Doc. 8981

15 février 2001

Mères et bébés en prison

Recommandation 1469 (2000)

Réponse du Comité des Ministres

adoptée à la 740e réunion des Délégués des Ministres (7 février 2001)

1.       Le Comité des Ministres partage la préoccupation de l’Assemblée face aux questions difficiles soulevées en relation avec les mères et les bébés/jeunes enfants en prison.

2.       Tant la Recommandation n° R (87) 3 sur les règles pénitentiaires européennes que la Recommandation n° R (98) 7 relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu pénitentiaire reconnaissent que les prisons ne constituent pas un environnement approprié pour les bébés et les jeunes enfants et, dans les cas où de telles situations ne peuvent pas être évitées, qu’il faut tout faire pour réduire au minimum les effets négatifs éventuels de l’incarcération sur les enfants et leur mère.

3.       Le Comité des Ministres estime, dans la logique des recommandations susmentionnées, que les mères et leurs enfants comme les détenus gravement malades, handicapés et âgés, devraient être considérés comme un groupe particulièrement vulnérable en prison. L’administration pénitentiaire devrait, en conséquence, veiller à ce que les meilleurs soins possibles soient dispensés à la mère et à l’enfant, en tenant compte en particulier des intérêts de l’enfant et des conditions de vie de la mère et de l’enfant en prison.

4.       Le Comité des Ministres souligne cependant qu’il a des réserves en ce qui concerne le point de vue de l’Assemblée selon lequel « l’écrasante majorité des femmes incarcérées sont inculpées ou condamnées pour des délits relativement mineurs » (paragraphe 2). Il convient de prendre en compte que dans plusieurs pays la proportion (globalement) faible de femmes dans la population carcérale totale contient un pourcentage non-négligeable de femmes accusées ou condamnées pour des infractions graves.

5.       Au cours des dernières années, le Comité des Ministres s’est attaché à promouvoir des sanctions et des mesures qui sont appliquées non pas derrière les murs des prisons, mais dans la communauté. Ainsi, plusieurs recommandations ont été adoptées qui énoncent des principes fondamentaux en la matière, comme les Recommandations nos R (92) 16 relative aux règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, R (92) 17 relative à la cohérence dans le prononcé des peines et R (99) 22 concernant le surpeuplement des prisons et l'inflation carcérale et la Recommandation Rec (2000) 22 concernant l’amélioration de la mise en œuvre des règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la Communauté.

6.       Conformément à ces textes, le Comité des Ministres estime que les Etats membres doivent, bien entendu, prévoir un éventail de sanctions et de mesures suffisamment large et varié, comme des solutions alternatives à la détention provisoire, la probation en tant que sanction indépendante, la suspension de l’exécution d’une peine d’emprisonnement, le travail d’intérêt général, l’indemnisation des victimes, les injonctions de traitement pour les délinquants toxicomanes ou alcooliques ou le recours à une surveillance intensive pour des catégories spécifiques de délinquants (par exemple les délinquants dangereux). La plupart des sanctions et mesures mentionnées peuvent être recommandées pour les femmes ayant de jeunes enfants et sont plus appropriées que l’incarcération pour favoriser une relation affectueuse continue entre la mère et l’enfant.

7.       Le Comité des Ministres estime que la privation de liberté devrait toujours être considérée comme une sanction de dernier recours et ne devrait être envisagée que lorsque la gravité de l’infraction rend toute autre sanction ou mesure manifestement inadaptée. Le respect de ce principe fondamental doit être garanti à la fois dans le contexte de la réforme législative et de la pratique judiciaire, en particulier par rapport aux femmes enceintes ou aux mères de bébés ou de jeunes enfants qui ont commis des infractions dont la gravité pourrait normalement justifier une peine d'emprisonnement. Toutefois, même dans les cas les plus graves, les peines non-privatives de liberté, comme la surveillance intensive dans la communauté ou la semi-liberté, devraient être dûment prises en considération, afin de permettre à la mère concernée de s’occuper de l’enfant et de développer sa relation personnelle avec lui dans les meilleures conditions possibles.

