclusive-political-process-in-belarus'>Déclaration</a>.. Parallèlement, les membres de l’Assemblée ont présenté trois propositions, comme indiqué précédemment.
16. L’Union européenne a condamné la violence disproportionnée et inacceptable contre les manifestant·e·s pacifiques, n’a pas reconnu les résultats de l’élection et a imposé des sanctions aux personnes considérées comme responsables d’actes de répression et d’intimidation contre des manifestants pacifiques, des membres de l’opposition et des journalistes, ainsi que de fautes commises au cours du processus électoral 
			(10) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-against-belarus/belarus-timeline/'>Chronologie
– Mesures restrictives de l’UE à l’encontre de la Biélorussie</a>. <a href=''>La Norvège, la Suisse, le Royaume-Uni,
les États-Unis d’Amérique et le Canada ont aussi adopté des sanctions.</a>.
17. Au niveau de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), 17 États participants ont invoqué le «Mécanisme de Moscou» en septembre 2020 pour mettre en place une mission d’expert·e·s chargée d’examiner les informations crédibles faisant état de violations des droits humains, y compris de fraudes électorales. Dans son rapport présenté en novembre 2020, le rapporteur, M. Wolfgang Benedek, conclut à l’existence de preuves accablantes montrant que l’élection présidentielle de 2020 était frauduleuse et que les forces de sécurité du Bélarus avaient perpétré des violations massives et systématiques des droits humains et des libertés fondamentales 
			(11) 
			<a href='https://www.osce.org/odihr/469539'>Rapport</a> de l’OSCE dans le cadre du Mécanisme de Moscou sur les
violations présumées des droits humains liées à l’élection présidentielle
de 2020 au Bélarus (en anglais)..
18. Le 21 avril 2021, l’Assemblée a adopté la Résolution 2371 (2021) «Nécessité urgente d’une réforme électorale au Bélarus» dans laquelle elle déclarait que l’élection présidentielle de 2020 n’avait été ni libre ni équitable, et appelait à mener une réforme globale du système électoral. Dans ce contexte, elle identifiait les principaux domaines de préoccupation qui devaient être traités en priorité afin que le système électoral puisse devenir transparent, responsable et, en fin de compte, «crédible», et que les citoyen·ne·s du Bélarus puissent reprendre confiance dans le processus électoral.
19. Dans sa Résolution 2372 (2021) «Les violations des droits de l’homme au Bélarus nécessitent une enquête internationale» adoptée le même jour, l’Assemblée appelait les autorités du Bélarus à libérer tous les prisonnières et prisonniers politiques, à engager le dialogue avec l’opposition et à organiser de nouvelles élections démocratiques. Soulignant l’importance capitale de la lutte contre l’impunité des auteurs de graves violations des droits humains, l’Assemblée appelait les États membres à faire usage de la «compétence universelle» pour certains crimes particulièrement graves, y compris les actes de torture, et à se servir de leurs «lois Magnitski» pour imposer des sanctions ciblées contre des auteurs de violations graves des droits humains au Bélarus.
20. Les appels de l’Assemblée et de la communauté internationale n’ont pas été entendus. À l’inverse, Aliaksandr Loukachenka a systématiquement appliqué un arsenal de mesures qui, dans leur conception et leur mise en œuvre, ont supprimé tous les vestiges restants des principaux piliers de la société démocratique dans le pays.

4. Situation des droits humains et libertés politiques

21. Pour tenir le mouvement d’opposition à distance, les autorités du Bélarus se sont appuyées sur une répression constante. Les poursuites pénales à caractère politique engagées contre les opposants et les détracteurs des autorités, les journalistes, les militants des droits humains et les simples citoyen·ne·s participant aux manifestations pacifiques sont restées la forme essentielle de répression, et ont conduit des centaines de milliers de Bélarussien·ne·s à fuir le pays pour échapper à ce régime.
22. Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion ont été considérablement restreints, la torture et les autres mauvais traitements ont été endémiques et commis en toute impunité.
23. L’ampleur de la répression est stupéfiante. Les exemples ci-dessous mettent en évidence l’accélération de la dégradation complète des droits humains et des libertés politiques. Cette répression s’appuie sur l’impact transversal des mesures qui suppriment le recours à la justice. Le système judiciaire est détourné pour réprimer la dissidence, emprisonner les opposant·e·s politiques et les défenseurs des droits humains, intimider et réduire au silence leurs avocat·e·s, qui ont par la suite été nombreux à fuir le pays 
			(12) 
			Amnesty International, <a href='https://www.amnesty.org/fr/location/europe-and-central-asia/belarus/'>rapport
2021 sur le Bélarus.</a>.
24. La suppression de la justice a été illustrée par la notification par le Bélarus, le 8 novembre 2022, de sa dénonciation du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Bélarus a cessé d’être partie au Protocole le 8 février 2023, privant ainsi les personnes de la possibilité de porter plainte devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Cette situation a privé les citoyen·ne·s de la protection des droits humains et constitue une dégradation emblématique de la situation des droits humains sur le territoire.
25. Comme il est désormais impossible d’avoir accès aux voies de recours effectives au niveau tant national qu’international, le régime a décrété l’impunité pour que les responsables de violations flagrantes des droits humains n’aient pas à répondre de leurs actes. Les révisions constitutionnelles effectuées en contradiction flagrante avec les principes démocratiques, qui représentent un effort éhonté du régime de Loukachenka pour conserver son emprise sur le pouvoir, font également partie de ce schéma.
26. Les amendements à la Constitution adoptés par référendum le 27 février 2022 permettent à M. Loukachenka de rester en fonction jusqu’en 2035, lui accordent l’immunité contre les poursuites judiciaires, cherchent à empêcher les forces démocratiques en exil de se porter candidates à l’élection présidentielle et donnent à l’Assemblée du peuple du Bélarus (organe non élu composé de représentants nommés par le gouvernement au pouvoir) le pouvoir de destituer un futur président, de nommer les juges et de désigner les membres de la Commission électorale centrale.
27. L’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), demandé par le Président de l’Assemblée, concernant les aspects procéduraux et de fond de la réforme constitutionnelle, est clair: les amendements n’ont pas corrigé le profond déséquilibre des pouvoirs qui existait déjà dans la Constitution de 1996, et l’ont même aggravé, facilitant le fonctionnement d’un régime autoritaire 
			(13) 
			Commission de Venise,
Bélarus, Avis final sur la réforme constitutionnelle, adopté lors
de sa 132e session plénière, Venise,
21-22 octobre 2022, <a href='https://venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2022)035-e'>CDL-AD(2022)035</a>.. Ces amendements constitutionnels ont été adoptés au mépris des principes démocratiques fondamentaux.

