Recueil des amendements écrits (Version finale)
- Doc. 13731
- Drones et exécutions ciblées: la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international
Index du compendium
Amendement 2Amendement 1Amendement 3Amendement 4
- Légende :
- Pour
- Contre
- Non voté
- Retiré
Projet de résolution
1L’Assemblée parlementaire considère que l’utilisation des drones armés à des fins d’exécutions ciblées soulève de graves questions sur le plan du droit international des droits de l’homme et d’autres domaines du droit international.
2L’Assemblée observe que plusieurs Etats membres et Etats qui jouissent du statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe ou de l’Assemblée parlementaire ont utilisé des drones de combat comme arme de guerre ou pour procéder à des exécutions ciblées de personnes soupçonnées d’appartenir à des groupes terroristes dans un certain nombre de pays, dont l’Afghanistan, le Pakistan, la Somalie et le Yémen.
3Plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe ont fait l’acquisition de drones de combat ou envisagent de le faire, ou ont partagé des renseignements dont ils disposaient avec des Etats qui utilisent des drones de combat à des fins d’exécutions ciblées et les ont ainsi aidés à pratiquer des attaques à l’aide de drones.
4Les drones armés permettent d’effectuer des attaques à distance, sans que le personnel de l’attaquant risque d’être blessé ou capturé. Le fait que les drones équipés de puissants capteurs soient capables de rester quelques temps au-dessus d’une cible potentielle permet de décider le lancement d’une attaque à partir d’informations particulièrement précises et actualisées. Ces avantages ont contribué à abaisser le seuil d’intervention et à augmenter le nombre de frappes à l’aide de drones au cours de ces dernières années. Parallèlement, la précision accrue des frappes effectuées à l’aide de drones offre la possibilité de mieux respecter le droit international humanitaire et des droits de l’homme.
5L’Assemblée s’inquiète du grand nombre d’attaques meurtrières menées à l’aide de drones, qui ont également causé de nombreux «dommages collatéraux» à des personnes qui n’étaient pas des combattants, alors que les auteurs de ces frappes vantent leur caractère «chirurgical». La peur constante des attaques de drones engendrée par des frappes qui ont touché des écoles, des mariages et des assemblées tribales a perturbé la vie des sociétés traditionnelles dans les pays où se déroulent ces opérations.
6Les frappes effectuées à l’aide de drones soulèvent de graves points de droit, qui diffèrent en fonction des circonstances dans lesquelles ces frappes interviennent:
6.1la souveraineté nationale et le respect de l’intégrité territoriale au regard du droit international interdisent toute forme d’intervention militaire sur le territoire d’un autre Etat sans autorisation valable des représentants légitimes de l’Etat concerné. Les responsables militaires ou des services de renseignement de l’Etat concerné qui tolèrent, voire autorisent ces interventions sans l’approbation ou contre la volonté des représentants de l’Etat (notamment le parlement national) ne peuvent légitimer une attaque; l’obligation de respecter la souveraineté nationale peut connaître des exceptions, qui découlent du principe de la «responsabilité de protéger» (par exemple dans la lutte contre le groupe terroriste connu sous le nom d’«EI»);
6.2en vertu du droit international humanitaire, qui est applicable aux situations de conflit armé, seuls les combattants représentent des cibles légitimes. De plus, le recours à la force meurtrière doit être militairement nécessaire et proportionné et des précautions raisonnables doivent être prises pour éviter les erreurs et minimiser le préjudice causé aux civils;
6.3au regard du droit international des droits de l’homme, qui est généralement applicable en temps de paix, mais dont l’application a progressivement imprégné aussi les situations de conflit armé, l’exécution intentionnelle par des agents de l’Etat est uniquement légale si la protection de vies humaines l’exige et s’il n’existe aucun autre moyen, tel que la capture ou la neutralisation sans infliger la mort, d’empêcher que des vies ne soient en danger;
6.4plus précisément, en vertu de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme, la privation du droit à la vie doit être absolument nécessaire pour préserver la vie d’autrui ou protéger autrui contre les violences illégales. L’article 2 exige également qu’une enquête complète et effective soit menée en temps utile pour amener les responsables de tout acte répréhensible à en rendre compte;
6.5pour justifier une utilisation plus large des exécutions ciblées, certains Etats ont étendu la notion de conflit armé non international de manière à ce qu’elle englobe de nombreuses régions du monde dans la catégorie des «zones de combat» de la «guerre mondiale contre le terrorisme». Cette démarche risque de brouiller la frontière entre conflit armé et exécution des lois, au détriment de la protection des droits de l’homme.
7Malgré quelques progrès récents, dus au succès de certaines actions en justice menées notamment par des médias américains, les attaques effectuées à l’aide de drones de combat restent largement enveloppées d’une atmosphère de secret. Cela tient à la fois à l’issue véritable de chaque attaque, et notamment à l’étendue des «dommages collatéraux», et au processus décisionnel qui consiste à cibler des personnes en mettant en balance les dommages qui peuvent être causés aux non-combattants.
8L’Assemblée appelle tous les Etats membres et Etats observateurs, ainsi que les Etats dont les parlements ont le statut d’observateur auprès de l’Assemblée:
8.1à respecter scrupuleusement les limites imposées aux exécutions ciblées par le droit international et le droit international humanitaire et relatif aux droits de l’homme, notamment en matière d’utilisation des drones de combat;
8.2à définir des procédures claires pour l’autorisation des frappes, qui doivent faire l’objet d’une surveillance constante, exercée par une juridiction de haut niveau, et d’une évaluation a posteriori, réalisée par une instance indépendante;
8.3à éviter d’élargir la notion de «conflit armé non international», en continuant à respecter les critères établis, notamment le degré requis d’organisation des groupes non étatiques et un certain degré d’intensité et de localisation de la violence;
8.4à mener des enquêtes complètes en bonne et due forme sur tous les décès causés par les drones armés, afin d’amener les responsables d’actes répréhensibles à en rendre compte et d’indemniser les victimes d’attaques lancées fautivement ou les membres de leur famille;
8.5à publier les critères et les procédures utilisés pour cibler des personnes et les conclusions des enquêtes menées sur les décès causés par l’utilisation des drones de combat;
8.6à s’abstenir d’avoir recours à, ou de fournir des informations provenant des services de renseignements ou d’autres éléments pour:
8.6.1toute procédure automatique visant à cibler des personnes sur la base de modes de communication ou d’autres données collectées par des techniques de surveillance massive;
8.6.2les «frappes signatures» qui ne reposent pas sur l’identification précise d’une personne ciblée, mais sur le mode de comportement de la cible (sauf dans les situations de conflit armé, sous réserve que les dispositions du droit international humanitaire soient respectées);
8.6.3les «frappes en doublé», qui consistent à prendre pour cible dans une deuxième frappe les premiers intervenants (par exemple les personnes qui dispensent une assistance médicale aux victimes d’une première frappe).
Projet de recommandation
1L’Assemblée parlementaire, se référant à la Résolution … (2014) sur les drones et exécutions ciblées: la nécessité de veiller au respect des droits de l’homme et du droit international, invite le Comité des Ministres à entreprendre une étude approfondie sur la légalité de l’utilisation des drones de combat à des fins d’exécutions ciblées et, si besoin est, à élaborer des lignes directrices à l’intention des Etats membres sur les exécutions ciblées, et plus spécialement sur celles qui sont menées à l’aide de drones de combat. Il importe que ces lignes directrices reflètent les obligations nées pour les Etats du droit international humanitaire et des droits de l’homme, notamment les normes énoncées par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme.