Doc. 9383

15 mars 2002

Préservation et gestion des ressources de la pêche

Rapport

Commission de l’environnement et de l’agriculture

Rapporteur : M. Francis Agius, Malte, Groupe du parti populaire européen

Résumé

L’effort de pêche est excessif, le potentiel d’exploitation des stocks est à son maximum, les ressources de pêche s’épuisent et certaines espèces sont en danger. Cependant les changements socio-économiques et les progrès technologiques augmentent encore la compétitivité. L’avenir du secteur de la pêche est mis en question, alors que l’emploi et les revenus de 30 millions de personnes dépendent de la pêche et que le poisson représente 17% de la consommation humaine de protéines.

Il faut à tout prix prendre des mesures urgentes pour mettre un terme à la surexploitation des ressources et à la surcapacité de pêche. A cet effet, ce rapport préconise, entre autres, de réduire les captures, de limiter les zones et les périodes de pêche, de renforcer les normes techniques concernant les bateaux et les méthodes de pêche, d’éviter les prises accessoires et les rejets, de développer l’aquaculture, d’augmenter les contrôles et les sanctions, de promouvoir la formation et la reconversion des pêcheurs.

L’Assemblée en appelle aussi à tous les Etats membres pour qu’ils ratifient les instruments et accords internationaux visant à la conservation et à la gestion des ressources de pêche, à la pratique d’une pêche responsable et durable, au développement de la coopération internationale. Elle soutient aussi la réforme de la Politique commune de la pêche de l’Union européenne, en renforçant ses dimensions sociale, économique et environnementale.

I. Projet de résolution

1. Les ressources halieutiques s’épuisent et l’état des stocks de poissons devient alarmant pour un nombre croissant d’espèces. Il y a urgence à prendre des mesures radicales de limitation des captures et de réduction de l’effort de pêche pour garantir la préservation des ressources, permettre une reconstitution des stocks et assurer l’avenir du secteur de la pêche.

2. A cette fin, il faut prendre toutes les mesures possibles pour mettre un terme à la surexploitation des ressources et à la surcapacité de pêche : réduire les captures, limiter les zones ou les périodes de pêche, renforcer les normes techniques concernant les bateaux et les méthodes de pêche, éviter les prises accessoires et les rejets, développer l’aquaculture, augmenter les contrôles et les sanctions, promouvoir la formation et la reconversion des pêcheurs.

3. Les changements socio-économiques, technologiques et institutionnels entraînent un renforcement de la compétitivité, au risque d’aggraver la surexploitation. Il faut intégrer dans les analyses la notion de développement durable, tant en ce qui concerne l’environnement que du point de vue social et économique. Les réflexions sur l’avenir du secteur de la pêche doivent tenir compte de ses dimensions biologique (régulation d’un effort de pêche excessif), institutionnelle (définition des droits d’accès et d’exploitation) et économique (spécialisation des flottes et libéralisation des échanges).

4. Certaines réalités importantes ne doivent pas être négligées: deux tiers de la population mondiale vit sur une frange littorale de 60 km de largeur, 80% des ressources biologiques marines sont concentrées au niveau du plateau continental, l’emploi et les revenus de 30 millions de personnes dépendent de la pêche, le poisson représente 17% de la consommation humaine de protéines, alors que la population mondiale et les besoins alimentaires augmentent et que le potentiel d’exploitation des ressources halieutiques est désormais atteint (soit 80 millions de tonnes par an).

5. L’Assemblée rappelle la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ratifiée à ce jour par 30 Etats membres du Conseil de l’Europe, qui établit une obligation de « protection et de préservation du milieu marin » et de « conservation des ressources biologiques », ainsi que l’Accord y relatif sur les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs.

6. Les organisations internationales compétentes se sont prononcées en faveur d’une meilleure gestion et d’un meilleur contrôle des pêcheries : travaux de l’OCDE sur des pêcheries durables et responsables, Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO, Plans d’action internationaux y relatifs et Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion, Politique commune de la pêche de l’Union européenne, etc.

7. L’Assemblée salue le progrès qu’a constitué la mise en place de la Politique commune de la pêche (PCP), mais elle constate qu’elle n’a pas permis de résoudre des problèmes importants, notamment la préservation et une gestion optimale des ressources. Par ailleurs, elle soutient les analyses et les propositions faites dans le Livre vert sur l’avenir de la politique commune de la pêche qui, à l’issue d’une vaste consultation, doivent conduire à la réforme de la PCP.

8. L’Assemblée s’est déjà prononcée elle-même sur ces questions dans ses Résolutions 1091 (1996) relative aux politiques de gestion des pêches, 1170 (1998) relative à l’exploitation durable des ressources biologiques marines et 1208 (1999) relative aux défis, avantages et développement de l’aquaculture extensive.

9. L’Assemblée soutient les conclusions de la Conférence de la  FAO sur une pêche responsable dans l’écosystème marin (Reykjavik, 1-4 octobre 2001). Elle reconnaît notamment l’interaction entre les écosystèmes marins et la pêche, qui demande une approche intégrée pour une gestion durable des ressources. Elle reconnaît également le besoin d’appliquer une approche de précaution à la conservation, la gestion et l’exploitation des ressources aquatiques vivantes.

10. En conséquence, l’Assemblée invite les Etats membres à :

i. signer et/ou ratifier la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982) ainsi que l’Accord relatif à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs (1995);

ii. appliquer le Code de conduite pour une pêche responsable (FAO, 1995) et les Plans d’action internationaux y relatifs, et adhérer à l’Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion (FAO, 1993);

iii. mettre en œuvre la Déclaration finale de la Conférence de la FAO sur une pêche responsable dans l’écosystème marin (Reykjavik, 1-4 octobre 2001) et, en particulier, prendre des décisions visant à « une gestion responsable des pêches et à une utilisation durable des écosystèmes marins »;

iv. développer la coopération internationale entre Etats et avec les organisations régionales de pêche pour améliorer la gestion des pêcheries et la préservation des ressources et de l’environnement marin;

v. limiter au maximum les prises accessoires et les rejets et adopter des mesures pour en assurer le débarquement et la comptabilisation, afin d’utiliser ces ressources et d’améliorer les données sur l’effort de pêche réel;

vi. développer les études scientifiques et statistiques concernant en particulier les mers ou les espèces en danger, pour pouvoir disposer de données permettant d’adopter des politiques de gestion appropriées et efficaces;

vii. élaborer des indicateurs pour le développement durable des pêcheries, qui reflètent la totalité des processus écologiques, les limites de l’écosystème, les ressources et l’activité du secteur de la pêche, etc., en se basant sur des objectifs à atteindre (points de référence-objectifs) ou de seuils à ne pas dépasser (points de référence-limites);

viii. établir de nouveaux modèles de croissance et de développement des pêcheries correspondant aux concepts de développement durable, de pêche responsable et d’approche de précaution;

ix. limiter strictement, voire suspendre, les captures d’espèces surexploitées et interdire la capture de juvéniles en vue de la reconstitution des stocks et du maintien de l’activité à long terme;

x. réduire les flottes et limiter les zones, les périodes ou le temps de pêche des bateaux pour contribuer à la réduction de l’effort de pêche;

xi. renforcer les normes techniques concernant les bateaux (limitation de la puissance, de la jauge ou de la taille) et promouvoir des méthodes et des engins de pêche plus sélectifs;

xii. développer l’aquaculture en tant que complément à l’exploitation des ressources naturelles et à la croissance de la demande;

xiii. augmenter le nombre des contrôles, les moyens de surveillance et le montant des sanctions, de manière à les rendre plus dissuasifs, et responsabiliser davantage les pêcheurs et leurs organisations professionnelles;

xiv. interdire la délocalisation des activités ou des flottes de pêche vers des pays tiers, effectuée dans le but de contourner les règlementations nationales ou européennes;

xv. réglementer les droits d’accès et les droits de pêche et négocier les accords de pêche selon les principes de responsabilité et de durabilité des pêcheries concernées, en se basant davantage sur l’état des stocks que sur des critères de marché;

xvi. développer la formation et la reconversion des pêcheurs, y compris en recourant à leurs compétences pour la collecte de données statistiques ou le contrôle de la pêche;

xvii. augmenter les aides au retrait des bateaux de pêche et à la retraite des pêcheurs jusqu’à l’atteinte d’une situation d’équilibre entre l’effort de pêche et les stocks disponibles;

xviii. améliorer la coopération internationale, en particulier pour réprimer la pêche illégale et les pratiques de pêche illicites, y compris le recours aux pavillons de complaisance, notamment en appliquant le Plan d'action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (FAO, 2001);

xix. renforcer le rôle des organisations régionales de pêche et adopter une approche régionale de la gestion des pêcheries;

xx. rendre compatibles les mesures de préservation des ressources halieutiques et de protection des écosystèmes marins avec les politiques sectorielles territioriales, économiques ou sociales affectant le secteur de la pêche;

xxi. associer les organisations professionnelles de pêcheurs et les secteurs industriel et de la recherche à l’élaboration des mesures de politique de la pêche.

11. L’Assemblée invite la Commission européenne à :

i. intégrer ces propositions dans les nouvelles réglementations communautaires et dans le cadre de la réforme de la PCP ainsi que dans les instruments financiers appropriés, dont l’Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP)

ii. renforcer les dimensions sociale, économique et environnementale de la Politique commune de la pêche pour assurer un développement durable des écosystèmes, des ressources halieutiques et du secteur de la pêche.

iii. veiller aux principes de sécurité alimentaire et d’information des consommateurs en ce qui concerne les produits de la pêche, en établissant des normes et des contrôles de qualité et en garantissant toute information utile concernant l’origine du poisson et les méthodes de capture ou de conditionnement.

iv. définir la nouvelle PCP en s’inspirant des principes développés dans le Livre vert sur l’avenir de la politique commune de la pêche, notamment en intégrant les préoccupations environnementales, alimentaires, territoriales, économiques et sociales, en développant ses capacités de contrôle et de sanction, sans négliger la dimension internationale.

v. porter une attention particulière à la situation de la mer Méditerranée, en l’intégrant davantage à la PCP, renforcer le rôle de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée et promouvoir les études scientifiques sur l’état des ressources.

12. Elle soutient la proposition de la Commission européenne de proposer l’interdiction internationale des filets maillants dérivants pour les espèces de grands migrateurs.

13. L’Assemblée invite la FAO à poursuivre ses travaux de mise en œuvre du Code de conduite pour une pêche responsable et, notamment, à adopter son projet de Plan d’action international sur l’amélioration de l'information concernant la situation et les tendances des pêches de capture.

II.       Exposé des motifs par M. Agius1

Sommaire

1.       Introduction       5

2.       Les axes de l’analyse       6

a. Dimension biologique

b. Dimension institutionnelle

c. Dimension économique

3.       Réglementation de la pêche et analyses bio-économiques       12

4.       Les différents mécanismes de régulation       15

a. Concession de droits de propriété sur les peuplements

b. Fixation de limites aux droits opérationnels

5.       Vers un nouveau cadre stratégique global       17

6.       Indicateurs du développement durable dans le secteur des pêches       19

7.       Quotas individuels de pêche et droits d’attribution       24

8.        Nouvelle territorialisation du secteur de la pêche       25

9.       Conclusions       27

Annexe 1 :       Liste des Etats membres du Conseil de l’Europe Parties à la

      Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et accords

      y relatifs        29

Annexe 2 :       Liste des Etats membres du Conseil de l’Europe Parties à l’Accord

      de la FAO visant à favoriser le respect par les navires de pêche en

      haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion       32

1.        Introduction

1.       Les processus de changement poussent à un renforcement de la compétitivité et sont à l’origine des transformations rapides qui affectent une part significative des fondements technologiques, organisationnels et sociaux du monde ou nous vivons.

2.       Dans l’appréciation de ce processus de transformation, le concept d’environnement et la notion de ressources naturelles n’avaient pas été intégrés aux analyses théoriques et leur prise en compte est relativement récente. Or, il apparaît maintenant que ces conceptions partielles et à court terme doivent être remplacées par des notions qui tiennent compte du développement durable.

3.       De ce fait, nous sommes devenus conscients que certaines ressources ne sont pas inépuisables ni indéfiniment reproductibles et c’est la raison pour laquelle il nous faut éviter leur destruction, leur épuisement et leur utilisation abusive.

4.       Le secteur des pêches est l’une des activités économiques dont la structure et le fonctionnement ont le plus évolué depuis peu. Cette remarque vaut aussi bien pour les aspects plus précisément internes (produits des comportements, sensibilités, particularités ou spécialisation) que pour les composantes externes (qui découlent de l’évolution de l’ordre maritime international.)