4.1. Prisonnières et prisonniers politiques

28. La pratique des arrestations et des poursuites arbitraires est solidement ancrée depuis l’élection de 2020 et n’a cessé de se renforcer. Elle a visé divers segments de la société, notamment les détracteurs du gouvernement, les défenseurs des droits humains, les journalistes, les universitaires, les syndicalistes, les personnalités religieuses, les personnes appartenant à des minorités nationales, les avocat·e·s et d’autres personnes cherchant à exercer leurs droits fondamentaux. Plus de 40 000 arrestations pour des motifs politiques ont été effectuées et quelque 12 000 affaires pénales motivées par des considérations politiques ont été instruites.
29. Le rapport de l’OSCE publié en mai 2023 dans le cadre du Mécanisme de Moscou montre de manière convaincante que le nombre élevé de prisonnières et prisonniers politiques au Bélarus s’inscrit dans un ensemble de politiques publiques visant à accroître la répression pour des motifs politiques. Il s’agit notamment d’une série de mesures législatives qui prévoient des infractions aux contours imprécis qui élargissent les possibilités de répression politique 
			(14) 
			OSCE, Rapport dans
le cadre du Mécanisme de Moscou sur la grave menace qui pèse sur
la dimension humaine de l’OSCE au Bélarus depuis le 5 novembre 2020..
30. Selon Viasna, au 11 novembre 2023, le nombre total de prisonnières et prisonniers politiques au Bélarus était de 1 456 
			(15) 
			Voir <a href='https://prisoners.spring96.org/en?utm_source=sendpulse&utm_medium=email&utm_campaign=human-rights-in-belarus-human-'>Viasna
Human Right Center</a>.. Lors de plusieurs auditions avec les forces démocratiques du Bélarus en 2023, il a été rappelé à la commission des questions politiques et de la démocratie que la réalité de la détention politique dans le pays est encore plus vaste. De nombreuses personnes, prisonnières et prisonniers politiques, souhaitent éviter d’être qualifiées comme tels en raison des risques de traitement différent en détention et d’éventuelle prolongation de leur peine d’emprisonnement.
31. Il n’en reste pas moins qu’aucune information précise quant au sort et au bien-être d’un certain nombre d’opposants politiques ayant participé à l’élection présidentielle de 2020 n’est disponible. Il s’agit notamment:
  • de M. Victor Babaryka, un ancien banquier qui avait été empêché de se présenter à l’élection présidentielle de 2020, et qui a été condamné à 14 ans d’emprisonnement à la suite de fausses accusations de corruption et de blanchiment d’argent (juillet 2021);
  • de Mme Maria Kalesnikava qui, quelques jours seulement après avoir été présélectionnée par l’Assemblée pour le prix des droits de l’homme Václav Havel 2021, qui lui a ensuite été décerné, a été condamnée à 11 ans d’emprisonnement sur la base de fausses accusations de conspiration, d’«extrémisme» et d’infractions liées à la sécurité nationale;
  • de M. Siarhei Tsikhanouski, qui avait été empêché de se présenter à l’élection présidentielle de 2020, et qui a été condamné à 18 ans d’emprisonnement à la suite de fausses accusations de «préparation de troubles à l’ordre public» et d’«incitation à la haine» (décembre 2021).
32. Ces personnes sont privées du droit de communiquer par téléphone et de recevoir des visites, dont le droit de voir leurs avocat·e·s. Les prisonnières et prisonniers politiques sont presque tous très limités dans leur correspondance et leurs rencontres avec leurs proches et leurs avocat·e·s. La torture et les traitements inhumains ou dégradants sont pratiqués de manière régulière et organisée, et les prisonnières et prisonniers politiques ont beaucoup de mal à obtenir des soins médicaux de base 
			(16) 
			OSCE, Rapport dans
le cadre du Mécanisme de Moscou sur la grave menace qui pèse sur
la dimension humaine de l’OSCE au Bélarus depuis le 5 novembre 2020..
33. Ces mauvais traitements, cette brutalité et cette privation de soins médicaux ont entraîné la mort de personnes aux mains du régime. Au moins 24 personnes sont décédées en détention, dont Ales Pushkin, Vitold Ashurak, Dzmitry Dudoits, Aliaksandr Vikhor, Mikalai Klimovicz et Dzmitry Sarokin.
34. Des procès par contumace ont été organisés pour les Bélarussien·ne·s en exil, avec des violations des normes internationales relatives au droit à un procès équitable. À l’issue de tels procès contre des personnes ayant participé à l’élection présidentielle de 2020, Sviatlana Tsikhanouskaya, Pavel Latushka et Valery Tsepkalo ont été condamnés à 15, 18 et 17 ans d’emprisonnement respectivement, notamment pour conspiration visant à prendre le pouvoir, haute trahison et extrémisme 
			(17) 
			Voir
Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport de la Rapporteuse
spéciale sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, 53e session,
19 juin-14 juillet 2023..

4.2. Liberté d’expression

35. Le climat juridique et politique a empêché les journalistes et les médias indépendants d’informer, sans crainte de représailles, la quasi-totalité des médias indépendants Bélarussiens opérant en dehors du pays.
36. Les médias présents sur différentes plateformes ont été fortement touchés depuis l’élection présidentielle de 2020. La quasi-totalité des médias indépendants et des sites web de la société civile sont bloqués, avec plus de 9 000 sites bloqués en juin 2023 
			(18) 
			<a href='https://netobservatory.by/'>Netobservatory</a>, consulté le 8 novembre 2023..
37. Les professionnels des médias sont confrontés à des détentions arbitraires massives, souvent accompagnées de violences physiques et psychologiques, ainsi qu’à des dommages aux équipements professionnels ou leur saisie, et de poursuites sous forme de placements en détention administrative et d’amendes. À la fin du mois d’octobre 2023, 32 professionnels des médias étaient emprisonnés au Bélarus 
			(19) 
			«<a href='https://baj.by/en/analytics/repressions-against-journalists-belarus-2023-list-colleagues-prison'>Repressions
against journalists in Belarus 2023, list of colleagues in prison</a>», Association bélarussienne des journalistes..
38. La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Bélarus a noté que l’utilisation abusive de la législation antiterroriste et anti-extrémiste avait été un instrument essentiel de la suppression de la liberté d’expression 
			(20) 
			Déclaration de Mme Marin,
Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Bélarus,
78e session de l’Assemblée générale,
25 octobre 2023.. S’exprimant en octobre 2023, elle a souligné que le ministère de l’Information tenait une liste de «matériels extrémistes» exposés à la censure. La liste s’est allongée de façon exponentielle pour inclure les sites web, les comptes de réseaux sociaux et les chaînes YouTube ou Telegram des organisations de défense des droits humains, des syndicats indépendants et des médias, ainsi que les textes ou les œuvres d’art jugés «extrémistes».

4.3. Liberté d’association

39. Dans le cadre de la répression systématique menée par le régime de Loukachenka, les autorités ont supprimé les organisations indépendantes de la société civile, y compris les ONG et les associations d’avocats, les syndicats, les groupes politiques et les communautés ethniques et religieuses auto-organisées.
40. En février 2021, le bureau de l’éminent groupe de défense des droits humains Viasna à Minsk a fait l’objet d’une perquisition et en mars, des poursuites pénales infondées ont été engagées contre Viasna. Cinq membres du personnel, dont son fondateur, M. Ales Bialiatski, ont été arrêtés. En novembre, M. Leanid Sudalenka et Mme Tatsyana Lasitsa ont été condamnés respectivement à trois ans et deux ans et demi d’emprisonnement pour leur rôle présumé dans une «violation de l’ordre public». D’autres membres de Viasna, dont Mme Marfa Rabkova et M. Andrei Chapyuk, ont été détenus arbitrairement puis condamnés lors de procès qui se sont déroulés en violation des normes relatives à un procès équitable 
			(21) 
			Fédération internationale
pour les droits humains, appel urgent, 6 mars 2023.. En octobre 2021, le Comité Helsinki du Bélarus, la plus ancienne organisation de défense des droits humains du Bélarus, a été dissout.
41. Dans l’ensemble, entre septembre 2020 et la fin du mois d’octobre 2023, au moins 931 organisations à but non lucratif ont été contraintes de fermer, soit par une procédure judiciaire de liquidation forcée, soit par une radiation forcée du registre national unifié des personnes morales et des entrepreneurs individuels. En outre, le nombre d’associations ayant décidé de s’autodissoudre s’élèverait à au moins 526. Le nombre total ne serait donc pas inférieur à 1 457, dont des associations publiques, des syndicats, des fondations, des institutions non gouvernementales et des associations 
			(22) 
			Lawtrend, <a href='https://www.lawtrend.org/freedom-of-association/situatsiya-so-svobodoj-assotsiatsij-i-organizatsiyami-grazhdanskogo-obshhestva-respubliki-belarus-obzor-za-oktyabr-2023-g'>«Monitoring
the situation of freedom of association and civil society organisations
in the Republic of Belarus», October 2023.</a>. Le nombre d’organisations à but non lucratif de la société civile qui ont été liquidées représenterait au moins un quart des groupes organisés de la société civile.
42. L’interdiction effective des syndicats indépendants ou des organisations patronales a presque entièrement supprimé l’espace nécessaire à l’existence d’un mouvement syndical indépendant. Les appels lancés par l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour abroger les mesures législatives et autres pertinentes ont été ignorés. Le non-respect des recommandations de l’OIT a conduit la Conférence internationale du Travail à adopter une résolution au titre de l’article 33 de la Constitution de l’OIT, qui met en cause le mépris permanent des droits des travailleurs et l’arrestation d’innombrables syndicalistes. Il s’agit de la mesure la plus ferme possible en vertu de la Constitution de l’OIT contre un État qui viole les droits des travailleurs, et ce n’est que la deuxième fois que cette procédure est invoquée dans l’histoire de l’OIT 
			(23) 
			Conférence internationale
du Travail – 111e session, Genève, 2023, <a href='https://www.ilo.org/ilc/ILCSessions/111/reports/texts-adopted/WCMS_886025/lang--fr/index.htm'>Résolution
concernant les mesures recommandées par le Conseil d’administration
au titre de l’article 33 de la Constitution de l’OIT au sujet du
Bélarus.</a>.
43. La politique générale de répression politique mise en œuvre à grande échelle depuis août 2020 a eu de graves répercussions sur toutes les formes d’opposition politique. Pour les partis politiques, les conditions de création d’un nouveau parti ont été encore renforcées en février 2023 
			(24) 
			Loi
«portant modification des lois relatives aux activités des partis
politiques et autres associations publiques», 14 février 2023., notamment en augmentant le nombre minimum de membres requis qui est passé de 1 000 à 5 000, et en introduisant l’obligation d’avoir des structures dans toutes les régions et à Minsk. Les partis préexistants ont dû soumettre les documents nécessaires à leur réenregistrement au ministère de la Justice dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, et la décision de procéder à un nouvel enregistrement ou à une dissolution appartient au ministère de la Justice.
44. Lorsque la loi a été promulguée, le Bélarus comptait 15 partis. En novembre 2023, seuls quatre partis étaient enregistrés par le ministère de la Justice, ce qui comprend l’enregistrement pour la première fois en tant que parti politique de la formation pro-Loukachenka Belaya Rus, et le réenregistrement ultérieur de trois partis pro-Loukachenka.
45. Compte tenu des restrictions susmentionnées, les partis démocratiques qui auraient pu espérer participer aux élections législatives et locales prévues en février 2024 ont été liquidés ou empêchés de se présenter. La transparence, la liberté et l’équité de ces élections sont profondément compromises, d’autant qu’aucune commission électorale n’a été établie dans les ambassades du Bélarus à l’étranger.

4.4. Liberté de réunion

46. Les autorités maintiennent une interdiction effective des manifestations pacifiques, menaçant les participants de détention ou de lourdes amendes. Des participants à des manifestations pacifiques ont été détenus par vagues. Les milliers d’arrestations effectuées à la suite de l’élection présidentielle de 2020 ont été suivies en 2021 par l’arrestation de plus de 900 personnes qui ont fait l’objet de poursuites dans le cadre de procédures à caractère politique, selon Viasna, tandis que, conjuguées, les manifestations contre la guerre et la réforme constitutionnelle de février 2022 ont donné lieu à près de 1 000 arrestations 
			(25) 
			<a href='https://spring96.org/en/news/107864'>Référendum 2022:
Final report</a> (en anglais), Comité Helsinki du Bélarus et Centre des
droits de l’homme Viasna dans le cadre de la campagne «Human Rights
Defenders for Free Elections», 24 mai 2022..
47. Les modifications législatives apportées à la loi du 24 mai 2021 sur les manifestations de masse et au Code des infractions administratives ont constitué la toile de fond législative des restrictions imposées aux rassemblements, permettant parallèlement d’élargir le champ des infractions administratives passibles de sanctions, avec une procédure renforcée nécessitant l’approbation préalable des autorités locales avant toute manifestation de masse.

4.5. Peine de mort

48. Le Bélarus continue d’appliquer la peine de mort et, en violation des normes internationales 
			(26) 
			Comité des droits de
l’homme, Observation générale no 36:
Droit à la vie (article 6), 3 septembre 2019, Doc. ONU CCPR/C/GC/36., a prorogé les dispositions relatives à la peine de mort en mai 2022 et en mars 2023.
49. Le 18 mai 2022, M. Loukachenka a signé la loi «portant modification du Code pénal de la République du Bélarus», qui établit que la peine de mort peut être prononcée non seulement pour le fait de commettre un acte de terrorisme, mais aussi pour sa préparation ou pour la tentative de le commettre. L’amendement ouvre la voie à de graves abus, sachant que de nombreux prisonnières et prisonniers politiques ont été inculpés ou sont déjà condamnés à de longues peines de prison en vertu des dispositions relatives au «terrorisme». De même, de nombreux représentants de l’opposition et militants politiques sont recherchés pour «terrorisme». Ils risquent maintenant la peine de mort 
			(27) 
			En mars 2022,
Mme Sviatlana Tsikhanouskaya a été accusée
de «préparation d’actes de terrorisme commis en bande organisée»..
50. Le 9 mars 2023, M. Loukachenka a présenté des amendements à l’article 356 du Code pénal qui autoriseraient la peine de mort en cas de trahison si le crime est commis par un agent public ou un membre des forces armées. Le crime de «trahison envers l’État» est défini dans la loi bélarussienne comme la divulgation de secrets d’État du Bélarus et de secrets d’État d’autres pays confiés au Bélarus, à des États étrangers et à des organisations internationales; l’espionnage; le changement de camp dans un conflit militaire; ou l’apport de toute autre assistance à un État étranger ou à une organisation internationale ou étrangère pour mener des activités portant atteinte à la sécurité nationale du Bélarus. Ce crime était auparavant passible d’une peine d’emprisonnement de 10 à 20 ans.
51. Une personne a été condamnée à mort en 2021 et deux condamnés à mort auraient été exécutés. Deux frères condamnés à mort en 2020, MM. Stanislau et Ilya Kostseu, ont été graciés 
			(28) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/8288/general-rapporteur-welcomes-the-decision-of-the-belarusian-authorities-to-pardon-the-two-brothers-illia-and-stanislau-kostseu'>Un
Rapporteur général salue la décision des autorités bélarussiennes
de gracier les frères Illia et Stanislau Kostseu.</a>. Le 19 octobre 2023, le tribunal régional de Minsk a condamné Alexander Taratura à la peine de mort pour meurtre.

4.6. Citoyenneté

52. Des méthodes de facto et de jure ont été appliquées pour restreindre la citoyenneté bélarussienne ou l’accès aux documents de citoyenneté. Le 5 janvier 2023, des amendements aux lois sur la citoyenneté ont étendu la possibilité de révoquer la citoyenneté bélarussienne même si elle a été acquise par la naissance 
			(29) 
			Loi n° 242-Z portant
modification de la loi sur la citoyenneté de la République du Bélarus,
5 janvier 2023.. Les amendements autorisent la déchéance de citoyenneté si une personne a été reconnue par un tribunal comme ayant participé à une «activité extrémiste» ou comme ayant causé «un préjudice grave aux intérêts de la République du Bélarus».
53. Parallèlement, un décret entré en vigueur le 7 septembre 2023 interdit la délivrance ou le renouvellement des passeports à l’étranger. Cette mesure exerce une pression sur les Bélarussien·ne·s qui ont fui le pays, en restreignant davantage leur liberté de circulation et en laissant beaucoup d’entre eux dans une situation de vide juridique. Des milliers de Bélarussien·ne·s en exil n’ont donc pas accès à des documents d’identité valables à l’étranger ou risquent d’être poursuivis pour des raisons politiques s’ils retournent au Bélarus pour faire établir leurs documents. Cette action a pour seul but de rendre la vie des Bélarussien·ne·s ordinaires vivant à l’étranger plus difficile et représente une nouvelle forme d’oppression et de représailles contre les milliers de Bélarussien·ne·s qui ont été contraints de fuir leur domicile. Dès juin 2023, l’Assemblée a appelé à la recherche de solutions pour remédier à cette instrumentalisation des documents 
			(30) 
			Résolution 2499 (2023) «Relever les défis spécifiques auxquels sont confrontés
les Bélarussiens en exil»..

5. Isolement croissant du Bélarus au niveau international

54. La crise politique provoquée par l’élection présidentielle de 2020, avec la litanie des violations des droits humains susmentionnées, ont été condamnées à maintes reprises et à juste titre par la communauté internationale. Cependant, la transformation de cette crise politique en une question de portée européenne, voire mondiale, a été accélérée par trois faits majeurs: l’atterrissage forcé d’un avion de ligne civil de Ryanair, l’instrumentalisation des migrants et le rôle du Bélarus dans la guerre d’agression illégale menée par la Russie contre l’Ukraine.

5.1. Atterrissage forcé d’un avion de ligne civil Ryanair

55. Le 23 mai 2021, les autorités du Bélarus ont forcé un avion de ligne civil de Ryanair à atterrir d’urgence à Minsk, alléguant une alerte à la bombe. À l’atterrissage de l’avion, elles ont arrêté deux de ses passagers, à savoir M. Roman Protasevich, cofondateur du média Nexta et rédacteur en chef de deux chaînes Telegram qui avaient couvert les manifestations postélectorales, et Mme Sofia Sapega, sa compagne.
56. Le 28 mai 2021, ouvrant le débat d’actualité à ce sujet tenu lors de la réunion de la Commission permanente, M. John Howell (Royaume-Uni, CE/AD) a souligné que détourner un avion international et le forcer à atterrir, dans le seul but d’arrêter un journaliste, constituaient «une attaque choquante contre l’aviation civile et le droit international» et représentaient «un danger pour les vols commerciaux partout dans le monde». Au cours du débat qui a suivi, les membres de l’Assemblée ont condamné ce détournement, notant que l’action des autorités du Bélarus avait mis en danger la vie de centaines de passagers. Ils ont également appelé à la libération immédiate de M. Protasevich et de tous les autres prisonnières et prisonniers politiques au Bélarus 
			(31) 
			Voir également la <a href='https://pace.coe.int/fr/news/8317/general-rapporteur-calls-for-immediate-release-of-belarusian-journalist'>déclaration</a> du Rapporteur général sur la liberté des médias et la
protection des journalistes, M. Stefan Schennach (Autriche, SOC).
En mai 2022, Mme Sopega a été condamnée
à six ans d’emprisonnement pour incitation à la haine et divulgation
d’informations privées en raison de son administration présumée
de la chaîne Telegram «Livre noir du Bélarus», qui contient des
données sur des agents des forces de l’ordre soupçonnés d’avoir
commis de graves violations des droits humains..
57. Le 4 juin 2021, l’Union européenne a interdit le survol de son espace aérien et l’accès à ses aéroports à tous les types de transporteurs bélarussiens. Plus tard dans le mois, elle a adopté une quatrième série de sanctions, y compris contre sept personnes et une entité impliquées dans l’atterrissage forcé de l’avion de Ryanair.
58. Le 18 juillet 2022, sur la base d’un rapport d’enquête détaillé et approfondi, le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a conclu que le Gouvernement du Bélarus avait commis un acte d’ingérence illégale en violation du droit international de l’aviation concernant l’atterrissage forcé du vol FR4978 de Ryanair. Cette conclusion a confirmé que l’alerte à la bombe contre le vol était délibérément fausse, que de hauts fonctionnaires du Bélarus étaient impliqués et avaient donné des instructions pour forcer l’atterrissage à Minsk et que l’incident avait mis en danger la sécurité du vol et de ses passagers 
			(32) 
			<a href='https://www.icao.int/Newsroom/Pages/FR/ICAO-Council-strongly-condemns-Belarus-over-2021-Ryanair-flight-bomb-threat-and-diversion.aspx'>Le
Conseil de l’OACI condamne le Bélarus au sujet de l’alerte à la
bombe et du déroutement du vol de Ryanair en 2021</a>, Montréal, 19 juillet 2022..

5.2. Crise migratoire

59. Depuis la mi-2021, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne font face à une pression migratoire sans précédent provoquée et artificiellement entretenue par le régime bélarussien. Les autorités du Bélarus ont organisé des vols et des voyages internes pour faciliter le transit des migrants vers l’Union européenne. La Lettonie, la Lituanie et la Pologne ont fait face à un afflux soudain de migrants, dont des réfugiés et des demandeurs d’asile, franchissant la frontière de manière illégale depuis le Bélarus. En réponse, les trois pays ont déclaré l’état d’urgence et adopté des lois qui ont permis aux autorités de refouler des personnes au Bélarus.
60. À la suite d’un débat d’urgence tenu le 30 septembre 2021, l’Assemblée a adopté la Résolution 2404 (2021) «L’instrumentalisation de la pression migratoire aux frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec le Bélarus». Cette résolution appelle les autorités du Bélarus à arrêter l’instrumentalisation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile à des fins politiques. Elle appelle également les trois gouvernements concernés à s’abstenir de tout refoulement vers le Bélarus et à fournir les garanties nécessaires en matière de droits humains aux personnes cherchant à entrer sur leur territoire.
61. En novembre 2021, la situation humanitaire et des droits humains a atteint des niveaux alarmants, avec des milliers de migrants bloqués à la frontière entre la Pologne et le Bélarus, certains mourant d’hypothermie. Cela a conduit l’Assemblée à tenir, le 26 novembre 2021, un débat d’actualité sur cette question spécifique. Ouvrant le débat, M. Pierre-Alain Fridez (Suisse, SOC) a qualifié la situation de «guerre hybride» orchestrée par les autorités du Bélarus qui utilisent les migrants comme des pions dans un jeu politique, soulignant que la principale préoccupation devait être «le sort dramatique de ces hommes, femmes et enfants, qui sont de véritables otages, victimes innocentes de considérations politiques qui se jouent sur leur dos». Il a appelé à l’action et a encouragé les pays membres à faire preuve de solidarité avec les États baltes 
			(33) 
			M. Fridez s’est rendu
en Pologne les 18 et 19 novembre, avec Mme Anne-Mari
Virolainen (Finlande, PPE/DC), auteure du rapport qui a conduit
à l’adoption de la Résolution
2404 (2021), dans le cadre d’une mission d’évaluation de la situation
sous un angle humanitaire..
62. L’instrumentalisation des migrations par l’État s’est poursuivie jusqu’en 2023, avec un nombre de tentatives de passage en Lettonie, en Lituanie et en Pologne en hausse de 62 % par rapport à 2022 à la fin du mois d’août 2023 
			(34) 
			Euractiv,
«<a href='https://www.euractiv.com/section/migration/news/russia-encourages-migrants-to-cross-belarus-to-the-eu-baltic-states-warn/'>Russia
encourages migrants to cross Belarus to the EU, Baltic States warn</a>», 5 septembre 2023.. Le Parlement européen a estimé qu’il s’agissait de représailles délibérément orchestrées par le régime de Loukachenka pour le soutien apporté aux forces démocratiques du Bélarus, dans le but de déstabiliser les États concernés 
			(35) 
			Résolution
du Parlement européen du 13 septembre 2023 sur les relations avec
la Biélorussie (<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0321_FR.html'>2023/2041(INI)</a>)..

5.3. Participation du Bélarus à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine

63. Le Bélarus a joué un rôle important et actif dans l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine qui a débuté le 24 février 2022. La Russie a utilisé le territoire et l’infrastructure du Bélarus comme plateforme militaire pour son agression, en lançant notamment une offensive majeure contre Kyiv depuis le sud‑est du Bélarus ainsi que des frappes d’artillerie. Bien que Minsk n’ait pas déployé de troupes de combat en Ukraine, les forces armées du Bélarus fournissent à l’armée russe un soutien logistique et médical militaire complet 
			(36) 
			<a href='https://www.iss.europa.eu/content/becoming-military-district'>«Becoming
a military district</a>», András Rácz, Institut d’études de sécurité de l’Union
européenne, mémoire, mars 2022 (en anglais).. Selon la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies, «le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre État, serve à la commission par cet autre État d’un acte d’agression contre un État» est constitutif d’un acte d’agression.
64. À la lumière de ces actions, l’Assemblée générale des Nations Unies déplore, dans sa résolution ES-11/1 du 2 mars 2022, que le Bélarus se soit associé à ce recours illégal à la force contre l’Ukraine 
			(37) 
			Assemblée générale
des Nations Unies, <a href='https://undocs.org/Home/Mobile?FinalSymbol=A%2FRES%2FES-11%2F1&Language=E&DeviceType=Desktop&LangRequested=False'>Résolution
ES-11/1</a> «Agression contre l’Ukraine», 2 mars 2022..
65. Cette complicité dans la guerre d’agression russe a permis la déportation illégale d’enfants ukrainiens par la Russie vers le territoire bélarussien; plus de 2 150 enfants des zones ukrainiennes occupées par la Russie ont ainsi été transférés illégalement 
			(38) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0321_FR.html'>2023/2041(INI), </a>op. cit., paragraphe 17.. Le 23 mai 2023, le ministère public ukrainien annonçait avoir engagé des poursuites pénales en raison du rôle du Bélarus dans les transports forcés d’enfants 
			(39) 
			Reuters, “<a href='https://www.reuters.com/world/europe/belarus-accused-role-transfers-ukrainian-children-2023-05-23/'>Ukraine
investigating role of Belarus in transfer of children, prosecutor
says</a>”, 23 mai 2023 (en anglais)..
66. La réforme constitutionnelle du 27 février 2022 au Bélarus a donné un signe supplémentaire de l’alignement croissant du Bélarus sur la guerre d’agression de la Russie, en supprimant de la Constitution le fait que le Bélarus serait neutre et exempt d’armes nucléaires. Cette suppression a préparé le pays au déploiement futur d’armes nucléaires tactiques sur son territoire, une mesure qui a encore accru le risque d’escalade et a de graves répercussions sur la sécurité régionale et mondiale. Dans sa Résolution 2506 (2023) «Les conséquences politiques de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», adoptée le 20 juin 2023, l’Assemblée a exprimé sa profonde préoccupation face à cette évolution.
67. Le stationnement du groupe mercenaire illégal Wagner soutenu par l’État sur le territoire du Bélarus en juillet 2023 illustre aussi le risque accru que le Bélarus représente pour la sécurité régionale; les pays voisins ont pris des mesures pour renforcer la sécurité à leurs frontières.

6. Relations entre le Conseil de l’Europe et le Bélarus

68. Dans son Avis 300 (2022) «Conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine» adopté le 15 mars 2022, l’Assemblée a recommandé à son Bureau, au vu de la participation du Bélarus à l’agression, de suspendre les relations entre l’Assemblée et les autorités du Bélarus dans toutes ses activités, recommandation que le Bureau a suivie par une décision le 21 avril 2022.
69. Le 17 mars 2022, le Comité des Ministres décidait de suspendre toutes les relations avec le Bélarus, mais de renforcer les relations de l’Organisation avec la société civile et l’opposition en exil du Bélarus 
			(40) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a5dcfa'>Décision</a> du Comité des Ministres..
70. Dans sa Résolution 2433 (2022) «Conséquences de l’agression persistante de la Fédération de Russie contre l’Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l’Europe» adoptée en avril 2022, l’Assemblée a réitéré sa condamnation de la participation du Bélarus à l’agression et pris note des mesures actives prises par la société civile et l’opposition en exil du Bélarus pour empêcher l’agression et apporter une assistance à l’Ukraine. Elle a décidé d’intensifier son engagement avec la société civile, les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants, les milieux universitaires et les forces démocratiques du Bélarus et d’explorer les moyens d’associer régulièrement des représentants de l’opposition du Bélarus à ses activités. Elle a également invité le Comité des Ministres à veiller à ce que les représentants des forces démocratiques et de la société civile du Bélarus participent aux travaux des organes du Conseil de l’Europe.
71. Il ressort clairement des décisions respectives de l’Assemblée et du Comité des Ministres que les violations généralisées des droits humains et le mépris du droit international ne sauraient être tolérés, et que ces violations suppriment toute base de coopération avec le régime de Loukachenka.
72. Dans le même temps, ces décisions (et les résolutions ultérieures de l’Assemblée) ont montré que le peuple bélarussien ne peut être assimilé au régime de Loukachenka. La volonté de travailler avec les Bélarussien·ne·s qui continuent à se battre pour que la démocratie l’emporte dans leur pays est claire et sans ambiguïté.