8.       Le Comité des Ministres convient, avec l’Assemblée, que des mesures appropriées devraient être prises en vue de sensibiliser les professionnels de la justice pénale aux difficultés auxquelles les mères ayant de jeunes enfants doivent faire face dans le cadre du processus de la justice pénale. Cette observation s’applique en particulier au personnel pénitentiaire chargé de la surveillance de mères emprisonnées avec leurs jeunes enfants. Cette catégorie de personnel devrait être spécialement choisie et formée à cette tâche.

9.       Le Comité des Ministres ne peut que souscrire au point de vue de l’Assemblée selon lequel, lorsque de jeunes enfants vivent avec leur mère en prison, un soutien spécialisé approprié en matière de travail social et de développement infantile doit être prévu et devrait être apporté par du personnel convenablement formé. Il est du devoir de l’administration pénitentiaire et des services complémentaires (santé et protection sociale, etc.) de faire tout leur possible pour garantir le développement normal de l'enfant au niveau de sa santé, de sa croissance, de son épanouissement social, affectif et intellectuel, et de soutenir la mère de manière appropriée.

10.       Les liens affectifs entre la mère et l’enfant seront considérablement renforcés par la mise à disposition de crèches, de garderies de jour et de jardins d’enfants; cela s’avérera souvent utile à la mère lorsqu’elle retrouvera sa place dans sa famille à sa libération. D’autre part, dans la mesure du possible, il faudrait favoriser la prise en charge de l’enfant par des membres de la famille à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire, car cela permettrait de faire en sorte que la charge de l’éducation de l’enfant soit partagée.

11.       Les visites des familles aux détenues devraient bénéficier d’un degré de priorité élevé, tant au niveau des ressources que de la routine quotidienne. Ces visites sont particulièrement importantes pour les jeunes enfants qui sont en prison avec leur mère, dans la mesure où elles les aident à avoir des relations interpersonnelles normales avec le monde extérieur. Le rôle du père de l’enfant ne peut être sous-estimé à cet égard. Le Comité des Ministres partage pleinement le point de vue de l’Assemblée selon lequel l’administration pénitentiaire devrait favoriser activement le lien père-enfant en autorisant un régime de visites particulièrement généreux, tant au niveau de la fréquence que de la durée. La création d’un environnement adapté aux besoins de l’enfant, dans lequel de telles visites peuvent se dérouler, contribuera à favoriser les relations entre le père et l’enfant.

12.       Comme indiqué ci-dessus, le Comité des Ministres partage le point de vue de l’Assemblée selon lequel il faudrait s’efforcer d’éviter les peines d’emprisonnement pour les femmes enceintes et les mères allaitantes. La mise au point de principes appropriés pour le prononcé des peines, plutôt que de directives pour les tribunaux, conformément à la Recommandation n° R (92) 17 relative à la cohérence dans le prononcé des peines, pourrait y contribuer. Le fait qu’une délinquante soit enceinte ou doive s’occuper de jeunes enfants devrait, normalement, permettre aux autorités de décision, dans le souci de l’intérêt de l’enfant, d’imposer des modalités d’exécution de la peine appropriées. Le Comité des Ministres souligne l’importance de la coopération en cours entre les Etats membres et la Direction générale des Affaires juridiques dans le domaine du système pénitentiaire, visant notamment à améliorer la situation des mères et des bébés en prison.

13.       Le Comité des Ministres a dûment porté la présente Recommandation de l’Assemblée parlementaire à l’attention des Gouvernements des Etats membres.

14.        Le Comité des Ministres est prêt à faire le bilan des progrès réalisés dans ce domaine d’activités et à répondre à toute question ou recommandation ultérieures que l’Assemblée pourrait lui adresser.