5.       Les transformations profondes intervenues dans le monde de la pêche nous conduisent à axer notre analyse dans la perspective d’une orientation stratégique globale ; en d’autres termes, il s’agit d’étudier les problèmes et les méthodes de l’analyse multidisciplinaire capables d’identifier, de regrouper et de mettre en ordre les connaissances pour parvenir à une compréhension adéquate et globale du problème et de sa description ; en outre, il faut que cette perspective intègre des points de vue innovants dérivés de l’utilisation du concept de stratégie concurrentielle, particulièrement répandu dans d’autres secteurs de l’économie comme la gestion des entreprises.

6.        Pour ce faire, nous allons tenter d’exposer l’état de la configuration actuelle des équilibres instables générés par des intérêts contradictoires ; nous montrerons également qu’il existe une prolifération de conflits d’ordre économique, politique, territorial et technologique. En effet, outre la volonté de procéder à un exposé sincère, nous sommes profondément convaincus que « la pêche est une activité difficilement planifiable. »

7.       Nous nous intéresserons également aux hypothèses liées à la nouvelle appropriation de l’espace maritime à la suite des positions politiques récentes adoptées par les États côtiers, eu égard aux évolutions du droit de la mer et à tout ce qui concerne l’exploitation des ressources halieutiques.

8.       Dans le même temps, nous insisterons sur les tentatives successives effectuées pour mettre en évidence le processus d’accélération et d’intensification des mécanismes de régulation et de gestion du secteur des pêches en vue d’une plus grande efficacité ; à terme, il s’agit d’éviter la disparition des ressources halieutiques et de réduire autant que possible les prises excessives.

9.       En effet, les nouveaux développements intervenus dans les droits de propriété ainsi que le « caractère atypique des ressources halieutiques » constituent l’embryon des principaux éléments d’une analyse du secteur moderne de la pêche.

10.       C’est pourquoi il n’est pas difficile de retrouver dans les travaux issus de l’analyse scientifique des ressources halieutiques une abondance de thèses selon lesquelles « les ressources naturelles de la mer ne génèrent pas de revenu économique » puisqu’elles sont le bien commun de l’humanité ; ainsi, il ne serait pas possible de valoriser un produit final, puisque tout le monde peut accéder à une même ressource et, en quelque sorte, la produire.

11.       D’autres auteurs indiquent que, « pour assurer une gestion efficace de la ressource naturelle, il faut que sa propriété soit suffisamment établie pour permettre une appréhension globale de l’activité dans son ensemble. »

2.        Les axes de l’analyse

12.       Voici quels sont les trois axes selon lesquels s’organisent les approches que le secteur de la pêche doit privilégier dans ses futures stratégies concurrentielles.

a.       Dimension biologique

13.       Tout d’abord, il faut réaffirmer que la ressource naturelle est le fondement sur lequel repose cette activité économique qu’est la pêche. Les niveaux d’exploitation de la mer ont été définis en fonction des modalités de régulation et de gestion des ressources halieutiques ; cette définition a été établie presque exclusivement du point de vue et à partir des paramètres de l’analyse biologique.

14.       C’est pourquoi il est facile d’identifier les raisonnements scientifiques à partir de la formulation simple qui résulte des travaux de Russell dans les années 30 ; pour cet auteur, la BIOMASSE de la RESERVE = RECRUTEMENT + CROISSANCE DES INDIVIDUS – MORTALITE NATURELLE – MORTALITE DUE A LA PECHE.

15.       En vertu de ce principe, pour que la biomasse de la ressource soit en équilibre, il faut que les apports constitués par les recrutements annuels d’éléments jeunes dus à la reproduction des individus sexuellement matures de la réserve et par l’augmentation de poids de tous les individus due à leur croissance, équilibrent les pertes subies par mort naturelle (maladie et prédation, entre autres) et par l’activité de pêche.

16.       Lorsque ce prélèvement est excessif, la croissance des individus et le renouvellement naturel ne compensent pas les pertes provoquées par la pêche et ce renouvellement peut être gravement compromis ; en effet, il est très important de savoir que les termes de l’équation de Russell ne sont pas autonomes mais qu’ils entretiennent entre eux des liens très forts.

17.       A partir de cette équation peuvent être développées des dynamiques de peuplement différentes afin de déterminer le rendement maximum qu’il est possible d’obtenir d’un stock de poissons pour que les prises se maintiennent d’année en année.

18.       Ou, ce qui revient au même, pour que le système d’exploitation ne porte pas atteinte à la capacité de récupération de la ressource ; à terme, en vertu du système de régulation, il doit être possible d’effectuer chaque année des apports à la biomasse qui soient suffisants pour maintenir l’équilibre à un niveau voisin de l’optimum.

19.       C’est sur la base de ces principes que vont être déterminés ci-après les différentes stratégies ou systèmes d’exploitation susceptibles de maintenir à son meilleur niveau le prélèvement effectué sur la ressource.

20.       Les voies empruntées à partir de l’estimation de l’effort de pêche – avec détermination du volume des prises par unité d’effort et sur la base du rapport réserve/prélèvement entre autres – ont permis de développer différents modèles ; c’est à partir de ceux-ci qu’a pu être affinée la connaissance des paramètres biologiques des populations et qu’ont été définies les meilleures stratégies d’exploitation, aussi bien en ce qui concerne la pêche d’une seule que de plusieurs espèces.

21.       Les conclusions tirées de ces apports successifs conduisent à la définition de différents corollaires ; en premier lieu, la régulation des activités de pêche est un processus permanent qui doit permettre d’avancer progressivement vers une situation optimale ; ce processus suppose également une analyse d’année en année des résultats obtenus par la pêche, compte tenu des modalités de régulation mises en pratique.

22.       Cela dit, nous nous sommes éloignés de notre point de départ et nous avons laissé de côté deux hypothèses fondamentales dans l’analyse ; en effet, il s’agit d’apporter une réponse appropriée à deux questions fondamentales : 1) Suis-je autorisé à aller pêcher ? 2) Dans quelles conditions puis-je pêcher ? En d’autres termes, nous devons rapprocher l’une de l’autre la dimension biologique et la dimension institutionnelle laquelle dérive, dans le cadre de l’analyse du secteur des pêches, des droits de propriété et des droits d’accès.

23.       En second lieu, les recommandations formulées pour assurer le maintien des grands équilibres ne nous ont pas conduit à des situations satisfaisantes. Par ailleurs, les méthodes de valorisation de l’état des populations de poissons ne se sont pas avérées très précises puisque certaines analyses retenues ne sont pas applicables à tous les peuplements. C’est pourquoi il faut insister sur la nécessité d’aboutir à « une estimation de l’état de la ressource » qui garantisse sa durabilité.

24.       Nous en avons un parfait exemple avec les analyses effectuées par la FAO pour connaître la situation de la pêche et de l’aquaculture mondiales ; ces analyses mettent l’accent sur une tendance à la stabilisation des prises et soulignent qu’à une phase de croissance de l’effort de pêche a succédé une phase de stagnation et, dans certains cas, de diminution de la production (appelée « phase de sénescence » dans les analyses de conjoncture.)

Tableau No. 1 – Niveaux de production relatifs

(Rapport entre la production de 1998 et la production maximale de la zone de pêche)

Zone de pêche

Indice

Zone de pêche

Indice

Atlantique Sud-Est

0,39

Atlantique Centre-Est

0,87

Pacifique Sud-Est

0,43

Atlantique Nord-Est

0,92

Atlantique Nord-Ouest

0,44

Ouest Océan indien

0,94

Atlantique Centre-Ouest

0,71

Pacifique Centre-Ouest

1,00

Pacifique Centre-Est

0,73

Pacifique Sud-Ouest

1,00

Méditerranée – Mer Noire

0,81

Pacifique Nord-Ouest

1,00

Pacifique Nord-Est

0,83

Est Océan indien

1,00

Atlantique Sud-Ouest

0,86

   

Source : Données FAO.

25.       Il est également précisé que : « En ce qui concerne les populations de poissons et les activités de pêche traditionnelles, le total des prélèvements effectués dans les principales zones de pêche de l’océan atlantique et de certaines zones de l’océan pacifique semblent avoir déjà atteint depuis quelques années leur potentiel maximum ; de ce fait, il est probable que ces zones ne devraient pas connaître d’augmentation considérable du volume capturé… » « Les zones de pêche de l’Atlantique nord-ouest, sud-est et centre-est ont atteint leur niveau de production maximum il y a déjà dix ou vingt ans;  elles connaissent actuellement une tendance à la baisse généralisée du total des prises… » « Dans l’Atlantique nord-ouest, sud-ouest, le Pacifique centre-est, nord-est et la Mer Méditerranée, il semble que les prises se soient stabilisées ou aient même légèrement diminué après avoir atteint leur potentiel maximum il y a quelques années… » « Les secteurs ouest et est de l’Océan indien ainsi que les secteurs centre-ouest et nord-ouest du Pacifique sont les principales zones de pêche pour lesquelles, en principe, il puisse y avoir encore une augmentation des prises ; et c’est aussi dans ces zones qu’il y a le moins de réserves totalement exploitées, surexploitées, épuisées ou en cours de récupération, avec le plus grand nombre de populations de poissons encore insuffisamment ou modérément exploitées. »

Tableau No. 2 – Niveaux d’exploitation à l’échelle mondiale

(Détail des informations disponibles sur 441 espèces pêchées)

Niveau d’exploitation

Caractéristiques

Pourcentage

I – Zones sous-exploitées

Permet l’exercice d’une activité plus intense

4 %

M – Modérément exploitées

Possibilité d’accroître la production grâce à un effort de pêche plus intense.

21 %

P – Pleinement exploitées

Exploitation à des niveaux voisins du maximum. Exige des mesures de contrôle.

47 %

S – Sur-exploitées

Exploitation trop importante. Exige une réduction des capacités.

18 %

A – Epuisées

Volume des prises supérieur au rendement maximum. Repeuplement indispensable.

9 %

R – Récupération en cours

Pas de pression excessive ni de garantie de rentabilité économique.

1 %

Source : Données FAO.

b.       Dimension institutionnelle

26.       La conception traditionnelle de la pêche avait toujours mis l’accent sur l’idée que « la mer appartient à tous », c’est à dire qu’elle constituait une ressource universelle et libre d’accès ; en d’autres termes, cette conception pose le principe que la mer n’est pas une ressource privée. Mais cette interprétation a évolué avec le temps et s’est modifiée de façon significative au cours de ces dernières années.

27.       Le droit international des XVIIème et XVIIIème siècles acceptait cette vision et a donc permis que se développent les théories de « la liberté des mers. » Les principes à la base de cette théorie se fondent sur deux postulats irréfutables pour l’époque : a) ce qui peut s’épuiser – comme c’est le cas pour les ressources halieutiques – doit être structuré par la propriété ; b) ce qui est inépuisable et peut satisfaire le plus grand nombre – c’est le cas de la mer, de l’air et du soleil – ne peut faire l’objet d’une appropriation et doit demeurer libre et ouvert à tous.

28.       Cette propriété universelle de la mer (à l’exclusion des eaux intérieures sur lesquelles les États côtiers possèdent une juridiction exclusive) constitue donc un bien commun à tous les citoyens du pays en cause.

29.       Pour autant, nous assistons actuellement au développement d’un processus d’évolution qui conduit à une appropriation rapide ou à une « mise en commun » par les États côtiers des espaces maritimes économiquement importants.

30.       C’est précisément ce qu’atteste une revue rapide de certains éléments historiques. A la fin de la seconde guerre mondiale, la proclamation Truman (1945) ouvre la voie à l’appropriation des espaces maritimes. La réaction du Pérou (rapidement suivi par l’Équateur et le Chili) à la présence de thoniers des États-Unis dans ses eaux a abouti à la déclaration de Santiago du Chili en 1952 qui repousse à 200 miles nautiques la zone constituée par les eaux territoriales du pays.

31.       La première et la seconde conférences des Nations Unies sur le droit de la mer (Genève, 1958 et 1960) ouvrent la voie à l’établissement d’une zone de 12-24 miles qui correspond aux eaux territoriales avec définition des zones contiguës. Les conférences de Londres (1964), Montevideo (1970), Lima (1970), Santo Domingo (1972) et Addis Abeba (1973) sont autant d’étapes successives qui aboutissent à l’abandon du concept de mer territoriale et à l’adoption de celui de zone économique exclusive avec juridiction de facto sur une zone de 200 miles. En conséquence, c’est à bon droit que certains auteurs affirment, d’un point de vue économique et politique, que nous sommes en présence de « la faillite du principe de la liberté des mers » (Badenes, 1997).

32.       C’est pour réglementer cet état de fait qu’est convoquée la IIIème Conférence des Nations Unies sur le Droit de la mer qui s’ouvre à New York en 1973 et s’achève en 1982 à Montego Bay. Ainsi, il apparaît bien que l’évolution est marquée par un processus de grande ampleur avec de multiples débats et dont les origines lointaines peuvent être retrouvées dans les initiatives prises par le diplomate maltais, Dr. Alvin Pardo, en 1967.

33.       La IIIème Conférence convertit de jure les éléments d’appréciation déjà définis de facto. Elle entérine l’établissement de zones économiques exclusives, délimite les espaces marins en tant qu’éléments qui garantissent la conservation des ressources et reconnaît la possibilité de promouvoir l’utilisation optimale de celles-ci.

34.       Dans ce cadre institutionnel, l’analyse de l’évolution historique de la pêche met en évidence deux grandes tendances. La première insiste sur une dynamique de congestion dans l’utilisation des ressources en raison de l’étendue des zones de pêche, des facilités d’accès et des processus d’extension des zones de capture. Et la seconde tendance concerne les processus de spécialisation afférents aussi bien à la production qu’aux zones géographiques et aux territoires de pêche.

35.        Les flottes de pêche se développent en fonction des objectifs définis au niveau des espèces par la demande, par les habitudes des consommateurs et par les dynamiques territoriales qui, elles mêmes, sont fonction des facilités et des opportunités de commerce.

36.       Cette dynamique étant admise, nous constatons que, dans leur majorité, les pays côtiers ont connu un fort développement de leur activité de pêche postérieurement à la seconde guerre mondiale. A titre d’exemple – et pour attester l’existence de ce processus – nous pouvons mentionner un premier classement en fonction de l’extension des zones, du rayon d’intervention des embarcations et de la spécialisation de la production.

* De 1954 à 1974 : forte expansion. Le taux annuel de croissance des prises est estimé à 4.7 %. Le volume débarqué passe de 26 millions de tonnes en 1954 à 65.5 millions pendant la période considérée. Autrement dit, le volume des prises va plus que doubler. Mais surtout, des pays traditionnellement pêcheurs comme la Corée, le Japon ou l’Espagne connaissent des taux de croissance très importants.

* De 1974 à 1984 : importantes évolutions dans l’ordre maritime international. A la suite de l’adoption des zones économiques exclusives étendues aux 200 miles, un premier bilan peut être fait entre les pays qui ont gagné et ceux qui ont perdu du fait de l’adoption des nouvelles mesures. Celles-ci ont de forts impacts sur les flottes de pêche et sur certains pays qui doivent ajuster leurs stratégies aussi bien en ce qui concerne la création et la gestion d’entreprises de pêche que le choix des pavillons.

* De 1984 à 2000 : nouvelles réactions aux mutations structurelles ; les flottes et les entreprises privées poussent leurs pions. Le commerce et la pêche sont internationalisés. Nous assistons à une « dé-territorialisation » de la pêche qui se manifeste par le choix des ports de débarquement, de la nationalité des équipages et des capitaux investis. Nous constatons une stabilisation du tonnage débarqué à l’échelle mondiale ainsi qu’un fort impact sur les zones qui dépendent de la pêche. Les processus d’industrialisation et de distribution des produits de la pêche se développent fortement.

37.       Les résultats sont également très intéressants en ce qui concerne les changements intervenus dans les dynamiques. Ainsi, nous assistons à une forte concentration de la production particulièrement significative (10 pays entrent pour 65 % dans le total de la production mondiale ; les 20 premiers pays pour 80 % et les 30 premiers pour 87 % du tonnage pêché.) Les prises des pays en voie de développement augmentent très significativement et, en 1995, le pourcentage qui les concerne dépasse 60 % du total mondial alors que, vingt ans auparavant, il dépassait à peine 20 %. En revanche, les pays industrialisés connaissent une baisse considérable du pourcentage de produits débarqués qui passe de 70 % à 30 %. Par ailleurs, c’est sur les continents asiatique et américain que se concentrent maintenant les plus forts tonnages débarqués ; en valeur cumulée, les pourcentages de 55 % et 27 %, respectivement, dépassent très largement le chiffre correspondant pour les pays européens qui atteint à peine 16 % alors qu’il était de 40 % vingt ans plus tôt.

38.       L’appropriation progressive du milieu marin suppose une évolution complexe dont la portée est très particulière et dont les premières conséquences provoquent le reclassement suivant : le nombre possible d’usagers des zones de pêche va se réduire alors qu’auparavant l’accès était libre ; la définition des droits d’accès collectifs profite aux gouvernements et, dans certains cas spécifiques, ils bénéficient à des entreprises privées par le biais d’accords de collaboration.

39.       Par conséquent, nous parlons de deux facettes différentes d’un même problème. Dans le premier cas, nous faisons référence aux droits d’intervention liés aux conditions d’accès et d’exploitation des ressources halieutiques. Dans le second cas, il s’agit de droits collectifs qui concernent les capacités de gestion, d’exclusion et de transfert de l’exploitation de ces mêmes ressources.

40.       Cette distinction nous renseigne d’une part sur l’existence d’une propriété commune et, en second lieu, elle nous précise qu’il existe un groupe limité d’utilisateurs de ces réserves qui dotent la ressource et son exploitation de la possibilité légale et économique d’exclure l’utilisation d’un bien ou d’imposer des limites à cette utilisation. Les normes correspondantes peuvent être appuyées par les institutions ou émaner simplement de règlements internes.

41.       Dans ce sens, il ne faut pas confondre ou identifier la propriété commune à l’accès libre ou à l’absence de propriété comme on pourrait le croire à la lecture de G. Hardin dans sa fameuse « tragédie du collectif. » Ainsi, toute situation de propriété collective se traduit par des résultats inférieurs aux possibilités optimales parce que les volumes ne sont pas suffisamment importants pour inciter les utilisateurs autorisés à s’approprier la ressource à poursuivre des stratégies individuelles (les seules capable d’aboutir à des résultats optimaux) ; mais c’est également vrai parce que les utilisateurs de la ressource ont accéléré, explicitement ou implicitement, l’adoption d’une série de règles sur la gestion et l’utilisation de la ressource qui a permis une pression plus importante sur cette dernière. En d’autres termes, le collectif – qui gère la propriété commune – décide de mesures qui ne permettent pas d’atteindre des résultats optimaux.

c.       Dimension économique

42.       Nombreux sont les liens qu’entretient l’analyse économique avec les facteurs qui ont une incidence sur la pêche. Les flottes ont connu un processus de spécialisation en fonction des espèces qui constituent leur cible et elles réalisent leurs opérations d’extraction dans les zones auxquelles elles ont accès. Les transformations techniques intervenues dans la conception des embarcations, dans les opérations de pêche, dans la conservation et la préparation des produits, etc. ont contribué au développement de flottes très spécialisées et adaptées à chaque type de pêche. Ces multiples évolutions se concrétisent également dans de nombreuses formes d’organisation innovantes que développent les entreprises avec une extension de leur domaine d’intervention et de leurs participations en capital.

43.       Une fois définies les stratégies de capture – c’est à dire une fois précisées quelles sont les espèces-cibles – les technologies existantes sont intégrées aux moyens de détection, de navigation, de conservation, de propulsion et aux différents matériels, etc. La force de travail est supposée être spécialisée et expérimentée dans la manipulation des nouveaux moyens de production et constitue un facteur spécifique fondamental. La combinaison de ces deux facteurs se traduit par une plus grande efficacité.

44.       Par conséquent, les engins de pêche représentent « le lien le plus direct entre les prises et le pêcheur au niveau de l’exploitation » et, de ce fait, ils constituent des facteurs déterminants. Mais il faut distinguer plusieurs éléments :

a.       la conception du navire et les technologies embarquées poussent à l’augmentation des prises ;

b.       le type de pêche pratiqué en vue de la capture de certaines espèces-cibles est à l’origine d’orientations différentes et définit des formes de pêche différentes : démersale, pélagique ou hautement migratoire ;

c.       les systèmes de pêche seront de type passif ou actif selon que les techniques et méthodes de pêche présupposent que les espèces soient ferrées ou prises au filet ; elles pourront aussi être fondées sur une stratégie de recherche et de concentration des prises et supposent alors une distinction pertinente au moment d’affiner les stratégies d’exploitation et la politique des entreprises ; et,

d.       du point de vue de la sélectivité, il est possible de distinguer une catégorie inter espèces (qui porte sur une sélection entre les espèces capturées) ou intra-espèce (sélection parmi les individus d’une même espèce).

45.       L’incorporation de la technologie aux méthodes de production a fait évoluer les engins de pêche et la détection des ressources ; avec le temps, l’exploitation est passée de systèmes plutôt passifs à d’autres moyens de recherche et de concentration des ressources dans des zones limitées.

46.       En ce qui concerne la structure organisationnelle des entreprises, nous assistons également depuis plusieurs années à une évolution rapide et profonde. D’une activité souvent familiale, nous sommes passés à des flottes d’embarcations très importantes gérées par des entreprises. En outre, de la concentration de cette flotte liée à une localité déterminée, nous sommes également passés à l’internationalisation des entreprises au terme de processus de globalisation et d’extension.

47.       En résumé, les nouvelles caractéristiques des flottes de pêche reposent sur les éléments suivants :

a.       plus grande intensification dans les choix technologiques ; cette stratégie suppose la complexification progressive des moyens de détection du poisson, et un renforcement considérable de la jauge et de la puissance des embarcations; ainsi, l’évolution a consisté à privilégier les éléments de vitesse de déplacement et à favoriser une plus grande autonomie. Le fait que les flottes de pêche aient eu davantage de possibilités pour travailler dans des zones profondes a étendu la diversité des espèces capturées sur les lieux de pêche et leur a permis de pêcher à des profondeurs non encore explorées jusqu’alors ;

b.       jauge accrue des embarcations : cette évolution technique s’est traduite par de plus grandes possibilités de stockage avec une capacité supérieure en termes de traitement du produit pêché et une capacité de transport plus importante également. De ce fait, l’augmentation de la taille des embarcations a également facilité l’intégration de nouvelles technologies et a poussé à l’adoption de processus et de dynamiques moins gourmands en force de travail.

48.       Ces transformations ont eu un certain nombre d’effets ciblés :

i.       accroissement de la productivité apparente du travail dans un contexte où chaque embarcation recherche le meilleur taux de productivité ; et,

ii.       recherche d’une fonction de production qui soit susceptible d’optimisation, à la fois dans le taux de productivité et la réduction des temps d’immobilisation des embarcations.

49.       Les modifications profondes intervenues dans les modèles d’échange et les flux commerciaux apparaissent également comme d’autres effets de la prise en compte de la dimension économique. Ces dynamiques sont alimentées en retour par les divers degrés de spécialisation productive, par les choix intervenus dans la localisation des entreprises et par l’intensité relative du processus de développement des réseaux qui dépendent de la pêche.

50.       Les taux de croissance annuels du commerce des produits de la pêche ont augmenté plus que les taux correspondants à la production après ventilation. Les changements intervenus au cours des dernières années dans l’ordre maritime international ont stimulé les pays en voie de développement et les ont poussé à accroître leurs capacités d’exportation, conséquence de l’importance des processus d’ouverture des marchés. L’équilibre entre pays importateurs et exportateurs s’est trouvé modifié et les positions ont été inversées dans le cas de pays historiquement liés à la pêche (le cas de l’Union Européenne en est un parfait exemple.) Nous assistons à un processus durable et intense de réduction des droits de douane et d’élimination des obstacles au passage des frontières pour les produits de la pêche qui favorise globalement les échanges commerciaux. Les prix des produits de la pêche fluctuent et, dans le même temps, nous assistons à un changement radical dans les processus de distribution des produits alimentaires. Certains pays et certaines entreprises connaissent désormais une plus grande dépendance et une vulnérabilité accrue en ce qui concerne leurs positions traditionnelles jusque-là dominantes. Enfin, nous sommes les témoins d’évolutions profondes dans le comportement des consommateurs dont la demande de produits frais et congelés et de plats de poissons préparés est en augmentation constante.

51.       En conséquence, le secteur des pêches s’inscrit dans le processus général de globalisation et c’est ce que montre la libéralisation des échanges, des investissements et les nouvelles dynamiques de spécialisation productive.

52.       L’analyse économique de la pêche doit être complétée par d’autres stratégies apparues au cours des dernières années. C’est le cas, par exemple, des processus de transfert de capitaux d’un pays à un autre ou du regroupement des centres de consommation, surtout en ce qui concerne les phases de distribution ; nous assistons également à la consolidation de nouvelles formules de coopération, qu’il s’agisse d’accords ou de conventions pour la pêche, de type privé ou public ; c’est aussi le cas avec la constitution d’entreprises mixtes ou « en participation » qui renforcent les investissements privés dans le secteur des pêches.

53.       Ces éléments montrent que les caractéristiques exposées plus haut sont le fruit d’une évolution économique permanente qui obéit à de nouvelles dimensions institutionnelles et à la mutation du cadre biologique.

3.        Réglementation de la pêche et analyses bio-économiques

54.       L’exploitation d’une ressource naturelle du type des populations de poissons est nécessairement limitée. La ressource croît à un rythme déterminé et elle est soumise à une mortalité naturelle ; cette limitation est donc le résultat de la mortalité naturelle et de la mortalité due à la pêche comme nous l’avons déjà souligné plus haut.

55.       La productivité individuelle totale d’une entreprise de pêche et son développement dépendent manifestement de la ressource naturelle qui est unique ; mais elle est également liée à ce que tel pêcheur – et non tel autre – parviendra à pêcher, pour ne rien dire d’autres facteurs biologiques et comportementaux de la ressource qui peuvent avoir une incidence sur les populations de poissons.

56.       D’un point de vue économique (et en acceptant certaines contraintes,) nous pouvons dire qu’une réserve de pêche se comporte comme un capital (c’est à dire comme une somme d’argent investie à long terme.) Ce capital génère un intérêt qui est fonction de sa croissance ; en d’autres termes, il s’agit de la valeur économique qui augmente d’une période à une autre.

57.       Dans la mesure où « nous sommes tous collectivement » propriétaires des prises  et où la pêche est réglementée par des instances institutionnelles, nous avons un intérêt manifeste à veiller à sa conservation. C’est pourquoi, si nous utilisons les intérêts (sans toucher au capital), nous pourrons continuer à consommer indéfiniment grâce au capital dont nous disposons et nous confinerons notre activité dans les limites imposées par les principes de base qui sont à l’origine d’une consommation responsable. Pour autant, si nous utilisons une partie des intérêts et une partie du capital, nous nous mettrons dans une situation où, un jour, la ressource pourrait être épuisée.

58.       Les problèmes de ce type ne manquent pas d’apparaître lorsque la dynamique dont nous venons de parler entre en jeu, soit en cas de remplacement, soit en cas d’extinction de la ressource.

59.       A mesure que le secteur des pêches s’est développé, la situation est devenue plus compliquée et la réalité est maintenant plus complexe. Pour une part, les stocks de poissons n’augmentent pas de façon illimitée ; les populations croissent et vivent dans un milieu marin qui présente des opportunités mais aussi des contraintes pour le développement de la pêche.

60.       Ainsi, en l’absence de réglementation, une réserve de pêche peut croître jusqu’à atteindre un point de saturation pour lequel la croissance végétative (différence de poids entre les poissons qui constituent le stock et ceux qui meurent) est nulle ; dès lors, la biomasse (poids du stock complet) se stabilise.

61.       La situation se complique lorsque nous nous posons la question de savoir pourquoi il existe une propriété définie sur les stocks de poissons. Pourquoi tout le monde peut-il les utiliser sans avoir à les payer ? Les réponses sont multiples et les analyses contraignent les scientifiques à revoir constamment les indicateurs à prendre en compte.

62.       Garret Hardin, dans sa « tragédie du collectif » part de l’hypothèse que la mer appartient à tous ; il convient que « personne ne voudra regarder au-delà de ses propres intérêts. » Si telle est la réalité et qu’elle n’est pas amendée, nous sommes dans une situation où « peu importent les effets secondaires que provoque mon prélèvement ; » et, en poussant ce raisonnement aussi loin que possible, nous serions amenés à admettre que le « maintien de l’effort de pêche à long terme est pratiquement impossible en l’absence de mesures de réglementation, de définition et de détermination des conditions d’accès aux populations de poissons. 

63.       La nécessité de mettre en œuvre une réglementation fondamentale de la pêche apparaît actuellement de plus en plus impérative. Les normes à retenir doivent prendre en compte différents paramètres :

a.       faire reposer les prémisses sur les comportements des producteurs. Si l’objectif consiste à mettre en avant le revenu individuel, seul le profit doit être optimisé sans que soit pris en considération le rôle et les fonctions des autres producteurs. Cette attitude supposerait donc que soit recherchées exclusivement les équations susceptibles d’établir les coefficients de « capturabilité » et les relations prix/coûts, sans se préoccuper des autres particularités des stocks ni de la reconnaissance de certains droits de propriété.

b.       fixer les limites de l’exploitation des ressources en accordant le libre accès à un nombre illimité d'utilisateurs et sans aucune contrainte en matière de volume prélevé ; il faudrait alors admettre que tous les types d’exploitation soient définis par un certain nombre de références techniques et économiques qui ne sauraient en aucun cas être dépassées, afin de pouvoir garantir à la fois la diversité et la durabilité.

c.       mettre sur pied un régime d’exploitation des pêches qui prendrait en compte la reconnaissance globale des droits de pêche et d’accès à un groupe socialement identifiable – avec une capacité de prélèvement limitée pour les membres de ce collectif – et sans avoir à tenir compte de la concurrence d’autres utilisateurs ; ce schéma suppose alors une optimisation des activités de pêche.

64.       Revenons un instant sur le comportement d’une pêcherie. Nous savons que la biomasse représentée par le stock de poissons croît rapidement et fait que ce dernier atteint une certaine taille. Si la croissance du stock est autorisée, à partir d’un certain point (maximum), le taux de croissance va baisser et le stock se stabilisera à un niveau auquel la croissance végétative sera nulle.

65.       Ainsi, si le volume des prises est supérieur aux excédents générés, le stock baisse et l’excédent net qu’il est possible de générer est modifié à son tour. Dans ces conditions, si les disponibilités de la réserve et sa croissance végétative sont largement dépassées, il peut y avoir extinction du stock.

66.       Il faut donc chercher à atteindre un niveau de capture durable, c’est à dire à préserver l’équilibre biologique ; par conséquent, le rendement maximum durable (RMS) sera défini par la capture maximale basée sur l’excédent net maximum généré par le stock qui puisse être maintenu indéfiniment sans affecter la viabilité de la réserve.

67.       Mais ces modèles basés sur la dimension biologique et sur les concepts de rendement maximum durable commencent à être mis en doute pour différentes raisons. Les niveaux pris en compte sont ceux que suggère un « déséquilibre ou un équilibre instable » dans la mesure où ils n’ont pas apporté la preuve de la survie et de la durabilité des populations de poissons. En d’autres termes, dans notre analyse, nous devons prendre en compte des facteurs autres que ceux utilisés exclusivement par la biologie. Ainsi, par exemple, les technologies d’exploitation – qui sont alimentées par l’incorporation des fonctions de capital et de travail – ont une incidence sur l’effort de pêche et corrigent le coefficient de capturabilité ; de ce fait, elles modifient les niveaux de l’équilibre biologique.

68.       Les nouvelles tentatives successives visant à réglementer les pêcheries par le biais de l’effort de pêche (que ce soit par nombre d’embarcations, de tonnage pêché ou par nombre de jours de pêche) contribuent également à donner forme aux nouvelles conditions d’exploitation.

69.       De la même façon, d’autres objections trouveront un fondement dans les différences entre revenus et coût d’exploitation liés aux modèles biologiques. Jusqu’à présent, nous étions convenus que les variables de l’effort de pêche constituaient autant de mesures possibles relatives à la mortalité constatée dans différentes populations ; or, il apparaît que leur signification peut évoluer si des limites et des niveaux d’exploitation sont imposés.

70.       Paradoxalement, si nous poussons ce raisonnement à l’extrême, nous pourrions aussi bien démontrer qu’une seule embarcation (avec de plus grandes capacités de pêche dues à l’augmentation du capital investi et à l’intégration de technologies performantes) pourrait épuiser la ressource.

71.       Les nouvelles conditions de l’équilibre économique sont étroitement liées aux conditions institutionnelles de ceux qui ont accès à la ressource. Dans une situation de libre accès, l’équilibre interviendra lorsque le revenu par unité de prise sera égal au coût moyen ; ou encore, lorsque le revenu total sera identique au coût total. Mais que signifie cette assertion ? Tout simplement que les pêcheurs travailleront aussi longtemps que leurs revenus seront au moins égaux à leurs coûts ; ou, jusqu’à ce que le revenu qu’ils tirent des prélèvements sur la ressource atteigne progressivement zéro, c’est à dire qu’il couvre tout juste les coûts.

72.       Cette perspective nous permet d’insister sur les points suivants :

a.       chaque pêcheur pose pour critère fondamental et principal le fait qu’il ne prendra pas en compte l’effet que peuvent avoir ses décisions sur le bien-être de la société ;

b.       de la même façon, il ne se préoccupe pas du rendement des autres pêcheurs ni de la croissance ou de l’état du stock ; enfin,

c.       le pêcheur qui a libre accès à la réserve n’est pas particulièrement motivé pour tenir compte de ces différentes variables du problème dans la mesure où ce qu’il n’aura pas capturé par son travail le sera par un autre pêcheur.

73.       En conséquence, chaque pêcheur sera guidé dans son activité par l’optimisation de son revenu individuel qui lui garantisse des ressources nettes supérieures à celles qu’il pourrait tirer d’autres activités.

74.       C’est pourquoi les conditions de l’équilibre pour un pêcheur considéré individuellement consistent à pêcher jusqu’à ce que son revenu moyen soit égal à son coût marginal (coût de la pêche d’un kilo supplémentaire de poisson.)

75.       La contradiction se manifeste lorsque chacun des pêcheurs prélève sa part du revenu total ; en effet, lorsqu’ils sont très nombreux, les pêcheurs se rendent compte que les conditions pour équilibrer la productivité marginale de chacun d’eux ne peuvent être remplies (puisque le nombre de pêcheurs peut tendre vers l’infini.)

76.       Dès lors, les conditions de la concurrence poussent à ce que « tout pêcheur capture tout ce qu’il peut et entre en concurrence avec les autres pêcheurs pour l’appropriation du revenu. » Ainsi, chaque pêcheur va développer son activité en intensifiant son effort et/ou en investissant dans de nouvelles embarcations.

77.       Si cette dynamique était poussée à l’extrême, elle nous conduirait à une situation où les revenus moyens seraient inférieurs aux coûts moyens ; il se produirait alors une dissipation du revenu, laquelle, à son tour, conduirait à un défaut d’optimisation dans l’attribution des ressources, du triple point de vue économique, social et biologique.

78.       Si la situation définie est celle d’un propriétaire unique – c’est à dire lorsque c’est un collectif ou une institution qui est propriétaire de tous le droits de pêche – l’hypothèse retenue dans le cas où « si je ne le fais pas, un autre le fera » - n’a plus de raison d’être ; dès lors, les fonctions à optimiser seraient celles qui touchent au revenu, avec adéquation entre revenu marginal et coût marginal ; les points d’équilibre se situeraient à un niveau plus élevé même en situation d’oligopole.

4.        Les différents mécanismes de régulation

79.       L’exploitation d’une ressource en libre accès permet d’assumer les réalités suivantes :

a.       la ressource n’est pas partagée mais elle est exploitée de façon concurrentielle ;

b.       en d’autres termes, si telle personne ne pêche pas, une autre le fera et s’appropriera les revenus ainsi générés ;

c.       le rendement des pêcheurs varie en termes de coût par unité d’effort et il dépend des divers comportements des autres pêcheurs puisque nous sommes dans une situation concurrentielle.

80.       En pareil cas, les solutions peuvent avoir une double origine : la reconnaissance « de jure » de droits de propriété opérationnels en faveur de sociétés ou d’unités de gestion ; et, dans l’optique d’une solution optimale, la fixation de limites à l’extraction de la ressource, que ce soit de façon directe ou indirecte.

81.       Les modalités indirectes prennent en compte la définition des droits opérationnels d’accès (licences ou adoption de mesures incitatives), tandis que les limitations directes portent sur la définition de quotas.

a.       Concession de droits de propriété sur les peuplements

82.       Si l’on prend en compte cette dernière hypothèse, la concession à un agent ou à une société publique ou privée de droits de propriété sur les réserves pour qu’il/elle exerce les droits d’exploitation nous place dans la situation d’un propriétaire unique ; même s’il ne s’agit pas à rigoureusement parler d’un monopole, l’entité fonctionne comme telle. L’objectif est d’optimiser le revenu tiré d’une ressource naturelle à partir de paramètres qui mesurent les excédents sociaux et à la différence du revenu d’une entité monopolistique. Ou, comme l’affirme Ostrom : « l’agent serait incité à exploiter et à investir dans la pêcherie de façon optimale avec une vision à long terme, du fait qu’il n’a pas à redouter l’externalité des autres et qu’il peut, pour partie, céder certains droits opérationnels. »

83.       Dans cette hypothèse, trois conditions doivent être remplies pour atteindre la situation optimale :

i.       les prix doivent être déterminés de façon exogène par les marchés ;

ii.       le prix et le coût des intrants doivent refléter le coût des opportunités sociales y compris le prix fantôme de la ressource halieutique ;

iii.       le taux d’escompte ou de réduction appliqué par le propriétaire unique doit être égal au taux d’escompte de la société.

84.       Ces hypothèses peuvent soulever différentes sortes de critiques dérivées de positions idéologiques ou politiques différentes, de l’inefficacité des bureaucraties ou de la génération de problèmes ou de conflits sociaux.

b.       Fixation de limites aux droits opérationnels

85.       Il s’agit de limiter l’extraction en vue d’aboutir à des solutions optimales. Pour y parvenir, il faut essentiellement apporter une réponse à deux questions :

a.       compatibilité des mécanismes de régulation et des comportements des producteurs ;

b.       nécessité d’être efficaces dans la communication de l’information.

Ces deux caractéristiques ont pour but d’éviter la dissipation des revenus et visent à réduire au minimum les coûts de transaction.

86.       Les limites imposées à ces droits peuvent être directes ou indirectes.

87.       Les limitations indirectes les plus fréquentes sont celles qui concernent la fixation de taxes sur les prises, sur l’effort de pêche, les contraintes imposées quant à l’utilisation des engins de pêche et les limites fixées par le biais de licences pour l’accès aux zones de pêche.

88.       Les mesures prises en matière de taxes tentent de donner un prix à l’utilisation de la ressource ou à rendre plus chère son exploitation afin de limiter les prélèvements. Les conséquences de ce type de mesures sont presque systématiquement à l’origine de multiples formes d’inefficacité puisqu’elles incitent à travailler ou à investir moins (taxe sur les captures ou impôt sur le revenu) et qu’elles contraignent les pêcheurs à reconsidérer l’accès aux zones de pêche.

89.       Les réglementations qui pèsent sur l’utilisation des engins de pêche et sur les méthodes de capture ont des effets certains sur la limitation de l’effort de pêche à court terme, puisqu’elles agissent sur la productivité des réserves à moyen et long terme. Leur instrumentalisation se base sur la nécessité d’améliorer les ratios de la CPUE (capture par unité d’effort) et vise à ce que les pêcheurs réagissent à cette limitation. Ces réglementations supposent une intervention rapide et continue pour maintenir la tendance à la génération de revenus positifs par le biais d’un remaniement de la force de travail et d’une ré-affectation du capital investi dans les embarcations.

90.       Dans cette optique, le schéma serait le suivant : restrictions en matière d’engins de pêche è augmentation du coût moyen è réduction de l’effort de pêche è certains pêcheurs peuvent abandonner la zone de pêche parce qu’ils ne peuvent plus supporter les coûts è amélioration de la productivité du stock è augmentation de la CPUE.

91.       L’effort net de la régulation est déterminé « par la comparaison entre le profit net tiré de la réduction de l’effort et l’augmentation des coûts d’ajustement aux nouvelles CPUE ainsi que du coût marginal. »

92.       Les autres limitations sont celles qui procèdent du recours aux licences. Le recours à ces limitations est extrêmement courant de la part des institutions publiques. Elles tentent de limiter la pression exercée sur les réserves en réglementant les conditions d’accès. Il faut, par conséquent, qu’il n’y ait pas plus d’une licence par embarcation.

93.       Hannesson distingue les licences à long terme (le pêcheur ne participe pas aux activités de pêche et l’objectif de l’autorisation est de contrôler les capacités cumulées) et les licences à court terme (qui supposent une adéquation entre les autorisations de pêche et les fluctuations du stock ; en conséquence, elles sont attribuées avec souplesse au jour le jour, du fait que le rapport « effort de pêche / stock » est relativement instable.)

94.       Il faut donc que les licences soient particulièrement détaillées et, qu’elles délimitent avec précision les jauges, les puissances, les caractéristiques des engins et les techniques de pêche. Les exigences qu’elles imposent doivent être rigoureusement suivies et plus particulièrement en ce qui concerne les transformations structurelles permanentes des unités de production qui affectent directement les capacités réelles des embarcations.

95.       Il y a des différences conséquentes entre les licences « théoriques ou supposées » et les licences effectivement octroyées, au point d’avoir donné naissance à l’expression « licences-papier » - au sens le plus bureaucratique du terme – qui ne correspondent plus aux conditions réelles d’exercice d’une activité de pêche.

96.       Les méthodes de régulation directes sont les plus courantes et, à cet égard, les principaux instruments sont ceux qui concernent la fixation de quotas. Ces méthodes sont structurées autour du concept de Total admissible de capture (TAC) qui peut être défini comme la quantité qu’il faut ou qui peut être prélevée sur une ressource pour que la taille optimale des populations de poissons et la valeur optimale correspondant au schéma du propriétaire unique ne mettent pas en danger l’activité de pêche.

97.       Dans le cadre du Total admissible de capture (TAC), la fixation des quotas détermine le caractère conjoncturel ou définitif de l’exploitation. Les modalités de ce système sont les suivantes :

i.       les quotas fixés aux pêcheurs sont équitablement partagés sans générer de droits ex-ante sur la ressource au bénéfice d’aucun pêcheur en particulier ; le système permet aux pêcheurs de prélever ce qu’ils veulent sans dépasser le maximum autorisé. S’ils atteignent la limite imposée, l’accès aux zones de pêche est fermé ;

ii.       le quota peut faire l’objet d’une répartition entre les pêcheurs. Le caractère ex-ante du droit alloué facilite la cession de cette « option de pêche » à d’autres pêcheurs. Nous nous trouvons donc ici en présence d’une conception qui limite la propriété commune en ce sens qu’elle la définit comme un quasi droit de propriété opérationnel pour une quantité donnée de poissons reconnu à un pêcheur déterminé qui peut exercer son droit ou le céder.

98.       La détermination du Total admissible de capture suppose de limiter le prélèvement mais aussi d’atteindre les objectifs définis en termes qualitatifs. Le raisonnement est le suivant : si le quota fait l’objet d’une répartition entre les embarcations, nous évitons la « course à la pêche » et nous limitons les effets des conditions de compétition dans l’exploitation de la ressource ; par ailleurs, nous réduisons ce qui pourrait être une obligation de tout pêcher en un minimum de temps ; nous atténuons l’augmentation des investissements indispensables pour accroître la productivité ; nous évitons aussi les tendances à la surcapitalisation et à l’immobilisation des embarcations.

99.       La fixation de quotas permet, par conséquent, de garantir la pêche de quantité déterminées ; elle améliore les attitudes et les comportements des pêcheurs ; elle facilite la rationalisation des captures et élimine toute perte de revenu. La possibilité de céder le droit ainsi acquis répond également à des critères d’efficacité puisqu’elle accélère les processus de concentration avec l’achat de possibilités d’accès et de pêche qui peuvent être des acquisitions totales ou partielles, provisoires ou définitives.

100.       Pour autant, les problèmes ne sont pas tous résolus et risquent de se manifester lorsque :

a.       il n’y aura plus compatibilité entre les intérêts des entités responsables de la régulation et ceux des pêcheurs ; et,

b.       lorsque les décisions prises par certains pêcheurs conduiront à des cessions partielles et qu’interviendront alors des processus d’exclusion qui peuvent affecter d’autres secteurs économiques dépendants de la pêche.

5.       Vers un nouveau cadre stratégique global

101.       Nous avons axé notre raisonnement autour des trois facteurs qui conditionnent les ajustements structurels du secteur de la pêche et qui concernent les environnements biologique, institutionnel et économique. Nous avons pris en compte les évolutions technologiques, organisationnelles et les différents comportements des pêcheurs. Et nous avons montré comment se sont progressivement dégagés différentes propositions de réglementation des pêches tout en évaluant leurs principaux effets. Il ne nous reste donc plus qu’à envisager l’incidence qu’aura la redéfinition d’un cadre stratégique global sur le secteur de la pêche.

102.       Les vecteurs suivants devraient permettre d’élaborer un schéma très simple :

a.       définition de droits de propriété au bénéfice des entreprises, et

b.       processus de « compartimentation » et/ou de re-nationalisation.

103.       L’attribution de droits individuels en faveur d’entreprises supposerait l’établissement de barrières qui interdisent l’accès aux populations de poissons. Il s’agit d’une perspective actuellement en cours d’étude et que certains collectifs du secteur des pêches réclament dans la mesure où les institutions publiques ne souhaitent pas être désignées comme des « gestionnaires inefficaces ; » par voie de conséquence, lorsqu’il s’agit de l’exploitation d’une ressource, elles préfèrent déléguer la responsabilité de la gestion à des agents ou à des sociétés privées. Si cette possibilité devait aboutir, nous serions en présence d’une hypothèse où il y aurait une motivation forte et évidente pour des investissements privés dans ce secteur d’activité. Ainsi serait confirmée l’application partielle du principe de « subsidiarité de la pêche » ou de « délégation des droits d’accès » à un collectif déterminé et bien identifié, soit en raison de particularités géographiques données, soit du fait de degrés de spécialisation poussée.

104.       Ces conditions d’accès seraient assimilées à autant de notifications d’exclusion pour les autres compétiteurs et rivaux possibles dans le même domaine d’activité. D’où la fixation progressive et permanente de limitations d’accès modulées par les entités institutionnelles les plus larges qui soient compétentes en matière de zones de pêche.

105.       Le processus de « compartimentation » des zones de pêche s’intensifie sans cesse. Sous ce concept, nous regroupons le développement d’une cession imparfaite de la gestion des pêches au bénéfice de sociétés qui présentent les caractéristiques de  quasi propriétaires des ressources halieutiques avec, pour corollaire, une accélération de la concentration de la production. En d’autres termes, les imperfections du marché de la pêche se manifestent au départ dans le domaine du contrôle des différentes étapes de l’accès à la ressource. Postérieurement, elles s’étendent aux phases qui définissent les intégrations verticale et horizontale.

106.       En conséquence, il est primordial de chercher à « optimiser les avantages » plutôt que de tendre à des profits maxima à court terme. Les « avantages » sont représentés par ces facteurs qui déterminent l’accès aux ressources et à une concurrence réglementée, dont la symbiose devrait permettre de « réduire au minimum les inconvénients. »

107.       Le nouveau cadre de la concurrence devrait être déterminé par le rôle, la responsabilité et le développement des organisations de producteurs et par les nouvelles approches qui ont la faveur des entreprises. Cette « nouvelle concurrence » peut être favorisée aussi bien en interne qu’en externe. Il ne faut donc pas s’étonner si, en présence de niveaux très élevés de surexploitation de la ressource et de baisse de la productivité des réserves, on réclame l’adoption de systèmes de primes en garantie de la « durabilité » financière. C’est la raison pour laquelle nous voyons apparaître des mesures qui mettent l’accent sur certains critères d’exclusion, d’élimination de rivaux et d’extension des subventions directes ou indirectes liées à l’exploitation.

108.       De la même façon, la rivalité induite par la concurrence présente aussi une caractéristique externe. Celle-ci est déterminée par la diversification de la production et par les prises de substitution. L’un et l’autre processus de compétitivité accélèrent les dynamiques novatrices et parviennent à étendre les possibilités d’exploitation, à développer les stratégies de capture d’espèces de substitution et à potentialiser la valorisation des ressources.

109.       Les nouveaux axes de développement du secteur de la pêche sont le siège d’une accélération des activités dues à différents processus en cours de conformation.

i.       En premier lieu, nous assistons à la concentration des peuplements humains sur les zones côtières. Près des 2/3 de la population mondiale vit sur une frange littorale de 60 km de largeur. Dans 30 ans, cette population atteindra 75%, soit 6.4 milliards d’individus.

ii.       En second lieu, du fait que 80 % des ressources biologiques marines sont concentrées au niveau du plateau continental voisin des côtes, des tendances ne manqueront pas de se manifester en vue d’une extension des « pouvoirs juridiques extraordinaires » sur les zones de haute mer contiguës à la zone économique exclusive des États côtiers ; en d’autres termes, nous allons assister à l’extension de nouveaux processus de territorialisation qui, à leur tour, entraîneront de nouveaux processus de dépendance par rapport aux ressources externes et, pour certaines flottes, de nouveaux niveaux de vulnérabilité.

iii.       En troisième lieu, l’augmentation de la population dans les zones voisines du littoral renforcera la pression sur les ressources biologiques et sur les écosystèmes.

iv.       En quatrième lieu, la nouvelle globalisation des ressources tirées de la pêche aura pour effet de doubler vers 2025 la demande d’aliments dans le monde, par rapport à ce qu’était la consommation de protéines au 20ème siècle ; c’est ce qu’estime l’OCDE dans son document : « Se nourrir demain. » Et l’essentiel de cette augmentation se produira dans les pays en voie de développement.

v.       Cinquièmement, nous allons assister à un processus de contraction de la main d’œuvre dans les flottes de certains pays (Union européenne, par exemple), soit en raison de nouvelles offres de travail et de salaire dans des activités installées à terre (options comparatives), soit à cause d’une « crise des vocations » qui pourrait mettre en danger la « culture maritime. »

vi.       Et, sixièmement, il sera de plus en plus difficile de parvenir à des accords entre pays pour l’exploitation de la mer, en raison des obstacles que dressent aussi bien les habitants des zones côtières que les agents économiques privés.

110.       L’augmentation constante de la contribution assurée par l’aquaculture aux approvisionnements mondiaux en produits de la pêche a deux implications déterminantes sur le développement de ce secteur :

i.       une dépendance permanente par rapport au secteur des pêches pour la fourniture de farines de poissons ;

ii.       un impact direct sur le secteur pour certaines pêches comme, notamment, celle du saumon sauvage et, plus récemment, sur les zones habitées par les grandes espèces pélagiques migratoires – telles que le thon rouge – qui sont de plus en plus souvent recherchées pour être enfermées dans d’immenses parcs offshore.

111.       En résumé, les dynamiques mises en jeu par les processus de changement et de réadaptation du secteur des pêches sont complexes et particulièrement interdépendantes.

6.       Indicateurs du développement durable dans le secteur des pêches

112.       Au cours des dernières années, nous avons vu se manifester et s’intensifier des préoccupations légitimes à propos de la contribution de la pêche au développement durable ; nous avons assisté à l’adoption de mesures qui tendent à corriger la surpêche, à réduire les capacités de capture excessives, à combattre l’épuisement de certaines populations de poissons et à corriger les mutations dans les écosystèmes provoquées par l’activité humaine. De la même façon, l’augmentation et la globalisation du commerce du poisson – avec ses répercussions sur les approvisionnements et le développement économique local des pays côtiers – ont fait l’objet d’études suivies.

113.       L’importance des processus de réglementation et de régulation de certaines pêcheries nous permettent d’affirmer qu’il existe une excellente documentation et que, par conséquent, il devrait être possible de mener à bien des politiques de gestion qui intègrent le principe de précaution. En revanche, il apparaît également que, s’agissant d’autres pêcheries, les données disponibles sont à la fois peu nombreuses et peu fiables et que, dans certaines zones de pêche, c’est à peine si des mesures de réglementation ont été prises. C’est pourquoi il est important de pouvoir définir et élaborer des indicateurs qui permettent de connaître l’état des populations et qui servent à déterminer les grands axes autour desquels seront organisés les efforts indispensables pour un développement durable.

114.       Les différents indicateurs du développement durable doivent être compatibles avec les engagements internationaux et supposent un partage de l’information à tous les niveaux – local, national et international.

115.       L’élaboration de ces indicateurs présuppose le « choix d’une unité géographique déterminée » laquelle doit refléter la totalité des processus écologiques qui définissent de façon rationnelle les limites de l’écosystème, les ressources et l’activité du secteur des pêches ainsi que l’entité politique responsable.

116.       Ces mêmes indicateurs devront refléter la situation du système par rapport aux objectifs de la société. Le développement durable est un but pris en compte dans l’organisation du secteur des pêches. C’est pourquoi ces indicateurs doivent permettre de mesurer la durabilité des processus à l’échelle de l’ensemble de l’écosystème visé par la pêche et la génération de bénéfices nets afin d’améliorer le bien-être de tous les intervenants et de la société en général.

117.       Pour contribuer au développement durable, il faut appréhender tous les composants dans leur interdépendance. Ces composants essentiels sont les suivants : écosystèmes, économies, société en général, technologies et institutions. L’écosystème influe sur les ressources halieutiques qui soutiennent l’activité économique et, par conséquent, il joue un rôle important pour le contrôle de la productivité de la ressource. L’économie nous permet de définir le système des coûts et des profits au sein du secteur ainsi que les flux monétaires en direction et en provenance de ce secteur. La variable société nous permet d’évaluer l’activité globale non monétaire. Les technologies accélèrent les processus de production et induisent des changements d’organisation par le biais de nouvelles relations. Enfin, les institutions font référence aux normes et aux organisations qui régissent le système.

118.       Il est très difficile de fixer le nombre et de sélectionner des indicateurs valides qui reflètent et utilisent l’amélioration de la qualité des données scientifiques disponibles et qui soient à la fois viables et efficaces en fonction du coût et de l’expérience ; c’est pourquoi il convient de spécifier des « valeurs de référence » (ou points de référence) qui soient autant d’objectifs (indices standard) souhaitables avec le système considéré et qui garantissent à la fois un bon rendement et la définitions de « seuils » à ne pas dépasser.

119.       Il est donc à la fois important et significatif de rechercher des indicateurs communs à tous les composants du système (et qui puissent être approuvés et acceptés.) C’est ce que nous ferons, par exemple, à propos de l’état des ressources halieutiques lorsque nous aurons à traiter des composants mis en jeu dans les écosystèmes ; c’est aussi ce qui se produira avec les indicateurs relatifs aux profits et aux coûts (niveau de capitalisation) lorsqu’il sera question de la composante économique. De la sorte, nous pourrons apprécier l’évolution et organiser le suivi des politiques appliquées ; nous pourrons également stimuler les responsables publics et les producteurs, avec une meilleure communication entre les différents organismes internationaux et les administrations nationales.

120.       La perception de l’insuffisance des modèles de croissance et de développement antérieurs utilisés pour les pêcheries (pour lesquelles il n’existe pas de bases de données suffisamment vastes pour corriger les dysfonctionnements), a permis d’élaborer le concept de développement durable ; celui-ci doit intégrer la « satisfaction des besoins des générations actuelles sans mettre en danger la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. »

121.       Si l’industrie de la pêche dispose d’une capacité de capture bien supérieure au rythme auquel les écosystèmes sont capables de produire des réserves de poissons, c’est parce que ni les ressources naturelles (pêche) ni le capital investi n’ont été utilisés de façon pleinement efficace.

122.       De même, la globalisation du marché des produits de la pêche s’est traduite par l’orientation d’une partie de la production des marchés locaux et nationaux vers les marché d’exportation et ce phénomène suscite une double préoccupation qui concerne l’efficacité générale, c’est à dire les modalités de distribution des bénéfices et sa répercussion et ses effets sur les ressources naturelles en raison d’une spécialisation intense et immédiate.

123.       L’industrie de la pêche est capable de s’adapter rapidement. Elle est dirigée par un marché et, sur le plan international, elle est très dynamique. La pression exercée sur la ressource est plus forte du fait de l’augmentation de la consommation de protéines exigée par l’accroissement de la population de la planète. De la même façon, nous sommes les témoins d’une innovation technologique rapide qui pousse à l’efficacité et contraint les gouvernements respectifs à limiter et à contrôler l’intensité relative de l’activité de pêche.

124.       Le développement durable de la pêche suppose la prise en compte de plusieurs éléments : une meilleure reconnaissance des facteurs qui ont une incidence sur l’organisation conventionnelle de la pêche ; une meilleure intégration entre la réglementation des pêches et l’aménagement des zones côtières ; un meilleur contrôle de l’accès aux ressources partagées ; des institutions et un cadre juridique plus rigoureux ; une meilleure participation de tous les agents dans le processus d’organisation des pêches ; des systèmes de suivi, de contrôle et d’application ; l’adoption de mesures pour affronter les incertitudes et la variabilité des ressources naturelles ainsi que les dynamiques de l’écosystème ; et, enfin, un engagement ferme de la communauté d’utiliser les ressources naturelles de façon responsable.

125.       En ce sens, les objectifs sont les suivants : maintenir l’activité de pêche dans des écosystèmes spécifiques et identifiables ; garantir la viabilité à long terme des ressources qui soutiennent ces activités ; assurer le bien-être de la main d’œuvre employée par la pêche au sein d’une communauté et dans un contexte économique élargi ; assurer l’intégrité des écosystèmes marins au bénéfice d’autres utilisateurs, c’est à dire veiller sur la biodiversité, la structure trophique et sur les autres secteurs d’activité économique tels que le tourisme et les loisirs.

126.       En conséquence, l’organisation du secteur de la pêche en vue d’un développement durable est une activité qui présente de multiples dimensions et met en jeu plusieurs niveaux de décision. Les données à prendre en considération sont nombreuses et il faut disposer de multiples connaissances sur les limites des populations de poissons et sur l’activité de pêche. De même, il faut tenir compte des changements intervenus dans l’activité et qui dérivent aussi bien des comportements économiques que des disparités écologiques. Il faut aussi prendre en considération les rapports de force qu’entretiennent entre eux les agents productifs, du côté de l’offre comme dans le camp de la demande. C’est pourquoi les derniers rapports de la FAO insistent sur la nécessité d’élaborer des critères et de faire appel à des indicateurs et points de référence qui soient communs à différentes échelles.

127.       Les indicateurs de référence soulignent la nécessité de communiquer, de transférer et de rendre des comptes dans l’organisation des ressources halieutiques. Ces indicateurs nous aident dans le processus d’évaluation du fonctionnement des politiques d’organisation de la pêche au niveau mondial, régional, national et sub-national. Enfin, ces indicateurs constituent pour nous un instrument qui facilite la compréhension et la description de la situation actuelle ; cet outil devrait donc nous permettre de proposer l’adoption de mesures pour parvenir au développement durable.

128.       En conséquence, les indicateurs nous aident à définir le contexte opérationnel nécessaire pour connaître l’état du système et nous signalent en même temps les risques potentiels.

129.       Le concept de durabilité défini par la Commission du Développement Durable des Nations Unies pourrait servir de cadre simple pour l’élaboration de ces indicateurs ; ce concept prend en compte quatre dimensions – économique, sociale, écologique et institutionnelle – et quatre échelons – mondial, régional, national et local.

130.       Les critères retenus sont représentatifs des propriétés affectées par le processus de développement durable et sont déterminés par les dimensions du milieu. Dans le cadre de chacune de ces dimensions, il conviendra de définir plusieurs critères pour la sélection des objectifs, des indicateurs et des points de référence.

131.       La définition doit se situer dans le contexte d’une valeur de référence qui corresponde au but recherché, s’agissant d’un objectif et d’une ou de plusieurs limites identifiées par le système. C’est pourquoi, dans le domaine de la pêche, ces valeurs portent le nom de points de référence-objectifs ou de points de référence-limites (seuils.) Dans les deux cas, ces paramètres sont définis par rapport aux espèces-cibles d’une zone déterminée.

132.       Nous pouvons élaborer le tableau suivant à partir des critères classiques d’une organisation des pêches basée sur les dimensions économiques, écologiques, sociales et institutionnelles :

Dimensions

Critères

Dimension économique

 
 

Prises de poissons

 

Valeur des prises

 

Contribution de la pêche au PIB

 

Valeur des exportations de poisson

 

Investissements dans les flottes de pêche et dans les installations

 

Impôts et subventions

 

Emplois directs et indirects

 

Revenus

 

Bénéfices nets tirés de la pêche

Dimension sociale

 
 

Emploi et participation des agents

 

Structure démographique et répartition par sexe

 

Education et qualification professionnelle

 

Consommation de protéines

 

Revenus

 

Traditions et culture maritime

 

Endettement

Dimension écologique

 
 

Structure de prises

 

Abondance relative des espèces-cibles

 

Taux d’exploitation

 

Effets directs des engins de pêche sur les espèces non visées par l’activité

 

Effets directs des engins de pêche sur l’habitat

 

Biodiversité

 

Pression exercée sur les surfaces pêchée et non pêchée

Dimension institutionnelle

 
 

Régime d’application des normes

 

Droits de propriété

 

Transparence et participation des agents

 

Capacité d’organisation

133.       L’élaboration d’indicateurs nous permet de définir de façon significative : la capacité de description des objectifs afin de mesurer les progrès constatés pour atteindre les points de référence définis ; et les conditions d’identification des divers niveaux atteints par le système par rapport aux objectifs et sur la base de critères spécifiques. Si les objectifs ne correspondent pas aux différents niveaux considérés, il conviendra d’utiliser des indicateurs universellement acceptés pour connaître les niveaux réellement atteints dans le cadre du développement durable.

134.       C’est pourquoi, dans la majorité des rapports européens, il est précisé que « l’objectif de l’activité de pêche est de maintenir la biomasse à un niveau capable de favoriser le rendement durable optimum estimé par rapport à deux points de référence : B lim ou point de référence limite qui indique le niveau le plus bas de la biomasse compatible avec la durabilité de la ressource ; et B objet ou point de référence objectif qui précise le niveau de la biomasse considéré adéquat pour l’activité de pêche et qui fait l’objet de la réglementation adoptée. »

135.       De la sorte, nous pouvons identifier des situations critiques lorsque la biomasse diminue rapidement jusqu’à atteindre le point B lim ; il y a situation de non durabilité lorsque la biomasse tombe en dessous du niveau spécifié par B lim et il y a possibilité de développement durable lorsque la biomasse B est supérieure à B lim et se situe au niveau de B objet.