7. Forces démocratiques du Bélarus

73. Quelques jours après l’élection présidentielle de 2020, Mme Sviatlana Tsikhanouskaya, principale candidate de l’opposition à la présidence, s’est réfugiée en Lituanie, après avoir été peu de temps en détention. En exil, elle a mis en place un «Conseil de coordination» pour résoudre pacifiquement la crise politique, exigeant que les autorités mettent fin à la violence et à la répression, libèrent les prisonnières et prisonniers politiques et organisent de nouvelles élections libres et équitables. Le Conseil de coordination est composé d’éminents Bélarussien·ne·s représentant différents secteurs de la société, y compris différentes personnalités politiques, dont la plupart vivaient au Bélarus 
			(41) 
			Parmi
les membres du Conseil de coordination figuraient l’auteure lauréate
du prix Nobel, Mme Sviatlana Alexievich, les
lauréats du prix Sakharov pour la liberté de l’esprit en 2020, dont
Mme Volha Kavalkova, coordinatrice du
siège de campagne de M. Victor Babaryka et Mme Maria
Kalesnikava, le fondateur du Centre Viasna des droits de l’homme, M. Ales Bialiatski,
et l’ancien ministre et ambassadeur, M. Pavel Latushka.. Dès le début, le Conseil de coordination a été confronté à une sévère répression de la part des autorités. Tous ses membres ont en fin de compte été arrêtés ou contraints à l’exil.
74. Le Conseil de coordination représentait la continuité de la stratégie d’unité que l’opposition du Bélarus avait adoptée avant les élections, sous la direction de Mme Tsikhanouskaya 
			(42) 
			En juillet 2020, quelques
semaines avant l’élection présidentielle, les sièges de Mme Tsikhanouskaya,
de M. Babaryka et de M. Valery Tsepkalo avaient fait alliance.. Cette stratégie a grandement contribué à exercer des pressions sur les autorités et à catalyser l’appui de la communauté internationale.
75. L’accélération de la répression au Bélarus et les mesures prises depuis l’élection présidentielle de 2020 pour consolider le régime de Loukachenka visent à supprimer toute dissidence démocratique. Compte tenu de la situation actuelle du pays, les forces démocratiques ont cherché à réformer et à renforcer les structures de coordination de leur coopération en créant un appareil stable pour l’action future.
76. En août 2022, les forces démocratiques du Bélarus sont parvenues à un accord sur la création du Cabinet de transition uni, organe exécutif collectif des forces démocratiques dirigé par Mme Tsikhanouskaya 
			(43) 
			<a href='https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/analyses/2022-08-10/belarus-formation-tsikhanouskayas-interim-cabinet'>«Belarus:
formation of Tsikhanouskaya’s interim cabinet», OSW Centre for Eastern
Studies (en anglais).</a>.
77. La création de ce cabinet a permis de formaliser le champ d’action du bureau dirigé par Mme Tsikhanouskaya et de conjuguer les efforts de l’opposition selon une approche structurée. Dans le cadre de la réforme des structures des forces démocratiques, le Conseil de coordination a été désigné comme l’organe représentatif des forces démocratiques, Mme Tsikhanouskaya le qualifiant de «proto-parlement» 
			(44) 
			<a href='https://tsikhanouskaya.org/en/news/ecbb5a5f4e34aef.html'>Discours
 de Sviatlana Tsikhanouskaya devant le Conseil de coordination</a>, 2 octobre 2023 (en anglais)..
78. Des mesures ont été définies pour poursuivre la transformation du Conseil de coordination. Pour que le Conseil continue à se développer en tant qu’organe représentatif des organisations de la société civile et des partis politiques bélarussiens, ses membres seront élus en 2024 
			(45) 
			Ibid.. La tenue de ces élections est l’occasion de faire pendant aux «élections législatives et locales» prévues en février 2024 au Bélarus. L’intégration des normes internationales, l’attachement aux processus et aux principes démocratiques sont autant de signaux forts de l’engagement et des espoirs des forces démocratiques.
79. Ces mesures sont d’autant plus remarquables que les forces démocratiques sont géographiquement dispersées en Europe du fait de la répression qui a suivi l’élection présidentielle de 2020, et que le mouvement démocratique dans son ensemble n’est pas homogène dans ses opinions et ses approches. Les mesures prévues témoigneraient de la volonté de mettre en place une structure unifiée pour une large coalition de vues et d’opinions, et renforceraient la capacité du Conseil de coordination de trouver de nouvelles solutions aux problèmes sociaux et politiques urgents.
80. Les structures des forces démocratiques ont été très importantes pour la coordination des actions visant à aider les Bélarussien·ne·s et les entreprises du Bélarus en exil à relever les multiples défis 
			(46) 
			Voir la Résolution 2499 (2023) «Relever les défis spécifiques auxquels sont confrontés
les Bélarussiens en exil». auxquels ils sont confrontés, ainsi que pour le développement d’un soutien international aux activités en cours des forces démocratiques. Des groupes parlementaires d’amitié avec les forces démocratiques de nombreux États membres ont notamment été créés pour faciliter un soutien aux Bélarussien·ne·s et celles et ceux en exil.
81. De même, un certain nombre d’États membres ont désigné des représentants spéciaux chargés des relations avec les forces démocratiques du Bélarus. Il s’agit de l’Estonie, de la France, de la Lituanie, de la Pologne et de la Suède. Cette pratique prometteuse permet d’approfondir les relations avec les Bélarussien·ne·s en exil et la coopération avec les forces démocratiques et de renforcer les liens internationaux.
82. Dans sa résolution du 13 septembre 2023, le Parlement européen se félicite de la création du Cabinet de transition uni en tant qu’organe exécutif central du mouvement démocratique. La résolution appelle la communauté internationale à le considérer, ainsi que le Conseil de coordination, comme représentants démocratiques du peuple du Bélarus 
			(47) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0321_FR.html'>2023/2041(INI)</a>) op. cit., paragraphe
39..
83. J’ai une grande admiration pour les forces démocratiques du Bélarus, qui continuent à mener leur combat politique avec beaucoup de courage et d’engagement dans des conditions très difficiles 
			(48) 
			En décernant le prix
Václav Havel à Mme Kalesnikava, l’Assemblée
a rendu hommage à ce courage et à cet engagement.. Ces forces cherchent à tirer parti de toutes les possibilités pour parvenir pacifiquement à un changement démocratique.

8. Relations entre le Conseil de l’Europe et les forces démocratiques du Bélarus

84. Le Conseil de l’Europe a activement soutenu les forces démocratiques du Bélarus. L’accélération de ce soutien a fait suite à la suspension des relations du Comité des Ministres avec le Bélarus en mars 2022.
85. Le 21 juin 2022, lors du panel de haut niveau «Défendre la sécurité démocratique en Europe», Mme Tsikhanouskaya a plaidé en faveur d’une coopération renforcée et institutionnalisée entre le Conseil de l’Europe et les forces démocratiques du Bélarus. Faisant valoir que «le Conseil de l’Europe devrait être plus présent dans la vie des citoyen·ne·s du Bélarus, et que le Bélarus devrait être plus présent au sein du Conseil de l’Europe», elle a demandé la création d’un «comité directeur sur les relations avec le Bélarus» composé des différents organes du Conseil de l’Europe et de représentants des forces démocratiques et de la société civile du Bélarus. Ce groupe déterminerait conjointement les domaines prioritaires de coopération. Il concevrait, préparerait et lancerait des programmes et des projets d’assistance et en superviserait la mise en œuvre.
86. Le Comité des Ministres a ensuite décidé de procéder à des échanges de vues réguliers avec Mme Tsikhanouskaya et d’autres représentants des forces démocratiques du Bélarus, et a invité la Secrétaire Générale à créer un «groupe de contact» avec des représentant·e·s des forces démocratiques et la société civile du Bélarus 
			(49) 
			Comité
des Ministres, <a href='https://search.coe.int/cm/pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a7f5a3'>CM/Del/Dec(2022)1441/2.5</a>, 7 septembre 2022..
87. La création du groupe de contact a été un signe important de l’engagement du Conseil de l’Europe en faveur d’un Bélarus libre et démocratique. Il s’agit d’une décision sans précédent, car c’est la première relation institutionnelle de ce type mise en place par une organisation internationale.
88. Le groupe de contact a ensuite élaboré un plan d’action en 15 points pour soutenir la société civile et les représentants démocratiques qui s’efforcent de faire respecter les normes du Conseil de l’Europe en matière de droits humains au Bélarus 
			(50) 
			<a href='https://rm.coe.int/liste-activites-coe-belarus2023/1680aaa711'>Liste</a> des activités du Conseil de l’Europe prévues pour 2023
comme convenu lors de la réunion du Groupe de contact du Conseil
de l’Europe sur la coopération avec les représentants des forces
démocratiques et de la société civile du Bélarus, le 25 janvier
2023.. Le plan d’action a facilité des activités, faisant appel à un large éventail de compétences au sein de l’Organisation: formation aux droits humains, ateliers pour les journalistes en exil, sensibilisation à des questions clés telles que l’abolition de la peine de mort, la non-discrimination, l’égalité de genre et la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le plan a été révisé et mis à jour pour la période 2024-2025 sur la base des consultations menées au sein du groupe de contact.
89. L’Assemblée a aussi donné suite à sa Résolution 2433 (2022) «Conséquences de l’agression persistante de la Fédération de Russie contre l’Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l’Europe», dans laquelle elle décidait d’«intensifier son engagement avec la société civile, les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants, les milieux universitaires et les forces démocratiques du Bélarus et de la Fédération de Russie qui respectent les valeurs et les principes de l’Organisation, y compris l’intégrité territoriale des États membres souverains».
90. En tant qu’organe parlementaire, l’Assemblée a jugé important de renforcer les relations avec les forces démocratiques du Bélarus au niveau politique pour compléter les activités techniques du Groupe de contact.
91. À ce titre, la commission des questions politiques et de la démocratie est convenue d’inviter, à chaque partie de session, jusqu’à trois représentants des forces politiques démocratiques du Bélarus à ses réunions, sur la base d’une rotation équitable, afin de garantir la prise en compte d’un large éventail de points de vue politiques.
92. La présence de ces représentant·e·s aux réunions de la commission des questions politiques et de la démocratie a été, je crois, une activité mutuellement bénéfique. Elle permet aux représentant·e·s des forces démocratiques du Bélarus de développer leurs réseaux politiques, de s’intégrer davantage au niveau des groupes politiques, d’améliorer leur visibilité et leur action de communication, d’accroître leur connaissance des mécanismes et des procédures du Conseil de l’Europe et offre une plateforme d’échange d’informations sur les problèmes actuels. Les parlementaires peuvent quant à eux se tenir au courant de la situation au Bélarus. Ces travaux ont montré que la nécessité d’une réforme politique nationale au Bélarus demeure une priorité pour l’Assemblée, et les informations obtenues lors des discussions ont été fondamentales pour l’élaboration du présent rapport.

9. Conclusions: la voie à suivre

93. Un tournant dans les relations avec le Bélarus s’est produit en août 2020. La violence et la répression soutenues par l’État qui ont caractérisé la réaction du régime de Loukachenka aux processus démocratiques et le soutien ultérieur à l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine en février 2022 ont entièrement modifié le mode opératoire. Un retour aux relations antérieures avec le régime bélarussien n’est pas viable à l’heure actuelle.
94. Le présent rapport précise que la communauté internationale a exercé des pressions moyennant des sanctions et la suspension de la coopération avec le régime. Parallèlement, la base de la coopération avec les forces démocratiques a évolué et les mécanismes de soutien mis en place permettent de préparer un avenir démocratique sur une plateforme de coopération institutionnalisée.
95. Quatre axes complémentaires peuvent être envisagés pour orienter les actions futures de l’Assemblée, du Conseil de l’Europe et de la communauté internationale dans son ensemble, sur la base du soutien, des pressions, de l’obligation de rendre des comptes et de l’engagement.

9.1. Soutien

96. Les forces démocratiques du Bélarus ont défini une vision claire d’un Bélarus libre et démocratique au sein de la famille européenne des nations, et il incombe au Conseil de l’Europe et à la communauté internationale de soutenir ceux qui ont le courage, la force et la ténacité de lutter pour la concrétiser.
97. Les États membres et les organisations internationales se sont activement employés à renforcer la résistance et la capacité du peuple bélarussien de promouvoir les principes démocratiques, les droits humains et l’État de droit. Le Groupe de contact du Conseil de l’Europe a fait œuvre de pionnier en la matière, en annonçant une coopération structurée avec les forces démocratiques. D’autres initiatives telles que la constitution du groupe consultatif Bélarus-UE montrent que les États européens soutiennent le peuple bélarussien dans ses aspirations démocratiques.
98. L’assistance technique et la coopération ont porté sur un large éventail de questions. Il faudrait continuer à renforcer cet appui par une assistance matérielle durable et par le dialogue politique. Le dialogue politique de l’Assemblée avec les partis politiques issus des forces démocratiques du Bélarus a été inestimable en servant de plateforme régulière pour discuter de la stratégie d’action future et pour attirer l’attention d’un large éventail de parties prenantes sur les difficultés auxquelles le Bélarus et les Bélarussien·ne·s en exil sont confrontés.
99. Le dialogue politique établi par l’Assemblée pourrait être revu en fonction de l’évolution continue du Conseil de coordination. Une transformation en un organe pleinement représentatif et élu permettrait de transformer le dialogue, tout en continuant à garantir une grande variété d’opinions politiques. Le soutien à la participation de l’ensemble du mouvement démocratique et l’apport d’une expertise électorale pour le vote seraient des mesures qui donneraient plus de sens à ces élections. L’organisation de telles élections est une prouesse technique, logistique et politique. Le soutien international à ces initiatives peut favoriser la création d’un appareil stable pour l’action future et la consolidation des forces démocratiques autour des principes et des valeurs fondamentales.
100. Une coopération parlementaire systématique a été mise en place dans de nombreux États membres par l’intermédiaire de groupes d’amitié parlementaires. L’Assemblée a vivement encouragé les parlements des États membres qui n’en ont pas encore à créer un groupe d’amitié parlementaire et à mettre en place un réseau afin d’échanger sur les meilleures mesures à prendre pour aider les Bélarussien·ne·s en exil. Elle est convaincue qu’un tel réseau faciliterait également le dialogue avec les forces démocratiques du Bélarus en exil, y compris le bureau de Sviatlana Tsikhanouskaya, le Cabinet de transition uni du Bélarus et le Conseil de coordination 
			(51) 
			Résolution 2499 (2023) «Relever les défis spécifiques auxquels sont confrontés
les Bélarussiens en exil».
101. La nomination de représentants spéciaux auprès des forces démocratiques du Bélarus est également considérée dans le présent rapport comme une pratique prometteuse. Ces représentants intensifient le dialogue avec les forces démocratiques et peuvent améliorer la compréhension et la coordination pour orienter au mieux le soutien et mettre les voix du Bélarus au centre des actions des États membres à l’égard du Bélarus. Cette pratique peut inspirer les organisations internationales, y compris l’Assemblée, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, pour renforcer les contacts au niveau institutionnel.
102. Les efforts visant à aider les défenseurs des droits humains, les avocats et les organisations de la société civile à fournir des services aux prisonnières et prisonniers politiques et à leurs familles présentent aussi une importance cruciale. Nous devons continuer à réitérer notre demande de libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonnières et prisonniers politiques au Bélarus, et revoir et développer l’éventail des stratégies permettant d’obtenir leur libération. Les services de réadaptation des personnes libérées sont d’une grande importance, notamment en ce qui concerne l’apport d’une assistance médicale et psychologique spécialisée, et les États membres devraient étudier les moyens de les soutenir.
103. La Résolution 2499 (2023) «Relever les défis spécifiques auxquels sont confrontés les Bélarussiens en exil» prévoit de nouveaux moyens essentiels pour venir en aide aux centaines de milliers de personnes qui ont fui le régime répressif du Bélarus, et je saisis l’occasion pour réaffirmer mon soutien sans réserve à ces propositions.