136.       Pour faciliter l’adoption d’un système d’organisation accessible à un plus grand nombre de destinataires et simplifier sa compréhension par les utilisateurs, un certain nombre d’experts ont réduit le mécanisme de régulation à une simple compilation d’indicateurs de base ; ils prétendent ainsi pouvoir enregistrer et comparer les valeurs de ces indicateurs avec les points de référence. Ainsi, pour eux, les chiffres reproduits dans le tableau ci-dessous constituent autant de variables-indicateurs :

Echelon

Situation B/Bv *

Pression F/F MRS **

Pression F/F MRE ***

Réponse

Bon

0,5-1,0

0,6-0,8

0,8-1,0

0,8-1,0

Assez bon

0,3-0,5

0,8-1,0

0,5-0,8

1,0-1,2

0,6-0,8

Moyen

0,2-0,3

1,0-1,3

1,2-1,4

0,4-0,6

Mauvais

0,1-0,2

1,3-2,0

1,4-2,0

0,2-0,4

Très mauvais

0,0-0,1

>0,2

>2,0

0,0-0,2

Légende :

B = Biomasse; Bv = Biomasse vierge ; F = Mortalité due à la pêche;

F MRS = Mortalité due à la pêche compatible avec le rendement maximum durable;

MRE = Rendement économique maximum.

** En supposant un point de référence objectif correspondant à F = 60-80 % de F-MRS.

Source : FAO : “Development and use of indicators for sustainable development of Marine Capture Fisheries.”

137.       L’importance de la biomasse en mesure de frayer reflète le bien-être de la ressource ; la capacité de pêche a un rapport évident avec la pression qu’exerce la pêche ; les revenus conditionnent le bien-être de la population humaine et la législation applicable à la pêche s’inscrit dans le cadre des normes gouvernementales.

138.       Si le MRE (rendement économique maximum) mesure la différence théorique maximale entre le profit total et les coûts d’exploitation d’une population donnée – dans les conditions en vigueur et en valorisant les facteurs de production à leurs coûts sociaux (opportunités) – le MRE est égal au revenu maximum tiré de la ressource ; ce revenu est atteint lorsque le produit marginal de l’effort est égal au coût marginal de ce même effort. Le MRE se situe à un niveau d’effort de pêche inférieur à celui que suppose le MRS.

139.       Le MRS est le rendement maximum d’équilibre théorique obtenu de façon permanente d’une population donnée dans les conditions écologiques existantes et sans influence significative sur le processus de reproduction. Aux termes de la Conférence des Nations Unies sur le Droit de la Mer, il s’agit de l’un des points de référence essentiels de l’organisation des pêches et il faut le considérer comme une norme internationale minimale pour les stratégies de réhabilitation des ressources en poisson.

7.       Quotas individuels de pêche et droits d’attribution

140.       Un argument mis en avant par différentes entités veut que l’instrumentalisation de mesures telles que les quotas individuels de pêche (QIP) soient des mécanismes susceptibles de garantir une exploitation économique viable et efficace. Deux raisons peuvent justifier ce raisonnement : a) ces quotas feront de la croissance continue de l’effort de pêche une opération financière qui sera peu intéressante pour les entreprises du secteur concurrentiel ; et, b) ces quotas feront disparaître la situation dérivée de la propriété commune et du libre accès à la mer avec, pour corollaire, l’établissement de droits d’utilisation reconnus à une unité productive.

141.       Les principales caractéristiques des quotas individuels de pêche mettent l’accent sur un droit de propriété individuel ; de ce fait, chaque pêcheur procède à son prélèvement en limitant ses réserves de poisson mais en éliminant aussi la possibilité d’une concurrence et d’une rivalité avec d’autres pêcheurs (puisque chacun d’entre eux dispose de son propre quota individuel) ; de ce fait, chacun cherchera à réduire ses coûts au minimum et à optimiser ses profits en recherchant la meilleure qualité possible des espèces capturées.

142.       Les quotas individuels de pêche peuvent être cessibles, divisibles et reconductibles de façon permanente. Le débat sur ces trois aspects a ouvert une polémique qui n’est pas encore éteinte.

143.       La cessibilité des quotas permet d’augmenter la valeur ajoutée de la pêche, d’inciter le producteur à être plus efficace et de canaliser son activité vers le marché qui s’avère le plus rentable pour lui. En revanche, la cessibilité permet la concentration productive et territoriale et elle peut favoriser l’émergence de nouveaux oligopoles par secteur ou par région (zones ou ports) qui pourraient affecter l’offre de produits de la pêche, leur valeur et avoir des effets négatifs sur certaines zones qui dépendent de la pêche.

144.       La divisibilité permet de faire la distinction entre droits d’accès et droits de pêche ; ainsi, il est possible d’établir des mécanismes de régulation différents et de créer des « marchés parallèles » ou « sous-systèmes de régulation parallèles » qui pourront se transformer en possibilités légales de pêche et donneront un fondement plus sûr aux droits de répartition.

145.       La notion de permanence recouvre la manière dont s’acquiert le droit de pêcher ; elle concerne aussi la durée pendant laquelle il est attribué et précise également la valeur de son octroi. En raison de l’hétérogénéité des zones de pêche, il est difficile de dégager une norme commune à tous les cas mis en pratique. Cela dit, l’établissement d’un mécanisme et d’une relation de permanence devrait permettre d’ajuster les capacités d’une flotte aux possibilités de pêche et, par voie de conséquence, d’établir les équations d’équilibre aussi bien du point de vue social qu’au regard des paramètres économiques et technologiques.

146.       La Commission Européenne analyse actuellement le système des quotas individuels de pêche qui pourrait être l’une des formules retenue en tant que mécanisme de gestion que la réforme de 2002 doit appliquer ; nous pouvons considérer que ce système présente les avantages stratégiques suivants :

a.       il s’agit d’un système de gestion décentralisé. Une fois fixé le TAC et après concession des droits individuels de pêche à chaque embarcation ou zone, chacun peut établir son propre plan d’action et réguler son activité de pêche ;

b.       cette formule peut contribuer à la stabilisation du marché ; en effet, a partir des droits de propriété et des quotas, les entreprises de pêche peuvent faire appel à des fonctions d’arbitrage et atténuer ainsi l’effet de fluctuations dans l’offre induites par l’état des ressources halieutiques ; elles faciliteront ainsi la définition et la mise en pratique d’un plan stratégique à moyen terme ;

c.       le système des quotas individuels contribue à améliorer la qualité du poisson. En effet, chaque embarcation va vouloir rentabiliser au maximum l’activité économique et fera en sorte d’exploiter les espèces de meilleure qualité (dont la valeur marchande est la plus grande) afin d’optimiser ses profits ;

d.       l’application des quotas individuels de pêche devrait permettre de faire disparaître « la course à la pêche » ainsi que les activités déployées dans des conditions dangereuses ; en effet, par le biais de l’octroi de quotas à chaque unité, la rivalité et la concurrence disparaissent tout comme la « myopie » du pêcheur et le mimétisme de l’armateur, et cette formule contribue donc à une meilleure sécurité en mer.

147.       Mais ce système présente également certains inconvénients ; en effet, le modèle des quotas individuels n’est pas parfait parce qu’il exige contrôle et surveillance et qu’il requiert une volonté collective forte des producteurs d’agir dans un cadre réglementé. De la même façon, le système des quotas individuels présente des effets négatifs dans la mesure où il élimine d’autres solutions ; en outre, il est difficile de l’appliquer aux activités de pêche qui portent sur plusieurs espèces tout comme avec des modalités hétérogènes dans des espaces marins concrets et chaque fois que le stock doit être partagé entre plusieurs pays.

8.        Nouvelle territorialisation du secteur de la pêche

148.        La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 avait défini la zone économique exclusive comme un domaine maritime qui s’étend jusqu’à la limite des 200 miles nautiques ; dans cet espace, chaque État côtier peut faire valoir sa souveraineté pour exploiter ses ressources naturelles, mettre en application sa politique de conservation et imposer sa juridiction sur la zone correspondante.

149.       L’application du concept de zone économique exclusive couvre la presque totalité du plateau continental sur lequel vivent et se reproduisent la majorité des ressources de la pêche.

150.       En vertu des accords et conventions, chaque État côtier doit et peut déterminer quelle est sa capacité de prise dans la zone économique exclusive (ZEE) qui dépend de lui  et permettre ainsi d’établir les éventuelles conditions d’accès d’autres États à ses excédents.

151.       La Convention citée plus haut précise que les eaux territoriales sont exclusives de chaque État côtier et qu’elles s’étendent jusqu’à 12 miles nautiques.

152.       La dernière décennie a vu les États se préoccuper particulièrement de la réglementation des pêches. D’une part, les droits de propriété associés aux zones de pêches qui s’étendent au-delà des juridictions nationales ont fait l’objet d’une série d’accords internationaux. C’est ainsi qu’en 1993 a été adopté l’Accord de la FAO destiné à promouvoir le respect des mesures internationales de conservation et de réglementation applicables aux bateaux de pêche en haute mer (qui n’est d’ailleurs toujours pas entré en vigueur.) Cet accord tente de renforcer l’exclusivité des droits de propriété de ceux qui travaillent en haute mer et de préciser les responsabilités qui sont celles des autorités en matière de réglementation des pêches afin de mieux contrôler cette activité.

153.       Dans le cadre des Nations Unies, un accord a été trouvé à propos des populations de poissons qui migrent fortement d’une zone à une autre (1995) ; il s’agit de définir les droits de propriété et de renforcer les responsabilités de l’État dont dépendent les embarcations qui exploitent ces ressources halieutiques.

154.       Nous assistons donc à :

i.       la fixation d’une limite d’accès aux eaux territoriales (12 miles) ;

ii.       à la définition du principe d’exclusivité reconnu aux flottes de l’État côtier, avec possibilité d’appliquer un principe de préférence pour l’accès à la frange maritime contiguë aux eaux territoriales.1

155.       C’est pourquoi les débats actuels sont axés sur la prise en considération de nouvelles situations :

i.       qui – et de quelle façon – réglemente et régule la gestion des pêches dans la zone qui s’étend au-delà des 200 miles et sur la base de quels principes ?

ii.       que peut-il se passer dans l’espace compris entre les 12 et 200 miles nautiques, avec possibilité de ventilation en différentes sous-zones – 0-6 miles, 6-12 miles ou 12-24 miles – en fonction des différentes résolutions nationales et demandes formulées par les organisations professionnelles en quête de meilleures conditions d’appropriation et d’exclusivité sur les zones de pêche ?

156.       L’évolution permanente de l’ordre international dans le domaine de la pêche au cours des dernières années nous aide à percevoir l’existence de plusieurs axes de mutation. Certains pays et certaines flottes ont concentré leurs efforts sur la modification des droits d’accès et sur la limitation des conditions d’accès. Un second groupe de pays et de flottes ont essayé de renforcer leur souveraineté et de développer la revendication d’un « intérêt spécial » sur les ressources halieutiques dans une zone plus vaste que celle définie par les 200 miles ; c’est ce que les juristes appellent la « juridiction rampante » et la « présence en mer. » Sur la base de l’évaluation des modifications et changements intervenus autour des flux de distribution et d’échange, un troisième groupe a développé une stratégie d’implantation et de localisation d’industries liées au secteur de la pêche. Enfin, après avoir analysé les impacts socio-économiques sur les zones qui dépendent de la pêche, une autre tendance réclame l’application du principe de subsidiarité et de régionalisation maritime pour parvenir à des niveaux plus intéressants d’appropriation et de territorialisation des activités de pêche.

157.       Si nous nous en tenons à la tendance de plus en plus marquée à la nouvelle « territorialisation » des espaces maritimes définie par les tendances au renforcement de la capacité juridique en vue de déterminer les mesures à prendre pour la gestion des ressources halieutiques, nous observons l’existence de plusieurs processus qui présentent une pertinence particulière : a) le processus de spécialisation productive s’accélère ; en d’autres termes, les flottes réorientent leurs prises en direction d’espèces déterminées ; elles hiérarchisent leurs objectifs de capture afin d’aboutir à la plus grande capacité productive qui génère le plus fort quota de production et contribue aux meilleures possibilités d’accès et de pêche des espèces qui font l’objet de son activité. Cette spécialisation progressive déterminera l’existence de marchés spécifiques pour chacune des espèces qui disposeront progressivement de plus grandes possibilités de commercialisation ; et, b) nous assistons à une intensification de l’exclusivité dont bénéficient les unités de pêche en ce qui concerne à la fois les zones de pêche et les espèces ; en outre, nous voyons se développer un processus de concession de droits de propriété et de détermination des conditions de cessibilité des droits de pêche avec concentration des opportunités correspondantes et des tentatives pour mieux contrôler la production des espèces qui font l’objet des prises.