9.2. Pressions

104. L’adoption et l’application de nouvelles sanctions face à la répression interne et au soutien du régime à l’agression de la Russie contre l’Ukraine devraient être envisagées, et des critères précis devraient être définis pour la levée des sanctions en cas de concessions, comme la libération de prisonnières et prisonniers politiques.
105. Comme on l’a vu avec le régime de sanctions contre la Fédération de Russie, il faut continuer de renforcer les mécanismes pour combler les lacunes et remédier au contournement des sanctions afin d’exercer une pression maximale sur le régime 
			(52) 
			Résolution 2506 (2023) «Les conséquences politiques de la guerre d’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»..
106. Le recours aux sanctions n’est pas le seul moyen de faire pression sur le régime de Loukachenka, il est aussi possible d’influer sur des domaines importants pour la réputation. L’Assemblée a instamment invité les représentants nationaux du Comité international olympique et les fédérations sportives nationales et internationales à faire part de leur opposition à la participation des athlètes russes et bélarussiens aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 
			(53) 
			Résolution 2507 (2023) «Guerre d’agression contre l’Ukraine – Participation
des athlètes russes et bélarussiens aux Jeux olympiques et paralympiques
de Paris 2024?».

9.3. Obligation de rendre des comptes

107. C’est sur la garantie de l’impunité donnée par le régime de Loukachenka, qui permet aux responsables de violations flagrantes des droits humains de ne pas avoir à répondre de leurs actes, que se sont appuyés tous les actes de répression commis dans le pays depuis août 2020, ainsi que la complicité dans l’agression militaire illégale de la Russie contre l’Ukraine. Comme le précise la Déclaration de Reykjavík, il ne saurait y avoir de paix en Europe sans obligation de rendre des comptes.
108. L’Assemblée a souligné que la lutte contre l’impunité des auteurs de graves violations des droits humains était d’une importance capitale dans le contexte des suites de l’élection présidentielle de 2020 au Bélarus 
			(54) 
			Résolution 2372 (2021) «Les violations des droits de l’homme au Bélarus nécessitent
une enquête internationale».. Elle a également appelé les États membres du Conseil de l’Europe à soutenir et à contribuer à la création d’un tribunal international spécial sur les crimes contre l’humanité commis à l’encontre du peuple du Bélarus 
			(55) 
			Résolution 2473 (2022) «Renforcer le rôle du Conseil de l’Europe en tant que
pierre angulaire de l’architecture politique européenne»..
109. Il convient également de demander des comptes pour les violations des droits humains découlant du fait que la Russie n’a pas restitué les enfants ukrainiens qui ont été transférés vers la Fédération de Russie et le Bélarus. Les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe ont affirmé leur engagement à lutter contre l’impunité des auteurs de ces crimes contre les enfants 
			(56) 
			Sommet de Reykjavik,
Déclaration sur la situation des enfants d’Ukraine, mai 2023..
110. L’équipe nationale bélarussienne de gestion des crises, dirigée par Pavel Latushka, a pris des mesures pour que M. Loukachenka et ses associés rendent des comptes, notamment en soumettant un rapport sur la déportation illégale d’enfants ukrainiens au procureur général d’Ukraine et en adressant une communication au procureur de la Cour pénale internationale le 27 juin 2023 
			(57) 
			<a href='https://www.belarus-nau.org/en/post/evidence-of-the-war-crimes-committed-by-lukashenko-was-submitted-to-the-international-criminal-court'>Communiqué
de presse</a>, NAM, «Evidence of the war crimes committed by Lukashenka
was submitted to the International Criminal Court», 27 juin 2023..
111. La coopération entre les partenaires internationaux et le soutien des défenseurs des droits humains et de la société civile devraient être maintenus pour surveiller, documenter et signaler les violations graves des droits humains et les crimes contre l’humanité. Il convient de saluer le large soutien apporté par les États membres à la Plateforme internationale de responsabilisation pour le Bélarus et à son travail de collecte, de consolidation, de vérification et de préservation des preuves de violations flagrantes des droits humains.
112. L’Assemblée a également noté que la législation pénale de plusieurs États membres du Conseil de l’Europe prévoit la «compétence universelle» de leurs tribunaux pour certains crimes particulièrement graves, y compris les actes de torture, même commis à l’étranger, par des étrangers et ayant des étrangers comme victimes 
			(58) 
			Résolution 2372 (2021) «Les violations des droits de l’homme au Bélarus nécessitent
une enquête internationale»..
113. Cela s’est traduit dans les faits: le procès de M. Yuri Harauski concernant son implication présumée dans le crime de disparition forcée de trois opposants politiques en 1999 au Bélarus s’est tenu en septembre 2023 en Suisse. Un tribunal se prononçait pour la première fois sur des crimes commis au Bélarus en application du principe de la compétence universelle 
			(59) 
			<a href='https://www.fidh.org/fr/regions/europe-asie-centrale/belarus/belarus-acquittement-d-un-membre-de-l-escadron-d-elite-de-loukachenko'>Communiqué
de presse</a>, Fédération Internationale pour les droits humains,
«Acquittement d’un membre de l’escadron d’élite de Lukashenka prononcé
en Suisse», 28 septembre 2023..

9.4. Engagement

114. Il n’existe pas de calendrier pour le processus national de réforme au Bélarus, pas plus que de promesse de transition vers un avenir démocratique, que ce soit demain, la semaine prochaine ou dans les années à venir. Il est essentiel de garantir un soutien institutionnel à long terme aux forces démocratiques du Bélarus pour leur permettre de conserver leur influence face à la répression et aux défis multiples.
115. La bravoure des forces démocratiques du Bélarus qui défendent leur avenir, malgré la répression brutale et systémique qui s’abat sur tous les secteurs de la société bélarussienne, a été saluée, comme en témoignent l’appui de la communauté internationale et les promesses de soutien des aspirations démocratiques ancrées dans les valeurs du Conseil de l’Europe.
116. L’engagement envers la société civile et les forces démocratiques du Bélarus est essentiel, et la coopération continue du Conseil de l’Europe est une dynamique positive qui contribuera à préserver les aspirations démocratiques de la société bélarussienne.
117. J’espère qu’en suivant les grands axes que j’ai évoqués ci-dessus, nous pourrons honorer notre engagement en faveur d’un avenir démocratique pour le Bélarus.