158.       Ces phénomènes sont autant de tentatives qui visent à isoler le comportement national et celui des entreprises par rapport à des perturbations « exogènes » du secteur et à « réduire » son hétérogénéité, telle qu’elle se manifestait jusqu’à maintenant ; il s’agit, à terme, de renforcer l’intervention individualisée des sociétés, comme si nous étions dans la situation d’un propriétaire unique.

159.       La nouvelle « territorialisation » de la mer provoque autant de mutations dans les modes de production que dans les modalités de distribution des produits de la pêche.

160.       Les impacts constatés sur l’économie de la pêche seront donc appréhendés suivant différents plans :

161.       Les effets les plus directs concernent les marchés. Les pays affectés par la réduction de leurs possibilités de pêche – comme c’est le cas actuellement pour certaines activités communautaires (Canada, Argentine, Maroc, entre autres) – font l’objet d’un processus qui peut être illustré par le schéma suivant :

 



Réduction des droits d’accès


Règles d’origine

   


Nécessité d’importer

 
 

Plus grandes difficultés pour localiser les zones de pêche


Accords commerciaux

 



Recherche de nouvelles sources d’approvisionnement régulières et constantes

 
 


Nécessité d’accords publics et privés

 



Spécialisation productive et sélection des espèces

       
     


Différentiation des produits issus d’une même espèce

 


Contreparties commerciales dérivées d’accords publics




Nécessité de trouver des partenariats dans le pays d’accueil

Différentiation des prix

Concurrence – rivalité

MARCHES DES PRODUITS DE LA PECHE

162.       La nécessité d’examiner de près le « pour » et le « contre » à propos de l’application des quotas individuels cessibles dans le cadre de la réglementation basée sur le droit de propriété a focalisé l’attention des experts. Ainsi, l’OCDE a réuni un groupe d’experts à qui elle a demandé d’analyser les conséquences économiques et de déterminer les voies à suivre pour garantir la conservation, la gestion et l’utilisation durable de la biodiversité marine. De la même façon, la Conférence de Freemantle – FishRights99 – sur l’utilisation des droits de propriété dans la réglementation des pêches a mobilisé l’attention de certains gouvernements, d’administrateurs, d’industriels, de négociants et de différentes communautés de pêcheurs.

163.       La voie est ouverte et de nombreux pays étudient les possibilités de définir avec une plus grande clarté les conditions d’introduction de droits de propriété exclusive pour ceux qui participent à des activités de pêche industrielles et semi-industrielles spécifiques. Tels sont les cas des pays d’Amérique du Sud intéressés notamment par les pêcheries pélagiques (Chili et Pérou) et les pêcheries de fond (Uruguay et Argentine). L’application de ces décisions et des mesures qui en découlent tend à réserver l’exclusivité aux « nationaux » et provoque, de ce fait, la baisse du nombre – et, dans certains cas – l’exclusion des « étrangers ». Dans le même temps, ces attitudes provoquent une réaction contraire de la part d’autres pays qui voient ainsi réduites leurs capacités de négociation en matière de pêche.

164.       Nous assistons donc actuellement à un nouveau processus de « territorialisation  » de la mer ; par ailleurs, dans certains pays d’Amérique du Sud, des droits de pêche exclusifs sur des ressources halieutiques déterminées et dans des zones bien particulières sont déjà concédés à des organisations spécifiques de producteurs, afin de permettre aux communautés locales qui y vivent de soutenir leurs économies ; c’est le cas au Pérou, en Équateur, au Brésil, au Mexique et à Cuba.

9.       Conclusions

165.       La nécessité de garantir des approvisionnements réguliers et constants exige de pouvoir compter sur l’accès aux droits de pêche. Si ce n’était pas le cas, il faudrait organiser un flux en provenance de la zone de pêche elle même pour bénéficier de produits de substitution fournis par des agents économiques rivaux ou encore organiser un nouveau partenariat qui soit l’expression de stratégies intégrées.

166.       Le schéma combiné « droits de pêche + différentiation des produits + différentiation des prix + intégration aux nouvelles chaînes de distribution » aura une incidence sur les positions adoptées par les groupes de pêche et servira de support aux mesures prises par les institutions compétentes.

167.       Le marché (sous l’effet des processus de libéralisation et de réduction des barrières douanières) a tendance à annuler « l’interventionnisme » et à se transformer en protagoniste. De la sorte, nous assistons à un double processus parallèle : en premier lieu, création de nouvelles organisations de producteurs et de sociétés de gestion ; en second lieu, apparition de nouvelles espèces de produits de la mer sur les canaux de commercialisation, d’industrialisation et de distribution. Tels sont les phénomènes induits par l’adaptation à la logique commerciale dans laquelle – pour reprendre les propos et les arguments des pêcheurs – « les armateurs perdent la suprématie politique, les acheteurs dominent et les distributeurs contrôlent. »

168.       Les groupes d’entrepreneurs ont fait le nécessaire pour se positionner par rapport à cette nouvelle logique économique issue du processus de territorialisation de la mer. Il ne serait donc pas étrange d’observer l’acquisition de « droits de pêche » sur des lieux lointains, afin de réserver les possibilités d’accès aux ressources qui s’y trouvent. Il ne serait pas non plus surprenant d’assister à l’échange et à la cession définitive ou provisoire par les entreprises de leurs droits d’accès et d’utilisation, en fonction des stratégies qu’elles auraient adoptées. L’une et l’autre façons de procéder sont en cours d’expérimentation (notamment en ce qui concerne les pêches spécialisées), aussi bien de la part de collectifs ou d’associations que d’entreprises individuelles en rapport de partenariat avec d’autres entreprises des pays riverains.

169.       En conséquence, la réglementation des pêches au XXIème siècle va devoir accorder davantage d’attention aux droits de propriété ; de ce fait, les privilèges et les limites devront être définis avec une plus grande rigueur ; c’est le cas également pour les responsabilités et les contrôles ainsi que pour les mesures incitatives susceptibles de garantir une stratégie capable de prendre en compte les principes de précaution et de prévention. Dans le contexte actuel de la globalisation, il se produit une « dé-territorialisation » des activités de pêche, surtout dans le cas des secteurs industriels et semi-industriels ; ce processus commence à se manifester dans la nature et l’importance des prises, des équipages et des capitaux investis.

170.       Bien que les États n’aient pas renoncé à préserver leurs économies nationales convoitées par des stratégies d’entreprise en s’appuyant sur l’imposition de règles internes, il n’en est pas moins vrai qu’ils cherchent à « protéger » leurs territoires en fonction des intérêts de leurs pêcheurs.

171.       En bref, la réglementation actuelle des pêches tente de trouver un « équilibre permanent entre les logiques territoriales et les logiques du marché », au vu de l’adoption de certaines positions qui tentent d’échapper aux contrôles et aux cadres institutionnels universellement acceptés.

ANNEXE 1

CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER

ET ACCORDS Y RELATIFS

Etats membres du Conseil de l’Europe Parties à la Convention et aux Accords

(en date du 5 février 2002)

(pour plus d’information, veuillez consulter le site des N-U : www.un.org/French/law/los/)

Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer :

Autriche (14 juillet 1995)

Belgique (13 novembre 1998)

Bulgarie (15 mai 1996)

Croatie (5 avril 1995)

Chypre (12 décembre 1988)

République tchèque (21 juin 1996)

Finlande (21 juin 1996)

France (11 avril 1996)

Allemagne (14 octobre 1994)

Grèce (21 juillet 1995)

Hongrie (5 février 2002)

Islande (21 juin 1985)

Irlande (21 juin 1996)

Italie (13 janvier 1995)

Luxembourg (5 octobre 2000)

Malte (20 mai 1993)

Pays-Bas (28 juin 1996)

Norvège (24 juin 1996)

Pologne (13 novembre 1998)

Portugal (3 novembre 1997)

Roumanie (17 décembre 1996)

Fédération de Russie (12 mars 1997)

Slovaquie (8 mai 1996)

Slovénie (16 juin 1995)

Espagne (15 janvier 1997)

Suède (25 juin 1996)

Ex république Yougoslave de Macédoine (19 août 1994)

Ukraine (26 juillet 1999)

Royaume Uni (25 juillet 1997)

Communauté européenne (1 avril 1998)

Accord relatif à l’application de la Partie XI de la Convention:

Autriche (14 juillet 1995)

Belgique (13 novembre 1998)

Bulgarie (15 mai 1996)

Croatie (5 avril 1995)

Chypre  (27 juillet 1995)

République tchèque (21 juin 1996)

Finlande (21 juin 1996)

France (11 avril 1996)

Géorgie (21 mars 1996)

Allemagne (14 octobre 1994)

Grèce (21 juillet 1995)

Hongrie (5 février 2002)

Islande (28 juillet 1995)

Irlande (21 juin 1996)

Italie (13 janvier 1995)

Luxembourg (5 octobre 2000)

Malte (26 juin 1996)

Pays-Bas (28 juin 1996)

Norvège (24 juin 1996)

Pologne (13 novembre 1998)

Portugal (3 novembre 1997)

Roumanie (17 décembre 1996)

Fédération de Russie (12 mars 1997)

Slovaquie (8 mai 1996)

Slovénie (16 juin 1995)

Espagne (15 janvier 1997)

Suède (25 juin 1996)

Ex République Yougoslave de Macédoine (19 août1994)

Ukraine (26 juillet 1999)

Royaume-Uni (25 juillet1997)

Yougoslavie (28 juillet1995)

Communauté européenne (1 avril 1998)

Accord aux fins de l’application des dispositions de la Convention relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs :

Islande (14 février 1997)

Malte (11 novembre 2001)

Norvège (30 décembre 1996)

Fédération de Russie (4 août 1997)

Royaume Uni au nom de Pitcairn, Henderson, Ducie and Oeno Islands, Falkland Islands, South Georgia and South Sandwich Islands, Bermuda, Turks and Caicos Islands, British Indian Ocean Territory, British Virgin Islands and Anguilla (10 December 2001)

 

ANNEXE 2

ACCORD DE LA FAO VISANT A FAVORISER LE RESPECT PAR LES NAVIRES DE PECHE EN HAUTE MER DES MESURES INTERNATIONALES DE CONSERVATION ET DE GESTION

Etats membres du Conseil de l’Europe Parties à l’Accord

(en date du 5 février 2002)

(davantage d’information sur le site de la FAO: www.fao.org/legal/treaties/012s-f.htm)

 Parties

Adhésion

Chypre

19 juillet 2000

Géorgie

7 septembre1994

Norvège

28 décembre 1994

Suède

25 octobre 1994

Communauté européenne

6 août 1996

Commission saisie du rapport : commission de l’environnement et de l’agriculture

Renvoi en commission : Doc. 8228 et renvoi n° 2333 du 4 novembre 1998

Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 27 février 2002.

Membres de la commission : M. Martinez Casañ (Président), MM. Behrendt, Hornung, Stankevic (Vice-présidents), M. Agius, Mme Agudo (Remplaçant : M. Padilla), MM. Akçali, Akselsen, Mme Angelovicova, MM. Annemans, Apostoli, Bartos, Bockel, Briane, Browne, Carvalho, Sir Sydney Chapman, MM. Churkin, Ciemniak (Remplaçant : Giertych), Cosarciuc, Duivesteijn, von der Esch, Etherington, Frunda, Giovanelli, Gonzalez de Txabarri, Graas, Grachev, Grignon, Grissemann, Gubert, Hadjiyeva, Haraldsson, Ilascu, Janowski, Juric, Kalkan, Mme Kanelli, MM. Kharitonov, Lord Kilclooney, MM. Kostenko, Kostytsky, Kurucsai, Kurykin, Lachat (Remplaçante : Mme Fehr), Libicki, van der Linden, Lotz, Manukyan, Mariot, Mauro, Meale, Mme Mikaelsson (Remplaçant : M. Bergqvist), MM. Monteiro, Müller (Remplaçant : Michels), Oliverio, Podobnik, Pollozhani, Popov, Salaridze, Mme Schicker, MM. Schmied, Skopal, Skoularikis (Remplaçant : Floros), Mme Stoejberg, M. Stoica (Remplaçant : Coifan), Mme Stoyanova, MM. Theodorou, Timmermans, Tiuri, Truu, Vakilov, Velikov, Volpinari, Yürür, Zierer.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en italique.

Secrétariat de la commission : Mme Cagnolati, M. Sixto et Mme Odrats.


1 Le Rapporteur remercie le Professeur Fernando Gonzalez Laxe pour sa précieuse coopération et sa contribution à la préparation de ce rapport.